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APPA - Comité permanent

Peuples autochtones

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones

Fascicule no 36 - Témoignages du 17 avril 2018


OTTAWA, le mardi 17 avril 2018

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd’hui, à 8 heures, pour étudier la teneur du projet de loi C-45, Loi concernant le cannabis et modifiant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, le Code criminel et d’autres lois, dans la mesure où il concerne les peuples autochtones du Canada.

Le sénateur Scott Tannas (vice-président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le vice-président : Bonjour. Chers collègues, soyez les bienvenus à cette séance du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones et vous aussi, cher public ici présent, ou celui qui nous écoute sur le Web.

Dans l’intérêt de la réconciliation, je souligne que notre séance se déroule sur les terres ancestrales et non cédées des peuples algonquins.

Je suis Scott Tannas, de l’Alberta, et j’ai le privilège de présider le comité en l’absence de notre présidente, Lillian Dyck.

J’invite maintenant mes collègues à se présenter.

La sénatrice Pate : Kim Pate, de l’Ontario.

La sénatrice Boniface : Gwen Boniface, de l’Ontario.

Le sénateur Doyle : Norman Doyle, de Terre-Neuve-et-Labrador.

Le vice-président : Aujourd’hui, nous poursuivons l’étude du projet de loi C-45 et des éventuels effets de la légalisation du cannabis dans les communautés autochtones.

Ce matin, nous accueillons la ministre de la Santé, l’honorable Ginette Petitpas Taylor, et l’honorable Bill Blair, secrétaire parlementaire de la ministre de la Justice et procureure générale du Canada et de la ministre de la Santé.

Ils sont accompagnés de fonctionnaires de Santé Canada et de Justice Canada.

Madame la ministre, vous avez la parole, après quoi les sénateurs vous interrogeront.

L’hon. Ginette Petitpas Taylor, C.P., ministre de la Santé, Santé Canada : Merci, monsieur le président.

Honorables sénateurs, je suis très heureuse d’être parmi vous ce matin et, moi aussi, je tiens à reconnaître que nous sommes sur le territoire traditionnel du peuple algonquin.

Je suis enchantée de pouvoir vous entretenir du projet de loi C-45 et des efforts du gouvernement pour veiller aux intérêts des peuples autochtones.

Comme vous le savez, le projet de loi sur le cannabis représente un changement historique dans la stratégie du Canada concernant le cannabis.

Le gouvernement du Canada axe la légalisation et la réglementation de ce produit sur la santé publique, pour mieux protéger les Canadiens et réduire au minimum les méfaits de sa consommation.

Notre projet de loi s’inspire des nombreux succès de la réglementation du tabac et de la réduction du tabagisme entreprises pour la protection de la santé publique.

Nous adoptons cette démarche, sachant que les Canadiens, particulièrement les jeunes, consomment beaucoup de cannabis, pourtant illégal.

[Français]

Plusieurs sondages montrent que les communautés autochtones déclarent des taux plus élevés de consommation de cannabis que la population canadienne en général. La consommation de cannabis est particulièrement élevée chez les jeunes des Premières Nations âgés de 12 à 17 ans vivant dans les réserves et dans les communautés nordiques.

Le système actuel, basé sur la prohibition, n’a pas réussi à dissuader ni à empêcher les jeunes d’avoir accès au cannabis et d’en consommer. Notre but, avec cet important projet de loi, est de faire ce que le système actuel n’a pas réussi à faire, soit d’empêcher les jeunes d’avoir accès au cannabis et de protéger les jeunes adultes qui choisissent de consommer du cannabis en fixant des exigences strictes en matière d’innocuité et de qualité des produits. Nous reconnaissons que les changements toucheront des communautés partout au Canada, et ce, de manières différentes. Cela inclut évidemment les communautés autochtones.

Depuis 2016, nous avons consulté de nombreux intervenants, notamment d’autres gouvernements, des organisations et des communautés des Premières Nations. Aujourd’hui, je tiens à faire part de ce qu’ils nous ont dit et de ce que le gouvernement du Canada entend faire face à leurs préoccupations.

[Traduction]

Notre gouvernement est profondément engagé dans le renouvellement, nation à nation, des rapports avec les peuples autochtones. Cet engagement oriente notre travail vers un nouveau régime pour le cannabis.

La priorité a été l’écoute des Premières Nations, des Inuits et des Métis. Ces deux dernières années, nous avons mené des consultations approfondies pendant lesquelles nous avons dialogué avec des organismes, des groupes et des représentants des communautés autochtones de tout le pays.

