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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones

Fascicule 4 - Témoignages du 22 avril 2009


OTTAWA, le mercredi 22 avril 2009

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui, à 19 heures, pour procéder à une étude sur les responsabilités constitutionnelles, conventionnelles, politiques et juridiques du gouvernement fédéral à l'égard des Premières nations, des Inuits et des Métis ainsi que sur d'autres questions générales relatives aux peuples autochtones du Canada. (sujet : rapport Le Point de mars 2009, chapitre 4 : Les obligations liées aux droits fonciers issus de traités).

Le sénateur Gerry St. Germain (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonsoir. Je déclare la séance ouverte.

Les sénateurs membres du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones qui sont présents ce soir sont les suivants : le sénateur Sibbeston, vice-président, des Territoires du Nord-Ouest; le sénateur Nancy Greene Raine, de la Colombie-Britannique; le sénateur Daniel Lang, du Yukon; le sénateur Hubley, de l'Île-du-Prince-Édouard, le sénateur Cook, de Terre-Neuve-et-Labrador; le sénateur Dyck, de la Saskatchewan; le sénateur Nolin, du Québec; le sénateur Peterson, de la Saskatchewan; le sénateur Campbell, de la Colombie-Britannique; et, enfin, le sénateur Lovelace Nicholas, du Nouveau-Brunswick. Je suis le sénateur St. Germain, de la Colombie-Britannique. J'ai l'insigne honneur de présider le comité depuis un certain temps.

Nous avons la chance ce soir d'accueillir de nouveau des représentants du Bureau du vérificateur général du Canada. Ils sont ici pour discuter du chapitre 4 — qui porte sur les obligations liées aux droits fonciers issus de traités — de leur rapport Le Point de mars 2009. Dès que les témoins auront terminé leur exposé, les sénateurs pourront poser des questions.

Mesdames et messieurs les sénateurs, accueillons nos témoins, Mme Sheila Fraser, vérificatrice générale du Canada; M. Ronald Campbell, vérificateur général adjoint; et M. Frank Barrett, directeur principal.

Je vous remercie tous d'être ici aujourd'hui.

Madame Fraser, nous sommes heureux de vous accueillir parmi nous. Vous pouvez commencer votre déclaration.

Sheila Fraser, vérificatrice générale du Canada, Bureau du vérificateur général du Canada : Nous vous remercions beaucoup de nous avoir invités à témoigner devant le comité ce soir et de nous donner l'occasion de discuter des travaux du bureau en ce qui concerne le chapitre 4 de notre rapport Le Point de mars 2009, chapitre qui est intitulé Les obligations liées aux droits fonciers issus de traités.

Comme l'a mentionné le président, je suis accompagnée de M. Ronald Campbell, vérificateur général adjoint, et de M. Frank Barrett, directeur principal, qui sont tous deux responsables de nos vérifications sur les questions autochtones.

Les droits fonciers issus de traités constituent un type de revendications particulières. Les revendications territoriales globales sont les revendications des Premières nations à l'égard de terres qui n'ont pas fait l'objet d'un traité. Les revendications particulières, quant à elles, concernent le non-respect présumé d'obligations légales et de traités déjà conclus avec les Autochtones. Elles découlent également de la mauvaise administration de terres ou d'autres biens visés par la Loi sur les lndiens ou d'autres ententes officielles.

Au cours des années 1990, le Canada a signé des accords sur les droits fonciers issus de traités avec de nombreuses Premières nations de la Saskatchewan et du Manitoba. Les traités sont des accords solennels entre le Canada et les Premières nations qui établissent la façon dont le Canada respectera les obligations découlant de traités conclus il y a un siècle afin de fournir des terres aux Premières nations en vertu de traités historiques. Les droits issus de ces traités sont définis et consacrés par la Loi constitutionnelle et sont, par conséquent, protégés par la Constitution.

[Français]

Les Premières nations du Manitoba et de la Saskatchewan comptent parmi les plus pauvres au Canada. L'acquisition de terres en vertu d'accords sur les droits fonciers issus de traités peut avoir des répercussions importantes sur les possibilités de développement économique et social de ces Premières nations. Les accords prévoient des responsabilités qui incombent à Affaires indiennes et du Nord Canada, aux provinces et aux Premières nations, et permettent de convertir en réserves les terres sélectionnées par les Premières nations.

En 2005, le Bureau a commencé par examiner la façon dont le gouvernement s'est acquitté de ses obligations aux termes des accords sur les droits fonciers issus de traités. Ces obligations comprenaient la conversion de terres sélectionnées en réserves, soit jusqu'à 1,4 million d'acres au Manitoba et jusqu'à 2,7 million d'acres en Saskatchewan.

La vérification avait particulièrement pour objet d'examiner les progrès réalisés en Saskatchewan et au Manitoba par Affaires indiennes et du Nord Canada dans la conversion en réserves des terres sélectionnées en vertu de ces accords. Nous avions aussi vérifié si le ministère gérait le processus de conversion conformément à ses obligations légales envers les Premières nations.

[Traduction]

La vérification de 2005 avait permis de constater, dans les pratiques de gestion du ministère, un certain nombre de lacunes en ce qui a trait au respect de ses obligations, comme une planification inadéquate et l'absence de cibles pour la conversion des terres. Nous avions alors constaté que ces lacunes limitaient les progrès du ministère à l'égard de la conversion des terres en réserves, surtout au Manitoba. De plus, nous avions constaté que, en Saskatchewan, environ 58 p. 100 des terres sélectionnées par les Premières nations avaient été converties en réserves, alors que seulement 12 p. 100 des terres sélectionnées avaient été converties au Manitoba.

Dans le cadre de cette vérification, nous avions fait huit recommandations, dont la plupart portaient sur la nécessité pour le ministère d'améliorer ses pratiques de gestion. Ce dernier avait accepté nos recommandations, et, en 2006, le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien s'est engagé au nom du ministère à convertir en réserves 150 000 acres de terres au Manitoba chaque année, pendant quatre ans.

Le chapitre 4 de notre rapport Le Point de mars 2009 avait pour objet d'examiner les progrès réalisés par le ministère en ce qui a trait à la conversion des terres en réserves et à la mise en œuvre des recommandations que nous avions formulées à la suite de notre vérification de 2005. Nous avons constaté qu'Affaires indiennes et du Nord Canada avait accompli des progrès importants en ce qui concerne la conversion en réserves des terres sélectionnées par les Premières nations.

[Français]

Depuis 2005, le ministère a converti en réserves plus de 315 000 acres de terres en Saskatchewan et au Manitoba. Cela représente, en seulement trois ans, une augmentation de 42 p. 100 des terres converties. Rien qu'au Manitoba, plus de 227 000 acres de terres ont été convertis en réserves depuis notre dernière vérification.

