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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones

Fascicule 4 - Témoignages du 22 février 2000


OTTAWA, le mardi 22 février 2000

Le comité sénatorial permanent des peuples autochtones auquel est renvoyé le projet de loi C-9, Loi portant mise en vigueur de l'Accord définitif Nisga'a, se réunit aujourd'hui, à 9 h 05, pour examiner le projet de loi.

Le sénateur Jack Austin, c.p., (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Honorables sénateurs, nous poursuivons l'examen du projet de loi C-9, Loi portant mise en vigueur de l'Accord définitif Nisga'a.

Ce matin, nous recevons les représentants du Conseil tribal Nisga'a suivants: M. Joseph Gosnell, président; M. Edmond Wright, secrétaire-trésorier; M. Nelson Leeson, président-directeur général; M. Harry Nyce, négociateur principal des ressources; M. James Aldridge, conseiller juridique.

Monsieur Gosnell, c'est probablement la dernière fois que vous avez à comparaître dans le cadre du processus législatif, et je suis sûr que vous n'en êtes pas mécontent. Nous vous souhaitons la bienvenue. Nous sommes conscients des longues années que vous-même et le Conseil tribal Nisga'a ont consacrées au processus que nous examinons. Nous attendons votre déclaration avec impatience, si bien que je vous cède la parole sans plus tarder.

M. Joseph Gosnell, président, Conseil tribal Nisga'a: Honorables sénateurs, nous sommes très heureux d'avoir la possibilité de comparaître devant le comité ce matin. Nous aimerions que les honorables sénateurs soient parfaitement au fait de la position de notre Conseil tribal au sujet du traité Nisga'a.

Le Conseil tribal Nisga'a remercie le comité de lui donner l'occasion de discuter du traité Nisga'a, également connu sous le nom d'Accord définitif Nisga'a. Nous avons suivi de près les débats du Sénat, et nous nous réjouissons de pouvoir apporter des réponses aux questions soulevées par les sénateurs pendant la deuxième lecture du projet de loi C-9.

Le traité est l'aboutissement de plus d'un siècle de lutte menée par notre peuple pour obtenir un règlement juste et honorable de la question des terres. Tout au long de cette lutte, nous n'avons cessé d'affirmer notre titre aborigène et notre droit à l'autonomie gouvernementale au sein du Canada.

L'Accord dont il est question aujourd'hui ne fait pas droit à toutes nos revendications. C'est un compromis, mais nous savons que la conclusion d'un accord l'exige. Nous sommes fiers du traité et espérons que le Canada le ratifiera dans les plus brefs délais.

Nombreux sont ceux qui, parmi vous, connaissent le long périple de notre nation. Il y a 112 ans de cela, nos ancêtres et les chefs de la Nation Tsimshian se sont rendus à Victoria pour demander la négociation d'un traité, mais ils ont été éconduits par le gouvernement provincial de l'heure.

Le 21 mai 1913, notre peuple a présenté une pétition au Conseil privé de Sa Majesté à Londres afin d'obtenir qu'une décision soit prise au sujet de nos droits à la propriété de nos terres ancestrales et des droits que nous pouvons exercer sur ces terres. Cette pétition était accompagnée d'une déclaration adoptée à l'unanimité lors d'une réunion de la Nation Nisga'a -- ou tribu d'Indiens -- à Kincolith, le 22 janvier 1913. Cette déclaration comportait les remarques suivantes:

Nous ne sommes pas opposés à ce que les Blancs viennent s'installer sur notre territoire, à condition que cela se fasse dans le respect de la justice et conformément aux principes britanniques contenus dans la Proclamation royale. Si donc, comme nous nous y attendons, les droits autochtones que nous revendiquons étaient établis sur décision du Conseil privé de Sa Majesté, nous serions prêts à adopter une position modérée et raisonnable. Dans ce cas, tout en revendiquant le droit de décider nous-mêmes des conditions dans lesquelles nous traiterions les questions relatives à notre territoire, nous serions prêts à accepter que toutes les affaires pendantes entre la province et nous-mêmes soient réglées de manière définitive, selon une méthode équitable dont nous conviendrions, prévoyant notamment que les tribus indiennes seraient représentées à toute commission qui pourrait alors être nommée.

Notre peuple s'en tient à cette approche depuis lors. Nous avons insisté pour que le traité respecte les principes de la Proclamation royale de 1763. Nous avons adopté une position raisonnable et modérée, comme nous l'avions promis dans la déclaration de 1913. Et nous n'avons pas cessé de revendiquer le droit de fixer les modalités d'utilisation de notre territoire.

Malheureusement, notre pétition n'a jamais été prise en considération par le Conseil privé.

L'année où nous avons présenté cette pétition, Duncan Campbell Scott est devenu sous-surintendant général des Affaires indiennes. Pour M. Scott, l'assimilation de notre peuple était la politique appropriée à adopter par le gouvernement du Canada. Il aurait déclaré:

Je veux me débarrasser du problème des Indiens. Notre objectif est de continuer jusqu'à ce que tous les Indiens au Canada aient été absorbés dans la société, qu'il n'y ait plus de question indienne ni de ministère des Indiens.

Les politiques de M. Scott continueront à marquer l'administration de la Loi sur les Indiens pendant de nombreuses années, avec les tragiques résultats que nous connaissons tous bien. M. Scott était sans aucun doute convaincu qu'il poursuivait une politique de promotion de l'égalité.

En 1927, vos prédécesseurs au Parlement rendirent illégale la collecte d'argent pour soutenir les revendications d'une tribu ou d'une bande indienne, y compris les revendications territoriales. Ils interdirent également nos potlatchs, la tradition de fêtes qui est la nôtre. Pendant de nombreuses années, nos préoccupations territoriales, de même que notre culture ont été réprimées. Les membres de notre peuple ont été placés dans des réserves, nos enfants, dans des pensionnats.

D'aucuns ont affirmé que ces mesures avaient été prises avec de bonnes intentions. C'est peut-être vrai, compte tenu que les gens bien intentionnés estimaient alors que, pour une raison ou pour une autre, l'éradication de notre culture, la confiscation de nos terres et de nos ressources et l'assimilation de notre peuple étaient dans notre intérêt. Évidemment, ces initiatives ont échoué: elles déniaient aux Autochtones la capacité de représenter leurs propres intérêts et de négocier des accords pour continuer à exister en tant que peuples; elles étaient plutôt conçues pour faciliter notre assimilation et notre extinction.

La question des terres n'a pas disparu. Malgré la Loi sur les Indiens, malgré les pensionnats, la pauvreté et notre impuissance à empêcher que nos terres et nos ressources ne contribuent à l'enrichissement d'autrui, nous n'avons pas été assimilés, monsieur le président. Nous avons survécu. Et aujourd'hui, la Nation Nisga'a se présente devant vous, fière de sa survie, fière d'inaugurer la nouvelle relation définie par le traité Nisga'a.

L'ère moderne de notre combat commence avec la création du Conseil tribal Nisga'a en 1955. Celui-ci héritait des responsabilités du Comité des terres Nisga'a de la génération précédente.

En 1967, nous nous sommes heurtés au refus persistant des gouvernements fédéral et provinciaux de négocier un règlement de nos revendications territoriales. Nous avons donc engagé un procès connu aujourd'hui sous le nom de l'affaire Calder, du nom de notre président de l'époque, M. Frank Calder, notre président émérite actuel.

Alors que notre affaire suivait son cours devant les tribunaux, le gouvernement fédéral, dirigé par le premier ministre Trudeau, a présenté le célèbre livre blanc auquel il a été fait allusion au cours du présent débat. Aux yeux de beaucoup, ce livre blanc ne représentait pas une politique d'égalité, mais une politique d'assimilation et de déni de nos droits en tant qu'Autochtones. Cette politique a été rejetée.

De plus, le principe fondamental de ce document selon lequel les droits autochtones ne représentent rien d'autre que des «possibilités qui ne se sont jamais concrétisées», a été rejeté par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Calder en 1973. La Cour a en effet décidé que le titre aborigène existe en common law, sans égard à une concession ou un acte de reconnaissance éventuel de la Couronne. Bien que les avis des membres de la cour aient été également partagés sur la question de savoir si notre titre aborigène avait été aboli avant la Confédération, l'arrêt rendu avait amené le premier ministre Pierre Trudeau à déclarer: «Peut-être avez-vous plus de droits que nous ne le pensions».

Point plus important, cette décision a conduit à l'établissement de la politique de revendications territoriales globales du gouvernement fédéral en 1973, qui a permis à de nombreux autres peuples autochtones de négocier et de conclure des accords sur leurs revendications territoriales ou de signer des traités contemporains.

Les négociations entre le Canada et le Conseil tribal Nisga'a ont commencé en 1976, il y a plus de 23 ans. Au début, le gouvernement de la Colombie-Britannique n'était représenté que par des observateurs, rendant impossible la conclusion d'un accord définitif.

Au début des années 80, les Nisga'a sont parvenus, avec d'autres groupes autochtones, à persuader les gouvernements d'inclure ce qui constitue aujourd'hui les paragraphes 35(1) et (2) du nouveau texte constitutionnel. Depuis 1982, il est indiscutable que les droits des Autochtones au Canada sont reconnus dans cette Loi constitutionnelle de 1982 et sont donc protégés par la loi supérieure du Canada.

Ces dispositions étaient accompagnées d'une autre mesure énoncée dans l'article 37, qui prévoyait la tenue d'une conférence des premiers ministres au cours de laquelle on discuterait de la manière de déterminer et de définir les droits des peuples autochtones qui seraient inclus dans la Constitution du Canada.

Cette conférence des premiers ministres, à laquelle la Nation Nisga'a a participé en tant que membre de l'Assemblée des premières nations, a abouti à l'ajout, en 1983, des paragraphes 35(3) et (4) à la Loi constitutionnelle de 1982. Ces modifications signifient que le paragraphe 35(1) reconnaît et affirme les droits établis par les futurs accords sur les revendications territoriales au même titre que les autres droits issus de traités. Les accords sur les revendications territoriales ont finalement été considérés comme des traités modernes, et le paragraphe 35(4) établit de manière indubitable que les droits ancestraux ou issus de traités sont garantis également aux personnes des deux sexes.

Bien entendu, depuis l'arrêt Calder, les tribunaux se sont toujours prononcés en faveur du maintien des droits ancestraux ou issus de traités comme le montrent les arrêts Sparrow, Sioui, Gladstone, et Delgamuukw. Dans presque tous les cas, les tribunaux ont souligné le fait que c'est la négociation -- et non le contentieux -- qui est la manière appropriée de concilier ces droits ancestraux avec la souveraineté de l'État et la réalité que représente un Canada moderne. Les tribunaux ont toujours déclaré que l'honneur de la Couronne devait être respecté.

Nous avons donc persévéré et continué à négocier en dépit d'innombrables heures de frustration, de revers et d'absence apparente de progrès. Beaucoup d'entre nous, comme vous le voyez aujourd'hui, ont vieilli à la table des négociations.

En 1990, cependant, le gouvernement de la Colombie-Britannique, dirigé par le premier ministre social créditiste William Vander Zalm, a finalement accepté de participer aux négociations. Il n'en a pas moins fallu six autres années de laborieuses discussions avant que nos efforts n'aboutissent à l'accord de principe signé en mars 1996, il y a trois ans et demi.

Un vigoureux débat public sur le contenu de notre accord se poursuit depuis lors. L'accord de principe a été publié, discuté et analysé; un comité législatif provincial a tenu des audiences publiques; des articles et des éditoriaux ont été rédigés et diffusés; des études d'universitaires ont été publiées, et de nombreuses réunions publiques ont été tenues. Rares sont les initiatives récentes dans le domaine législatif qui ont été suivies d'aussi près par le public que notre accord. Le débat a poussé les trois parties à s'entendre sur un certain nombre de modifications et de clarifications. Toutefois, elles ont respecté les principes fondamentaux de l'accord de principe, y compris les dispositions concernant les terres, les ressources et l'autonomie gouvernementale, et les ont repris dans l'Accord définitif.

À noter qu'une élection provinciale a été tenue en 1996 après la signature et la publication de l'accord de principe, mais que les personnes qui s'opposent résolument au traité à l'heure actuelle n'ont pas fait de celui-ci une question électorale.

Il y a plus d'un an et demi, en juillet 1998, nous avons conclu l'Accord définitif et entamé le long processus de ratification. Notre peuple a ratifié le traité il y a quinze mois. La Colombie-Britannique l'a ratifié en avril 1999, à l'issue du débat législatif le plus long que la province ait jamais connu.

Le 13 décembre 1999, la Chambre des communes a adopté le projet de loi C-9 avec l'appui de quatre partis sur cinq et le vote de près de 82 p. 100 des députés. La balle est maintenant dans le camp du Sénat. Nous espérons que notre long périple touche à sa fin et qu'une nouvelle route s'ouvrira bientôt devant nous.

M. Nelson Leeson, président-directeur général, Conseil tribal Nisga'a: Honorables sénateurs, monsieur le président, je travaille depuis plus de 20 ans avec le Conseil tribal Nisga'a au sujet de ses initiatives. J'ai d'abord été coordonnateur de la tribu. J'ai été membre élu du conseil de la bande pendant huit années et j'ai été chef pendant quatre années dans ma collectivité. Cela fait maintenant quatre années que je suis président-directeur général de la tribu Nisga'a.

Je porte un nom qui m'a été transmis par la tribu Raven/Frog. Ma famille reconstituée compte neuf enfants si bien que je tiens véritablement à ce que l'application de ce traité se fasse sans plus tarder.