Le Groupe de travail pour la légalisation et la réglementation du cannabis a consulté des organisations autochtones nationales et des représentants des communautés autochtones avant de se prononcer sur un nouveau cadre législatif et réglementaire pour le cannabis.

En octobre 2017, mes homologues des provinces et des territoires et moi-même, nous avons rencontré des dirigeants autochtones à notre réunion annuelle, à Edmonton, pour discuter notamment, ce jour-là, du cannabis.

Personnellement, je me suis adressée à l’Assemblée des Premières Nations, à l’Inuit Tapiriit Kanatami, l’ITK, et au Conseil national Métis avant le lancement, en novembre 2017, de nos consultations publiques sur la stratégie réglementaire proposée.

De plus, j’ai récemment rencontré mes homologues du gouvernement du Nunavut, tandis que mon secrétaire parlementaire Blair a rencontré les représentants de Nunavut Tunngavik Inc. et des communautés inuites.

Tout récemment, M. Blair a entamé des consultations avec les représentants des communautés des Premières Nations du nord de l’Ontario et il poursuivra ces discussions avec d’autres Premières Nations et d’autres Inuits du Canada.

Ce dialogue avec tous se poursuit.

Des fonctionnaires de Santé Canada poursuivront le dialogue avec beaucoup de groupes autochtones, d’organisations nationales et de communautés pour les renseigner et les écouter sur la légalisation et la réglementation du cannabis.

Par exemple, en novembre 2017, Santé Canada a rassemblé des groupes autochtones, des représentants d’autres gouvernements, des partenaires et des joueurs du secteur pour discuter de la sensibilisation du public au cannabis.

[Français]

Des communautés, des dirigeants et des organisations autochtones ont présenté divers points de vue et objectifs, notamment l’importance des mesures de soutien en matière de santé publique, le besoin de prévoir une campagne d’éducation publique adaptée aux réalités culturelles et un vif intérêt pour la participation dans l’industrie du cannabis. Certains ont aussi soulevé des questions sur la façon dont la loi s’appliquera dans les réserves de même que sur les terres qui leur ont été conférées par des traités ou à la suite de revendications territoriales.

Je parlerai plus précisément de deux questions qui relèvent directement de ma compétence à titre de ministre de la Santé, soit l’éducation du public dans les communautés autochtones ainsi que le soutien des communautés autochtones qui souhaitent participer à l’industrie légale du cannabis.

Bon nombre de communautés et d’organisations à qui nous avons parlé ont souligné le besoin de protéger la santé publique en recourant à une campagne d’éducation du public. Nous voulons que toutes les Canadiennes et tous les Canadiens fassent des choix informés et responsables concernant le cannabis et qu’ils puissent parler à leurs enfants des risques liés à la consommation de cannabis. C’est pourquoi notre gouvernement investit plus de 100 millions de dollars sur une période de six ans pour financer des activités d’éducation du public, de sensibilisation et de surveillance.

Les communautés autochtones ont des besoins particuliers. Ces communautés nous ont dit que les activités d’éducation du public doivent être adaptées à leurs réalités culturelles et être pertinentes pour les personnes qu’elles cherchent à joindre. Nous avons aussi entendu des propos selon lesquels les Autochtones devraient avoir l’occasion de diriger le dialogue sur le cannabis aux niveaux local, régional et national et qu’ils devraient avoir accès à du financement pour diriger eux-mêmes des activités d’éducation du public. C’est pourquoi le budget de 2018 prévoit une somme de 62,5 millions de dollars sur une période de cinq ans en faveur d’initiatives d’éducation du public. Ce financement appuiera le travail d’organismes communautaires et d’organisations autochtones qui éduqueront le public dans leurs communautés sur les risques associés à la consommation de cannabis.

Le gouvernement du Canada travaille de près avec des experts et des organisations autochtones pour répondre aux besoins des membres des Premières Nations, des Inuits et des Métis. Dans toute la mesure du possible, nous collaborons avec des groupes autochtones pour les aider à diriger ces efforts de mobilisation et d’éducation du public adaptés aux réalités culturelles. À titre d’exemple, le gouvernement du Canada verse un financement à la Thunderbird Partnership Foundation pour qu’elle dirige des séances de dialogue structuré au sujet du cannabis à l’échelle du pays. L’information recueillie au cours de ces séances guidera l’élaboration de matériel d’éducation destiné au public qui sera adapté aux réalités culturelles des Premières Nations.

À mesure que nous lancerons des initiatives nationales et ciblées en matière d’éducation du public, nous continuerons à travailler en collaboration avec les dirigeants et les organisations autochtones pour veiller à ce que nous les aidions à éduquer leurs communautés.