Notre vérification de suivi a aussi permis de constater que le ministère faisait des efforts pour améliorer ses communications avec les Premières nations et qu'il collaborait plus étroitement avec celles-ci à l'élaboration de plans pour traiter les terres sélectionnées non encore converties. Toutefois, notre vérification de 2009 a révélé que Affaires indiennes et du Nord Canada n'avait pas réalisé de progrès satisfaisants en ce qui concerne la mise en œuvre de plusieurs de nos recommandations visant à améliorer ses pratiques de gestion afin de remplir ses obligations envers les Premières nations. Par exemple, pour le Manitoba, le ministère n'a pas préparé de plan de gestion indiquant comment il gérera ses activités afin de traiter, dans un délai raisonnable, les terres sélectionnées non encore converties. Il n'a pas non plus comptabilisé le temps de traitement des terres et, par conséquent, il ne peut démontrer qu'il s'est amélioré à cet égard au cours des trois dernières années.

[Traduction]

Les lacunes persistantes en matière de gestion relevées au cours de cette vérification de suivi sont particulièrement préoccupantes, puisqu'elles concernent des obligations découlant de traités que le Canada a conclus il y a plus d'un siècle. Notre vérification nous a permis de constater que, au Manitoba, plus de 430 terres sélectionnées, soit près de 650 000 acres de terres, doivent encore être converties, alors que, en Saskatchewan, il reste plus de 700 terres sélectionnées — représentant 451 000 acres de terres — à convertir. Nous avons conclu que, si la direction ne déploie pas d'efforts soutenus pour combler les lacunes relevées au cours de notre vérification, le ministère risque de ne pas pouvoir continuer de faire des progrès pour ce qui est de la conversion des terres en réserves.

Certaines observations découlant de notre vérification de suivi font aussi ressortir l'importance des facteurs essentiels recensés dans notre rapport Le Point de 2006. En effet, dans le cadre de cette vérification, nous avions cerné sept facteurs qui semblaient avoir joué un rôle essentiel dans la mise en œuvre de nos recommandations. Grâce à quelques-uns de ces facteurs, la mise en œuvre de nos recommandations a obtenu du succès. Par contre, l'absence d'autres facteurs a nui à la mise en œuvre des recommandations et entrave l'instauration de changements véritables dans la vie des membres des Premières nations et des Inuits.

Ainsi, en 2006, nous avions constaté qu'il arrivait souvent qu'une consultation bien menée avec les Premières nations se traduise par des changements importants ou, à tout le moins, y contribue. Au cours de notre vérification de suivi, nous avons constaté que le ministère avait amélioré ses communications avec les Premières nations et qu'il s'efforçait de travailler en plus étroite collaboration avec celles-ci à l'élaboration de leurs plans de conversion des terres sélectionnées non encore converties. Comme je l'ai déjà mentionné, le ministère a converti en réserves un grand nombre de terres depuis notre vérification de 2005.

En 2006, nous avions relevé un autre facteur essentiel, soit la nécessité d'une attention soutenue de la part de la haute direction afin de produire des changements permanents. Lors de notre récente vérification, nous avons observé des progrès notables dans la conversion des terres en réserves au Manitoba, en particulier à la suite d'un engagement pris par le ministre. Le ministère a converti 159 000 acres en réserves au Manitoba au cours de la première année qui a suivi l'engagement pris par le ministre, mais seulement 43 000 acres au cours de la deuxième année.

[Français]

Les autres facteurs essentiels que nous avions cernés en 2006 étaient les suivants : l'importance de coordonner les efforts des organisations fédérales qui offrent des programmes semblables; l'utilité de développer les capacités dans les Premières nations; l'importance de créer des institutions des Premières nations; l'incomptabilité possible des rôles d'Affaires indiennes et du Nord Canada dans ses relations avec les Premières nations; et finalement, la nécessité d'un fondement législatif approprié pour les programmes destinés aux Premières nations.

Monsieur le président, cela termine ma déclaration d'ouverture. Nous serons heureux de répondre aux questions des membres du comité.

[Traduction]

Le sénateur Sibbeston : Je vous remercie d'assister à l'audience et d'avoir produit ce rapport. Dans votre rapport, il est précisé que d'autres ministères, en plus d'AINC — notamment RNCan et Justice Canada et peut-être même le ministère des Finances et d'autres organismes centraux — jouent un rôle. AINC a-t-il émis des réserves quant à son rôle? Avez-vous vérifié si les autres ministères avaient facilité ou entravé le processus relatif aux droits fonciers issus de traités, les DFT? Si vous l'avez fait, quelles ont été vos constatations? Si ce n'est pas le cas, prévoyez-vous vous pencher sur le rôle d'autres ministères au cours d'examens ultérieurs des progrès réalisés dans ce dossier?

Mme Fraser : Nous n'avons pas examiné de façon précise le rôle joué par d'autres ministères. Nous nous sommes concentrés sur les activités d'Affaires indiennes et du Nord Canada. À ma connaissance, aucune préoccupation n'a été soulevée en ce qui a trait aux liens avec d'autres ministères — toutefois, M. Barrett pourrait peut-être vous en dire plus à ce sujet.

Frank Barrett, directeur principal, Bureau du vérificateur général du Canada : Nous n'avons pas vérifié en détail les activités des autres ministères. Nous avons obtenu des commentaires concernant le temps que prennent les levés de RCan, ou des commentaires se rapportant au ministère de la Justice, mais nous ne les avons pas examinés en détail.

Le sénateur Sibbeston : Ma prochaine question porte sur l'écart entre le Manitoba et la Saskatchewan en ce qui concerne la gestion des terres sélectionnées. En général, il semble que le bureau de la Saskatchewan utilise une approche plus complète et est doté d'une meilleure organisation.

Comment le ministère explique-t-il les différences en matière de gestion entre le bureau du Manitoba et celui de la Saskatchewan? Y a-t-il des facteurs internes ou externes qui font en sorte que le bureau du Manitoba gère moins bien ce dossier? A-t-on observé au bureau de la Saskatchewan des pratiques exemplaires qui pourraient améliorer la situation au Manitoba?

Mme Fraser : Le sénateur a raison : il y a une différence manifeste entre les pratiques de gestion de ces deux bureaux. Nous avons remarqué que le bureau de la Saskatchewan a réussi à convertir davantage de terres en réserves, a adopté une approche plus proactive dans ses échanges avec les Premières nations et a pris des mesures pour tenter de résoudre les questions liées aux intérêts de tiers, lesquels, par moments, constituent l'un des principaux obstacles à la conversion des terres.

Pour sa part, le bureau du Manitoba semble avoir une vision plus étroite et très limitée de son mandat, et, en fait, il nous a dit qu'il n'était pas de sa responsabilité de s'occuper des intérêts de tiers — et, pourtant, le bureau de la Saskatchewan s'en chargeait.

Nous n'avons pas fait une analyse en profondeur des causes possibles d'une telle situation, des raisons pour lesquelles ces bureaux auraient adopté des pratiques de gestion différentes, quoiqu'il s'agisse d'un phénomène que nous observons assez fréquemment — pas seulement à Affaires autochtones et du Nord Canada, mais dans nombre de ministères. Nous constatons que les pratiques et les systèmes de gestion varient grandement d'une région à l'autre. Le comité voudrait peut-être explorer la question de la diversité des pratiques de gestion avec le ministère. Il est certain que nous croyons que le bureau du Manitoba devrait adopter certaines des pratiques mises en place par le bureau de la Saskatchewan.

