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Débats du Sénat (Hansard)

1re Session, 43e Législature
Volume 151, Numéro 4

Le jeudi 12 décembre 2019
L’honorable George J. Furey, Président


LE SÉNAT

Le jeudi 12 décembre 2019

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

La sanction royale

Préavis

Son Honneur le Président informe le Sénat qu’il a reçu la communication suivante :

RIDEAU HALL

Le 12 décembre 2019

Monsieur le Président,

J’ai l’honneur de vous aviser que la très honorable Julie Payette, gouverneure générale du Canada, se rendra à la salle du Sénat, aujourd’hui, le 12 décembre 2019 à 15 h 30, afin de donner la sanction royale à un certain projet de loi.

Veuillez agréer, Monsieur le Président, l’assurance de ma haute considération.

La secrétaire de la gouverneure générale et chancelière d’armes,

Assunta Di Lorenzo

L’honorable

Le Président du Sénat

Ottawa


[Traduction]

Les travaux du Sénat

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, il y a eu des consultations, et il a été convenu de permettre la présence de photographes dans la salle du Sénat pour photographier la cérémonie de la sanction royale aujourd’hui.

Êtes-vous d’accord, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Les travaux du Sénat

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, en vertu de l’article 4-3(1) du Règlement, le représentant du gouvernement au Sénat a demandé que la période accordée aux déclarations des sénateurs soit prolongée aujourd’hui afin que nous puissions rendre hommage à l’honorable Joseph A. Day, qui prendra sa retraite le 24 janvier 2020.

Je rappelle aux sénateurs que, en vertu du Règlement, leur intervention ne peut dépasser trois minutes, qu’aucun sénateur ne peut parler plus d’une fois et que le temps alloué aux hommages est limité à 15 minutes. Toutefois, ces 15 minutes n’incluent pas le temps accordé à la réponse du sénateur auquel s’adressent les hommages.

Hommages

L’honorable Joseph A. Day

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, nous disons aujourd’hui adieu à l’un de nos doyens, le sénateur Day. Ingénieur, avocat, militaire, marathonien et sénateur, on peut dire que le sénateur Day est un véritable esprit universel.

Il va sans dire que l’identité d’une personne ne se résume pas à ses seules réalisations professionnelles, car c’est d’abord la personnalité de ceux qui nous entourent qui nous marque, et non ce qu’ils font. Dans le cas du sénateur Day, nous avons ici un homme qui a multiplié les réalisations d’envergure tout en faisant preuve d’humilité et de gentillesse. Nous avons tous eu la chance de voir notre journée ensoleillée par son grand sourire, le même qu’il arbore en ce moment même, et ce n’est pas moi qui vous apprendrai qu’en politique, ces qualités ont une valeur inestimable.

La vie du sénateur Day a été consacrée à la cause publique. Outre sa contribution à plusieurs comités — y compris celui des banques et du commerce, dont il a été vice-président, et celui des finances nationales, dont il a été président —, le sénateur Day a été membre de nombreuses associations interparlementaires, y compris de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN, dont il a été vice-président international.

[Français]

Je voudrais aussi souligner son leadership au sein du caucus libéral indépendant.

[Traduction]

Il a d’ailleurs rebaptisé ce groupe. Celui-ci porte maintenant le nom de « progressiste », ce dont je le félicite, car cette appellation reflète mieux l’idéologie de son groupe, tout en demeurant politiquement neutre. Je rappelle d’ailleurs que c’est à titre de progressiste que, lors de la dernière législature, le sénateur Day a présenté le projet de loi C-2, qui a permis à des millions de Canadiens de la classe moyenne de payer moins d’impôt.

(1410)

Au cours de la présente législature et en reconnaissance du leadership et des années de service du sénateur Day, j’ai eu le plaisir de demander à ce dernier de présenter le projet de loi S-1, Loi concernant les chemins de fer, un projet de loi symbolique, certes, mais qui affirme le rôle législatif inviolable et permanent du Sénat, en tant que Chambre indépendante.

[Français]

Sénateur Day, je vous remercie de tout ce que vous avez fait pour le Nouveau-Brunswick et le Canada. Merci d’être un aussi bon collègue, toujours cordial et faisant montre d’une éthique de travail admirable. Vous allez nous manquer.

[Traduction]

Alors que vous vous apprêtez à aller retrouver votre bien-aimé Nouveau-Brunswick, je souhaite que vous passiez des journées remplies de bonheur, en bonne santé, entouré de parents et d’amis. Je vous remercie pour tout ce que vous avez fait et continuerez de faire pour le Canada et pour le Sénat.

Des voix : Bravo!

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Honorables sénateurs, depuis un peu plus de 18 ans, notre collègue le sénateur Joseph Day est un ardent défenseur du Nouveau-Brunswick, sa province natale, au Sénat du Canada. À titre de leader des libéraux au Sénat et du récent groupe progressiste du Sénat, il a fait preuve d’un leadership fondé sur des principes auprès de ses collègues membres du caucus.

En tant que président, vice-président et membre de tellement de comités que je n’aurais pas le temps de tous les mentionner, il a apporté une contribution durable aux travaux du Sénat. Pour ces raisons, et bien d’autres encore, le sénateur Day nous manquera lorsqu’il nous quittera le mois prochain.

Depuis sa nomination au Sénat sur la recommandation de l’ancien premier ministre Jean Chrétien en octobre 2001, le sénateur Day est un membre dévoué de cette Chambre. En tant que coureur de marathon, le sénateur Day sait à quel point il est important de trouver son rythme, d’avoir une vision à long terme et de profiter du moment présent. Quoi qu’il ait vécu au cours des dernières années, il a géré les hauts et les bas de la vie parlementaire avec polyvalence et bonne humeur.

La discipline, l’intégrité et le professionnalisme inculqués à Joseph Day il y a plus de 50 ans lorsqu’il était cadet au Collège militaire royal du Canada l’ont bien servi comme sénateur. Sa profonde compréhension et son appréciation des Forces armées canadiennes se reflètent dans son travail au Sénat.

En 2003, le sénateur Day a coparrainé le projet de loi C-411, lequel instituait la Journée des anciens combattants de la marine marchande, tenue le 3 septembre. Il a été un mentor pour les cadets du Collège militaire royal lors de leur journée annuelle sur la Colline du Parlement; il a organisé la Journée de la Force aérienne, un événement annuel célébré sur la Colline; enfin, il a été un des vice-présidents internationaux de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN.

Les militaires canadiens ont toujours reçu l’appui indéfectible du sénateur Day, et je sais qu’ils continueront de l’avoir malgré sa retraite prochaine.

Pendant neuf ans, de 2006 à 2015, le sénateur Day a été président du Comité sénatorial permanent des finances nationales. Il a dirigé le comité en faisant preuve d’une grande minutie et en traitant tous les membres avec équité et respect. Le sénateur Day a déjà dit que, même s’il peut s’avérer ardu de se faire une idée précise des dépenses publiques, c’est notre devoir en tant que parlementaires. Notre collègue a accompli une tâche difficile en démêlant des dépenses publiques complexes et, ce faisant, il a rendu service aux Canadiens en demandant des comptes à leur gouvernement. Chers collègues, comme nous travaillons ensemble, il nous arrive tous de cultiver des amitiés au-delà des lignes de parti. Au cours des 10 dernières années, j’ai eu la chance de devenir un bon ami du sénateur Day et de son épouse Georgie. Nous avons eu l’occasion de voyager souvent en Asie et j’ai toujours pris beaucoup de plaisir à passer du temps en leur compagnie.

Sénateur Day, votre présence à la Chambre haute nous manquera. Au nom de l’ensemble du caucus conservateur, je vous souhaite une retraite heureuse et active en compagnie des gens que vous aimez. Puissiez-vous retrouver votre foyer familial en toute sérénité, en sachant que vous avez servi vos concitoyens avec distinction.

Des voix : Bravo!

L’honorable Yuen Pau Woo : Honorables sénateurs, au nom du Groupe des sénateurs indépendants, je prends la parole aujourd’hui pour à mon tour dire au revoir à notre collègue, le sénateur Joseph Day. La contribution du sénateur Day au Sénat est importante. Avec un peu d’aide de certains de ses amis, je vais souligner quelques-unes des façons dont il a laissé sa marque sur la Chambre haute du Canada.

La liste des réalisations du sénateur Day est longue. Il a obtenu son diplôme du Collège militaire royal en 1968 et a été nommé le meilleur finissant global et sportif universitaire exceptionnel. Il a terminé neuf marathons, et bon nombre d’entre vous l’ont sûrement vu passer dans les rues d’Ottawa en tenue de sport alors qu’il fait son jogging pour se rendre au Sénat chaque jour.

Il est titulaire d’un baccalauréat en génie, d’un doctorat en droit et d’une maîtrise en droit et il a été membre des barreaux du Nouveau-Brunswick, du Québec et de l’Ontario. Le sénateur Wetston me rappelle qu’avant d’arriver au Sénat, le sénateur Day a eu une brillante carrière d’avocat spécialisé dans le domaine de la propriété intellectuelle à Toronto.

Pendant ses 19 années à la Chambre haute du Canada, le sénateur Day a été un ardent défenseur des intérêts des anciens combattants, des Autochtones, des Néo-Brunswickois et des Canadiens en général sur la scène internationale. Il a contribué de nombreuses façons à faire progresser les relations internationales du Canada, dont à titre de vice-président de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN et membre du Groupe interparlementaire Canada-Japon et de l’Association législative Canada-Chine.

De par son travail au Sénat, le sénateur Day a été un véritable modèle. Qui plus est, il a fait preuve de professionnalisme et de générosité, et il a agi comme mentor auprès de sénateurs, tous groupes et niveaux d’expérience confondus. Si vous me le permettez, j’aimerais vous faire part de quelques anecdotes que m’ont relatées des collègues du Groupe des sénateurs indépendants et d’autres sénateurs. Un très grand nombre de sénateurs souhaitaient prendre la parole aujourd’hui pour rendre hommage au sénateur Day.

Beaucoup d’anecdotes ont trait à des rencontres à l’aéroport, plus particulièrement au fait que le sénateur a initié certains de ses collègues aux hamburgers de chez A&W. On m’a aussi parlé de parties de badminton, et tous mes collègues qui ont eu l’occasion de voyager avec le sénateur Day ont dit que c’était un compagnon très agréable, que ce soit lors de voyages courts ou de déplacements vers des endroits éloignés comme l’Arctique.

Le sénateur Cormier a insisté sur le fait que le sénateur Day, qui est originaire d’une région anglophone du Nouveau-Brunswick, a fait des pieds et des mains pour apprendre le français et pour pouvoir s’exprimer si élégamment dans cette langue.

Même d’anciens collègues du sénateur Day ont communiqué avec moi pour lui rendre hommage. L’ancien sénateur Jack Austin m’a demandé de dire que le sénateur Day incarne le plus haut dévouement possible envers l’intérêt public ainsi que les valeurs canadiennes à leur meilleur.

En terminant, je vais vous lire un message que l’ancien sénateur Austin m’a demandé de transmettre au sénateur Day :

J’offre mes meilleurs vœux au sénateur Day et lui donne le conseil suivant : ne prenez pas votre retraite; renouvelez-vous.

Des voix : Bravo!

L’honorable Percy E. Downe : Honorables sénateurs, comme d’autres intervenants ont déjà parlé des réalisations très impressionnantes du sénateur Day, je ne vais pas les décrire à nouveau. Il y a plusieurs années, lorsque le premier ministre Chrétien cherchait à pourvoir un poste de sénateur pour le Nouveau-Brunswick, on m’a chargé de déterminer si la qualité du curriculum vitæ de Joe Day correspondait à la qualité du personnage.

Je me souviens très bien de cette rencontre avec Joe Day dans mon bureau, au Cabinet du premier ministre, afin de déterminer s’il était apte à être nommé au Sénat. Ce qui m’a alors frappé, c’est que malgré des études et une carrière des plus impressionnantes, c’était une personne très humble et uniquement motivée par l’altruisme. C’est avec plaisir que j’ai indiqué au premier ministre que Joe Day était un candidat de grande qualité. Son travail au Sénat au fil des ans a démontré que cette évaluation était exacte.

Outre ses études et sa carrière, le sénateur Day avait une autre qualité très intéressante : sa passion pour la politique en général et le Parti libéral en particulier. Toutefois, le sénateur Day a la malchance de vivre dans une région du Nouveau-Brunswick où les libéraux figurent souvent sur la liste des espèces menacées.

Faisant fi des probabilités, il a fait de son mieux pour être élu à l’occasion d’élections où le Parti libéral n’était pas très populaire. Au bout du compte toutefois, le sénateur Day a répondu à un appel plus noble et a pu servir les citoyens du Nouveau-Brunswick au Sénat du Canada.

Je sais à quel point ils ont apprécié le travail qu’il a accompli en leur nom.

(1420)

L’une des nombreuses choses qui m’ont toujours impressionné au sujet du sénateur Day, c’est sa capacité d’arriver à Ottawa, souvent tard le soir après un vol en provenance d’ailleurs — habituellement de la Chine —, puis de prononcer le lendemain un discours détaillé sur le Budget supplémentaire des dépenses (A) suivi d’un autre long discours détaillé sur le Budget supplémentaire des dépenses (B), et la liste de budgets supplémentaires des dépenses semble continuer indéfiniment. Non seulement le sénateur Day prononçait un discours, mais il répondait à toutes les questions des sénateurs sur les mesures financières prévues dans ces documents. Il s’agit d’un exemple incroyable de son dévouement au travail du Sénat.

Chers collègues, pour terminer, j’aimerais vous faire part de quelques détails personnels au sujet du sénateur Day que vous ne connaissez peut-être pas. Il est, entre autres, un expert en bière. Il combine ces connaissances en matière de bière à une routine de course, de sorte qu’il puisse boire occasionnellement une bière sans prendre du poids.

De plus, comme nous le savons tous, le sénateur Day est une personne très positive, sauf à l’égard d’un point. Il craint toujours que les anciens sénateurs ne vivent pas longtemps après avoir pris leur retraite du Sénat. Cependant, comme nous l’a dit le sénateur Woo, le sénateur Austin, qui a, je crois, 87 ans, est toujours très actif. J’ai vérifié auprès d’autres anciens sénateurs et ils semblent tous être très actifs. Par exemple, Peter Stollery, votre ancien collègue, a 84 ans et, aux dernières nouvelles, il partait en voyage de pêche dans l’océan Indien.

Sénateur Day, nous avons hâte d’entendre parler des activités que vous ferez après votre départ du Sénat du Canada, et ce, pendant de très longues années. Sénateur Day, je sais que vous vous ennuierez du Sénat, mais le Sénat s’ennuiera aussi de vous.

L’honorable Terry M. Mercer : Honorables sénateurs, après plus de 18 ans au Sénat, notre ami et collègue le sénateur Joe Day nous quittera bientôt. Dans sa jeunesse, il a quitté sa ville bien-aimée de Hampton, au Nouveau-Brunswick, pour aller étudier au Collège militaire royal de Saint-Jean, où il a obtenu un diplôme en génie électrique.

Puis, il a étudié à la Faculté de droit de l’Université Queen’s et a obtenu sa maîtrise à la Faculté de droit Osgoode Hall. À l’époque où il était avocat spécialisé en droit de la propriété intellectuelle, il a travaillé pour certains des cabinets d’avocats les plus prestigieux du pays : Borden & Elliot, Sim & McBurney, Ogilvy Renault et Gowling & Henderson. Il a aussi travaillé comme conseiller juridique pour J.D. Irving, Limited, à l’instar de tous les Néo-Brunswickois, je crois.

À un moment donné, il a même fait une incursion dans la politique électorale au Nouveau-Brunswick, où il s’est présenté dans la circonscription de Fundy Royal, mais sans succès.

Lorsqu’il est arrivé au Sénat en 2001, il a apporté toutes les compétences et l’expérience qu’il avait acquises dans son ancienne vie. Sa capacité d’étudier des données techniques l’a bien servi et a bien servi les Canadiens quand il étudiait les projets de loi d’exécution du budget, les projets de loi de crédits et les budgets des dépenses. Pendant plus de 10 ans, il a occupé avec brio les postes de président et de vice-président du Comité sénatorial des finances, ce qui prouve qu’il comprend effectivement comment fonctionnent les budgets.

Il a été vice-président du Comité des banques et vice-président du Sous-comité des anciens combattants, un clin d’œil à son expérience au Collège militaire royal. En fait, chaque année, il organise une visite de la Colline du Parlement pour les élèves-officiers du Collège militaire royal du Canada ainsi que la Journée de reconnaissance de la Force aérienne sur la Colline de l’Association de l’Aviation royale du Canada et la Journée mondiale de la propriété intellectuelle sur la Colline de l’Institut de la propriété intellectuelle du Canada.

Depuis juin 2016, il est le chef de notre joyeuse bande de sénateurs, anciennement les libéraux du Sénat, mais rebaptisée le groupe progressiste du Sénat. Pendant plus de trois ans, il nous a aidés à naviguer les eaux de ce nouveau Sénat et il a représenté notre groupe avec constance. Joe, nous vous remercions du travail que vous avez fait pour nous.

Joe, vos loyaux collègues progressistes et moi-même allons terriblement nous ennuyer de vous et de votre sourire espiègle, mais pas de votre enthousiasme pour les menus détails du processus budgétaire. Nous vous souhaitons, à vous et à Georgie, beaucoup de bonheur dans le prochain chapitre de votre vie. Merci, Joe.

[Français]

Remerciements

L’honorable Joseph A. Day : Chers collègues, vos bons mots empreints de gentillesse me laissent stupéfait. À l’occasion de mon dernier jour à la Chambre, j’aimerais commencer mon allocution d’aujourd’hui en m’inspirant des paroles qu’ont prononcées à leur départ deux anciens collègues de ma province d’origine, le Nouveau-Brunswick : la sénatrice Erminie Cohen et le sénateur Louis J. Robichaud.

[Traduction]

La sénatrice Erminie Cohen a représenté la même région du Nouveau-Brunswick que moi, Saint John-Kennebecasis. Pour tout dire, je suis arrivé ici après son départ à la retraite et j’ai pris le siège qu’elle a laissé. Lors de sa dernière intervention au Sénat, la sénatrice Cohen a dit :

[...] j’en suis venue à considérer le Sénat et ceux qui y siègent des deux côtés de la Chambre comme une communauté exceptionnelle dans ce merveilleux pays qui est le nôtre.

Elle avait raison. Le Sénat est une communauté exceptionnelle et nous sommes tous particulièrement privilégiés d’en faire partie.

Comme membres de cette communauté, nous avons l’obligation, selon la sénatrice Cohen, de :

[...] persévérer dans la lutte sans fin visant à assurer la prospérité et le bien-être de tous les Canadiens.

Selon un autre de mes prédécesseurs du Nouveau-Brunswick, nous sommes très bien placés pour faire ce travail. Louis J. Robichaud, après avoir été premier ministre de ma province, a siégé en cette enceinte pendant 27 ans. En rédigeant mon allocution, je me suis demandé ce que ce distingué homme politique et proche ami avait à dire en quittant le Sénat, chers collègues, en octobre 2000, un an seulement avant mon arrivée. Le sénateur Robichaud a tenu, lors de sa toute dernière séance, à décrire ce qui rendait notre assemblée spéciale :

[...] ceux qui préconisent l’élection d’un Sénat, à mon sens, font erreur, parce que si tel était le cas, les sénateurs deviendraient des politiciens encore plus enragés qu’ils ne le sont actuellement. Les sénateurs sont pondérés parce qu’ils sont nommés sans être élus, pour un certain temps. Ils sont capables de réfléchir et n’ont pas peur d’exprimer leurs convictions en tout temps. Ils ne sont pas aveuglés par des considérations purement politiques [...]

Ainsi, le Sénat est depuis longtemps caractérisé par le fait que ses membres sont moins partisans et plus indépendants que les députés de la Chambre des communes.

Comme l’a dit la sénatrice Cohen, nous sommes une communauté exceptionnelle, mais aussi petite. Les autres corps législatifs comptent des centaines de membres. La Chambre des communes compte 338 députés. Au Parlement qui a servi de modèle au nôtre — la mère de tous les Parlements, au Royaume-Uni —, la Chambre des communes compte 650 députés et la Chambre des lords compte 793 lords. Par contraste, ici, nous sommes généralement moins de 100.

(1430)

Nous avons pour tâche de faire tout notre possible pour assurer le bien-être et la prospérité de nos quelque 37 millions de concitoyens. Voilà une responsabilité de taille pour le petit groupe que nous sommes. Notre Règlement voit à ce qu’aucun sénateur ne puisse être laissé pour compte ou négligé tandis que nous accomplissons ce travail.

Depuis toujours, on s’attend à ce que les sénateurs travaillent ensemble dans un esprit de collégialité et mettent de côté leurs différences personnelles et partisanes dans l’intérêt public. Avons-nous des différences d’opinions? Bien sûr. Les sénateurs ont toujours eu des points de vue différents quant à la meilleure chose à faire pour les Canadiens, et ils en auront toujours, c’est certain. Nous avons des points de vue différents parce nous avons tous eu des cheminements différents avant d’arriver au Sénat.

Comme vous le savez, j’ai étudié en génie, puis en droit. J’ai passé mes années de formation au Collège militaire royal de Saint-Jean et au Collège militaire royal de Kingston. J’ai pu mettre cette expérience à profit au Sénat. Pendant ma première année ici, le Sénat a créé le Comité de la sécurité nationale et de la défense, ainsi que le Sous-comité des anciens combattants, et j’ai eu l’honneur de siéger à ces deux comités. J’ai aussi eu l’honneur d’être membre de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN et d’y occuper le poste de vice-président international pendant un mandat.