[Traduction]

Un autre thème omniprésent pendant les discussions est celui de faire profiter les peuples autochtones des possibilités économiques offertes par le cannabis légal.

Actuellement, on compte, dans le réseau médical, quatre producteurs autorisés de cannabis à des fins médicales et quatorze autres candidats qu’on sait affiliés à des groupes autochtones.

Au Nouveau-Brunswick par exemple, la Première Nation de Listuguj a noué un partenariat avec Zenabis, un producteur autorisé par le gouvernement fédéral, qui a implanté une installation à proximité de la communauté et qui offre des emplois et d’autres possibilités à ses habitants.

Le processus de demande d’un permis fédéral de production de cannabis à des fins médicales auprès de Santé Canada est rigoureux, pour protéger la santé et la sécurité des Canadiens.

Conscients de sa complexité, nous avons créé un système qui permet de diriger les demandeurs autochtones vers un professionnel de l’octroi de permis qui peut les orienter à chacune des étapes du processus.

Ce service favorisera la participation des Autochtones intéressés à devenir des joueurs dans le secteur du cannabis légal.

[Français]

En conclusion, que ce soit dans les grandes villes ou les petites municipalités, dans les réserves des Premières Nations ou dans des communautés nordiques isolées, les taux de consommation de cannabis au Canada sont parmi les plus élevés au monde, même si cette substance est illégale à l’heure actuelle.

La prohibition n’a pas fonctionné. Il est temps d’adopter une nouvelle approche. Le projet de loi C-45 nous donne les outils dont nous avons besoin pour gérer efficacement ce problème. Il contribuera à garder le cannabis hors de la portée des jeunes et empêchera les criminels et le crime organisé d’en tirer profit. Surtout, il contribuera à protéger la santé publique grâce à des règles et à des normes de qualité strictes.

Au cours des deux dernières années, nous avons tendu la main aux communautés autochtones, aux organisations nationales autochtones, de même qu’aux provinces et aux territoires. Nous avons écouté leurs préoccupations et nous nous occupons des questions qu’ils ont soulevées.

[Traduction]

Le projet de loi sur le cannabis s’appuie sur de vastes consultations et un dialogue suivi. Il tient compte des inquiétudes et des intérêts divers des Canadiens, notamment des peuples autochtones.

Dans l’élaboration de ce cadre juridique, nous continuerons de dialoguer avec tous les partenaires et tous les joueurs du secteur, notamment les communautés autochtones de notre pays.

Je suis convaincue que ce projet de loi, dont vous êtes saisis, constitue la meilleure solution pour la légalisation et la réglementation de la consommation du cannabis dans nos communautés. J’en suis fière et je vous incite vivement à l’appuyer.

Merci beaucoup. Je serai heureuse de répondre à vos questions.

Le vice-président : Merci beaucoup, madame la ministre.

Deux ou trois remarques : veuillez pardonner à mon marteau sa sensibilité au moindre stimulus; des sénateurs sont arrivés au début de vos remarques.

La sénatrice Martin : Yona Martin, de la Colombie-Britannique.

Le sénateur Ngo : Thanh Hai Ngo, de l’Ontario.

La sénatrice Raine : Nancy Greene Raine, de la Colombie-Britannique.

La sénatrice Deacon : Je suis la sénatrice Deacon, de l’Ontario.

La sénatrice McPhedran : Marilou McPhedran, du Manitoba.

Le vice-président : Trois fonctionnaires se présentent aussi pour les questions : le directeur général au Secrétariat de la législation et de la réglementation du cannabis du ministère de la Santé, M. Eric Costen, et deux représentants du ministère de la Justice : l’avocate générale Diane Labelle et le directeur et avocat général Stefan Matiation. Soyez les bienvenus.

Le sénateur Doyle : Madame la ministre, soyez la bienvenue. Heureux de vous voir.

Récemment, notre comité a visité la Saskatchewan, l’Alberta et le Manitoba, et nous n’avons pas beaucoup entendu parler du projet de loi sur le cannabis, qui n’était alors pas à l’ordre du jour de notre comité. Nous avons visité le pénitencier de Prince Albert, et nous y avons découvert un fort pourcentage de détenus pour des infractions liées aux drogues et, je le suppose, au cannabis. Certains — des pays aussi — préconisent de traiter les toxicomanies comme des problèmes de santé et non comme des problèmes juridiques.

