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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones

Fascicule 3 - Témoignages du 12 février 2008


OTTAWA, le mardi 12 février 2008

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui, à 9 h 37, pour examiner, en vue d'en faire rapport, les responsabilités constitutionnelles, conventionnelles, politiques et juridiques du gouvernement fédéral à l'égard des Premières nations, des Inuits et des Métis et d'autres questions générales relatives aux peuples autochtones du Canada.

Le sénateur Gerry St.Germain (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour. Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones étudie la mise en œuvre des ententes sur les revendications territoriales globales des Premières nations. Nous accueillons aujourd'hui des porte- parole du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien : Michael Wernick, sous-ministre; Terry Sewell, directeur général, Direction générale de la mise en œuvre, Revendications et gouvernement indien; et Michel Roy, sous- ministre adjoint, Revendications et gouvernement indien.

Je crois comprendre, monsieur le sous-ministre, que vous avez un bref exposé, et je suis certain que nous aurons des questions pour vous et vos collaborateurs.

Je vais maintenant vous présenter les sénateurs qui sont ici aujourd'hui. Il y a le vice-président du comité, le sénateur Sibbeston, des Territoire du Nord-Ouest, et le sénateur Zimmer, du Manitoba. À ma droite, il y a le sénateur Peterson, de la Saskatchewan; également à ma droite se trouve le sénateur Oliver, de la Nouvelle-Écosse. Cela étant dit, monsieur Wernick, je vous cède la parole.

Michael Wernick, sous-ministre, ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien : Avant de commencer ma déclaration, qui sera brève parce que vous voulez sans doute avoir un échange sous forme de questions et de réponses, permettez-moi de vous dire combien je suis ravi de m'entretenir avec le comité. J'occupe le poste de sous-ministre depuis mai 2006 et j'ai remarqué votre travail. D'une certaine façon, vos travaux sur des revendications particulières, sur l'eau, sur le développement économique, et l'étude que vous entreprenez maintenant, ont été le moteur de l'élaboration des politiques dans ce domaine depuis quelques années. C'est un plaisir de m'entretenir avec vous sur ce sujet particulier et j'espère que nous aurons d'autres échanges.

Merci au comité de me recevoir pour traiter des accords sur les revendications territoriales globales, un sujet qui touche tous les Canadiens.

J'aimerais d'abord parler de ce qui, à mon avis, se situe au cœur même de la mise en œuvre des accords sur les revendications territoriales globales, c'est-à-dire les rapports entre la Couronne et les peuples autochtones. En réalité, les accords modernes sur les revendications territoriales constituent un pas de géant pour les Autochtones, car ils multiplient nettement les débouchés et les possibilités. Ces accords ouvrent la porte à l'autonomie administrative, au renforcement des capacités et à une participation accrue à l'économie canadienne.

Les communautés signataires d'accords ont subi des changements transformateurs. Je pourrais citer de nombreux exemples, mais j'ai choisi une citation du rapport produit en 2006 par la Commission crie-naskapie, créée par le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. « Si l'on fait un retour en 1986, ou auparavant, et que l'on compare la vie des communautés crie et naskapie de l'époque avec la vie de ces mêmes communautés aujourd'hui, les changements sont évidents et spectaculaires... le niveau de vie s'est amélioré sous tous les aspects... Les niveaux de scolarisation ont augmenté de façon spectaculaire. De nombreuses nouvelles entreprises sont en activité et connaissent du succès sur le plan économique... les vingt dernières années ont apporté une très nette amélioration du niveau de vie malgré certaines difficultés importantes. »

[Français]

Comme la commission le signale, le changement entraîne à la fois des possibilités et des difficultés. Je crois qu'il est important de reconnaître que, grâce à ces accords, le gouvernement du Canada maintient sa relation de longue date avec les Autochtones du Canada. Ensemble, toutefois, nous instaurons du même coup des rapports plus mûrs et plus complexes entre les parties. Le succès de cette nouvelle relation exige temps, patience et ouverture d'esprit.

Même si les accords sur les revendications territoriales sont porteurs de changement pour les Autochtones, la compréhension de toutes les parties quant à la façon de maintenir ces rapports à très long terme évolue chaque jour.

Notre ministère reconnait l'importance de rendre ces relations fonctionnelles et productives. Depuis le tout premier traité moderne, c'est-à-dire la Convention de la baie James et du Nord québécois de 1975, 21 accords sur des revendications globales ont été signés avec des Autochtones de tous les coins du pays. Comme je l'ai dit, les accords ont des retombées positives considérables sur les communautés autochtones, et nous, en tant que ministère, prenons leur mise en œuvre très au sérieux.

[Traduction]

Le processus d'établissement de traités se poursuit. Le règlement des revendications territoriales dans le nord du Québec, au Nunavik, a été adopté à la Chambre des communes hier avec vos amendements et est en voie de recevoir la sanction royale. Le traité moderne de la Première nation Tsawwassen, en Colombie-Britannique, a été déposé à la Chambre et vous sera bientôt soumis. Nous espérons déposer un projet de loi relatif à un autre traité plus tard cette année. La négociation de traités se poursuit et, par conséquent, leur mise en œuvre est un sujet très important dont nous devons parler.

Le gouvernement du Canada affiche une réussite remarquable dans l'exécution de ses obligations ponctuelles. Nous nous sommes par exemple acquittés de pratiquement de toutes celles prévues à la Convention définitive des Inuvialuits, qui a été le sujet d'un chapitre du rapport de la vérificatrice générale. Quoi qu'il en soit, celle-ci a signalé que deux de ces obligations sont en souffrance. Je suis d'accord avec elle et j'ai demandé aux fonctionnaires de mon ministère de travailler énergiquement à la conclusion des négociations concernant les échanges de terres en cause. Je serais heureux de revenir devant le comité pour faire état de nos progrès dans ce dossier.

Je tiens toutefois à souligner qu'une bonne partie de nos obligations relatives à la mise en œuvre de ces accords sont permanentes. De par leur nature, elles ne prendront jamais fin, car elles exigent des efforts constants de toutes les parties et une nouvelle relation entre la Couronne et les Premières nations ou les groupes autochtones visés.

À titre d'exemple, la mise en place et le maintien de structures et d'organismes de réglementation constituent une obligation à laquelle toutes les parties sont constamment tenues, et ils ont des répercussions sur l'ensemble de l'économie canadienne. De tels mécanismes de réglementation rendent les régimes de gestion plus efficaces et inclusifs, et ils favorisent le développement économique des régions concernées.

Les objectifs mutuels poursuivis dans le cadre de chacun des accords, qu'ils soient particuliers ou généraux, sont à la base de cette relation. Bien souvent, par contre, la réalisation de ces objectifs dépend de facteurs qui débordent largement de la portée et des pouvoirs d'un simple accord. Je suis convaincu que nous en reparlerons tout à l'heure.

Comme les témoins précédents l'ont indiqué, notre ministère se butte à une autre difficulté, à savoir qu'Affaires indiennes et du Nord Canada n'est pas le seul maître d'œuvre et il ne possède pas non plus tous les outils et les leviers nécessaires. Comme vous le savez très bien, le gouvernement du Canada étant signataire des traités et des accords, de nombreux ministères sont souvent mis à contribution. À vrai dire, nous avons eu du mal, par le passé, à faire participer pleinement d'autres ministères à la mise en œuvre des accords. Bien souvent, nos collègues considèrent que les accords relèvent entièrement de la responsabilité de notre ministère. De notre côté, il y a une limite à ce que nous pouvons accomplir sans la pleine participation de l'ensemble de nos collègues gouvernementaux.

Nous acceptons pleinement la responsabilité d'essayer de travailler avec d'autres ministères et nous pouvons sans doute parler de la manière dont cette collaboration peut être plus efficace à l'avenir. Même si Affaires indiennes et du Nord Canada se trouve devant des défis considérables et doit veiller à la mise en œuvre des accords, nous disposons d'un puissant mécanisme de reddition de comptes. Nous sommes sur le point de renforcer le processus de mise en œuvre.

[Français]

Ces mécanismes prévoient des organes multipartites de mises en œuvre, des rapports annuels, des réunions régulières et des vérifications périodiques à l'intérieur du ministère et par la vérificatrice générale afin d'évaluer les répercussions de notre travail.

Plus récemment, le ministère a conçu un guide de mise en œuvre et mené des ateliers concernant la gestion auprès de groupes bénéficiaires d'accords sur des revendications et nous travaillons à modifier les processus de suivi. Toutes ces mesures donnaient suite à des recommandations formulées dans le cadre de vérification.

La direction générale de la mise en œuvre de notre ministère, présidée par M. Sewell, a récemment conclu une série de discussions à travers le Canada auprès de nos partenaires de mise en œuvre. Nous cherchions à mieux saisir nos difficultés actuelles. Cela nous mènera à pousser nos travaux avec nos partenaires dans le but d'établir de nouvelles façons d'aborder plusieurs de nos difficultés communes.

[Traduction]

Pour tenter d'éclairer vos délibérations, je dirais que, pour accomplir des progrès de taille, les maintenir et les poursuivre, en ce qui concerne la mise en œuvre des accords sur les revendications globales, nous devons miser sur certains facteurs de réussite.

Premièrement, il faut sensibiliser davantage les ministères fédéraux, c'est-à-dire les faire participer à la mise en œuvre des règlements des revendications territoriales. Nous tentons différentes expériences et essayons divers outils pour accroître cet engagement de la part des autres ministères, dont l'un a trait à la Première nation du Yukon, qui comparaîtra devant le comité plus tard cette semaine.

Deuxièmement, il nous faut des mécanismes de financement souples pour assurer un fonctionnement continu en garantissant que des fonds sont réservés aux initiatives et responsabilités en matière de mise en œuvre. Une grande partie du financement doit être renouvelé et doit être soumis au processus d'approbation du gouvernement du Canada. Je crois que les mécanismes de financement sont trop lourds, trop lents et trop encombrants.

Troisièmement, il y a la capacité de toutes les parties en cause, en particulier les gens sur le terrain dans les régions touchées par les accords. Un des facteurs clés sera une transparence accrue dans la mise en œuvre des accords et les progrès réalisés à ce chapitre. La vérificatrice générale s'est d'ailleurs attardée à cette question. Il nous faut une série d'options et de mécanismes plus efficaces pour régler les différends hors cour. Nous devons, comme l'a suggéré la coalition pour les accords sur les revendications territoriales, explorer des mécanismes externes faisant en sorte que l'exécutif du gouvernement fédéral soit tenu responsable des progrès réalisés dans la mise en œuvre des accords.