En tant que parlementaires, nous avons le devoir — non seulement envers le pays et la population canadienne, mais aussi envers les gens en-dehors de nos frontières — de promouvoir la démocratie et l’action collective et d’accroître la sécurité personnelle de chacun, peu importe où on se trouve dans le monde.

J’ai été nommé au Sénat moins d’un mois après les horribles événements du 11 septembre. Le Sénat, par le biais de l’étude préalable, a grandement contribué à la réponse législative immédiate du Canada à ce terrible événement. J’ai été fier de servir au sein de deux comités spéciaux — l’un en 2004, l’autre en 2012 — qui ont été établis par la suite afin de surveiller l’application des lois antiterroristes.

L’Assemblée parlementaire de l’OTAN a joué un rôle important pour réagir à la menace terroriste émergente, en organisant 29 réunions de parlementaires des pays membres de l’OTAN, où étaient mises en communs des pratiques exemplaires et des idées pour l’avenir.

Honorables sénateurs, le Canada n’est pas un silo. Nous vivons dans un pays qui est un membre estimé et influent de la communauté internationale et qui, partant, a des responsabilités envers elle. Nous ne sommes peut-être pas d’accord sur le rôle qu’il nous faut jouer, mais il devrait y avoir des questions sur lesquelles nous sommes d’accord.

J’ai reçu mon diplôme du Collège militaire en 1968. Les élèves officiers y apprenaient, entre autres, les valeurs que sont la vérité, le sens du devoir et le dévouement. Ces valeurs s’appliquent également à tous les sénateurs. Nous servons les Canadiens afin de rendre leur vie aussi enrichissante que possible.

Nous avons le devoir d’être honnêtes et intègres envers les Canadiens et de prendre les décisions qui s’imposent sur le plan juridique et moral. Si nous voulons mériter de voir notre nom précédé du titre « honorable », nous devons être honnêtes et intègres les uns envers les autres.

Dans les forces armées, l’honnêteté et l’intégrité entre les membres d’une unité sont d’une importance capitale, car, sans cela, les conséquences peuvent être fatales. Si l’honnêteté et l’intégrité sont compromises au Parlement, c’est le bien-être des Canadiens qui en souffre, car les parlementaires seraient alors préoccupés davantage par leurs propres luttes internes que par les besoins des Canadiens.

Il a beaucoup été question des changements fondamentaux qui, selon certains, seraient nécessaires pour que nos règles et nos procédures reflètent mieux ce qu’on appelle la nouvelle réalité de cette Chambre et pour que les travaux de cette assemblée se déroulent plus efficacement.

J’ai témoigné devant le Comité de la modernisation à deux occasions. J’invite les honorables sénateurs qui souhaitent se pencher de plus près sur le sujet à examiner mon témoignage. Cela dit, je me demande simplement s’il serait possible de rendre le processus législatif plus efficace. La réponse est oui. Le pouvoir exécutif du gouvernement serait-il heureux que le Sénat étudie plus efficacement les projets de loi qui lui sont envoyés? Bien sûr que le Cabinet en serait heureux. Cependant, quel en serait le coût pour l’indépendance du Sénat et pour le pouvoir que chacun d’entre nous possède actuellement en tant que membre de cette assemblée et de cette petite communauté? C’est la question que nous devons nous poser.

Je crains qu’on n’ait ni examiné ni mesuré suffisamment les conséquences que pourrait entraîner la recherche de gains d’efficience. Certains en ont peut-être pris la pleine mesure et, de ce fait, les favorisent. L’avenir nous dira ce qu’il en est. Néanmoins, je rappelle que nous devons tous convenir que le but d’un second examen objectif n’a jamais été d’accroître l’efficience et la rapidité mais plutôt d’améliorer les résultats.

Quoi qu’il en soit, c’est une question que le Sénat du Canada devra se poser dans l’avenir. Je vous laisse le soin de relever ces défis. Toutefois, je suis préoccupé au sujet du temps, de l’énergie et des ressources que nous consacrons à faire de l’introspection au sujet de notre institution et de son fonctionnement.

Nous formons un petit groupe dont la mission ultime consiste à veiller au bien-être de 37 millions de nos concitoyens. Les Canadiens souhaitent à juste titre que nous nous concentrions sur leur milieu de vie et non sur notre milieu de travail. Voilà ce que devrait être notre priorité.

Lorsque j’ai été nommé au Sénat il y a plus de 18 ans, j’y suis arrivé à titre de membre du Parti libéral qui était alors au pouvoir. Bien des choses ont changé depuis. Je quitte aujourd’hui le Sénat en tant que chef et fier membre du groupe progressiste du Sénat. Ce groupe a été créé pour rassembler les sénateurs progressistes aux idées libérales qui estiment que le gouvernement a un important rôle à jouer dans la vie des Canadiens, notamment pour leur bien-être. Les progressistes sont inspirés par le mot algonquin mamidosein, qui signifie à la fois « lieu de rencontre » et « marcher ensemble ».

La Charte canadienne des droits et libertés inclut la liberté d’association au nombre des libertés fondamentales. À mon humble avis, il est souhaitable que des personnes partageant des vues similaires souhaitent s’associer au sein d’un organe législatif pour poursuivre le bien commun. C’est ainsi que fonctionnent les organes législatifs partout dans le monde, sauf s’ils se trouvent dans un État à parti unique.

(1440)

Je me réjouis donc de la création du groupe progressiste, et je suis tout aussi heureux que ma bonne amie la sénatrice Jane Cordy ait accepté d’en être la leader. Le sénateur Dennis Dawson sera le leader adjoint et le sénateur Terry Mercer sera le whip du groupe.

[Français]

Je voudrais conclure mes propos aujourd’hui en remerciant tout d’abord le très honorable Jean Chrétien de m’avoir donné la chance remarquable de servir les Canadiens en tant que membre du Sénat du Canada. Je lui en suis très reconnaissant.

[Traduction]

Je remercie également mes collègues, des deux côtés du Sénat, pour toutes ces années de camaraderie et d’amitié. Grâce à vous, ma vie ici a été intéressante et parfois exigeante. Je tiens à remercier tous les membres du personnel qui m’ont soutenu avec professionnalisme et loyauté pendant toutes ces années...

Des voix : Bravo!

Le sénateur Day : ... en particulier Cindy McCavour, qui m’a suivi tout au long de ma carrière ici — merci — et Len Kuchar, qui prendra sa retraite. Je ne sais pas si sa décision aurait été la même si les circonstances avaient été différentes, mais il prend sa retraite après 35 ans au Sénat. Len a commencé sa carrière ici comme messager. Il a travaillé avec Allan J. MacEachen et pratiquement tous les leaders du caucus libéral au fil de ces 35 années. Si vous avez la chance de visiter son bureau à l’étage — faites vite, nous partirons très bientôt —, vous pourrez voir les photographies des gens avec qui il a travaillé.

Merci, Len.

Enfin, je remercie tous les greffiers et les pages. Vous êtes des gens formidables. Chasse, prenez soin des pages. Monsieur Denis, je sais que vous avez une excellente équipe et que vous continuerez de faire du bon travail, avec le Président, comme par le passé.

Merci beaucoup à vous tous.

Des voix : Bravo!

L’honorable Andrew Scheer, c.p.

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Honorables sénateurs, comme vous l’avez probablement entendu ou vu à la télévision, notre chef, Andrew Scheer, a annoncé plus tôt aujourd’hui qu’il quittera son poste de chef du Parti conservateur et de chef de l’opposition officielle dès que son remplaçant sera élu.

Personnellement, je suis déçu d’apprendre cette nouvelle, mais je comprends qu’il a soigneusement pesé ses options et qu’il estime avoir pris la bonne décision pour lui, sa famille et le parti.

Je connais Andrew Scheer depuis de nombreuses années. Je veux prendre un instant pour le remercier de ses années de service comme chef du Parti conservateur et saluer toutes ses contributions au parti et au pays.

Quiconque connaît Andrew un tant soit peu sait qu’il est un homme qui ne cesse de surprendre les gens. Il s’est joint à notre parti politique alors qu’il était adolescent. En 2004, il s’est présenté contre le député néo-démocrate Lorne Nystrom. M. Nystrom était député depuis 25 ans, et très peu de gens croyaient qu’Andrew pouvait le battre. Par conséquent, quand Andrew a remporté le siège, personne n’était plus surpris que lui.

Quelques années plus tard, en 2011, il a été élu Président de la Chambre des communes, devenant du coup le plus jeune Président de l’histoire de la Chambre. En 2017, M. Scheer a été élu chef du Parti conservateur. À ce titre, il a guidé le parti tout au long de la campagne électorale de 2019, remportant le vote populaire et réalisant un gain de 22 sièges le jour du scrutin. Les chefs de parti politique ont l’habitude de composer avec les critiques, mais je crois que M. Scheer est probablement le premier chef de l’histoire à qui l’on ait reproché d’être trop gentil et trop souriant.

Voilà le véritable Andrew Scheer : un homme qui aime sa famille, qui aime son pays et qui se dévoue à son service pour que le Canada réalise son plein potentiel. Chers collègues, je vous invite à vous joindre à moi pour remercier Andrew Scheer de tout ce qu’il a fait pour notre pays, de même que pour lui souhaiter, ainsi qu’à Jill et à toute leur famille, un très joyeux Noël, à la fois paisible et reposant.

Des voix : Bravo!

L’honorable Joseph A. Day

L’honorable Mary Coyle : Honorables sénateurs, je prends la parole pour porter un message en hommage à notre estimé collègue du Nouveau-Brunswick, qui a aussi été mon compagnon de voyage dans l’Arctique, l’honorable Joe Day. L’hommage que je porte est celui de notre ancien collègue sénateur — l’ami de Joe et le mien —, le lieutenant-général Roméo Dallaire. Voici le message que le général Dallaire vous adresse :

La première journée où je suis arrivé au Sénat, j’ai été impressionné par l’ambiance historique qui se dégageait de son enceinte et par les magnifiques tableaux qui brossent des portraits du passé. On m’a conduit à ma banquette, et qui était assis derrière moi? Nul autre qu’un de mes aînés au collège militaire, Joe Day. Il n’était plus élève-officier ni avocat, mais bien sénateur. J’ai me suis alors senti très confiant de voir mon aîné — même si c’est par très peu —, mon collègue et mon fidèle ami à mes côtés.

[Français]

Pendant 10 ans, Joe et moi avons occupé ces sièges. De temps en temps, nous avons eu de grands débats pour faire avancer notre démocratie et, quelques fois, nous avons ri ensemble d’arguments frivoles qui étaient présentés au Président du Sénat.

[Traduction]

Quelquefois aussi, mon vieux copain militaire et moi déplorions ensemble le prix que fixaient le Sénat et l’autre endroit pour obtenir la paix, souvent au détriment des familles et des militaires qui doivent ensuite vivre avec ces décisions de vie ou de mort.

Le sénateur Joe Day a servi son pays avec ardeur, et son éthique de travail exemplaire, son sens du devoir et son souci du détail allaient bien au-delà de ce qu’on attend normalement des membres de la Chambre haute. Joe, qui a fait partie d’un certain nombre de comités, ne rechignait jamais à l’ouvrage, et il n’y en avait pas un comme lui pour tenir les messagers occupés. Le sénateur Joseph Day n’a jamais renié ses racines militaires non plus, puisqu’en plus de siéger au Comité de la défense, il a aussi consacré une bonne partie de son cœur et de son énergie à son alma mater ainsi qu’aux hommes et aux femmes des Forces armées canadiennes.

[Français]

Au fil des ans, il n’a jamais perdu son sens de l’humanité ni sa passion à servir notre pays et son peuple. Le sénateur Joe Day est un homme qui a servi de façon honorable et honnête, avec tous les talents que Dieu lui a donnés.

[Traduction]

Joe Day me manque, et il manquera aussi au Sénat. Cela dit, je ne doute pas un instant que ses compatriotes sauront le remercier, car il n’y a personne qui mérite autant les éloges de ses collègues du Sénat et la reconnaissance des Canadiens que Joseph Day.

Sénateur Day, je vous laisse sur cet hommage de votre ami et frère d’armes, Roméo Dallaire.

[Français]

Merci bien à notre collègue et ami.

(1450)

[Traduction]

La Journée mondiale des sols

L’honorable Robert Black : Honorables sénateurs, j’interviens aujourd’hui pour souligner la Journée mondiale des sols, qui a eu lieu le 5 décembre dernier. Certains d’entre vous ont peut-être remarqué que, depuis un certain temps, je parle très souvent de l’importance des sols. Sachez que je vais continuer de le faire encore longtemps.

Je crois que la dégradation des sols risque de devenir l’un des plus grands problèmes de notre époque. Je pense aussi que, en s’attaquant aux problèmes touchant les sols, on pourra contribuer considérablement à la lutte contre les changements climatiques. En 2019, le thème de la Journée mondiale des sols était : « Empêchons l’érosion des sols, protégeons notre avenir ». Ce message résume très bien la situation. Les sols jouent un rôle crucial dans les efforts déployés pour garder en santé les écosystèmes et pour nourrir le monde. Les aliments que nous sommes nombreux à tenir pour acquis dans notre vie quotidienne n’existeraient pas sans les sols. Des sols sains produisent des récoltes saines, qui, à leur tour, permettent au bétail et aux êtres humains d’être en santé. Compte tenu de la diminution des sols sains utilisables, il pourrait y avoir pénurie d’aliments dans le monde. Les sols constituent une ressource naturelle importante, mais cette ressource est limitée.

Nous ne traitons pas toujours les sols avec tous les soins voulus, en partie parce que nous ne sommes pas toujours conscients de la gravité de la situation et en partie parce qu’il est très difficile de changer nos façons de faire les choses si nous ne percevons pas d’avantages immédiats.

En même temps, nous constatons ces dernières années les conséquences de la dégradation des sols et des changements climatiques. Ici comme ailleurs dans le monde, les phénomènes météorologiques extrêmes tels que les inondations majeures, les ouragans, les canicules, les incendies de forêt et les tornades sont de plus en plus fréquents. La dégradation des sols relâche du dioxyde de carbone dans l’atmosphère, ce qui contribue à l’effet de serre et provoque ces phénomènes météorologiques violents.

Cela dit, il n’est pas trop tard pour changer les choses. Le gouvernement et les organismes responsables doivent montrer la voie en matière de gestion des sols en participant à la protection et à l’assainissement des sols.

J’invite chacun de nous à se retrousser les manches et à faire ce qui s’impose tandis qu’il est encore temps. La Journée mondiale des sols est un rappel important du rôle crucial que les sols jouent dans notre vie. Le gouvernement de l’Ontario et d’autres administrations publiques font des pas dans la bonne direction. Toutefois, le gouvernement fédéral peut et doit faire beaucoup plus relativement à la santé des sols. Comme vous le savez peut-être, j’espère que le Sénat pourra prochainement mener une étude sur le sujet. Je suis impatient de voir le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts reconstitué pour que nous puissions nous attaquer à cet important dossier ainsi qu’à d’autres questions qui concernent l’ensemble des Canadiens. Cessons de tenir pour acquise cette précieuse ressource et faisons tout en notre pouvoir dès maintenant afin de la préserver pour notre bien à tous et pour le bien de notre planète.

Il est temps d’agir. Merci.

Des voix : Bravo!

[Français]

L’École Polytechnique de Montréal

La commémoration de la tragédie

L’honorable Pierre-Hugues Boisvenu : Honorables sénateurs, il y a 30 ans, le soir du 6 décembre 1989, 14 jeunes femmes ont été brutalement assassinées à l’École Polytechnique de Montréal, et 14 autres ont été grièvement blessées. Quatorze femmes tuées parce qu’elles étaient des femmes. Ces femmes étaient, comme le dit l’expression québécoise, dans la fleur de l’âge. Elles vivaient le printemps de leur vie. Elles s’épanouissaient dans l’espoir de vivre leur rêve d’obtenir leur diplôme en génie mécanique dans cette remarquable institution universitaire. Elles incarnaient l’espoir pour leur famille, pour leur province, pour leur pays. Ce soir-là, quand leurs cœurs ont cessé de battre, tout le Québec et tout le Canada ont ressenti leur douleur et leur souffrance.

Depuis, tous les 6 décembre, lorsque nous pensons à ces 14 jeunes femmes, nous nous rappelons aussi celles qui sont mortes à la suite d’actes de violence familiale commis au cours des 30 dernières années. C’est pourquoi le 6 décembre 1989 demeurera pour toujours une date sombre, gravée dans l’histoire canadienne. Trente hivers plus tard, chaque semaine, une femme est assassinée au pays par son conjoint ou ex-conjoint. Pas plus tard qu’hier, à Montréal, une mère de famille et ses deux enfants ont été découverts assassinés, une fois encore, une fois de trop.

Depuis 1989, c’est au-delà de 1 000 femmes et enfants qui ont été assassinés au Québec seulement. Une femme sur trois vivra au cours de sa vie une forme de violence, quelle qu’elle soit. Les risques sont encore plus élevés pour les femmes et les filles autochtones. Pour bien des familles de victimes, dont je fais partie, décembre est un mois douloureux. C’est une période de l’année propice au recueillement, pour se souvenir de ces précieux moments de bonheur que l’on aimerait tant revivre avec nos mères, nos sœurs et nos filles assassinées. Toutefois, décembre est aussi une période d’espoir qui nous permet d’envisager de changer les choses, pour sauver la vie des femmes et des filles de demain, pour prolonger le printemps de leur vie qui a brutalement pris fin à cause d’un meurtre.

Ayons une pensée pour toutes celles qui nous ont quittés tragiquement en 2019. Pensons aux trop nombreuses femmes et filles qui vivent ou ont vécu de la violence, de l’intimidation et des agressions sexuelles, y compris celles qui ont travaillé au Sénat, et qui y travaillent peut-être encore actuellement, qui auraient dû être mieux protégées et qui méritent que justice soit faite à leur égard de la part de notre institution.

Gardons dans nos cœurs le souvenir de ces femmes qui nous ont quittés. Protégeons mieux celles qui sont les plus vulnérables et qui demandent de l’aide. Les commémorations sont importantes, mais agir en vue de corriger et d’améliorer les choses est encore plus important. Partageons l’amour qu’elles nous ont laissé en travaillant ensemble, peu importe nos allégeances, pour que leurs vies n’aient pas été détruites inutilement.

Merci, et je tiens à vous souhaiter un très joyeux Noël.

L’honorable André Pratte

L’honorable Julie Miville-Dechêne : Honorables sénateurs, comme c’est la saison des hommages, je tiens à souligner dans cette Chambre la grande contribution au Sénat de notre collègue, l’ex-sénateur Pratte, qui a démissionné le soir des élections. Son départ est une grande perte pour la Chambre haute et pour le Groupe des sénateurs indépendants. Je perds du même coup un ami. Nous partagions le même passé journalistique, et donc souvent les mêmes réflexes. André a fait partie de la première version du Groupe des sénateurs indépendants. Tout semblait alors possible. Il s’est attelé à la tâche avec ferveur; il y a cru. C’est un être entier. Il a parrainé quatre projets de loi, écrit et prononcé près de 60 discours en trois ans et demi, des discours sur tous les sujets, de l’aide médicale à mourir aux pipelines, en passant par les armes à feu, la liberté d’expression, sans oublier la fameuse doctrine de Salisbury.

Vous avez tous constaté sa capacité de synthèse et d’analyse, sa rapidité, ses références historiques nombreuses. S’il fallait qu’un chroniqueur attaque le Sénat dans les journaux du matin, qu’à cela ne tienne, nous recevions tous, dès 8 heures, la réponse d’André, en français et en anglais, bien tournée et déjà envoyée aux journaux pour publication. André dormait-il parfois? Je me suis posé la question.

Sur une note plus personnelle, le sénateur Pratte m’a épaulée à deux occasions, depuis ma nomination, lors de débats sur des enjeux que j’ai défendus. Lors du débat sur la motion no 410 sur l’importance des services en français pour les Franco-Ontariens, André a participé à l’écriture, il est monté au front, il a tenté de convaincre les conservateurs, car il cherchait toujours le compromis.

Sur le projet de loi C-48, André Pratte a repris le flambeau avec le sénateur Sinclair. Ils ont proposé un compromis original qui ralliait les sénateurs indépendants. Peine perdue, le gouvernement a rejeté notre amendement. Cela a fait partie des déceptions qui ont pesé dans la décision d’André Pratte de quitter notre enceinte, une décision qui m’a ébranlée, car son analyse des maux du Sénat est, comme toujours, franche, juste et sans complaisance.

Je souhaite bonne route à notre cher collègue. André, merci pour tout.

[Traduction]

Le décès de William (Bill) McKnight, c.p.

L’honorable David Tkachuk : Honorables sénateurs, l’honorable Bill McKnight a joué beaucoup de rôles dans sa longue vie. Du début à la fin, il a été un ami des Premières Nations. Avant d’être député, il était quelqu’un qui allait saluer ses voisins et les écoutait. Avant d’être ministre d’État, il présentait notre point de vue à la Chambre des communes et à son caucus à Ottawa. Une fois ministre, tant aux Affaires indiennes que dans plusieurs autres ministères, il a amené un vent de fraîcheur. Ce n’est pas moi qui le dis. C’est l’opinion qu’ont exprimée George Lafond, de la nation crie du lac Muskeg, et l’ancien sous-ministre de Bill, Harry Swain, dans une lettre qu’ils m’ont écrite après le décès de Bill McKnight, le 4 octobre 2019.

(1500)

Au sein d’un des gouvernements dirigés par Brian Mulroney, Bill s’est battu pour les traités de l’Arctique et il s’est appuyé sur la Charte pour concrétiser le plus ambitieux traité de l’époque et peut-être même à ce jour, un traité qui reconnaît l’autodétermination des Inuits dans l’Arctique de l’Est.