Le sénateur Sibbeston : L'ensemble de ce dossier oblige le ministère à traiter avec les Autochtones, et il est évident qu'un travail très important doit être fait. Je reconnais que, à certains égards, vous êtes limités dans votre analyse des questions liées à la gestion et aux finances, et cetera, mais je me demande souvent pourquoi il n'y a pas davantage de progrès. Les gens sont-ils indifférents au travail qu'ils accomplissent? Est-ce qu'ils s'en fichent? Y a-t-il un malaise? Parce qu'il s'agit d'Autochtones, de personnes sans travail, les gens ne s'en préoccupent pas? Avez-vous constaté ce genre d'attitude? Êtes-vous en mesure de dire quoi que ce soit au sujet de cet aspect de la nature humaine?

Mme Fraser : Je renverrais le comité à notre rapport Le Point de 2006, où nous avons tenté de cerner quelques-uns des facteurs de réussite et d'expliquer pourquoi certaines de nos recommandations avaient été mises en œuvre, alors que d'autres n'avaient aucunement été suivies. J'ai mentionné certains de ces facteurs dans ma déclaration préliminaire.

Je crois que la consultation des Premières nations et l'intérêt soutenu de la direction constituent deux des facteurs essentiels. Dans ce ministère, le sous-ministre est en poste depuis plusieurs années maintenant, mais, auparavant, la durée moyenne du mandat du sous-ministre était peut-être tout au plus de 18 mois.

De plus, dans nombre de nos vérifications, nous avons souligné qu'il était insensé que le gouvernement signe une entente ou un traité si les fonctionnaires se limitent simplement à remplir les obligations législatives telles qu'elles sont libellées dans l'entente sans prendre en considération les objectifs globaux.

Je me souviens très bien d'un cas dans le Nord où l'objectif global consistait à accroître l'emploi des Autochtones. L'entente prévoyait la tenue d'une réunion annuelle pour suivre les progrès réalisés. Nous nous sommes informés des progrès. Ils nous ont répondu qu'ils devaient organiser la réunion; ils ne se préoccupaient pas vraiment des progrès.

La question du rôle précis des fonctionnaires, qui surgit à l'occasion dans nos vérifications, fait l'objet d'un débat continu. Les fonctionnaires devraient travailler à la réalisation des objectifs et non simplement veiller au respect d'une exigence législative. Il y a également un problème d'attitude.

Le dernier point que je voudrais souligner, c'est que nous abordons rarement la question du financement, et nous sommes très prudents lorsque nous le faisons. Toutefois, lorsque nous constatons que les populations autochtones augmentent de quelque 10 p. 100 et que le financement accordé au ministère ne s'accroît que de 1 à 2 p. 100, je crois sincèrement que cela a une incidence aussi sur la capacité des fonctionnaires d'assurer la prestation des programmes et des services.

Le sénateur Campbell : Je souhaite de nouveau vous remercier. Nous nous rencontrons pour la deuxième fois aujourd'hui — nous nous sommes d'abord vus à la séance du Comité permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. C'est tout un honneur pour moi.

Avez-vous vérifié les revendications territoriales à l'extérieur de la Saskatchewan et du Manitoba?

Mme Fraser : Dans le cadre de cette vérification, nous ne l'avons pas fait; cette vérification portait entièrement sur les droits fonciers issus de traités. Nous avons cependant examiné d'autres ententes. Peut-être que M. Campbell peut vous fournir quelques détails à ce sujet. Nous avons réalisé un certain nombre de vérifications.

Le sénateur Campbell : Je pourrais peut-être préciser ma question. Je m'intéresse particulièrement aux Premières nations qui vivent à l'intérieur des limites de municipalités ou qui ont besoin de services municipaux. Dans la région du Lower Mainland, les Premières nations visées seraient les Premières nations Tsleil-Waututh, Musqueam, Tsawwassen et Squamish.

En 2005, vous avez mentionné que la négociation d'ententes sur la prestation de services municipaux entre les Premières nations et les municipalités retardait la conversion des terres. Pourriez-vous faire le point sur cette situation, ou est-ce un aspect auquel nous devrions prêter une attention particulière à l'avenir?

Ronald Campbell, vérificateur général adjoint, Bureau du vérificateur général du Canada : C'est une excellente question. Je ne crois pas que nous ayons grand-chose à ajouter par rapport à cette vérification. Récemment, nous avons procédé à la vérification de la négociation des traités de la Colombie-Britannique. Nous avons vérifié le processus qui est actuellement utilisé dans la négociation des traités et nous avons constaté qu'il s'agit d'un processus complexe qui ne se déroule pas très rapidement. Ce sont les derniers travaux que nous avons effectués en Colombie- Britannique.

Le sénateur Lang : J'aimerais aborder la question des intérêts de tiers. À l'évidence, il s'agit d'une question préoccupante qui peut même avoir des répercussions politiques si elle n'est pas résolue correctement.

J'ai remarqué que le gouvernement avait versé 190 millions de dollars aux Premières nations — au Manitoba, si je ne me trompe pas — pour qu'elles puissent acheter des terres appartenant à des propriétaires privés. En Saskatchewan, il s'agissait de 440 millions de dollars sur 12 ans. Dans certains cas, l'argent n'a pas été dépensé — c'était au Manitoba, je crois. On parle d'une somme de 8,9 millions de dollars.

Pourriez-vous nous expliquer comment fonctionne ce processus — ou nous dire s'il fonctionne — et ce qui se passe actuellement? Les Premières nations disposent-elles de suffisamment de fonds pour acheter les terres appartenant à des tiers?

Mme Fraser : Je vais laisser M. Barrett répondre à cette question.

M. Barrett : Pour apporter une précision, en ce qui concerne la signature des accords relatifs aux droits financiers dans les deux provinces, dans certains cas — particulièrement au Manitoba —, les accords permettent aux Premières nations de sélectionner des terres provinciales, particulièrement celles qui n'ont pas encore été aménagées. Toutefois, le gouvernement a reconnu que certaines des Premières nations souhaiteraient sélectionner des terres appartenant à des intérêts du secteur privé, de sorte qu'il a alloué 190 millions de dollars à l'achat de terres privées. Il s'agit d'une démarche qui diffère quelque peu de l'obligation de satisfaire les intérêts de tiers.

En Saskatchewan, la plupart des terres appartiennent déjà à des intérêts du secteur privé; on a donc prévu davantage de fonds pour l'achat de terres privées. Ici encore, il faut tenir compte des intérêts de tiers.

Le sénateur Lang : En général, lorsque je parle des intérêts de tiers, je parle de la possibilité d'acheter des terres privées — ou c'est du moins l'un des principaux éléments de cette question. Les fonds sont-ils suffisants pour mener à bien ce processus?