Parmi ces facteurs, le ministère s'efforce actuellement d'apporter des améliorations aux deux premiers aspects, car ils touchent directement la façon dont nous sommes structurés pour gérer les nouvelles relations créées par les traités. Les derniers facteurs exigeront de nos partenaires qu'ils nous aident davantage à rendre ces approches efficaces.

Pour conclure, j'aimerais souligner que notre ministère respecte et apprécie à leur juste valeur les avis de la vérificatrice générale et ceux de votre comité en ce qui a trait à la mise en oeuvre des accords sur les revendications globales. Nous acceptons le défi d'en faire une plus haute priorité et d'améliorer nos prestations dans ce domaine.

[Français]

Il n'y a aucun doute que la mise en œuvre des accords sur les revendications territoriales présentes des difficultés clés pour le gouvernement du Canada. Toutefois, je suis convaincu qu'il y a une solution à chaque problème. Aussi bien au ministère qu'au gouvernement du Canada, nous sommes résolus à trouver des solutions entre nous et nos partenaires de mise en œuvre.

Le rapport annuel de la vérificatrice générale pour 2007 continuera d'éclairer les politiques et procédés que mon ministère applique à la mise en œuvre des accords. Je suis reconnaissant des efforts déployés par tous ceux qui ont pris part à la préparation de ce rapport, ainsi que de l'intérêt et de l'engagement du comité dans ce dossier.

[Traduction]

Je serais heureux de recevoir maintenant vos questions et vos commentaires sur ce dossier ou sur tout autre sujet qui intéresse le comité.

Le président : Honorables sénateurs, si vous voulez bien excuser mon arrogance, j'aimerais poser la première question au témoin.

Monsieur Wernick, je vous ai écouté avec beaucoup d'intérêt. Je crois que le public qui nous écoute aimerait savoir comment les terres qui étaient occupées par les peuples autochtones ont cessé de leur appartenir pour devenir des terres de la Couronne. La Couronne n'a pas acheté ces terres, nonobstant une échauffourée qui s'est peut-être produite il y a de nombreuses années. La Couronne n'a pas conquis ces terres non plus. Certains disent que c'est un grand mensonge. Vous pourriez peut-être parler de cette situation complexe et nous dire comment la Couronne a pris le contrôle des terres qui avaient toujours été occupées par les Premières nations.

J'ai une question fondamentale à vous poser et je suis convaincu que d'autres sénateurs auront d'autres questions pour vous et vos collègues.

Premièrement, je comprends que le gouvernement souhaite régler les revendications ou quantifier et qualifier ses relations avec certains groupes autochtones. Vous voulez créer les soi-disant traités modernes. D'après ce que je comprends, les traités constituent un engagement entre les deux parties, les autorités fédérales et provinciales étant, pour moi, une seule partie. On négocie les dispositions bien précises d'un traité, que les parties acceptent de respecter. En signant des traités, le Canada donne l'impression qu'il va prendre les terres des peuples autochtones en échange d'un montant compensatoire, et les peuples autochtones perdront une part de leur indépendance et de leurs droits souverains en échange de ce montant compensatoire et de la protection offerte par la Couronne contre toute autre intrusion étrangère dans leurs affaires internes de peuples libres.

On utilise couramment le mot « dédommagement ». On offre un dédommagement pour les terres, l'affaiblissement et la restriction des droits que les peuples autochtones avaient jadis, et une structure de gouvernance définissant les futures relations entre les deux parties.

Ma description est peut-être un peu trop simpliste et je sais que les deux parties — les peuples autochtones et le gouvernement du Canada — ratifient ces traités. Pourquoi les dispositions des accords que le gouvernement avait acceptées ne sont-elles pas respectées? Pourquoi le gouvernement ne remplit-il pas ses obligations? Est-ce parce que ces accords sont traités tout simplement comme un quelconque programme? Sont-ils traités comme un simple programme ou y a-t-il un budget établi pour la mise en oeuvre à long terme de ces accords particuliers qui ont été conclus, de sorte que lorsque le financement s'épuise, le processus ne s'arrête pas jusqu'à ce que le gouvernement obtienne plus d'argent?

Ou bien est-ce parce que la structure des paiements et des objectifs de dédommagement s'étale sur une période de temps qui ne correspond pas à la réalité que suppose la mise en oeuvre des traités? En bref, pourquoi le gouvernement et son agent, le ministère, ne respectent-ils pas les dispositions des accords conclus avec les peuples autochtones? Qu'est-ce qui empêche le gouvernement d'honorer les engagements qu'il a pris et qu'il est légalement tenu de respecter?

Voilà ce que plusieurs groupes nous disent; ce n'est pas un fait isolé. Je crois que plus de 20 traités ont été signés. Je fais partie du présent comité depuis une dizaine d'années. Dès le début — sénateur Sibbeston, vous étiez là — les Cris et les Naskapis disaient que la Couronne manquait à l'honneur en omettant d'appliquer les dispositions de l'accord qui avait été conclu. Cet accord avait été signé en 1975, si ma mémoire est bonne. Qu'on me corrige si je fais erreur.

J'ai eu peur, en écoutant votre exposé, quand vous avez dit que vous décliniez certaines responsabilités à d'autres ministères, parce que je crois que la responsabilité fiduciaire de la Couronne repose directement sur votre ministère. Pourriez-vous clarifier cette question?

M. Wernick : J'ai détecté environ cinq questions ici, alors pardonnez-moi si je prends un peu de temps pour y répondre.

Je vais commencer par la question que vous avez vous-même abordée en premier, c'est-à-dire le processus d'établissement des traités. Je ne suis pas avocat, et vous devriez parler à mon collègue, le sous-ministre de la Justice, ou le ministre de la Justice, pour ce qui est des principes de base.

Les principes de base sont que le Canada a reconnu et affirmé dans sa Constitution les droits ancestraux et les droits issus de traités. Peu de pays ont fait cela. En 1982, ces droits ont été enchâssés dans la Constitution du Canada, alors les groupes autochtones partout au pays ont ces droits. Les droits ne sont pas bien définis. On a tenté de les clarifier en tenant une série de réunions constitutionnelles dans les années 1980, mais on n'a pas réussi à obtenir un consensus.

Pour obtenir une interprétation des droits constitutionnels, on peut s'adresser aux tribunaux, et certains groupes l'ont fait. Le traité moderne, proposé aux groupes autochtones, permet de conserver ces droits. Personne n'est forcé de signer un traité moderne; personne n'est contraint de le faire. Certains groupes autochtones ont choisi de ne pas entamer ce processus et continueront de faire valoir leurs droits légaux, de les exercer de leur mieux et d'établir des relations avec d'autres ordres de gouvernement et d'autres partenaires.

D'autres groupes autochtones ont choisi de leur gré d'entrer dans une relation fondée sur un traité moderne. Ainsi, en échange de ces droits non définis, ils ont la certitude d'une relation fondée sur un traité, une relation qui définit les propositions et les responsabilités de chaque partenaire et crée des obligations exécutoires. Ce sera aux groupes autochtones de vous dire si c'était une bonne idée ou non, ou pourquoi certains d'entre eux ont choisi une relation fondée sur un traité et d'autres, non.

Je vais passer à votre question concernant les Cris de la baie James. Ils ont été le premier groupe à faire cela dans les temps modernes. Les vieux traités des années 1800 et du début du XIXe siècle sont les traités historiques, qui portent les numéros 1 à 11, et ainsi de suite. Cinquante ans se sont écoulés sans qu'un traité moderne ne soit conclu. Les Cris de la baie James, pour de nombreuses raisons — j'étais à l'école secondaire à cette époque — ont décidé de conclure un traité moderne avec le gouvernement du Canada et le gouvernement du Québec. C'était la première fois en 50 ans qu'une telle chose se produisait et cet accord — qui a été conclu un peu à la hâte au milieu des années 1970 — comportait bien peu de détails sur son application. Il n'y avait aucun chapitre ni aucun comité pour sa mise en œuvre, ni aucun mécanisme précis pour le règlement des litiges. Par conséquent, dans les années qui ont suivi, s'il y avait un désaccord, notamment sur le respect des obligations, seul le recours aux tribunaux était possible. C'est pourquoi il y a eu un grand nombre de litiges, un processus long et pénible. Toutefois, comme les honorables sénateurs le savent, ces litiges ont été réglés. Le règlement a été ratifié par les communautés cries et il sera annoncé officiellement plus tard ce mois-ci. Alors ce chapitre est derrière nous.

Les gouvernements précédents ont tiré une leçon de tout cela et ont compris qu'il valait mieux ne pas répéter la même erreur dans les traités modernes. Dans la foulée des accords signés à la fin des années 1980, au cours des années 1990 et ainsi de suite, nous avons dit, ou mon prédécesseur a dit, qu'il était préférable d'avoir un chapitre sur la mise en œuvre et des mécanismes de règlement des litiges. Par conséquent, tous les accords subséquents prévoient la création d'un comité de mise en œuvre, un mécanisme de règlement des litiges, des possibilités d'arbitrage et cetera, et on s'efforce de définir très clairement ce que sont les obligations, ce que chaque partie est tenue de faire et à quel moment.

Plusieurs mécanismes de reddition de comptes sont rattachés à ces accords. Il y a 10 ou 11 lois fédérales en cause. Une loi est prévue pour la mise en œuvre de chacun des accords, et nous vous en envoyons d'autres, concernant les Premières nations Tsawwassen et Maa-nulth. Chaque loi établit les obligations du gouvernement fédéral et des autres parties. En gros, les aspects relativement faciles — comme la remise d'une certaine somme d'argent et des terres, les transferts de fonds et la création d'organismes de réglementation — ont été réalisés. Nous avons fait plus que la moitié du chemin dans ce sens.

J'entends les frustrations, tout comme vous. Je crois qu'une analogie a été faite ici, à savoir si le traité moderne était un renouvellement des vœux de mariage ou un divorce. À mon avis, les accords vont créer une nouvelle relation et un nouvel espace dans le fédéralisme canadien. Il y aura des gouvernements ou des organismes de type gouvernemental rattachés aux accords — et ils varient d'une région à l'autre — qui ont maintenant une nouvelle relation avec leur gouvernement provincial et le gouvernement fédéral. Ces relations vont durer pendant des générations et touchent souvent à la fiscalité, en définissant les sommes d'argent en jeu, les pouvoirs de taxation, les transferts et ainsi de suite.

