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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule 21 - Témoignages du 26 avril 2007


OTTAWA, le jeudi 26 avril 2007

Le Sous-comité sur les villes du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui à 11 h 8 afin d'examiner, pour en faire rapport, les questions sociales d'actualité des grandes villes canadiennes.

Le sénateur Art Eggleton (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Je déclare ouverte cette réunion du sous-comité du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie. Aujourd'hui marque notre première réunion dans le cadre de notre étude de la pauvreté, de l'itinérance et du logement.

[Français]

Il existe un lien entre la pauvreté et l'itinérance, voilà pourquoi nous avons décidé d'étudier les deux questions en même temps.

[Traduction]

Il est également clair que des questions telles que la pauvreté, l'itinérance et le logement seront d'une importance capitale dans le cadre des études menées par nos deux sous-comités. Le sous-comité de la santé de la population a déterminé que la pauvreté est un déterminant clé de la santé. De plus, la pauvreté, l'itinérance et le logement sont plus présents dans les villes du Canada et vont jouer un rôle important dans le cadre de l'étude du sous-comité sur les villes. Par conséquent, nous avons décidé de rassembler les deux sous-comités — il s'agit, autrement dit, du comité plénier — pour les fins de cette étude.

Nos premiers témoins aujourd'hui sont du ministère des Ressources humaines et du Développement social, soit RHDS, créé en février 2006 par suite de la fusion de Ressources humaines et Développement des compétences Canada et l'ancien Développement social Canada. Le ministre de l'entité nouvellement créée, l'honorable Monte Solberg, s'est fait également confier la responsabilité de la Société canadienne d'hypothèques et de logement, la SCHL. Cet organisme a un mandat social et économique de grande envergure qui influe sur tous les Canadiens. Le ministère est responsable des politiques, des programmes et des services qui favorisent le bien-être social des particuliers, des familles et des collectivités, de même que leur participation à la société et à l'économie.

De RHDSC, j'accueille donc Andrew Treusch, sous-ministre adjoint principal, Politique stratégique et de la recherche, ainsi que Bayla Kolk, sous-ministre déléguée, Stratégie des partenariats de lutte contre l'itinérance, et de la SCHL, nous accueillons Sharon Matthews, vice-présidente, Aide au logement. Monsieur Treusch, vous avez la parole.

Andrew Treusch, sous-ministre adjoint principal, Direction générale de la politique stratégique et de la Recherche, Ressources humaines et Développement social Canada : Je vous remercie de votre invitation à comparaître aujourd'hui. Je suis heureux de pouvoir de nouveau comparaître devant un comité sénatorial.

[Français]

Comme vous le savez, il s'agit d'une question vaste et complexe de sorte que j'ai jugé utile d'entamer notre discussion par une définition du problème de la pauvreté.

[Traduction]

Tout comme la plupart des pays, le Canada n'a pas de seuil officiel de la pauvreté. La mesure de faible revenu la plus couramment utilisée est le seuil de faible revenu (SFR) après impôt de Statistique Canada, et c'est celle à laquelle je vais surtout faire allusion dans mon exposé. Parmi les autres mesures, nommons la mesure de faible revenu, ou MFR, ainsi que la mesure du panier de consommation, soit la MPC. Parmi les autres facteurs importants que le comité voudra peut-être examiner, notons le revenu familial par opposition au revenu individuel, l'étendue du faible revenu et sa durée dans le temps.

Du point de vue international, le Canada se situe au milieu des pays membres de l'OCDE — c'est-à-dire l'Organisation pour la coopération et le développement économiques — pour ce qui est de la fréquence et de la durée du faible revenu. De façon générale, nous avons une meilleure performance que les États-Unis et le Royaume-Uni, mais pas aussi bonne que certains pays d'Europe.

[Français]

Pour ce qui est de la transmission de la pauvreté entre les générations au Canada, le Canada réussit mieux que d'autres pays, tout comme les pays nordiques.

[Traduction]

En 2004, la dernière année pour laquelle nous avons des données, le taux de faible revenu était de 11,2 p. 100, par rapport à 15,7 p. 100 en 1996. Le taux de pauvreté chez les enfants a chuté de 18,6 p. 100 à 12,8 p. 100, bien qu'il y ait eu une certaine remontée depuis quelques années, et la proportion d'aînés est passée de 9,8 p. 100 à 5,6 p. 100 au cours de la même période. Dans l'ensemble, les tendances sont favorables. Certains groupes réussissent moins bien que d'autres. Par exemple, les personnes handicapées ont un taux de faible revenu de 32 p. 100, et les mères seules, un taux de faible revenu de 36 p. 100. Le taux de faible revenu chez les Canadiens autochtones qui vivent à l'extérieur de la réserve est de 21 p. 100, alors que les nouveaux immigrants ont un taux de faible revenu de 24 p. 100.

Il y a plusieurs autres facteurs. En ce qui concerne la pauvreté chronique — c'est-à-dire, vivre dans la pauvreté pendant une période de quatre ans, selon la définition — le taux entre 1993 et 1998 était de 8,6 p. 100. Aujourd'hui, ce taux n'est plus que de 5,5 p. 100. L'étendue du faible revenu — c'est-à-dire, l'écart moyen entre le revenu effectif et le SFR après impôt — pour les familles comptant au moins deux personnes, est restée relativement stable au cours des deux dernières décennies, mais elle s'est accrue pour les personnes seules. Ces taux varient d'une région à l'autre du Canada.

Il est intéressant de constater, néanmoins, que les trois provinces de l'Atlantique ont les plus faibles taux de faible revenu — soit l'Île-du-Prince-Édouard, la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick. Les taux au centre du Canada et dans les Prairies sont assez proches de la moyenne générale. C'est à Terre-Neuve-et-Labrador et en Colombie- Britannique — qui sont, dans un cas comme dans l'autre, à une extrémité du pays — qu'on trouve les taux de faible revenu les plus élevés, soit 12,2 p. 100 et 14,2 p. 100, respectivement.

S'agissant de pauvreté urbaine, il n'y a pas de différences marquées entre les taux de faible revenu dans les régions rurales et les régions urbaines; par contre, il existe des différences non marquées, si je puis dire. La grande majorité des Canadiens — soit 80 p. 100 — vivent dans les centres urbains, et il en est de même de la grande majorité de ceux et celles qui ont un faible revenu — soit 85 p. 100. La majorité de ces personnes vivent dans trois provinces — soit l'Ontario, le Québec et la Colombie-Britannique.

Les Canadiens qui ont un faible revenu et qui vivent dans les régions urbaines sont généralement jeunes et vivent seuls; sont le plus souvent de nouveaux immigrants, et, sont généralement locataires, plutôt que propriétaires. Le rôle du gouvernement fédéral est trop large pour que le temps qui m'est imparti aujourd'hui me permette d'en discuter. Il est évident que la performance sur le plan de l'emploi est une déterminante clé du revenu et de la pauvreté, tout comme un régime fiscal progressif et un vaste éventail de programmes et de services fédéraux et provinciaux, y compris ceux qui sont destinés aux familles et aux enfants. Parmi ces mesures, notons les programmes de soutien du revenu des aînés, de nouveaux engagements relativement à la prestation fiscale pour le revenu gagné; des ententes sur le développement du marché du travail; de nouveaux engagements vis-à-vis d'une entente plus vaste sur le développement du marché du travail; des stratégies de développement des ressources humaines autochtones; des efforts visant à régler le problème de la reconnaissance des titres de compétences étrangers, y compris le nouveau Bureau de reconnaissance des titres de compétences étrangers; des mesures de soutien destinées aux personnes handicapées qui passent par le Régime de pensions du Canada, les ententes sur le marché du travail et des mesures de soutien destinées aux personnes handicapées; et, enfin, les transferts fédéraux-provinciaux, notamment le Transfert social canadien en faveur de l'aide sociale et des services sociaux.

Je voudrais maintenant inviter Mme Kolk à aborder la question de l'itinérance.

Bayla Kolk, sous-ministre déléguée par intérim, Stratégie des partenariats de lutte contre l'itinérance, Ressources humaines et Développement social Canada : Je vous remercie de votre invitation à prendre la parole aujourd'hui sur l'itinérance au Canada et la réponse du gouvernement fédéral à ce problème, et plus particulièrement de la nouvelle Stratégie des partenariats de lutte contre l'itinérance, ou SPLI, qui est entrée en vigueur le 1er avril 2007.

L'itinérance continue d'être un problème grave au Canada. Même s'il est difficile de calculer le nombre de sans-abri au Canada, nous savons qu'au moins 150 000 personnes font appel aux refuges chaque année. De nombreux autres se retrouvent dans la rue ou vivent avec des amis ou des membres de leur famille. Nous les qualifions de « sans-abri cachés » puisqu'ils vivent loin des yeux du public et hors du réseau des refuges. Le recensement de 2001 révèle que 13,7 p. 100, ou 1,5 million de ménages éprouvent de graves problèmes de logement, ce qui signifie qu'ils ne peuvent pas accéder à un logement abordable, convenable et adéquat. Nous savons que plus de 500 000 de ceux qui éprouvent ces problèmes consacrent 50 p. 100 ou plus de leurs revenus à leur logement, et risquent donc de devenir sans-abri.

En réalité, l'itinérance n'est pas le fait d'un seul facteur, mais plutôt d'une multiplicité de facteurs qui sont liés aux indicateurs de la pauvreté mentionnée par M. Treusch. Toute une série de facteurs interreliés contribuent à favoriser l'itinérance. Malgré la récente croissance économique, le revenu des 20 p. 100 des familles les plus pauvres demeure stagnant, alors que les prix des logements augmentent. Il existe un problème relatif aux prix des logements, problème qui est lié à l'offre insuffisante de logements abordables et aux revenus en déclin des Canadiens qui se retrouvent au bas de l'échelle des revenus.

De nombreux sans-abri se heurtent à une multiplicité d'obstacles, y compris les problèmes de santé mentale ou de toxicomanie. Le récent rapport du sénateur Kirby démontre que 86 p. 100 des sans-abri souffrent de maladies mentales. Cela représente deux à trois fois le taux de la population générale; pourtant, peu d'entre eux sont diagnostiqués ou reçoivent un traitement adéquat en raison du manque de services et d'installations qui leur sont destinées.

De plus, les conflits familiaux et les ruptures sont les principales causes de l'aggravation de l'itinérance chez les jeunes. Plusieurs études démontrent que près des deux tiers des jeunes qui quittent la maison le font parce qu'ils sont victimes d'une forme ou d'une autre de violence sexuelle, physique ou psychologique.

Plusieurs facteurs sociaux et économiques créent de multiples obstacles et contribuent à l'itinérance chez les populations marginalisées, y compris les personnes souffrant de maladies physiques et mentales, les jeunes à risque, les aînés, les parents seuls, les nouveaux arrivants et les Autochtones. Le stéréotype qui prévalait autrefois du sans-abri comme étant un homme seul dans la cinquantaine qui vit dans la rue ne tient plus. Non seulement cette problématique a de multiples facettes, mais elle touche tous les segments de la population canadienne.

L'itinérance n'est pas uniquement un problème urbain, bien que vous l'examiniez du point de vue de la situation dans nos villes, et il est sans aucun doute l'un des principaux défis des villes de nos jours. Le coût et la disponibilité des logements contribuent de façon importante à favoriser l'itinérance dans nos centres urbains. Il existe une grave pénurie de logements locatifs abordables au Canada. Le taux d'inoccupation général dans les grands marchés du logement au Canada est inférieur à 3 p. 100, et dans certaines grandes villes, inférieur à 1 p. 100.

Cependant, je voudrais aborder la question de l'itinérance surtout comme un problème social ayant des causes économiques très réelles. Ma collègue de la SCHL vous entretiendra des aspects davantage économiques de l'enjeu des logements abordables.

En 1999, la pression croissante d'une augmentation évidente de l'itinérance, particulièrement dans les grands centres urbains, a pour la première fois incité le gouvernement fédéral à réagir en lançant l'Initiative nationale pour les sans- abri, ou l'INSA. Le programme de base de l'INSA était l'Initiative de partenariats en action communautaire ou l'IPAC.

Nous avons découvert que l'itinérance n'est pas limitée aux villes, puisqu'on la retrouve également dans les petites collectivités à travers le Canada et dans le Nord. L'IPAC favorisait une approche communautaire, rassemblant divers partenaires au niveau local pour trouver des solutions à l'itinérance. De 1999 à 2007, l'INSA a permis de mettre en place une solide infrastructure de soutien dans 61 collectivités à travers le Canada.

Au départ, nous croyions que l'itinérance posait problème surtout dans huit à 10 grands centres. Le fait que 61 collectivités aient présenté une demande de financement indique bien que ce problème touche l'ensemble du pays. C'est un problème lié à la migration, et c'est également un problème qui touche l'ensemble des citoyens, qu'il s'agisse d'enfants, de jeunes, de familles ou de personnes âgées.

Au cours de la période d'application de l'INSA, de nouveaux refuges ont été construits et des mécanismes d'aiguillage vers les services sociaux ont été établis. Au fil des années, nous avons commencé à mettre davantage l'accent sur des mesures concrètes et des résultats tangibles, plutôt que sur le renforcement des capacités et la sensibilisation du public. Étant donné que l'INSA devait prendre fin le 31 mars 2007, nous avons profité de l'occasion pour revoir la situation de l'itinérance au Canada, évaluer ce qui a donné de bons résultats dans l'intervention fédérale et aller de l'avant avec une approche qui permettrait d'éliminer les lacunes actuelles et de relever les problèmes qui demeuraient sans solution. Le résultat est la nouvelle Stratégie des partenariats de lutte contre l'itinérance, ou SPLI, qui est entrée en vigueur le 1er avril 2007.