M. Barrett : J'ai cru comprendre qu'il s'agissait de négociations et que ce n'était pas le manque d'argent qui constituait une préoccupation. En fait, une fois que la Première nation a acheté des terres à des tiers et qu'elle en est propriétaire en fief simple, c'est la prestation des services municipaux qui pose un problème. Par exemple, il pourrait y avoir un problème concernant les lignes de transport d'électricité, d'autres tiers qui ont accès aux terres ou des exigences relatives aux terres détenues en fief simple. De telles questions doivent être résolues avant que le gouvernement acquière les terres et les convertisse en réserves.

Mme Fraser : J'aimerais apporter une précision : lorsque nous parlons des intérêts de tiers, il ne s'agit pas de l'acquisition de terres appartenant à une autre partie; nous parlons des questions liées aux administrations municipales, aux droits de passage, à toutes sortes de choses comme celles-là, qui peuvent avoir une incidence sur la propriété des terres et qui doivent être résolues avant de les convertir en réserves.

Le sénateur Lang : Pour ajouter à cela, selon l'information que j'ai obtenue, l'Accord-cadre sur les droits fonciers issus de traités au Manitoba a alloué 8,9 millions de dollars au règlement des questions liées aux intérêts de tiers. Le rapport Le Point de 2009 a révélé que cette somme n'avait pas été dépensée. Est-ce toujours le cas? Ce fonds donne-t-il des résultats? Les Premières nations peuvent-elles accéder à cet argent et l'ont-ils dépensé?

Mme Fraser : Je crains que nous n'ayons pas de renseignements à jour à cet égard, mais, dans le rapport, nous constatons que le ministère ne facilitait pas beaucoup la résolution des questions liées aux intérêts de tiers; ce n'est pas le cas en Saskatchewan. Souvent, une autre partie doit intervenir, c'est-à-dire que le ministère doit essayer de régler les différends plutôt que de laisser la Première nation et le tiers discuter de ces choses. Si l'argent n'a pas été dépensé, c'est probablement en partie parce que le ministère n'a pas beaucoup aidé et encouragé les parties à résoudre leurs différends.

Le sénateur Lang : Peut-être que le ministère pourrait nous fournir cette information, pour faire le point sur la situation, pour voir si le programme est efficace.

Mme Fraser : D'Affaires indiennes et du Nord Canada, oui.

Le président : Nous veillerons à ce que vous obteniez cette information, sénateur Lang.

Le sénateur Hubley : Ma question se rapporte au point 15 de votre déclaration préliminaire. Vous mentionnez les autres facteurs essentiels que vous aviez cernés en 2006. Pourriez-vous nous en dire un peu plus? Vous avez parlé de « l'importance de coordonner les efforts des organisations fédérales qui offrent des programmes semblables » et de « l'utilité de développer les capacités des Premières nations ». Vous avez expliqué que, là où il y a un eu dialogue avec les Premières nations, le processus est devenu plus efficace.

En ce qui a trait à « l'importance de créer des institutions des Premières nations », pourriez-vous nous expliquer ce que vous aviez en tête et quel type d'institutions on pourrait mettre sur pied pour accélérer le traitement des revendications territoriales?

De plus, j'étais quelque peu préoccupée par le quatrième facteur essentiel de votre liste, à savoir « l'incompatibilité possible des rôles d'Affaires indiennes et du Nord Canada dans ses relations avec les Premières nations ». Pour ce qui est du cinquième facteur essentiel — « la nécessité d'un fondement législatif approprié pour les programmes destinés aux Premières nations » —, comment cela pourrait-il se produire et quels sont les éléments qui devraient être pris en compte?

Vous pourriez peut-être nous dire également si le rapport de 2009 aborde l'un ou l'autre de ces facteurs.

Mme Fraser : Je commencerais par la fin. Nous n'avons pas abordé de façon précise l'un ou l'autre de ces facteurs dans le rapport, quoique nous mentionnions que l'intérêt soutenu de la direction serait essentiel à la résolution des questions concernant les pratiques de gestion.

En ce qui a trait aux institutions des Premières nations, il y en a quelques-unes qui ont été créées récemment, comme l'Institut de la statistique des Premières nations, qui offrent de meilleurs renseignements pour la prise de décisions. Nous avons abordé ce point entre autres parce que la prestation de nombre de services et de programmes relève désormais des Premières nations, qui ne disposent pas des cadres et des institutions que nous aurions mises en place.

Par exemple, dans le domaine de l'éducation, on se demande qui devrait se charger de l'élaboration des programmes d'enseignement. Dans les collectivités non autochtones, il y a des institutions qui s'occupent de la plupart de ces questions; il est important que des institutions semblables soient mises sur pied pour les Premières nations.

Pour ce qui est de l'incompatibilité possible des rôles, Affaires indiennes et du Nord Canada cumule diverses fonctions. Le ministère finance évidemment les Premières nations aux fins de la prestation de nombreux programmes et services; il négocie également avec elles. Le ministère fait également l'objet de nombreuses poursuites intentées par les Premières nations; il est également l'administrateur de nombre de fonds mis à leur disposition. Peut-on réellement accomplir toutes ces choses et assumer efficacement tous ces rôles et ne jamais être en conflit d'intérêts lorsqu'il est question de négocier avec une Première nation?

Nous croyons que, par moment, les relations pourraient être tendues en raison de négociations difficiles ou d'une action en justice. En même temps, il faut financer suffisamment les programmes et les services. Il y a une possibilité de conflits d'intérêts.

En ce qui a trait au dernier facteur essentiel — « la nécessité d'un fondement législatif approprié pour les programmes destinés aux Premières nations » —, la plupart des programmes reposent actuellement sur des politiques. C'est un aspect qui a été soulevé dans certaines de nos vérifications. Je me souviens en particulier des services de santé non assurés, où le gouvernement fédéral offre l'assurance-médicaments aux Premières nations, et, pourtant, il n'y a aucun fondement législatif pour ce programme.

La question que nous soulevions se rapportait à l'information qui pourrait être utilisée pour gérer le programme et pour veiller à ce que les personnes ne reçoivent pas, par exemple, des quantités excessives de médicaments d'ordonnance ou des médicaments d'ordonnance qui pourraient provoquer une interaction médicamenteuse nocive. Il y avait toute la question de l'obtention du consentement permettant la divulgation de ce type d'information. On nous a dit qu'un fondement législatif constituait l'une des façons de résoudre ce problème.

Je suis persuadée qu'une telle situation se produit également dans d'autres domaines parce qu'il s'agit d'un aspect qui revient fréquemment dans nombre de nos vérifications : quel est le rôle et quelles sont les responsabilités du ministère à l'égard des Premières nations, que ce soit dans le domaine du logement, de l'éducation, de la santé, ou d'autres choses? Les programmes reposent tous sur des politiques, et non sur des dispositions législatives.

Le président : J'aurais une petite question. Jusqu'où peut aller le bureau lorsqu'il formule une recommandation? Dans le domaine de l'éducation, vous dites qu'il y a tant d'autres aspects de ce ministère qui risquent de frôler ou qui frôlent le dysfonctionnement, du point de vue de nombreuses personnes.