À mon avis, ce n'est pas bien différent des relations fédérales-provinciales. Il existe une relation financière entre le gouvernement du Canada et le gouvernement de la Saskatchewan, qui touche aux transferts fiscaux et à la péréquation.

Comme le sénateur Peterson le sait sans doute, la répartition des transferts fédéraux-provinciaux est matière à controverse. Personne ne sera surpris si le financement provoque des frictions. Les accords prévoient le renouvellement des fonds nécessaires. Parce que vous ne pouviez pas savoir avec une certitude absolue en 1997 combien d'argent un organisme de réglementation aurait besoin 15 ans plus tard, ces organismes reçoivent habituellement un financement pour cinq ans et pour une autre période de cinq ans, et une renégociation périodique est prévue. Cela ressemble beaucoup aux transferts fédéraux-provinciaux, et il y a des négociations et des compromis à faire.

Je ne crois pas que le renouvellement de ces transferts fiscaux soit très efficace, parce que nous passons beaucoup de temps à négocier de petites sommes d'argent, et c'est là où se situent certains malentendus. Nous n'avons pas ces sommes d'argent dans le budget du ministère. Certains aspects, comme le transfert du capital initial par lequel vous obtenez 100 millions de dollars sur une période de 10 ans, ne posent aucun problème parce qu'ils sont habituellement prévus dans la loi fédérale. Pour ce qui est du financement continu de certains organismes comme l'Office des eaux du Nunavut ou l'organisme de réglementation dans la région des Gwich'in, nous devons revenir en arrière et obtenir cet argent en suivant le processus habituel d'affectation de crédits du Parlement et du Conseil du Trésor, et ce processus s'est avéré lent et pesant, frustrant pour nous et pour les groupes autochtones.

Je perds le fil de vos questions. Ces relations vont durer et certains aspects seront sujets à un renouvellement et une renégociation périodiques. Le monde va changer. L'économie connaîtra des soubresauts avec le prix de l'essence, l'activité minière et le réchauffement de la planète. Plusieurs choses vont changer l'environnement. Je ne crois pas qu'il faille regarder la situation — et cet aspect fait partie de votre question — du point de vue des avocats, avec tout le respect que j'ai pour les avocats présents dans la salle, c'est-à-dire que ce sont des textes fondamentaux qui doivent être interprétés comme les saintes écritures et que toute déviation justifie un recours aux tribunaux.

Vous avez essentiellement un nouveau contrat et une nouvelle relation entre la Couronne et le groupe autochtone en question, et c'est un accord pour une nouvelle relation que nous acceptons. Nous devons nous conduire de façon honorable et équitable, avec honnêteté et respect, et la négociation est toujours la meilleure façon de régler les choses. C'est là l'avis des tribunaux et de la vérificatrice générale, et notre politique est d'essayer de négocier des accords chaque fois que c'est possible. Si la négociation n'est pas possible, alors les gens ont le droit, pour revenir à ce que j'ai dit au départ, de recourir aux tribunaux. Nous sommes redevables devant les tribunaux, devant vous et devant le Conseil du Trésor.

Je ne sais pas si cette réponse vous est utile, mais ce sont plusieurs questions que vous m'avez posées. Nous n'essayons pas de refiler la responsabilité à d'autres ministères. Ce que je dis, c'est que la Couronne a signé l'accord. Je n'ai pas le pouvoir de forcer Parcs Canada à se retirer d'une parcelle de terre. Je n'ai pas ce pouvoir. Je peux travailler avec mes collègues de Parcs Canada pour m'assurer qu'ils sont conscients de leurs responsabilités et obligations et essayer d'imprimer une direction dans le système fédéral. C'est une responsabilité que j'accepte.

Le président : Êtes-vous d'accord pour dire que vous avez des engagements financiers rattachés à tous ces accords?

M. Wernick : Oui.

Le président : Ceux qui ont signé des traités qui n'ont pas été mis en œuvre ont formé une organisation. Je ne pense pas qu'on puisse minimiser la gravité de la situation. Il y a urgence, du moins dans leur esprit. Ils disent que cette situation les empêche de devenir autonomes en misant sur le développement économique. Par conséquent, a-t-on songé à établir un fonds au lieu de devoir s'adresser au Conseil du Trésor lorsqu'on a besoin d'argent? Cela revient aux revendications particulières. Ces revendications ont traîné pendant des années, et on espère que cette nouvelle loi sera adoptée par le Parlement et établira un fonds d'urgence ou de réserve pour le règlement des futures revendications. A-t- on songé à faire cela pour la mise en œuvre de ces traités, qui nécessitera un financement en cours de route?

M. Wernick : Vous parlez du processus général d'affectation de crédits dans les ministères. Certains aspects du financement posent relativement peu de difficulté. Si le traité prévoit un transfert de capitaux de 200 millions de dollars sur une période de 10 ans, cet argent est facilement dégagé. Vous le verrez dans le budget des dépenses. Dans celui de l'an prochain, ces sommes figureront dans les échéanciers de paiement. Nous avons plusieurs échéanciers de paiement qui se chevauchent.

Il y a un élément de votre question auquel il est difficile de répondre : quels seront les besoins des organismes de réglementation du Nunavut dans cinq ans? On ne songe pas à créer un fonds ou une cagnotte. L'argent est affecté par le Parlement suivant le processus habituel de budget des dépenses, et nous aurons à faire approuver un chiffre par le Conseil du Trésor qui sera reproduit dans le budget des dépenses que le Parlement approuvera. Cela peut être laborieux. M. Sewell a passé une bonne partie de l'année à se disputer avec le centre sur le niveau de financement approprié pour les organismes de réglementation du Nunavut. Nous avons consacré une grande partie de l'année à débattre de la mise en œuvre du prochain cycle des accords concernant les Nisga'a. Je ne vois pas d'autre solution. C'est la façon dont l'argent est affecté dans notre système. Tout ce que nous pouvons faire, c'est travailler très fort avec nos collègues des autres ministères pour s'assurer qu'ils comprennent que ce sont des relations continues entre la Couronne et l'autre signataire du traité.

Le président : Est-ce vrai que le Nunavut a présentement une poursuite devant les tribunaux?

M. Wernick : Oui, il y a un processus de mise en œuvre dans l'accord du Nunavut. Il y a un comité de mise en œuvre. C'était avant mon arrivée. Il y a beaucoup de discussions au sujet du financement continu. Elles portent surtout sur le système d'éducation au Nunavut, mais aussi sur les organismes de réglementation du Nunavut. Il y a d'autres problèmes sur le plan de l'emploi et de la formation.

Comme je l'ai dit au début, la Nunavut Tunngavik Inc. a décidé qu'elle avait des droits et qu'elle aurait recours aux tribunaux pour les exercer. C'est son choix. Tout le monde peut s'adresser aux tribunaux pour exercer ses droits. Nous avons offert à maintes reprises de négocier un règlement sur ces questions, et cette offre tient toujours.

Le sénateur Sibbeston : En vous écoutant, monsieur Wernick, je n'ai pas l'impression que vous venez ici pour excuser le ministère ou reconnaître ses torts ou ses faiblesses dans la mise en œuvre des accords sur les revendications territoriales. Vous dites que le gouvernement fédéral a signé ces accords et que d'autres ministères que le vôtre doivent s'occuper de leur mise en œuvre.

Dans les Territoires-du-Nord-Ouest, c'est principalement le ministère des Affaires indiennes et du Nord, votre ministère, qui est responsable. C'est le plus important organisme fédéral dans le Nord. La vérificatrice générale a blâmé précisément votre ministère pour les lacunes dans les procédures de mise en œuvre et pour les problèmes relatifs aux revendications des Inuvialuits et des Gwich'in.

Bien que je comprenne votre position et que je sois conscient que vous agissez ainsi au nom du ministère, je n'ai pas le sentiment que vous regrettez la façon dont votre ministère a géré la mise en œuvre des ententes sur les revendications territoriales dans le Nord. Si cela doit changer, il faut commencer par reconnaître qu'il y a une faute, un manque ou une lacune quelque part. Pour faire les modifications qui s'imposent au gouvernement et dans les ministères, il me semble que vous devez admettre qu'il y a un problème. Je n'ai pas l'impression que c'est le cas. Je crois plutôt que vous vous justifiez. Est-ce que je me trompe?

M. Wernick : C'est dommage que vous interprétiez les choses de cette façon. J'ai été nommé sous-ministre en mai 2006, et j'ignore ce qui s'est passé avant, avec les autres ministres et sous-ministres. Je ne peux que rendre compte de ce que je fais depuis que j'occupe ce poste, c'est-à-dire prendre cette question très au sérieux. Nous accordons beaucoup d'importance à la mise en œuvre de ces ententes et des autres engagements. J'ai fait tout mon possible pour exiger des comptes. Nous allons suivre vos conseils. Nous ferons un suivi et des rapports plus clairs, afin de déterminer quelles sont les obligations et quelles étapes ont été franchies. C'est de la bureaucratie, mais c'est important. Au ministère, nous préparons des rapports tous les trois mois. Nous ferons preuve de transparence à l'égard de ce comité et des autres quant aux progrès que nous avons ou n'avons pas faits. Il y a des gens sur le terrain, dans la région d'Inuvialuit, qui tentent de terminer ces transferts fonciers avant l'été.

J'espère pouvoir faire rapport d'ici quelques mois. C'est tout ce que je peux faire, sénateur. Je trouve contre- productif d'aller voir ce que les autres ont accompli avant moi. J'ai dit — et cela figurera au compte rendu — que ni le ministère ni le gouvernement du Canada ne se sont distingués dans la mise en œuvre des ententes. Je n'irai pas plus loin, sinon mes avocats me diront que je vais nuire à notre cause devant les tribunaux.

Nous devons faire mieux, car je ne sais pas comment nous pourrons soustraire les autres groupes des Premières nations à la Loi sur les Indiens s'ils regardent le traité moderne et disent : « Ce sera difficile de négocier avec le gouvernement du Canada dans un traité moderne. » La réussite des traités est d'une importance capitale pour la relation du gouvernement avec les peuples autochtones, et j'espère que nous conclurons de meilleures ententes avec les Premières nations Tsawwassen et Maa-Nulth que nous ne l'avons fait avec les autres groupes dans les années 1970. J'espère que c'est un peu plus clair pour vous, sénateur. J'occupe un poste pour quelques années au ministère, et je vais tenter d'améliorer les procédures de mise en œuvre.