Nous sommes venus à Ottawa à maintes reprises au fil des ans et surtout au cours de l'année écoulée. Nous avons rencontré des députés et des sénateurs, des ministres et des stagiaires parlementaires. Nous avons pris part à des séminaires, donné des conférences de presse et saisi chaque occasion qui se présentait de parler de notre traité et de donner des explications aux personnes qui en demandaient. Beaucoup ont soulevé de nouveau les questions évoquées devant le Sénat lors de la deuxième lecture du projet de loi C-9. Nous avons fait de notre mieux pour répondre à toutes les questions.

Nous sommes reconnaissants de l'appui massif apporté au traité Nisga'a par quatre des cinq partis représentés à la Chambre des communes. Plus important, le soutien de formations politiques aussi différentes que le Parti libéral, le Bloc québécois, le Nouveau Parti démocratique et le Parti progressiste-conservateur justifie notre conviction que le traité Nisga'a n'est pas une question partiale, mais bien une question d'un autre ordre que les affaires politiques ordinaires, et qu'il révèle au monde entier que les gouvernements et les citoyens du Canada peuvent trouver des compromis justes et raisonnables avec les autochtones.

Nous reconnaissons également que le Sénat joue un rôle important dans notre système parlementaire puisqu'il est la Chambre de second examen objectif; nous sommes reconnaissants aux sénateurs d'avoir formulé de façon raisonnée et non contradictoire les questions en suspens auxquelles ils souhaitent obtenir des réponses au cours des audiences du comité.

À cet égard, nous observons que les sénateurs n'ont pas répété la plupart des allégations erronées à propos du contenu de l'Accord qui ont malheureusement caractérisé les arguments du Parti réformiste et des autres adversaires du traité Nisga'a ces dernières années. Mesdames et messieurs les sénateurs, nous avons comparu devant le comité de la Chambre des communes le 4 novembre 1999 et réfuté toutes ces inexactitudes.

Nous avons déposé un exemplaire de notre mémoire présenté devant ce comité afin que vous puissiez en prendre connaissance. Nous y énumérons, à la page 8, les affirmations inexactes, qui constituent ce que nous appelons le «traité factice». Il se peut toutefois que bon nombre d'adversaires de notre traité comparaissant devant ce comité persistent dans ces allégations.

La meilleure façon de connaître l'effet du traité Nisga'a, est, bien sûr, de le lire, ce que nombre de sénateurs, nous le savons, ont déjà fait. On peut également se procurer des résumés auprès des parties au traité. Qui plus est, de nombreux articles traitant de la question ont été publiés par des universitaires.

À mesure que vos délibérations se dérouleront, vous devrez, à l'instar des membres du comité de la Chambre, vous demander si les témoins et les membres du comité analysent le véritable traité Nisga'a ou le «traité factice». Un critère raisonnable pour en juger consiste à demander à la personne en question de préciser le ou les paragraphes sur lesquels elle s'appuie pour faire des affirmations à propos du contenu du traité.

Nous croyons également que vous trouverez, comme nous, que plus les gens sont informés sur le traité Nisga'a, plus il y a de chances qu'ils soient en sa faveur.

L'objectif de cette présentation n'est ni de donner une description détaillée du contenu du traité, ni de réitérer les réfutations de la présentation du 4 novembre 1999. Nous estimons qu'il vaut mieux se concentrer sur les questions soulevées par les sénateurs au cours des débats.

Nous les avons regroupées sous un certain nombre de rubriques pour faciliter la consultation. La première rubrique renferme la question suivante: Le traité Nisga'a est-il une «initiative inédite» qui demande des précautions particulières? Nous n'entendons certainement pas minimiser l'importance de notre traité dans l'histoire des relations entre le Canada, la Colombie-Britannique et les Premières nations, mais nous estimons qu'il est plus juste de dire qu'il s'agit d'une étape logique dans un processus évolutif fermement ancré dans le droit et l'histoire du Canada, que de le qualifier d'innovation inédite ou de déviation par rapport aux événements récents. Toutes les revendications territoriales postérieures à la Convention de la Baie James et du Nord québécois contiennent des éléments d'autonomie gouvernementale. Le traité Nisga'a comprend les composantes de base des accords antérieurs en matière d'autonomie gouvernementale, comme l'exigence d'une constitution interne. La différence la plus notable entre ce traité et les accords précédents est l'intégration de toutes les dispositions ayant trait à l'autonomie gouvernementale dans l'accord sur les revendications territoriales, et la protection constitutionnelle qui en découle.

La deuxième rubrique pose la question: La Loi constitutionnelle de 1982 ne mentionne pas expressément le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale. Malgré plusieurs conférences des premiers ministres et l'Accord de Charlottetown, la Loi constitutionnelle n'a pas été modifiée pour en faire mention. Comment offrir une protection constitutionnelle aux dispositions sur l'autonomie gouvernementale d'un traité moderne ou d'un accord sur les revendications territoriales sans modifier la Constitution?

La Nation Nisga'a estime que le droit à l'autonomie gouvernementale est un droit ancestral existant qui est reconnu et confirmé par le paragraphe 35(1) de la Loi constitutionnelle de 1982. Les Premières nations, les organisations autochtones et les Autochtones du Canada partagent notre opinion. La Commission sur les peuples autochtones et de nombreux universitaires la partagent également. Divers arrêts récents de la Cour suprême du Canada, notamment Sioui et Delgamuukw, ainsi qu'un certain nombre de décisions de tribunaux inférieurs, sont aussi favorables à cet argument.

Afin de clarifier ce point une fois pour toute, les peuples autochtones ont demandé une modification de la Constitution faisant expressément référence au droit à l'autonomie gouvernementale. Cette proposition a toujours été accompagnée de l'assertion que le droit à l'autonomie gouvernementale est déjà garanti par le texte de portée générale du paragraphe 35(1). Or les efforts pour s'entendre sur le libellé et la teneur d'une modification s'appliquant à tous les peuples autochtones de toutes les provinces et de tous les territoires ont échoué.

Mais l'obstacle de taille qui a contrecarré nos efforts en vue de trouver un terrain d'entente, y compris l'Accord de Charlottetown, était de s'entendre sur la mise en application de ce droit en l'absence d'un accord entre une Première nation, le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial en cause qui énonce clairement sa portée et les modalités de son application. Le traité des Nisga'a est précisément un accord de ce genre.

La Constitution a été modifiée en 1983. Dorénavant, une façon de procéder à la détermination et [à] la définition des droits garantis par le paragraphe 35(1) consisterait à négocier des accords sur les revendications territoriales, car les droits issus de traités comprennent les droits issus d'accords sur des revendications territoriales ou ceux susceptibles d'être ainsi acquis.

Cette modification n'a pas nécessité la définition préalable, par une modification supplémentaire, l'expression «droits ancestraux existants», y compris le droit à l'autonomie gouvernementale, pour tous les peuples autochtones du Canada.

La troisième rubrique pose la question: le traité Nisga'a affaiblira-t-il la Charte canadienne des droits et libertés?

Les Nisga'a conviennent depuis 1982 que leur gouvernement doit être assujetti à la Charte. C'est pourquoi le traité dispose que la Charte canadienne des droits et libertés s'applique au gouvernement Nisga'a concernant toutes les questions relevant de son pouvoir, eu égard au caractère libre et démocratique du gouvernement Nisga'a tel qu'énoncé dans l'Accord. Nous sommes fiers de notre gouvernement libre et démocratique, et nous avons incorporé la Charte à notre Constitution pour la protection de nos citoyens.

L'article 25 de la Charte n'a pas pour effet d'affaiblir cette garantie, contrairement à ce que certains ont laissé entendre. Notre droit issu de traité est le droit à l'autonomie gouvernementale et le pouvoir de faire des lois, tels qu'énoncés dans l'accord. L'accord porte que la Charte s'applique. Des questions difficiles se poseront-elles à l'avenir à propos de l'application de la Charte à nos lois? Peut-être. Mais elles ne seront pas plus compliquées que celles auxquelles les tribunaux et les gouvernements canadiens doivent répondre quotidiennement pour appliquer la Charte aux lois adoptées au niveau tant fédéral que provincial.

La quatrième rubrique pose la question: pourquoi les pouvoirs du gouvernement Nisga'a sont-ils incorporés dans le traité au lieu de lui être délégués par voie législative?

Le traité Nisga'a représente l'aboutissement des efforts des parties pour s'entendre sur la portée des droits de la Nation Nisga'a qui sont reconnus et confirmé par l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. Il part du principe que les parties n'ont pas besoin de s'entendre sur la nature et la portée exactes des droits de la Nation Nisga'a qui existaient avant le traité pour s'entendre sur les droits issus du traité. Il énonce de façon exhaustive les droits Nisga'a de l'article 35, y compris les droits sur les terres et les ressources et, évidemment, les droits à l'autonomie gouvernementale.

Les dispositions portant sur les pouvoirs et les responsabilités du gouvernement Nisga'a ne figurent pas seulement au chapitre 11: on les retrouve sous diverses formes dans l'ensemble du document. Ainsi, par exemple, les pouvoirs et responsabilités du gouvernement Nisga'a à l'égard des Terres sont énoncés au chapitre sur les Terres, ceux qui concernent les pêches et les animaux sauvages sont formulés dans les chapitres correspondants, et ainsi de suite. Les pouvoirs du gouvernement Nisga'a participent des dispositions visant, notamment, les terres et les ressources.

Le traité décrit, entre autres choses, comment la Nation Nisga'a prendra des décisions à propos des biens et des droits que ses membres partagent aux termes du traité et comment elle déterminera la meilleure façon d'assurer sa survie, voire sa prospérité, au sein du Canada.

Le traité Nisga'a énonce clairement chacun des sujets sur lesquels la Nation Nisga'a peut légiférer, et il précise, pour chacun de ces sujets, la relation entre ces lois et les lois fédérales et provinciales. Il donne bien plus de détails qu'on ne pourrait en attendre d'une décision judiciaire. Il constitue un ensemble de règles et de principes dont la négociation et la formulation ont demandé de la rigueur et de la minutie, et qui trouvent un équilibre entre les besoins de la Nation Nisga'a et ceux de l'ensemble de la province et du pays.

Lorsque l'on examine les dispositions du traité sur le gouvernement Nisga'a, il faut faire la distinction entre plusieurs notions liées mais distinctes: la délégation de pouvoir, la protection constitutionnelle et la relation entre les lois.

M. James Aldridge, conseiller juridique, Conseil tribal Nisga'a: J'ai eu le privilège de représenter le Conseil tribal Nisga'a en matière de revendications territoriales depuis 1980. Il est question ici de la source des pouvoirs d'autonomie gouvernementale, et non pas de la portée de ces pouvoirs ou de la protection constitutionnelle qui leur est accordée.

Un pouvoir délégué est octroyé ou cédé par une autre autorité. Les municipalités exercent les pouvoirs que leur délègue le gouvernement provincial. Les territoires exercent ceux que leur délègue le gouvernement fédéral. Ces pouvoirs peuvent être de portée très vaste ou très limitée, mais leur source ultime réside dans la Couronne, c'est-à-dire dans le Parlement ou les assemblées législatives.

Dire que les Premières nations ont un droit inhérent à l'autonomie gouvernementale signifie que ce droit tire sa source des Premières nations elles-mêmes, qu'il est fondé sur leur existence en tant que sociétés organisées dans ce pays depuis des milliers d'années, dont l'autorité découle de leur héritage ancestral et précède l'affirmation de la souveraineté de Sa Majesté. Le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale fait partie intégrante de la réalité constitutionnelle du Canada.

Il est faux de dire que cette réalité n'a jamais été reconnue par les tribunaux canadiens. La Cour suprême du Canada n'a pas tranché catégoriquement la question de savoir si le paragraphe 35(1) garantit le droit à l'autonomie gouvernementale, mais les tribunaux ont souvent pris acte du fait historique que les Premières nations se gouvernaient elles-mêmes lorsque les Européens sont arrivés en Amérique du Nord.

La meilleure explication du sens de la politique britannique et des principes énoncés dans la Proclamation royale de 1763 a été donnée par le juge en chef Marshall dans une trilogie d'arrêts de la Cour suprême des États-Unis datant des années 1820 et 1830. Selon le juge en chef, les terres et la souveraineté étaient les deux éléments fondamentaux des droits des Indiens. Pour élaborer sa théorie de la souveraineté indienne, il s'est appuyé sur la pratique coloniale britannique telle qu'elle existait avant la Guerre d'indépendance américaine (1776-1783), et en particulier sur la Proclamation royale. Les tribunaux canadiens ont souvent fait référence à ses décisions et ils les ont adoptées dans de nombreuses affaires, notamment St. Catherine's Milling, Calder et Sioui.

C'est dans ces arrêts que le juge en chef Marshall évoque la notion de «nations internes dépendantes». Dans le dernier arrêt de la trilogie, qui est aussi le plus important, Worcester c. Georgia, il aborde la question de l'autonomie gouvernementale des Indiens:

L'Amérique, séparée de l'Europe par un vaste océan, était habitée par un peuple distinct, divisé en nations indépendantes les unes des autres et du reste du monde, qui avaient leurs propres institutions et se gouvernaient elles-mêmes selon leurs propres lois. Il est difficile de comprendre que les habitants d'une partie du monde puissent avoir un droit légitime d'exercer leur domination sur ceux d'une autre partie ou sur les terres que ceux-ci occupent, ou que la découverte des uns par les autres puisse donner au découvreur des droits sur le pays découvert qui annulent les droits des possesseurs antérieurs [...]