Je voudrais vous parler brièvement de cette stratégie, que nous appelons couramment la SPLI. Cette dernière met l'accent sur des partenariats et structures qui prévoient des solutions à long terme, comme les logements de transition ou avec services de soutien, afin d'aider certaines populations qui ont besoin de notre aide. Dans ce contexte, il s'agit d'aider les intéressés à accéder à une plus grande autonomie et à l'autosuffisance.

Dans le cadre de la nouvelle SPLI, nous établissons une distinction entre les populations de sans-abri — c'est-à-dire entre les sans-abri chroniques, qui requièrent des soins constants et un soutien en permanence pour accéder à un refuge et obtenir des services sociaux, et les sans-abri occasionnels, c'est-à-dire ceux qui font face à de graves problèmes financiers, comme la perte d'un emploi ou une rupture familiale, qui peuvent éventuellement surmonter rapidement leurs problèmes et retrouver leur qualité de vie et leur autonomie avec des interventions et des mesures de soutien appropriées.

L'objectif consiste à trouver des solutions durables et pertinentes pour prévenir et réduire l'itinérance en investissant dans les maisons d'hébergement et les services de soutien connexes, de même que dans les logements de transition et les logements supervisés à long terme. La SPLI permet un meilleur accès à des réseaux de soutien adaptés aux besoins individuels des sans-abri — par exemple, le développement des compétences, les soins de santé et le traitement des toxicomanies — pour les aider à devenir autosuffisants et à participer pleinement à la société canadienne.

De plus, la SPLI encourage les ministères fédéraux à travailler en plus étroite collaboration dans des domaines liés à l'itinérance, notamment les services correctionnels, la prévention du crime, la santé mentale, la violence familiale, le développement des compétences et l'immigration.

Enfin, la SPLI offre l'occasion de mettre en place des ententes de partenariat bilatérales avec les provinces et les territoires. Les objectifs sont les suivants : des investissements mieux alignés; la planification stratégique conjointe; et des liens plus solides entre les maisons d'hébergement et les services sociaux, afin de renforcer et de solidifier les efforts communautaires.

La nouvelle stratégie nous permet donc d'améliorer nos partenariats, puisque nous reconnaissons qu'aucun ordre de gouvernement ni aucun organe gouvernemental ne pourra régler ce problème tout seul. Il faut au contraire un effort concerté de la part du gouvernement fédéral, des provinces et territoires, de l'ensemble des intervenants clés, des organisations non gouvernementales et des fournisseurs de services, si nous souhaitons obtenir de meilleurs résultats pour les sans-abri.

Comme mes collègues, je suis maintenant à votre disposition pour répondre à vos questions.

Sharon Matthews, vice-présidente, Aide au logement, Société canadienne d'hypothèques et de logement : Je suis très heureuse d'avoir l'occasion de vous adresser la parole ce matin. À titre d'organisme responsable du logement au Canada, la Société canadienne d'hypothèques et de logement participe à une vaste gamme d'activités destinées à aider les Canadiens à mieux répondre à leurs besoins en matière de logement.

L'assurance-prêt hypothécaire de la SCHL permet à des centaines de milliers de propriétaires-occupants et de propriétaires-bailleurs d'avoir accès chaque année à du financement hypothécaire à faible coût. La SCHL aide également les Canadiens dans le besoin à accéder à des logements abordables et sécuritaires. Nos activités de recherche favorisent l'innovation et nos produits d'information aident les gens à prendre des décisions éclairées.

Pour commencer ce matin, j'aimerais vous dresser un portrait général du marché de l'habitation au Canada et peut- être un profil des besoins actuels en matière de logement. Ensuite, je vais vous donner un bref aperçu de ce que fait le gouvernement fédéral, par l'intermédiaire de la SCHL, pour aider les Canadiens à combler leurs besoins de logement.

D'abord, examinons le marché de l'habitation au Canada. Depuis les dernières années, le marché est favorable aux vendeurs dans la plupart des régions du Canada. Par conséquent, depuis 2002, la hausse annuelle du prix SIA moyen est supérieure à 9 p. 100.

Cette forte croissance s'appuie sur des bases solides et, de l'avis de la SCHL, ne témoigne pas d'une bulle immobilière inflationniste. En effet, les hausses de prix découlent d'une économie vigoureuse, d'une confiance élevée chez les consommateurs, de l'augmentation du revenu personnel et d'un faible taux de chômage. Le taux d'augmentation du prix SIA moyen devrait évoluer à la baisse dans les années à venir, au fur et à mesure que les marchés des logements existants atteindront leur point d'équilibre.

En ce qui a trait au marché locatif, le taux d'inoccupation moyen des appartements dans les 28 principaux centres du Canada est demeuré pratiquement le même à 2,6 p. 100 en 2006, par rapport à celui de 2005. Le taux d'inoccupation national devrait demeurer essentiellement le même dans les mois qui viennent.

Il est vrai que la bonne conjoncture de l'emploi, l'afflux migratoire et l'écart grandissant entre les loyers et les frais de possession continueront d'exercer des pressions qui, à elles seules, devraient amener un resserrement modéré des taux d'inoccupation. Toutefois, ces facteurs sont nuancés par le fait que de nombreux ménages locataires devraient continuer d'être attirés par l'accession à la propriété; en conséquence, le résultat devrait être un équilibre entre les deux.

À la base de ces chiffres sur l'ensemble du Canada se trouvent des conditions de marché qui varient grandement d'une région à l'autre. Je vais vous donner quelques exemples.

À Calgary, la forte demande record de logements l'année dernière s'est traduite par une hausse du prix SIA moyen de 38 p. 100, soit un taux sans précédent. Cette croissance devrait évoluer à la baisse au cours des quelques prochaines années. Calgary affiche son taux d'inoccupation moyen le plus bas jusqu'à maintenant, soit 0,5 p. 100, taux qui ne devrait pas dépasser 1 p. 100 en raison de l'afflux important de personnes à la recherche d'un emploi.

Le portrait est un peu différent à Toronto, où les prix de vente ont augmenté de façon modérée en 2006, soit de 4,8 p. 100. L'actuel taux d'inoccupation est de 3,2 p. 100, et le portrait est donc très différent quand on compare ces deux marchés.

Du côté de l'ensemble des besoins en matière de logement au pays, selon les données du recensement de 2001 — nous n'avons pas encore les chiffres du plus récents recensement — la grande majorité des Canadiens est bien logée. En fait, le marché arrive à combler plus de 80 p. 100 des besoins des Canadiens en matière d'habitation. Cela étant dit, près de 1,5 million de ménages canadiens éprouvent encore des besoins impérieux de logement, soit 13,5 p. 100 des ménages.

Pour expliquer un peu la situation, je dois mentionner que la SCHL utilise la notion de « besoins impérieux de logement » pour mesurer les besoins au Canada. En termes simples, cette mesure tient compte d'un certain nombre de normes de logement, soit la taille et la qualité du logement, qui doivent être convenables pour le nombre d'occupants, et son prix, qui doit être abordable.

Quant aux conditions de marché que j'ai décrites il y a quelques instants, les besoins impérieux de logement constituent un indicateur qui peut varier énormément d'une région à l'autre et d'un groupe à l'autre. À Toronto, par exemple, plus de deux ménages récemment immigrés sur cinq éprouvent des besoins. À Regina, près d'un ménage autochtone sur trois a des besoins impérieux de logement.

Les besoins de logement représentent davantage un enjeu dans les régions urbaines. Un peu plus de 80 p. 100 de tous les ménages canadiens vivent dans les villes, mais ils représentent près de 88 p. 100 des ménages dans le besoin. En outre, les trois plus grandes villes canadiennes contiennent 33 p. 100 de tous les ménages canadiens, et 41 p. 100 de tous les ménages dans le besoin. Il n'est peut-être pas surprenant de constater que les parents seuls représentent un pourcentage démesurément élevé des ménages dans le besoin. On peut dire la même chose des ménages autochtones, des femmes âgées et des immigrants récents.

Pour aider le comité dans ses délibérations, j'ai apporté des exemplaires de L'Observateur du logement au Canada, une publication annuelle de la SCHL qui présente un examen annuel détaillé des conditions et des tendances du logement au Canada, ainsi que des principaux facteurs qui influent sur ceux-ci. La plupart des données dont j'ai parlé ce matin se trouvent dans cette publication mais la SCHL pourrait éventuellement ventiler différemment les données afin de répondre à vos besoins précis. Il s'agit de nous faire savoir ce qu'il vous faut, et nous verrons ce que nous pouvons faire pour vous aider.

J'aimerais conclure mon intervention en soulignant les initiatives que prend le gouvernement du Canada pour aider les Canadiens qui éprouvent des besoins de logement. Encore une fois, il s'agit de vous donner un aperçu général de ce qui se fait actuellement.

Le gouvernement du Canada a confirmé l'octroi d'une somme de 1,4 milliard de dollars en faveur de trois fiducies pour l'habitation provinciales et territoriales destinées à répondre aux besoins pressants en matière de logement abordable. Il s'agit, plus précisément, d'une fiducie pour le logement abordable d'un montant de 800 millions de dollars; d'une fiducie pour le logement dans le Nord d'un montant de 300 millions de dollars; et d'une fiducie pour le logement des Autochtones hors réserve d'un montant de 300 millions de dollars.

Les crédits permettant de constituer ces fiducies sont en train d'être attribués. Les provinces et les territoires sont responsables de l'affectation de ces fonds fédéraux.

Le gouvernement fédéral continue également de soutenir quelque 630 000 logements sociaux au Canada, au coût de près de 1,7 milliard de dollars par année.

Par l'intermédiaire de la SCHL, le gouvernement du Canada a aussi signé des ententes de logement abordable avec l'ensemble des provinces et territoires. Aux termes de l'Initiative en matière de logement abordable, le gouvernement fédéral investit 1 milliard de dollars qui devrait servir à la production de quelque 44 000 logements abordables. Les provinces investissent la même somme. En vertu des dispositions de cette initiative, les provinces et les territoires sont responsables de la conception et de l'application des programmes, de même que de l'affectation des fonds.

En fait, dans la plupart des provinces et dans le Nord, le financement que la SCHL reçoit au titre de l'habitation relève de l'administration des provinces et des territoires. Cela constitue un guichet unique et efficace pour obtenir de l'aide en matière de logement. En ce qui nous concerne, c'est une démarche beaucoup plus intéressante pour le consommateur, pour le citoyen canadien, pour ce qui est d'accéder aux crédits et d'obtenir de l'aide.

Afin de préserver le parc actuel de logements abordables, le gouvernement du Canada, par l'entremise de la SCHL, offre certains programmes de rénovation résidentielle. Je suis sûre que vous avez tous entendu parler du Programme d'aide à la remise en état des logements, appelé le PAREL, qui fournit une aide financière aux ménages à faible revenu pour leur permettre de réparer et d'adapter les logements qu'ils occupent. En décembre 2006, le gouvernement du Canada a annoncé une enveloppe de 256 millions de dollars en vue de prolonger de deux ans le financement des programmes de rénovation et d'adaptation des logements destinés aux Canadiens à faible revenu.

Le gouvernement du Canada consacre également quelque 260 millions de dollars par année aux logements des Premières nations. La semaine dernière, le gouvernement a annoncé la création d'un nouveau fonds de 300 millions de dollars pour des logements destinés aux Premières nations, dont le but est de faciliter l'accès au financement privé dans les réserves.

De plus, les différents produits d'assurance-prêt hypothécaire de la SCHL aident les Canadiens à accéder à la propriété. La SCHL a également assoupli ses critères de souscription, tant pour les propriétaires-occupants que pour les propriétaires-bailleurs, et ce afin de faciliter encore davantage le financement d'ensembles de logements abordables partout au pays, en donnant aux emprunteurs la possibilité de contracter des emprunts moins élevés aux meilleurs taux d'intérêt possible. En outre, les ensembles de logements abordables peuvent être admissibles à une prime d'assurance- prêt hypothécaire réduite et à d'autres assouplissements en fonction du degré d'abordabilité des logements. Par exemple, dans le cadre d'un projet entrepris en vertu de l'EILA, il n'y aurait pas de prime d'assurance hypothécaire à verser.

Depuis 1991, le Centre du partenariat de la SCHL collabore avec ses clients des secteurs public et privé, ainsi qu'avec les municipalités et d'autres intervenants intéressés à produire des logements abordables sans recourir à des fonds publics permanents. Le Centre aide ses clients de diverses façons en puisant, par exemple, dans la gamme des produits, services et programmes de la Société. Depuis qu'il a vu le jour, il a ainsi facilité la réalisation de plus de 40 000 logements. Dans la seule année 2006, le Centre a participé à la création de plus de 3 400 logements d'un bout à l'autre du Canada.

Dans le cadre de ses initiatives de financement initial et de prêts sans intérêt pour la préparation de projets, la SCHL offre une aide financière pour aider à absorber une partie des coûts initiaux inhérents à l'élaboration d'un aménagement résidentiel.

Un excellent exemple de partenariat en action visant à répondre aux besoins en matière de logement abordable est fourni par l'ensemble Bharat Bhavan Senior Hostels, à Montréal. Cet ensemble a obtenu de la SCHL à la fois un financement initial et un prêt sans intérêt pour la préparation de projets. Conjuguée à l'investissement et au partenariat de l'organisme communautaire, cette aide a permis la création de 29 nouveaux logements abordables destinés aux aînés de cette collectivité de Montréal.