Le sénateur Sibbeston : Beaucoup des problèmes que nous avons au Canada, en ce qui concerne les relations fédérales avec les Premières nations, sont attribuables au non-respect des conditions des traités; et c'est ce qui a causé la crise d'Oka, entre autres.

À notre époque, il y a une toute nouvelle initiative qui entre en jeu dans les ententes modernes sur les revendications territoriales qui n'ont pas été mises en œuvre correctement. Il existe une coalition pour les revendications territoriales, un regroupement de toutes les Premières nations de notre pays qui ont conclu des ententes modernes sur les revendications territoriales, mais qui connaissent des difficultés dans leur mise en œuvre. Nous entrons donc dans une deuxième vague de problèmes et de mauvaises relations avec le gouvernement fédéral. Nous avons tenu des réunions avec la coalition. Tous ceux qui ont réclamé des terres dans les 20 ou 30 dernières années commencent à se rassembler et à vouloir régler ce problème.

Lorsque nous les avons rencontrés, ils ont recommandé l'adoption d'une politique officielle de mise en œuvre et la création d'un comité indépendant pour surveiller et évaluer l'application des ententes. Notre comité étudie présentement toute cette question.

Récemment, le Sénat a amendé le projet de loi C-11 en ajoutant un examen obligatoire, par le ministre, de la mise en œuvre de l'accord sur le Nunavik. Est-ce la solution? Cela aidera-t-il les deux parties, le gouvernement fédéral et les nations revendiquant des terres, qu'il y ait un examen de la mise en œuvre des ententes tous les 10 ans? Nous avons pensé qu'ajouter un examen obligatoire de la mise en œuvre des ententes était peut-être la réponse à cette question. Cela figure maintenant dans la loi. Si vous estimez que c'est une bonne chose, croyez-vous que les futures ententes sur les revendications territoriales devraient toutes prévoir un examen décennal? Cela mettrait l'accent et attirerait l'attention du public sur la question de la mise en œuvre.

Je me demande si cet examen obligatoire après 10 ans permettrait d'éviter, à l'avenir, toutes les lacunes dans les procédures de mise en œuvre des ententes par le gouvernement.

M. Wernick : C'est une question très importante.

Permettez-moi de commencer par la dernière partie de votre question. C'est un outil important, mais ce n'est pas une formule magique, sans mauvais jeu de mots. Ce serait utile. Il n'y a pas de problème de reddition de comptes dans ce domaine. En fait, il y a même trop d'obligations, et il est difficile de savoir qui rend compte de quoi, et à qui.

Il y a beaucoup de rapports déposés au Parlement sur ces ententes, et nous essaierons de combler notre retard; le public, les médias, les sénateurs et les membres de la Chambre des communes peuvent les examiner et nous rappeler à l'ordre, éventuellement.

Il est bon que de temps en temps, la vérificatrice générale nous donne l'occasion de nous voir en face pour mieux nous évaluer, et que ces dispositions d'examen obligatoire soient enchâssées dans les lois fédérales. C'est à vous, parlementaires, de décider si l'examen aura lieu après cinq, sept ou dix ans. Je n'ai rien contre cela, et je vous encourage à faire tous les amendements nécessaires. Si nous n'avons pas ajouté ces dispositions, faites-le pour les ententes avec les nations Tsawwassen, Maa-Nulth et d'autres. Cela obligera les gens à rendre des comptes de temps à autre.

J'ai rencontré les représentants de la coalition pour les revendications territoriales, et M. Sewell passe beaucoup de temps avec eux. C'est un partenaire important pour nous. J'admets que nous devrions avoir une politique de mise en œuvre, comme vous dites. Le problème — je l'ai dit carrément à ces gens et je vais vous le dire aussi —, c'est que nous n'irons nulle part si nous n'appliquons pas cette politique de mise en œuvre.

Les vraies questions concernent les mécanismes de rétroaction et de reddition de comptes qui permettent de suivre les gens de près. Il peut s'agir de vérifications, de rapports de la vérificatrice générale, de rapports présentés au Parlement ou autres. Une fois l'annonce passée, quand les projecteurs sont éteints, les gens ont tendance à ne pas consacrer beaucoup de temps aux questions de mise en œuvre. Cela arrive au gouvernement. Tout ce qui vous rappelle vos engagements et vous oblige à rendre des comptes est bénéfique.

La coalition pour les revendications territoriales vous a fait quatre recommandations, et je les approuve, mais je n'ai pas le pouvoir de concrétiser la quatrième, qui porte sur un processus d'examen externe dont j'ai parlé dans mes observations.

Plusieurs solutions sont possibles. Il y a les tribunaux, les comités parlementaires, la vérificatrice générale. Nous pourrions créer un organisme indépendant, mais ce n'est pas une chose que je peux décider seul. Au gouvernement, c'est le premier ministre qui décide, mais c'est une bonne idée que quelqu'un de l'extérieur nous permette de nous regarder dans un miroir. Ce pourrait être un représentant du pouvoir législatif, dans l'entourage de la vérificatrice générale, ou de l'exécutif, soit proche du Conseil du Trésor. Ce sont, selon moi, les deux seules options.

Je ne recommanderais pas la création d'un poste d'ombudsman, car cela ne ferait qu'ajouter une personne de plus qui devrait rendre des comptes au Parlement.

La mise en place d'un mécanisme externe pour énoncer les obligations, surveiller les progrès, en faire rapport et obliger les gens à rendre des comptes est une excellente idée.

Le sénateur Peterson : Je vais parler des revendications territoriales particulières. Je sais que 19 ententes ont été conclues, et certaines remontent à huit ou neuf ans, mais elles n'ont pas été mises en œuvre.

Qui a la responsabilité de régler ce problème? Ils s'adressent à nous. Pourquoi y a-t-il une coalition pour les revendications territoriales? Pourquoi est-ce nécessaire? Devons-nous nous charger de cette question? Avez-vous besoin d'un modèle? Pourquoi sommes-nous dans cette situation? C'est déjà assez difficile avec les problèmes non résolus. Ici, on parle d'ententes conclues qui sont en suspens depuis de nombreuses années et qui ne vont nulle part, et les gens ignorent vers qui se tourner. Que devons-nous leur dire? Qui doit s'occuper de cela?

M. Wernick : J'aimerais prendre une minute pour préciser qu'il y a deux types de revendications. Il y a les revendications globales, dont je parlais tout à l'heure, qui n'ont jamais fait l'objet de traités. Dans plusieurs régions du Québec, de la Colombie-Britannique et du Nord, les droits des Autochtones ne sont pas définis et il n'y a pas de rapports établis par traités. Il y a d'importantes parties de la Colombie-Britannique, entre autres, où nous tentons encore de négocier des traités modernes pour remédier à ce problème.

Il y a les traités historiques, ceux qui ont été signés à l'époque de la colonisation de l'Ouest, et qui visent des territoires allant de la frontière ontarienne jusqu'à la vallée du Mackenzie, les traités 1 à 11, et il y a de nombreux problèmes attribuables au non-respect de ces traités. Ils concernent des fonds qui n'ont pas été transférés adéquatement ou portent sur les promesses territoriales. On a peut-être promis à un peuple autochtone 28 ou 124 acres par personne, et il y a encore — je suis peiné de le dire —, des obligations non remplies en ce qui concerne ces traités.

Nous avons un processus distinct en cours pour reconnaître les droits fonciers issus de traités, dont la plupart sont en Saskatchewan et au Manitoba, comme vous le savez peut-être. Les plus grands manquements concernant ces droits sont dans ces deux provinces, et nous essayons de faire avancer les choses.

Nous pouvons voir cela plus en détail, mais en gros, ce sont des terres publiques provinciales et je ne peux décréter qu'elles soient ajoutées à une réserve autochtone. Il faut de la collaboration. Tout d'abord, la première nation doit décider quelle terre elle revendique; cette terre doit être arpentée et faire l'objet d'une évaluation environnementale; puis, la province doit nous faire une proposition et nous devons en faire une à la réserve. Le processus est lent, mais nous tentons de l'accélérer. Nous avons fait énormément de progrès au Manitoba, l'été dernier. La lenteur du processus crée beaucoup de mécontentement parmi les groupes des Premières nations.

Les revendications territoriales particulières découlent de manquements à une obligation légale de la Couronne. Elles ont trait, principalement, à la façon dont les fonds ont été gérés — la reddition de comptes des fonds en fiducie. Une compensation peut avoir été versée à une bande autochtone il y a 150 ans, et il y a des allégations selon lesquelles, d'une manière ou d'une autre, nous avons manqué à une obligation légale. Il y en a plus de 800 au pays, comme vous le savez, et ce comité s'est penché sur cette question.

Il a principalement constaté que le modèle de règlement hors-cour ne fonctionnait pas et a recommandé la création d'un tribunal indépendant pour effectuer l'arbitrage. C'est le plan d'action qui a été annoncé par le premier ministre en juin dernier, et c'est la teneur du projet de loi C-30, qui est actuellement à la Chambre et, espérons-le, qui vous sera ensuite renvoyé. La meilleure chose que je puisse vous dire, sans faire de politique, c'est que l'adoption du projet de loi C-30 et la création d'un tribunal indépendant auront des effets importants sur les revendications particulières.

Terry Sewell, directeur général, Direction générale de la mise en œuvre, Revendications et gouvernement indien, ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien : J'aimerais ajouter mon point de vue en répondant aux questions du sénateur Sibbeston, ainsi qu'aux vôtres. La tâche de la vérificatrice générale est de relever nos points faibles, de les mettre en lumière et de soulever des questions à ce sujet. Lorsqu'elle se présente devant vous, elle souligne nos faiblesses, les choses dont elle est insatisfaite et celles que nous pouvons améliorer. Elle ne met pas en lumière l'ensemble de l'entente. On peut avoir l'impression que parce qu'elle a mis l'accent sur ces faiblesses, aucune procédure de mise en œuvre n'a été entreprise.

La Convention définitive des Inuvialuits comporte peut-être environ 90 obligations. De ce chiffre, environ une quinzaine seront ponctuelles. Parmi celles-ci, la vérificatrice générale a souligné avec justesse que nous n'avons pas exécuté deux d'entre elles. Il s'agit des échanges de terres qui nécessitent des négociations entre les parties. Ces obligations sont en souffrance depuis 23 ans — c'est trop long. Elle a eu raison de nous critiquer, comme l'a dit le sous- ministre, et il nous a ordonnés de remédier à cette situation.