Il poursuit:

Les nations indiennes avaient toujours été considérées comme des collectivités politiques distinctes et indépendantes qui conservaient leurs droits naturels originaux, comme les possesseurs incontestés du sol depuis des temps immémoriaux, à cette exception près qu'une puissance irrésistible les privait de tout commerce avec un autre souverain européen que celui qui avait le premier découvert la côte de la région revendiquée; or les souverains européens s'imposaient cette restriction à eux-mêmes autant qu'aux Indiens.

Les termes «traité» et «nation» sont des mots de notre langue, que nous avons empruntés à nos procédures diplomatiques et législatives et qui ont chacun un sens précis et bien établi. Nous les avons appliqués aux Indiens comme nous les avons appliqués aux autres nations de la Terre.

D'après le juge Strong, juge de la Cour suprême du Canada qui siégea dans l'affaire St. Catherine's Milling, en 1886, on peut se fier au juge en chef Marshall en matière de droit et de politique britanniques. Nous avons énoncé d'autres affaires dans lesquelles ces passages ont été avalisés.

Plus près de nous, en 1990, l'arrêt R. c. Sioui apporte la preuve que les décisions du juge en chef Marshall ont eu une incidence sur le droit canadien. Le juge Lamer, s'exprimant au nom d'une Cour unanime, cite le juge en chef Marshall en ces termes:

Comme le disait le Juge en chef de la Cour suprême des États-Unis en 1832 dans l'affaire Worcester c. State of Georgia à propos de la politique britannique du milieu du XVIIIe siècle envers les Indiens:

C'était la politique de la Grande-Bretagne à l'égard des nations indiennes qui habitaient le territoire d'où elle avait exclu tous les autres Européens; c'était ses revendications et sa présentation pratique des chartes qu'elle a accordées: elle les considérait comme des nations capables de maintenir les relations de paix et de guerre, de se gouverner elles-mêmes, sous sa protection, et elle a conclu des traités avec elles, dont elle a reconnu le caractère obligatoire.

C'est à n'en pas douter en raison de cette jurisprudence accablante que le professeur Patrick Monahan a fait la déclaration suivante devant le comité de la Chambre des communes:

Ayant étudié les arrêts de la Cour suprême du Canada portant sur les droits des Autochtones, j'en conclus qu'il est fort probable, même si l'on n'a pas encore rendu de jugement faisant autorité, que les tribunaux vont reconnaître que l'autonomie gouvernementale est déjà protégée par le paragraphe 35(1).

Partant de cette théorie, et si elle est exacte, ce que nous avons alors ici n'est qu'une tentative visant à définir par voie d'accord la portée des droits à l'autonomie gouvernementale. Autrement dit, on ne crée pas un nouvel ordre de gouvernement parce que, si l'on s'en tient à cet argument, les tribunaux ont déjà implicitement reconnu que les peuples autochtones et les droits à l'autonomie gouvernementale des peuples autochtones ont un statut constitutionnel. Donc, pour cette raison, même sans tenir compte du paragraphe 35(3), qui prévoit ces accords modernes sur les revendications territoriales, il me semble que ce que l'on fait ici, c'est strictement définir la portée d'un droit qui existe déjà vraisemblablement en vertu du paragraphe 35(1) de la Loi constitutionnelle de 1982.

La Cour suprême du Canada a déclaré que l'objectif de l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 est de concilier la présence antérieure des peuples autochtones avec la souveraineté de Sa Majesté. Pourquoi alors exiger des peuples autochtones qu'ils reconnaissent dans leurs traités que leur seule autorité découle de la Couronne, et non de leur présence antérieure au Canada?

Je vais maintenant aborder la question de la protection constitutionnelle. Les droits définis par le traité Nisga'a seront reconnus et confirmés par l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, qui est une déclaration sur la protection des droits, et non sur leur source ou leur portée. Or il semble que ce soit précisément cela qui inquiète certaines personnes. Nous avons du mal à comprendre ces inquiétudes.

Que le traité soit protégé par la Constitution ne signifie pas qu'il soit impossible d'en modifier les dispositions. En effet, il prévoit une procédure de modification. Bien entendu, celle-ci exige le consentement des parties, mais cela ne veut pas dire, contrairement à ce que d'aucuns ont laissé entendre, qu'il sera impossible d'apporter des modifications, ou que celles-ci seront aussi difficiles que les modifications de la Constitution du Canada ont pu l'être. S'il était véritablement nécessaire d'apporter une modification, pourquoi ne pas accepter que la Nation Nisga'a serait tout aussi disposée à reconnaître le problème que le Canada ou la Colombie-Britannique?

La proposition selon laquelle il faut supprimer les dispositions sur l'autonomie gouvernementale et leur refuser la protection de la Constitution vise en fait à donner au Canada et à la Colombie-Britannique le pouvoir de modifier le traité unilatéralement, en se passant du consentement de la Nation Nisga'a. Or cela irait à l'encontre de l'objectif poursuivi. Personne n'a proposé de donner aux Nisga'a le pouvoir de modifier unilatéralement les dispositions du traité portant sur l'autonomie gouvernementale. De toute façon, il serait impossible de supprimer ces dispositions, car elles font partie intégrante de tous les chapitres du traité.

C'est pour ces raisons que le Conseil tribal Nisga'a a maintenu tout au long des négociations que notre peuple refuserait de conclure le traité s'il ne tenait pas compte de nos droits à l'autonomie gouvernementale, et si ces droits ne jouissaient pas de la même protection constitutionnelle que nos droits ancestraux existants, en vertu de l'article 35, et de la protection constitutionnelle que nos autres droits issus de traités auront après la date d'entrée en vigueur. L'entente sur ce point essentiel était un des éléments les plus importants de l'accord de principe de 1996. Sans elle, nous n'aurions jamais pu le conclure.

Il faut également reconnaître que, selon la Cour suprême du Canada, les droits de l'article 35 ne sont pas absolus. Elle a statué qu'il est possible de les enfreindre si l'infraction est justifiée et compatible avec l'honneur de la Couronne.

Le Canada et la Colombie-Britannique ont accepté les modalités de l'autonomie gouvernementale des Nisga'a. Comment pourraient-ils ne pas respecter cet accord, l'enfreindre ou le modifier sans motif valide ou de façon à compromettre l'honneur de la Couronne?

Le prochain point porte sur la relation entre les lois et la compétence concurrente. D'aucuns ont exprimé des inquiétudes à propos du fait que, dans un certain nombre de domaines, les lois Nisga'a auront préséance sur les lois fédérales ou provinciales. La question de la relation entre les lois est distincte de celle de la source du droit et de sa protection par la Constitution.

En vertu de la Loi constitutionnelle de 1867, les gouvernements fédéral et provincial disposent chacun de sphères de compétence exclusive. Si un palier de gouvernement tente de légiférer sur un sujet à l'égard duquel il n'est pas compétent, la loi en cause n'est pas valide et les tribunaux l'annuleront. Toutefois, étant donné la grande portée des sujets énumérés dans la Constitution, des lois fédérales et provinciales sur le même sujet peuvent coexister. C'est ce que l'on appelle la compétence concurrente.

Aux termes du traité, le gouvernement Nisga'a n'aura pas la compétence exclusive, ce qui est très différent de l'approche recommandée, par exemple, par le Comité mixte spécial sur le renouvellement du Canada en 1992, et de celle qui a été retenue dans l'Accord de Charlottetown, selon lequel les gouvernements des Premières nations devaient disposer de la compétence exclusive dans certains domaines.

Les lois fédérales et provinciales s'appliqueront à la Nation Nisga'a, aux villages Nisga'a, aux terres Nisga'a et aux citoyens Nisga'a. Les lois Nisga'a, quant à elles, ne s'appliqueront qu'aux sujets énoncés dans le traité. Puisque la compétence des Nisga'a est toujours concurrente de celle des autorités fédérales et provinciales, il arrivera souvent que des lois Nisga'a, fédérales et provinciales d'application générale portent sur le même sujet. Un des éléments clés des négociations a été de déterminer quelle loi aurait préséance dans les domaines relevant du pouvoir du gouvernement Nisga'a. Ces règles établissent la relation entre les lois.

En général, les lois Nisga'a l'emporteront pour ce qui est des questions touchant directement les terres et les citoyens Nisga'a, comme les décisions prises à propos de la langue, de la culture, des terres et des autres droits issus du traité. Dans certains cas, les lois Nisga'a doivent respecter certaines normes provinciales pour être valides. Si elles respectent ou dépassent ces normes, elles ont préséance.

Les lois fédérales et provinciales l'emportent pour ce qui est des questions de plus grande portée qui touchent les Terres Nisga'a, comme l'ordre public, la construction de bâtiments, les services de santé et la protection de l'environnement. Il existe bien entendu de nombreux autres sujets sur lesquels les Nisga'a n'auront aucune compétence, comme le droit pénal. Dans ces cas, la question de la relation entre les lois ne se pose pas.

Certains adversaires du traité ont déclaré que, en cas d'incompatibilité, les lois fédérales et provinciales devraient toujours l'emporter sur les lois Nisga'a, même si ces dernières ne visent que les citoyens, la culture, les Terres Nisga'a ou d'autres questions purement internes. Pourquoi cette suprématie est-elle aussi importante pour ces gens? Pourquoi insistent-ils pour que les Premières nations soient toujours subordonnées aux gouvernements fédéral et provincial?

Si l'Accord avait donné la compétence exclusive à la Nation Nisga'a pour ce qui est des questions internes, il n'aurait de toute évidence pas été nécessaire que les lois Nisga'a l'emportent sur les lois fédérales et provinciales, car celles-ci ne se seraient tout simplement pas appliquées à ces sujets.

Nous avons accepté la compétence concurrente ou partagée. Or, en ce qui concerne les questions internes, cela a contraint les parties à prévoir des règles empêchant que les lois Nisga'a ne soient supplantées par les lois fédérales et provinciales d'application générale. Ces règles nous protègent également contre toute ingérence injustifiée d'un futur gouvernement fédéral ou provincial dans ces questions internes.

Enfin, on a fait valoir que le traité est inconstitutionnel parce que toutes les lois du Canada doivent recevoir la sanction royale. Le traité Nisga'a envisage l'adoption de certaines lois, qui ne seront approuvées ni par le gouverneur général, ni par le lieutenant-gouverneur. Mais l'obligation d'obtenir la sanction royale ne vise que la promulgation des lois fédérales et provinciales. Autrement dit, elle s'applique aux gouvernements fédéral et provincial en raison de leur structure constitutionnelle. Ce principe ne s'applique pas aux Premières nations qui exercent leur droit à l'autonomie gouvernementale.

La Nation Nisga'a reconnaît la souveraineté de Sa Majesté. Grâce au traité, le Canada, la Colombie-Britannique et la Nation Nisga'a sont parvenus à la réconcilier avec les droits des Nisga'a.

La cinquième question que nous posons est la suivante: le traité Nisga'a crée-t-il une «enclave» à l'intérieur du Canada? Certaines gens ont suggéré que les Terres Nisga'a seront une «enclave» à l'intérieur du Canada. Le dictionnaire Oxford définit l'«enclave» comme un «territoire étranger entouré par un territoire appartenant à un autre propriétaire». Mais les Terres Nisga'a ne peuvent pas être décrites comme un «territoire étranger». Comme nous l'avons déclaré plus haut, le traité prévoit que toutes les lois fédérales et provinciales s'appliquent aux Terres Nisga'a, en conformité avec les termes du traité.

Nous avons toujours dit que l'un de nos objectifs primordiaux est de négocier notre place au sein du Canada. En toute déférence, il serait tout simplement erroné de dire que nos efforts se sont soldés par la création d'un territoire étranger à l'intérieur de notre pays.

La sixième question que nous posons est la suivante: le traité crée-t-il un gouvernement fondé sur la race? Il y a une opinion générale selon laquelle les droits ancestraux sont fondés sur la race ou l'origine ethnique, ce qui est faux. Les droits ancestraux, y compris le droit à l'autonomie gouvernementale, ne sont pas liés à la race, mais découlent de l'appartenance à une collectivité politique. Ce principe est discuté dans le détail par la Commission royale sur les peuples autochtones et dans de nombreux articles spécialisés et d'autres publications.

Il est important de préciser que la Cour suprême des États-Unis a rejeté il y a longtemps l'idée que les lois applicables seulement aux Indiens sont fondées sur la race. Les tribus indiennes sont des «agrégations uniques» qui possèdent les attributs de la souveraineté sur leurs membres ainsi que sur leurs territoires. Les règlements fédéraux en matière d'affaires indiennes ne reposent pas sur des classifications exclusives. Ils se fondent plutôt sur le statut unique de «nation distincte» avec ses propres institutions politiques dont jouissent les Indiens. Nous avons inclus dans le texte un renvoi à un jugement de la Cour suprême des États-Unis sur la question. Si le fait pour les gouvernements fédéraux de légiférer sur les Indiens n'est pas considéré comme étant de la discrimination raciale, il en va de même pour les Premières nations lorsqu'elles légifèrent pour elles-mêmes. En tout cas, comme nous l'expliquerons ci-dessous, le traité ne limite pas la citoyenneté Nisga'a aux personnes d'origine Nisga'a.

M. Harry Nyce, négociateur principal des ressources, Conseil tribal Nisga'a: Honorables sénateurs, je siège au conseil tribal depuis treize ans. J'ai été chef du conseil de ma collectivité pendant 14 ans. Je suis également vice-président du district régional de Kitimat-Stikine, et président du comité des finances de ce même district...

La septième question que nous posons est la suivante: le terme «citoyen Nisga'a» contrevient-il à la notion de citoyen canadien? En toute déférence, nous ne comprenons pas pourquoi quelqu'un s'opposerait à l'utilisation du terme «citoyen» pour désigner les membres de la Nation Nisga'a. Si nous avions accepté de nous décrire seulement comme des «membres», il y aurait eu peu d'objections ou pas d'objection du tout. Mais nous estimons que le terme correct pour décrire une personne appartenant à une «nation» est «citoyen». Nous voulons affirmer, non pas nier, notre existence comme Nation Nisga'a, une nation qui vit au sein du Canada.