Pour conclure, et cela cadre avec ce que vous disait Mme Kolk tout à l'heure, à la SCHL, nous savons qu'il faut pouvoir compter sur les efforts de beaucoup de personnes pour réussir à bâtir des collectivités. Cela suppose des partenariats formés de tous les ordres de gouvernement et des secteurs à la fois privé et public; on ne peut tout simplement pas faire cavalier seul dans ce domaine. Aucun organisme ne peut y arriver tout seul. C'est pour cette raison que nous continuons d'oeuvrer afin d'élargir l'éventail des options de logement offertes aux Canadiens, et que nous cherchons en permanence de nouveaux partenariats et de nouvelles possibilités.

Comme vous l'ont déjà dit Mme Kolk et M. Treusch, nous sommes maintenant à votre disposition pour répondre à vos questions.

Le président : Je voudrais tout d'abord vous remercier tous les trois pour vos exposés liminaires.

Monsieur Treusch, vous avez parlé des taux de pauvreté chez les enfants, en nous disant qu'ils sont passés de 18,6 p. 100 à 12,8 p. 100. Si l'on remonte à 1989, année où la Chambre des communes a adopté une résolution en vue d'éliminer la pauvreté chez les enfants avant l'an 2000, le pourcentage était alors plus élevé qu'il ne l'est aujourd'hui. Je n'en suis pas sûr; peut-être pourriez-vous me le confirmer. En tout cas, il est certain que la pauvreté chez les enfants n'a pas été éliminée avant l'an 2000.

Donc, à quel moment nous sommes-nous écartés de notre objectif et que faut-il faire pour nous remettre sur la bonne voie? Quel type de programmes permettrait d'éliminer la pauvreté chez les enfants et quel serait un délai raisonnable pour y parvenir? Même si cette résolution a été adoptée à l'unanimité en 1989, il est clair que nous n'avons pas atteint cet objectif et que le pourcentage de pauvreté chez les enfants au Canada est encore élevé.

Je voudrais donc demander à Mme Kolk s'il y a une différence importante entre les programmes de l'actuel et de l'ancien gouvernements relativement à l'itinérance. Il est évident qu'il y a à présent de nouveaux titres et de nouveaux sigles, mais y a-t-il des différences importantes entre les programmes? Il est certain qu'on recueille des renseignements, après la première série de programmes, qui vous aident ensuite à améliorer les programmes qui suivent, mais y a-t-il des différences importantes entre les programmes que nous devrions connaître? Quel est le niveau de consultation au niveau local et dans quelle mesure les villes participent-elles à l'élaboration des programmes destinés aux sans-abri?

Madame Matthews, malgré tous ces beaux programmes que la SCHL a mis sur pied au cours des années, nous faisons encore face à un problème de taille en ce qui concerne l'abordabilité des logements. Comme Mme Kolk nous l'a fait remarquer, d'ailleurs, un pourcentage élevé de Canadiens consacrent 50 p. 100 de leur revenu ou plus aux frais du logement. Autant que je m'en souvienne, cela dépasse de loin les lignes directrices de la SCHL. Je pense qu'il faut généralement consacrer environ 30 p. 100 de ses revenus au logement.

À Toronto, presque 70 000 ménages attendent leur tour pour obtenir un logement abordable. Au rythme auquel nous leur trouvons des logements maintenant, il faudra que bon nombre d'entre eux attendent cinq, sept, ou peut-être même 10 ans, ce qui est inacceptable.

Comment donc accélérer le processus? C'est bien beau d'avoir ces programmes, mais que pouvons-nous faire pour accélérer leur application et nous assurer de réduire de façon considérable le nombre de personnes qui attendent d'accéder à un logement? Quel genre de programme et de calendrier nous permettrait de faire cela?

M. Treusch : J'ai les taux de pauvreté chez les enfants devant moi, et c'est une série de chiffres qui commence en 1996 et qui se termine en l'an 2000. Je n'ai pas de chiffres qui remontent à l'année d'adoption de la motion en question.

Comme je l'ai indiqué dans mes remarques liminaires, nous avons assisté à une réduction progressive des taux de pauvreté chez les enfants entre 1999 et 2001, année où nous avons connu un taux de 12,1 p. 100, ce qui était un minimum pour nous. À partir de là, nous avons observé une tendance à la hausse jusqu'en 2004.

Par contre, les taux varient de façon considérable d'une province à l'autre, et c'est ce sur quoi j'attire l'attention des membres du comité dans un premier temps. Trois provinces ont connu une augmentation assez importante des taux de pauvreté chez les enfants au cours de cette période de trois ans, soit l'Ontario, la Colombie-Britannique et Terre- Neuve-et-Labrador. Pour toutes les autres provinces, même au cours de cette période, les taux de pauvreté chez les enfants ont continué à diminuer progressivement.

C'est la population de l'Ontario, étant donné son poids démographique considérable, qui a influencé les résultats généraux qui sont donc le facteur principal dans la situation que nous observons. En d'autres termes, si vous enleviez les résultats pour l'Ontario des résultats globaux, vous observeriez une diminution progressive des taux.

Cela s'explique par des facteurs économiques, familiaux et démographiques, et c'est essentiellement ainsi que je peux répondre généralement à votre question. Il est évident que les taux de pauvreté chez les enfants sont influencés par les dépenses et les programmes du gouvernement mais, en même temps, ces derniers dépendent essentiellement de la santé du marché du travail et des perspectives économiques du pays, de même que de la formation et de la composition des familles. Certains de ces éléments ont été positifs, et d'autres, moins, au cours de cette longue période. Il va sans dire que l'évolution économique en Ontario au cours de cette période a influencé le taux global.

Pour ce qui est des répercussions de cet état de choses, notamment sur les politiques gouvernementales futures, je dirais que, jusqu'à présent, le gouvernement a continué à investir dans les programmes destinés aux familles et aux enfants, de même que dans les initiatives touchant le marché du travail afin de favoriser le développement des compétences et l'apprentissage. La participation au marché du travail est essentiellement le facteur principal qui détermine les perspectives économiques des ménages et, donc, les taux de pauvreté chez les enfants.

En terminant, je me permets d'attirer votre attention sur la prestation fiscale pour le revenu gagné, qui fait partie intégrante du train de mesures que le gouvernement peut prendre afin d'aider les travailleurs à faible revenu, cet aspect de la pauvreté étant le plus troublant.

Le président : Et c'est un phénomène qu'il est difficile de comprendre dans le contexte de la forte croissance économique que nous avons connue au cours de la dernière décennie.

Mme Kolk : En ce qui concerne les différences considérables entre l'Initiative nationale pour les sans-abri et la nouvelle Stratégie des partenariats de lutte contre l'itinérance, je dirais que nous avons maintenant prévu une évolution naturelle. Nous avons investi dans la constitution des infrastructures nécessaires et dans nos relations avec 61 collectivités, et la décision a été prise de continuer à mettre l'accent sur l'action communautaire. Par contre, je voudrais mettre en relief quelques différences importantes dans trois domaines particuliers. Encore une fois, nous estimons qu'il s'agit là d'une évolution naturelle que n'importe quel gouvernement aurait voulu soutenir.

Premièrement, il y a les activités admissibles. Au début de l'Initiative nationale pour les sans-abri, il n'y avait pas de programmes aux niveaux fédéral ou national et, par conséquent, on investissait dans le renforcement des capacités communautaires et dans les efforts de sensibilisation. Des projets étaient soumis en vue de faire effectuer le travail nécessaire par des coordonnateurs, des enseignants, des fournisseurs de services d'enseignement, et cetera.

Après un certain temps, nous nous sommes dit que ces programmes étaient bien établis et que le travail était déjà en train. Les activités admissibles avaient été approuvées. Nous avons donc décidé d'investir beaucoup plus dans les projets d'immobilisation qui visaient des résultats concrets — c'est-à-dire, de nouveaux refuges, de même que des logements de transition et supervisés. Les logements de transition sont destinés aux personnes qui vont finir par obtenir des logements traditionnels. Les logements supervisés s'adressent aux personnes handicapées qui ont besoin d'un logement à plus long terme qui offre le genre de soutien qui leur est nécessaire.

Au départ, il y avait peu de projets d'immobilisation. Or, à présent, c'est ce premier secteur d'activité qui bénéficie de la majeure partie des crédits que nous investissons d'un bout à l'autre du Canada.

La deuxième différence importante concerne la nouvelle offre de partenariat avec les provinces et les territoires. Lorsque l'INSA a été lancée en 1999, le gouvernement fédéral a dit à toutes les administrations : « Nous aimerions mener certaines activités dans vos collectivités, si vous êtes d'accord ». Toutes les provinces et tous les territoires étaient d'accord, et le Québec a dit : « Oui, mais nous aimerions qu'il s'agisse d'un partenariat bilatéral officiel », et c'est justement ce que nous avons actuellement avec la province de Québec depuis 1999. Ce partenariat a été viable et efficace. D'ailleurs, nous nous servons du modèle de l'Entente Canada-Québec pour discuter avec les autres provinces et territoires en leur disant : « Nous voulons toujours financer vos collectivités, mais nous souhaitons établir un partenariat avec vous ».

Je parcours le pays depuis janvier, afin de parler aux responsables de chaque province et territoire. J'en ai déjà visité sept, en vue de déterminer la possibilité d'établir un partenariat bilatéral qui permettrait de faire plusieurs choses, et notamment d'inciter les provinces à faire davantage de planification stratégique afin de garantir la viabilité opérationnelle et d'harmoniser nos investissements avec ceux des provinces dans les secteurs que nous retenons mutuellement. Comment peut-on éviter le double emploi? Il s'agit simplement de nous assurer d'harmoniser nos activités.

Ce qui est vraiment important, c'est que les provinces aient les pouvoirs et la responsabilité d'assurer bon nombre des services sociaux. Comment pouvons-nous aider les collectivités à mieux aiguiller les gens et à savoir où l'on peut obtenir de l'aide dans les domaines des soins médicaux, de l'assistance sociale, du counseling d'emploi, et cetera.? La réaction des provinces et territoires a été positive, et nous espérons donc pouvoir conclure des ententes officielles, de même que des protocoles d'entente qui nous permettront de vraiment influencer la situation au niveau local.

Le troisième domaine où les différences sont considérables concerne la multiplicité des facettes du programme qui le caractérisait depuis le départ. Nous avons déjà parlé de l'importance de l'horizontalité. Maintenant nous consacrons une petite somme aux projets pilotes horizontaux qui sont entrepris de concert avec d'autres ministères fédéraux clés. Nous avons maintenant le pouvoir de le faire. Ce travail commence à peine. Nous entretenons actuellement un excellent dialogue avec le Service correctionnel du Canada au sujet d'une meilleure planification des sorties. Nous sommes également en discussion avec le ministère de la Justice concernant le recours à ses tribunaux consacrés en matière de drogues pour aider rapidement et efficacement les sans-abri. Nous dialoguons également avec Citoyenneté et Immigration Canada au sujet de meilleurs programmes d'établissement qui permettent aux nouveaux immigrants d'acquérir certaines compétences financières et de mieux comprendre le marché de l'immobilier. Nous nous sommes fixé comme obligation de faire rapport au Cabinet sur ces aspects de partenariats provinciaux-territoriaux et de l'horizontalité. Voilà donc les principales différences sur lesquelles je voulais attirer votre attention.

Le deuxième volet de votre question concerne les consultations. Nous avons entrepris des consultations en 2005, sous le gouvernement précédent. Ainsi nous avons visité 10 collectivités et organisé cinq tables d'experts qui ont sollicité les opinions de tous les fournisseurs de services, les associations nationales et d'autres ordres de gouvernement sur l'orientation future des initiatives liées à l'itinérance. Nous avons rédigé un rapport que nous avons ensuite diffusé sur un site Web, et c'est alors que le gouvernement a changé. Donc, nous souhaitons nous remettre en contact avec les intervenants clés afin de recueillir leurs commentaires dans le contexte des activités du nouveau gouvernement. Nous avons organisé une table ronde d'intervenants clés en septembre dernier pour leur dire que nous allons de l'avant. L'Initiative nationale pour les sans-abri devait finir le 31 mars. Donc, nous nous demandons donc en quoi devrait consister la nouvelle stratégie. Nous pouvons dire, sans craindre de nous tromper, que notre stratégie, qui est axée sur l'horizontalité et la mobilisation provinciale-territoriale, reflète bien ce que nous ont dit les intervenants clés, de même que leur désir de nous voir renforcer l'infrastructure communautaire en définissant notre réponse au problème de l'itinérance.

Enfin, sur la question des consultations, le processus ne s'arrête pas dès lors que nous obtenons l'autorisation d'aller de l'avant. Hier, j'étais à Toronto à l'invitation de la province. C'était encourageant de rencontrer les responsables de l'Association des municipalités de l'Ontario. Nous avons surtout parlé de ce que les municipalités souhaitent obtenir des gouvernements fédéral et provincial en matière de collaboration améliorée.

Nous avons également sollicité leurs vues sur une vision à plus long terme, une formule de financement à plus long terme et la réduction du fardeau administratif. Nous recueillons cette information en permanence.