Plus d'une cinquantaine d'obligations parmi les 90 auxquelles j'ai fait allusion dans la Convention définitive des Inuvialuits sont de nature permanente. Aux termes de l'accord, nous sommes tenus de mettre en place et de maintenir des organismes de réglementation. Ces organismes existent déjà et font leur travail. Il y a une foule de tâches permanentes.

Parmi les tâches permanentes, la vérificatrice générale en a signalé deux qui n'étaient pas accomplies comme elles le devraient. L'une d'entre elles concerne les mesures économiques et la question de savoir si nous pouvons faire plus dans ce domaine. La vérificatrice générale a indiqué que nous devrions faire plus, et nous travaillons donc avec les Inuvialuits et d'autres partenaires en ce sens.

Une autre obligation permanente que nous n'exécutons pas bien concerne les approvisionnements au sein du gouvernement. Notre vaste système d'approvisionnement gouvernemental n'est pas souple. Nous concentrons nos efforts là-dessus et nous essayons de régler le problème.

Je voulais mettre en perspective l'accord du Nunavut. Oui, il y a des domaines où nos efforts laissent à désirer. Toutefois, cela ne signifie pas que la mise en œuvre ne se fait pas à tous égards. La mise en œuvre est en cours et est permanente.

Relativement à la Coalition pour les ententes sur les revendications territoriales, je conviens que le message est clair lorsque tous les signataires de traités modernes se réunissent parce que le système fédéral les préoccupe grandement. Nous devons écouter ce qu'ils ont à dire. En se réunissant, les signataires de traités modernes se font entendre avec force. Leur message est clair, et nous devons y prêter très attention. C'est pourquoi nous avons entrepris un important examen. Les avis de la coalition comptent beaucoup pour nous. Cela m'inquiète qu'une coalition s'avère nécessaire, mais nous devons l'écouter et essayer de trouver des moyens de progresser.

Le sénateur Peterson : AINC, c'est-à-dire Affaires indiennes et du Nord Canada, est-il responsable de la mise en œuvre?

M. Wernick : Parlez-vous des traités?

Le sénateur Peterson : Je parle des revendications particulières qui ont été approuvées, mais qui sont toujours en souffrance.

M. Wernick : Oui.

Le sénateur Peterson : Un ministère en particulier est-il responsable? Ils viennent nous voir depuis des années, mais nous leur disons de s'adresser à AINC.

M. Wernick : Une revendication est soumise dans le cadre d'un processus de revendications particulières. Je serai heureux de vous renseigner là-dessus. Ce processus comporte une évaluation juridique pour déterminer s'il y a eu une violation légitime et si le ministère de la Justice a émis un avis. Si la demande de négociation est acceptée, on procède alors à des négociations. Cette unité rend compte à mon collègue, M. Roy, et nous avons négocié des règlements de revendications particulières.

Le virage stratégique que nous essayons d'instaurer, c'est de déplacer bon nombre des revendications du processus de négociation pour les confier à un tribunal indépendant.

Le sénateur Peterson : Je parle de celles qui sont déjà réglées. Celles-là n'ont pas besoin d'être présentées à un tribunal; elles sont réglées. Tout le monde est d'accord. Voilà l'injustice, mais rien ne se passe. Pourtant, cinq ou six ans plus tard, il n'y a toujours rien qui bouge. Il n'y a nul besoin de tenir d'autres réunions et de comparaître devant des tribunaux parce que tout le monde s'est mis d'accord. Pourquoi cela ne peut-il pas se faire?

M. Wernick : Si tout le monde s'est mis d'accord, c'est donc dire que les revendications sont réglées. Nous avons réglé bon nombre d'entre elles.

Le sénateur Peterson : Pourquoi, alors, y en a-t-il 19 en souffrance?

M. Wernick : Il n'y en a pas 19. Il s'agit là de traités, et non de revendications particulières.

Le sénateur Peterson : On m'a dit qu'on a réglé 19 revendications particulières, mais là il y a cette coalition pour les ententes sur les revendications territoriales.

M. Wernick : Je suis désolé, monsieur le sénateur, mais vous confondez les revendications particulières avec les traités.

Le sénateur Peterson : Non, je ne crois pas.

M. Wernick : Il n'y en a pas beaucoup sur les revendications particulières. On compte 800 ou 900 revendications en souffrance au Canada.

Le sénateur Peterson : Que faisons-nous à cet égard?

M. Wernick : Nous essayons de mettre sur pied un tribunal indépendant.

Le sénateur Peterson : C'est de là que l'arriéré semble provenir. On nous a dit que le ministère de la Justice n'a pas assez de personnes-ressources. Est-ce exact?

M. Wernick : Pour ce qui est des revendications particulières, si vous voulez qu'on en parle un instant, monsieur le sénateur, juste parce que quelqu'un a fait une revendication ne signifie pas qu'elle est valide ou juste. Il y a des revendications de 750 millions de dollars. Notre obligation, et celle du ministère de la Justice, est de faire preuve d'une certaine diligence raisonnable avant de rédiger un chèque. On se relance souvent la balle. On traite de faits historiques vieux d'un demi-siècle ou d'un siècle. Ce n'est pas toujours si facile de démêler les preuves documentaires de ce qui s'est passé. Il s'agit d'un processus lent, et votre comité a donné des conseils sur la façon de l'améliorer.

Le sénateur Peterson : En ce qui a trait aux accords qui ont été conclus, je crois comprendre que certains d'entre eux comportent un ou deux éléments qui doivent être réglés; d'autres sont plus complexes. Les classons-nous par ordre de priorité et les réglons-nous un à un pour essayer de les écarter du chemin?

M. Wernick : C'est là que mon collègue essayait d'en venir. De toute évidence, je n'arrive pas à faire passer le message. Nous essayerons d'être plus transparents au sujet des obligations qui sont intégrées dans chaque accord. Il y a peut-être une cinquantaine, une soixantaine ou une centaine d'obligations, parmi lesquelles certaines sont ponctuelles et d'autres permanentes. Les vérificateurs ont tendance à choisir celles qui n'ont pas été honorées. Ce n'est pas une critique. C'est le travail des vérificateurs. On oublie que bon nombre ont été honorées. Si vous aviez lu les journaux le lendemain de la diffusion du rapport de la vérificatrice générale sur les Inuvialuits, vous auriez eu l'impression que rien n'avait bougé pendant 23 ans. Cependant, les Autochtones ont obtenu les terres et l'argent, les organismes de réglementation ont été mis en place et ils réussissent à exploiter un certain nombre d'entreprises dans le Nord du Canada, comme le sait le sénateur Sibbeston. Toutefois, il existe des déficiences et des lacunes. Nous les reconnaissons et nous essayons de les corriger.

Si l'on comparait la vie des Premières nations ou des Inuits avant et après les traités, on constaterait qu'ils ont fait un pas de géant en matière de développement, de capacité et de liens avec le reste du Canada.

Nous devrions célébrer cette réussite tout en reconnaissant qu'il reste encore beaucoup à faire. Cette relation entre le gouvernement du Canada et ces groupes autochtones se poursuivra pendant un ou deux autres siècles.

Le sénateur Oliver : Je ne suis pas un membre régulier du comité, mais j'ai lu hier soir les documents d'information préparés pour la séance d'aujourd'hui.

Monsieur Wernick, on dit de vous dans l'appareil gouvernemental que vous êtes compétent et que vous faites du bon travail. Votre exposé d'aujourd'hui en est d'ailleurs la preuve.

Je m'intéresse au fonctionnement de l'administration publique. Vous avez commencé votre exposé d'aujourd'hui en disant que vous êtes sous-ministre depuis mai 2006. D'après mes calculs, cela fait 21 mois.

En juin 2006, la question des sous-ministres et de la durée de leur mandat a fait l'objet de discussions à la Chambre des communes. La Chambre des communes s'est aperçu que même si l'affectation des sous-ministres dure en moyenne 3,5 ans, le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien avait compté cinq différents sous-ministres au cours des sept dernières années. On a également décelé cette tendance chez les autres hauts fonctionnaires du ministère.

J'aimerais lire un extrait d'un rapport préparé par le Comité permanent des comptes publics, et connaître votre avis à ce sujet. Voici ce que dit le rapport :

Le Comité s'inquiète vivement du constant roulement de sous-ministres et d'autres hauts fonctionnaires à AINC, qui semble être devenu une habitude à ce ministère et qui explique en partie le peu de progrès accomplis en ce qui concerne la mise en œuvre des recommandations de la vérificatrice générale. Ce fort taux de roulement fait qu'il est difficile de garder une continuité d'orientation et de donner suite aux promesses faites par les anciens sous-ministres. En outre, il faut énormément de temps à un nouveau sous-ministre pour comprendre les préoccupations des Premières nations et établir une relation et un climat de confiance avec elles.

Pouvez-vous nous faire part de votre avis?

Je sais que les sous-ministres sont nommés sur la recommandation du greffier du Conseil privé et du premier ministre; les sous-ministres n'ont donc rien à dire sur la durée de leur mandat au sein d'un ministère donné. Néanmoins, c'est un sujet de préoccupation, et j'aimerais connaître votre point de vue là-dessus.

M. Wernick : Merci, sénateur, pour le compliment.

Sans me restreindre à mon ministère, je crois que le taux de roulement des ministres et des sous-ministres constitue vraiment un obstacle à la mise en œuvre et au suivi. Cela veut dire qu'on a naturellement tendance à se concentrer sur les nouvelles choses et que se familiariser avec les éléments permanents de son ministère prend du temps.

Je crois qu'il s'agit d'un problème général, et le Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes a tout à fait raison de le souligner. C'est un facteur qui vient compliquer les choses.

Je n'ai pas de réponse à vous donner. Le premier ministre peut me retirer du poste demain, et je ne peux rien y faire. Ce n'est pas mon intention d'aller ailleurs. J'aimerais mener à bonne fin beaucoup de dossiers au sein du ministère, mais c'est indépendant de ma volonté. C'est un problème lié à l'appareil gouvernemental, et il incombe à ceux qui disposent de pouvoirs plus grands que les miens de trouver une solution. C'est un problème.

Ce domaine particulier fait un peu exception. M. Roy occupe en fait son poste depuis plus de six ans et M. Sewell travaille dans le domaine de la mise en œuvre depuis quelque temps. Il y a donc pas mal de stabilité dans ce domaine, ce qui vous amènera à me demander pourquoi nous n'avons pas réussi à faire mieux. Le problème ici n'est pas le roulement, mais les problèmes dont on a parlé tout à l'heure. C'est une complication.