Comme nous l'avons déjà dit, même dans la législation canadienne la notion de citoyenneté est relativement nouvelle et la plupart des droits accordés en vertu des lois canadiennes ne sont pas réservés seulement aux citoyens canadiens. Le terme «citoyen» n'a pas la même signification déterminée dans chaque contexte où il est correctement utilisé. L'attribution de la citoyenneté Nisga'a ne confère ni ne nie la citoyenneté canadienne.

La huitième question que nous posons est la suivante: le traité Nisga'a prive-t-il de leurs droits les occupants non Nisga'a des Terres Nisga'a? Il est très important de retenir le fait que le traité énonce le droit à l'autonomie gouvernementale de la Nation Nisga'a. Les lois que le gouvernement Nisga'a peut adopter, à quelques exceptions bien précises, visent les citoyens Nisga'a, les droits issus du traité Nisga'a et la propriété Nisga'a.

Il faut se rappeler que le gouvernement Nisga'a n'aura pas de compétence sur le territoire actuellement possédé par des non-Nisga'a dans la vallée du Nass. Le traité prévoit expressément que toutes les propriétés en fief simple existantes ne font pas partie des Terres Nisga'a. Les résidents de ces parcelles privées continuent à avoir le droit de voter pour les gouvernements fédéral, provincial et régional, comme ils l'ont toujours fait.

La compétence du gouvernement Nisga'a est presque entièrement limitée aux citoyens et aux Terres Nisga'a. Pourquoi demande-t-on alors aux Nisga'a de donner aux non-Nisga'a le droit de voter ou de se porter candidat pour un gouvernement qui n'aura pratiquement pas de compétence sur eux et qui traitera principalement des droits et des biens des Nisga'a?

Il est important de se rappeler que ni la citoyenneté Nisga'a ni la capacité de faire parti du gouvernement Nisga'a ne sont limitées aux «participants», c'est-à-dire aux personnes qui satisfont aux critères d'admissibilité énoncés dans le traité. Cela veut dire que, même si seulement les «participants» ont le droit de demander la citoyenneté Nisga'a, le gouvernement Nisga'a a le pouvoir d'établir des critères relatifs à la citoyenneté qui pourraient inclure d'autres personnes.

Nous avons exigé un tel pouvoir parce nous savons qu'il y a et qu'il y aura des résidents qui sont, à tous égards importants, des membres actifs de nos collectivités et qui devraient participer au fonctionnement démocratique du gouvernement Nisga'a. Toutefois, il incombe à la Nation Nisga'a d'établir les critères devant être utilisés pour inclure d'autres personnes en son sein, et ceux-ci ne doivent pas être déterminés ou nous être imposés par le Canada ou la Colombie-Britannique. Toute loi future qui établit les critères à utiliser en vue de l'attribution de la citoyenneté à d'autres personnes ne peut pas être appliquée arbitrairement et sera, comme toutes les autres lois, assujettie à la Charte canadienne des droits et libertés.

Aujourd'hui, les résidents non Nisga'a de la vallée du Nass ont un niveau de représentation dans le conseil de santé Nisga'a de la vallée et le conseil scolaire du district 92 qui est beaucoup plus élevé que celui qui correspond à leur nombre. Cette participation se poursuivra après l'entrée en vigueur du traité et nous établirons les moyens nécessaires pour assurer la continuité de leur participation si ces organismes sont remplacés par des institutions créées par le gouvernement Nisga'a.

Si les activités du gouvernement Nisga'a ou de ses institutions touchent ces résidents de façon directe et significative, nous avons convenu de trouver des moyens pour les faire participer à notre processus de prise de décision. Ces mesures peuvent inclure la consultation, le droit de vote ou la garantie de participation à une institution gouvernementale, selon la nature de l'activité et l'effet sur les résidents concernés.

Le fait est que la question de la participation des non-Nisga'a aux activités d'un gouvernement qui les touchera rarement n'est pas simple et ne peut pas être réglée en scandant des slogans sur la démocratie ou en incluant automatiquement toute personne qui décide d'élire domicile dans une de nos collectivités. Le traité fournit les instruments, les principes et la flexibilité dont les Nisga'a ont besoin pour continuer à vivre en harmonie avec leurs voisins non Nisga'a.

La neuvième question est la suivante: le traité Nisga'a touche-t-il aux droits ancestraux des Premières nations voisines? Aucune disposition de l'Accord ne brime les droits d'une autre Première nation. Pour qu'il n'y ait pas de doutes à cet égard, nous convenons d'inclure des dispositions à ce sujet dans le traité. Nous avons déposé une copie du mémoire supplémentaire présenté au comité de la Chambre des communes le 25 novembre 1999, en réponse aux mémoires présentés par certains de nos voisins. Nous y avons inclus des renseignements sur les efforts que nous faisons pour régler les différends qui nous opposent aux Gitanyow, de la même façon dont nous l'avons fait dans le cas des autres Premières nations voisines.

À notre connaissance, la politique fédérale sur le chevauchement n'a pas été modifiée dans le contexte de nos négociations, mais est demeurée la même pendant plusieurs années.

Nous devons aussi préciser que la proposition de modifier le projet de loi C-9 en y ajoutant les articles 33 à 35 des dispositions générales est inacceptable pour nous. Ces articles ont déjà force de loi. La proposition de les ajouter au projet de loi parce que le projet devrait comprendre les dispositions «les plus importantes», démontre une méconnaissance fondamentale de la relation qui existe entre le projet de loi C-9 et l'Accord définitif Nisga'a.

Selon le conseil législatif fédéral, certaines dispositions ne peuvent pas entrer en vigueur si elles ne sont pas incluses dans le projet de loi. Si le critère est l'importance de la provision, alors le projet de loi devrait comprendre des questions comme nos droits de pêche, de chasse, à l'autonomie gouvernementale, etc.

Nous sommes toujours prêts à négocier avec nos voisins et nous leur souhaitons de conclure leur propre traité le plus vite possible.

La question dix est la suivante: Les gouvernements fédéral et provincial verseront-ils une partie importante des coûts de transfert au gouvernement Nisga'a, éventuellement à perpétuité? Le traité Nisga'a établit la structure financière de base selon laquelle le gouvernement Nisga'a fonctionnera. Un accord de financement budgétaire sera négocié tous les cinq ans -- et je cite à cet égard le chapitre sur les relations budgétaires, article 3, page 228:

[...] pour permettre la prestation de programmes de services publics convenus aux citoyens Nisga'a et, s'il y a lieu, aux occupants non Nisga'a des Terres Nisga'a, à des niveaux raisonnablement comparables à ceux qui se retrouvent généralement dans le nord-ouest de la Colombie-Britannique.

Le système de paiements de transfert ressemble beaucoup aux systèmes au moyen desquels les provinces, les territoires et les municipalités reçoivent des fonds pour la prestation de services publics, comme l'éducation et la santé.

Le traité nous oblige à maintenir des systèmes de responsabilité comptable comparables aux normes généralement reconnues, applicables aux gouvernements canadiens. Ces systèmes, y compris les exigences en matière de vérification, doivent respecter les dispositions du traité, de la Constitution Nisga'a, des lois Nisga'a en matière d'administration financière, de l'Accord de financement budgétaire et de l'Accord sur le revenu de source propre.

La question onze est la suivante: le traité Nisga'a crée-t-il un droit exclusif de pêche commerciale pour les Nisga'a?

Le traité Nisga'a établit les droits et les allocations de poisson et d'animaux sauvages, selon le principe d'utilisation en commun de ces ressources naturelles. Par exemple, le traité fournit une formule à l'aide de laquelle on déterminera notre allocation du retour au Canada de chaque espèce de saumon du Nass. L'allocation variera selon l'abondance des ressources. Pendant les années où la remonte sera faible, il se peut que notre récolte soit encore plus réduite que la récolte actuelle pour nos propres besoins. Contrairement à ce qu'on a dit, le traité ne nous garantit pas 26 p. 100 du saumon du Nass. La formule repose sur une allocation de chaque espèce de saumon, et non pas sur un pourcentage du total de toutes les espèces.

Nous avons le droit de vendre le saumon du Nass, en vertu de diverses lois fédérales et provinciales mentionnées dans le traité. Toutefois, la récolte d'une espèce de saumon du Nass dans les pêches commerciales Nisga'a pendant une période où il n'y a pas de récolte de cette espèce de saumon dans les pêches commerciales et récréatives n'est en aucun cas permise.

Le gouvernement fédéral conserve sa compétence en matière de pêches et le rôle du ministre est expressément reconnu dans le traité.

M. Edmond Wright, secrétaire-trésorier, Conseil tribal Nisga'a: Je vais présenter la dernière partie de l'exposé. Je siège au Conseil tribal Nisga'a depuis 1972. Avant cela, soit depuis 1970, j'occupais le poste d'administrateur de réserve indienne, poste que j'ai abandonné il y a quelques années pour me joindre à l'équipe de négociation du Conseil tribal Nisga'a. Je comparais devant des comités depuis 1980. Comme l'a mentionné le président, nous prenons de l'âge.

La question douze que nous posons est la suivante: le traité Nisga'a est-il trop généreux envers la Nation Nisga'a?

Il y a eu peu de discussion en ce qui concerne notre contribution à cet accord. Souvenez-vous que les Terres Nisga'a que nous posséderons en vertu du traité ne représentent qu'une petite partie de notre territoire traditionnel.

Nous avons demandé à Price Waterhouse de faire une étude sur la valeur actuelle des ressources qui ont été tirées de notre territoire traditionnel. Ces ressources ont été prises sans qu'aucune compensation ne soit accordée aux Nisga'a. La valeur de ces ressources dépassait deux milliards de dollars. Je tiens à préciser, monsieur le président, qu'elle se situe en fait entre deux et quatre milliards, mais nous préférons citer le chiffre le moins élevé.

Un certain nombre de Nisga'a ont voté contre le traité parce qu'ils estimaient que celui-ci aurait dû inclure beaucoup plus de terres et de ressources, une compensation plus généreuse et une compétence plus élargie. De nombreux Nisga'a étaient réfractaires à l'idée d'abandonner l'exemption fiscale actuelle prévue par la Loi sur les Indiens. Toutefois, la majorité d'entre nous (plus de 70 p. 100 des votants comprenant plus de 60 p. 100 de votants admissibles) a voté en faveur du traité, non pas parce qu'il nous accordait tout ce que nous voulions, mais parce que nous avons jugé que le traité était un compromis acceptable.

Nous croyons encore que les gouvernements n'ont pas assez d'argent pour compenser véritablement la Nation Nisga'a de tout ce qui nous a déjà été enlevé.

La question treize est la suivante: Le traité Nisga'a est-il un «plan» ou un «modèle» pour d'autres traités en Colombie-Britannique et dans le reste du Canada?

Nous savons qu'à un moment donné, l'ancien premier ministre de la Colombie-Britannique, Glen Clark, dont l'appui au traité Nisga'a a été aussi constant que celui du premier ministre du Canada, a fait référence à ce traité comme étant un «modèle». Nous estimons qu'il ne faisait pas référence au contenu détaillé de l'accord, mais plutôt au modèle que cet accord établit pour le règlement de différends par la négociation et le compromis plutôt que par le contentieux.

D'autres personnes utilisent maintenant cette expression et l'expression semblable «plan». La prémisse semble être que le traité Nisga'a sera appliqué mécaniquement dans toutes les autres négociations présentement en cours en Colombie-Britannique ou ailleurs au Canada. En toute déférence pour l'opinion contraire, nous croyons que cette suggestion ne correspond vraiment pas à la réalité.

Monsieur le président, le Conseil tribal Nisga'a a déclaré publiquement et à plusieurs reprises qu'il n'avait l'intention et le mandat de négocier que pour la Nation Nisga'a. L'argument du modèle repose sur l'hypothèse que les autres Premières nations vont tout simplement adopter l'approche des Nisga'a, peu importe leurs propres situations, désirs et priorités, ce qui ne risque pas d'arriver, à notre avis.

De plus, même si le gouvernement fédéral et celui de la Colombie-Britannique ou des autres provinces donnaient l'ordre à leurs négociateurs d'aller de l'avant et de «reproduire» ailleurs l'Accord définitif Nisga'a, ce serait une tâche impossible. La situation unique des Nisga'a permet d'en arriver à certaines ententes en ce qui concerne, par exemple, les terres et les pêches, alors qu'il serait impossible de le faire dans les régions urbaines ou intérieures.

Il y a entre 5 000 et 6 000 Nisga'a. Certaines autres Premières nations comptent moins de 1 000 personnes, d'autres moins de 100 personnes. De toute évidence, les ententes sont très différentes selon l'importance de la population, la nature du territoire traditionnel et de ses ressources, les priorités de chaque Première nation, la proximité des régions urbaines, l'aliénation des terres à des tiers et ainsi de suite.

Compte tenu de ces faits évidents, le gouvernement fédéral a déclaré que l'Accord définitif Nisga'a n'est pas un «modèle.» Il ne fait aucun doute que les Premières nations, le gouvernement fédéral ou les gouvernementaux provinciaux peuvent essayer de reproduire les aspects du Traité Nisga'a qui leur sont avantageux dans le contexte de ces négociations.

Il est également vrai que si les parties à d'autres tables de négociation choisissent d'adopter et d'adapter certains aspects de l'Accord définitif Nisga'a, ce sera parce qu'elles considèrent qu'il est logique de le faire et non parce que l'approche des Nisga'a a fixé à l'avance l'issue de ces pourparlers.