Avez-vous d’abord l’impression que la stratégie canadienne visant les infractions liées aux drogues, la consommation de cannabis et ainsi de suite, qui aboutit à jeter des gens en prison est la bonne? Cette question m’a toujours laissé sur ma faim. Est-ce une infraction liée aux drogues ou, faute d’une meilleure expression, une infraction liée à la santé? Qu’en pensez-vous?

Mme Petitpas Taylor : Merci beaucoup pour la question.

D’abord, personnellement, ayant été travailleuse sociale avant de devenir parlementaire, je dois avouer que j’ai toujours considéré les toxicomanies comme des problèmes de santé.

Dans ma carrière, j’ai croisé de nombreux toxicomanes et, par la suite, nous les traitions toujours suivant une démarche de santé publique. Nous devons certainement examiner leurs problèmes et accorder à ces personnes les services dont elles ont besoin.

Voilà pourquoi je suis extrêmement fière des investissements de notre gouvernement pour sensibiliser et instruire le public et aussi des ressources et des moyens accrus pour les services et la santé mentale.

Nous devons certainement reconnaître que beaucoup de nos collègues souffrent de problèmes de santé mentale et nous assurer que, désormais, nous leur fournirons les services nécessaires pour qu’ils reprennent bien leur vie en main.

Le sénateur Doyle : Vous avez parlé de consultations avec les peuples autochtones. Des témoins et des organisations autochtones ont déclaré qu’elles avaient été insuffisantes sur le projet de loi sur le cannabis. Certains ont dit qu’une campagne de sensibilisation aurait dû absolument précéder son adoption.

Êtes-vous d’accord? Les consultations ont-elles été suffisantes? On nous dit que non. Je suppose qu’elles l’ont été dans certaines régions, mais, globalement, qu’en est-il? Des groupes des Premières Nations s’en sont-ils plaints on ont-ils dit qu’il n’y en avait pas eu?

Mme Petitpas Taylor : Voilà, il me semble, une question à deux volets, sur les consultations et sur une campagne anticipée d’éducation et de sensibilisation. Les consultations avec différentes organisations, différentes communautés et différents groupes autochtones ont été bien réelles, je dois le dire. J’ai la liste des différentes réunions et sessions qui ont eu lieu. Je serai des plus heureuses de vous la communiquer, si vous ne l’avez pas encore reçue.

Depuis deux ans, nous avons certainement consulté de nombreux groupes et organisations. Personnellement, je l’ai fait, avec de nombreux groupes nationaux et de nombreuses communautés, tandis que mon secrétaire parlementaire Bill Blair a été très occupé, partout dans le pays, à rencontrer différentes personnes pour écouter leurs motifs de préoccupation, leurs idées et le résultat de leurs réflexions sur la question des consultations.

Avant de lui céder la parole, peut-être pour vous éclairer davantage sur les consultations et les groupes qu’il a rencontrés, je réponds à l’autre volet de votre question, sur l’éducation et la sensibilisation.

J’ai très clairement dit, dès le départ, que nous voulions investir nos efforts autant que possible dans l’éducation et la sensibilisation du public et que c’est ce qui arriverait effectivement. Nous suivons en cela les recommandations du groupe de travail, mais, aussi, l’expérience de nos amis et voisins du Sud qui, si c’était à refaire, ils nous l’ont dit, s’assureraient d’investir davantage en première ligne, dans des mesures d’éducation et de sensibilisation, avant de légaliser le cannabis. Ce conseil, nous l’avons suivi à la lettre : nous avons fait des investissements importants et annoncé les campagnes en ce sens.

M. Blair pourra peut-être en dire un peu plus sur le nombre de consultations auxquelles il a participé.

M. Bill Blair, député, secrétaire parlementaire de la ministre de la Justice et procureure générale du Canada et de la ministre de la Santé : Merci beaucoup. Il importe vraiment de reconnaître que le processus de consultation et de mobilisation n’est pas seulement une manifestation, un alibi, nous étions avec un tel, nous lui avons parlé, voilà! D’après mon expérience, c’est un processus ininterrompu de dialogue avec les communautés, à quoi elles s’attendent.

Depuis le début, avec notre groupe de travail, puis nos hauts fonctionnaires et notre gouvernement, nous avons dialogué avec celles de tout le pays et nous les avons consultées. Elles nous ont dit qu’elles veulent continuer de collaborer avec nous.

Voici un exemple éloquent pour la question de l’éducation du public. Les communautés autochtones nous ont très clairement dit, dans les consultations jusqu’ici, qu’elles veulent participer et s’assurer que l’éducation faite chez elles sera culturellement dans le ton et qu’elle se fera dans leur langue. Ça ne peut pas simplement se faire à partir du centre. Ça exige un partenariat avec elles.