Je ne sais pas ce qu'il en est à propos d'AINC. D'autres ministères, comme Affaires étrangères, Commerce et Développement social, ont connu des périodes de roulement. Cela n'aide pas. Cela complique vraiment la mise en œuvre et le suivi.

Une complication, si vous me permettez de faire une petite publicité, c'est que si vous pouvez faire l'affaire à AINC comme sous-ministre adjoint, vous pouvez administrer n'importe quoi en ville parce qu'il s'agit d'un des ministères les plus difficiles, les plus exigeants et les plus complexes à diriger au sein du gouvernement. Depuis que je suis sous- ministre, j'ai perdu trois sous-ministres adjoints dans le cadre de promotions dans d'autres ministères, car ils sont considérés comme étant des atouts compétents et talentueux. Je dois songer à la relève et au recrutement en tout temps.

Aujourd'hui, les sous-ministres consacrent de plus en plus de temps aux questions liées aux ressources humaines : repérer, recruter et convaincre les gens de rester. Il est possible d'apporter du sang neuf, mais il y a aussi un prix à payer sur le plan du savoir organisationnel et de la continuité. Les gens qui étaient là lorsque les traités ont été signés ne sont plus ici pour qu'on puisse leur parler de la mise en œuvre, et cetera.

C'est un défi, sénateur. Ce n'est pas une réponse très utile de ma part, mais je crois qu'il s'agit d'un facteur qui vient compliquer des questions comme la mise en œuvre.

Le sénateur Oliver : L'autre partie de la même question concerne un point que vous avez soulevé dans votre exposé. Vous avez parlé de l'idée de faire participer d'autres ministères gouvernementaux. Vous avez essentiellement dit que, quand il s'agit de questions de revendications territoriales, ce n'est pas seulement un ministère, mais un groupe de ministères. Vous avez parlé de la difficulté à amener parfois des hauts fonctionnaires d'autres ministères à faire le nécessaire pour mener à bien le travail et que c'est peut-être l'une des raisons qui expliquent les retards et la préoccupation exprimée aujourd'hui.

Nous croyons comprendre que le ministère préside un comité directeur fédéral et un groupe de travail fédéral, qui sont composés de représentants de différents ministères et qui s'intéressent aux activités liées aux négociations territoriales en cours. Tous les intervenants s'assoient à une même table pour discuter de ce qu'ils négocieront et de nombreuses autres questions.

Pouvez-vous nous parler de ce comité et nous dire quels sont ses rôles, ses responsabilités, son fonctionnement et la fréquence de ses réunions? Ces comités comptent-ils des hauts fonctionnaires? En d'autres mots, comment cela fonctionne-t-il?

M. Wernick : Je vais demander à M. Roy de répondre parce qu'il est le président ainsi que notre représentant dans ce dossier. Tout ce que je peux dire, c'est que, jusqu'à présent, le comité s'est surtout concentré sur la négociation des mandats pour de nouveaux accords, sans trop consacrer de temps à la mise en œuvre. Une des questions que nous essayons de déterminer, c'est si le comité pourrait également servir à s'occuper des questions liées à la mise en œuvre.

Le sénateur Oliver : Je suis également curieux de savoir si le comité est en mesure de faire participer d'autres ministères gouvernementaux, c'est-à-dire si ceux-ci viennent aux réunions et y participent.

Michel Roy, sous-ministre adjoint, Revendications et gouvernement indien, ministère des Affaires étrangères et du Nord canadien : Les autres ministères participent à la gestion du processus de négociation; tous les organismes centraux siègent donc à ce comité, de même que d'autres ministères. Nous nous réunissons de façon régulière, au moins quatre fois par année, et nous organisons des réunions qualifiées de virtuelles tout au long de l'année, selon le rythme des négociations.

Le sénateur Oliver : Comment fonctionne une réunion virtuelle?

M. Roy : C'est davantage un échange de documents en vue d'arriver à un mandat pour les négociations. Lorsque je suis saisi d'une question précise pour laquelle j'ai besoin d'un mandat de la part de mes collègues ou lorsque nous avons une question urgente à régler, je vais recourir à ce processus d'échange de documents et de correspondance, au lieu de convoquer tout simplement une réunion, mais il s'agit principalement de questions liées à la gestion des négociations et non à la mise en œuvre. Ce comité a pour mandat d'examiner tous les mémoires au Cabinet avant leur présentation. J'ai besoin d'obtenir l'approbation de ce comité; ainsi, je sais que le ministre aura le soutien de ses collègues pour aller de l'avant avec le mémoire au Cabinet.

Le sénateur Oliver : Monsieur Wernick, avez-vous eu des difficultés à faire participer d'autres ministères lorsque vous avez dû prendre des décisions afin de faire avancer un dossier?

M. Wernick : Je suis content que vous ayez posé la question. Il n'y a aucun manque de collaboration ni de bonne volonté, et je ne veux aucunement qu'on interprète mes propos comme étant des critiques à l'égard de mes collègues. Lorsqu'un problème est porté à l'attention de mes collègues, ils ont tendance à en faire part au ministère et à demander s'ils peuvent faire quelque chose pour y remédier. Il y a, en réalité, beaucoup de bonne volonté. Je crois que le problème ne réside pas là; c'est tout simplement lié à l'administration publique.

M. Roy consacre 100 p. 100 de son temps au domaine des traités et du gouvernement indien. Il se dévoue corps et âme à ce domaine. Son homologue au ministère des Finances, pour sa part, s'occupe de toute une gamme de questions de politique sociale et elle consacre peut-être 10 p. 100 de son temps à nos questions. Tel est le problème en ce qui concerne les organismes centraux. Ils doivent jongler avec beaucoup de dossiers. J'ai travaillé dans des organismes centraux et je respecte le rôle qu'ils doivent, eux aussi, jouer.

Si vous travaillez au ministère des Pêches et des Océans ou si vous êtes le responsable des aéroports au ministère des Transports, c'est l'un de vos dossiers. Ces ministères ont tendance à se présenter à la table de négociation et à participer. Le hic, c'est comment les amener à y accorder une plus grande priorité, car ils ont tous d'autres responsabilités et tâches à exécuter.

Si j'appelle le chef de Parcs Canada, par exemple, j'obtiens généralement sa collaboration, mais pour vous dire franchement, tel ne devrait pas être le mécanisme; nous ne devrions pas en venir à cela. Nous devrions disposer d'un moyen permanent pour régler les questions et les problèmes et pour avoir des interventions, de ministre à ministre et de sous-ministre à sous-ministre.

Le sénateur Zimmer : J'aimerais continuer dans le même ordre d'idées. C'est ce qui arrive lorsque votre nom commence par un « Z » et que vous êtes le dernier à poser des questions; habituellement, on vous coupe l'herbe sous les pieds. Je ne veux pas vous rendre la vie difficile ni trop m'acharner sur ce problème, qui a été abordé par les sénateurs Sibbeston et Peterson et bien formulé par le sénateur Oliver.

Vous avez affirmé avoir connu des difficultés à faire participer d'autres ministères gouvernementaux. Ce qui m'a inquiété, c'est lorsque vous avez dit que vous ne pouviez pas forcer Parcs Canada à faire quoi que ce soit. Vous avez aussi parlé de la difficulté à obtenir une collaboration.

Ma question est en fait la suivante : qui est responsable? Qui met la pression? Nous avons fait bien des progrès pour pouvoir dégager les problèmes. Nous nous rencontrons régulièrement. Toutefois, au bout du compte, si rien ne bouge, qui est responsable en dernier ressort de prendre le relais pour faire avancer les choses, puisque la solution qu'on retient, c'est de s'en remettre à quelqu'un d'autre? Pour boucler le dossier, pour s'assurer que ces accords progressent adéquatement, qui peut exercer une pression à cet effet?

M. Wernick : Vous avez touché au cœur même de la question sur laquelle se penche le comité. Il faudra une combinaison de pressions internes et externes. À l'interne, dans la branche exécutive du gouvernement, il nous incombe de connaître nos obligations, de les honorer et de pousser d'autres ministères à les connaître et à aller de l'avant. Nous devons au moins jouer ce rôle de tableau de distribution, de chambre de compensation, en disant au responsable des aéroports qu'il a du travail à faire, et cetera.

Comme l'a dit la Coalition pour les ententes sur les revendications territoriales, on pourrait également avoir besoin d'une certaine pression externe, et c'est là où, selon moi, votre rapport et vos recommandations auront du poids. Il pourrait s'agir de la vérificatrice générale, d'un autre type de mécanisme, d'un ombudsman ou d'une obligation du Conseil du Trésor. Une possibilité serait de demander à la vérificatrice générale de faire rapport, tous les trois ans, de l'état d'avancement de tous les traités. Je n'essaie pas de me défiler, mais vos conseils pourraient s'avérer utiles pour ce qui est d'une combinaison quelconque de notre responsabilité.

Ce que je dis, c'est que si je sais que nous devons transférer des terres sur une piste d'atterrissage quelconque, dans telle ou telle région, il n'existe pas de document que je puisse signer pour concrétiser ce transfert. D'autres personnes disposent de ces pouvoirs et nous devons faire de notre mieux pour en informer le reste du système. Nous essayons différentes choses.

J'ai donné l'exemple du Yukon. Je ne vais pas parler à la place des représentants qui ne sont pas ici; vous allez d'ailleurs leur parler demain. Hier, nous avons essayé de rassembler toutes les personnes en ville qui s'occupent de la mise en œuvre du Yukon pour leur donner une occasion de parler directement aux membres des Premières nations du Yukon et les sensibiliser davantage aux questions et aux liens. C'est un essai. Nous verrons si cela porte fruit. Je vais laisser aux Premières nations du Yukon le soin de s'exprimer elles-mêmes sur la question. C'est une lutte constante, car il s'agit peut-être de la 42e priorité ailleurs, alors que pour nous, c'est évidemment beaucoup plus haut dans la liste.

Le sénateur Zimmer : J'ai une autre question au sujet des poursuites judiciaires et des négociations. On a négocié des traités modernes. Toutes les parties préféreraient en venir à une entente plutôt que d'aller en cour, mais il semble que les Autochtones doivent aller en cour de toute façon pour amener la Couronne à s'acquitter de ses obligations et de ses devoirs, conformément à ce qui est défini dans les accords sur les revendications territoriales globales. Les Cris ont intenté de nombreuses poursuites, et NTI en a entamé une où figurent 16 griefs. Je ne veux pas faire de commentaires là-dessus, mais d'après vous, que doit-on faire pour diminuer la probabilité que les Autochtones entament d'autres poursuites judiciaires pour amener la Couronne à respecter les dispositions des traités modernes?