Comme nous avons un programme communautaire, de même qu'un programme national qui est exécuté au niveau régional, nous avons la chance d'être bien acceptés dans les collectivités et de pouvoir donc obtenir les renseignements qui nous sont nécessaires, renseignements qui s'appuient sur la réalité. Nous avons décidé à dessein de choisir comme titre, non pas le mot « initiative » ou « programme », mais plutôt « stratégie », afin de pouvoir continuer à élaborer des stratégies avec tous nos partenaires au sujet des meilleures solutions.

Le président : Est-ce que cela comprend également les gouvernements municipaux? Vous avez mentionné l'AMO dans le contexte ontarien mais, de façon générale, les administrations municipales font-elles partie des intervenants clés que vous consultez?

Mme Kolk : Oui, cela varie d'une région à l'autre du pays. Il se trouve qu'en Ontario, les gouvernements municipaux sont considérés davantage comme des partenaires que dans d'autres provinces.

Mme Matthews : Comment pouvons-nous faire davantage et surtout travailler plus efficacement? Eh bien, pour répondre à la première partie de cette question, il faut d'abord bien comprendre ce en quoi consistent les besoins impérieux de logement.

Comme je l'ai indiqué dans mon exposé liminaire, 13,7 p. 100 des Canadiens ont des besoins impérieux de logement. Sur cette proportion, 9,9 p. 100 n'ont qu'un problème d'abordabilité. Pour le reste, le problème est lié au caractère convenable et adéquat des logements. Si vous considérez que les revenus constituent un élément clé et évident relativement aux besoins en matière de logement — et rappelez-vous les remarques de M. Treusch au sujet du renforcement des capacités en matière de développement économique et d'apprentissage — eh bien, on doit en conclure que ces éléments revêtent une importance critique dans la recherche de solutions au problème du logement.

De plus, je dirais que les programmes que nous exécutons actuellement sur le terrain sont très bons. Ils donnent de bons résultats. Cependant, pour ce qui est d'élargir nos partenariats, dans certains domaines, par exemple, la SCHL collabore très activement avec notre Centre de partenariats privé-public. Il y a de nombreux exemples d'intégration d'autres joueurs. À mon avis, aucun ordre de gouvernement ne peut, à lui seul, régler tous les problèmes et relever tous les défis. Dès lors qu'on prévoit le concours des secteurs privés et à but non lucratif, d'autres ordres de gouvernement et de l'ensemble des acteurs communautaires, les différences sont notables.

Je pourrais citer l'exemple de la collectivité de Old North End à Saint John, au Nouveau-Brunswick. Il y a quelques années, la SCHL a animé une séance de planification de cinq jours avec des acteurs communautaires, d'autres ordres de gouvernement et tous les différents joueurs, y compris la police. Il en est ressorti une liste de 178 projets qu'ils voudraient entreprendre. Dans cette collectivité les taux d'occupation des logements locatifs sont de l'ordre de 80 p. 100 et les propriétaires sont souvent absents. Au cours des prochains mois, nous espérons qu'un programme pilote pourra être lancé sur l'accession à la propriété. Voilà le genre d'initiative qui peut voir le jour lorsque tous les acteurs conjuguent leurs efforts. Quand un dialogue s'établit au niveau communautaire, les différences sont tout à fait étonnantes.

Un autre exemple de ce qu'on peut faire pour encourager la participation d'autres acteurs serait l'annonce faite par le gouvernement la semaine dernière au sujet de ce nouveau fonds d'aide au logement du marché destiné aux Autochtones vivant dans les réserves. Les Canadiens autochtones, notamment ceux qui habitent dans les réserves, ont des besoins importants en matière de logement. Il s'agit d'un fonds de 300 millions de dollars, mais l'idée est d'obtenir un effet multiplicateur en faisant participer le secteur privé, afin que les Autochtones canadiens vivant dans les réserves puissent accéder à la propriété et se constituer un avoir propre foncier comme tous les autres Canadiens. Nous espérons que, grâce à ce nouveau fonds, des crédits considérables finiront par bénéficier aux réserves en passant par le secteur privé. Ce fonds permettra d'améliorer les conditions de crédit dans les coulisses. Plutôt que de construire des maisons une unité à la fois, le gouvernement créera et facilitera l'établissement d'un marché, ce qui devrait faire une grande différence. Un investissement de 300 millions de dollars devrait apporter de multiples avantages qui prendront la forme d'un nombre considérable de logements. Si on se contentait d'utiliser les 300 millions de dollars pour construire des logements, il est évident que l'impact serait loin de se situer au même niveau.

Le président : J'ai d'autres questions à poser, mais je vais les garder pour plus tard et permettre à mes collègues de poser leurs questions d'abord.

Le sénateur Munson : J'ai un peu réfléchi à la question des grandes villes et des petites villes. J'en ai vu pas mal d'un bout à l'autre du Canada. En allant vers la ville depuis l'aéroport, ou en arrivant en voiture ou en train, on voit toujours un quartier où quelqu'un va automatiquement vous dire : « Ici, c'est le quartier des habitations à loyer modéré ». Il y a une sorte de ghettoïsation. Je me demande donc, du point de vue de la philosophie qui est à la base de l'action des gouvernements et des organismes concernés, si ces derniers font exprès de construire ou de faire construire ces logements de façon à stigmatiser les gens et à les garder dans ces quartiers? On dit : « Les riches habitent là-bas. Mais regardez ici. Ces logements ont l'air correct pour le moment, mais ils ne vont pas durer longtemps. » C'est vraiment décourageant de voir ce genre de phénomène au Canada. Bien que les intentions des uns et des autres soient louables et que l'argent est peut-être bien dépensé, on ne peut éviter de constater qu'un certain segment de la société semble être exclu et devoir se contenter de rester sur la touche. Je me demande si Mme Matthews aurait des commentaires à faire à ce sujet.

Mme Matthews : Nous faisons énormément de recherche sur les logements, et les résultats de ces recherches indiquent que la formule de l'usage mixte donne souvent de meilleurs résultats dans les collectivités. À mon avis, nous allons constater que, plus il y aura de partenariats de ce genre, plus les acteurs communautaires participeront aux activités sur le terrain. Il ne s'agit pas de construire des bâtiments sans qu'ils aient leur mot à dire. Donc, en ce qui concerne les collectivités, les solutions définies à présent insistent tout à fait sur l'usage mixte.

Il y a un nouveau projet qui va se dérouler à Brampton, par exemple, qui prévoit exclusivement l'usage mixte. Ils vont se servir de crédits versés en vertu de l'ILA, et de fonds et de terrains qui viennent de la ville et d'autres intervenants. À mon avis, pour ce qui est du syndrome « D'accord, mais pas dans ma cour », il va sans dire que lorsqu'il est question de faire construire des logements, et notamment des logements abordables, les consultations avec les acteurs communautaires locaux qui sont sur le terrain peuvent faire toute la différence.

Il y a aussi des quartiers comme Regent Park, à Toronto, qui seraient un exemple parfait de ce dont je parle. Ce quartier était justement stigmatisé. Il s'agit du plus important complexe de HML au Canada, et il fait actuellement l'objet d'un projet massif de réaménagement urbain. Ce projet coûtera environ 561 millions de dollars et se déroulera en 12 phases au cours des prochaines années. Encore une fois, un usage mixte est prévu dans le plan. Il y aura des possibilités d'accession à la propriété, d'aide au logement, et d'autres options de toutes sortes. Encore une fois, les acteurs communautaires participent aux consultations depuis le départ.

Le sénateur Munson : Donc, à votre avis, la situation devrait évoluer progressivement, grâce à cette formule de l'usage mixte?

Mme Matthews : C'est mon impression. Au fur et à mesure que ces partenariats deviennent plus courants et que tous les acteurs sont mis à contribution, c'est ce que je constate, d'après les exemples qui existent.

Le président : Malheureusement, le sénateur Keon doit bientôt nous quitter. Serait-il possible de le laisser poser une question maintenant?

Le sénateur Keon : Ma question s'adresse à vous trois, mais surtout à Mme Kolk. J'insiste depuis longtemps, dans le contexte de tout ce que je fais relativement au système de soins, sur la nécessité de changer notre démarche pour mettre l'accent sur les ressources communautaires. À mon avis, il ne sera pas possible de régler les problèmes du secteur des soins de santé au Canada, ni même d'améliorer l'état de santé des Canadiens en général, tant que nous n'aurons pas réussi à organiser les services et soins de santé au niveau communautaire. Le vrai problème consiste à définir le terme « collectivité »; c'est-à-dire, le centre-ville de Toronto par opposition à une petite localité du Nord ou une collectivité autochtone. Que faites-vous dans cette optique, madame Kolk? J'invite également Mme Matthews et M. Treusch à répondre à la question.

Mme Kolk : Comme je vous l'ai dit, nous avons établi un partenariat avec 61 collectivités. Nous travaillons également en partenariat avec un grand nombre de collectivités autochtones. Pour cela, nous avons eu recours à une démarche ascendante. Nous sommes allés voir les provinces en leur disant : « Nous voulons jouer un rôle dans vos collectivités. » Nous avons également parlé aux municipalités et aux divers groupes communautaires. Par exemple, nous sommes allés à Brampton, en Ontario, en disant aux responsables : « Nous souhaitons que vous mobilisiez vos partenaires afin que nous puissions créer une entité communautaire. » Une fois qu'ils ont fait ça, ils nous ont soumis toute cette information, en nous expliquant pourquoi on peut les considérer comme une entité communautaire, et comment ils s'y prendraient pour remplir les exigences relatives à l'élaboration d'un plan et de projets qui seraient approuvés par nous. Nous sommes intervenus pour ensuite laisser le mouvement se constituer lui-même, afin que les entités communautaires se créent et s'identifient comme telles.

Dans la province de l'Ontario, c'était souvent la municipalité qui prenait la situation en main en disant : « C'est nous l'entité communautaire. » Ce n'était pas le cas dans d'autres régions du Canada. Il pourrait s'agir d'un nouvel organisme. Par exemple, à Calgary, la Calgary Homeless Foundation existait avant que nous ne prenions cette initiative, et elle était prête à mobiliser la collectivité et à affirmer que c'est elle qui serait l'entité communautaire. Ce n'était pas la ville de Calgary. Donc, il y a toute une gamme d'acteurs, dont certains du secteur privé, des fournisseurs de services et des responsables des gouvernements locaux et provinciaux qui se sont rassemblés et qui nous ont dit : « Nous sommes la Calgary Homeless Foundation. »

Par l'entremise de différents groupes autochtones, nous avons également des relations avec des organismes autochtones en milieu urbain.

Il ne s'agit pas des grands organismes autochtones nationaux, mais ils représentent l'ensemble des groupes autochtones. C'était une façon de voir qui, au sein de la collectivité, représentait les Autochtones et dans quelle mesure ce regroupement était représentatif de la population autochtone du centre en question, et cela nous a permis également de recueillir des renseignements et de déterminer si leur déclaration était appropriée, du point de vue de leur statut d'entité communautaire pour les fins du financement destiné aux Autochtones, et dans quelle mesure il avait la capacité de mobiliser les acteurs, d'élaborer un plan et de définir les projets.

Tout en respectant les différents groupes qui ont demandé à participer, nous avons établi des critères qu'une entité communautaire devait remplir pour que nous soyons sûrs que cette dernière serait à même d'effectuer le travail nécessaire.

Le sénateur Keon : Pourriez-vous nous dire quels sont ces critères?

Mme Kolk : Oui.

M. Treusch : Si vous me permettez, je voudrais faire une ou deux observations qui pourraient aider le sénateur. Comme le sait déjà le sénateur Keon, le statut de personne à faible revenu est un indicateur fiable des résultats en matière de santé. Je suis sûr que c'est ce à quoi vous pensez. Nous savons que les personnes à faible revenu ont généralement un plus mauvais état de santé, sont malades plus souvent et ont moins d'espérance de vie, et que les taux de mortalité infantile sont également liés à un revenu faible.

Deuxièmement, je voudrais simplement préciser que le terme « collectivité » ou « communauté » est un terme général. Pour bien comprendre ce concept, on pourrait, par exemple, songer aux groupes qui sont surreprésentés dans la catégorie des personnes à faible revenu — c'est-à-dire, les personnes handicapées, les récents immigrants, les personnes seules âgées de 45 à 64 ans, les mères seules et les Autochtones vivant hors réserve. Je viens de nommer cinq groupes. Ces derniers représentent un quart de la population et environ les deux tiers des personnes qui connaissent la pauvreté chronique. Une stratégie visant à rejoindre les personnes à faible revenu devraient normalement viser au moins ces groupes-là.

Mme Matthews : J'ajouterais que, pour ce qui est des partenariats que nous établissons avec d'autres acteurs, nous constatons que les communautés se définissent elles-mêmes. Il pourrait s'agir d'un groupe ethnique ou d'une zone particulière. Les gens se rassemblent eux-mêmes et souvent nous facilitons ce processus. Nous avons ce que nous appelons des « charrettes » pour rassembler les gens et voir où il existe des intérêts communs et des possibilités de progrès. Ce n'est pas nous qui définissons ces communautés. Nous attendons de voir l'intérêt qui est manifesté dans différents milieux et nous essayons de faciliter ce maillage.

Le sénateur Keon : Merci infiniment à vous tous.

Le sénateur Munson : Depuis que je suis au Sénat, je me suis surtout intéressé aux personnes handicapées. C'est un enjeu important dans le contexte des villes et du rapport que nous allons déposer par la suite.