Nous renvoyons les honorables sénateurs aux commentaires faits par le Très honorable Pierre Elliott Trudeau au début de la conférence des premiers ministres des 15 et 16 mars 1983, qui a conduit à l'inclusion du paragraphe 35(3) dans la Constitution canadienne. Il a déclaré que l'autonomie gouvernementale des Autochtones était au coeur des efforts visant à améliorer leurs situations et à renforcer nos relations. Il a déclaré ce qui suit:

[...]Compte tenu de la diversité qui caractérise notre immense pays, il serait possible, et je n'y verrais pas d'inconvénient, d'envisager des solutions différentes pour différents groupes vivant dans des régions différentes, une fois que nous aurons aborder sérieusement et de façon pragmatique la discussion de leurs préférences.

Car la question de l'administration autonome pour les Autochtones touche des problèmes qu'il faut envisager et discuter avec réalisme. Et ceux-ci resteront irrésolus si nous nous perdons en généralités et en principes juridiques et politiques. Si nous voulons progresser dans notre recherche de formulations constitutionnelles et de formules d'administration pratiques, pour les Autochtones, nous devrons être beaucoup plus ouverts et explicites que nous ne l'avons été dans nos délibérations passées sur ces questions. Nous devons exprimer clairement ce que nous cherchons à réaliser pour le compte des divers groupes d'Autochtones vivant dans les diverses régions du Canada.

Nous devons aussi mettre de côté certaines idées ou conceptions passées selon lesquelles des régimes de gouvernement autochtone pourraient fonctionner en parallèle ou être séparés de tous les autres paliers de gouvernement existants dans notre fédération. Notre système politique repose sur l'interdépendance et la coopération des divers ordres de gouvernement, chacun étant doté de responsabilités, de pouvoirs et de fonctions en vertu de la Constitution, que ces pouvoirs soient exclusifs ou concurrents.

Tout régime éventuel d'administration autochtone autonome devra donc être compatible avec ce système et s'y insérer de manière harmonieuse, souple et fonctionnelle. D'où la complexité évidente et considérable des problèmes de juridiction qui se poseront. Ces problèmes ne pourront être réglés qu'aux termes de longues négociations fondées sur l'exposé complet et sans détour des besoins et des objectifs, et sur la volonté d'en arriver à des rapports intergouvernementaux fonctionnels et qui puissent profiter à tous les intéressés.

Nous croyons que ces mots sont aussi vrais aujourd'hui qu'ils l'étaient il y a dix-sept ans. Ils décrivent la tâche que nous avons entreprise et ce que nous avons réussi à accomplir dans le traité Nisga'a qui est devant vous aujourd'hui.

Nous passons maintenant à la question 14: le processus est-il défectueux du fait que le Parlement ne peut qu'approuver et rejeter le traité sans pouvoir proposer des modifications? Le Canada a conclu les traités numérotés en prenant des décrets. Le Parlement n'était pas directement concerné. Depuis la Convention de la Baie James et du Nord québécois, le Canada a choisi d'adopter ou de ratifier les accords de revendications territoriales par voie législative. On demande aux Premières nations de négocier avec des fonctionnaires et des représentants du pouvoir exécutif, mais pas directement avec le Parlement. Ensuite, le Parlement doit approuver ou rejeter les accords qui sont intervenus entre les parties. Cette approche n'a pas été choisie par les Premières nations, mais nous avons respecté les règles qui nous ont été imposées.

Les membres du Parlement, y compris les sénateurs, doivent sans doute être déçus que leur rôle se limite à approuver ou à rejeter un accord que deux des trois parties ont déjà ratifié et qu'il est maintenant impossible de modifier. Il existe peut-être des arguments en faveur de la participation du Parlement dès le début de la négociation des traités. Tout processus qui nécessiterait moins de temps, d'argent et d'effort serait une amélioration par rapport à ce qu'il nous a fallu endurer. Cependant, il serait complètement injuste et inacceptable pour la Nation Nisga'a de modifier maintenant les objectifs. Toute modification à notre traité aussi tardivement constituerait nécessairement un rejet du traité. Il est difficile d'envisager les conséquences de ce rejet pour la Nation Nisga'a et pour l'ensemble du processus de conclusion des traités.

Pour terminer, de nombreuses personnes et des organismes qui s'opposent au traité Nisga'a ne reconnaissent pas que l'accord a été négocié et accepté comme un tout, que chaque partie a fait des compromis sur certains objectifs et qu'elle a fait des gains sur d'autres. Nous nous rendons compte que cette réalité a été expressément reconnue pendant la deuxième lecture au Sénat. Personne ne devrait penser qu'il est maintenant possible de revoir l'accord en acceptant les compromis que nous avons faits à la table de négociation tout en rejetant nos réalisations à cette même table.

Nous avons négocié avec les gouvernements fédéral et provincial pacifiquement et de bonne foi. Nous nous sommes fiés à l'honneur de la Couronne pour mener à bien notre accord. Les Canadiens devraient se rendre compte que l'Accord définitif Nisga'a constitue une réconciliation équilibrée et raisonnable de questions qui irritent et divisent les habitants de la Colombie-Britannique depuis plus d'un siècle. Le traité devrait être reconnu comme une preuve que les personnes de bonne foi peuvent régler leurs différends sans confrontation ni contentieux.

La Nation Nisga'a a assez attendu. Nous demandons l'appui du comité pour s'assurer que le traité Nisga'a est ratifié aussitôt que possible. Nous pourrons ensuite avancer ensemble, mieux équipés pour faire face aux défis de ce nouveau siècle.

Le président: Je vous remercie des efforts que vous avez déployés pour répondre précisément aux questions qu'avaient soulevées les sénateurs pendant le débat en deuxième lecture. Je crois que ce sera particulièrement utile dans le cadre de l'examen de cette mesure législative.

Le sénateur St. Germain: J'aimerais féliciter le président et les personnes qui l'accompagnent aujourd'hui. Comme vous le savez, monsieur Gosnell, j'ai assisté à la signature tant de l'entente de principe que de l'accord final. Assez peu de politiques y ont assisté, même si je reconnais que cela n'a pas eu lieu à la porte d'à côté. Seulement ceux d'entre nous qui venons de Colombie-Britannique sont conscients de la distance. L'intérêt que je porte à ma province ainsi qu'aux habitants de la Colombie-Britannique est sûrement l'élément moteur qui m'a poussé à assister à ces deux événements historiques qui se sont déroulés dans la partie nord-ouest de notre province. C'est avec fierté que j'y ai assisté et je suis tout aussi fier de participer à ce processus.

Cependant, comme vous le savez, je représente tous les habitants de la Colombie-Britannique dont un certain nombre ont soulevé certaines questions. Dans le cadre de ma participation au débat en deuxième lecture j'ai essayé de répondre à leurs questions pour qu'ils se sentent à l'aise au fur et à mesure que nous progresserons, non seulement en ce qui concerne votre accord mais pour le règlement d'autres accords dans la province. Nous devons apporter la certitude dont a besoin la province pour diverses raisons, mais plus particulièrement pour que nos peuples autochtones puissent retrouver leur dignité et leur fierté. Nous souhaitons le bien-être économique de tous les habitants de la Colombie-Britannique.

Je ne poserai pas beaucoup de questions ce matin parce que je crois que vous avez répondu à la plupart de mes préoccupations.

J'ai parlé à M. Aldridge à de nombreuses occasions.

Il y a une question sur laquelle je me suis vraiment interrogé et c'est de savoir dans quelle mesure on peut nous assurer que les membres de la Nation Nisga'a profiteront raisonnablement de cet accord. Il va sans dire que je ne mettrais jamais en doute le traité ou votre volonté politique. Cependant, les générations et les dirigeants futurs, comme dans n'importe quelle autre société, pourraient avilir le système.

Comme vous le faites remarquer à la page 18 de votre mémoire, le système des paiements de transfert est semblable au système au moyen desquels les provinces et les municipalités reçoivent des fonds pour la prestation de services, comme l'éducation. On a dit que cette entente ressemble à une entente conclue entre une province et une municipalité. Il y a toutefois une différence. Dans le cas d'une municipalité, il y a délégation de pouvoirs, laquelle peut être retirée en cas d'irrégularités administratives.

Vous faites mention du système du gouvernement canadien. Nous savons tous qu'à partir du moment où un gouvernement majoritaire est élu, il n'y a pratiquement pas d'éléments d'équilibre des pouvoirs pendant cinq ans. Des provinces ont été pratiquement mises à genoux à cause d'une mauvaise gestion fiscale et monétaire. Comment peut-on garantir que d'ici 50, 60, 70 ans -- il se peut fort bien que M. Gosnell soit toujours là, car même si on le voit prendre de l'âge, il se porte fort bien -- on s'occupera correctement de ceux qui se trouvent au bas de l'échelle de la Nation Nisga'a?

M. Gosnell: Monsieur le président, il est important pour le comité de tenir compte des points de vue de ceux dont j'ai cité la déclaration. Il s'agit du paragraphe d'introduction de la pétition de 1913. N'oubliez pas qu'au départ, ce ne sont pas tous les membres de la Nation Nisga'a qui détenaient des parcelles de terrain. Certains membres Nisga'a n'avaient aucune terre. À l'époque, les personnes âgées ont convenu que toutes les terres de la Nation Nisga'a seraient placées dans un fonds commun au cas où, honorables sénateurs, nous parviendrions un jour à conclure un accord avec les gouvernements de la Colombie-Britannique et du Canada dont tous les membres de la Nation Nisga'a bénéficieraient.

Quelle sorte de responsabilité avons-nous prévue? Comme vous le savez, la Loi sur les Indiens n'existe plus entre la Nation Nisga'a et le gouvernement du Canada. En bref, un vide va apparaître. Qu'avons-nous prévu dans ce domaine? En plus du traité Nisga'a, notre Nation s'est prononcée sur le document appelé: «La Constitution de la Nation Nisga'a.»

Dans ce document, nous avons prévu la responsabilité de ceux qui vont suivre nos traces. Qu'il s'agisse de la moralité de nos chefs, de la responsabilité ou des aspects financiers du traité, tout est maintenant prévu dans ce document. Si jugé nécessaire, nos membres sont en mesure de décharger les politiciens de leurs fonctions. Nous ne pouvions pas le faire auparavant, dans notre système tribal, nous n'avons jamais pu le faire. Nous nous éloignons de ce système. Nos membres acceptent maintenant le processus démocratique que nous observons depuis 43 ans.

Le sénateur Tkachuk: Pouvez-vous nous en donner la recette?

Le sénateur St. Germain: Ma dernière question porte sur le chevauchement. Je comprends que nous sommes arrivés à un certain point et que certains d'entre nous risquent de se demander si les sénateurs seront en mesure d'apporter un amendement. Vous abordez cette question vers la fin de votre exposé d'aujourd'hui.

Il reste 49 ou 50 accords à conclure dans la province de Colombie-Britannique. Je comprends qu'ils ne vous intéressent pas, mais ils doivent nous intéresser tous, étant donné que si nous sommes arrivés à un seul règlement dans la province, nous n'avons atteint que très partiellement notre objectif, soit le règlement de toutes les revendications des peuples autochtones. Nous n'avons pas véritablement établi la certitude que nous recherchons si nous ne concluons pas d'accords avec ces autres peuples.

Dans le cadre de rencontres avec vous et avec M. Aldridge, votre conseiller juridique, j'ai appris que vous avez fait tous les efforts possibles pour essayer de négocier.

J'ai appris que ces peuples ne recherchent pas le même genre d'accord que vous avez réussi à conclure. Cela nous amène au sujet de votre argument type. Le gouvernement, étant ce qu'il est, indépendamment du parti au pouvoir, semble prendre une certaine direction et souvent met l'accent sur un seul type de règlement.

C'est ce qui a empêché les Gytanyow en particulier, de conclure un accord. Je sais que pour certains, ils sont peu nombreux et que peut-être il n'est pas nécessaire de leur accorder l'attention qu'ils recherchent. S'ils forment une bande reconnue, nous avons la responsabilité de les traiter de la même façon que n'importe quelle autre bande, qu'elle compte 3 000 ou 1 000 personnes.

Ce qui m'inquiète le plus, c'est que nous n'avons pas réglé cette situation en Colombie-Britannique. Lorsque nous aurons entendu les Gytanyow et les Gitxsans, nous voudrons peut-être que certains membres, probablement M. Gosnell ou M. Aldridge, comparaissent de nouveau devant nous à ce sujet. Je crois que c'est la clé.

Vous m'avez entendu dire -- je l'ai dit au Sénat -- qu'à l'origine, un document avait été publié indiquant qu'aucun traité ne serait signé en cas de chevauchement. L'argument avancé, c'est que c'est le point de vue provincial, par opposition au point de vue fédéral, tel que présenté par Tom Molloy. Je ne cherche pas à vous mettre des bâtons dans les roues, mais je crois que nous devons régler cette question. Si nous arrivons à une situation conflictuelle dans la province de Colombie-Britannique du fait que nous sommes parvenus à un règlement avec certains, ce qui se traduit par un impact négatif sur d'autres, nous allons créer un autre problème; j'espère que nous pouvons l'éviter.

M. Gosnell: Je vais essayer de répondre et peut-être que M. Wright voudra également dire ce qu'il pense à ce sujet.

Vous avez tout à fait raison de dire qu'il existe une politique au Canada et je crois, en Colombie-Britannique, qu'il faut observer avant de procéder au règlement de toutes les revendications en suspens. Toutefois, le Canada a indiqué qu'il serait satisfait si les parties faisaient tous les efforts possibles pour arriver à un accord à propos du chevauchement.