Je ne crois pas qu'il y ait quoi que ce soit d'intentionnel ou de mesquin dans le processus. Nous siégeons au comité, madame Fraser, et nous sommes frustrés de ne constater que des changements mineurs. Je suis membre du comité depuis environ 16 ans. Je vois qu'il y a des changements, mais ils sont si négligeables, et nous perdons notre principale ressource : nos gens. Les jeunes ne bénéficient pas de la situation. Il a été prouvé que, lorsque le gouvernement respecte les obligations liées aux traités, il y a un développement économique. Nous en avons la preuve concrète en Saskatchewan.

Jusqu'où croyez-vous pouvoir aller, selon vos paramètres? Pouvez-vous dire : « Ce ministère ne fonctionne plus; il n'est simplement pas assez efficace pour remplir les obligations qu'il a envers les commettants qu'il est censé servir »?

Je ne tente pas de vous mettre sur la sellette. C'est simplement une question. Votre bureau est le Saint-Graal de la ville; à qui d'autre pourrais-je poser cette question?

Mme Fraser : Nous serions très réticents à aller aussi loin et à faire une déclaration comme celle-là. Nous ne procédons pas à l'évaluation d'un ministère dans son ensemble; nous avons plutôt tendance à examiner les programmes au cas par cas. Ce serait pour nous une tâche énorme que d'essayer de vérifier l'ensemble d'un ministère.

Je crois qu'il serait peut-être utile de jeter un coup d'œil à toutes les responsabilités de ce seul ministère. Affaires indiennes et du Nord Canada est responsable de plus de 600 000 personnes et de divers services et programmes. À bien des égards, ce ministère équivaut à un gouvernement provincial si l'on pense aux nombreux services et programmes qu'il administre. Chaque gouvernement provincial peut compter sur une myriade de ministères qui assurent la prestation des divers services et programmes. Or, AINC doit se tailler une place parmi une foule d'autres ministères. Si les questions liées à l'eau, à la santé et à l'éducation relevaient d'un ministère distinct, on peut se demander si AINC aurait à composer avec les mêmes difficultés sur le plan de la gestion et des ressources.

AINC offre une gamme si vaste de programmes à ces collectivités. Je crois qu'il faut soulever cette question. Peut- être qu'un comité parlementaire pourrait se pencher sur cette situation.

En raison de tous ses autres rôles contradictoires — il administre des fonds, participe à des négociations et fait l'objet de poursuites —, AINC doit clairement s'occuper d'une série très complexe d'activités. En outre, j'ai l'impression que le ministère fait souvent face à des crises; des problèmes surgissent, et il y a une crise. On se demande s'il pourra un jour venir à bout de tout cela. Je crois qu'il serait certainement intéressant de discuter de cette situation avec le ministère, mais, pour notre part, nous serions très réticents à nous engager dans cette voie.

Le président : Je peux comprendre cela.

Le sénateur Peterson : On a abordé la plupart de mes préoccupations. J'aurais deux ou trois questions.

Est-ce que toutes les bandes au Manitoba et en Saskatchewan ont terminé de sélectionner les terres visées par les traités?

Mme Fraser : Non.

Le sénateur Peterson : Par conséquent, il reste des bandes qui n'ont même pas encore entamé le processus, est-ce exact?

Mme Fraser : C'est exact. M. Barrett pourrait répondre à votre question.

M. Barrett : Je crois que toutes les bandes ont sélectionné une partie, mais pas l'ensemble des terres qu'elles souhaitent convertir en réserves. La plupart des bandes doivent encore sélectionner quelques terres. Par exemple, une bande pourrait être autorisée à choisir en tout — pour garder les choses simples — 1 000 acres de terre. Elle aurait déjà sélectionné 800 acres, mais il lui resterait encore 200 acres de terre à sélectionner.

Le sénateur Peterson : Je sais qu'une bande en Saskatchewan a pris les devants et a revendiqué des terres ancestrales appartenant à une autre bande, ce qui a provoqué beaucoup de problèmes. Est-ce l'une des préoccupations? Ce genre de situation survient-il?

M. Barrett : Je ne crois pas que cela se produit dans le cadre du processus relatif aux droits fonciers issus de traités. Les bandes sont autorisées à sélectionner des terres qui ne font pas partie de leur territoire ancestral, de sorte qu'elles peuvent sélectionner des terres qui se trouvent à l'extérieur du territoire qu'elles possédaient par le passé. Par conséquent, il ne s'agit pas de déterminer à qui appartiennent les terres ancestrales aux fins du processus relatif aux droits fonciers issus de traités.

Le sénateur Peterson : À quel moment peut-on faire son choix? Là est le problème.

Il y a eu quelques améliorations depuis 2005, mais le traitement des terres sélectionnées prend encore en moyenne sept ans. Le comité pourrait-il recommander au ministère de fixer des objectifs pour suivre les progrès dans ce dossier, pour voir si nous pouvons être plus efficaces?

Mme Fraser : Tout à fait. Nous croyons que le ministère devrait se doter d'un plan qui précise la façon dont il procédera et les échéances qu'il devrait respecter. Le ministère devrait se servir d'un plan semblable pour surveiller ses progrès. Cela serait très utile.

Nous devons également comprendre que la situation risque de se compliquer dans l'avenir, car nous aurons probablement à convertir de plus en plus de terres de petite superficie, alors que, dans le passé, les bandes auraient pu sélectionner de grandes étendues, et nous aurions pu convertir un certain nombre d'acres d'un seul coup.

Par conséquent, le ministère doit réellement faire en sorte que son processus soit le plus efficace possible. Je crois que le comité pourrait certainement formuler une recommandation à cet égard.

Le sénateur Lovelace Nicholas : Ma question porte sur AINC. J'ai eu affaire à AINC par le passé, avant de devenir sénateur. Ce ministère semble bien souvent faire preuve d'intransigeance.

Je me demande donc si AINC ne devrait pas adopter une approche différente. Peut-être que des membres des Premières nations devraient participer aux activités du ministère. Selon vous, comment pourrait-on remédier à ces problèmes?

Mme Fraser : Nous reconnaissons qu'AINC doit assumer un rôle très complexe et très difficile. Je suis d'avis que les personnes qui travaillent pour ce ministère sont dévouées et tentent d'agir comme il se doit, mais qu'elles ont d'énormes responsabilités. Je crois que ce ministère a de graves difficultés de financement, et, comme vous l'avez souligné, il doit y avoir une meilleure consultation, communication et coordination entre le ministère et les Premières nations.

Nous entendons beaucoup parler du roulement du personnel. Si vous interrogez n'importe quelle Première nation au sujet de ses négociations, elle vous dira qu'elle a eu affaire à X nombre de négociateurs et que le processus est toujours à recommencer. Évidemment, cette situation est en partie inévitable, mais je crois que le ministère doit essayer de déployer davantage d'efforts pour renforcer ces relations. Il faut qu'il y ait des gens qui restent en poste un certain temps, surtout lorsque l'on sait que des dossiers comme la négociation de traités peuvent prendre beaucoup de temps à se régler.