Nos discussions ont très clairement révélé qu’elles souhaitent poursuivre le dialogue avec nous. C’est ce à quoi elles s’attendent et ce que nous promettons.

Le sénateur Doyle : J’entends parler d’un autre motif de préoccupation. Beaucoup de petits Canadiens, notamment des enfants autochtones, vivent déjà avec des parents qui consomment de l’alcool ou qui fument en leur présence. On autorisera désormais la consommation de cannabis à domicile par les adultes, qui pourront aussi en cultiver chez eux.

Je tiens à connaître votre opinion. Il est sûr que la substance est nocive pour les enfants. Que pensez-vous de ceux qui expriment ces craintes? Que leur répondez-vous et que répondez-vous au fait que la consommation de cannabis sera autorisée à domicile? Je suppose que beaucoup de consommateurs le font actuellement, mais, le projet de loi permet en plus d’en cultiver chez soi.

Que répondez-vous à ceux qui vous font part de leurs inquiétudes?

Mme Petitpas Taylor : Merci pour votre question. Pour la culture au domicile, encore une fois, nous proposons des dispositions en ce sens dans le projet de loi. Nous avons certainement privilégié les recommandations du groupe de travail. Encore une fois, cette décision résulte de ses vastes consultations.

Pour la culture à domicile, vous savez tous que nous avons fixé un maximum de quatre plantes par ménage, pas par individu faisant partie du ménage, mais par ménage.

Il faut aussi préciser que la province ou le territoire peut abaisser ce maximum.

La province ou le territoire peut aussi, à son choix, édicter d’autres règlements. Je ne peux seulement vous parler des détails du Nouveau-Brunswick, ma province, qui a ajouté des dispositions réglementaires selon lesquelles, si la culture à domicile est autorisée, les autorités veulent s’assurer qu’elle se fera dans un local fermé, sous clé, à l’intérieur du domicile.

Les provinces peuvent donc édicter d’autres règlements, à leur choix.

Quant au risque pour les enfants, je dois vraiment m’attendre à ce que les parents et les Canadiens prennent les mesures appropriées pour protéger leurs enfants contre toute substance nocive, tout comme ils le font contre l’alcool, le tabac ou tout autre produit domestique. Je m’attends à ce qu’ils prennent les mesures appropriées pour les protéger contre les méfaits de ce produit.

M. Blair : J’ajouterai aussi que chaque province et territoire pourra appliquer les interdictions réglementaires de la possession, de l’achat et de la consommation de cannabis par un mineur, interdictions qui seront désormais exécutoires sous le régime d’un règlement de la province ou du territoire.

Actuellement, le seul recours est de porter des accusations contre l’enfant au criminel et de lui donner un casier judiciaire, mais nous avons prévu dans le projet de loi une manière plus graduelle d’appliquer le règlement. Nous avons aussi conservé les infractions criminelles graves et créé une infraction criminelle pour la fourniture de cette drogue à des enfants. Nous reconnaissons ainsi les risques que la substance pose pour eux.

La nouvelle grille d’application d’une interdiction, la nouvelle infraction, pour la fourniture de cette drogue à des enfants, et, enfin, une campagne robuste de sensibilisation du public aux risques posés pour les jeunes, tout ça ensemble protégera beaucoup mieux les enfants contre cette drogue que les interdictions en vigueur, qui ne permettent pas la réglementation ni le volet d’une campagne robuste de sensibilisation.

La sénatrice Boniface : Bonjour. Soyez la bienvenue, madame la ministre. Je vous remercie, monsieur Blair, d’être ici. Voyons un peu la question du crime organisé sur lequel, je le sais, monsieur Blair, vous en connaissez un bon bout. Beaucoup d’entre nous doutent de notre capacité de nous y attaquer, particulièrement dans les communautés vulnérables, en l’occurrence, et ce qui nous inquiète, les communautés autochtones.

Des efforts particuliers ciblent-ils le crime organisé qui profite des communautés où le maintien de l’ordre n’est pas aussi robuste, faute de fonds et pour d’autres motifs? De quelle manière croyez-vous qu’on pourra s’attaquer au problème, compte tenu, prochainement, de la mise en oeuvre de la loi?

Mme Petitpas Taylor : Pour commencer, on a fait d’importants investissements dans les services de police autochtones, l’année passée, afin de leur donner plus ressources, et ce, pas seulement pour le cannabis. Cela va les aider dans la mise en oeuvre de cette loi aussi.