Le document que nous avons remis au comité permanent à propos de la question que vous soulevez indique clairement aux comités, aux députés et aux sénateurs que nous avons fait tous les efforts possibles pour régler cette situation. C'est bien documenté. Je suis très heureux d'apprendre que la situation s'est maintenant stabilisée étant donné que les gouvernements du Canada et de la Colombie-Britannique ont fait une offre à nos voisins, les chefs héréditaires Gytanyow. Toutefois, n'oubliez pas que le gouvernement de la Colombie-Britannique a indiqué à l'époque où Mike Harcourt en était le premier ministre, que seulement 5 p. 100 des terres seraient cédées aux peuples autochtones en vertu de traités. Les règles étaient déjà établies. Nous n'avons pas eu notre mot à dire.

En outre, une formule de partage des coûts a été signée par les gouvernements de la Colombie-Britannique et du Canada à propos des transferts de fonds qui seraient accordés aux peuples autochtones par le biais de traités. Là encore, nous n'avons pas participé à la formulation de cet accord. Là encore, les règles ont été fixées avant même que nous ne soyons appelés à la négociation.

Nous avons indiqué que nous sommes toujours prêts à négocier avec nos voisins. Toutefois, il y a une grande différence aujourd'hui. Nous avons un traité, tandis que les Gitnayow en sont encore à l'étape de négociation. Lorsque les règles du jeu seront uniformisées et que les chefs héréditaires auront un traité comme nous, je serais parfaitement disposé à amener notre Nation à la table de négociation pour savoir si nous pouvons résoudre ces différences en suspens. Je ne tiens certainement pas à ce que notre peuple vienne à la table de négociation, alors que nous avons un traité, contrairement à l'autre partie, car nous serions sûrement fortement désavantagés.

Le sénateur St. Germain: Au cas où les membres du comité le demanderaient, après les présentations des Gytanyow et des Gitxsans, seriez-vous prêt à comparaître de nouveau devant nous?

M. Gosnell: Très certainement.

M. Wright: Pour ce qui est des garanties que nous avons mises en place pour s'assurer que les personnes situées au bas de l'échelle seront protégées dans l'avenir, on peut dire que notre Constitution en est une. Il est très difficile de la modifier, c'est là que l'on retrouve le principe de la démocratie. La responsabilité financière est une autre garantie. Lorsque certains de nos membres arriveront à la soixantaine, ils obtiendront une somme d'argent à partir du transfert de fonds. Nous établissons un fonds de fiducie et nous avons prévu des règlements à ce sujet afin que beaucoup de générations puissent en profiter à l'avenir.

Pour ce qui est des Gitanyow, nous avons répondu à certaines des questions qu'ils ont soulevées lors de leurs témoignages le 16 novembre dernier devant le comité de la Chambre des communes, en présentant un document supplémentaire au comité de la Chambre des communes le 24 novembre. Ce document décrit clairement ce que nous tentons de faire pour régler la situation.

L'un des problèmes, c'est que dans notre Nation, les négociateurs sont élus et que beaucoup de nos membres élus sont des chefs héréditaires. Les négociateurs Gitanyow sont nommés, tout comme leurs chefs héréditaires. Nous ne sommes pas au courant des demandes de revendication territoriale qu'ils ont présentées, mais nous avons appris qu'ils veulent avoir leur mot à dire au sujet de toutes les questions qui se posent à l'intérieur de la région qu'ils revendiquent.

Cette région nous pose un problème. Elle provient de faits historiques récents et non de droits ancestraux, lesquels, selon nous, remontent à des milliers d'années. Les Gitanyow se sont établis dans la vallée au moment où les lignes de piégeage étaient posées en Colombie-Britannique. Nous avons des documents à cet effet et c'est la raison pour laquelle nous ne sommes pas d'accord avec ce qu'ils disent. Nos membres ont toujours partagé les endroits de pêche de saumon et d'autres espèces avec eux et tout à coup, ils prétendent être propriétaires de la terre. En ce qui nous concerne, ils ne le sont pas.

Nous ne connaissons pas le modèle que proposent les Gitanyow pour leur traité -- nous ne savons pas s'il s'agit d'un groupe élu démocratiquement ou non -- si bien que nous avons des problèmes à cet égard. Nous ne cessons de dire aux Gitanyow que nous sommes prêts à discuter des problèmes avec eux pour essayer de régler ces questions. À certaines occasions, nous avons conclu des accords avec certains négociateurs, mais ces accords ont été annulés par d'autres participants au processus.

Nous croyons que le processus de médiation proposé par le Canada et que nous avons accepté est toujours en place, mais nous devons le finaliser. Je crois que les Gitanyow ont reçu une offre, bien que je ne sache pas ce qui se passe à ce sujet. Nous avons appris par les médias que l'offre a été complètement rejetée. Je ne sais pas vraiment si cette position reste inchangée, mais nous avons encouragé les gouvernements du Canada et de la Colombie-Britannique à leur faire une offre pour que nous ayons quelque chose de tangible dont nous pourrons parler dans le processus de médiation.

Le sénateur St. Germain: Monsieur Aldridge, la Constitution renferme-t-elle une disposition de révocation?

M. Aldridge: Il n'y a pas de disposition de révocation en tant que telle. C'est une tradition de la Colombie-Britannique, mais la Constitution ne renferme pas de disposition de révocation. Plusieurs systèmes de responsabilité personnelle, y compris des règles relatives aux conflits d'intérêts, à l'inconduite des personnes en fonction, des choses du genre, peuvent mener au renvoi. La Constitution ne prévoit pas la signature d'une pétition ni la tenue d'un vote de révocation.

Le sénateur St. Germain: Il s'agit d'un processus de renvoi, non de révocation.

M. Aldridge: C'est exact.

Le président: Au sujet de la question de chevauchement, et pour cibler les renseignements que vous avez donnés le 25 novembre 1999 à la Chambre des communes, vous faites mention du paragraphe 33 du chapitre sur les dispositions générales. Pouvez-vous expliquer comment ce paragraphe traite de la question du chevauchement?

M. Aldridge: Le paragraphe 33 des dispositions générales du Traité Nisga'a -- à la page 25 de la version française -- est la déclaration catégorique qui, du point de vue du conseil, donne toutes les garanties dont tout autre peuple autochtone voisin de la Nation Nisga'a pourrait avoir besoin. Il stipule que l'Accord n'a pas pour effet de reconnaître ou de conférer à aucun autre peuple autochtone que la Nation Nisga'a des droits au sens de l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, ni d'avoir d'effet sur de tels droits.

De notre point de vue, cette déclaration est catégorique et claire. Soit dit entre parenthèses, les dispositions générales l'emportent sur le reste du traité. En d'autres termes, ce sont les articles qui vous indiquent comment interpréter tout le document.

Toutefois, étant donné certaines inquiétudes au sujet de l'application de cette disposition -- inquiétudes dois-je dire, non pas du côté Nisga'a, mais du côté des gouvernements et d'autres -- les paragraphes 34 et 35 ont été ajoutés. Le paragraphe 34 indique essentiellement à la cour que lorsqu'un autre peuple autochtone a des droits sur lesquels le traité Nisga'a a des effets négatifs, la disposition du traité Nisga'a doit être atténuée de manière à ne pas avoir d'effet négatif sur ces droits. Si la disposition ne peut pas être atténuée ou si une telle atténuation est complètement inutile, les Nisga'a, le Canada et la Colombie-Britannique devraient faire de leur mieux pour remplacer la disposition. En d'autres termes, le droit ancestral, si on peut le faire valoir, l'emporterait toujours sur le droit conféré par le traité Nisga'a.

Le paragraphe 35 vise l'avenir. C'est un revirement complet par rapport à la disposition de l'entente de principe, selon laquelle le Canada et la Colombie-Britannique ne doivent pas négocier de traité avec qui que ce soit, lorsque ce traité est susceptible d'avoir un effet négatif sur les Nisga'a. C'était l'un des points qui préoccupaient le plus les Gitanyow. Les Nisga'a ont accepté le paragraphe 35 des dispositions générales à la place de la disposition de l'entente de principe. Le paragraphe 35 prévoit que si le Canada ou la Colombie-Britannique conclut un traité ou un accord sur des revendications territoriales avec un autre peuple autochtone et que ce traité ou cet accord a des effets négatifs sur les droits Nisga'a tels qu'énoncés dans le traité, le Canada et la Colombie-Britannique devront revenir à la table et négocier une réparation adéquate ou un droit de remplacement pour la Nation Nisga'a.

Monsieur le président, nous tenons à souligner que l'effet combiné des paragraphes 33, 34 et 35, de notre point de vue, donne une protection légale plus que suffisante aux peuples des Premières nations voisins des Nisga'a.

Le président: Monsieur Gosnell, vous vous souvenez du document du 25 novembre présenté par le conseil tribal, portant sur les faits relatifs au différend Nisga'a-Gitanyow. Est-ce toujours votre position?

M. Gosnell: Oui, monsieur le président, c'est toujours notre position.

Le président: Merci. Avec votre permission, je vais le distribuer aux membres du comité sénatorial.

M. Gosnell: Cela ne nous pose aucun problème.

Le sénateur Tkachuk: La déclaration que vous avez faite ce matin était extrêmement bien faite. Elle a certainement expliqué bien des points de préoccupation exprimés par ceux d'entre nous qui ont pris la parole au moment de la deuxième lecture. Je vous en félicite.

J'aimerais poser des questions précises sur l'accord lui-même, et également une ou deux questions sur la façon dont le gouvernement Nisga'a va se financer et administrer ses affaires.

Combien d'acres de terre au total sont visés par le traité?

M. Aldridge: Je veux être sûr de votre question, monsieur le sénateur, voulez-vous parler de la superficie du territoire Nisga'a, qui équivaut à 2 000 kilomètres carrés ou 200 000 hectares?

Le sénateur Tkachuk: Pouvez-vous me donner cela en acres?

M. Aldridge: Nous n'avons pas ces chiffres; nous avons été obligés de négocier en respectant le système métrique.

Le sénateur Tkachuk: S'agit-il des terres négociées en plus des terres qui vous appartenaient, ou de la superficie totale des terres appartenant maintenant à la Nation Nisga'a?

M. Aldridge: Les réserves existantes représentaient 65 kilomètres carrés environ. Les Terres Nisga'a, qui sont des terres que la Nation Nisga'a doit détenir en domaine en fief simple correspondent à 2 000 kilomètres carrés -- soit une augmentation considérable. Le territoire traditionnel couvre une superficie d'environ 24 000 kilomètres carrés, dont les Terres Nisga'a ne représentent que simplement 2 000 kilomètres carrés.

Je donne une réponse plus longue que celle à laquelle vous auriez pu vous attendre, parce que, alors que la plupart de la compétence Nisga'a se limite au domaine en fief simple, certaines autorités Nisga'a ont compétence au-delà de cette superficie de 2 000 kilomètres carrés. Par exemple, le gouvernement Nisga'a a le pouvoir de légiférer en matière de chasse et de pêche dans la région beaucoup plus vaste, plus proche du territoire traditionnel. Par conséquent, selon ce dont on parle, l'étendue géographique de la compétence du gouvernement Nisga'a varie. Toutefois, pour vous répondre simplement, il s'agit de 2 000 kilomètres carrés.

Le sénateur Tkachuk: Vous dites que mis à part les 2 000 kilomètres carrés qui, en vertu du traité, représentent les Terres Nisga'a, il y a des terres qui appartiennent à d'autres. S'agit-il de terres publiques appartenant au gouvernement provincial ou de terres privées qui relèvent de votre compétence?

M. Aldridge: À l'intérieur des 2 000 kilomètres carrés, plusieurs parcelles en fief simple sont détenues aujourd'hui par des gens autres que des Nisga'a. Ces parcelles en fief simple ne sont pas comprises dans les Terres Nisga'a. Nous les appelons parfois des «trous de beigne». Ces parcelles restent intactes et ne relèvent pas de la compétence Nisga'a.

À l'extérieur des 2 000 kilomètres, le plus gros des terres appartient à la province. C'est le gouvernement provincial qui prend des décisions au sujet des terres.

J'ai fait mention de la compétence Nisga'a, non pas en ce qui concerne la terre, mais en ce qui concerne la récolte des ressources halieutiques ou fauniques sur cette terre, conformément au traité.

Le sénateur Tkachuk: Vous délivrez des permis de chasse, par exemple.

M. Aldridge: Si un citoyen Nisga'a souhaite chasser l'orignal conformément aux droits Nisga'a en matière de faune, il doit obtenir un permis de chasse Nisga'a auprès du gouvernement Nisga'a, permis fixant les conditions de chasse. Je me hâte d'ajouter qu'il s'agit des conditions fixées par le ministre après approbation du plan de gestion de la faune.

Toutefois, c'est au gouvernement Nisga'a de l'administrer. Il pourrait préciser sur le permis de chasse que la personne ne peut chasser qu'un seul orignal dans un certain secteur à un moment donné et qu'elle doit signaler ce qu'elle a chassé, où et quand, afin de pouvoir assurer le contrôle. Cela permettrait également le respect de l'allocation Nisga'a.

L'organisme législatif chargé de la récolte Nisga'a va s'assurer que l'exercice, le contrôle et l'application des droits issus de traités se font convenablement. C'est une responsabilité des Nisga'a. Je tiens à souligner que cela ne s'applique pas à la récolte faite par d'autres.