Parfois, ce sont certains des programmes de base qui posent problème. Nous avons vérifié à quelques occasions les programmes et les services concernant le logement, l'éducation et le développement économique. Même au cours de la dernière vérification que nous avons faite sur les services destinés aux enfants et aux familles, nous avons constaté que le ministère ne surveillait pas ce qui se passait dans les provinces. Le financement des services et des programmes était de beaucoup inférieur à ce qui se produisait dans les provinces, et il y a maintenant une nouvelle entente en Alberta. Le financement augmentera de 75 p. 100. Le ministère ne finançait pas les services préventifs, alors pourquoi y a-t-il autant d'enfants qui sont placés? C'est parce que le ministère finançait leur prise en charge.

Le ministère doit se montrer beaucoup plus proactif lorsqu'il se penche sur ce qui se passe, sur la façon d'améliorer ses services et sur les normes fixées par les provinces. Je crois que la plupart des lacunes s'expliquent par le manque de financement du ministère. Il ne dispose pas des ressources qui lui permettraient de remplir son mandat.

Le sénateur Lovelace Nicholas : Comme je l'ai proposé, il devrait y avoir davantage de membres des Premières nations au sein d'AINC et davantage de personnes qui vont voir ce qui se passe dans les collectivités, plutôt que de simplement le croire sur parole.

Le sénateur Dyck : Je vous souhaite la bienvenue.

Ma question porte sur le point 13. Vous avez mentionné qu'une consultation bien menée avec les Premières nations semblait être l'un des facteurs essentiels qui facilitent la conversion des terres.

Pourriez-vous nous en dire plus à cet égard? Quels sont les mécanismes utilisés? Par exemple, le bureau de la Saskatchewan a-t-il mis en place un mécanisme qui lui permet de procéder à la conversion des terres plus rapidement et plus efficacement que le Manitoba?

Mme Fraser : Nous avons mentionné dans le rapport que le bureau de la Saskatchewan menait davantage de consultations. Je vais laisser M. Barrett fournir des explications.

M. Barrett : Nous avons constaté quelques différences entre la Saskatchewan et le Manitoba. Je vais me concentrer plus particulièrement sur le processus de consultation.

Soit dit en passant, en plus des travaux que nous réalisons dans les ministères, chaque fois que nous travaillons avec les Premières nations, nous tentons de rencontrer les membres de diverses collectivités autochtones. Les représentants de collectivités autochtones que nous avons rencontrés en Saskatchewan savaient tous sans exception qui était leur gestionnaire foncier. Ils le rencontraient aux quatre à six semaines. Ils discutaient de la liste des terres qu'ils avaient sélectionnées et d'où ils en étaient rendus dans le processus. S'ils étaient bloqués, leur gestionnaire tentait de les faire progresser. Je ne dis pas que tout était parfait, mais, à l'évidence, il y avait une bonne communication.

Au Manitoba, les membres des collectivités ont affirmé assez régulièrement qu'ils ignoraient où en était rendu le traitement des terres qu'ils avaient sélectionnées. Les fonctionnaires du ministère concentraient avant tout leurs efforts sur la conversion des terres et n'avaient souvent pas le temps de rencontrer les Premières nations en raison du travail qui devait être fait à l'administration centrale. Nous n'avons pas constaté le même degré de collaboration et de communication.

Le sénateur Dyck : La consultation serait menée entre les collectivités des Premières nations et une personne travaillant au bureau régional d'AINC?

Mme Fraser : Oui.

Le sénateur Dyck : Quel serait alors le rôle du Bureau du commissaire aux traités, le cas échéant?

M. Barrett : Les deux provinces utilisent des mécanismes quelque peu différents. Par exemple, au Manitoba, il y a le Comité sur les droits fonciers issus de traités. Ce comité assure la coordination avec les Premières nations, mais cela n'empêche pas AINC de communiquer avec les Premières nations. L'un n'empêche pas l'autre. Le rôle de chacun est différent.

Le sénateur Dyck : Il me semble qu'il devrait agir comme un facilitateur : il rassemble les intervenants pour mener à bien un processus.

M. Barrett : Idéalement.

Le sénateur Dyck : Je me trompe peut-être, mais je croyais qu'il y avait déjà eu un mécanisme en place en Saskatchewan en ce qui concerne les tables de négociation.

M. Barrett : Non, nous n'avons pas vérifié ces organismes. À maintes occasions, nous avons rencontré le Comité sur les droits fonciers issus de traités et la Federation of Saskatchewan Indian Nations. Nous avons discuté des rôles et des activités et du fonctionnement du processus relatif aux droits fonciers issus de traités. Toutefois, nous ne faisions pas une vérification de leurs activités, et nous avons été très clairs sur ce point.

Le sénateur Dyck : Vous dites que cela prend environ sept ans pour régler la question des intérêts de tiers puis convertir les terres en réserves. Quel est le principal obstacle, et que recommanderiez-vous pour surmonter le principal obstacle à la conversion des terres?

M. Barrett : Dans la pièce 4.1, qui se trouve à la page 6 du chapitre 4, nous donnons un aperçu de chacune des trois étapes du processus. L'étape 2 est de loin la plus longue, et elle se rapporte aux activités qui relèvent du bureau régional.

Dans notre vérification de 2005, l'obligation de procéder à une évaluation environnementale et à l'arpentage des terres constituait l'une des principales embûches. Compte tenu du temps qu'il faut pour arpenter les terres, bien souvent, l'évaluation environnementale n'était plus valable.

Nous avons attribué au ministère le mérite qui lui revenait pour avoir modifié sa politique dans les années qui ont suivi. L'évaluation environnementale est maintenant valide pendant cinq ans, ce qui devrait corriger cette situation dans une certaine mesure.

Toutefois, nous ne sommes pas en mesure de dire combien de temps exactement a duré chacune des étapes au cours de la période de trois ans entre la première vérification et le suivi, car le délai de traitement des terres sélectionnées dure en moyenne sept ans et dépasse donc la période de trois ans.

Le sénateur Dyck : Est-ce AINC qui décide à quel moment est effectuée l'évaluation environnementale? Cette décision ne lui reviendrait-elle pas pour ce qui est de l'élaboration du plan de travail? Si le ministère sait qu'une évaluation n'est valable que pendant cinq ans, il saurait que la deuxième étape doit être terminée avant la fin de la première.

Mme Fraser : C'est ce qu'on pourrait croire. Or, au cours de notre première vérification, nous avons constaté que l'évaluation environnementale n'était plus valable après deux ans. Deux années passent très rapidement dans ce type de processus. On commence le processus, on effectue l'évaluation environnementale, deux années passent, puis l'évaluation environnementale n'est plus valide, et on doit tout recommencer. L'arpentage des terres posait le même problème.

Nombre de ces terres subiront très peu de changements au fil du temps, de sorte que la validité de l'évaluation environnementale pourrait être prolongée au-delà de deux ans. C'est un aspect qui a été soulevé assez fréquemment, mais, maintenant, le ministère a changé sa politique.

Le sénateur Raine : Je suis un novice dans ce dossier. Pourriez-vous m'expliquer comment les Premières nations sélectionnent leurs terres? Lorsqu'elles choisissent des parcelles de terre, prennent-elles en considération seulement le nombre d'acres, ou est-ce que la valeur et l'emplacement font également partie des critères de sélection?