Je voudrais vous citer un extrait d'un document préparé par le Prince Edward Island Council of the Disabled :

Aujourd'hui, malgré les affirmations des forces sociales et législatives relativement aux succès modestes qui ont été remportés dans ce domaine, la majorité des citoyens handicapés du Canada continuent à vivre dans des collectivités où les logements, à moins d'avoir été rénovés pour répondre spécifiquement à leurs besoins, ne leur permettent pas de vivre de façon autonomes et les bâtiments à l'intention du public, les espaces extérieurs et les transports en commun présentent de très graves problèmes, étant donné leur manque d'accessibilité.

Dans l'ensemble, faisons-nous assez dans le contexte de tous ces programmes pour aider les personnes âgées et les personnes handicapées? Pourriez-vous me donner des exemples de la façon dont fonctionnent ces programmes dans les villes et dans quelle mesure les logements qui sont rénovés ou produits se trouvent près des itinéraires des moyens de transport en commun, et cetera.? Nous énonçons toutes sortes de bons principes, mais prenons-nous régulièrement suffisamment de mesures concrètes?

Mme Matthews : Nous avons un certain nombre de programmes qui sont conçus pour aider les personnes handicapées ou les personnes âgées. Nous avons un programme d'adaptation à l'intention des personnes âgées en vertu duquel ces dernières peuvent, par exemple, faire installer une barre d'appui chez elles. Il s'agit de leur permettre de rester plus longtemps dans leur maison. Dans ce contexte, une évaluation est effectuée afin de déterminer quels moyens devraient être pris pour atteindre cet objectif.

Le programme de plus grande envergure que nous exécutons est le Programme d'aide à la remise en état des logements. Il comprend justement une composante à l'intention des personnes handicapées. Qu'il s'agisse d'un propriétaire ou d'un locataire, une aide fédérale est disponible afin de rénover le logement et donc de mieux répondre aux besoins des personnes handicapées.

Le sénateur Munson : Nous employons le terme « handicapé », mais quel degré d'invalidité est nécessaire pour accéder à ces programmes? Selon la personne, le degré d'invalidité pourrait varier. Comment peut-on savoir à qui s'adresser et ce qu'on doit faire dans ce monde fort complexe qu'est l'appareil gouvernemental?

Mme Matthews : Nous avons des centres d'appels à la Société canadienne d'hypothèques et de logement, de même qu'un bon site Web qu'on peut consulter pour obtenir de l'information. Je pourrais faire parvenir au comité les définitions que nous employons. Je ne les ai pas avec moi aujourd'hui. Il y a donc différents moyens de diffuser cette information. De plus, nous travaillons avec nos collègues provinciaux et d'autres pour nous assurer que les renseignements atteignent les personnes qui en ont besoin. Nous avons aussi des ouvrages de recherche. Encore une fois, je pourrais fournir au comité une liste des possibilités qui existent pour une personne âgée qui souhaite apporter certaines modifications à sa maison pour la rendre plus confortable, de façon à pouvoir continuer d'y vivre, de même qu'une liste de publications visant à aider les gens à faire leur propre évaluation et à savoir à qui s'adresser pour obtenir de l'aide.

Le sénateur Munson : Est-ce que cela s'applique aux handicaps intellectuels de même que physiques?

Mme Matthews : Encore une fois, je n'ai pas sous les yeux les critères détaillés des programmes de rénovation. Je pourrais les fournir au comité. En général, les programmes de rénovation visent à modifier l'environnement physique, et s'il existe un besoin physique, selon la nature de l'invalidité, je suis convaincue que nous serions prêts à examiner la situation.

M. Treusch : Sénateur et monsieur le président, peut-être me permettriez-vous de faire quelques observations à ce sujet.

S'agissant de l'accès aux programmes par les groupes qui ont des besoins particuliers — et les personnes handicapées correspondent à un exemple frappant — l'initiative Service Canada qui est associée à notre ministère met l'accent sur les clients, leurs différents besoins et divers moyens d'assurer des services aux collectivités et c'est ce qui est fait actuellement par notre réseau de fournisseurs de services.

Pour ce qui est de programmes de plus grande envergure, ces derniers ont un budget de 7,5 milliards de dollars, et le plus important d'entre eux est le programme de prestations d'invalidité versé dans le cadre du programme de soutien du revenu du Régime de pensions du Canada. Il y a également l'entente relative au marché du travail, d'une valeur de 220 millions de dollars, qui vise à rehausser le niveau de compétences des personnes handicapées et, bien sûr, il y a la prestation pour enfants handicapés, avec un budget de 35 millions de dollars qui est également destiné à ce groupe.

Les deux plus récentes initiatives sur lesquelles j'attire votre attention sont : d'abord, la proposition budgétaire relative à la prestation fiscale pour le revenu gagné, dont une composante vise tout particulièrement les personnes handicapées; et, deuxièmement, la mention d'un régime d'épargne destiné aux personnes handicapées qui pourrait entrer en vigueur suivant l'étude d'un groupe d'experts, qui s'appuierait sur une méthode liée aux actifs afin de soutenir les enfants handicapés.

[Français]

Le sénateur Pépin : Je trouve qu'il y a des programmes sensationnels. Le gouvernement investit beaucoup plus d'argent. Avec tous ces argents et programmes dispensés, comment se fait-il qu'on ait tellement de sans-abri? Combien de temps, de mois et d'années, pensez-vous que cela va prendre pour appliquer ces montants donnés par le gouvernement pour en connaître l'impact et qu'on ait moins de sans-abri, qu'il s'agisse de gens qui souffrent de maladies mentales et d'autres? Avec tous les argents dispensés, est-ce que le problème est dans l'application ou la coordination?

Malgré ces investissements, je suis un peu renversée de voir le nombre de personnes qu'on rencontre sur la rue qui ne bénéficient pas de ces fonds. Selon votre expérience, l'entreprise privée va pouvoir participer dans certaines provinces et territoires. Est-ce suffisant? Dans l'ensemble, est-ce que vous allez pouvoir coordonner ces efforts afin que dans deux ou trois ans, on puisse voir la différence?

M. Treusch : Votre préoccupation concerne les programmes pour les sans-abri spécifiquement?

Le sénateur Pépin : Oui.

Mme Kolk : Comment coordonner tous les financements du gouvernement fédéral et des autres partenariats? Je peux dire que nous avons de grands succès avec cette corrélation.

[Traduction]

Pour chaque dollar que le gouvernement fédéral investit dans ces programmes et initiatives, nous avons pu obtenir 1,7 $ chez nos partenaires grâce à l'effet multiplicateur. Lorsque nous finançons un projet dans une collectivité, cette dernière doit obligatoirement trouver d'autres sources de financement pour le projet en question. C'est seulement dans le contexte des partenariats autochtones que nous avons été moins à cheval sur ce point, étant donné qu'il leur est plus difficile de trouver des partenaires. En insistant sur la participation du secteur privé et d'organisations non gouvernementales aux projets, nous avons bien communiqué notre philosophie à cet égard, à savoir qu'il ne s'agit pas d'un domaine de responsabilité unilatérale. Il s'agit au contraire d'un domaine où tous partagent les responsabilités.

Afin d'assurer la coordination de l'exercice des diverses responsabilités financières, il est nécessaire de faire participer d'autres services, y compris les services sociaux, les services de la santé, les services qui s'occupent d'encadrement et d'aide à l'emploi, et d'autres partenaires. Dans un monde idéal, il y aurait beaucoup plus d'investissement émanant du secteur privé, et pas seulement d'ordre financier. À cet égard, je me permets de vous citer l'exemple d'un programme récemment mis en place au Royaume-Uni. En vertu de ce programme, qui s'appelle « Business in the Community », de grandes entreprises, telles que la Banque de Hong Kong et Marks and Spencer, se voient décerner des prix, non seulement pour l'aide financière qu'elles fournissent, mais aussi parce qu'elles engagent des sans-abri. Nous souhaitons justement parler davantage de cette possibilité avec nos partenaires clés du milieu des affaires. Personnellement, j'y crois. J'estime que nous devrions pouvoir y intégrer des sans-abri pendant de courtes périodes. Ce sont des êtres humains; ils ont différents niveaux de potentiel. S'il était possible d'intéresser les grandes banques ou certaines entreprises privées à cette possibilité, nous pourrions bénéficier non seulement de leur participation financière, mais de leur programme d'encadrement et d'emploi, de leur stage, et des possibilités d'apprentissage qu'elles peuvent offrir.

[Français]

Le sénateur Pépin : Ce serait bien sensationnel. J'aimerais avoir un peu plus d'informations au sujet du logement pour les personnes âgées. Pour bénéficier du programme pour les personnes âgées, quelles sont les exigences requises? Ce programme est-il accessible dans toutes les provinces actuellement? Y a-t-il une collaboration entre les provinces et le fédéral? Comme cela n'existe pas, il sera plus difficile pour les personnes âgées d'avoir accès à ce programme.

[Traduction]

Mme Matthews : Les programmes de rénovation et d'adaptations sont disponibles dans l'ensemble du Canada. Y a- t-il un thème qui ressort de nos remarques aujourd'hui, pour ce qui est d'obtenir un effet multiplicateur en attirant d'autres investissements, qu'ils viennent du secteur privé ou de la province? Pour nos programmes de rénovation, nous exigeons que 25 p. 100 des coûts soient supportés par nos partenaires provinciaux, lorsque ce sont eux qui exécutent le programme. Il y a une ou deux provinces qui ont décidé de ne pas participer, auquel cas c'est nous qui nous chargeons d'obtenir d'autres investissements sans qu'il y ait de partage des coûts; mais vous devez savoir que ces programmes sont disponibles d'un bout à l'autre du Canada.

Le sénateur Pépin : Si une famille, un couple ou une personne seule désire avoir accès à ces logements, quelles conditions doivent-ils remplir?

Mme Matthews : Il y a des conditions d'admissibilité à respecter pour pouvoir profiter des programmes de rénovation et d'adaptations ainsi que du PAREL, et dans ce contexte, il y a plusieurs catégories différentes. Si c'est une propriétaire de maison, par exemple, qui souhaite adapter ou rénover sa maison afin de répondre aux besoins d'une personne handicapée, à ce moment-là, nous tenons compte de la valeur de la maison. Au-delà d'un certain seuil, on ne peut être jugé admissible au programme. De plus, il y a le critère de l'admissibilité proprement dite, qui s'appuie à tous les seuils fixés relativement aux besoins impérieux de logement — c'est-à-dire une évaluation des besoins en fonction des revenus — pour le marché où vous vous trouvez, et si vous pouvez vous trouver un logement, vous n'êtes pas dans la catégorie des besoins impérieux de logement. Avec le revenu que vous avez, vous ne seriez pas admissible au programme.

[Français]

Le sénateur Pépin : Les condos sont très populaires présentement chez les personnes âgées, construisez-vous des habitations du genre pour les personnes âgées à faibles revenus? Avez-vous un tel projet dans vos prévisions?

[Traduction]

Mme Matthews : Il existe des logements sociaux. Nous avons environ 630 000 unités d'un bout à l'autre du Canada, dont la plupart sont administrées par la province, ce qui représente une démarche possible.

Pour ce qui est des nouvelles constructions ou productions, l'initiative de 1 milliard de dollars relative au logement abordable lancée par le gouvernement fédéral prévoit le partage des coûts selon une formule 50-50 d'un bout à l'autre du Canada, si bien que l'apport de financement d'autres sources est intéressant. Dans le cadre de cette initiative, les provinces sont responsables de la conception et de l'établissement des programmes. Une bonne partie de ces crédits est consacrée à divers projets destinés aux personnes âgées. Les provinces et la SCHL, étant donné les recherches qu'elles effectuent dans ce domaine et son expertise, travaillent de pair avec les acteurs communautaires pour cerner les besoins et déterminer quelles possibilités existent.

Le sénateur Nancy Ruth : On a déjà répondu en partie à mes questions, mais je voudrais demander ceci à Mme Matthews : parmi les différentes catégories de besoins qui existent au niveau des ménages, et cetera, vous faites allusion au fait que deux immigrants récents sur cinq à Toronto, un Autochtone sur trois à Regina, les femmes ayant des enfants et les femmes âgées ont tous des besoins importants. Vous avez dit que ce sont les groupes clés dans ces endroits-là. Est-ce qu'ils ont vraiment la priorité pour obtenir des logements?

Mme Matthews : Je ne suis pas sûre de bien vous comprendre.

Le sénateur Nancy Ruth : Ces personnes ont-elles la priorité pour obtenir un logement? Est-ce qu'on juge qu'elles y ont droit avant d'autres?

Mme Matthews : Parfois oui, parfois non. Toutes les nouvelles constructions se font à l'heure actuelle en vertu de l'initiative en matière de logements abordables. Comme je vous l'ai déjà dit, il s'agit d'un programme où, pour des raisons d'efficacité et autres, nos partenaires provinciaux se chargent de concevoir les programmes et souvent divers groupes communautaires y participent également. Personne ne fait cavalier seul dans ce domaine. Les différents acteurs de la collectivité se rassemblent pour collaborer. Parfois il peut s'agir d'un groupe ethnique qui a présenté une demande de financement pour construire un centre pour personnes âgées ou pour répondre aux besoins de différents clients. À d'autres moments, il peut s'agir tout simplement de logements abordables. Tout dépend des besoins précis de la collectivité, et des groupes ou organismes à but non lucratif qui ont présenté une demande et ont obtenu des fonds.

Le sénateur Nancy Ruth : Donc, ces groupes ne sont pas organisés de façon à pouvoir obtenir du financement. Qu'arrive-t-il si quelqu'un insiste pour qu'ils soient organisés, s'ils espèrent obtenir des fonds?