C’est Bill McKnight et le premier ministre Grant Devine, en Saskatchewan, qui ont convaincu le gouvernement Mulroney de signer un accord territorial historique avec les Premières Nations de la Saskatchewan. Celui-ci a été signé en 1992 par le gouvernement néo-démocrate, qui avait remplacé les conservateurs en 1991.

Bill McKnight a aussi été ministre du Travail et de la Diversification de l’économie de l’Ouest, et il terminé sa carrière au poste de ministre de la Défense nationale, pendant la guerre du Golfe, ce qui était tout à fait désigné pour lui, puisqu’il était un agriculteur de Wartime, en Saskatchewan. Il a représenté la circonscription de Kindersley—Lloydminster de 1979 jusqu’à sa retraite, en 1993.

Avant de devenir député, il était très impliqué dans la région d’Elrose, où il a été entraîneur de hockey et de baseball et où il a siégé au conseil scolaire local. Il était marié et a eu deux enfants, Rob et Torrie, avec sa femme, Bev. Il a passé les années 1970 à aider à bâtir le Parti progressiste-conservateur de la Saskatchewan, dont il était le président et directeur de campagne lors de l’écrasante victoire des conservateurs, en 1982.

Stephen Harper a nommé Bill commissaire aux traités en 2007, un poste tout désigné pour un homme qui, lorsqu’il était ministre, avait grandement contribué à convaincre le gouvernement fédéral de lancer la Commission royale sur les peuples autochtones. Je citerai George Lafond au sujet des travaux de la commission :

Cette douloureuse excavation de cinq ans qui a mis au jour des préjudices actuels et passés ne s’est pas déroulée sans larmes, mais le rapport n’a pas suscité beaucoup de réactions de la part du gouvernement en place.

Je précise que le gouvernement dont il parle était le gouvernement qui a suivi celui de Brian Mulroney.

Après sa carrière politique, Bill a ouvert un restaurant Kenny Rogers Roasters avec son fils, il a siégé à de nombreux conseils d’administration et il a été très actif en affaires. C’était un vrai fils de la Saskatchewan : une personne sans prétention, amicale, qui aimait sa famille, son pays et son prochain. Par ailleurs, il a été chef honoraire de la nation crie du lac Muskeg.

Veuillez vous joindre à moi, honorables sénateurs, pour exprimer nos plus sincères condoléances à l’épouse de Bill, Bev, à ses enfants, Rob et Torrie, aux conjoints de ceux-ci ainsi qu’à ses petits-enfants et à ses arrière-petits-enfants.


AFFAIRES COURANTES

La commissaire à l’information

Dépôt des rapports annuels de 2018-2019

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, les rapports annuels du Commissariat à l’information du Canada pour l’exercice qui s’est terminé le 31 mars 2019, conformément à la Loi sur l’accès à l’information, L.R.C. 1985, ch. A-1, art. 94 et à la Loi sur la protection des renseignements personnels, L.R.C. 1985, P-21, art. 72.

[Français]

Le directeur général des élections

Dépôt des rapports annuels de 2018-2019

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, les rapports annuels du directeur général des élections pour l’exercice qui s’est terminé le 31 mars 2019, conformément à la Loi sur l’accès à l’information, L.R.C. 1985, ch. A-1, art. 94 et à la Loi sur la protection des renseignements personnels, L.R.C. 1985, P-21, art. 72.

[Traduction]

Le vérificateur général

Coût des audits des sociétés d’État—Dépôt du rapport

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport du vérificateur général du Canada au Parlement du Canada intitulé Coût des audits des sociétés d’État, conformément à la Loi sur la gestion des finances publiques, L.R.C. (1985), ch. F-11, par. 147.

La Directive en matière d’évaluation environnementale et sociale d’Exportation et développement Canada—Dépôt du rapport

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport du vérificateur général du Canada au Parlement du Canada sur la Directive en matière d’évaluation environnementale et sociale d’Exportation et développement Canada, conformément à la Loi sur l’expansion des exportations, L.R.C. (1985), ch. E-20, par. 21(2).

[Français]

Commentaire sur les audits d’états financiers de 2018-2019—Dépôt du rapport

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport du vérificateur général du Canada au Parlement du Canada intitulé Commentaire sur les audits d’états financiers de 2018-2019, conformément à la Loi sur le vérificateur général, L.R. 1985, ch. A-17, par. 7(5).

Le Conseil du Trésor

Les Comptes publics du Canada—Dépôt du rapport de 2018-2019

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, les comptes publics du Canada pour l’exercice qui s’est terminé le 31 mars 2019, intitulés (1) Volume I— Revue et états financiers consolidés, (2) Volume II— Détails des charges et des revenus, (3) Volume III— Informations et analyses supplémentaires, conformément à la Loi sur la gestion des finances publiques, L.R.C. 1985, ch. F-11, par. 64(1).

Les initiatives fédérales de gestion de la réglementation—Dépôt du rapport annuel de 2018-2019

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport annuel du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada intitulé Rapport annuel pour l’exercice de 2018 à 2019 : Initiatives fédérales de gestion de la réglementation.

[Traduction]

Régie interne, budgets et administration

Présentation du premier rapport du comité

L’honorable Sabi Marwah, président du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration, présente le rapport suivant :

Le jeudi 12 décembre 2019

Le comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration a l’honneur de présenter son

PREMIER RAPPORT

Votre comité, qui est autorisé par le Règlement du Sénat à étudier des questions financières et administratives, a approuvé le Budget principal des dépenses du Sénat pour l’exercice financier 2020-2021 et en recommande l’adoption (Annexes A et B).

Votre comité fait remarquer que le budget proposé se chiffre à 115 563 738 $.

Respectueusement soumis,

Le président,

SABI MARWAH

(Le texte du budget figure en annexe aux Journaux du Sénat d’aujourd’hui, p. 46.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?

(Sur la motion du sénateur Marwah, l’étude du rapport est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

[Français]

Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Première lecture

L’honorable Pierre-Hugues Boisvenu dépose le projet de loi S-207, Loi modifiant le Code criminel (divulgation de renseignements par des jurés).

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Boisvenu, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la séance d’après-demain.)

[Traduction]

Affaires sociales, sciences et technologie

Préavis de motion tendant à autoriser le comité à étudier la prévention du suicide et les besoins en matière de santé mentale des Canadiens

L’honorable Patrick Brazeau : Honorables sénateurs, c’est avec humilité, mais aussi avec une grande fierté que je prends la parole au Sénat aujourd’hui pour proposer ce que je suis sur le point de proposer. Aux milliers de Canadiens qui souffrent de problèmes de santé mentale et qui ont déjà songé au suicide, sachez que moi aussi je me suis senti brisé, mais ce n’est plus le cas aujourd’hui.

Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie soit autorisé à examiner, afin d’en faire rapport, la prévention du suicide et les besoins en santé mentale des Canadiens, l’accent étant mis tout particulièrement sur les hommes et les garçons, et la surreprésentation des peuples autochtones en ce qui a trait au taux de suicide, dès que le comité sera formé, le cas échéant;

Que le comité soumette son rapport final au plus tard le 31 décembre 2020.

(1510)

Les déficiences ou les lacunes des politiques du Sénat

Préavis d’interpellation

L’honorable Lillian Eva Dyck : Honorables sénateurs, je donne préavis que, après-demain :

J’attirerai l’attention du Sénat sur les déficiences ou les lacunes des politiques du Sénat du Canada par rapport à d’autres organes parlementaires sur les comportements de sénateurs individuels qui constituent de l’intimidation, du harcèlement ou de l’inconduite sexuelle qui se produisent pendant les travaux parlementaires.

Le Sénat

Suspension du préavis de motion tendant à modifier le Règlement du Sénat

Consentement ayant été accordé de revenir aux préavis de motions :

L’honorable Tony Dean : Honorables sénateurs, je donne préavis que, dans deux jours, je proposerai :

Que le Règlement du Sénat soit modifié :

1.par substitution du point final de l’article 12-3(2)f) par ce qui suit :

« ;

g) de trois sénateurs et deux membres externes qualifiés pour le Comité permanent de l’audit et de la surveillance. »;

2.par substitution, à l’article 12-3(3), de ce qui suit:

« Membres d’office

12-3. (3) En plus du nombre de membres prévu aux paragraphes (1) et (2), le leader du gouvernement et le leader ou facilitateur de chaque parti reconnu ou groupe parlementaire reconnu sont membres d’office de tous les comités sauf le Comité permanent sur l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs, le Comité permanent de l’audit et de la surveillance et les comités mixtes; à ce titre, le leader du gouvernement est suppléé par le leader adjoint, et le leader ou facilitateur d’un parti reconnu ou d’un groupe parlementaire reconnu, par son délégué. Les membres d’office des comités ont tous les droits et obligations d’un membre de comité, à l’exception du droit de vote.

Restriction relative à la composition

12-3. (4) Aucun sénateur ne peut être à la fois membre du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration et du Comité permanent de l’audit et de la surveillance. »;

3.par substitution du passage de l’article 12-5 qui précède l’alinéa a) par ce qui suit :

« 12-5. Sauf dans le cas des membres d’office, les membres du Comité permanent sur l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs et les membres du Comité permanent de l’audit et de la surveillance, le remplacement d’un membre d’un comité peut s’effectuer au moyen d’un avis remis au greffier du Sénat, qui le fait consigner aux Journaux du Sénat. Cet avis est signé par : »;

4.par substitution, à l’article 12-6, de ce qui suit :

« Quorum des comités permanents

12-6. (1) Sous réserve du paragraphe (2) et sauf autre disposition contraire, quatre membres d’un comité permanent constituent le quorum.

DISPOSITION CONTRAIRE

Article 12-27(2) : Quorum du comité

Audit et surveillance

12-6. (2) Dans le cas du Comité permanent de l’audit et de la surveillance deux sénateurs et un membre externe constituent le quorum, à l’exception de la séance d’organisation, au cours de laquelle trois sénateurs constituent le quorum. »;

5.par substitution du point final de l’article 12-7(16) par ce qui suit :

« ;

Audit et surveillance

12-7. (17) le Comité permanent de l’audit et de la surveillance, qui, dans un esprit d’intégrité, d’indépendance, de transparence et de responsabilisation, est chargé, de sa propre initiative:

a) de retenir les services et diriger les auditeurs externes et les auditeurs internes du Sénat;

b) de superviser les audits internes et externes du Sénat

c) de faire des recommandations au Sénat concernant les plans d’audit interne et externe;

d) de faire rapport au Sénat concernant les audits internes et externes, y compris les rapports d’audit et d’autres questions;

e) d’examiner les plans d’action de l’Administration du Sénat afin :

(i) de veiller à ce qu’ils répondent adéquatement aux recommandations et aux constatations découlant des audits internes et externes,

(ii) de veiller à ce qu’ils soient mis en œuvre de façon efficace;

f) d’examiner les rapports financiers trimestriels et les états financiers vérifiés et d’en faire rapport au Sénat;

g) de faire rapport au moins une fois par an au Sénat avec ses observations et recommandations. »;

6.par adjonction du nouvel article 12-9(3) suivant :

« Audit et surveillance — accès aux informations

12-9. (3) Le Comité permanent de l’audit et de la surveillance peut examiner les délibérations à huis clos d’autres comités du Sénat, y compris toute transcription des réunions, dans la mesure où ces informations ont trait au mandat du Comité de l’audit et de la surveillance. »;

7.par substitution, à l’article 12-13, de ce qui suit:

« Séance d’organisation

12-13. (1) Après la nomination d’un comité, le greffier du Sénat le convoque, dès que les circonstances le permettent, en séance d’organisation au cours de laquelle le comité élit son président.

Président d’audit et surveillance

12-13. (2) Le président du Comité permanent de l’audit et de la surveillance est un sénateur qui n’est pas membre du même parti reconnu ou groupe parlementaire reconnu que celui du président du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration.

Audit et surveillance — nomination des membres externes

12-13. (3) Après avoir élu son président et vice-président, le Comité permanent de l’audit et de la surveillance adopte un rapport au Sénat dans lequel il propose la nomination de deux membres externes qualifiés du comité. Le rapport doit être adopté à l’unanimité des trois sénateurs qui sont membres du comité. Ce rapport doit comprendre des recommandations sur la rémunération des membres externes et leurs dépenses admissibles, qui sont tirées des fonds du Sénat une fois le rapport adopté par le Sénat. »;

8.par substitution, à l’article 12-14, de ce qui suit :

« Participation des non-membres

12-14. (1) Sous réserve du paragraphe (2) et sauf autre disposition contraire, les sénateurs ont le droit d’assister aux séances des comités dont ils ne font pas partie; ils peuvent également participer aux travaux avec voix consultative.

DISPOSITIONS CONTRAIRES

Article 12-28(2) : Participation des non-membres

Article 15-7(2) : Restrictions si un sénateur a fait une déclaration d’intérêts

Article 16-3(6) : Droit de parole aux conférences

Audit et surveillance

12-14. (2) Un sénateur qui n’est pas membre du Comité permanent de l’audit et de la surveillance n’a pas le droit de participer à ses réunions, à moins de comparaître à titre de témoin. »;

9.par substitution du passage de l’article 12-16(1) qui précède l’alinéa a) par ce qui suit :

« 12-16. (1) Sous réserve des paragraphes (2) et (3) et sauf autre disposition contraire, un comité ne peut siéger à huis clos que pour discuter un des sujets suivants : »;

10.par modification de la désignation numérique actuelle de l’article 12-16(2) pour celle de l’article 12-16(3), et par adjonction du nouvel article 12-16(2) suivant :

« Audit et surveillance — réunions à huis clos

12-16. (2) Le Comité permanent de l’audit et de la surveillance se réunit à huis clos lorsqu’il traite des travaux à huis clos d’un autre comité. »;

11.par substitution du passage de l’article 12-18(2) qui précède l’alinéa a) par ce qui suit :

« 12-18. (2) Sous réserve du paragraphe (3) et sauf autre disposition contraire, un comité du Sénat peut se réunir pendant une période d’ajournement du Sénat : »;

12.par adjonction du nouvel article 12-18(3) suivant :

« Audit et surveillance

12-18. (3) Le Comité permanent de l’audit et de la surveillance peut se réunir pendant une période d’ajournement du Sénat. »;

13.par substitution, à l’article 12-22(1), de ce qui suit :

« Conclusions de la majorité des membres

12-22. (1) Sous réserve du paragraphe (7), le rapport d’un comité du Sénat comporte les conclusions approuvées par la majorité des membres. »;

14.par substitution, à l’article 12-22(2), de ce qui suit :

« Présentation ou dépôt

12-22. (1) Sous réserve du paragraphe (8) et sauf autre disposition contraire, le président d’un comité, ou son délégué, présente ou dépose les rapports du comité au Sénat.

DISPOSITION CONTRAIRE

Article 12-31 : Dépôt d’un rapport auprès du greffier »;

15.Par adjonction des nouveaux articles 12-22(7) et (8) suivants :

« Rapports du Comité de l’audit et de la surveillance — contenu

12-3. (7) Le Comité permanent de l’audit et de la surveillance doit inclure dans ses rapports les opinions des membres externes.

Audit et surveillance — dépôt d’un rapport auprès du greffier

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, vous plaît-il que la séance soit suspendue en attendant l’arrivée de Son Excellence la gouverneure générale?

Des voix : D’accord.

(La séance du Sénat est suspendue.)


(1550)

[Français]

La sanction royale

Son Excellence la gouverneure générale arrive et prend place au pied du trône. La Chambre des communes, priée de se présenter, arrive avec son Président.

L’honorable Anthony Rota, Président de la Chambre des communes, adresse la parole à Son Excellence la gouverneure générale, comme suit :

Qu’il plaise à Votre Excellence :

Les Communes du Canada ont voté certains subsides nécessaires pour permettre au gouvernement de faire face aux dépenses du service public.

Au nom des Communes, je présente à Votre Excellence le projet de loi suivant :

Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l’administration publique fédérale pendant l’exercice se terminant le 31 mars 2020 (projet de loi C-2, chapitre 30, 2019)

Que je prie humblement Votre Excellence de bien vouloir sanctionner.

Il plaît à Son Excellence la gouverneure générale de donner la sanction royale au projet de loi.

Les Communes se retirent.

Il plaît à Son Excellence la gouverneure générale de se retirer.


(Le Sénat reprend sa séance.)

[Traduction]

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, le Sénat reprend sa séance.

Nous reprenons les préavis de motion. Le sénateur Dean a la parole.

Le Sénat

Préavis de motion tendant à modifier le Règlement du Sénat

L’honorable Tony Dean : Merci, Votre Honneur, je vais reprendre là où je m’étais arrêté.

12-22. (8) Pendant une période d’ajournement du Sénat, un rapport du Comité permanent de l’audit et de la surveillance peut être déposé auprès du greffier du Sénat; ce rapport est alors réputé avoir été présenté ou déposé au Sénat. »;

16.par substitution, à l’annexe I, du premier paragraphe de la définition de « Comité » qui commence avec les mots « Groupe composé de sénateurs ou de députés, ou de sénateurs et de députés, » par ce qui suit :

« Groupe composé de sénateurs ou de députés, ou de sénateurs et de députés, ou d’autres personnes, nommés par l’une ou l’autre des Chambres afin d’examiner les questions qui lui sont renvoyées ou qu’il est habilité à examiner, notamment des projets de loi. Sauf dans le cas du Comité permanent de l’audit et de la surveillance, un comité du Sénat n’est composé que de sénateurs (à distinguer d’un comité mixte — voir ci-dessous). (Committee) »;

17.en mettant à jour tous les renvois dans le Règlement, y compris les listes de dispositions contraires.

[Français]

Le rapport d’enquête du 28 juin 2019 du conseiller sénatorial en éthique concernant l’ancien sénateur Don Meredith

Préavis d’interpellation

L’honorable Josée Verner : Honorables sénateurs, je donne préavis que, après-demain :

J’attirerai l’attention du Sénat sur le Rapport d’enquête en vertu du Code régissant l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs concernant l’ancien sénateur Don Meredith du conseiller sénatorial en éthique, en date du 28 juin 2019.

(1600)

[Traduction]

L’aide médicale à mourir

Préavis d’interpellation

L’honorable Pamela Wallin : Honorables sénateurs, je donne préavis que, après-demain :

J’attirerai l’attention du Sénat sur :

a)une décision rendue par la Cour supérieure du Québec en septembre 2019 selon laquelle certaines dispositions des lois fédérale et provinciale sur l’aide médicale à mourir sont trop restrictives;

b)un rapport récent du ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec, qui recommande des dispositions autorisant les demandes anticipées d’aide médicale à mourir, soulignant « le devoir moral d’y répondre »;

c)le travail continu et inlassable de Dying with Dignity Canada, organisme sans but lucratif qui défend les intérêts des Canadiens vulnérables concernant leur droit de mourir;

d)les recommandations du rapport de l’Association des académies canadiennes de décembre 2018, mandaté par le gouvernement fédéral, concernant les demandes anticipées d’aide médicale à mourir;

e)l’urgence pour le Sénat d’étudier et de proposer de nouvelles règles concernant les demandes anticipées d’aide médicale à mourir.


PÉRIODE DES QUESTIONS

L’agriculture et l’agroalimentaire

L’exemption du coût de séchage du grain de la taxe fédérale sur le carbone

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Sénateur Harder, au cours des quatre dernières années, j’ai soulevé de nombreuses questions concernant le secteur agricole et agroalimentaire. La période des questions d’aujourd’hui est la dernière à laquelle vous participerez à titre de leader du gouvernement au Sénat. Je vais de nouveau soulever certaines des préoccupations des agriculteurs et voir si la dernière réponse que vous me donnerez est une réponse directe.

Selon Statistique Canada, le revenu agricole net a chuté de presque 10 % en 2018, tandis que les dépenses de fonctionnement ont augmenté de 5,6 %. Bien que 2018 ait été une année difficile pour les agriculteurs, il est difficile de croire que 2019 a été une meilleure année. Partout où on regarde, il y a des problèmes d’accès aux marchés. L’Inde, la Chine, l’Italie, l’Arabie saoudite et le Vietnam font tous obstacle au commerce agricole avec le Canada.

La taxe sur le carbone représente un autre problème. Récemment, l’association manitobaine Keystone Agricultural Producers a souligné que les agriculteurs ont engagé des coûts de séchage du grain inévitables en raison des conditions humides de récolte et que la taxe sur le carbone a aggravé la situation.

Sénateur Harder, en cette période difficile, votre gouvernement aidera-t-il les agriculteurs en exemptant leurs coûts de séchage du grain de la taxe fédérale sur le carbone?

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l’honorable sénateur de sa question. Je suis assez soulagé de pouvoir dire que c’est ma dernière période des questions.

Il a tout à fait raison à propos de l’importance que revêt le secteur agricole pour le Canada et du fait qu’il est actuellement difficile de commercer sur le marché mondial. C’est pourquoi le gouvernement met en œuvre un important programme de diversification du commerce et veille à ce que les marchés bénéficient des meilleurs accords commerciaux.

Le nouvel ALENA qui a été conclu récemment offre un certain degré d’assurance au sein du marché nord-américain. L’ouverture du marché européen et l’accord de libre-échange dans la région Asie-Pacifique, soit l’Accord de partenariat transpacifique global et progressiste, sont très importants pour nous. J’ose dire qu’il est très important pour nous de garantir que les marchés asiatiques autres que les membres du Partenariat transpacifique qui sont actuellement ouverts aux produits canadiens, comme la Chine, le demeurent, même lorsque les relations bilatérales sont tendues.

L’honorable sénateur sait que ce programme de diversification nécessite la coopération des provinces, qui ont un rôle à jouer dans ce dossier, et le gouvernement a la responsabilité de tous les intervenants dans les forums bilatéraux et multilatéraux. J’espère que le gouvernement peut continuer à compter sur l’honorable sénateur d’en face et ses collègues pour appuyer ces initiatives à mesure qu’elles franchissent les étapes du processus parlementaire.