M. Wernick : C'est une bonne question. Comme je l'ai dit tout à l'heure, les gens ayant des droits ancestraux et issus de traités, des droits qui sont bien enchâssés, confirmés et reconnus, peuvent s'adresser aux tribunaux, comme n'importe quel citoyen canadien, pour chercher à faire valoir leurs droits. Ce n'est pas à moi de juger si c'est une bonne chose à faire. C'est au groupe autochtone de décider. Il réfléchit sérieusement aux coûts et aux dépenses. Tout ce que je peux dire, c'est que je partage l'avis des tribunaux et de la vérificatrice générale, selon lesquels la négociation aboutit généralement à un résultat plus satisfaisant parce que les deux parties ont convenu que c'est un compromis juste et raisonnable. J'y ai fait allusion lorsque j'ai expliqué les quatre ou cinq facteurs essentiels à la réussite.

Nous devons utiliser plus efficacement les comités de mise en œuvre ou les organismes de règlement des différends prévus dans les accords, du moins dans les plus récents. Des comités de mise en œuvre et des mécanismes de règlement des différends y sont prévus. Nous avons peu recouru à l'arbitrage, mais nous pourrions probablement mieux l'utiliser dans l'avenir. Un certain nombre de mécanismes pourraient s'avérer utiles. Ma réponse peut sembler évasive, mais il n'y a pas un seul et unique outil pour résoudre l'ensemble de ces problèmes. Pour y arriver, il faudra une action concertée, une attention soutenue et un suivi.

Les poursuites judiciaires constituent toujours un droit pour les Premières nations et les groupes autochtones, et les tribunaux parviennent souvent à clarifier les questions. C'est bien, et nous tenterons de respecter les décisions des tribunaux, mais en même temps, nous essayons fort de négocier. Entre autres responsabilités, M. Roy doit surveiller plus de 200 tables de négociation qui tentent de conclure des accords sur les revendications territoriales et l'autonomie gouvernementale.

Le président : Il y a quelque chose qui me trouble, monsieur le sous-ministre, en ce qui concerne le droit de demander réparation par le biais des tribunaux. C'est une histoire d'horreur dans notre pays. Regardez les traités lorsqu'ils sont négociés pour la première fois et vous verrez que, souvent, plus de la moitié de l'indemnité est versée d'avance aux Premières nations, puis le reste sert à payer les honoraires d'avocat. Regardez l'effet qu'ont eu les frais juridiques sur la question des pensionnats. Je crois que nous devons sortir de ce mode de pensée selon lequel les tribunaux représentent une solution pour des choses qui ont déjà été négociées et sont essentiellement inscrites noir sur blanc. Il ne s'agit pas d'une interprétation des droits inhérents ou quelque chose de la sorte. Cela fait peur. Pensez aux millions de dollars qui sont dépensés en frais juridiques. C'est horrible. C'est triste parce que plutôt que de servir aux enfants et à la capacité d'éduquer nos Premières nations, cet argent va aux grands cabinets d'avocat de ce pays. La profession juridique a sa juste place, mais une fois qu'on a conclu un accord, je ne crois pas qu'on puisse imposer l'honneur par voie législative. Nous pouvons mener des examens décennaux et tout le reste, mais dès qu'un accord est conclu, peu importe le nombre d'examens qu'on veuille, si la Couronne n'honore pas sa responsabilité fiduciaire, on se trouve alors dans le pétrin. Cela me fait peur et c'est ce que ressentent bon nombre des membres de Premières nations à qui j'ai parlé, surtout pour ce qui est des revendications territoriales globales. Quant aux revendications particulières, c'est tout à fait une autre paire de manches. C'est une situation totalement différente.

Combien de personnes travaillent à la Direction générale de la mise en œuvre, en ce qui concerne les traités sur les revendications territoriales globales, monsieur Sewell? Avez-vous un nombre suffisant d'employés pour vous s'acquitter de vos responsabilités? D'après les données dont je dispose, et que je ne veux pas divulguer publiquement, l'unité de l'éducation compte très peu de personnes au sein du ministère; cette unité est responsable de tout ce qui touche à l'éducation dans les réserves à la grandeur du Canada, ce qui englobe des milliers d'enfants. Veuillez vous limiter à la Direction générale de la mise en œuvre dans votre réponse.

M. Sewell : Il y a environ 55 postes au sein de ma direction générale. Il y a une unité qui s'occupe de négocier les plans de mise en œuvre. Le sous-ministre a mentionné dans sa déclaration préliminaire que les premiers accords ne comportaient pas de plans de mise en œuvre, et nous avons vite appris que ce n'était pas une bonne idée; par conséquent, une partie de ma direction générale intervient vers l'étape de l'accord de principe et commence à travailler avec les autres parties pour mettre au point le plan réel qui établit qui fera quoi et quand.

Avons-nous des ressources suffisantes? Je trouve que le travail passe par des cycles. Nous observons que les accords plus anciens comportent une série d'exigences différente de celle des récents accords. Dans le cas de l'accord des Inuits du Labrador, par exemple, nous sommes occupés à envoyer les premiers chèques, à établir les structures des comités et des conseils et à faire des nominations. Nous avons un calendrier d'activités et nous travaillons à un rythme effréné durant cette phase. À mesure que les accords gagnent en maturité, nous procédons aux phases d'examen. Les gens du Yukon, représentés ici aujourd'hui, participent au processus d'examen du gouvernement du Yukon et des Premières nations du Yukon, qui se poursuit maintenant depuis trois à quatre ans. Il s'agit d'un travail compliqué, et il y a du pain sur la planche. Je crois que nous avons des ressources suffisantes pour faire le travail. Nous traversons des cycles lorsque les demandes sont très élevées. À l'heure actuelle, nous venons de mettre la dernière main à l'accord avec les Cris de la baie James et nous procédons maintenant à la phase de la mise en œuvre de cette nouvelle relation. Le Yukon et le Nunavut en sont, tous deux, aux étapes de renouvellement et présentent leurs propres défis.

Permettez-moi de faire la lumière sur un point : une fois qu'un traité est conclu, son libellé peut donner lieu à des interprétations différentes. Les points de vue peuvent diverger. Je vais utiliser un exemple tiré de l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut. L'article 23 prévoit l'objectif selon lequel l'effectif du gouvernement au Nunavut devrait être représentatif de la population. Ce n'est pas une disposition inhabituelle. C'est ce que nous cherchons à faire partout au Canada, car à notre avis, c'est de cette façon que la fonction publique devrait fonctionner, c'est-à-dire qu'elle devrait être représentative de sa population. Au Nunavut, on m'a dit que les Inuits représentent environ 85 p. 100 de la population. Ainsi, l'effectif des gouvernements fédéral et territorial au Nunavut devrait compter environ 85 p. 100 d'employés inuits. Ce n'est pas le cas aujourd'hui. En examinant la question de plus près pour nous donner un coup de main dans le processus de renouvellement, Thomas Berger s'est aperçu qu'il ne s'agissait pas d'un problème de disponibilité des emplois. Il y en a des emplois. Le problème, c'est le manque d'Inuits formés pour occuper ces emplois.

Donc, si l'article dans l'accord sur les revendications territoriales vise un effectif représentatif, jusqu'où la responsabilité découlant des revendications territoriales s'étend-elle avant de se heurter à d'autres difficultés telles que la qualité du système d'éducation, les facteurs sociaux entourant la réussite des étudiants et le logement? Le taux de réussite des étudiants inuits, qui débouche ensuite sur des possibilités d'emploi, dépend d'un éventail de facteurs, dont certains sont prévus à l'accord et d'autres, pas. Si les parties ne s'entendent pas sur le sens de la responsabilité en vertu de l'accord pour faire en sorte que l'effectif soit représentatif, vous avez alors un désaccord. Je voulais utiliser cet exemple pour montrer que même si c'est écrit noir sur blanc, il peut quand même y avoir des divergences d'opinions marquées sur la façon de mettre l'accord en œuvre.

Le président : Jusqu'où faut-il monter dans la hiérarchie pour qu'une décision soit prise?

Monsieur Sewell, pouvez-vous prendre des décisions à votre direction, ou devez-vous passer par tout le processus jusqu'au Bureau du Conseil privé?

M. Sewell : Cela dépend de la décision. Très souvent, c'est une question d'argent. C'est souvent un point de litige et, pour accroître le budget, le ministère doit obtenir l'approbation du Conseil du Trésor. Parfois, s'il s'agit d'une modification à apporter à l'accord sur les revendications territoriales, on peut même devoir s'adresser au Cabinet. Toutefois, nous nous en remettons généralement au Conseil du Trésor pour les questions de financement. Nous prenons actuellement des mesures avec le Cabinet pour clarifier les règles avec le Conseil du Trésor sur la façon dont nous pouvons obtenir du financement pour nous acquitter des responsabilités permanentes en matière de mise en œuvre.

Nous tentons de prendre certaines dispositions pour améliorer le système que le sous-ministre vous a décrit. J'aimerais sincèrement avoir un système plus souple et accessible, mais c'est le système dont nous disposons, et notre tâche consiste à faire en sorte qu'il soit le plus efficace possible pour nous.

Il y a des questions pour lesquelles je peux prendre des décisions avec mes collègues lors de réunions sur la mise en œuvre et, quand nous le pouvons, nous prenons conjointement des mesures en conséquence. Il y a certaines choses dont nous pouvons nous occuper et d'autres, qui dépassent notre champ de compétence.

Le sénateur Sibbeston : Monsieur Wernick, au Comité sénatorial des peuples autochtones, nous revenons d'un voyage aux États-Unis où nous avons rencontré les Navahos, les Apaches et les Pueblos. Nous avons vu des choses incroyables que les Autochtones ont accomplies là-bas, principalement en matière de développement économique. Nous avons mené une étude sur la situation économique des peuples autochtones dans notre pays. À mon avis, le développement économique est l'une des choses les plus importantes.

D'après l'information que nous avons obtenue du gouvernement, tandis qu'on a besoin de crédits gouvernementaux pour le développement économique afin que les Autochtones se lancent en affaires, les fonds disponibles semblent avoir diminué. Reconnaissant l'importance du secteur du développement économique, êtes-vous habilité à faire quoi que ce soit à cet égard? Reconnaissant que c'est si important, et vous le savez, à titre de sous-ministre, pouvez-vous obtenir plus de fonds et contribuer davantage pour que les Autochtones au Canada puissent se bâtir une économie solide?