Mme Matthews : Chacune des provinces a des listes d'attente et des critères à respecter pour être jugé admissible. Je ne peux pas vous parler des conditions précises qui s'appliquent dans chaque province, mais je crois savoir que leurs systèmes sont relativement équitables. Par exemple, il ne s'agit pas de vous dire, si votre groupe ethnique n'a pas cherché à faire approuver un projet d'habitation, que vous n'aurez pas accès au logement. Rappelez-vous qu'il existe déjà 630 000 unités d'un bout à l'autre du Canada en vertu de différents programmes. Dans certains cas il s'agit de coopératives d'habitation; dans d'autres, les logements sont destinés aux Autochtones vivant en milieu urbain. Tout dépend des conditions locales. Il est donc difficile de généraliser. Chaque collectivité est différente.

Le sénateur Nancy Ruth : Travaillez-vous de concert avec les municipalités pour faire modifier leurs codes du bâtiment afin que les nouveaux logements qui sont en construction puissent facilement être adaptés aux besoins des personnes handicapées — par exemple, en exigeant que le câblage soit décalé de cinq pouces au cas où il se serait nécessaire de couper une porte standard pour pouvoir laisser passer un fauteuil roulant, ou que toutes les portes soient de 39 pouces, plutôt que de 33 pouces, et cetera? Ce sont des choses qu'il est très facile de faire à l'étape de la construction mais qui deviennent difficiles s'il faut faire des modifications après coup.

Mme Matthews : Nous ne rédigeons pas les codes du bâtiment.

Le sénateur Nancy Ruth : Oui, je comprends, mais travaillez-vous de pair avec les municipalités pour les encourager à faire ce genre de choses?

Mme Matthews : Tout à fait. Nous avons fait des recherches sur les logements sains. Notre nouvelle initiative Equilibrium est un projet de construction de 12 maisons de démonstration d'un bout à l'autre du Canada, qui seront un exemple de logements sains et éconergétiques. Nous avons des recherches qui nous permettent de savoir quelles rénovations peuvent intéresser les personnes âgées. Ces recherches donnent une idée des facteurs dont on doit tenir compte en construisant de nouvelles unités — par exemple, le fait de placer les comptoirs à un niveau inférieur pour faciliter l'accès par quelqu'un en fauteuil roulant et de s'assurer que les portes sont suffisamment larges.

Le sénateur Nancy Ruth : Il faut aussi que les interrupteurs soient au niveau du poignet.

Mme Matthews : Tout à fait. Toute cette information est fort utile.

Le sénateur Nancy Ruth : Ce n'est pas une question d'information; il s'agit plutôt d'apprendre aux promoteurs comment faire. Autrefois je travaillais dans le domaine de l'habitation à titre de promoteur de lotissements résidentiels. J'avais pour objectif de faire de l'argent, et non pas de construire des maisons qui seraient accessibles. Si vous n'inscrivez pas ces exigences dans les codes et dans les lois, il est évident qu'il ne suffira pas de distribuer des brochures pour changer la situation.

Mme Matthews : Nous n'avons certainement pas le pouvoir de forcer quiconque à faire cela. Nous devons simplement nous assurer que les renseignements pertinents sont disponibles.

Le sénateur Nancy Ruth : Donc, vous les fournissez aux municipalités.

Mme Matthews : Je crois que oui.

Le sénateur Nancy Ruth : Mais, c'est à la personne qui construit la maison de décider. Il faut que ces exigences soient inscrites dans le code.

Mme Matthews : Nous transmettons ces renseignements à tout le monde, qu'il s'agisse d'autorités municipales, provinciales ou autres.

Le sénateur Nancy Ruth : Vous dites que les 150 000 sans-abri à l'heure actuelle ne correspondent plus à l'image du vieil homme de race blanche, et M. Treusch nous a donné des statistiques à cet égard. Si nous parlons d'éléments comme la race, la pauvreté et le sexe, dois-je présumer que ce sont les mêmes catégories de personnes qui sont concernées quand vous parlez de ces 150 000 sans-abri?

Mme Kolk : Il s'est révélé très difficile de calculer le nombre de sans-abri, étant donné que ces gens-là sont souvent cachés. Ils ne participent pas aux recensements. Pour diverses raisons, ils passent entre les mailles du filet.

Au cours des dernières années, nous avons élaboré une base de données que nous appelons le SISA, soit le Système d'information sur les personnes et les familles sans-abri. Nous avons pu installer cette base de données dans les refuges d'un bout à l'autre du pays, de façon à pouvoir rassembler plus de données, ce qui nous permet de faire des calculs plus facilement.

Le sénateur Nancy Ruth : S'agit-il de données sur l'âge et la race de ces personnes?

Mme Kolk : Il ne s'agit pas simplement d'en connaître le nombre, mais nous voulons savoir qui sont ces personnes et comment on peut mieux répondre à leurs besoins. En même temps, les villes individuelles ont pris l'initiative de compter les sans-abri dans la rue le soir, peut-être deux fois par année, ce qui nous permet d'avoir une meilleure idée de la situation aussi.

Selon nos estimations, il y a environ 150 000 sans-abri au Canada. D'après certaines études que j'ai examinées, le nombre serait aussi élevé que de 250 000. Comme je vous l'ai déjà dit, ce chiffre concerne les personnes que nous avons pu compter, mais il y en a d'autres qui vivent provisoirement avec des amis ou des membres de leur famille ou qui peuvent être ailleurs. Comme ce sont des sans-abri, ils n'ont pas d'adresse permanente. C'est difficile à calculer, mais un aspect important de notre participation a été la collecte de renseignements numériques et autres pour nous permettre de segmenter la population et de définir les interventions qui sont appropriées en fonction des différents besoins.

Quelles sont les interventions qui conviennent pour les personnes handicapées? Quels sont les besoins des jeunes sans-abri, par opposition aux aînés? Ils sont très différents. Nous essayons, par conséquent, d'obtenir des renseignements plus exacts à cet égard. Le SISA est l'une des initiatives qui a été renouvelée au 1er avril. J'ai un groupe qui relie les données du SISA aux recherches et aux analyses que nous effectuons en permanence.

M. Treusch : Mme Kolk vous a parlé un peu des caractéristiques des sans-abri et, pour ma part, je vous ai parlé en termes généraux des ménages à faible revenu. Il est évident qu'il y a de grandes similitudes entre les deux groupes, puisque les sans-abri constituent un sous-ensemble de l'autre groupe; il reste qu'il n'y a pas une concordance parfaite entre les deux. Certaines caractéristiques socioéconomiques sont associées aux sans-abri, plutôt qu'aux personnes à faible revenu. Là je réfléchis à haute voix. Par exemple, certains ménages peuvent avoir des revenus fort modiques mais être riches du point de vue de leur logement. Cela arrive. C'est parfois le cas des veuves âgées. Comme actif important, elle a sa maison, mais ses revenus sont fort limités.

Le sénateur Nancy Ruth : Je voudrais poser une question au sujet de ces partenariats — ceux que vous espérez établir avec des compagnies comme Marks and Spencer, de même que ceux qui existent déjà. Si je vous pose la question, c'est parce que le YWCA de Toronto est venu me voir l'année dernière au sujet d'un nouveau projet d'habitation destiné aux femmes autochtones, aux mères seules et aux femmes âgées dans le centre-ville de Toronto. Le montant d'argent qu'il cherchait correspond davantage à un don d'entreprise, plutôt qu'à un don philanthropique individuel. J'étais très choquée de constater qu'on me demandait des sommes pareilles.

Est-ce cela que vous entendez par « partenariats »? Si vous travaillez avec des groupes communautaires — mettons une association grecque ou autre — vous parlez plutôt de dons philanthropiques privés, plutôt que d'effort collectif au sein du milieu des entreprises. Qu'est-ce qui se fait à l'heure actuelle et qu'espérez-vous pouvoir créer dans ce secteur, par rapport à ces partenariats?

Mme Matthews : Pour nous, c'est très différent. Je vous ai cité l'exemple du Old North End. Nous parlons ici de petites sommes d'argent. Le premier projet pilote qu'ils essaient de faire financer pour faciliter l'accession à la propriété prévoit la construction de quatre unités seulement.

Je peux vous donner un autre exemple. Pour un projet à Brampton, soit le John Street Housing, le financement de la Société canadienne d'hypothèques et de logement, par l'entremise de l'ILA, était de 3,55 millions de dollars. L'apport financier de la province était de 400 000 $. Les économies d'impôt se sont montées à 713 000 $. Pour sa part, la ville a renoncé à des droits d'aménagement de l'ordre de presque 1 million de dollars. Il y a eu également des dons de la part du Club Rotary et d'autres organismes de bienfaisance qui se sont montés à 2,1 millions de dollars. Il s'agit d'un immeuble de 16 étages avec 200 unités destinées, entre autre, aux personnes âgées et personnes seules à faible revenu et aux personnes handicapées. L'hypothèque sera de 21 millions de dollars. Vous pouvez donc comprendre qu'il nous faut une multiplicité de partenariats.

Le sénateur Cook : Je tiens à dire, d'entrée de jeu, que j'essaie de comprendre une situation qui me semble fort complexe. C'est vous qui êtes les experts. J'espère que vous allez faire preuve de tolérance à mon endroit, étant donné les questions que je voudrais vous poser.

Je suis de Terre-Neuve. Je regarde vos statistiques. Les taux de faible revenu varient d'une région à l'autre du Canada. Ici ils se situent entre 6 p. 100 et 14 p. 100, mais le taux de chômage au Canada est de 6,1 p. 100. Je demande donc votre aide pour comprendre cette statistique, parce que je lis à la page 3 que « le gouvernement fédéral contribue au maintien d'une économie dynamique ».

Je dois vous dire que je ne suis pas d'accord, étant donné ce que je vois ici. Nous accordons des subventions. Les subventions dont il est question ici correspondent à une douzaine de programmes ou plus qui s'adressent aux personnes à faible revenu; notre rêve est que personne au Canada ne soit pauvre, et que tous aient un logement adéquat, que tous puissent se nourrir et qu'ils aient accès aux nécessités de la vie.

Je voudrais parler de la pauvreté chez les enfants dans ce contexte. Je ne comprends pas. Pour moi, un enfant fait partie d'une unité familiale. La famille est donc pauvre. Aucun enfant ne vit isolément. Donc, il faut examiner la situation de la famille, plutôt que de parler constamment de pauvreté chez les enfants.

Si je regarde la situation à Calgary, où bon nombre de résidents de ma province finissent pas s'établir — parce que quand on va dans l'Ouest, on est sûr de gagner beaucoup d'argent — eh bien, le coût des logements à Calgary augmente de 38 p. 100 à présent et, malgré tout, le taux de faible revenu est de 10 p. 100. Donc, le portrait qui est dressé ici de la situation dans l'ensemble du Canada ne me semble pas claire. La question à laquelle je demande une réponse est celle-ci : combien dépensons-nous pour administrer les programmes que nous dispensons aux Canadiens?

Combien de ces initiatives atteignent vraiment les membres de cette population que nous cherchons à sortir de la pauvreté? Madame Kolk, je vous ai entendu dire que RHDCC mène des projets pilotes de tous genres. Pour ma part, je suis au courant de certains projets pilotes externes qui reposent sur un partenariat avec une collectivité donnée. Je n'aime pas les projets pilotes, parce qu'il arrive souvent qu'ils disparaissent, au lieu de nous permettre de progresser.

L'initiative « Coeur en santé » est un bon projet pilote. Il a été bien intégré et fait maintenant partie intégrante de notre identité canadienne.

Madame Matthews, je travaille beaucoup pour les organismes à but non lucratif et les administrateurs me disent : « N'y pensez même pas. Si je dois présenter une demande pour tel ou tel programme, il me faudra une autre personne pour m'aider à m'en sortir, vu toutes les chinoiseries administratives. Il y a trois de formulaires à remplir et trop de critères, et quand je me mets à chercher un partenaire, je n'en trouve pas. »

C'est la chose la plus frustrante que vous puissiez imaginer. Il existe une douzaine d'excellents programmes, et même davantage. Ne vaudrait-il pas mieux n'avoir qu'un seul budget?

M. Treusch : Vous avez soulevé un grand nombre d'éléments. Je vais essayer de tous les aborder, mais il faut aussi que mes réponses soient succinctes.

En ce qui concerne Terre-Neuve-et-Labrador, j'essaie de vous faire comprendre que la richesse économique de la province est inférieure à la moyenne canadienne. Il n'est donc pas surprenant que les taux de faible revenu dans cette province soient légèrement supérieurs à la moyenne nationale. Pour moi, c'est un résultat cohérent.

De plus, les taux de participation au marché du travail et de chômage sont moins élevés que la moyenne nationale. Tous ces éléments sont cohérents pour ce qui est de la situation actuelle dans la province de Terre-Neuve-et-Labrador.

Le sénateur Cook : Un autre facteur à prendre en compte est celui du travail saisonnier.

M. Treusch : Oui, effectivement.

Deuxièmement, vous avez dit que certains de ces programmes sont des programmes de subventions. Il est évident que j'ai parlé d'une vaste gamme de programmes. Personnellement, je ne dirais pas qu'il s'agit dans tous les cas de programmes de subventions. Dans bien des cas, nous parlons de transferts de revenu. Une intervention très directe permettant de s'attaquer au problème de la pauvreté est celle des transferts de revenu, et je suis donc d'accord à ce sujet.