Quant à la question portant précisément sur les répercussions de la tarification du carbone sur le séchage des lentilles et d’autres produits, je peux dire aux honorables sénateurs que la ministre de l’Agriculture et le ministre de l’Environnement sont en train d’examiner cette question pour s’assurer que le soutien prévu est fourni, lorsque c’est nécessaire.

Le sénateur Plett : Je vous remercie de votre réponse. Espérons que cet examen sera terminé dans les plus brefs délais.

L’Organisation mondiale de la santé—Le statut de l’ESB

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Sénateur Harder, les honorables sénateurs se rappellent sans aucun doute, et vous aussi, les répercussions que l’encéphalopathie spongiforme bovine a eues sur notre secteur bovin lorsqu’elle a été détectée en 2003. Beaucoup d’efforts ont été déployés depuis pour que les marchés fermés à notre bœuf soient rouverts. D’ailleurs, le Japon a levé sa dernière restriction au commerce du bœuf canadien en mai dernier seulement.

Sénateur Harder, il y a quelques mois, le gouvernement a manqué la date limite pour demander à l’Organisation mondiale de la santé que les Bureaux de santé animale revoient le statut du Canada à l’égard de l’ESB en 2020 du statut « à risque maîtrisé » au statut « à risque négligeable ».

Sénateur Harder, pourriez-vous vous renseigner et nous dire pourquoi le gouvernement a raté cette occasion d’améliorer notre statut concernant l’ESB, ce qui aurait aidé notre secteur bovin?

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l’honorable sénateur de poser cette question. Je vais, bien entendu, m’informer, et je veillerai à ce que mon successeur fournisse rapidement une réponse étoffée.

L’environnement et le changement climatique

Le gaz naturel liquéfié

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Honorables sénateurs, ma question s’adresse aussi au leader du gouvernement au Sénat.

Sénateur Harder, l’une des premières questions que je vous ai posées en 2016, pendant la période des questions, portait sur le gaz naturel liquéfié, un enjeu absolument crucial pour la Colombie-Britannique, ma province. Je reviens aujourd’hui sur le même sujet pour la dernière question que je vous adresserai en votre qualité de leader du gouvernement au Sénat.

Le Globe and Mail a publié récemment des observations du nouveau ministre de l’Environnement, Jonathan Wilkinson, britanno-colombien comme moi, qui semblaient minimiser le rôle que peut jouer le gaz naturel liquéfié dans l’atteinte de nos cibles de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Depuis plusieurs années, le gouvernement de la Colombie-Britannique fait valoir, peu importe le parti au pouvoir, que nos exportations de gaz naturel liquéfié permettront de réduire la consommation de charbon en Asie, et donc de réduire les émissions à l’échelle mondiale.

Honorable sénateur, pourquoi le gouvernement fédéral accorde-t-il maintenant si peu d’importance au gaz naturel liquéfié alors qu’il y a un an, vous annonciez avec fierté l’approbation du projet de LNG Canada à Kitimat? Qu’est-ce qui a changé?

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l’honorable sénatrice de sa question. Le gouvernement est évidemment très fier, comme tous les Canadiens je crois, de l’investissement d’environ 42 milliards de dollars que représente le projet de Kitimat. Nous espérons grandement que ce ne sera pas à la fois le premier et le dernier investissement d’envergure dans le secteur du gaz naturel liquéfié. L’exportation de gaz naturel liquéfié a, en soi, de la valeur. Cela dit, dans le contexte du dialogue multilatéral international sur les changements climatiques, les discussions portent plutôt sur la façon de distribuer les crédits dans le but de réduire l’intensité des émissions de carbone. Ces discussions se poursuivent.

[Français]

La sénatrice Martin : Hier, nous avons appris que Chevron vendra l’intégralité de sa participation de 50 % dans le projet de terminal de gaz naturel liquéfié (GNL) de Kitimat, plongeant ce projet important dans une grande incertitude. Sénateur Harder, quel impact les paroles du ministre Wilkinson ont-elles sur la vigueur de notre industrie du gaz naturel liquéfié et sur la probabilité que d’autres projets de GNL reçoivent l’approbation du gouvernement actuel?

[Traduction]

Le sénateur Harder : L’honorable sénatrice n’est pas sans savoir que le gouvernement accorde beaucoup d’attention aux nouveaux projets. Il y a des processus en cours et des procédures en place pour traiter de ceux-ci. Je ne ferai pas de commentaires là-dessus, si ce n’est pour dire que le ministre responsable surveille de près tous les investissements potentiels.

Il y aura des changements dans la structure des diverses activités du secteur de l’énergie ainsi que des changements de propriétaire. Il en est ainsi dans le secteur privé. Ce qui importe pour le Canada, c’est que ces investissements portent des fruits et qu’ils soient perçus comme rentables par les actionnaires. Cela se produit surtout lorsque nous — les gens de la classe politique, si je puis dire — rappelons aux investisseurs étrangers à quel point le marché canadien est une destination propice aux investissements et sûre pour ceux-ci.

Les droits de la personne

La stérilisation involontaire des femmes autochtones

L’honorable Yvonne Boyer : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat. Le Comité contre la torture des Nations unies a exigé que le gouvernement canadien produise, au plus tard le 7 décembre 2019, un rapport sur la stérilisation involontaire des femmes autochtones. Comme vous le savez, au cours de la 42e législature, le Comité sénatorial permanent des droits de la personne a entrepris une courte étude sur le sujet, laquelle devrait être reprise dans peu de temps, et le Comité permanent de la santé de l’autre endroit s’est aussi penché sur la question.

(1610)

Dans les deux cas, les témoignages entendus étaient alarmants. Le gouvernement a-t-il respecté l’échéance du 7 décembre pour présenter un rapport au Comité contre la torture des Nations unies? Le leader du gouvernement peut-il informer le Sénat de toute autre initiative entreprise par le gouvernement pour mettre fin à ces violations des droits de la personne?

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie encore une fois la sénatrice de sa question. Je lui suis particulièrement reconnaissant de m’avoir donné un préavis afin que je puisse préparer une réponse appropriée et adéquate.

En ce qui concerne le Comité contre la torture des Nations unies, le Canada entend donner une réponse sur cette question. D’ici là, le nouveau Comité consultatif sur le bien-être des femmes du Canada oriente la réponse concernant cet enjeu et d’autres enjeux qui touchent les femmes et les filles autochtones. Le comité compte des représentants de tous les organismes autochtones nationaux, y compris des organisations de femmes autochtones.

Afin d’accroître la sécurité culturelle et la qualité des services, le gouvernement a pris les mesures suivantes : s’assurer que les femmes des Premières Nations et les Inuites enceintes savent qu’elles ont droit à un compagnon de voyage dans le cadre du Programme des services de santé non assurés; investir dans les services afin de voir au bon déroulement des grossesses et des naissances dans les communautés; investir, pour la première fois, dans les services des sages-femmes dans les communautés des Premières Nations et dans les communautés inuites. Il faut une collaboration entre tous les ordres de gouvernement et les professionnels de la santé des services sociaux pour que toutes les femmes autochtones reçoivent des soins de santé adaptés à leur culture. Enfin, les personnes touchées par ce problème qui ont besoin de soutien en santé mentale ou en situation de crise peuvent, en tout temps, communiquer avec la Ligne d’écoute d’espoir pour le mieux-être, par téléphone ou en ligne, au moyen d’un service de clavardage.

La sénatrice Boyer : Merci, sénateur Harder. Pouvez-vous me dire quand le rapport sera terminé et quand il sera disponible?

Le sénateur Harder : Ce sera bientôt, d’après ce que j’ai compris.

L’agriculture et l’agroalimentaire

Le soutien aux industries bovine et laitière

L’honorable Robert Black : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat. Sénateur Harder, comme vous le savez peut-être, l’entreprise Ryding-Regency Meat Packers Limited a récemment fermé son abattoir de Toronto. À cause de cette fermeture, nous avons un excédent de bétail, mais une capacité de transformation insuffisante. Les répercussions se font sentir non seulement en Ontario, mais aussi au Québec, dans les Maritimes, au Manitoba et en Saskatchewan. Il s’agit vraiment d’une question d’intérêt national.

Tout récemment, le gouvernement fédéral a annoncé qu’il donnerait deux ans aux industries bovine et laitière pour appliquer la nouvelle réglementation en matière de transport. C’est évidemment une bonne nouvelle, mais cela ne remédie pas au manque de capacité de transformation.

Sénateur Harder, que fait le gouvernement pour aider les industries bovine et laitière à surmonter cette crise croissante à court et à long termes?

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l’honorable sénateur de sa question. J’en prends note et je m’assurerai qu’une réponse soit fournie.

La santé

La réglementation des liquides à vapoter

L’honorable Jane Cordy : Honorables sénateurs, merci beaucoup à vous tous, enfin, je crois. J’ai l’impression que je me dois de poser une excellente question après vos applaudissements chaleureux.

Sénateur Harder, tout comme nos collègues les sénatrices Petitclerc, Martin et Seidman, qui ont posé des questions sur le sujet mardi dernier, je suis très préoccupée par l’augmentation du vapotage chez les jeunes.

Lorsque nous avons débattu et adopté la Loi sur le tabac et les produits de vapotage, les avantages du vapotage comme outil d’abandon du tabagisme ont été soulignés. En effet, j’en ai moi-même parlé dans les deux discours que j’ai prononcés au Sénat. Cependant, avec le recul — tout est toujours plus clair avec du recul —, je pense que le vapotage est une façon d’initier tout un nouveau segment de la population à la consommation de nicotine. Je suis d’avis que cet aspect a été sous-estimé dans nos débats en cette chambre.

Ce qui est alarmant, c’est que les produits de vapotage qui sont autorisés aux termes des règlements de la Loi sur le tabac et les produits de vapotage peuvent contenir jusqu’à cinq fois la dose de nicotine reconnue comme hautement toxique pour un enfant. Je m’appuie ici sur les données de Santé publique Ottawa. Ainsi, les cigarettes électroniques peuvent contenir de plus grandes concentrations de nicotine que les cigarettes combustibles.

Ma question est donc la suivante. Comme un médecin me l’a expliqué, certains élèves du secondaire développent une dépendance à la nicotine et aux produits de vapotage si sévère qu’ils sont incapables d’assister à leurs cours sans sortir pour vapoter. Compte tenu de cette situation, quelles mesures sont prises pour renforcer les règlements sur l’étiquetage des produits de vapotage et resserrer les limites de nicotine que ces produits peuvent contenir?

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Encore une fois, je remercie l’honorable sénatrice de sa question. J’aimerais simplement répéter ce que j’ai dit en réponse aux questions précédentes.

Premièrement, lorsque nous avons étudié les dispositions législatives, je pense que nous avions tous le souci de déterminer comment adopter une approche équilibrée qui tienne compte du fait que le vapotage peut être à la fois un moyen d’arrêter de fumer et une porte d’entrée vers le tabagisme. Au cours des derniers mois et des dernières années, nous avons eu la chance d’étudier davantage la question afin de faire recommandations éclairées sur les mesures de réglementation à envisager et à mettre en vigueur.

Comme je l’ai annoncé, des discussions sur la réglementation sont en cours avec les intervenants du domaine médical et les professionnels de la santé, et ce dossier est déjà une grande priorité pour la ministre.

La sénatrice Cordy : Merci. À l’heure actuelle, partout au pays, il y a un vide réglementaire que les provinces et les municipalités s’empressent de combler. Par exemple, dans ma province, la Nouvelle-Écosse, on vient d’interdire les produits à vapoter aromatisés.

Ma question est donc la suivante. Quand peut-on s’attendre à ce que Santé Canada donne l’exemple dans ce dossier en proposant un cadre de réglementation national complet afin d’éviter qu’on se retrouve avec différentes réglementations d’une région à l’autre du pays?

Le sénateur Harder : Encore une fois, comme je l’ai indiqué l’autre jour, ce dossier est déjà une grande priorité, et la ministre compte intervenir en temps opportun et dans les meilleurs délais.

[Français]

Les affaires étrangères et le commerce international

La protection des journalistes à l’étranger

L’honorable Claude Carignan : Monsieur le leader, je crois que ce sera la dernière question que je vous poserai en tant que représentant du gouvernement au Sénat. Je pense que je vais m’ennuyer. J’aimais vous poser des questions; je n’étais pas toujours satisfait des réponses, mais cela fait partie du jeu.

Le Journal de Québec rapportait hier qu’au moins 250 journalistes sont derrière les barreaux dans le monde, surtout en Chine. Il s’agit de l’un de ces régimes autoritaires qui tolèrent mal l’indépendance des médias. Beaucoup de journalistes sont accusés d’avoir publié de fausses nouvelles ou d’être des ennemis de l’État. Ce constat a été fait par le Comité pour la protection des journalistes, qui est basé à New York. Le Canada entend-il exercer des représailles auprès de la Chine en raison de l’emprisonnement de journalistes dans ce pays?

[Traduction]

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l’honorable sénateur de sa question, qui me rappelle mes tout premiers jours au Sénat. C’était alors lui mon principal interlocuteur pendant la période des questions, et j’ai toujours trouvé qu’il posait de plutôt bonnes questions, car elles m’obligeaient à réfléchir deux fois à ma réponse. Comme il le disait lui-même, il s’agit après tout de la période des questions, et non de la période des réponses.

La question qu’il nous pose aujourd’hui revêt une grande importance pour les Canadiens, car elle touche à l’essence même des libertés, de l’expression démocratique et des droits de la personne. La manière dont sont traités les journalistes préoccupe non seulement le gouvernement du Canada, mais aussi les parlementaires et la population en général. Je suis toujours épaté par la manière dont les dirigeants canadiens de PEN International réussissent à conscientiser le reste de la planète au sort des journalistes, notamment dans les régimes autoritaires. Ce sujet est souvent soulevé par les sénateurs lors de la journée organisée par PEN International, et c’est très bien ainsi.

Je peux assurer au sénateur que le gouvernement du Canada continue d’aborder les enjeux liés aux journalistes avec les parties fautives et qu’il n’est pas près d’arrêter, mais cela dit, nous devons tous demeurer vigilants, car en révélant à la population ce qui se passe vraiment, les journalistes jouent un rôle essentiel.

Les transports

La route Transcanadienne

L’honorable Diane F. Griffin : Sénateur Harder, j’imagine que ce sera également ma dernière question pour vous puisque le sénateur Plett a posé ma première.

Ma question porte sur l’échéancier des travaux pour l’achèvement de la conversion de la route 185 en autoroute à quatre voies entre Saint-Antonin et Saint Louis-du-Ha! Ha!, au Québec. Ce tronçon de route fait partie de la Transcanadienne et est crucial pour le transport vers le Canada atlantique.

(1620)

Dans son rapport intitulé Fabriqué au Canada : Faire croître le secteur alimentaire à valeur ajoutée au Canada, le Comité sénatorial de l’agriculture et des forêts recommande au gouvernement fédéral de travailler avec le gouvernement du Québec pour entretenir et développer un réseau routier efficace et accélérer l’élargissement à quatre voies de la route dans ce secteur dans le but de réduire les coûts de transport vers le Canada atlantique.

Selon un article paru récemment dans le Telegraph-Journal du Nouveau-Brunswick, le gouvernement du Québec n’a pas l’intention d’accélérer les travaux et prévoit plutôt achever le projet en 2025. Cela représente près de 2 milliards de dollars par année en PIB perdu pour le pays.

Le gouvernement fédéral va-t-il accorder des fonds supplémentaires pour accélérer la construction d’une route qui contribuera à la prospérité économique des habitants des Maritimes?

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l’honorable sénatrice de sa question et je lui suis reconnaissant de m’avoir donné avis de sa question afin que je puisse me renseigner et être en mesure de faire rapport au Sénat.

Le gouvernement comprend clairement l’importance du lien vital dont parle la sénatrice et investit 390 millions de dollars dans le projet d’élargissement à quatre voies de la route 185. Selon lui, un lien routier ininterrompu entre le Québec et le Nouveau-Brunswick est essentiel au programme commercial du Canada et la circulation des personnes entre les provinces maritimes et le Québec.

Bien que le gouvernement soit heureux d’investir aux côtés du gouvernement du Québec, il est important de noter que la gestion du projet et l’établissement des échéanciers relèvent uniquement de la province. Conformément aux pratiques du gouvernement du Canada, le gouvernement ne dicte pas les échéanciers et les étapes des projets à ses partenaires, mais est toujours là pour appuyer les priorités du Québec, le cas échéant. Le gouvernement continuera d’agir ainsi.

Le Sénat

L’enceinte du Sénat

L’honorable Terry M. Mercer : Honorables sénateurs, nous voyons tous les jours se dérouler les travaux de construction dans la Cité parlementaire, surtout ceux d’entre nous qui, comme moi, sont encore dans l’édifice de l’Est. Je me demande si le représentant du gouvernement pourrait nous fournir une mise à jour sur ces activités. Je crois très sincèrement que le sénateur Harder devrait recommander à son successeur de nous tenir régulièrement au courant de la situation. Les gens, en particulier ceux qui résident à Ottawa, nous posent des questions à ce sujet.

Nous recevons à l’occasion des mises à jour par courriel, mais j’aimerais savoir s’il y a eu des découvertes archéologiques à l’occasion des travaux. Je m’inquiète des nombreux éléments patrimoniaux qu’il y a lieu de protéger et des problèmes particuliers que pose le plan de construction et d’autres éléments semblables.

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l’honorable sénateur de sa question. Je recommanderai certainement à mon successeur d’examiner cette proposition.

Je sais que notre propre Comité de régie interne a une responsabilité à cet égard par l’intermédiaire de son groupe de travail. J’ai été heureux de constater, alors que j’assistais ce matin à la séance du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration, qu’il y avait un rapport sur les travaux de ce comité. Si l’on souhaite diffuser plus largement cette information, peut-être même en dehors de la période des questions elle-même, je pense que c’est peut-être la tribune la plus souhaitable. Pour autant, je suis à votre disposition et j’en ferai part à mon successeur.


[Français]

ORDRE DU JOUR

L’ajournement

Adoption de la motion

L’honorable Grant Mitchell (coordonnateur législatif intérimaire du gouvernement au Sénat), conformément au préavis donné le 11 décembre 2019, propose :

Que, lorsque le Sénat s’ajournera après l’adoption de cette motion, il demeure ajourné jusqu’au mardi 4 février 2020, à 14 heures.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

[Traduction]

Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Ajournement du débat

L’honorable Serge Joyal propose que le projet de loi S-202, Loi modifiant le Code criminel (thérapie de conversion), soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs, c’est vraiment ma dernière occasion de m’exprimer au Sénat et je m’en voudrais de ne pas prendre la parole à l’étape de la deuxième lecture de ce projet de loi, même si je sais que c’est jeudi après-midi et qu’il se fait tard. Cependant, puisque la motion du sénateur Mitchell vient d’être adoptée, lorsque je passerai la porte après l’ajournement d’aujourd’hui, ce sera pour moi la fin.

Je tiens vraiment à ce que le Sénat débatte de cette question. En fait, j’estime que le projet de loi S-202 illustre de manière plutôt éloquente ce que les sénateurs peuvent faire de leur initiative personnelle.

Honorables sénateurs, vous vous souviendrez que j’avais présenté le projet de loi S-202, loi modifiant le Code criminel relativement à la thérapie de conversion, le printemps dernier. Le 7 mai, j’ai eu l’occasion d’expliquer en long et en large le but et le fond du projet de loi. Puisqu’il s’agit essentiellement du même projet de loi, je demande votre consentement pour que mon discours du 7 mai soit versé de nouveau dans le hansard d’aujourd’hui. Ainsi, je pourrais concentrer mes observations d’aujourd’hui sur ce qui s’est passé d’après moi depuis la première fois que nous avons abordé ce projet de loi.

Par conséquent, Votre Honneur, pourriez-vous confirmer le consentement du Sénat?

Son Honneur la Présidente suppléante : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

Le sénateur Joyal : Merci, honorables sénateurs. Par conséquent, vous vous rappellerez certainement que l’objet du projet de loi, comme le sommaire l’indique clairement, est d’ériger en infraction la publicité de services de thérapie de conversion offerts moyennant rétribution, ainsi que l’obtention d’un avantage matériel provenant de la prestation d’une thérapie de conversion à une personne âgée de moins de 18 ans — et j’insiste sur les mots « moins de 18 ans ». Ce projet de loi vise essentiellement à protéger les jeunes.

Qu’est-il arrivé depuis que nous avons débattu de cette question? Il y a eu une campagne électorale, et, au cours de celle-ci, les différents partis ont pris position sur la question. Par exemple, je rappelle aux honorables sénateurs que la plateforme du Parti libéral contenait l’engagement suivant :

La thérapie de conversion est une pratique discréditée par le milieu scientifique qui cible des Canadiens LGBTQ2 vulnérables dans le but de changer leur orientation sexuelle ou leur identité de genre. Dans le milieu médical, il existe un consensus international selon lequel la thérapie de conversion n’est pas fondée scientifiquement et ne fonctionne pas.

Il se poursuit ainsi :

Pour veiller à ce que personne ne soit soumis à cette pratique, nous choisirons d’avancer en tenant notre promesse voulant que nous travaillions avec les provinces et les territoires pour mettre fin à la thérapie de conversion au Canada, notamment en apportant des modifications au Code criminel pour interdire, plus particulièrement chez les mineurs, cette pratique dangereuse et désapprouvée scientifiquement.

Autrement dit, ce que je veux illustrer, c’est que lorsque nous amorçons un débat, en présentant un projet de loi d’initiative parlementaire, nous exerçons une influence sur le gouvernement du jour, quel qu’il soit. Je vous invite, honorables sénateurs, à envisager de présenter des projets de loi d’initiative parlementaire. Ce faisant, vous exercerez une influence sur le gouvernement du Canada — même si ce ne sera peut-être pas le jour même ni le lendemain.