Je vais donner la parole à M. Blair, car il peut vous fournir une réponse plus détaillée sur l’aspect du crime organisé.

M. Blair : Merci beaucoup, madame la ministre. Sénatrice, comme vous le savez, le processus actuel de production et de distribution de cannabis au pays est entièrement contrôlé par des criminels. C’est une entreprise qui rapporte des milliards de dollars — de 5 à 8 milliards de dollars par année en ventes au détail pour les criminels, selon les estimations.

En réponse à cela, pour commencer, comme la ministre l’a indiqué, nous faisons d’importants investissements, dont un montant additionnel de 113 millions de dollars qui permettra à la GRC et à l’ASFC de se concentrer sur les activités du crime organisé et sur les questions d’intégrité des frontières. Franchement, le sous-financement et le manque de ressources de la police dans les collectivités autochtones sont des facteurs importants.

Des fonds additionnels — des montants importants — sont réinvestis dans le Programme des services de police des Premières Nations, ce qui se traduira par une amélioration de la qualité des mesures d’exécution.

Enfin, et surtout, toutes les infractions actuelles liées à la production illégale, à la distribution illégale, ainsi qu’à l’importation et à l’exportation illégales demeurent. Tous les pouvoirs actuels des services de police en matière d’application de la loi et d’enquête sont maintenus dans ce projet de loi. Rien ne leur est retiré. Ils reçoivent des ressources additionnelles.

De plus, on donne aux consommateurs de ces collectivités un choix légitime. Près du tiers des Canadiens choisissent de se procurer du cannabis auprès d’entreprises criminelles, en ce moment.

Nous leur offrons une solution de rechange, un choix légitime, un choix plus sûr et plus sain, le choix de se procurer du cannabis produit en vertu de règles strictes et sous une surveillance rigoureuse, du cannabis qui a été testé et qui ne contient aucun produit chimique adultéré, de puissance connue, ce qui leur permet de faire des choix plus sains. C’est un choix qui permet une consommation plus socialement responsable de cette drogue, de sorte que l’argent qu’ils y consacrent ne va pas à des entreprises criminelles, qui ne font rien de bon pour les collectivités. Cet argent est plutôt réinvesti dans les entreprises légitimes des collectivités qui paient des impôts, et cela donne au gouvernement la chance de mener des campagnes de sensibilisation de la population, des campagnes de promotion de la santé, des services de santé mentale et des services de réadaptation et de traitement. Tout cela peut avoir des effets nettement plus positifs dans la collectivité que ce que les criminels font en ce moment.

La sénatrice Boniface : Je ne suis pas en désaccord avec ce que vous dites. Ce qui me préoccupe en réalité, c’est la vulnérabilité des collectivités. Je comprends qu’on finance les services de police des Premières Nations, mais c’est dans le cadre d’une entente longuement négociée avant tout ceci, avant ce projet de loi. Je vous déconseillerais simplement de présumer que c’est une des choses qui va aider la situation.

Ce qui me préoccupe vraiment c’est l’expérience du Colorado et d’autres endroits, d’après les discussions que j’ai eues. Comment vous attaquez-vous au problème du crime organisé dès le début? Cela signifierait d’essayer de raffermir les collectivités que les criminels verront comme étant faibles sur le plan de l’application de la loi, entre autres.

Ce n’est qu’une observation. Je trouve qu’il faut être prudents avec les hypothèses, en particulier concernant les collectivités autochtones. Cela me préoccupe.

Ma deuxième question, en fait, porte sur la mise en œuvre et sur ce que vous entendez dans les collectivités. J’ai discuté avec des dirigeants autochtones, la semaine dernière, de la question de savoir si des collectivités opteraient pour l’interdiction comme cela se fait pour l’alcool.

Du point de vue de la santé, quand vous évaluez les collectivités qui ont pris la décision d’interdire l’alcool par rapport aux autres qui n’ont pas fait de même, avons-nous appris des leçons que nous pourrions utiliser dans ce cas-ci? Est-ce que cette information est mise à la disposition des dirigeants autochtones qui doivent envisager cela et prendre une décision?

Mme Petitpas Taylor : Je vous remercie beaucoup de votre question. C’est effectivement un élément dont nous entendons parfois parler.

Je sais que quand j’ai rencontré divers groupes, dirigeants et collectivités autochtones, certaines personnes nous ont parlé de la question de mettre en place des règles d’interdiction pour certaines collectivités.

D’autres dirigeants nous ont affirmé qu’ils ne vont absolument pas opter pour cela. Ils l’ont fait pour d’autres substances intoxicantes, et ils estiment que cela n’a tout simplement pas répondu à leurs besoins, à l’époque, et que cela ne va pas répondre à leurs besoins maintenant.