Si une Première nation n'a pas terminé de sélectionner ses terres, reste-t-il de bonnes terres pour elle? Cela aura évidemment une incidence sur le bien-être économique à long terme des Premières nations qui participent à ce processus.

Mme Fraser : Je vais laisser à M. Barrett le soin de fournir des précisions, mais c'est une question d'acres. Les Premières nations peuvent également acheter des terres. Elles reçoivent de l'argent pour se procurer des terres. Les terres en question ne doivent pas nécessairement appartenir à la Couronne, par exemple.

M. Barrett : Je vais donner quelques détails à ce sujet. En Saskatchewan, cela pose particulièrement un problème parce que la plupart des terres ont été acquises. Aux termes de l'entente-cadre, on a établi une superficie minimale de terres par rapport aux droits fonciers. L'entente prévoyait une obligation selon laquelle une Première nation devait sélectionner un nombre d'acres minimal, mais, si elle souhaitait en choisir davantage, elle pouvait le faire. Cela permettait à une Première nation de décider si elle utiliserait les fonds mis à sa disposition pour acheter un petit nombre d'acres de terres dont la valeur était plus élevée ou un grand nombre d'acres de terres de valeur inférieure. Certaines Premières nations ont peut-être acheté cinq acres de terres près de Regina, tandis que leurs terres principales sont plus éloignées de Regina. De cette façon, une Première nation peut tabler sur une certaine assise économique, mais la décision reviendrait à la Première nation.

Le sénateur Raine : J'ai l'impression que les Premières nations doivent sélectionner des terres inondées à ce moment- ci de l'année au Manitoba. Peut-être qu'elles tentent de trouver des terres surélevées, mais celles-ci sont probablement déjà prises.

Le président : Monsieur Barrett, dans quelle mesure la nécessité d'obtenir l'approbation de la province et de la municipalité ralentit-elle le processus?

M. Barrett : Si l'on regarde le Manitoba en particulier, où les Premières nations sélectionnent des terres appartenant au gouvernement provincial, elles sont obligées de travailler en collaboration avec la province. Toutefois, il y a également l'entente de 1930 conclue par le gouvernement du Manitoba et le gouvernement fédéral, laquelle prévoit que, si les Premières nations reçoivent des terres de la Couronne visées par des droits fonciers issus de traités, elles conservent le droit de les choisir, et la province peut céder les terres à cette fin.

Le sénateur Campbell : Quelqu'un a soulevé la question du chevauchement des revendications de terres ancestrales. Je sais que, dans le Lower Mainland, à Vancouver, c'est un aspect très préoccupant. Environ de 110 à 120 p. 100 de cette région est revendiquée par les Squamish, les Tsleil-Waututh et les Musqueam.

Il n'y a aucun traité là-bas. Nous sommes en voie de conclure des traités. Y a-t-il une différence entre les Premières nations déjà visées par un traité — dont les revendications territoriales sont maintenant réglées — et celles qui sont en voie de conclure un traité?

Je sais qu'il s'agit d'un long processus en Colombie-Britannique, mais je me demande si, au bout du compte, cela ne permettrait pas de mettre en place un traité exhaustif, plutôt que d'affirmer que ce sont des terres de réserve et que, maintenant, plus de 100 ans plus tard, nous tentons d'honorer nos obligations. Que peut-on dire au sujet du processus qui se déroule en Colombie-Britannique?

Mme Fraser : Je vais commencer à répondre et laisser M. Campbell poursuivre.

Nul ne conteste la superficie de terres ou le territoire qui revient aux Premières nations. Le problème se rapporte en fait à la conversion des terres en réserves. Dans le cas de la Colombie-Britannique, il y a, bien sûr, beaucoup de désaccord au sujet de la propriété et des droits fonciers.

Nous avons fait la vérification du processus de négociation des traités de la Colombie-Britannique il y a environ deux ans. À ce moment-là, la négociation durait depuis 25 ou 26 ans, et aucune entente n'avait encore été signée. Je crois que, depuis, deux ou trois ententes ont été conclues. Il s'agit d'une démarche extrêmement longue, compliquée et coûteuse. C'est peut-être la seule façon d'y arriver, mais, au moins, grâce à une telle démarche, nous avons davantage la conviction qu'il y a bel et bien eu un accord entre les parties, il y a un climat de certitude concernant les terres, et les Premières nations peuvent accéder à ces terres et exploiter les possibilités économiques qu'elles offrent. Par contre, en ce qui concerne le processus qui se déroule en Colombie-Britannique, lorsque les 120 revendications seront finalement réglées, nous aurons probablement tous passé l'arme à gauche. C'est un processus très long. Il s'agit de réalités différentes.

Le sénateur Campbell : Vous avez sans doute raison. À quoi ressemblerait la Saskatchewan et le Manitoba aujourd'hui s'il fallait négocier un traité? Cela semblait facile il y a 150 ans, lorsque le processus se résumait à une personne non autochtone qui disait « voilà ce que nous ferons », sans aucune possibilité de contestation.

Dans quelle mesure AINC participe-t-il à la négociation des traités en Colombie-Britannique?

M. Campbell : AINC joue un très grand rôle dans ce dossier. C'est lui qui mène la barque. Vous aviez tout à fait raison lorsque vous avez parlé du caractère opportun de la situation au Manitoba et en Saskatchewan. Mais nous pouvons être certains de deux choses : d'une part, il n'y a aucun doute quant à la propriété des terres au Manitoba et en Saskatchewan; d'autre part, des traités ont été signés à l'époque, des ententes ont suivi, puis la Couronne a admis qu'elle n'avait pas respecté ces traités. Donc, en Colombie-Britannique, non seulement la propriété des terres est contestée, mais le nombre d'acres qui est dû est très différent; dans le Lower Mainland, il n'y a tout simplement pas suffisamment de terres disponibles par rapport aux revendications territoriales.

Le sénateur Campbell : Vous savez que nous venons tout juste de céder le terrain de golf et une partie du parc, ce qui est bien. Je ne m'y oppose aucunement. Voilà le problème, mais je présume qu'il s'agit simplement des réalités de la vie. Merci.

Le sénateur Lang : J'aimerais revenir sur un point qu'a soulevé le président : la question de savoir jusqu'où peut aller le vérificateur. Je suis par moments stupéfait de la taille du ministère et des nombreux programmes et services dont il est responsable. Il me paraît évident que, du moins à première vue, la Saskatchewan s'en tire très bien, alors que le Manitoba traîne la patte.

Est-ce le rôle du sous-ministre de dire aux responsables au Manitoba : « Écoutez, vous devez accélérer la cadence, vous inspirer des pratiques mises en place en Saskatchewan et améliorer votre façon de faire »? Ou bien est-ce le rôle du vérificateur de communiquer avec les responsables à cet échelon et de leur dire : « Voici la comparaison des résultats, et voici ce que vous devriez faire plutôt que de vous limiter strictement aux activités de consultation »?