Notre collègue, la sénatrice Miville-Dechêne, a rendu hommage à l’ancien sénateur Pratte. Le sénateur Pratte constatait parfois avec impatience que ses amendements n’étaient pas tous acceptés par le gouvernement. Il pensait parfois que c’était une perte de temps. Mais il faut laisser la société absorber les changements qui élargissent les horizons.

(1630)

C’est la façon la plus concrète que j’ai trouvée de présenter cela en termes simples, pour vous afin que vous puissiez réfléchir au privilège que vous avez. C’est le privilège le plus important : vous pouvez présenter des projets de loi. Très peu de Canadiens peuvent le faire. Lorsqu’il a lancé le débat sur la thérapie de conversion, le procureur général et ministre de la Justice, M. Lametti, a commenté la pétition déposée à la Chambre des communes au printemps dernier, mais en fait, la question a été renvoyée aux provinces. Le gouvernement s’est maintenant engagé à aller dans cette direction, et il n’est pas le seul.

Voici ce qu’on peut lire dans le programme du Nouveau Parti démocratique :

En ce qui concerne l’orientation sexuelle et l’expression de genre, des pratiques préjudiciables comme les prétendues « thérapies de conversion » n’ont pas leur place au Canada. Nous allons élaborer un plan d’action pancanadien visant à interdire les thérapies de conversion pour les mineur.es au Canada, et nous allons collaborer avec les provinces et les territoires pour appuyer l’élimination de cette pratique dans toutes les régions du pays.

Voilà donc un autre parti qui s’est engagé à aller dans cette direction. Vous êtes probablement meilleurs que moi en arithmétique, mais si vous additionnez les votes du gouvernement et ceux du NPD, vous obtenez une majorité.

J’étais très heureux lorsque j’ai lu les propos de l’ancien chef du Parti conservateur, publiés dans un article de Global News le 15 juillet dernier, dans lequel on pouvait lire ce qui suit :

Bien entendu, nous défendrons toujours les droits des membres de la communauté LGBTQ et nous protégerons leurs droits et, évidemment, nous nous opposons à tout type de pratique visant à tenter, par la force, de changer l’orientation sexuelle d’une personne contre sa volonté ou des choses comme cela.

J’étais l’homme le plus heureux du monde quand j’ai lu cela, car, je me suis dit: « Voilà un consensus issu du débat. » Je pense que nous avons besoin de ce projet de loi maintenant et je vais vous dire pourquoi. Vous étiez tous ici jeudi dernier pour écouter le discours du Trône. J’étais à l’affût d’un passage ou d’une déclaration qui mentionnerait l’engagement du gouvernement dans ses plateformes. Voici ce que j’ai entendu. Je vais lire ce que Son Excellence la gouverneure générale a dit :

Ils souhaitent tous que leurs parlementaires se retroussent les manches et mènent à bien un plan qui procure des résultats pour tous les Canadiens, y compris les femmes, les membres des minorités visibles et linguistiques, les personnes handicapées, ainsi que les membres des communautés LGBTQ2.

Ce sont de bonnes intentions, mais elles sont vagues, au lieu d’être spécifiques, d’où la nécessité de présenter ce projet de loi. C’est pourquoi je l’ai présenté au début de la semaine : je me suis dit que le gouvernement aurait peut-être besoin de soutien. Le Sénat devrait peut-être continuer de donner l’exemple à cet égard. Je dirais au leader de l’opposition qu’aucun Canadien ne remet en doute qu’Andrew Scheer est une personne honnête et qu’il s’exprime selon ses valeurs. De plus, personne au Canada ne devrait avoir à supporter un fardeau supplémentaire pour s’être exprimé en fonction de ses valeurs religieuses. Sénateur Plett, en tant que personne qui est profondément engagée à l’égard des droits de la personne, je crois que nous devons faire preuve de beaucoup de prudence au Canada si nous voulons nous engager dans le débat politique de cette manière.

Le Canada s’est diversifié sur le plan religieux. Si nous commençons à remettre en question la fiabilité d’une personne en raison de ses valeurs morales religieuses, selon moi, nous irons dans une très mauvaise direction.

Voilà pourquoi j’ai affirmé que M. Scheer était un homme honnête lorsque j’ai lu ses commentaires l’été dernier. Il comprend la distinction entre ses convictions personnelles et la position de la société canadienne envers le respect des droits des individus. J’ai cru qu’il prenait un engagement réel lorsqu’il a fait cette déclaration l’été dernier et, s’il était toujours le chef du Parti conservateur à l’autre endroit, j’aurais encore du respect pour son engagement. Je le crois sur parole. Il faut nous rappeler cela, car, selon moi, ce n’est pas un jour très heureux pour le Canada.

Honorables sénateurs, il faut être conscient que le projet de loi n’empêche personne d’adhérer à ses convictions morales ou religieuses. Le projet de loi n’impose rien à personne. Il laisse à tous le choix de choisir la façon de mener sa propre vie.

Je crois que cette thérapie a été infirmée scientifiquement — c’est-à-dire que personne ne peut en établir l’efficacité. Qui plus est, elle fait du tort à l’intégrité physique de la personne. Nous en sommes au point où il faut l’interdire. Le projet de loi vise à interdire la publicité de tels services et l’obtention d’avantages matériels provenant de leur prestation.

Honorables sénateurs, je soumets ce projet de loi à votre attention. J’espère qu’un autre sénateur poursuivra le débat. Continuons à débattre de ce sujet. Vous pourriez comprendre ce que nous avons vécu lors de la législature précédente. J’ai présenté un projet de loi visant à reconnaître les langues autochtones, et il a fallu trois ans au gouvernement pour présenter son propre projet de loi sur la question, mesure législative que nous avons fièrement adoptée en juin dernier. J’espère que le gouvernement prendra le temps d’examiner le projet de loi à l’étude. J’espère qu’il présentera sa propre mesure législative, et que nous aurons un modèle pour l’évaluer et l’étudier conjointement avec le projet de loi que je vous propose aujourd’hui.

Voilà le Sénat à son meilleur, honorables sénateurs, parce que nous cherchons à favoriser l’évolution dans la bonne direction, tout en respectant pleinement les croyances de tous les Canadiens. Je pense, honorables sénateurs, que vous devriez poursuivre l’étude du projet de loi. C’est en quelque sorte un cadeau que je vous fais sur le plan des droits de la personne. J’espère que vous serez fier de continuer ce débat et d’étudier tout projet de loi d’initiative parlementaire présenté par des sénateurs. L’évolution du Canada est en jeu. Vous avez le pouvoir d’aider ce grand pays à évoluer dans la bonne direction. Vous détenez ce pouvoir. Merci, honorables sénateurs.

Des voix : Bravo!

[Français]

L’honorable René Cormier : Est-ce que l’honorable sénateur voudrait répondre à une question?

Le sénateur Joyal : Oui, si j’ai suffisamment de temps à ma disposition.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Oui.

Le sénateur Joyal : Oui, sénateur Cormier.

Le sénateur Cormier : Honorable collègue, je vous remercie de ce projet de loi qui montre encore une fois votre grand souci, votre grand intérêt et votre grande sensibilité envers les droits de la personne. Je tiens d’abord à vous remercier pour le dépôt de cet important projet de loi, et je peux vous assurer que vous pourrez compter sur moi, notamment, pour poursuivre le travail.

Ma question porte sur l’étendue et la portée de ce projet de loi. Comme je vous ai dit que vous ne seriez pas à la retraite à la sortie de cette Chambre, j’en profite, puisque vous êtes ici, pour vous poser une question. Ce projet de loi vise les personnes âgées de moins de 18 ans. Nous reconnaissons que, dans la société canadienne, ces personnes sont peut-être plus vulnérables que d’autres avant d’avoir atteint l’âge de la majorité. Or, si les jeunes font partie de cette population vulnérable, d’autres groupes de la société sont tout aussi vulnérables, que ce soit, par exemple, les personnes qui souffrent de problèmes de santé mentale ou celles qui sont en situation de dépendance en raison de leur état psychologique ou émotionnel.

À votre avis, monsieur le sénateur, lors de nos travaux sur ce projet de loi — et je pose cette question sans être conscient de toutes les répercussions possibles dans le contexte du Code criminel —, devrions-nous réfléchir à la nécessité d’étendre ce projet de loi à ces populations plus vulnérables que je viens de nommer?

(1640)

Le sénateur Joyal : Merci de poser cette question, sénateur Cormier. Il s’agit d’une question extrêmement importante parce que, comme vous l’avez souligné, ce projet de loi vise à établir un équilibre entre la vulnérabilité dont une personne de 18 ans est présumément susceptible et la vulnérabilité d’une personne qui, par exemple, pourrait souffrir d’une déficience ou qui, pour d’autres raisons, serait exposée à un contexte de vulnérabilité d’une quelconque nature.

Bien évidemment, j’ai conçu le projet de loi de la manière la plus sûre possible, afin qu’il ne puisse faire l’objet d’une contestation judiciaire sur la base de convictions personnelles.

Par ailleurs, comme vous le savez, plusieurs provinces ont déjà légiféré afin de s’assurer que les ordres professionnels des médecins, des psychologues et des psychiatres n’aient pas à pratiquer cette « thérapie » qui, scientifiquement, n’est pas prouvée comme étant efficace, mais qui, au contraire, peut être extrêmement dommageable.

C’est pourquoi on l’a vu dans le programme du Parti libéral et dans le programme du Nouveau Parti démocratique; d’ailleurs, M. Scheer a mentionné qu’il était disposé à considérer le projet de loi du gouvernement, et cela probablement dans le contexte de son extension à d’autres catégories de personnes qui pourraient, elles aussi, être vulnérables. C’est un débat de cette nature que nous pourrions envisager en comité et nous pourrions entendre des représentants des différentes professions en cause. Nous pourrions également entendre les représentants des provinces qui ont une part active à prendre dans le bannissement de cette pratique. Nous pourrions aussi entendre les autres groupes également qui croient que cette pratique devrait être permise.

On peut avoir une opinion différente et ce sera le but de notre comité — de votre comité, devrais-je dire, soit le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles —, puisque l’on parle d’un amendement au Code criminel, visant à former une liste de témoins experts qui devraient être entendus pour déterminer si ce projet de loi peut, constitutionnellement, être étendu à d’autres catégories de personnes vulnérables sans remettre en cause la liberté fondamentale des personnes de choisir pour elles-mêmes. D’ailleurs, vous le constaterez dans le texte même du projet de loi.

[Traduction]

For greater certainty, this definition does not include a surgical sex change or any related service.

[Français]

En français, on dit ce qui suit, et je cite :

Il est entendu que la présente définition ne vise pas le changement chirurgical de sexe ou tout service qui s’y rapporte.

Comme vous le savez, nous avons débattu dans cette enceinte de la question des genres. Nous devons être très réfléchis lorsque nous légiférons sur de telles questions, parce qu’elles empiètent sur d’autres libertés, et il faut s’assurer que, en protégeant un groupe de personnes, on n’affaiblit pas, intentionnellement ou non, le droit d’autres personnes de prendre d’autres genres de décisions et de donner ainsi effet à d’autres genres de décisions.

C’est la raison pour laquelle je vous suggère de renvoyer ce projet de loi au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles afin de pouvoir en déterminer les paramètres.

Ce faisant, vous aiderez le gouvernement à décider lui-même du projet de loi qu’il jugera approprié s’il décide de donner suite à son engagement électoral.

Cependant, puisque le gouvernement est minoritaire — et là, je fais une observation politique — il a probablement beaucoup d’autres projets de loi prioritaires qu’il veut faire adopter avec l’appui de partis de l’opposition. En somme, nous avons l’occasion de définir la voie dans laquelle un projet de loi gouvernemental pourrait se diriger.

(Sur la motion du sénateur Cormier, le débat est ajourné.)

[Traduction]

La Loi sur la capitale nationale

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Ajournement du débat

L’honorable Serge Joyal propose que le projet de loi S-203, Loi modifiant la Loi sur la capitale nationale (bâtiments et autres ouvrages d’importance nationale), soit lu pour la deuxième fois.

—Honorables sénateurs, je regarde l’horloge.

[Français]

Je ne veux pas abuser de votre patience et de votre écoute, mais j’aimerais vous entretenir de la question dont traite le projet de loi S-203, un projet de loi qui modifie la Loi sur la capitale nationale.

[Traduction]

Cet enjeu est lié directement à la question que mon collègue le sénateur Mercer a posée au représentant du gouvernement. Cette question portait essentiellement sur la protection de la Colline du Parlement, de ses ressources archéologiques et de son caractère patrimonial.

J’ai eu le privilège d’être membre du sous-comité du Comité de la régie interne qui a été chargé de superviser les travaux de rénovation de la Colline du Parlement, plus particulièrement de l’édifice du Centre et de l’édifice où nous nous trouvons aujourd’hui. Comme vous tous, j’ai pris connaissance du projet d’agrandissement du Château Laurier, qui se trouve au bout du tunnel. Je ne dis pas « de l’autre côté de la rue », car l’édifice du Sénat entretient un lien organique avec le Château Laurier. J’ai vu l’horreur architecturale qui a été proposée, en particulier le premier plan, qui a amené le maire d’Ottawa, Jim Watson, à comparer le bâtiment à un conteneur qui, évidemment, serait de taille monumentale.

À mon avis, il existe une façon d’aborder cet enjeu. Pendant l’étude menée par le sous-comité présidé avec brio par le sénateur Tannas, du Comité de la régie interne, nous — c’est-à-dire les sénateurs Forest, Munson, Bovey et moi-même — avons demandé quel était le statut de la Colline du Parlement en tant que lieu historique national. On nous a répondu qu’aucune loi canadienne ne prévoit que la Colline du Parlement doit être protégée en tant que lieu historique national.

Un représentant du ministère des Travaux publics est bien sûr venu nous informer que le ministère suit les normes et les lignes directrices relatives à la conservation des lieux historiques du Canada, mais que la Colline du Parlement ne jouit d’aucune protection juridique. De plus, le secteur de la Colline est une véritable jungle en matière de développement : dans les parties de la Colline qui n’appartiennent pas au gouvernement, à l’extérieur de la Cité parlementaire, toutes les initiatives de développement sont possibles. Ainsi, les propriétaires du Château Laurier ont fait valoir que le Château est un hôtel privé et qu’à titre de propriétaires de cet établissement privé, ils peuvent agir à leur guise. Ils peuvent agir à leur guise, à moins, évidemment, que la Ville d’Ottawa refuse d’accorder le permis de construction, ou encore qu’elle impose certaines restrictions. Cependant, la Loi sur la capitale nationale ne confère aucun pouvoir à la Commission de la capitale nationale pour examiner tout projet de modification, de construction, de démolition ou autre — la liste se trouve dans la loi — qui pourrait avoir une incidence directe sur le paysage de la Colline.

(1650)

Cela m’a étonné, car, étant originaire du Québec et très actif lorsqu’il s’agit de protéger le patrimoine — mon collègue le sénateur Massicotte pourrait en témoigner —, j’ai travaillé, au fil des années, avec Phyllis Lambert, du Centre canadien d’architecture, afin de contester de nombreux projets de démolition en plein centre-ville parce que nous étions d’avis que cela changerait complètement la valeur patrimoniale du centre-ville. Quand on sait qu’une ville peut perdre son identité en une génération, on ne peut que se rendre compte de l’utilité de protéger un site ou un édifice patrimonial qui témoigne directement de l’évolution historique ou culturelle d’une ville.

Ainsi, au Québec, l’article 40 de la Loi sur le patrimoine culturel, que je peux vous citer puisqu’il est très court, dit que le ministre peut, après avoir pris l’avis du conseil, délimiter l’aire de protection d’un immeuble patrimonial classé ou d’un site historique national.

Autrement dit, si un ministre provincial détermine qu’une bâtisse est un immeuble patrimonial, il peut définir une aire de protection tout autour, et celle-ci ne doit pas dépasser une distance de 152 mètres. Cela signifie que, si une personne, quelle qu’elle soit, souhaite démolir une bâtisse située à proximité d’un immeuble protégé, son projet pourrait être soumis à une évaluation et devoir ensuite respecter certaines restrictions.

Je vous entends déjà me dire : « Oui, mais cela revient à empiéter sur les droits des propriétaires, parce que si c’est moi le propriétaire du Château Laurier, c’est à moi de décider comment je veux l’agrandir, même si cela doit changer la face de la Colline du Parlement. »

Voilà pourquoi vous avez été saisis de ce projet de loi, qui donnerait à la Commission de la capitale nationale le pouvoir d’adopter des règlements et d’établir les conditions à respecter pour qu’un permis soit délivré aux projets situés à l’intérieur d’un certain périmètre autour de la Colline du Parlement ou d’un lieu historique national donné.

Je vous entends encore : « Oui, mais le Parlement fédéral a-t-il le droit d’accorder ce pouvoir à la Commission de la capitale nationale, car il s’agirait d’une limitation du droit absolu de construire, de modifier, d’ériger ou de démolir quoi que ce soit autour de la Colline du Parlement? » À cela je vous répondrai ceci — et la réponse ne vient pas de moi, mais du célèbre arrêt Munro c. National Capital Commission, rendu par la Cour suprême du Canada en 1966.

La Commission de la capitale nationale a été créée en 1966. Elle avait alors décidé d’établir une ceinture de verdure autour d’Ottawa pour protéger l’avenir de la capitale. Le fait qu’il puisse être exproprié si ses terres se trouvaient dans la ceinture de verdure n’a pas plu à un certain M. Munro, qui a donc contesté le pouvoir d’exproprier qu’une loi du Parlement accordait à la Commission de la capitale nationale. L’affaire est allée en Cour suprême. En 1966, cette dernière est arrivée à la conclusion suivante, que je vais lire rapidement :

Je peux difficilement imaginer l’objet d’une mesure législative qui dépasse plus clairement les intérêts locaux ou provinciaux et qui intéresse davantage le Canada dans son ensemble que celui de l’aménagement, de la conservation et de l’embellissement de la région de la capitale nationale selon un plan cohérent afin de doter le siège du gouvernement du Canada d’un cachet et d’un caractère dignes de son importance nationale.

Le tribunal a reconnu très clairement que la Commission de la capitale nationale a ce pouvoir parce que rien n’est plus symbolique que le siège du gouvernement du Canada. C’est ce qu’a conclu la Cour suprême.

À mon avis, il ne fait aucun doute que la Commission de la capitale nationale peut, grâce à ce projet de loi, avoir le pouvoir de réglementer toute forme de destruction, de démolition ou de modification dans le secteur immédiat de la Colline du Parlement. En fait, la Loi sur le Parlement du Canada définit en ces termes la Colline du Parlement. Je la cite :

Terrains délimités à Ottawa par la rue Wellington, le canal Rideau, la rivière des Outaouais et la rue Kent [et tout édifice ou ouvrage situé sur ceux-ci].

L’édifice du Sénat du Canada est situé au 2, rue Rideau, à Ottawa. C’est là où nous sommes. Dans l’immeuble situé au 1, rue Wellington, dans la ville d’Ottawa, nous avons deux salles de réunion de comité, qui se trouvent pratiquement au sous-sol du Château Laurier. À L’édifice Victoria au 140, rue Wellington, se trouvent les bureaux d’un certain nombre d’entre nous. Dans l’édifice Sir John A. Macdonald, situé au 144, rue Wellington, se tiennent des réunions parlementaires. Dans le voisinage, on a l’édifice de la Confédération, l’édifice de la Justice, qui est immédiatement adjacent, et l’édifice de la Cour suprême du Canada.

C’est ce que le projet de loi définit comme étant la colline du Parlement, et c’est là que la zone de protection serait définie. En d’autres termes, vous auriez le centre, puis un rayon autour de ce centre où toute modification ou tout changement majeur serait soumis à la commission, qui déterminerait ensuite les règlements par lesquels le permis serait accordé.

Honorables sénateurs, selon moi, cela permettra de régler les problèmes posés par l’agrandissement du Château Laurier. Je suis de cet avis, honorables sénateurs, parce que la loi qui régit les sites patrimoniaux au Canada laisse à désirer. On pourrait penser que c’est parce que je suis un partisan de la protection du patrimoine. C’est peut-être le cas, mais je ne suis pas le seul. En fait, il y a aussi des gens à la Chambre des communes qui sont en faveur de la protection du patrimoine. Par exemple, le Comité permanent de l’environnement et du développement durable de la Chambre des communes a mené une étude lors de la 42e législature et a déposé un rapport en décembre 2017, soit il y a deux ans. Je veux citer une phrase très intéressante de ce rapport :

Le Comité a appris au cours de son étude que le Canada était le seul pays du G7 à ne pas avoir adopté une loi pour protéger les lieux historiques et les ressources archéologiques qui relèvent de sa compétence.

La citation est tirée du rapport du comité de la Chambre des communes.

(1700)

Comment a réagi la ministre? Comme vous le savez, un comité qui publie un rapport peut inviter le ministre concerné à donner ses commentaires. Vous vous souviendrez que la ministre McKenna était alors responsable des sites historiques et de Parcs Canada. Elle a répondu au rapport du Comité du patrimoine sous la forme d’une lettre datée du 23 mars 2018, il y a un an et demi. Je vais lire un extrait de la lettre, qui est très instructive :

Ensemble, ces mesures ont contribué à renforcer la conservation de bon nombre de lieux patrimoniaux au Canada. Je reconnais, toutefois, qu’il est possible d’en faire davantage. Notamment, le rapport du Comité souligne l’absence de loi exhaustive en matière de protection des lieux historiques nationaux, des sites archéologiques et d’autres ressources patrimoniales sous responsabilité fédérale. Par conséquent, le gouvernement s’engage à étudier les mesures législatives qui pourraient être requises pour renforcer la conservation et la protection du patrimoine au palier fédéral.