L’une des raisons d’aller de l’avant avec le projet de loi C-45 est que, premièrement, oui, nous voulons protéger nos jeunes. Nous voulons aussi enlever aux criminels les produits de la vente, mais nous reconnaissons que l’interdiction ne fonctionne pas.

Le cannabis est une substance illégale, mais nous savons que nous sommes l’un des pays développés où le taux de consommation de cannabis chez les jeunes est le plus élevé. Nous savons donc très bien que l’approche actuelle ne fonctionne pas.

Nous savons aussi que dans les collectivités autochtones, le taux de consommation de cannabis chez les jeunes est encore plus élevé dans certains endroits que chez les jeunes non-Autochtones. Nous reconnaissons donc que l’approche actuelle d’interdiction ne fonctionne pas. Compte tenu de ce que les gens des collectivités nous disent de ces options ou des discussions qu’ils ont, nous allons de l’avant parce que nous reconnaissons que l’interdiction ne fonctionne pas. C’est la raison pour laquelle nous voulons mettre en place un processus ou un système qui va limiter l’accès que les enfants ont au produit, mais qui va réglementer le produit offert sur le marché.

Le vice-président : La ministre doit partir à 9 heures. M. Blair et les fonctionnaires sont prêts à rester plus longtemps. Il serait donc bon de formuler les questions de manière à en poser de brèves pour lesquelles nous voulons les réponses de la ministre, puis nous pourrons poursuivre normalement après, si cela vous va.

La sénatrice Martin : Merci, madame la ministre. Je dois partir à 9 heures, alors je suis ravie de pouvoir poser quelques questions à la ministre.

Madame la ministre, dans votre exposé, vous avez parlé de la conception de documents d’information adaptés à la culture, et vous avez dit que les consultations orienteront l’élaboration de cela, ce qui signifie que ce n’est pas encore fait.

Je suis curieuse. Il faut du temps pour concevoir des programmes, en particulier des documents adaptés à la culture. Le processus de consultation peut avoir pris beaucoup de temps et s’être échelonné sur une longue période, mais la conception de documents peut aussi prendre beaucoup de temps.

Voici donc ma première question. Quelle partie de cela est prête? Si rien n’est prêt, comment voyez-vous le fait que la légalisation pourrait arriver avant que ces documents soient tout à fait prêts et déployés? Car cela aussi peut prendre du temps.

Je me préoccupe simplement de l’échéancier qui suivra les consultations et la conception de ces documents, et de la mise en œuvre ainsi que des résultats que nous voulons obtenir avant, comme le degré de préparation d’une collectivité avant la légalisation du produit.

Mme Petitpas Taylor : Merci beaucoup. En effet, dans mon exposé, j’ai dit que nous travaillons avec des groupes autochtones. Plus précisément, j’ai mentionné l’organisation Thunderbird et j’ai dit que nous avions établi un partenariat avec ces gens. Ils mènent les consultations et contribueront à la conception également.

Nous devons aussi garder à l’esprit que, par l’intermédiaire de Santé Canada, nous avons commencé à faire beaucoup d’information et de sensibilisation de la population. Cela a commencé l’année passée, en fait.

En ce qui concerne la campagne de sensibilisation du public — la campagne sur les faits touchant le cannabis —, bien des gens ne savent pas qu’elle a commencé en mars 2017 et qu’elle est en ce moment en cours de déploiement.

Souvent, on me dit : « Madame la ministre, je n’ai rien vu de cela encore. » Ma réponse, c’est que je pense bien que mon groupe d’âge n’est pas le groupe ciblé par ces types de campagnes. Nous allons vraiment atteindre les enfants et les jeunes adultes en fonction du point où ils en sont. Ces campagnes sont très présentes et font l’objet de publicités payées dans les médias sociaux, comme Facebook et Twitter, et dans les bannières web. C’est là où nous ciblons vraiment les jeunes et les particuliers.

Sur le plan des résultats, à ce jour, les messages sur Facebook et Twitter ont été vus plus de 7,9 millions de fois, et les bannières des sites web ont été vues plus de 47 millions de fois.

La campagne « Ne conduis pas gelé » est une autre campagne très efficace que nous avons eue, et vous l’avez peut-être vue à la télé ou ailleurs. Cette campagne a été d’une grande efficacité; elle a commencé en novembre 2017 et s’est terminée en mars 2018, mais nous allons l’utiliser de nouveau à des moments précis. Par exemple, la période qui précède les Fêtes est probablement une période où nous avons constaté qu’elle était très efficace.