À l'évidence, il y a d'autres aspects qui sont en cause ici. C'est la question que je poserais parce que, sinon, rien ne bouge, et dans cinq ans, la Saskatchewan aura une longueur d'avance sur le Manitoba.

Mme Fraser : Nous avons le mandat de formuler des recommandations; nous ne pouvons contraindre les ministères à faire quoi que ce soit. Toutefois, dans la plupart des cas, et dans ce cas en particulier, le ministère souscrit aux recommandations. En général, il élabore un plan d'action et s'engage à y donner suite. C'est un aspect que le comité pourrait songer à explorer avec le ministère : quels engagements a-t-il pris, et à quel point fait-il des progrès à l'égard de ces engagements?

Assurément, après la vérification que nous avons faite en 2005, le ministre a été très clair et a pris un engagement précis à l'égard de la conversion des terres au Manitoba — 150 000 acres par année —, et le ministère l'a rempli la première année, mais pas la deuxième. Il serait intéressant de voir où il en est dans la troisième année.

Lorsque le ministre prend ce genre d'engagements, nous pouvons constater que le ministère donne suite à nos recommandations. Toutefois, même si le ministère a converti un grand nombre de titres fonciers, il ne semble pas avoir résolu les problèmes de gestion sous-jacents. Personnellement, je crois qu'il aura beaucoup de mal à respecter ses engagements dans l'avenir s'il ne règle pas les problèmes opérationnels fondamentaux au Manitoba.

Je pourrais suggérer que le comité demande au sous-ministre s'il a mené une analyse pour déterminer pourquoi les choses sont différentes au Manitoba et s'il a pris des mesures pour combler les lacunes. Nous ne vérifions pas ce genre de détails, mais le sous-ministre devrait certainement être en mesure de répondre à cette question.

Le sénateur Lang : Pour suivre dans cette veine, j'ajouterais que l'un des problèmes que je constate dans les relations entre le ministère et les Premières nations, c'est que le ministère prend des engagements qu'il n'honore pas.

Mme Fraser : Je suis tout à fait d'accord.

Le sénateur Lang : La crédibilité du ministère est donc mise en doute, et, ensuite, on parle du triste sort qui attend la prochaine génération.

Je crois, monsieur le président, que le comité devrait inviter un représentant du ministère à comparaître pour qu'il explique aux membres ce que fait le ministère.

Le président : Nous en avons fait la demande. Ça bouge un peu, mais à peine. Malheureusement, nous ne pouvons pas contraindre le ministère à témoigner. Nous lui avons soumis la demande. Je ne dis pas que nous ne devrions pas le redemander. Si nous cessons de le faire, il est certain qu'il n'y aura aucun progrès. Je suis persuadé qu'un représentant du ministère comparaîtra devant nous, et, monsieur, vous aurez alors l'occasion de lui poser des questions.

Le sénateur Raine : Madame Fraser, vous avez mentionné le besoin d'un intérêt soutenu de la part de la haute direction. J'imagine que vous avez pu jeter un coup d'œil à la structure de l'ensemble des ministères du gouvernement. Pourriez-vous imaginer une structure de gestion qui fonctionnerait pour AINC, et si oui, en quoi serait-elle différente? J'ai l'impression que les gens entrent au service d'AINC et que, dès qu'ils en ont l'occasion, ils tentent d'obtenir un meilleur poste dans un autre ministère; il n'y a donc aucune continuité. Je crois que cela nous ramène à la question du sénateur Lovelace Nicholas : peut-être devrions-nous mettre en place une structure qui attirerait des gens qui se passionnent pour cette cause.

Pouvez-vous imaginer quelque chose? Quelle serait selon vous la structure de gestion qui résoudrait la situation?

Mme Fraser : Je ne suis pas certaine d'être d'accord avec le sénateur en ce qui concerne le fait que nous avons toujours besoin de personnes qui se passionnent pour la cause. Nous avons plutôt besoin de personnes qui sont de très bons gestionnaires et qui feront en sorte que les objectifs soient atteints.

Il y a beaucoup de personnes qui travaillent pour le ministère depuis longtemps et qui sont très dévouées dans leur travail. Toutefois, il me semble qu'il y a tellement de choses qui doivent être faites. Le ministère doit régulièrement faire face à des crises. Il fait de la gestion de crise. Il est rare que nous osions dire ce genre de chose, mais cela revient souvent à une question de ressources. Le ministère ne dispose pas de suffisamment de ressources pour régler toutes les questions dont il est responsable.

Dans deux ou trois rapports, nous avons souligné que la population autochtone augmente de 10 ou 11 p. 100, tandis que le financement ne s'accroît que de 1 p. 100. Lorsqu'on a déjà besoin de je ne sais combien de milliers de maisons et que 75 p. 100 des maisons existantes requièrent des réparations, lorsque le financement des services destinés aux enfants et aux familles équivaut à 70 p. 100 des sommes que les provinces consacrent à des services comparables et que le financement de l'éducation est tel qu'on ne peut construire des écoles ni embaucher des enseignants et qu'on doit leur offrir un salaire inférieur à ce que leur offre la province, il n'est pas étonnant que les choses aillent mal dans nombre de collectivités.

Il doit y avoir un examen de base des services. C'est un aspect que nous avons mentionné relativement aux services qui s'adressent aux enfants et aux familles. Quels sont les services offerts? Sont-ils comparables aux services que reçoivent les autres Canadiens? Quels sont les fonds accordés à ces services dans chacune de ces provinces? Comparons ces éléments à ce qui se passe à AINC, et je crois que nous serions tous très surpris.

Le président : Mesdames et messieurs les sénateurs, le comité a une mission à remplir — et elle concerne non seulement le comité, mais l'ensemble du pays. Regardons ce qui se passe au Manitoba. Les Autochtones ont été relégués aux marécages, aux bourbiers et aux tourbières. Il y a maintenant des inondations là-bas, et ils en sont gravement touchés.

Madame Fraser, je ne veux pas vous citer, mais vous avez précisé que rien ne fonctionne très bien dans les domaines de l'éducation, de la santé et du logement et que nous sommes en train de perdre une autre génération. Il y a des problèmes énormes au chapitre de la santé, le syndrome d'alcoolisation fœtale, et cetera.

Il y a une chose qui me contrarie beaucoup. Je rencontre beaucoup de chefs et de membres des Premières nations. Ils doivent toujours quémander de l'aide au ministère. Ils sont pour ainsi dire à la merci du ministère. Il est dégradant et inutile pour ces personnes de revendiquer leurs droits dans notre société.

J'aimerais vous remercier, madame Fraser, du travail que vous accomplissez et des recommandations que vous formulez de la façon la plus objective et la plus juste possible — et j'aimerais remercier l'ensemble du bureau. Vous faites honneur au bureau et vous faites honneur aux Canadiens. Continuez votre excellent travail, et merci d'être venue ici. Dieu vous bénisse.

Mme Fraser : Je vous remercie.

Le président : Y a-t-il d'autres questions? Notre prochaine réunion aura lieu mardi prochain. La séance est levée.

(La séance est levée.)


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