Je répète : le gouvernement s’engage. Comme vous, j’étais présent pour écouter la lecture du discours du Trône. Je me réjouissais à l’idée d’entendre les quelques mots annonçant que le gouvernement allait présenter un projet de loi pour moderniser la Loi sur les lieux et monuments historiques et la Loi sur la capitale nationale. Malheureusement, le discours du Trône est resté muet sur cette question. C’est pourquoi vous avez pu lire la déception sur mon visage à la fin de la lecture. Comme pour beaucoup d’entre vous, le discours du Trône n’a pas répondu à mes attentes.

Honorables sénateurs, ce projet de loi aidera le gouvernement à présenter une mesure législative pour donner suite au rapport du Comité du patrimoine de l’autre endroit et à l’engagement que la ministre McKenna a pris au nom du gouvernement en mars 2018, à savoir examiner la loi canadienne afin qu’elle soit alignée sur les meilleures mesures législatives des pays du G7.

Ce projet de loi va plus loin que ce que laisse présager le titre. En fait, il incitera le ministère du Patrimoine canadien à présenter une mesure législative. Honorables sénateurs, je soutiens qu’il nous incombe individuellement de veiller à ce que cet édifice et le terrain qui l’entoure, au même titre que la Colline du Parlement, soient protégés de la même façon que l’est tout lieu historique provincial au Québec. Si on regarde de l’autre côté de la rivière, les édifices disposent d’une zone de protection, tandis que, de ce côté-ci, la Colline du Parlement ne jouit d’aucune protection, même si c’est le siège du gouvernement du Canada.

C’est mon cadeau de Noël. Je vous laisse avec le dossier. Je vais le suivre de près. Comme vous l’avez vu, les sénateurs Munson et Bovey ont pris position publiquement pour veiller à ce que le projet d’expansion du Château Laurier respecte le caractère patrimonial authentique de la Colline, et il est maintenant entre les mains de particuliers. Comme je l’ai dit, un inconditionnel comme moi s’adresse aux médias pour faire pression et ainsi de suite, mais je pense que les législateurs ont la capacité de faire plus, c’est-à-dire de déposer une mesure législative, de la faire adopter et de l’envoyer à l’autre endroit de sorte que le gouvernement sera saisi de la question. On dira : « Si la ministre McKenna disait vrai lorsqu’elle a déclaré que le gouvernement comptait revoir la loi, c’est le moment. » Il devra répondre à l’appel une fois saisi du projet de loi.

Merci, honorables sénateurs. Je vous remercie sincèrement de m’avoir écouté jusqu’au bout. Je vous offre mes meilleurs vœux et j’espère vous voir dans un autre monde.

Des voix : Bravo!

L’honorable Patricia Bovey (Son Honneur la Présidente suppléante) : Sénateur Duffy, avez-vous une question?

L’honorable Michael Duffy : Je me demande si le sénateur Joyal accepterait de répondre à une question.

Le sénateur Joyal : Oui, s'il me reste du temps, Votre Honneur.

Son Honneur la Présidente suppléante : Oui, sénateur Joyal.

Sénateur Duffy?

Le sénateur Duffy : Je vous remercie, Votre Honneur. Félicitations, sénateur Joyal, pour vos deux projets de loi d’aujourd’hui. Je me joins aux autres sénateurs pour exprimer, au nom de tous les Canadiens, notre gratitude à l’égard de votre contribution exceptionnelle à l’édification d’un meilleur Canada tout au long de votre carrière politique, et je suis convaincu que cela ne s’arrêtera pas ici.

Pour ce qui est de la question que vous venez de soulever au sujet de l’horreur prévue de l’autre côté de la rue, je voudrais parler d’un point qui y est un peu lié. J’aimerais connaître votre opinion sur la ceinture de verdure qui entoure la capitale nationale et qui relève de la compétence de la Commission de la capitale nationale. Depuis 2006, l’Ontario a adopté une politique d’augmentation de la densité urbaine. Nous constatons que les conseils municipaux subissent des pressions à cet égard presque toutes les semaines.

Pensez-vous que ce serait une bonne idée d’étendre la portée de votre projet de loi, ou faudrait-il une autre mesure législative, pour préserver la nature unique de la capitale nationale afin que la ceinture de verdure soit protégée et que des endroits comme la ferme expérimentale, qui est au cœur d’Ottawa, soient également protégés?

À cause de cette pression pour le développement urbain, lorsque des promoteurs voient tous ces terrains, ils s’imaginent tout l’argent que cela pourrait leur rapporter. À ce que je sache, la situation n’est pas tellement différente de celle qui nous occupe dans le dossier du Château Laurier, car ces terrains sont très convoités.

J’aimerais savoir ce que vous en pensez.

Le sénateur Joyal : Sénateur Duffy, merci de votre question, qui soulève une question économique bien réelle qui est indissociable de la vie moderne.

Comme vous le savez, tout le monde veut être au centre-ville. Le prix d’un condominium au cœur du centre-ville, près de la Colline du Parlement, est beaucoup plus élevé que celui d’un condominium à Kanata ou dans toute autre banlieue d’Ottawa. La ville est beaucoup plus vulnérable à la pression économique en raison de la valeur des taxes supplémentaires qu’elle peut bien sûr percevoir sur une tour de 55 étages, comparativement à une maison en brique de deux étages dans le Glebe.

Il arrive un point où la pression économique et financière du développement est presque insupportable, car les conseillers municipaux, comme tout représentant élu, hésitent à augmenter les taxes, mais ils veulent maintenir le même niveau de services ou même offrir des services supérieurs. C’est ainsi qu’ils se font élire. C’est ce qui arrive dans toutes les campagnes municipales, que ce soit à Ottawa ou dans n’importe quelle autre ville, de l’autre côté de la rivière ou ailleurs.

Il est certain que la Commission de la capitale nationale ressent cette même pression, une pression qui s’exerce sur la ceinture de verdure comme elle s’exerce aux alentours du Parlement parce que les parlementaires souhaitent vivre à proximité. Comme on l’a souligné aujourd’hui, la Chambre compte 338 députés. Combien d’entre eux vivent à Ottawa? Combien doivent loger à l’hôtel? Il existe de fortes pressions, à Ottawa, en faveur de la construction d’hôtels et de l’expansion d’hôtels existants.

Nous en sommes conscients, bien sûr. Nous devons garder cette situation à l’esprit, mais nous devons aussi tenir compte d’autres critères qui font que nous choisissons, en tant que société, de protéger la ceinture de verdure qui entoure la capitale, pour des raisons évidentes. Nous tenons à ce qu’Ottawa devienne l’une des villes exemplaires du Canada, puisque la capitale fait partie de l’identité de tous les Canadiens. Quand ils vous voient à la télévision sur la Colline, il y a toujours en arrière-plan les édifices du Parlement ou, en face, l’édifice Langevin ou l’ancienne ambassade des États-Unis. Ces images font partie de ce que j’appelle le « paysage imaginaire » des Canadiens. Quand ils voient les images de la capitale nationale à la télé, sur leur téléphone ou sur leur ordinateur, c’est comme s’ils y étaient, d’une certaine manière.

(1710)

Nous ne pouvons donc pas laisser la capitale se développer démesurément, sans aucun critère, et nous devons reconnaître les pressions exercées. Il n’y a pas de chômage dans cette ville, comme je l’ai dit, en raison de ces pressions. La pression d’habiter dans la capitale nationale se ressent de génération en génération.

Je vis ici depuis 50 ans. Au début, je louais une chambre dans une pension sur la rue Somerset, très près de la rue Elgin. À l’époque, j’étais l’adjoint de Jean Marchand. Eh bien, croyez-moi, si j’allais là-bas aujourd’hui, je n’aurais pas les moyens de louer une chambre dans cette maison en briques de deux étages parce que le quartier s’est tant embourgeoisé qu’il fait désormais fuir les gens. Où iront ces gens? Ils iront vivre de plus en plus loin. Il y a un besoin de construire, ce qui augmente la pression exercée sur la ceinture de verdure.

Vous soulevez donc un point très valable. La question devrait être examinée lorsque le projet de loi sera renvoyé au comité parlementaire approprié afin de brosser un tableau plus large de la capitale nationale et de l’orientation qu’elle prend. Bien entendu, la capitale nationale est dotée d’un plan d’avenir. On tente d’en respecter les objectifs, mais il est toujours possible de réviser ce plan, d’en annuler une partie, d’en tronquer une autre, de faire une exception, d’adopter une dérogation, et, 20 ans plus tard, on se retrouve avec un document tout rapiécé qui est bien loin de la vision initiale. Je crois que le comité serait probablement le mieux placé pour se pencher sur la question.

Beaucoup d’entre vous sont ici depuis longtemps. Vous avez sans doute constaté que la capitale a beaucoup évolué depuis la création de la Commission de la capitale nationale il y a de cela 50 ans. Nous avons le devoir envers le reste du Canada de veiller à ce que l’aménagement de la capitale se fasse conformément aux valeurs de protection de l’environnement, de respect de notre patrimoine et, bien sûr, d’expression de notre identité nationale. Cela fait partie de nos responsabilités. Aucun endroit au Canada ne se rapproche davantage de l’idée que les Canadiens se forment du Canada dans leur esprit que la Colline du Parlement.

Ne vous y trompez pas, honorables sénateurs : s’il n’y avait pas eu de manifestants pour défendre l’édifice où nous nous trouvons actuellement, il aurait été démoli en 1966. Des groupes citoyens — formés d’inconditionnels comme moi — se sont battus pour empêcher la démolition. Le ministère des Travaux publics avait déjà décidé, une fois les rails enlevés, qu’il démolirait cet édifice. Travaux publics voulait construire un stationnement. Si cela avait été le cas, il y aurait probablement ici une tour de 30 étages et nous, nous ne serions pas ici. La Colline du Parlement, telle que je l’ai définie dans ce projet de loi, comprend une partie du Château Laurier, une partie de la Cour suprême et une partie d’autres édifices de la rue Wellington qui, au fil des ans, ont été inclus dans ce qu’on appelle le cœur du Canada.

Il faut en être conscients et penser aux générations futures. Que serait-il arrivé si, en 1966, on avait laissé le ministère aller de l’avant aussi hâtivement? Les voitures prenaient de plus en plus de place dans le centre-ville, il leur fallait donc plus d’espace. « Alors, pouvons-nous démolir cet édifice? Eh bien, il n’y a plus de trains, alors la gare peut être démolie. » C’est un groupe de citoyens qui s’y est opposé. La décision a finalement été revue en raison de la pression populaire. Nous ne pouvons cependant pas toujours nous en remettre aux simples citoyens pour qu’ils s’occupent de ce genre de dossiers. Il faut que la législation finisse par être adaptée.

Ce que je propose, c’est d’adapter la législation et d’étendre son application en raison de la question que vous avez soulevée, qui relève exactement des mêmes enjeux.

[Français]

L’honorable Lucie Moncion : Je vous remercie, sénateur Joyal, pour cette façon de nous alerter. Je ne sais pas si j’ai choisi le bon mot en français. Quoi qu’il en soit, je vous remercie de nous sensibiliser à l’héritage qui existe. Vous n’avez pas évoqué la résidence de la rue Sussex dans ce projet de loi. Pourtant, plusieurs édifices à Ottawa font partie de notre héritage. Il s’agit de très beaux édifices, mais vous ne les incluez pas dans votre proposition. J’aimerais entendre vos observations à ce sujet.

Le sénateur Joyal : Sénatrice Moncion, je vous remercie de votre question. En fait, le projet de loi inclurait ces édifices, puisque l’alinéa 1k) comporte l’élément suivant :

[Traduction]

j) les lieux classés historiques en vertu de l’alinéa 3a) de la Loi sur les lieux et monuments historiques;

k) les lieux historiques nationaux au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur l’Agence Parcs Canada;

Pour des raisons évidentes, le 24, promenade Sussex serait visé. C’est là qu’habitent les premiers ministres depuis les années 1950. Si je ne m’abuse, le très honorable Louis St-Laurent a été le premier à y loger, lorsque la propriété a été offerte en cadeau au gouvernement du Canada. Les négociations ont eu lieu pendant et après la Seconde Guerre mondiale.

Cet élément pourrait sans doute être inscrit dans le règlement d’application de la loi afin que cet endroit soit protégé au même titre que les autres lieux historiques de la capitale.

Je suis persuadé que la réglementation serait plus restrictive pour les immeubles situés juste en face d’un lieu historique que ceux à 500 ou 1 000 pieds de là, car n’oublions pas qu’il y a un périmètre à respecter. Essentiellement, ce projet de loi veut éviter que des horreurs puissent être construites sans trop de problèmes, qu’un immeuble historique soit rasé sans avis ou que des travaux néfastes pour la qualité et le caractère patrimonial d’un milieu donné puissent être entrepris.

Bref, votre question trouve déjà sa réponse dans le projet de loi.

(Sur la motion de la sénatrice Forest-Niesing, au nom de la sénatrice Bovey, le débat est ajourné.)

Le Sénat

Motion tendant à demander au gouvernement du Canada d’imposer des sanctions contre les responsables chinois et/ou ceux de Hong Kong—Ajournement du débat

L’honorable Leo Housakos, conformément au préavis donné le 10 décembre 2019, propose :

Que le Sénat demande au gouvernement du Canada d’imposer des sanctions contre les responsables chinois et/ou ceux de Hong Kong, conformément à la Loi sur la justice pour les victimes de dirigeants étrangers corrompus (loi de Sergueï Magnitski), à la lumière de la violation des droits de la personne, des principes de justice fondamentale et de l’état de droit à l’égard des manifestations en cours à Hong Kong et à la persécution systématique de minorités musulmanes en Chine.

— Honorables sénateurs, la motion que le sénateur Ngo et moi avons présentée est au centre de notre identité canadienne et incarne les valeurs les plus essentielles auxquelles tiennent les Canadiens : la démocratie, la liberté, les droits de la personne et la primauté du droit.

Nous disons avec fierté que nous sommes un pays qui défend ces valeurs fondamentales, ici et à l’étranger. Tout au long de notre histoire, nous l’avons prouvé en versant notre sang et en sacrifiant d’innombrables vies canadiennes dans des conflits et des batailles partout dans le monde, y compris dans les deux guerres mondiales, en Afghanistan et lors de diverses missions de maintien de la paix partout dans le monde. Nous avons défendu nos valeurs grâce à la diplomatie en menant la lutte contre la brutalité de l’apartheid en Afrique du Sud. Le Canada n’a jamais reculé face à la tyrannie, et nous ne devons certainement pas commencer maintenant. Or, nous nous approchons dangereusement de le faire dans cette situation avec la Chine.

(1720)

Je ne mâcherai pas mes mots : le Canada et la République populaire de Chine se heurtent à un très grave conflit de valeurs. La République populaire de Chine est une dictature qui bafoue totalement les libertés fondamentales, la démocratie et, certainement, la primauté du droit. C’est l’un des pires pays violateurs des droits de la personne.

J’avais d’abord espéré prendre la parole sur cette motion mardi, à l’occasion de la Journée des droits de l’homme dans le monde, comme beaucoup d’entre vous le savent déjà à titre de défenseurs enthousiastes et actifs des droits de la personne. La Journée des droits de l’homme est célébrée dans le monde entier le 10 décembre de chaque année en reconnaissance de l’adoption par les Nations unies de la Déclaration universelle des droits de l’homme. Donc, même si nous avons quelques jours de retard, mes remarques d’aujourd’hui sont en l’honneur de toutes les victimes de violations des droits de la personne partout dans le monde, y compris en Chine continentale et à Hong Kong.

Le Comité des Nations unies pour l’élimination de la discrimination raciale a indiqué qu’il avait reçu des informations crédibles selon lesquelles environ un million d’Ouïghours de la région du Xinjiang seraient internés dans des camps, en Chine continentale. Les allégations laissent entendre que les Ouïghours ont été pris pour cible en tant qu’ennemis de l’État chinois, uniquement en raison de leur identité ethnoreligieuse.

À ce sujet, Alex Neve, secrétaire général d’Amnistie internationale Canada, a déclaré ceci :

[…] ce qui est en cours, c’est un sinistre programme d’incarcération à grande échelle que le monde n’a jamais vu depuis des décennies.

Aussi troublantes que soient ces mesures individuellement, elles sont particulièrement alarmantes en tant que tendance plus générale. En plus de mener un programme d’incarcération massive et de surveillance orwellienne de la minorité musulmane, le régime prend des mesures de répression brutales contre les dissidents prodémocratie à Hong Kong.

Une manifestation qui a commencé il y a six mois en opposition à un accord entre Hong Kong et la Chine autorisant les extraditions vers cette dernière parce qu’on craignait qu’il affaiblisse l’autonomie, l’indépendance judiciaire et les libertés civiles de Hong Kong s’est transformée en une lutte plus générale pour une véritable démocratie et une reddition de comptes relativement aux actions des policiers à l’endroit des manifestants. La situation y est devenue intenable pour les personnes qui défendent les principes de la liberté et du droit de vote.

Le modèle « un pays, deux systèmes » était la pierre angulaire de la relation entre la République populaire de Chine et Hong Kong lorsque cette dernière a cessé d’être sous contrôle britannique, mais les dirigeants de Hong Kong semblent être des personnes nommées qui collaborent avec ardeur avec le régime chinois pour obliger la population à accepter la politique d’une seule Chine de la république plutôt que de défendre les aspirations exprimées avec vigueur par les habitants de Hong Kong.

Les affrontements entre les corps policiers et les manifestants sont de plus en plus violents. Devant cette situation, le président chinois Xi Jinping a émis une mise en garde contre l’autonomie de Hong Kong, déclarant que toute tentative de diviser la Chine se solderait par « des corps brisés et des os pulvérisés ».

Chers collègues, avec cela et l’emprisonnement et la rééducation forcée d’une minorité religieuse, je ne vois pas ce qu’il faut de plus pour justifier l’intervention d’un pays qui prétend promouvoir la liberté et les droits de la personne.

En tant que Canadiens, cette situation devrait tous nous scandaliser au plus profond de nous. Bien franchement, conjuguée à l’agressivité accrue de la Chine sur la scène internationale et à sa militarisation croissante, cette situation devrait aussi nous inquiéter du point de vue de la sécurité nationale.

Le Canada et les Canadiens ont été victimisés de bien des façons par la République populaire de Chine — espionnage, détentions illégales, vols de propriété intellectuelle et j’en passe —, et nous n’avons que nous-mêmes à blâmer, chers collègues. Nous avons permis à la Chine de s’immiscer dans toutes les sphères de notre vie, que ce soit par une intervention directe du gouvernement chinois ou par entité interposée, comme avec Huawei. La Chine intervient désormais dans les secteurs canadiens de l’agriculture, de l’énergie et des technologies. De façon aussi lente que déconcertante, nous sommes devenus extrêmement dépendants de la Chine, comme elle le voulait.

Je dirai simplement ceci : cette situation n’est pas survenue du jour au lendemain ni même au cours des quatre dernières années. Depuis les années 1970, cinq gouvernements canadiens successifs, empressés de promouvoir les intérêts commerciaux du Canada, se sont montrés complaisants, malgré les violations extrêmes des droits de la personne et au mépris de la primauté du droit en Chine.

Nous fermons les yeux depuis trop longtemps en faisant primer l’appât du gain sur nos valeurs fondamentales que sont le respect et la justice. Nous devrions avoir honte, et, chers collègues, il faut que cela cesse.

Voilà pourquoi j’estime que cette motion est si importante. À mon avis, il est temps que le Canada change de ton et revoie son approche à l’égard du gouvernement chinois, et ce, dans bien des dossiers. Selon moi, cette motion n’est que le début.

Notre approche actuelle à l’égard de la Chine semble être une approche d’apaisement. En dépit du fait que la Chine détient illégalement deux citoyens canadiens et a menacé d’exécuter deux autres Canadiens, nous avons continué d’investir dans la Banque asiatique d’investissement dans les infrastructures, qui est dirigée par les Chinois, et d’envoyer des missions ministérielles et parlementaires en Chine.

L’année dernière, des ministères du gouvernement du Canada ont même organisé des soupers de homard somptueux en Chine. Si vous vous en souvenez, j’ai posé au leader du gouvernement des questions à ce sujet à maintes reprises dans cette enceinte.

Il y a ensuite les déclarations publiques qui ont été faites par des ministres de premier plan, anciens et actuels, qui semblent récompenser et encourager le comportement grossier de la Chine envers notre nation.

L’ancien ministre John McCallum a été forcé de démissionner de son poste d’ambassadeur du Canada en Chine à la suite de ses commentaires sur la procédure d’extradition en cours de la directrice exécutive de Huawei, Meng Wanzhou. Chers collègues, l’ancien premier ministre Chrétien a laissé entendre que le Canada devrait tout simplement abandonner la procédure d’extradition contre Meng Wanzhou, et l’ancien ministre John Manley a laissé entendre que nous aurions dû prévenir la Chine de l’arrestation imminente.

Une voix : C’est honteux.

Le sénateur Housakos : C’est ce qu’ont dit un ancien premier ministre et un ancien ministre des Affaires étrangères. Est-ce ainsi qu’est censé se comporter un pays fondé sur la primauté du droit et la démocratie?

Je dois féliciter l’ancienne ministre des Affaires mondiales du Canada, l’honorable Chrystia Freeland, qui, en réponse à l’horrible suggestion de l’ancien premier ministre Jean Chrétien, a déclaré ce qui suit dans le Globe and Mail :

Nous devons être pleinement conscients des précédents que nos actions et nos décisions peuvent établir. Selon moi, quand on y pense, il est évident pour tous qu’il s’agirait d’un précédent très dangereux si, à la suite de pressions externes, le Canada décidait de modifier son comportement à l’égard des traités d’extradition [...] Quand on pense aux répercussions que pourrait avoir un tel précédent, on pourrait facilement se trouver dans une situation où, en agissant dans un cas précis, on pourrait mettre en péril la sécurité de tous les Canadiens dans le monde. C’est une responsabilité que je prends très au sérieux.