M. Wernick : Merci pour la question, sénateur. Cela me donne l'occasion de dire que c'est l'une de mes priorités personnelles de renforcer notre rôle dans le développement économique. Il faudra qu'un certain nombre de décisions qui ne relèvent pas de moi soient prises, mais je ferai en sorte que celles que je suis habilité à prendre portent une attention plus soutenue au secteur.

Certaines choses ont été accomplies en la matière, comme vous en avez probablement entendu parler lorsque vous avez étudié le développement économique plus tôt dans la session. Nous avons transféré Entreprise autochtone Canada du ministère de l'Industrie à notre ministère. Les responsables du programme relèvent maintenant de moi par l'entremise d'une nouvelle direction du développement économique. J'ai regroupé toutes les personnes qui travaillaient en développement économique en une organisation et j'ai embauché un sous-ministre adjoint qui s'occupe exclusivement de ce secteur.

D'anciens ministres et le ministre Strahl ont reconstitué et nommé quelques éminents Canadiens au Native Economic Development Advisory Board. Il y a des gens intéressants qui y siègent. Je vous encourage à rencontrer des représentants de ce conseil pour discuter du développement économique. En regardant tout le travail qui a été fait en la matière, ils ont dit que nous devrions nous concentrer sur quelques problèmes, notamment l'accès des entrepreneurs au capital. Nous avons présenté des propositions et nous verrons ce qui arrivera. Je suis aussi impatient que vous de voir le budget, mais je ne peux pas créer des ressources dont je ne dispose pas.

Nous faisons notre possible pour présenter au ministre des arguments pour justifier pourquoi ce serait un secteur à exploiter. La raison a été établie par le comité. Les conditions sociales des communautés des Premières nations ou d'autres ne s'amélioreront pas sans économie fonctionnelle, où il n'y a ni emplois, ni espoir, ni possibilité. Il y a quelques particularités et défis dans une réserve, et nous tenterons du mieux que nous pouvons de les surmonter. Le sénateur connaît bien ces problèmes.

Nous allons commencer à travailler sur l'accès au capital et peut-être sur des programmes de développement communautaire, et je ne lâcherai pas prise à cet égard. On reconnaît qu'il y a une vraie possibilité.

Ce qui m'encourage, c'est que les cinq prochaines années constituent une occasion vraiment historique de faire bouger les choses pour deux raisons. Premièrement, le secteur des ressources est en pleine expansion. Nous constatons une croissance dans les secteurs des minéraux, de l'énergie, des pipelines, du GNL — gaz naturel liquéfié — des terminaux, de l'infrastructure, et cetera. L'activité économique ne se concentre pas uniquement à Mississauga, à Montréal et à Vancouver, mais partout sur le territoire habité par les Autochtones.

Deuxièmement, il y a la démographie de la main-d'œuvre du Canada. À compter de l'année prochaine, l'offre absolue de travailleurs au pays diminuera pendant les dix années suivantes, et ni l'immigration, ni les changements à l'âge de la retraite ne renverseront la vapeur. Les différents secteurs et industries vous ont sûrement dit, honorable sénateur, que leur principal problème sera la pénurie de main-d'œuvre, et ils cherchent des travailleurs étrangers et des immigrants qualifiés, entre autres.

Notre travail consiste à leur dire où trouver ces jeunes travailleurs : dans nos communautés autochtones et les Premières nations. On parle de dizaines de milliers de jeunes qui pourront entrer sur le marché du travail au cours des cinq ou dix prochaines années. Notre travail consiste à nous assurer qu'ils terminent leurs études secondaires et à travailler avec RHDSC, Ressources humaines et Développement social Canada, pour leur fournir les compétences, la formation et les possibilités. Les études montrent qu'habituellement, les Autochtones qui obtiennent leur diplôme d'études secondaires ou qui font des études postsecondaires s'en tirent relativement bien par rapport à la population en général. La plus grande hémorragie au pays, c'est le taux de décrochage au secondaire chez les collectivités des Premières nations, que le sénateur a évoqué tout à l'heure.

Le sénateur Zimmer : Monsieur Sewell, vous avez soulevé la question des revendications territoriales du Nunavut. J'ai une question à ce sujet. Ni les États-Unis, ni l'Union européenne ne reconnaissent la souveraineté absolue du Canada sur le passage du Nord-Ouest, et j'ai lu récemment un article dans Policy Options qui avançait que le Canada peut renforcer son argument en mettant en œuvre entièrement l'Accord du Nunavut. Êtes-vous d'accord? Quelles dispositions de l'entente revêtent le plus d'importance pour appuyer l'assertion du Canada selon laquelle il détient la souveraineté dans l'Arctique?

M. Sewell : Puis-je appeler un ami pour cette question, monsieur?

M. Wernick : Je ne me rappelle pas ce que disait exactement l'article, mais le premier ministre a déclaré que la souveraineté sera nôtre si nous la défendons. Ce qui importe le plus, outre la défense et la prise de conscience des responsables là-bas et ce qu'ils font, ce qui est davantage une question de défense et de sécurité, c'est l'exercice des fonctions du gouvernement là-bas. Réglementez-vous l'activité économique? Y a-t-il des choses qui se passent là-bas? D'après M. Sewell, il y a les organismes de réglementation du Nunavut — pour les mines, la prospection et la régie des eaux, ce qui semble être du travail administratif banal. C'est ce que fait le gouvernement dans cette région du monde, ce qui renforce donc la souveraineté du Canada.

Le président : J'ai une autre question sur ce qu'a dit le sénateur Sibbeston concernant le développement économique. À quel point le manque de mise en œuvre nuit-il au développement économique? Ce secteur est la clé de l'autonomie et conduit à bien des aspects. Il est à espérer que les revendications particulières seront réglées grâce au projet de loi C-30. Toutefois, nous nous sommes lancés dans ces revendications territoriales globales, et nous nous demandons aujourd'hui pourquoi un tel cauchemar nous attend.

Pourriez-vous nous expliquer brièvement si le manque de mise en œuvre constitue un obstacle puisque, de toute évidence, on perd des fonds pour autre chose quand on doit dépenser de l'argent en frais d'avocats pour que la mise en œuvre devienne une réalité dans une Première nation.

M. Sewell : J'aimerais formuler quelques observations à cet égard. Tout d'abord, je ne suis pas d'avis qu'il n'y a pas de mise en œuvre, que c'est la pagaille et que pour faire respecter quoi que ce soit en vertu d'un accord, il faut faire appel à un avocat. Ce n'est pas le cas partout.

Si vous me permettez de réutiliser l'exemple des Inuvialuits, il y a eu des ententes financières quand cet accord a été signé et des fonds ont été alloués pour permettre de créer l'Inuvialuit Regional Corporation, qui a mis sur pied un certain nombre de sociétés filiales. L'argent a été investi judicieusement par des dirigeants doués, et le sénateur Sibbeston sait personnellement qu'ils ont très bien réussi dans leurs projets d'affaires, que ce soient des investissements dans des entreprises de transport aérien ou divers autres. Les sociétés d'Inuvialuits et leur investissement judicieux créent un grand nombre d'emplois.

De façon générale, la mise en œuvre favorise le développement économique. Partout dans le Nord, les structures de réglementation découlent directement des accords sur les revendications territoriales. On se rappellera que quand M. Berger s'est rendu là-bas au début des années 1970 pour examiner le concept des pipelines, il avait conseillé au gouvernement canadien de régler les accords sur les revendications territoriales avant d'envisager de grands projets de développement. Bien des accords sur les revendications territoriales ont été conclus, et nous avons des projets d'ordre économique et un régime de réglementation qui peut traiter les demandes de développement des ressources. Nous avons des mines de diamants. Les accords sur les revendications territoriales soutiennent solidement les initiatives économiques.

L'éloignement de certaines de ces régions pose problème. Ces endroits dépendent de facteurs autres que l'accord sur les revendications territoires pour jouir d'une économie vigoureuse. J'ai lu une citation de quelqu'un qui disait que les accords sur les revendications territoriales, les traités modernes, ne sont pas des recueils de garanties, mais de possibilités. Ils assurent la propriété et l'accès, pour déterminer comment exploiter une mine de diamants, par exemple, mais ils ne mettent pas les diamants en terre. Il y a des limites qui sont externes aux accords. Une entente n'est pas synonyme d'économie solide.

À bien des égards, les accords sur les revendications territoriales ont favorisé le développement économique. Nous avons une entente sur les mesures économiques dans l'Accord sur les revendications territoriales des Inuvialuits. La vérificatrice générale nous a reprochés de ne pas avoir fait tout ce que nous aurions pu faire à ce chapitre. Depuis un an, nous avons commencé, en collaboration avec les intervenants inuvialuits et les autres gouvernements concernés, à évaluer ce qu'il est possible de faire dans les six communautés.

C'est une région éloignée du Canada. Quelles sont les possibilités économiques pour Sacks Harbour, vu son emplacement? Nous devrons aborder la question de manière pratique et logique.

C'est une région importante et je tiens à souligner le rôle crucial des accords sur les revendications territoriales dans le Nord pour assurer une activité économique.

Le président : D'autres questions ou observations? S'il n'y en a pas, je veux remercier le sous-ministre M. Wernick d'être venu avec MM. Sewell et Roy. Je crois que vous avez répondu à certaines de nos questions.

Cela m'inquiète que le processus puisse nuire à votre capacité d'honorer les obligations que vous, comme ministère, voudriez respecter. Ce que je crains concernant le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, c'est qu'il ait tellement de responsabilités qu'il lui soit quasi impossible de toutes les assumer — par exemple, la santé, le logement et l'aide sociale, et cetera. J'ignore si un ministère donné peut être un gouvernement à part entière, ce qui représente vraiment la portée et l'ampleur des responsabilités que vous avez à assumer en tant que ministère.

Cependant, si nous n'accomplissons rien de plus ce matin, j'aimerais que nous partions d'ici en gardant à l'esprit que moins les Premières nations devront payer des avocats et des frais juridiques, le mieux ce sera.

S'il n'y a plus d'autres commentaires, j'aimerais vous remercier une fois de plus, messieurs, pour vos réponses franches. Nous vous sommes reconnaissants de l'intégrité dont vous avez fait preuve.

M. Wernick : Merci, messieurs les sénateurs. Nous avons hâte de connaître votre avis.

Le président : Nous allons poursuivre à huis clos pour une courte motion.

Le comité poursuit ses travaux à huis clos.


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