Le sénateur Tkachuk: En ce qui concerne la chasse à l'orignal, si je comprends bien, le gouvernement provincial fixe le nombre de bêtes que l'on peut abattre au cours d'une saison, ainsi que le nombre de permis qui sont délivrés. Cela se fait par tirage au sort. Comment cela fonctionne-t-il à toutes fins pratiques? Participez-vous au tirage au sort ou suggérez-vous simplement que 1 000 orignaux, dont 20 p. 100 appartiennent aux Nisga'a, peuvent être abattus en l'espace d'une saison? Prenez-vous ce genre de décision?

M. Aldridge: La dernière description est celle qui se rapproche le plus de la réalité. Dans cette région particulière de la Colombie-Britannique, il n'y a pas encore de chasse à accès limité faisant l'objet de tirage au sort. Cela se fait dans d'autres régions de la Colombie-Britannique, mais pas dans la région du Nass. Chaque année, le gouvernement provincial fixe le total des captures admissibles d'orignaux sur le territoire, comme cela l'est défini dans le traité; ce total comprend l'allocation garantie pour les Nisga'a. Le gouvernement provincial décide des limites en matière de conservation, de la récolte qui doit permettre de soutenir la population des orignaux et fixe le nombre de captures. Le traité fixe sur une échelle mobile les allocations pour les Nisga'a, essentiellement 52 p. 100.

Toutefois, c'est légèrement plus compliqué, étant donné que cela nous donne uniquement le nombre d'orignaux que nous pouvons chasser, sans pour autant faire mention des méthodes, des moments ou des lieux de récolte. Ces méthodes, moments et lieux sont fixés dans le cadre d'un plan de gestion de la faune, initialement proposé par les Nisga'a et, par la suite, examiné par un comité conjoint de la faune. Des recommandations sont faites au ministre qui seul peut approuver ou rejeter le plan de gestion de la faune. Ce plan reflète ce que le ministre juge nécessaire pour à la fois prendre en compte la récolte Nisga'a et celle d'autres intervenants dans la même région.

Du point de vue des Nisga'a, le degré de précision relatif à la répartition de ce pourcentage d'orignaux entre eux, au contrôle et à la mise en valeur de la population des orignaux, ainsi qu'aux pratiques de conservation, jugées nécessaires par les Nisga'a, ne va peut-être pas assez loin. N'oubliez pas que les Nisga'a sont encouragés à soutenir la population.

Le sénateur Tkachuk: Pour en venir à la question du financement de votre gouvernement, mis à part ce que vous allez recevoir du gouvernement fédéral sous forme de paiements de transfert pour la santé et l'éducation, allez-vous avoir le droit d'imposer des taxes foncières aux citoyens qui sont propriétaires? Comment votre gouvernement va-t-il financer les services offerts normalement par les gouvernements? Par exemple, comment allez-vous financer les services d'égout, d'eau et d'électricité?

M. Wright: Les terres en question représentent 492 270 acres ou 769 milles carrés, ce qui est beaucoup plus petit que le ranch Douglas en Colombie-Britannique.

Nous allons conclure des arrangements de financement par l'impôt avec le gouvernement du Canada -- qui en assumera la majeure partie -- et la Colombie-Britannique. Certains postes du budget sont le prolongement de budgets qui sont maintenant approuvés pour les bandes dans l'ensemble du Canada. Ils portent sur l'éducation, les travaux publics, la santé, et ainsi de suite. Cette entente particulière renégociée tous les cinq ans et comprendra des programmes et services convenus entre les parties. Comme vous le savez, les programmes et services qui sont périodiquement rayés des livres nous posent un dilemme.

Chose certaine, au cours des cinq premières années, notre capacité de tirer le maximum de revenus des ressources forestières sera très limitée. Une période de transition de cinq ans est prévue, au cours de laquelle les titulaires actuels de permis d'exploitation sur les terres nisga'a pourront continuer à exploiter ces ressources tout en payant un droit de coupe. Ce sont les revenus de ces droits qui, après la deuxième année, seront calculés au titre de notre contribution à la gestion du gouvernement.

Nous allons également accélérer la commercialisation de nos ressources halieutiques. Nous ne sommes pas autorisés à ouvrir une usine de traitement du poisson près de Prince Rupert, mais nous serons en mesure de vendre nos ressources sur le marché du poisson frais. Ce revenu servira à la mise en valeur du saumon. Les sommes qui resteront seront investies dans la gestion du programme des pêches. Les revenus tirés du développement de toute autre ressource y seront aussi consacrés.

À l'avenir, nous serons en mesure de lever des impôts à l'égard de nos propres citoyens. Nous ne sommes pas autorisés à imposer les personnes que M. Aldridge a décrit comme nos voisins qui sont propriétaires d'un mille carré ou d'un quart de section car ils relèvent toujours du gouvernement provincial et versent des impôts au district régional de Kitimat-Stikine.

Mon collègue, M. Nyce, vice-président du conseil régional de Kitimat-Stikine, a déclaré qu'en raison de la densité de la population, les recettes fiscales sont substantielles même si les sommes individuelles sont minimes. Cela s'explique par l'isolement de notre région. Notre village est propriétaire de deux propriétés en fief simple adjacentes à notre réserve indienne, et notre conseil tribal est propriétaire de quelques parcelles de terre. Par conséquent, nous sommes au fait des taux d'imposition pour la région. En raison du sous-développement de la région, les impôts auxquels sont assujetties ces propriétés sont très bas. Par conséquent, il ne nous sera pas possible d'aller chercher des revenus substantiels grâce aux taxes foncières dans un avenir immédiat. Ces revenus serviront à peine à couvrir les frais d'exploitation et d'entretien des aqueducs, des égouts et des routes. Toutefois, nous espérons des développements à venir.

Le sénateur Tkachuk: Avez-vous dit que cela représentait 492 000 acres?

M. Wright: Oui.

Le sénateur Tkachuk: En Saskatchewan, un agriculteur peut facilement être propriétaire de 10 000 acres. Par conséquent, 50 personnes peuvent aisément posséder l'équivalent de 492 000 acres.

Le sénateur Andreychuk: Il me semble que le Parlement n'est pas partie au processus suffisamment tôt, et cela m'inquiète. Toutefois, j'adhère fermement au principe des règlements négociés pour les revendications territoriales autochtones. La question n'est pas de savoir si les Nisga'a auraient dû en faire davantage plus tôt. En fait, j'ai su il y a quelques années qu'un processus de négociation était en cours. C'est tout ce que je savais au sujet de cette entente.

Ce que je souhaite -- et j'espère que notre comité abondera dans le même sens --, c'est que les gouvernements soient obligés d'informer le Parlement du processus et de ses répercussions au fil des négociations pour que nous soyons préparés lorsqu'un traité nous est présenté. Si nous avons des commentaires ou des opinions, nous pourrions les communiquer aux représentants des gouvernements participant aux négociations. C'est une lacune qui devient flagrante en ce qui a trait tant à nos traités internationaux que nationaux.

Dans votre exposé, vous avez dit qu'il serait difficile de modifier cette entente. C'est précisément ce que nous savons, qu'il est difficile, voire impossible, pour le Parlement d'amender un tel document. Pourtant, il faut prévoir la contribution du gouvernement fédéral dès les premières étapes. Je vais m'en tenir là.

J'aimerais qu'on réponde à une question que m'ont posée des citoyens de la Colombie-Britannique et d'autres également. À l'heure actuelle, les Nisga'a ont des conseils de santé et des conseils scolaires. Ces entités sont-elles physiquement situées sur les terres Nisga'a ou simplement dans la vallée Nass?

M. Wright: Le district scolaire englobe des terres à l'extérieur des limites du territoire Nisga'a. Pour ce qui est des structures matérielles, il y a une école élémentaire à Gingolx, le village situé à l'embouchure de la rivière. Il y a une école élémentaire à Lakalzap et à Gitwinksihlkw ainsi qu'une école élémentaire et secondaire à Gitlaxt'aamiks (New Aiyansh). Ces établissements sont dirigés par un conseil scolaire provincial, le seul conseil scolaire provincial au Canada qui compte 92 p. 100 d'autochtones dans son district scolaire. Cela a commencé en 1970 et se poursuit.

Nous avons cinq représentants au conseil, un pour chacun des quatre villages et un siège pour ce que nous appelons la zone «non organisée». Cela englobe les citoyens qui vivent sur les terres en fief simple voisines de New Aiyansh. Ces derniers ont 20 p. 100 du vote mais ils ne représentent que 5 ou 6 p. 100 de la population.

Le sénateur Andreychuk: Ces écoles sont-elles physiquement situées sur les terres Nisga'a?

M. Wright: Oui.

Le sénateur Andreychuk: Y a-t-il des élèves non Nisga'a qui fréquentent ces écoles?

M. Wright: Oui.

Le sénateur Andreychuk: Rien dans l'entente n'empêche les autorités provinciales d'établir à côté des terres Nisga'a des districts et des écoles que n'importe qui pourrait fréquenter. Est-ce exact? Je crois savoir qu'il incombe aux Nisga'a d'avoir des conseils scolaires et des districts de santé pour desservir les citoyens nisga'a sur leurs propres terres. S'il est possible de collaborer avec les non-Nisga'a en ce qui concerne l'utilisation de ces ressources, il va de soi que cela serait plus efficace, mais le traité n'interdit pas que des services soient offerts par les autorités provinciales aux non-Nisga'a. Ces entités pourraient être établies n'importe où. Cela peut signifier que les gens devront se déplacer plus loin ou conclure des ententes différentes, mais rien ne les empêche d'aller ailleurs. Ai-je raison ou non?

M. Aldridge: Vous avez tout à fait raison. Je ne sais pas si vous avez des appréhensions à cet égard, mais veuillez me permettre d'intervenir quelques instants. À l'heure actuelle, le conseil scolaire et le conseil de santé sont des sociétés enregistrées à l'échelle provinciale sous le régime des lois provinciales d'application générale. Nous n'avons aucune intention de changer cela à la date d'entrée en vigueur du traité. Ces deux entités constituées à l'échelle provinciale ou réglementées par les autorités provinciales pourront poursuivre indéfiniment leurs activités.

Vous vous rappellerez que lorsqu'ils ont négocié le traité, les Nisga'a ont dû négocier un traité pour un temps indéfini. Puisqu'il est possible qu'à un moment donné, à l'avenir, les Nisga'a puissent vouloir opter pour un conseil scolaire ou un conseil de santé organisé selon leurs propres lois, ils ont négocié ce pouvoir. Cela ne veut pas dire que cela se fera à la date d'entrée en vigueur du traité ou dans un proche avenir. S'ils le souhaitent cependant -- vous avez tout à fait raison --, le traité prévoit expressément des négociations pour tirer parti des économies évidentes découlant de l'inclusion de non-Nisga'a par le biais d'un accord de réciprocité avec la province. À défaut de cela, les autorités provinciales pourraient certainement implanter toute autre structure conforme à la loi provinciale à ce moment-là.

Le sénateur Andreychuk: Ce n'est pas ce que je craignais. Tout arrangement dépendra de la bonne volonté et de la coopération des participants. Je me soucie des droits à l'avenir, des droits des Nisga'a et des droits des non-Nisga'a. Je veux être sûre que les autorités provinciales conservent la responsabilité de fournir des services d'éducation et de santé aux non-Nisga'a, où qu'ils se trouvent dans la province, et que le traité n'y change rien.

M. Aldridge: C'est exact.

Le sénateur Andreychuk: Je parlais au sens juridique. Évidemment, au plan pratique, la coopération peut faire une différence.

M. Aldridge: C'est très juste.

Le sénateur Andreychuk: Je ne vais pas poser ma prochaine question en termes juridiques, mais je la soumettrai à des experts plus tard. Vous semblez affirmer que la citoyenneté ne découle pas des structures actuelles au Canada, qu'elle découle d'ailleurs. Vous avez évoqué la jurisprudence aux États-Unis et ailleurs. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi?

M. Aldridge: Si j'ai fait référence à la jurisprudence américaine, c'est uniquement parce que ses arrêts ont été repris par les tribunaux canadiens. Les décisions du juge Marshall ont été avalisées par les tribunaux canadiens en tant qu'interprétation juste du droit britannique. C'est la raison.

Pour ce qui est de la citoyenneté, cela n'a rien à voir avec le droit américain ou quoi que ce soit. Aux yeux des Nisga'a, le terme exact pour décrire un membre d'une nation est «citoyen». C'est simplement le terme exact. J'ai eu le privilège de représenter les Nisga'a dans ce domaine, de sorte que je peux dire ceci aux honorables sénateurs qui, je le sais, sont préoccupés par cette question:il ne s'agit pas d'une omission ou d'un sujet qui n'a jamais été abordé à la table. On en a énormément parlé à la table.

Dans l'optique des Nisga'a, être privé du droit d'utiliser le terme «citoyens», pour se décrire eux-mêmes revient à nier leur existence en tant que nation au sein du Canada. Les Nisga'a se considèrent une nation depuis des temps immémoriaux et cela figure dans les tous premiers documents que nous avons portant sur la question du territoire Nisga'a. Dire des Nisga'a qu'ils sont citoyens de la Nation nisga'a ne va pas plus loin que cela. Ils sont fiers de cette affiliation. Toutefois, je tiens à souligner que jamais dans le contexte des négociations à la table, j'ai laissé entendre de quelque façon que ce soit que l'utilisation de ce terme devrait compromettre ou remettre en question la citoyenneté canadienne.

Si je ne m'abuse, c'est le sénateur Kinsella, au cours du débat sur la deuxième lecture, qui a fait remarquer que la notion de citoyenneté canadienne est relativement récente. Ce concept exprime l'attachement que nous ressentons tous à l'égard du Canada en tant qu'Etat-nation de la communauté internationale. Il n'y rien dans l'expression «citoyen nisga'a» qui remet cela en question ou qui prétend se situer au même niveau.