La ministre Freeland a tout à fait raison. Hélas, le gouvernement n’adhère pas suffisamment à ces principes dans ses relations actuelles avec la Chine. Il devrait pourtant les prendre beaucoup plus au sérieux.

Le successeur de Mme Freeland, François-Philippe Champagne, qui vient d’être nommé ministre des Affaires mondiales, a énoncé son point de vue en 2017 lorsqu’il a déclaré :

[...] la Chine est un exemple de stabilité, de prévisibilité, de régime fondé sur des règles et de société très inclusive.

Je m’excuse, chers collègues, mais à quel moment la Chine a-t-elle déjà affiché l’une ou l’autre de ces qualités, en particulier un caractère inclusif?

De plus, récemment l’ex-ministre Manley a encore donné son avis sur la détention de Meng Wanzhou au Canada, suggérant que le Canada la libère en échange des Canadiens détenus arbitrairement et illégalement en Chine, comme si ces deux Canadiens avaient fait quelque chose qui justifie leur détention. Il n’en est rien.

D’ailleurs, les libéraux ne sont pas les seuls à faire des commentaires totalement odieux. La fin de semaine dernière, lors d’une entrevue donnée à Mercedes Stephenson, Alykhan Velshi, ancien membre de haut niveau du personnel conservateur qui est maintenant vice-président de l’exploitation de Huawei pour le Canada a dit que Huawei Canada respectait les lois canadiennes et a parlé comme si toutes choses étaient égales dans cette affaire et qu’il s’agissait simplement d’un malentendu entre nous qui devait se régler entre amis.

C’est ce que je trouve problématique dans notre approche actuelle avec la Chine, chers collègues. Nous nous comportons comme si nous devions nous excuser de quelque chose. Nous n’avons absolument rien fait dont nous devons nous excuser si ce n’est de n’avoir cessé d’essayer d’apaiser la Chine en dépit de son comportement de plus en plus agressif et provocant, ici et sur la scène internationale.

Nous n’en sommes plus à devoir l’apaiser. Le moment est venu pour le Canada de se tenir debout et de se rallier à ceux qui se battent pour protéger la démocratie, les droits de la personne et la primauté du droit. À quoi bon dire que nous défendons ces valeurs si nous ne faisons rien quand un régime tyrannique nous manque grossièrement respect parce que nous craignons de le contrarier.

Contrarier nos plus grands amis et alliés comme les États-Unis ou Israël ne semble pas nous déranger. Que font-ils de mal? Ils ne se comportent pas comme des brutes? Devraient-ils nous menacer ou peut-être emprisonner et détenir illégalement des Canadiens pour que nous les traitions un peu mieux?

Même maintenant, le nouvel ambassadeur de la Chine au Canada, qui occupe son nouveau poste depuis à peine quelques semaines, nous a déjà menacés non pas une, mais deux fois, la dernière fois au sujet de la présente motion.

Jeudi dernier, dans ma ville natale, Montréal, l’ambassadeur Cong Peiwu a dit ceci au sujet de la possibilité que la Chambre adopte cette motion :

Nous nous opposons fermement à ce genre de comportement, qui pourrait causer de sérieux dommages à notre relation bilatérale. Nous réagirons en prenant des mesures très fermes, s’il y a lieu. L’adoption de cette motion ne serait pas dans l’intérêt du Canada. Nous espérons qu’il cessera cette activité dangereuse.

Imaginez cela, honorables sénateurs, l’ambassadeur d’un pays étranger menaçant notre Parlement si celui-ci décidait d’appliquer une loi qui a été dûment adoptée conformément à notre démocratie parlementaire. Cela se fait peut-être en Chine, mais ce n’est pas la façon dont nous fonctionnons au Canada.

Cette menace illustre parfaitement la raison pour laquelle nous devons adopter cette motion et invoquer les sanctions Magnitski dès que possible. Dans une cour d’école, il arrive un moment où on ne peut plus rester là à observer, les bras croisés. Il arrive un moment où l’on doit tenir tête à l’intimidateur qui s’en prend à nous. Je crois, chers collègues, que ce moment est venu pour le Canada. Nous avons déjà imposé les sanctions prévues à la loi Magnitski à des fonctionnaires d’autres pays, dont la Russie, le Venezuela et le Myanmar. Je ne vois pas pourquoi nous ne pourrions pas les appliquer contre la Chine.

(1730)

J’ai entendu, comme vous tous, les arguments selon lesquels le fait d’adopter, à l’endroit de la Chine, des mesures qui ressembleraient aux mesures prises par les États-Unis pourrait donner l’impression que le Canada prend simplement le parti des États-Unis dans le contexte du différend commercial qui l’oppose à la Chine. C’est un point de vue insultant, qui laisse entendre que le Canada n’est pas un État souverain, capable d’agir de son propre chef. De plus, c’est faire fi des violations des droits de la personne qui se produisent à Hong Kong et en Chine continentale. Le Canada est-il, oui ou non, un défenseur de la démocratie, des droits de la personne et de la primauté du droit? Voilà la question. J’invite chaque sénateur à se demander ceci : suis-je un défenseur de ces valeurs fondamentales, essentielles à notre liberté, à notre pays et à notre identité?

En tant que parlementaires, nous avons l’obligation de demander des comptes au gouvernement, et cela ne s’applique pas seulement aux politiques et à la gouvernance nationales. Nous avons aussi la responsabilité de demander des comptes au gouvernement sur les gestes que nous posons à l’étranger afin de nous assurer qu’ils reflètent ce que nous sommes en tant que peuple.

Je vais donc vous poser la question de nouveau. Le Canada est-il, oui ou non, un pays qui défend la démocratie, les droits de la personne et la primauté du droit?

Quoi qu’on pense des menaces de l’ambassadeur, le vrai danger serait de ne pas adopter cette motion. Le vrai danger réside dans le fait que la Chine est toujours plus déterminée à mesure que nous tentons de l’apaiser. Il est temps de changer de ton et d’approche. L’ancien ambassadeur du Canada en Chine, Guy Saint-Jacques, a dit récemment que la fermeté est le seul langage que la Chine comprend. Cet avis est partagé par un autre ancien ambassadeur du Canada en Chine, David Mulroney. Il a répondu à ce que le maire de Winnipeg a publié dans les médias sociaux, à la suite d’une rencontre avec le nouvel ambassadeur de la Chine. Dans cette publication, le maire Bowman s’est dit satisfait de la visite, ajoutant qu’elle avait donné lieu à une discussion constructive sur la ville jumelle de Winnipeg, Chengdu, sur les échanges commerciaux, ainsi que sur l’objectif de Winnipeg de devenir un chef de file de la protection et la promotion des droits de la personne. Malheureusement, je dirais plutôt que ce n’est pas un très bon départ.

Cependant, l’ancien ambassadeur Mulroney a bien exposé la situation dans sa réponse :

Ce sont les déclarations de ce genre qui contribuent aux manœuvres d’obscurcissement de la République populaire de Chine et qui minent les efforts visant à protéger les droits de la personne. Elles illustrent la fausse impression que la diplomatie ne peut pas faire face au franc-parler et aux vérités difficiles.

M. Mulroney aurait aussi déclaré que certaines des politiques de la République populaire de Chine constituent la plus grande menace pour la liberté humaine de la planète. Je suis entièrement d’accord avec lui. Le Canada et ses alliés doivent commencer à les traiter comme telles. Cela dit, je vais terminer sur ces mots de Martin Luther King Jr. :

Celui qui accepte passivement le mal est autant responsable que celui qui le commet. Celui qui voit le mal et ne proteste pas, celui-là aide à faire le mal.

Merci, chers collègues.

L’honorable Thanh Hai Ngo : Honorables sénateurs, tout comme le sénateur Housakos, je prends la parole pour attirer votre attention sur des questions urgentes et des préoccupations très graves pour l’ensemble de l’humanité.

Avant-hier, c’était le 71e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme. Malheureusement, 71 ans plus tard, nous constatons qu’il nous reste encore un travail monumental à accomplir, étant donné les atrocités incommensurables et les violations flagrantes des droits de la personne qui sont toujours commises un peu partout dans le monde.

Tandis que nous présentons cette motion, je m’inquiète vivement de la situation en cours à Hong Kong et du sort des manifestants qui, jour après jour, se battent sans relâche pour la survie de la démocratie et le respect des libertés et des droits universels dans la région, mettant ainsi en péril leur propre sécurité et leur vie pour le bien de l’humanité.

Les manifestations à Hong Kong durent depuis maintenant des mois. Comme on le sait, les manifestations ont été déclenchées en réponse à un projet de loi d’extradition du gouvernement de Hong Kong, qui aurait permis d’extrader des personnes en Chine continentale pour la tenue d’un procès, ce qui aurait miné l’autonomie de Hong Kong et les libertés civiles de son peuple. Bien que le projet de loi ait été retiré, les manifestations sont devenues le combat de centaines de milliers de manifestants courageux et intrépides, qui luttent pour la liberté politique, la démocratie, la primauté du droit et les droits de la personne et exigent que la Chine cesse de porter atteinte à l’autonomie de Hong Kong et aux libertés civiles de ses citoyens.

Malheureusement, en réponse à ce mouvement, la police et les représentants de Hong Kong ont opté pour un usage excessif de la force et ont fait preuve d’une brutalité de plus en plus grande. Les forces policières de Hong Kong ont recours sans scrupule à des méthodes agressives contre les manifestants, y compris les tirs à bout portant, l’utilisation de balles de caoutchouc, de gaz lacrymogènes et de gaz poivré, la persécution de manifestants pacifistes, les arrestations reposant sur de vagues accusations, le refus de défendre les manifestants qui sont attaqués par des gens pro-Pékin et ainsi de suite.

Malgré tout, les manifestants n’ont pas reculé devant cette campagne d’oppression et les multiples violations des droits de la personne. Ils ont lutté, et il continue de le faire, pour défendre les libertés fondamentales à Hong Kong. Ainsi, nous devons exprimer notre solidarité avec les manifestants et condamner les actions inacceptables et barbares que les représentants de Hong Kong et de la Chine ont prises pour tenter de supprimer l’autonomie de Hong Kong et les libertés de ses citoyens.

Par ailleurs, je suis complètement bouleversé par la persécution systématique et les violations flagrantes des droits de la personne dont sont victimes actuellement les Ouïghours et d’autres minorités musulmanes dans la région autonome ouïghoure du Xinjiang. Nous savons depuis un certain temps que la République populaire de Chine persécute des minorités ethniques et ethnoreligieuses ainsi que des manifestants politiques et des militants pacifiques des droits de la personne. Le premier groupe qui nous vient à l’esprit est celui des Ouïghours musulmans. Il y a également les bouddhistes tibétains, les adeptes du Falun Gong ou du Falun Dafa, les Kazakhs et beaucoup d’autres encore.

[Français]

En août 2018, le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale des Nations unies rapportait qu’il avait reçu des informations crédibles selon lesquelles jusqu’à environ 1 million de Ouïghours et de membres d’autres minorités musulmanes de la région du Xinjiang étaient détenus dans des camps. Chers collègues, aujourd’hui, plusieurs sources font état de 2 à 3 millions de personnes persécutées. C’est absolument horrible.

[Traduction]

Dans la région du Xinjiang, l’intensification exponentielle de la persécution a commencé avec l’arrivée de Chen Quanguo, qui est secrétaire du Parti communiste de cette région depuis août 2016. Il est aussi l’ancien secrétaire du Parti communiste de la Région autonome du Tibet. En janvier 2017, Sophie Richardson, directrice de recherche sur la Chine auprès de la division Asie de Human Rights Watch, a signalé que le système élaboré et mis en place par Chen Quanguo dans la Région autonome du Tibet est semblable à celui utilisé dans la région autonome ouïghoure du Xinjiang, depuis son arrivée là-bas.

Même si Chen Quanguo est le cerveau de ce système de répression massive, il est important de préciser que la personne qui l’a mis en place au Xinjiang est Zhu Hailun, car c’est lui qui savait ce qu’il fallait faire là-bas, qui il fallait arrêter et comment procéder.

Ce système a été conçu pour persécuter les minorités ethniques et ethnoreligieuses, ainsi que pour forcer à assimiler ces groupes qui sont considérés comme des ennemis de l’État chinois, uniquement en raison de leur identité ethnoreligieuse.

(1740)

Les Ouïghours et autres minorités ethniques et ethnoreligieuses sont ciblés par la surveillance de masse effectuée au moyen de la reconnaissance de la voix, du balayage du visage, du balayage de l’iris, et ainsi de suite. Ces personnes sont détenues illégalement dans ces camps de rééducation, torturés, soumises à de mauvais traitements, abusées et persécutées, forcées d’abandonner leur culture, leur religion, leur langue, leur identité. Certaines sont même dispersées dans des prisons et des centres de détention en Chine continentale.

Pour ajouter à ces atrocités monstrueuses, comme en a fait état en septembre l’organisme Human Rights Watch, dont l’administration centrale est à New York, les enfants musulmans sont séparés de leurs parents et détenus arbitrairement dans de soi-disant établissements de « protection de l’enfance » ou encore dans des pensionnats à haute sécurité au Xinjiang, où ils sont rééduqués.

Chers collègues, après la publication du rapport des Nations unies, la République populaire de Chine a nié avec véhémence l’existence de camps, refusant d’admettre toute détention arbitraire et qualifiant les allégations de simples « fausses nouvelles ».

Elle a nié l’existence de tels camps jusqu’à ce qu’elle modifie les lois pour les légaliser. Comme c’est pratique!

Lundi dernier, on apprenait que, soudainement, tous les Ouïghours et les minorités ethnoreligieuses qui étaient détenus dans ces camps ont terminé leur « rééducation » et sont très heureux. Beijing a défendu ses camps dans la Région autonome ouïghoure du Xinjiang, ajoutant que la Chine continuera de les exploiter.

Chers collègues, nous savons tous ce que sont réellement ces camps. Il s’agit purement et simplement de camps d’endoctrinement. Leur seul objectif est d’assimiler le plus rapidement et le plus efficacement possible les minorités ethniques et ethnoreligieuses de la région afin de supprimer leur identité, leur culture, leur religion et leur langue. Comme le rapportait Bethany Allen-Ebrahimian, du Consortium international des journalistes d’investigation, dans son article sur les manuels d’instruction chinois concernant l’arrestation et la détention massives appuyées par des algorithmes : « Les documents chinois divulgués ont contribué à faire connaître à un plus grand nombre de personnes dans le monde l’existence du plus grand stratagème d’emprisonnement de membres d’une minorité ethnoreligieuse depuis la Seconde Guerre mondiale. » Les documents chinois rendus publics donnent la preuve que la communauté internationale a besoin de traduire la République populaire de Chine devant la justice pour ce qu’elle fait. Les crimes cesseront-ils si on s’en remet seulement au dialogue et la diplomatie internationale? J’en doute fortement.

La détention, la persécution et l’assimilation forcée de la minorité musulmane et des autres minorités ethnoreligieuses durent depuis des années et elles ne semblent pas être près de s’arrêter.

Le prélèvement d’organes et la persécution des adeptes du Falun Gong durent depuis des années et on n’en voit pas la fin.

[Français]

L’oppression et la persécution constantes des Tibétains se répètent également depuis plusieurs années maintenant et, encore là, il n’y a toujours aucune indication que cela s’arrêtera.

Puis, il y a Michael Kovrig et Michael Spavor, deux Canadiens qui sont illégalement détenus depuis un an déjà, sans aucun accès à leurs avocats ou aux membres de leur famille.

[Traduction]

Il y a aussi nos Canadiens oubliés, par exemple, cet homme détenu en Chine, citoyen canadien et ancien militant ouïghour, qui a fui la Chine et est venu au Canada comme réfugié. Alors qu’il était en voyage en Ouzbékistan, il a été arrêté et remis aux autorités chinoises. Cela fait maintenant 13 ans que Huseyin Celil est injustement emprisonné. Treize ans de dialogue et de diplomatie internationale. Je pourrais continuer ainsi pendant des heures.

Honorables collègues, voilà ce que nous savons. Pouvez-vous imaginer ce que nous ne savons pas? Combien d’années devrons-nous encore attendre pour que le dialogue et la diplomatie internationale donnent des résultats tangibles? Le temps presse et, à un moment donné, le dialogue et la diplomatie internationale ne contribuent plus à faire avancer la cause. Pourquoi le monde entier devrait-il tolérer de telles oppressions et injustices et autant d’inhumanité et de cruauté?

[Français]

Le temps presse et, à un moment donné, le dialogue et la diplomatie internationale se butent à une voie sans issue.

En tant que nation, le Canada a toujours été et sera toujours un champion dans la lutte pour la démocratie, les libertés et les droits fondamentaux de la personne ainsi que la primauté du droit; ces valeurs, que nous chérissons noblement en tant que Canadiens et qui nous tiennent tant à cœur, sont profondément incrustées en nous, coulent facilement dans nos veines et font partie de notre ADN.

Pourquoi devrions-nous nous en départir? Pourquoi devrions-nous faire l’autruche et prétendre que ces exécrables atrocités disparaîtront miraculeusement du jour au lendemain grâce au dialogue et à la diplomatie internationale? Tout cela, soit dit en passant, n’a abouti à rien jusqu’à présent.

[Traduction]

En tant que parlementaires, nous ne pouvons pas demeurer passifs devant des questions aussi graves. Pour paraphraser les propos du sénateur Housakos, je dirai que nous sommes des défenseurs de la démocratie, des droits de la personne et de la primauté du droit, ou nous ne le sommes pas. Le temps est venu pour le gouvernement du Canada de prendre des mesures immédiates et de tenir tête à la Chine. Le sénateur Housakos a fait valoir également que le Canada impose des sanctions, notamment à l’encontre de la Russie, du Myanmar et ainsi de suite. Pourquoi ne pas imposer des sanctions à l’encontre des autorités de la Chine et de Hong Kong? Pourquoi devraient-elles être traitées différemment? Les enjeux sont trop importants pour que le Canada reste les bras croisés.

À un moment donné, le gouvernement du Canada doit faire ce qui s’impose. C’est maintenant ou jamais. Nous devons demander au gouvernement du Canada d’imposer des sanctions contre les autorités chinoises et celles de Hong Kong conformément à la Loi de Magnitski, en raison des atteintes aux droits de la personne, aux principes de la justice fondamentale et à la primauté du droit relativement à la situation à Hong Kong et à la persécution systématique des minorités musulmanes en Chine.

[Français]

C’est exactement ce que notre motion demande : l’imposition de sanctions contre ceux qui perpétuent sans relâche des violations flagrantes des droits de la personne et qui gardent de force et illégalement des êtres humains dans des camps de détention.

[Traduction]

J’espère que vous appuierez cette motion extrêmement importante. Merci.

(Sur la motion du sénateur Dagenais, le débat est ajourné.)

(1750)

[Français]

Les travaux du Sénat

Expression de vœux pour un joyeux temps des Fêtes

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, avant d’ajourner les travaux, j’aimerais faire mes meilleurs vœux à tous les sénateurs, à leur personnel et à tous les employés du Sénat.

[Traduction]

À bien des égards, l’année 2019 a été bien remplie, notamment parce que nous avons dû nous adapter à notre nouvel environnement dans l’édifice du Sénat du Canada. Le Sénat a quand même poursuivi ses travaux. Je dois dire que ce que nous avons accompli n’aurait pas été possible sans le dévouement et le professionnalisme sans pareil de tous ceux qui nous ont aidés à préparer la salle et notre déménagement.

Des voix : Bravo!

Son Honneur le Président : Je me joins à mes collègues pour remercier tous ceux qui ont pris part à ces efforts. Peu importe comment vous célébrerez cette période, j’espère que vous en profiterez bien en compagnie de vos amis et de vos proches. Dans les mois à venir, les choses vont sans doute continuer d’évoluer au Sénat, et la nouvelle année apportera son lot de possibilités et de défis aussi enrichissants que stimulants. J’ai hâte de revoir les sénateurs lorsqu’ils auront fait le plein d’énergie et qu’ils seront prêts à entamer la nouvelle décennie en reprenant les travaux de la 43e législature.

[Français]

Joyeuses Fêtes en santé et en sécurité.

(À 17 h 51, le Sénat s’ajourne jusqu’au mardi 4 février 2020, à 14 heures.)

ANNEXE

Discours de l’honorable sénateur Joyal, prononcé le 7 mai 2019

L’honorable Serge Joyal propose que le projet de loi S-260, Loi modifiant le Code criminel (thérapie de conversion), soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs, le projet de loi S-260 s’intitule Loi modifiant le Code criminel (thérapie de conversion) et le sommaire du projet de loi résume de manière succincte l’objectif du projet de loi, qui est d’ériger en infraction la publicité de services de thérapie de conversion offerts moyennant rétribution, ainsi que l’obtention d’un avantage matériel provenant de la prestation d’une thérapie de conversion à une personne âgée de moins de 18 ans.