Je voudrais aussi insister sur l'importance des données économiques fondamentales et de la participation au marché du travail, ce qui rejoint la première question que le président m'a adressée. Si la croissance économique est soutenue et si cette croissance économique permet de faire participer les citoyens pauvres au marché du travail, et si ces derniers ont les aptitudes et les qualités nécessaires pour y participer, il est évident que cela influera beaucoup plus sur les taux de faible revenu que les programmes gouvernementaux. C'est pour cette raison que vous avez observé une détérioration de la situation suivant la résolution adoptée par tous les partis représentés à la Chambre des communes en 1989. Nous avons connu une récession au début des années 1990 dont la conséquence était un recul qui a duré pendant une bonne période.

S'agissant de pauvreté chez les enfants, je dirais que c'est une question de terminologie, et non une question de fonds. Un enfant vit dans une famille et c'est donc la pauvreté de la famille dans son ensemble qui est subie par l'enfant. Les prestations destinées aux enfants sont versées aux personnes qui s'occupent de l'enfant en son nom. C'est une différence de terminologie peut-être, mais c'est tout.

Pour ce qui est de votre dernier point, si j'ai bien compris, vous vous demandez si ces programmes seraient plus efficaces s'ils étaient regroupés. Dans bien des secteurs, les programmes gouvernementaux sont excessivement complexes et il y a effectivement des mesures que nous pouvons et que nous devrions prendre afin de simplifier la prestation des services. J'admets qu'il y a un certain nombre de problèmes à cet égard. Mais, en général, un grand nombre de ces programmes sont conçus de façon à répondre aux besoins particuliers de groupes particuliers.

Les personnes handicapées, les Canadiens autochtones, les immigrants récents et les ménages monoparentaux sont tous confrontés au défi de la pauvreté — c'est-à-dire, des revenus insuffisants — de même qu'à d'autres défis qui nécessitent l'instauration de programmes ciblés. Comme les gouvernements disposent de ressources limitées, il est préférable de s'assurer que ces programmes sont bien adaptés aux besoins des groupes qui les requièrent le plus.

Vous avez également posé une question au sujet des logements, à laquelle mes collègues voudront peut-être répondre.

Mme Kolk : Vous avez parlé de projets pilotes. Pour RHDCC, il s'agit de travailler efficacement avec d'autres ministères fédéraux, même si les programmes proprement dits sont exécutés au niveau de la collectivité. Ce n'est pas quelque chose que le gouvernement fait tout seul.

Je comprends que vous n'aimiez pas les projets pilotes. Pour notre part, nous essayons de donner l'impulsion qui permettra de créer des retombées positives durables dans les collectivités. Nous démontrons la capacité de RHDCC et de Citoyenneté et Immigration Canada de travailler ensemble dans une localité, dans le cadre d'un projet pilote, afin d'aider les nouveaux immigrants à mieux comprendre le marché de l'immobilier et à mieux s'établir. Nous pouvons ensuite diffuser plus largement les enseignements que nous avons tirés de projets pilotes de ce genre en les présentant comme pratique exemplaire, afin que les collectivités du Canada entier puissent aider davantage les nouveaux immigrants.

Pour moi, les projets pilotes ont un rôle légitime. Je comprends vos préoccupations. Il ne s'agit pas non plus, à mon avis, D'en faire une priorité, mais de tels projets peuvent être utiles pour mettre à l'essai de nouvelles pratiques et inciter d'autres à prendre des mesures que nous jugeons essentielles.

Le sénateur Cook : Combien coûte-t-il pour administrer un programme? Vous avez une certaine somme d'argent pour les frais d'administration et vous avez choisi votre programme. Combien en reste-t-il pour le client? Est-ce 50 p. 100 ou 10 p. 100? Avez-vous des chiffres sur les coûts administratifs des projets dont il est question ici?

Mme Kolk : En général, nous estimons au ministère que les frais administratifs ne devraient jamais dépasser 15 p. 100. Pour les projets destinés aux sans-abri, étant donné la forte participation du secteur bénévole, c'est souvent bien moins.

Le sénateur Cook : Est-ce que cela s'applique au secteur du logement? Je comprends que c'est complexe étant donné le nombre de partenaires de la SCHL, qui peuvent comprendre les gouvernements, les municipalités et d'autres, mais je m'intéresse surtout à tout ce qui se fait à but non lucratif.

Mme Matthews : Oui, je comprends, et je partage ce sentiment jusqu'à un certain point.

Permettez-moi de vous donner un exemple des sommes qui sont consacrées à l'administration dans le cadre des programmes de rénovation. Je ne peux pas vous citer d'office un chiffre précis, mais je crois que la proportion est d'environ 12 p. 100. Comme d'autres ministères, nous nous efforçons toujours de nous en tenir au strict minimum. Ce qui compte, finalement, c'est la production de logements sur le terrain.

Je comprends également vos observations sur le fait qu'il ne devrait y avoir qu'un seul budget et qu'il y a trop de paperasserie. Cependant, il s'agit là d'un des défis importants auxquels le secteur de l'habitation est confronté depuis quelques années. Nous avons signé un certain nombre d'ententes sur les logements sociaux avec les provinces et les territoires. Presque 80 p. 100 des programmes fédéraux sont maintenant administrés par les provinces. Il s'agit de créer un guichet unique. Si vous êtes une personne nécessiteuse, si vous êtes handicapé, ou si vous avez un faible revenu et que vous avez besoin d'un logement, vous pouvez vous adresser à une seule source en Ontario. Nous essayons de faciliter l'accès, comme c'est le cas de tous les autres acteurs qui oeuvrent dans le secteur de l'habitation.

S'agissant de partenaires, qu'il s'agisse de partenariats public-privé ou de partenariats au sein du secteur privé, nous sommes tous passés par là et nous savons donc que les partenariats sont difficiles. Je voudrais néanmoins vous citer l'exemple d'un secteur où il y a eu des succès. Nous avons le Centre canadien du partenariat public-privé dans l'habitation. Il y a des gens dans toutes les régions du pays qui travaillent au nom de la SCHL dans le secteur de l'habitation et parmi leurs tâches est justement celle du maillage.

J'ai participé à une discussion à Halifax la semaine dernière. Un groupe cherchait un promoteur privé qui serait disposé à participer, si la municipalité approuvait le projet. Le personnel au bureau de Halifax a fait savoir qu'il connaissait un promoteur et qu'il se chargerait de faire les présentations. Toute la discussion portait sur le réseautage et ce qu'il faut faire pour mettre les gens en contact. Nous facilitons ce processus en les invitant à se réunir dans nos bureaux.

Bien qu'il soit toujours difficile de trouver des partenaires, nous arrivons à faciliter ces contacts beaucoup mieux qu'auparavant, et parfois ce processus difficile permet d'obtenir de meilleurs partenaires parce que, une fois que vous y arrivez, vous savez que c'est définitif et que c'est la bonne solution.

Le sénateur Cook : Parfois on a un rêve qu'on voudrait réaliser et on suit un certain parcours en essayant d'obtenir ce qu'on veut sans succès; à ce moment-là, quand c'est devenu un cauchemar, on est bien obligé de dire : « Non, c'est impossible. »

Mme Matthews : C'est vrai.

Le sénateur Cook : Je voudrais simplement vous dire que, quand vous concevez ces programmes, assurez-vous de tenir compte de tous les obstacles, pour éviter de ne pas créer en nous des attentes trop élevées quand nous voulons faire quelque chose pour réduire la pauvreté ou mieux s'occuper des enfants, notamment dans le secteur à but non lucratif. Je pourrais vous raconter des histoires d'horreur, mais il y a eu aussi des succès retentissants, comme le don de 750 000 $ fait par Chevron.

Mme Matthews : Quand tout marche bien, c'est merveilleux.

Le sénateur Cook : Absolument. Je n'ai rien contre les projets pilotes, à condition qu'ils soient bien intégrés, qu'ils deviennent de vrais programmes et qu'ils profitent à tous les différents segments de la société pour le bien de tous. Voilà ce qui me semble essentiel dès lors qu'on parle de projets pilotes.

Le sénateur Cordy : Je voudrais parler plus particulièrement de la pauvreté chez les personnes âgées. Je sais que nous avons réalisé énormément de progrès. En 1980, 21 p. 100 des personnes âgées vivaient dans la pauvreté, alors que la proportion n'est plus que de 5,6 p. 100. Nous devrions nous réjouir de ce changement positif.

Par contre, ces 5,6 p. 100, lorsqu'on les regarde de plus près, suscitent certaines préoccupations, étant donné que les personnes seules, qu'il s'agisse d'hommes ou de femmes, sont beaucoup plus susceptibles de vivre dans la pauvreté que les membres d'une famille ou un couple. De plus, nous savons que les femmes seules sont deux fois plus susceptibles de vivre dans la pauvreté que les hommes seuls.

Si nous parlons de personnes âgées qui ont un régime de retraite privé, il est évident qu'on n'a pas besoin de faire une étude pour savoir que ces personnes ne sont pas susceptibles de connaître la pauvreté. Cependant, bon nombre de femmes âgées qui vivent seules en 2007 ont connu au cours de leur vie des périodes où elles ne participaient pas au marché du travail. Peut-être n'ont-elles pas travaillé à l'extérieur de la maison quand leurs enfants étaient jeunes ou travaillaient seulement à temps partiel si elles avaient des enfants; il est également possible que la décision de la famille était qu'elles ne travailleraient pas à l'extérieur même si elles n'avaient pas d'enfants.

Nous savons aussi que les femmes qui n'ont pas de régime de retraite privé ont généralement des emplois plus faiblement rémunérés. Lorsque ces femmes sont âgées, elles ont accès à la Sécurité de la vieillesse, la SV, et au Supplément de revenu garanti, SIG, mais dans bien des cas, il s'agit de femmes seules qui vivent dans la pauvreté.

Que pouvons-nous faire pour les personnes qui passent entre les mailles du filet? Je sais que vous avez énuméré un certain nombre d'excellents programmes gouvernementaux, mais si ces derniers concernent l'aide qu'on fournit à quelqu'un pour préparer sa déclaration d'impôt, eh bien, le fait est que beaucoup de gens ne produisent pas de déclaration d'impôt. Beaucoup de gens ne sont pas admissibles à ces programmes parce qu'ils ne gagnent pas suffisamment d'argent pour payer des impôts. Une réduction de l'impôt sur le revenu ne leur apporte rien puisqu'ils ne paient pas d'impôt de toute façon.

Il est vrai que ces statistiques indiquant que le pourcentage est passé de 21 p. 100 à 5,6 p. 100 sont positives, mais quand on fait l'analyse des personnes qui composent ce groupe, on constate que ce sont surtout des femmes âgées seules qui vivent dans la pauvreté.

M. Treusch : En général, je suis d'accord avec les observations du sénateur Cordy. Premièrement, le plus important progrès que le Canada a réalisé au cours des 20 dernières années, auquel le sénateur a fait allusion, est justement la réduction du taux chez les personnes âgées. C'est assez frappant. C'est une baisse importante. Par rapport aux autres pays membres de l'OCDE, le Canada se trouve parmi les premiers, sinon au premier rang. Parmi les bonnes et mauvaises nouvelles que j'ai communiquées aux membres du comité, on peut dire que c'est certainement celle-là qui est la plus positive. Cela étant dit, il persiste un certain nombre de problèmes.

Ma deuxième observation, qui vaut non seulement pour les personnes âgées mais pour les gens en général, concerne le rôle de la famille et de l'unité familiale. Dans un ménage, si une personne perd ses revenus, la famille est là pour stabiliser la situation économique. C'est pour cette raison qu'on observe une fréquence accrue parmi les personnes seules. Je suis d'accord avec vous pour dire que les femmes qui ont peut-être dû quitter la population active à divers moments au cours de leur carrière, qui ont tendance à vivre plus longtemps que leurs conjoints et qui finissent donc seules, peuvent se trouver dans une situation très difficile. Et c'est là que je vous dirais quelque chose que vous savez déjà, à savoir que notre régime de pensions public est justement conçu pour venir en aide à des personnes de ce genre. Ce régime est conçu de façon à fournir une aide financière à de tels ménages, dans le contexte des dépenses gouvernementales. C'est l'objectif même de la SV et du SIG : il s'agit d'éviter qu'une personne n'ayant pas accès à des prestations de retraite privée soit indûment pénalisée.

Pour ce qui est des mesures que nous pouvons prendre, il est évident qu'on peut toujours améliorer les programmes qui s'adressent aux personnes âgées et c'est l'un des choix qui existent quand il s'agit d'affecter les crédits. Pour ce qui est du long terme, nous observons à présent un fait nouveau extrêmement positif et important en ce moment, qui est la plus forte participation des femmes aux études supérieures et leur présence accrue dans les professions. À mon avis, nous allons voir une cohorte de femmes très différente, étant donné leur présence au sein du système d'éducation, car leur participation est sur le point de dépasser celle des hommes.

Il s'agit de savoir si les salaires pratiqués sur le marché du travail s'ajusteront également de façon à éliminer l'écart qui existe à ce niveau au fur et à mesure que les femmes éliminent l'écart en ce qui concerne leur niveau d'éducation. Si tel est le cas, à mesure que cette cohorte de femmes arrive à l'âge de la retraite, même si les différences biologiques et l'espérance de vie sont les mêmes, je n'attends à ce que d'autres conditions de leur vie liées au revenu soient fort différentes, par rapport à ce que nous avons vu par le passé.