Certains sénateurs se demandent si cela constitue une double citoyenneté. En toute déférence, il convient d'être prudents face à ce courant de pensée. J'ai pratiqué pendant de nombreuses années le droit de l'immigration. J'ai représenté de nombreux citoyens à double nationalité, par exemple celle du Royaume-Uni et du Canada ou, plus récemment, des États-Unis d'Amérique et du Canada. En droit international, la double citoyenneté est reconnue par les autres pays.

Ce n'est pas ce dont il est question ici. Nous discutons du cas d'autochtones membres, pour reprendre les propos du juge Marshall, «d'un groupe ou d'une communauté politique unique». Le terme «membre» est tout à fait acceptable, mais les clubs Rotary ont des membres, les barreaux ont des membres; le Parlement a des députés et les nations des citoyens. Nous sommes en présence de l'affirmation d'une nationalité, d'une appartenance à un groupe politique, ce qui ne porte aucunement préjudice à l'attachement à la citoyenneté canadienne. C'est plutôt une notion différente.

Le sénateur Andreychuk: Vous parlez de «citoyenneté canadienne», et sans vouloir vous manquer de respect, je ne suis pas d'accord avec le sénateur Kinsella qui affirme que c'est une notion récente. Il faut faire attention à ce que vous dites lorsque vous affirmez que la citoyenneté canadienne est une notion récente car à mon avis ce n'est pas le cas. Lorsqu'on parle de «citoyenneté canadienne», on peut définir les droits et les responsabilités qui en découlent. L'autre jour, on nous a dit le mot nisga'a correspondant à «citoyenneté». Par conséquent, j'en déduis que les Nisga'a ont un mot qui englobe le droit d'appartenir à ce groupe de personnes qui forment une nation. De cela découlent des droits et des responsabilités. Pouvons-nous savoir ce qu'il en est pour nous donner une idée ?

M. Gosnell: Il importe que le comité et que tous les honorables sénateurs qui ne sont pas présents reconnaissent clairement que tous les citoyens de notre nation à l'heure actuelle appartiennent à l'un des quatre principaux groupes emblèmes qui sont les nôtres. Dès sa naissance, un Nisga'a appartient à l'un de ces quatre groupes de clans. Chacun s'inscrit dans notre structure. Il n'y a aucune possibilité d'être à l'écart. Nous appartenons à un groupe. Dès notre naissance, nous appartenons à une lignée. Nous naissons au sein de notre nation. Il va de soi que dès la naissance, un enfant nisga'a est automatiquement citoyen de la Nation nisga'a.

Le sénateur Grafstein: Je tiens à remercier le groupe pour son exposé. Nous avons essayé, au Sénat, d'adopter une approche différente de celle de nos collègues de l'autre endroit, c'est-à-dire de cerner les questions et d'essayer d'y jeter, dans la mesure du possible, un regard impartial. Vous avez porté autant d'attention que nous à ces questions délicates. Toutefois, je n'ai pas obtenu toutes les réponses que je cherchais, de sorte que je vais devoir pousser ma réflexion plus loin. C'est ce qui importe ici.

J'aimerais maintenant revenir à la question qui me préoccupe au plus haut point, soit celle de la citoyenneté. Excusez-moi, mais je ne comprends pas vraiment la différence qui existe entre la citoyenneté canadienne et la citoyenneté Nisga'a. J'ai lu les accords, le traité et la Constitution. Par exemple, à la page 176 du chapitre qui porte sur le gouvernement Nisga'a, on précise que la Constitution «...prévoit que chaque participant Nisga'a qui est citoyen canadien ou résidant permanent du Canada a droit d'être citoyen Nisga'a.»

C'est vous qui établissez les critères en vertu de la Constitution Nisga'a. M. Gosnell a laissé entendre que le droit d'aînesse est un critère clé -- du moins, c'est ce que je présume.

M. Gosnell: C'est exact.

Le sénateur Grafstein: Un citoyen canadien ou un résidant permanent du Canada a droit d'être citoyen Nisga'a. Or, si vous êtes citoyen Nisga'a, avez-vous le droit de voter à une élection fédérale?

M. Gosnell: Oui, en tant que citoyen canadien.

Le sénateur Grafstein: Il y a, ici, une dualité. Si vous êtes citoyen canadien, vous pouvez voter à une élection fédérale, mais pas à une élection provinciale, c'est bien cela?

M. Gosnell: Non. Nous avons également le droit, depuis peu, de voter à une élection provinciale.

Le sénateur Grafstein: Il y a eu toute une histoire à ce sujet.

M. Gosnell: C'est exact.

Le sénateur Grafstein: Nous allons revenir à la question de la citoyenneté plus tard. Donc, le citoyen Nisga'a a le droit de voter à une élection fédérale et provinciale, et il a le droit aussi d'élire les membres des diverses structures gouvernementales Nisga'a. Il y en a plusieurs à l'intérieur et à l'extérieur des réserves.

M. Gosnell: Il faudrait éviter d'employer le mot «réserve», parce qu'il n'existera plus.

Le sénateur Grafstein: D'accord. Je vais faire attention. Je voulais dire «à l'intérieur ou à l'extérieur des terres Nisga'a».

M. Wright: Il est important de signaler que, peu importe où vous vivez, que ce soit dans une municipalité ou province, vous avez le droit de voter à une élection municipale, mais pas moi. Le processus ici est le même. J'ai le droit de voter à une élection provinciale et fédérale, et aussi d'élire les représentants de mon gouvernement, c'est-à-dire le gouvernement Nisga'a. Vous avez le droit de voter dans n'importe quelle municipalité où vous vivez, comme tout le monde. Le processus est le même. Vous parlez de «dualité». Or, cette dualité n'existe pas. Mon statut de résident me donne le droit de voter. Les critères figurent dans le chapitre de l'Accord définitif qui traite de l'admissibilité et de l'inscription. Ils complètent ce qu'a dit le président. Les critères figurent au haut de la page 261. Ils englobent l'individu qui est d'ascendance Nisga'a, qui est un descendant d'un Nisga'a et qui est l'enfant adoptif d'un Nisga'a. Il y a ensuite les autres Autochtones qui sont mariés à un membre de notre nation et qui ont été adoptés dans le cadre d'une cérémonie. Nous avons dû élargir les critères après maintes discussions avec notre peuple. Autrement, nous aurions arrêté au paragraphe (c). Les personnes qui ont épousé un membre de notre nation au cours des 30 ou 40 dernières années ont des enfants et des petits-enfants. Ils voulaient être pris en compte et nous les avons inclus. Une fois que vous êtes admissible, vous obtenez automatiquement la citoyenneté, à la condition que vous soyez citoyen canadien et résidant du Canada. Ce point est important. Ces critères sont identiques à ceux que vous devez réunir pour voter à élection municipale.

Le sénateur Grafstein: J'ai lu le texte. Il semble y avoir une ambiguïté entre le traité lui-même et votre Constitution, mais une ambiguïté positive, pas négative. Je pense que c'est vous, monsieur Gosnell, qui avez dit que le système tribal doit être abandonné en faveur d'un processus plus démocratique. Nous devons composer ici avec un système hybride qui est différend du système provincial, territorial ou fédéral que nous connaissons. Nous devons changer notre façon de penser, et il faut parfois du temps pour y arriver.

On semble vouloir accorder aux citoyens non Nisga'a -- mais pas de façon automatique -- le droit de participer à des institutions Nisga'a, si les activités de celles-ci les touchent directement et de façon importante. D'abord, qu'entendez-vous par cela? Deuxièmement, pourquoi n'avez-vous pas, comme vous le laissez entendre ici, reconnu le principe du droit des minorités au sein de ces institutions? C'est ce que vous laissez entendre ici. Vous y êtes presque arrivé, sauf que vous n'êtes pas allé jusqu'au bout de votre idée. Le débat semble porter sur une question de nombre. Autrement dit, est-ce que ce droit sera accordé à un nombre limité de personnes, ou est-ce que le vote sera libre? Il semble y avoir ambiguïté de ce côté là.

Pour terminer -- et je tiens à dire que je suis conscient du fait que vous essayez de régler la question du droit de vote -- si vous jetez un coup d'oeil sur les chiffres, et ceux que j'ai ne sont peut-être pas exacts, il y a environ 200 personnes à l'intérieur des terres Nisga'a qui ne sont pas des résidents. Est-ce exact?

M. Wright: Il y en a moins de 100.

Le sénateur Grafstein: Cela simplifie les choses.

M. Wright: Moins de 100 personnes vivent sur des parcelles de terre adjacentes aux nôtres. Toutefois, il y en beaucoup, probablement les 100 autres, qui vivent au sein de nos collectivités. Ce sont des enseignants, des professionnels de la santé, ainsi de suite. Ils vivent dans nos villages.

Le sénateur Grafstein: Pourquoi n'avez-vous pas franchi le pas suivant? Je sais que M. Gosnell en a parlé. Ce pas consiste à accorder ce que nous considérons comme un droit important au sein du régime gouvernemental «européen», c'est-à-dire la reconnaissance du droit des minorités au sein des institutions. Cela ne représente pas un gros danger pour les Nisga'a parce qu'ils détiennent une majorité écrasante. Ce sont eux qui contrôlent les terres. Il n'y aucun risque que la minorité empiète sur leurs droits. La minorité ne peut l'emporter sur la majorité. Pourquoi n'avez-vous pas franchi ce dernier pas?

M. Gosnell: Pour ce qui est d'accorder la citoyenneté aux personnes qui ne sont pas membres de notre nation, comme l'a mentionné M. Wright, cette décision n'a pas été prise par l'équipe de négociation ou le conseil d'administration exécutif de la Nation Nisga'a, mais par nos membres, les simples citoyens que vous croisez dans la rue tous les jours. Ils se réunissent, prennent une décision et nous donnent des instructions. Nous ne faisons que les suivre. Ce que vous retrouvez dans le document aujourd'hui, ce sont précisément les instructions que nous avons reçues.

Le traité comporte des dispositions qui nous permettraient de faire ce que vous proposez. Toutefois, ce n'est pas à moi de décider. C'est aux législateurs futurs de notre gouvernement de prendre cette décision.

Le sénateur St. Germain: J'aimerais poser une autre question très brève. Vous avez dit que vous avez le droit de voter aux élections fédérales et provinciales. Vous avez sûrement participer aux élections du district régional, n'est-ce pas?

M. Leeson: Oui.

Le sénateur St. Germain: Tout le monde est traité sur un pied d'égalité, n'est-ce pas?

M. Leeson: Oui.

M. Gosnell: C'est exact.

Le sénateur St. Germain: Pour revenir à la question du sénateur Grafstein, il y a des groupes minoritaires qui ne jouissent plus des mêmes pouvoirs et droits de vote.

M. Gosnell: Il ne faut pas oublier, sénateurs, que nous n'avons pas le droit de voter à une élection municipale. La municipalité la plus proche est Terrace. Nous n'avons pas le droit de voter à cet endroit, à Prince Rupert, à Kitimat ou ailleurs. Nous avons le droit de voter, à l'échelle fédérale et provinciale, dans les circonscriptions électorales où nous vivons.

Le sénateur St. Germain: Je ne peux pas moi non plus voter à Prince Rupert.

M. Gosnell: Croyez-vous, sénateur, que nous devrions avoir le droit de voter à une élection municipale à Terrace et Prince Rupert, si nous vivons dans la vallée de la Nass?

Le sénateur St. Germain: Ce n'est pas ce que je dis. Ce n'est pas la question que je pose, monsieur Gosnell. Je n'ai pas, moi non plus, le droit de voter à Prince Rupert. Cela n'a rien à voir avec la question que je pose. Ma question recoupe celle du sénateur Grafstein. Vous avez un groupe minoritaire qui se voit essentiellement priver de son droit de vote. Le sénateur voulait savoir pourquoi vous ne lui avez pas, pendant les négociations, accordé le droit de vote. Est-ce exact, sénateur Grafstein?

Le sénateur Grafstein: Je ne veux pas être injuste envers le témoin. C'est ce que laisse entendre le document, et ils ont le pouvoir de ne pas leur accorder ce droit de vote. Ce pouvoir existe. Mais je comprends, après avoir entendu les témoins, d'où vient son hésitation. Il est chargé, en tant que négociateur, de suivre les instructions qu'on lui donne. Même s'il ne reste qu'un petit pas à franchir, je comprends pourquoi il ne peut pas, même s'il le voulait, aller jusqu'au bout.

Le président: Je vais permettre à monsieur Gosnell de répondre, après quoi je devrai clore la réunion.

M. Gosnell: Brièvement, comme nous l'avons indiqué dans notre exposé, honorables sénateurs, le gouvernement de demain devra essentiellement s'attaquer aux questions internes qui intéressent notre nation. Nous ne pourrons pas exercer notre compétence sur les terres détenues en fief simple qui sont adjacentes à notre territoire ou situées immédiatement à l'intérieur des limites de celui-ci. Nous n'avons pas ce pouvoir. Nous pouvons uniquement régler les questions internes qui intéressent la Nation Nisga'a.

Le sénateur St. Germain: Nous manquons de temps. Je trouve cela dommage parce que j'avais une autre question à poser.

Le président: Le Conseil tribal Nisga'a doit recomparaître devant le comité, et les sénateurs auront l'occasion de lui poser toutes les questions qui les intéressent. Vous pourriez peut-être revenir, monsieur Gosnell, après que tous les témoins auront été entendus. Je sais que vous allez examiner les diverses questions que posent les sénateurs afin de pouvoir y répondre.

Je vous remercie de votre témoignage. Je tiens également à vous remercier, au nom de tous les sénateurs, des réponses que vous nous avez données jusqu'à maintenant.

La séance est levée.


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