Les honorables sénateurs pourront prendre connaissance, dans le préambule du projet de loi, de ce qu’est en définitive son objectif bien circonscrit. Il vise en somme à interdire la pratique de ce que l’on appelle les thérapies de conversion. Qu’est-ce qu’on entend par thérapie de conversion? Le projet de loi le définit : ce sont des pratiques, des traitements ou des services qui visent à modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre d’un individu ou qui visent à éliminer ou à réduire l’attirance sexuelle ou le comportement sexuel entre personnes de même sexe. En d’autres mots, cela signifie qu’on veut tenter de modifier fondamentalement l’identité d’une personne pour qu’elle devienne autre. Ces thérapies de conversion sont une violation du droit à l’autonomie de l’individu, c’est-à-dire au droit d’être ce que l’on est, ce que l’on est comme individu, comme personne, et également une violation du droit à l’intégrité physique et du droit à l’intégrité psychologique. Le Code criminel prohibe déjà les atteintes à l’intégrité physique; par exemple, les mutilations génitales sont interdites en vertu du Code criminel. Les thérapies de conversion peuvent être à la fois une atteinte à l’intégrité physique et, surtout, une atteinte à l’intégrité psychologique. On vise à amener l’individu à constater que son état n’est pas acceptable, selon les normes ambiantes de son milieu, de la société ou de la communauté à l’intérieur duquel il ou elle évolue. C’est donc que l’on cherche à changer la nature fondamentale de l’individu. C’est ce en quoi les thérapies de conversion sont contraires aux droits fondamentaux de la personne et qu’ils constituent une atteinte à la dignité et à l’égalité des personnes.

[Traduction]

Honorables sénateurs, si vous lisez le projet de loi, vous réaliserez certainement qu’il importe de protéger la dignité humaine et l’égalité de tous les Canadiens et Canadiennes en décourageant ces pratiques et traitements qui ont des conséquences négatives, en particulier chez les jeunes. Il s’agit du préambule du projet de loi.

Vous vous demandez peut-être d’où cela vient. Pourquoi siégeons-nous ce soir au Sénat pour essayer de comprendre l’objectif du projet de loi et pourquoi devrions-nous modifier le Code criminel en ce qui a trait à l’interdiction des thérapies de conversion?

Honorables sénateurs, je tiens à vous rappeler ce que le premier ministre a déclaré le 28 novembre 2017 lorsqu’il a présenté les excuses du gouvernement du Canada à la communauté LGBTQ2 pour la discrimination dont certains anciens fonctionnaires, membres des Forces armées canadiennes et membres du service diplomatique du Canada ont été victimes dans les années 1950 et 1960. Ce sentiment est directement lié à cette question fondamentale. Je vais lire la déclaration du premier ministre :

[Français]

Même si nous considérons le Canada moderne comme étant un pays évolué et progressiste, nous ne pouvons pas pour autant oublier notre passé : il n’y a pas si longtemps...

— et je mets ceci en surbrillance :

... l’État a orchestré une culture de stigmatisation et de peur autour des communautés LGBTQ2 et a ainsi détruit des vies.

[Traduction]

Voici un autre passage que je veux mettre en surbrillance :

[...] l’État a orchestré une culture de stigmatisation et de peur autour des communautés LGBTQ2 et a ainsi détruit des vies.

C’est ce dont il est question ici : la destruction de vies. Il ne s’agit pas simplement d’empêcher quelqu’un de traverser la rue, de voler ou de commettre une autre infraction courante prévue au Code criminel. Il s’agit de mesures qui peuvent détruire des vies.

Le Code criminel vise à protéger l’intégrité physique d’une personne, à la protéger contre la violence physique. Nous devrions aussi penser à protéger l’intégrité psychologique de la personne. Il s’agit de violence contre la personne dans les deux cas.

Plus loin dans son discours, le premier ministre a indiqué que le Canada avait encore du travail à faire. Je vais lire ses propos en français :

[Français]

Il reste du travail à faire[...] Le gouvernement doit continuer à travailler avec ses partenaires pour améliorer les politiques et les programmes.

[Traduction]

Autrement dit, lorsque le premier ministre a présenté ses excuses, il s’est aussi engagé à régler l’autre problème qui fait que les Canadiens de la communauté LGBTQ2 estiment être en danger dans notre collectivité, notre société, notre pays.

À l’autre endroit, en février dernier, la députée de Saskatoon-Ouest, Sheri Benson, a présenté une pétition de 18 000 signatures. Les signataires demandaient au gouvernement d’intervenir pour interdire la thérapie de conversion. Voici la réponse qui a été déposée à l’autre endroit par le ministre de la Justice, le 18 mars dernier :

Les thérapies de conversion sont immorales, douloureuses et ne reflètent pas les valeurs de notre gouvernement, ni celles des Canadiens. Diverses associations médicales et de psychologies ont identifié la pratique comme contraire à l’éthique.

On se serait attendu à ce que le gouvernement présente une mesure législative à la suite de l’engagement pris par le premier ministre d’en faire davantage en novembre 2017.

Le fait est que dans le monde entier, dans les pays ayant des caractéristiques similaires à celles de la société canadienne, on condamne la thérapie de conversion — et je vais fournir des explications plus tard.

Voici la façon dont le ministre de la Justice conclut sa réponse à la pétition :

Nous continuons de travailler avec les gouvernements provinciaux et territoriaux pour lutter contre ces pratiques à travers la réglementation de la profession de la santé.

Autrement dit, le gouvernement s’en remet aux provinces. C’est donc devenu une question de santé seulement.

Cela me semble être une solution de facilité. S’agissant de la capacité du Parlement fédéral à légiférer dans le domaine de la santé, par l’intermédiaire du Code criminel, il s’agit d’une compétence bien établie.

Je vous renvoie à un jugement rendu par la Cour suprême en 2017 dans l’affaire Canada (Procureur général) c. PHS Community Services Society en 2011. C’est une décision récente. Voici ce que la Cour suprême déclare relativement au pouvoir du gouvernement fédéral relativement au Code criminel sur la question de la santé :

[...] le Parlement a le pouvoir de légiférer dans des matières de compétence fédérale, comme le droit criminel, qui touchent la santé. Ainsi, il a toujours eu le pouvoir d’interdire les traitements médicaux dangereux ou qui, selon lui, constituent une « conduite socialement répréhensible » [...]

Il est assez clair que nous avons compétence en droit criminel et que nous pouvons interdire certains traitements dangereux ou perçus comme socialement répréhensibles.

J’ai réfléchi, honorables sénateurs, à la façon de traiter cette question dans le Code criminel, car, si nous devions modifier ce texte de loi, c’est une affaire très sérieuse avec des conséquences très sérieuses. En effet, comme vous le savez, des amendes et même des peines d’emprisonnement sont prévues si un tribunal compétent juge que l’infraction a été commise.

Honorables sénateurs, je vous renvoie au projet de loi que le Parlement a adopté en 2014 relativement à la prostitution. Je ne sais pas si vous vous en souvenez, honorables sénateurs; il s’agit du projet de loi C-36 qui avait été débattu et examiné en détail au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.

Comment le gouvernement de l’époque avait-il abordé la question de la prostitution? Il ne l’avait pas interdite, mais il avait prévu des infractions se rattachant à l’offre ou à l’obtention de services sexuels moyennant rétribution, autrement dit, en échange d’argent.

Le gouvernement avait par ailleurs interdit la publicité. Autrement dit, on ne pouvait pas annoncer l’existence de services de prostitution, pas plus qu’on ne pouvait obtenir un avantage matériel de l’exercice de la prostitution.

Je regarde mes collègues d’en face. Vous vous souviendrez très bien que nous avions débattu de cette mesure et que nous avions voté. Elle fait désormais partie des lois canadiennes. En d’autres termes, nous avons modifié le Code criminel afin d’interdire la publicité et la possibilité d’obtenir un avantage matériel de la prostitution.

J’ai passé en revue les droits reconnus par la Charte associés à ce projet de loi, et j’en suis arrivé à la conclusion que cette mesure législative était conforme à l’objectif de la liberté d’expression prévue par la Charte. Voilà pourquoi elle se limitait à ces deux volets : offrir et recevoir de l’argent. Si l’on s’adonne à la prostitution sans publicité et sans rétribution, on ne commet pas un acte criminel.

J’ai pensé que c’était là l’approche à adopter lors de la rédaction de mon projet de loi. C’est pourquoi le projet de loi S-260 fait allusion à « [q]uiconque fait sciemment de la publicité pour offrir une thérapie de conversion ». C’est aussi pourquoi, à l’article suivant, j’ai inclus le même concept d’avantage matériel. L’article dit ceci :

Quiconque bénéficie d’un avantage matériel, notamment pécuniaire, qu’il sait provenir ou avoir été obtenu […]directement […] de la prestation d’une thérapie de conversion […]

Autrement dit, ce projet de loi s’aligne sur le précédent créé dans le projet de loi C-36, adopté en 2014, parce que j’estime que nous protégions les droits garantis par la Charte qui étaient visés par le projet de loi C-36, l’engagement défini dans l’affaire Bedford par la Cour suprême du Canada.

Certains d’entre vous se souviennent peut-être de Mme Bedford. C’est elle qui a contesté la constitutionnalité du Code criminel.

Cela dit, honorables sénateurs, vous aimeriez peut-être me demander quelles approches ont été envisagées à l’égard de la thérapie de conversion et par quels pays. C’est ce que je me suis moi-même demandé. Comment pouvons-nous nous inspirer de pays de stature semblable à celle du Canada, ayant vécu les mêmes expériences que notre pays et pris les mêmes engagements, pour protéger les droits individuels, la Déclaration universelle des droits de l’homme, les droits garantis par la Charte et le code canadien des droits de la personne? Eh bien, honorables sénateurs, je veux vous énumérer les noms d’organisations internationales qui ont interdit la thérapie de conversion, et cette liste vous étonnera. En faisant des recherches, j’ai été étonné de voir la liste des organisations internationales qui se sont vivement opposées à la thérapie de conversion, et cela ne date pas d’hier ou de l’année dernière.

[Français]

En 2012, l’Organisation mondiale de la Santé a publié une déclaration dans laquelle elle affirmait que ce type de thérapie constituait « une grave menace pour la santé et les droits des personnes touchées ».

[Traduction]

L’Organisation mondiale de la santé s’est prononcée il y a sept ans. Par ailleurs, le Comité des Nations Unies contre la torture, le Comité des Nations Unies pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes et le Comité des droits de l’homme ont déjà condamné le recours à la thérapie de conversion dans plusieurs pays.

Je suis ce qui se passe dans l’Union européenne parce que notre common law s’appuie sur celle du Royaume-Uni. Or, le Royaume-Uni a promulgué une loi qui condamne la thérapie de la conversion. En Irlande, la Chambre des communes est actuellement saisie d’un projet de loi visant à interdire la thérapie de conversion.

Malte a adopté, il y a quelques années, un projet de loi contre la thérapie de conversion. Dans son rapport annuel sur la situation des droits de la personne au sein de l’Union européenne — un rapport publié l’année dernière, en mars 2018, donc il y a plus d’un an —, l’Union européenne s’est très fortement opposée à la thérapie de conversion. Cette forme de thérapie a même été interdite dans certaines régions d’Espagne.

Qu’en est-il des États-Unis? Je me pose évidemment la question parce que ce sujet est toujours d’actualité au sud de la frontière. Aux États-Unis, honorables sénateurs, 14 États ont interdit la thérapie de conversion. Selon le Williams Institute de la Californie, 698 membres de la communauté LGBTQ2 ont subi une thérapie de conversion, et plus de la moitié des gens qui ont subi ce genre de thérapie, soit 350 000 personnes, étaient des adolescents.

Autrement dit, aux États-Unis, la moitié des victimes de la thérapie de conversion étaient des jeunes de moins de 18 ans.

J’ai voulu en savoir plus sur la manière dont les médecins — ou plutôt les psychologues — abordent la question des thérapies de conversion, parce que je jugeais important d’obtenir l’avis des spécialistes les plus crédibles.

Eh bien, honorables sénateurs, je peux vous dire — et je vous renvoie ici à un rapport sur le sujet produit par l’académie américaine des infirmières, avec l’appui de l’Organisation panaméricaine de la santé, de l’association américaine de psychiatrie, de l’association américaine de psychanalyse, de l’association américaine de psychologie, de la société internationale des infirmières en psychiatrie et en santé mentale, de l’association nationale des travailleurs sociaux, de l’association médicale américaine et de l’association des collèges de médecins des États-Unis. Tous ces gens concluent, et je cite :

[...] les thérapies visant à « guérir » ou à modifier l’orientation sexuelle d’un homosexuel afin qu’il redevienne hétérosexuel n’ont aucun fondement scientifique, elles sont inefficaces et contraires à l’éthique et elles reposent sur des pratiques nuisibles et abusives qui risquent sérieusement de compromettre la dignité, l’autonomie ainsi que la santé physique et mentale des personnes visées, en plus de violer leurs droits fondamentaux [...] les efforts visant à « guérir » l’homosexualité, peu importe par quel procédé, sont néfastes pour la santé et doivent être évités. Ils doivent être condamnés comme étant contraires à l’éthique et considérés comme une atteinte aux droits fondamentaux et à l’identité, à l’autonomie et à la dignité des personnes qui y sont assujetties.

Ce serait difficile de trouver des sources plus professionnelles que toutes celles que je viens de vous nommer, mais j’ai voulu aller encore plus loin.

J’ai voulu savoir ce que pensait le milieu scientifique des thérapies de conversion. Je vous renvoie donc à une étude menée par l’Université Cornell, dans l’État de New York. Vous la connaissez sans doute tous de réputation, mais je vous rappelle quand même que 58 prix Nobel et quatre lauréats du prix Turing, en mathématiques, y ont étudié.

Après avoir passé en revue 47 études évaluées par les pairs, l’université a constaté que la majorité de ces études avaient conclu que les thérapies de conversion, et je cite :

[...] sont inefficaces, voire dommageables, et que des liens peuvent être établis avec la dépression, les pensées suicidaires, l’anxiété, l’isolement social et l’incapacité de se livrer à des actes intimes.

Je poursuis :

De nombreuses données permettent de conclure sans l’ombre d’un doute que l’on peut causer énormément de tort à une personne quand on essaie de changer son orientation sexuelle.

Honorables sénateurs, si vous voulez lire les cas qu’ils ont examinés, vous verrez des cas absolument horribles de personnes qui se mutilent les parties génitales avec un rasoir et qui versent du Drano sur les plaies. En lisant ces cas, on a l’impression d’être dans une salle de torture. Certaines personnes ont tellement honte qu’elles veulent simplement réagir en se mutilant, en s’en prenant à ce qu’elles perçoivent comme étant la source de leur anormalité. Elles doivent tout faire pour essayer de se conformer à la norme de leur milieu, leur communauté, leur Église ou, comme je l’ai dit, quiconque exerce sur elles une influence psychologique. Honorables sénateurs, lorsqu’on lit ce genre de documents, il est épouvantable de constater que ces pratiques puissent être menées librement, sans aucune interdiction.

Heureusement, même si le gouvernement fédéral a décidé de ne pas agir pour le moment, certaines provinces ont réagi, en particulier, l’Ontario. En 2015, cette province a adopté un projet de loi — dont je citerai des passages ici — portant sur les services visant à changer l’orientation sexuelle ou l’identité sexuelle de patients de manière à exclure le corps médical puisque les provinces ont la responsabilité de réglementer les professions de la santé. Le gouvernement provincial a le pouvoir de déterminer le genre de pratique médicale admissible et couverte par l’assurance maladie. En d’autres mots, la personne qui fournit le service médical pourrait être payée à même les fonds de l’assurance-maladie.

L’Ontario a légiféré en 2015. Vous serez surpris, honorables sénateurs, d’apprendre que la Nouvelle-Écosse a fait de même, l’an dernier. Je vais lire l’objectif de la loi néo-écossaise :

La présente loi a pour objet de protéger les jeunes Néo-Écossais contre les efforts nuisibles visant à changer leur orientation sexuelle ou leur identité de genre.

J’ai aussi été étonné de constater que le Manitoba avait également pris une mesure en 2015. Je l’ai appris par les médias, à l’époque :

[Français]

La province du Manitoba a franchi une étape pour bannir la thérapie de conversion de son système de santé.

[Traduction]

Même la Ville de Vancouver a proposé en juin 2018 — il y a un an — de prendre des mesures pour garantir que les règlements municipaux interdiraient la technique visant à convaincre les gens de suivre une thérapie de conversion.

Autrement dit, il y a eu beaucoup de mesures prises au niveau provincial, mais elles sont insuffisantes, car elles concernent seulement la profession médicale. Les provinces n’ont pas la capacité de créer des infractions criminelles. Comme je l’ai dit tantôt, selon une décision de la Cour suprême rendue en 2011, le Parlement du Canada est habilité à décider que le Code criminel interdira certaines pratiques « médicales » en raison de leur effet négatif sur les personnes.

Honorables sénateurs, ce ne sont pas les seules associations à s’être prononcées relativement à la thérapie de conversion. En 2015, la Société canadienne de psychologie affirmait, et je cite :

[Français]

La conversion ou la thérapie réparatrice peut avoir des conséquences négatives comme la détresse, l’anxiété, la dépression, une image négative de soi, un sentiment d’échec personnel, de la difficulté à maintenir des relations et un dysfonctionnement sexuel.

[Traduction]

Autrement dit, honorables sénateurs, il faut interdire la pratique au Canada, au niveau provincial, au sein de la profession médicale, chez les professionnels du domaine de la psychologie aux États-Unis, en Europe, à l’Organisation mondiale de la santé et dans de nombreuses organisations internationales.

Comme je l’ai dit, il faut qu’elle soit interdite dans le Code criminel de la même façon qu’on s’y est pris avec la prostitution, essentiellement en empêchant la publicité et le fait d’obtenir un avantage matériel de la pratique des thérapies de conversion. Ce faisant, nous protégeons les droits de la personne, les droits garantis par la Charte qui existent au Canada et que nous devons préserver en légiférant dans le Code criminel.

Honorables sénateurs, je vous exhorte à réfléchir à ce sujet qui est plus ou moins odieux. Nous ne voulons pas penser à ces choses qui sont si horribles lorsque qu’on les examine de près. Imaginez ce que c’est de se faire dire que parce que l’on est né avec une certaine caractéristique, par exemple des yeux bleus, on n’est pas normal parce que la normalité, ce sont les yeux bruns.

Vous naissez avec vos yeux bruns, qui ne disparaîtront pas. Vous les aimez et vous vivez heureux avec. De la même façon, lorsque vous naissez homosexuel ou avec telle ou telle identité de genre, vous vivez avec et vous avez tous les droits d’être protégé par le gouvernement et par la société contre toute tentative de vous convaincre que vous n’êtes pas normal et que vous devez changer.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Joyal : J’ai applaudi lorsque le premier ministre a pris officiellement position, et cette position a été applaudie des deux côtés de la Chambre des communes. J’ai applaudi lorsque nous avons présenté une mesure législative sur le mariage civil ici et que nous en avons débattu. Le mariage civil est maintenant chose courante au Canada. Nous avons répondu aux peurs et aux questions entourant la célébration du mariage.

Je pensais que la société avait évolué et qu’elle s’était adaptée. Les partis se sont adaptés. La société s’est adaptée, et l’institution du mariage ne s’est pas effondrée parce qu’on a permis que deux personnes prennent un engagement en public, l’engagement de se soutenir et de se donner mutuellement le genre de soutien moral et matériel que l’on promet de donner lorsque l’on se marie avec la personne que l’on aime.

Cela n’a pas modifié l’institution du mariage. À mon avis, l’institution du mariage n’en a été que renforcée. Comment pouvons-nous, comme société supposément égalitaire qui valorise la dignité et l’égalité, tolérer encore que nous n’envoyions pas un message clair à tout le monde au Canada, à savoir que nous devons interdire la thérapie de conversion dans le contexte du Code criminel?

C’est pourquoi, honorables sénateurs, j’ai pris l’initiative de porter la question à votre attention. Selon moi, notre pays tend vers un idéal d’égalité accrue. Nous sommes conscients de mesures qu’il a fallu prendre pour établir l’égalité entre les hommes et les femmes. Le but n’est pas encore atteint, mais au moins nous en avons un. Nous savons où nous nous dirigeons en tant que société. Nous savons ce qu’il faut faire sur le plan de l’économie, de la politique et des relations interpersonnelles entre les hommes et les femmes. Nous avons un objectif, un idéal en tant que société. Selon moi, nous devrions avoir un idéal semblable pour ce qui est de protéger et de respecter les personnes telles qu’elles sont.

Nous avons tous droit, dans une même mesure, à l’égalité et à la dignité. C’est essentiellement ce que vise le projet de loi à l’étude.

Je vous enjoins d’y réfléchir, honorables sénateurs. J’espère que nous continuerons d’échanger sur le sujet et de partager le fruit de nos réflexions, car c’est important. Comme je l’ai mentionné, nos réflexions ont une incidence sur la vie des gens. Nous, sénateurs, sommes ici pour alimenter nos réflexions, afin d’élargir notre conception et de repousser les limites de nos libertés et de notre respect envers les autres. Dans cette enceinte, nous pouvons parler au nom de ceux qui ne peuvent pas se faire entendre, ceux qu’il serait facile d’écarter parce qu’ils ne représentent pas le vote de la majorité.

À mon avis, honorables sénateurs, c’est un enjeu de choix pour le Sénat. C’est le genre de dossier où nous excellons. Réfléchissons à cette question comme notre ancien collègue le sénateur Pierre Claude Nolin l’a fait pour la légalisation de la marijuana, il y a près de 20 ans. Voilà où nous en sommes aujourd’hui.

J’espère qu’il ne faudra pas attendre 20 ans pour interdire la thérapie de conversion. Comme je l’ai dit, c’est le Sénat qui ouvre la porte. C’est le Sénat qui pousse le gouvernement à réfléchir, à intervenir et à envoyer un message clair : lorsqu’il est question de légiférer par l’entremise du Code criminel, nous prenons la chose au sérieux parce que les droits des Canadiens sont en jeu. Le Sénat n’a qu’une seule préoccupation, celle de faire en sorte que nous respections la dignité et l’égalité d’absolument tous les Canadiens.

Je vous remercie, honorables sénateurs, de votre attention malgré l’heure tardive.

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