Le sénateur Cordy : Il sera effectivement intéressant de voir ce qui arrivera dans 20 ou 25 ans, ou même plus tard.

Je voudrais revenir sur l'un des points soulevés par le sénateur Cook. Je me souviens d'avoir été avec elle à St. John's, à Terre-Neuve-et-Labrador, dans un foyer pour personnes handicapées qui était excellent. Nous avons parlé à la femme qui est directrice du foyer concernant la frustration qu'elle éprouvait chaque fois qu'elle devait remplir un autre formulaire. Elle comprenait très bien que chacun doit répondre de l'utilisation des crédits qu'il reçoit, que ces crédits viennent de sources fédérales, provinciales ou privées. Mais ils en sont arrivés au point où ils devaient se demander si cela vaut vraiment la peine de consacrer toutes les heures qui ont été nécessaires pour remplir les formulaires. Est-ce que la fin justifiait les moyens?

En entendant cela, on s'est dit qu'on avait affaire à un établissement qui existait depuis plusieurs années et qui était reconnu comme l'un des meilleurs du Canada. Donc, les ministères fédéraux ne pourraient-ils pas conserver un profit historique des établissements et des groupes avec qui ils traitent, en vertu de programmes précis, de façon à pouvoir leur dire : vous n'êtes pas obligés de remplir un formulaire de 50 pages pour participer à ce nouveau programme. Nous vous faisons parvenir un document de deux pages seulement, étant donné que nous sommes au courant du programme que vous exécutez.

M. Treusch : Je voudrais faire une observation générale à ce sujet. Si ma mémoire est bonne, la dernière fois que j'ai comparu devant un comité sénatorial, pour parler d'un programme différent, cette même préoccupation a été exprimée. Je voudrais simplement attirer l'attention des membres sur un certain nombre de faits nouveaux, dont les sénateurs sont certainement tout à fait au courant et qui sont liés aux préoccupations de certains concernant un manque de surveillance et de contrôle des subventions et des contributions; voilà qui a suscité énormément de controverse au sein du public et qui a donné lieu à la création, au cours de ces quelques dernières années, d'une série d'exigences plus strictes et rigoureuses relativement aux subventions et contributions.

Notre ministère ne fait pas exception à cet égard. Par le passé, nous avons été à l'origine de certaines controverses concernant, non seulement les subventions et les contributions, mais la protection de la vie privée. Afin de régler ce problème, nous nous voyons dans l'obligation d'alourdir le fardeau administratif des bénéficiaires de nos programmes, de même que notre propre fardeau, en tant qu'administrateurs. Nous sommes tout à fait conscients des frustrations qu'éprouvent les uns et les autres face à cela.

Cet état de choses a justement donné lieu à la création d'un groupe d'experts qui passait par le Secrétariat du Conseil du Trésor. Ce groupe a préparé un rapport sur divers moyens de réduire le fardeau administratif. Nous participons à cet exercice et nous-mêmes préconisons de telles mesures. Il s'agit de reconnaître qu'il existe un problème. Nous cherchons tous à établir un juste équilibre entre la nécessité d'éviter que le fardeau administratif soit trop lourd et la surveillance dont nous faisons l'objet au Parlement et au sein du public et la nécessité de faire preuve de diligence responsable et de responsabilisation en ce qui concerne les valeurs que nous défendons et les résultats que nous obtenons. C'est une question d'équilibre. J'espère que nous réussirons à trouver de meilleures solutions dans les mois qui viennent, mais il convient de se rappeler que nous sommes finalement les gardiens des politiques gouvernementales dans ce domaine.

Mme Kolk : M. Treusch a décrit ce problème avec éloquence. C'est un enjeu très important pour nous. Nous avons tenu des consultations qui m'ont permis de comprendre que les groupes et organismes de taille moyenne sont les plus satisfaits de la structure actuel du programme et des exigences qu'il faut satisfaire. Souvent la capacité et l'expertise nécessaires n'existent pas dans les petites localités. Les collectivités importantes sont parfois tellement alourdies par leur propre bureaucratie que ce genre de choses pose effectivement problème.

Dans le cadre de notre programme, nous pouvons nous appuyer sur un réseau de responsables régionaux qui sont chargés d'assurer la prestation des services. Ces derniers essaient de fournir un maximum de renseignements et de travailler avec les collectivités et les commanditaires pour préparer les demandes, afin que ce soit les fournisseurs de services qui font le travail qu'ils sont censés faire — c'est-à-dire, répondre aux besoins des sans-abri — au lieu de consacrer trop de temps à l'administration.

Notre ministère est actuellement en train d'examiner les recommandations du groupe d'experts sur la rationalisation des subventions et contributions, et nous comprenons la nécessité d'établir un équilibre approprié entre les risques et la responsabilisation. Comme vous l'avez déjà dit, si le demandeur a déjà un bilan bien établi, ne serait-il pas possible de rationnaliser le processus? Nous y songeons et nous souhaitons justement être responsables et rigoureux sans pour autant imposer un fardeau trop lourd aux autres.

Le sénateur Fairbairn : Je voudrais m'attarder à une question dont vous avez parlé tous les trois. C'est une question importante, notamment dans la région d'où je viens, à savoir l'aide assurée aux Autochtones vivant à la fois dans les réserves et en dehors des réserves.

Je regardais le texte de vos exposés. Je suis encouragée de voir que c'est l'une des clés de voûte de votre stratégie générale. Je me rappelle de l'époque, il y a quelques années, où l'on a lancé l'initiative relative aux sans-abri à Calgary, et si c'était une initiative aussi importante, c'était évidemment en raison des populations autochtones du sud de l'Alberta.

À bien des égards, cette initiative a connu un grand succès. J'ai été présente à diverses reprises lorsque de jeunes familles obtenaient leur première maison — rien de grandiose, mais des logements fonctionnels.

Ce qui m'a frappée dans les remarques de Mme Matthews était l'annonce d'un nouveau fonds de 300 millions de dollars pour le logement des Autochtones, afin de faciliter l'accès au financement de sources privées dans les réserves.

Je suppose que c'est probablement l'un des problèmes les plus épineux que vous avez à régler. Pourriez-vous nous dire comment vous allez y parvenir? Il y a eu beaucoup de tentatives par le passé, mais elles n'ont pas abouti. Quand vous dites que vous voulez faciliter l'accès aux crédits du secteur privé dans les réserves, à votre avis, comment les gens vivant dans les réserves pourront-ils faire cela? Est-ce quelque chose qui devra passer par le chef et le conseil, ou est-ce complètement à part? Ce sont des questions épineuses, et la piètre qualité des logements ne permet vraiment pas d'espérer que la situation s'améliorera à d'autres égards. Dans certaines des régions que je connais dans ma province, quand on voit leurs logements, on comprend pourquoi ils ont tant de problèmes au niveau de l'éducation et de l'alphabétisation, et dans bien d'autres domaines aussi.

Comment ce nouveau projet va-t-il marcher?

Mme Matthews : Au cours de la prochaine année, nous allons tenir de vastes consultations à ce sujet. Nous allons parler directement aux prêteurs et à d'autres.

Permettez-moi de vous donner une idée de la façon dont ce programme pourrait marcher. Il y a encore énormément de travail à faire avant que cela ne puisse se réaliser. Je présume que les membres du comité comprennent que, en vertu de la Loi sur les Indiens, un prêteur privé ne peut prendre les biens ou les actifs d'un membre vivant dans la réserve. En dehors des réserves, si vous vous adressez à un prêteur qui vous consent un prêt hypothécaire, dans l'éventualité où vous ne pourriez pas payer, ce dernier pourrait saisir cet actif et essayer de s'emparer de vos revenus. Les prêteurs privés, à juste titre ne consentent pas de prêts dans les réserves. Il y a des exceptions. Certains prêteurs acceptent de prêter jusqu'à 75 p. 100. Ils ne vont pas aller jusqu'au bout. Les taux qui s'appliquent sont semblables à ceux demandés pour une ligne de crédit, plutôt que pour une hypothèque. C'est très cher. Si vous êtes Autochtone et que vous vivez dans une réserve, accéder à la propriété coûte très cher, et il faut être très déterminé au Canada pour y parvenir.

Voilà donc comment pourrait fonctionner ce nouveau fonds. Il y a quelques années, la SCHL, par l'entremise de son programme d'assurance hypothécaire, a entrepris un projet pilote pour l'octroi de prêts dans les réserves en vertu duquel la SCHL acceptait d'agir comme intermédiaire dans le cadre d'un accord de partage des risques conclu avec la bande et le conseil. Donc, si un prêteur privé, comme la Banque Royale ou la Banque TD, souhaitait consentir un prêt, ce serait fait dans les mêmes conditions que hors réserve. En cas de défaut de paiement, la SCHL, par l'entremise de son programme d'assurance hypothécaire, ferait les versements et détermineraient en coulisse qui paierait quoi et comment, grâce à cette nouvelle fiducie. Je ne vais pas vous en donner tous les détails, mais il s'agirait essentiellement de ce genre d'arrangement.

Ce nouveau fonds s'appuie sur les enseignements que nous avons tirés du projet pilote et les défis que nous avons dû relever pour être sûrs d'être bien protégés, étant donné que la SCHL ne peut pas agir comme un prêteur en allant chercher les crédits hors réserve.

Ce fonds permettra d'apporter un certain soutien financier et d'améliorer le crédit. Ce sera semblable à une ligne de crédit. Une bande peut avoir d'autres idées. Peut-être voudra-t-elle conclure une entente directement avec le prêteur, sans passer par un assureur hypothécaire, mais si elle désire participer à ce projet pilote avec la SCHL, en fonction de cet exemple-là, une bande serait tenue de posséder 6 p. 100 de la somme prêtée hors réserve dans le cadre d'une fiducie. Cette fiducie est établie de concert avec la SCHL et des membres de la bande siègent au conseil. Comme vous pouvez vous imaginer, c'est une structure complexe qui est difficile à établir. Nous payons cher les avocats.

Si une bande est jugée admissible, les 6 p. 100 pourraient provenir du fonds et elle ne serait pas obligée de conclure tous ces arrangements financiers complexes.

Je sais que c'est compliqué. Je me ferais un plaisir de faire parvenir d'autres renseignements au comité à ce sujet. Nous pouvons toujours revenir pour vous l'expliquer et vous donner des renseignements complémentaires.

Il reste beaucoup de travail à faire. Nous, les prêteurs, les représentants des Autochtones et Affaires indiennes y travaillent depuis un certain temps, et cette initiative marque, à notre avis, un changement important tout en présentant des possibilités fort intéressantes. Si tout marche comme prévu, nous estimons qu'il sera possible, grâce à l'effet multiplicateur, d'obtenir des crédits correspondant à 5 p. 100, 6 p. 100 ou 7 p. 100 de ce montant de 300 millions de dollars, ou peut-être même sept fois ce montant. Donc, nous devrions être à même de répondre aux besoins des Autochtones qui souhaitent accéder à la propriété dans leurs collectivités, si ces dernières sont suffisamment sophistiquées et désireuses de conclure ce genre d'arrangements par l'entremise du fonds.

Le sénateur Fairbairn : Pourriez-vous me dire, à titre d'éclaircissement, si cela voudrait dire qu'une famille individuelle vivant dans la réserve pourrait traiter directement avec vous, ou serait-elle obligée d'avoir recours à un autre type d'instrument dans la réserve?

Mme Matthews : Les deux — pour que ce soit encore plus compliqué. Étant donné que la bande aurait recours au fonds, il faudrait qu'elle soit d'accord. Il est prévu que la bande serait une participante, même si le membre individuel s'adressait directement à la Banque TD ou à la Banque de Montréal en suivant la procédure normale pour une demande de crédit. Les deux parties participeraient au processus.

Le sénateur Fairbairn : Je sais que c'est compliqué. J'ai trouvé intéressant de voir que vous prenez cette initiative. Au moins vous faites ce que vous pouvez.

Mme Matthews : Je serais très heureuse de faire parvenir au comité une trousse d'information sur ce programme. Il s'agit d'une innovation intéressante.

Le président : Je vous remercie tous les trois de votre présence parmi nous aujourd'hui. Vous nous avez fourni toutes sortes de bonnes informations. Il y a d'autres questions que nous aurions aimé vous adresser, mais nous n'en avons pas eu la possibilité. Peut-être pourrons-nous le faire une autre fois, quand nous vous inviterons à comparaître de nouveau — une fois que nous aurons reçu les commentaires de tous les organismes communautaires; à ce moment-là, nous aurons peut-être d'autres questions à vous adresser.

Chers membres du comité nous avons une autre question à régler, soit l'examen des projets de budget. Le sous- comité sur les villes a adopté plus tôt aujourd'hui un budget de 172 653 $, qu'il soumet maintenant à l'examen du comité. Il nous faut également deux petits montants pour l'examen des questions d'alphabétisation — il s'agit de 700 $ de plus dans ce cas-là, et de 2 100 $ pour la garde d'enfants. Nous sommes en train d'organiser des réunions sur les services de garde d'enfants et nous en avons déjà trois de prévues en juin. Nous avons également une autre séance sur l'alphabétisation qui est prévue pour le 9 mai. Voilà donc les trois budgets.

Y a-t-il des questions ou des commentaires? Les honorables sénateurs sont-ils d'accord pour adopter les trois budgets?

Honorables sénateurs : D'accord.

Le président : Merci à vous tous. C'était une bonne séance. Nous nous reverrons la semaine prochaine.

La séance est levée.


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