Le groupe ciblé par cette campagne était celui des 16 à 24 ans. Encore là, nous avons utilisé des publicités télévisées pour cela, mais aussi des annonces dans les médias sociaux et ailleurs, parce que nous voulons nous assurer d’atteindre les personnes en question.

Enfin, nous sommes en train de mettre en oeuvre une autre phase de notre campagne, celle des réponses aux questions sur le cannabis. La phase 1 a déjà cours, et nous sommes sur le point de lancer la phase 2. Encore une fois, nous faisons pour cela de la publicité payée dans les médias sociaux : Facebook, Instagram, YouTube, Snapchat et ainsi de suite. Et encore là, le nombre de personnes atteintes se situe dans les millions.

Je précise que ces campagnes sont en français et en anglais, mais nous travaillons aussi en ce moment à créer, comme nous l’avons indiqué, des programmes adaptés à la culture qui répondent aussi aux exigences linguistiques des collectivités autochtones.

Nous reconnaissons aussi que pour atteindre les jeunes, Autochtones et non-Autochtones, ces types de campagnes fondées sur les médias sociaux sont ce qui fonctionne, car les jeunes y ont accès.

Comme je l’ai dit, nous continuons de travailler avec divers autres groupes aussi. Nous avons beaucoup investi dans notre travail en partenariat avec Jeunesse sans drogue Canada et d’autres organismes sans but lucratif, car nous voulons concevoir les meilleurs outils et la meilleure éducation du public possible, en fonction des besoins de tous les Canadiens, où qu’ils soient.

La sénatrice Martin : Merci, madame la ministre. Donc, la conception de matériel éducatif adapté à la culture est en cours. Je sais que nos enfants utilisent les médias sociaux et que c’est très rapide. Il ne s’agit que de quelques secondes, et c’est efficace dans une certaine mesure. J’espérais entendre ce qui se passera quand les élèves seront à l’école et en apprendre sur ce type de programme, beaucoup plus concentré et orienté par des adultes et prévoyant plus de temps. La loi est très complexe et ses effets seront multiples.

Je ne sais pas si une campagne misant uniquement sur les médias sociaux, de diverses manières, va donner ce que nous espérons et nous assurer que les collectivités sont préparées. Je m’interroge sur le temps qu’il faudra pour cela, à savoir s’il faut que tout soit en suspens jusqu’à la mise en œuvre complète. Si les collectivités ne sont pas prêtes, nous ne pourrons pas revenir en arrière pour effacer les effets négatifs. Je m’inquiète de ce que les choses ne sont pas tout à fait prêtes et que nous ne sommes pas prêts, comme société, en particulier pour les groupes vulnérables, le travail étant encore en train de se faire.

Mme Petitpas Taylor : Je vous remercie beaucoup de votre question. Comme nous l’avons indiqué, de nombreuses choses ont été produites et cela se poursuit. Nous avons fait d’importants investissements. Avec les 108 millions des cinq ou six prochaines années, nous voyons que d’importants investissements seront faits pour créer des produits importants.

À cet égard, je dois cependant dire que sur le plan des outils qui ont été conçus, tout a commencé au début de 2017, car nous voulions nous assurer que nous avions assez de temps pour la mise en place et le déploiement des campagnes publiques de sensibilisation. Il faut que j’en dise un peu plus aussi sur un programme pour lequel nous avons un partenariat, soit Jeunesse sans drogue. C’est une campagne qui a été créée et pour laquelle nous avons été en mesure de fournir de l’aide. Elle comporte une trousse. Ce n’est pas qu’une application ou un outil misant sur les médias sociaux. Je pense que les médias sociaux sont très efficaces pour atteindre les jeunes de nos jours, mais cette trousse de Jeunesse sans drogue est fournie à tous, y compris aux parents, enseignants, entraîneurs ou particuliers qui ont souvent des conversations difficiles avec des enfants ou des conversations avec lesquelles nous ne sommes pas toujours à l’aise. C’est un excellent guide de référence comportant de l’information que les parents, les travailleurs de la santé ou les mentors peuvent utiliser pour avoir de telles conversations avec des enfants.

Pour en revenir à la campagne misant sur les médias sociaux, je dois également ajouter que cet automne, on m’a demandé de regarder quelques campagnes qu’on envisage de lancer. J’ai choisi une campagne parmi celles qui m’étaient présentées parce que je pensais qu’elle serait efficace. Elle répondait à mes besoins.

Nous avons ensuite tenu un groupe de discussion pour les enfants, le groupe cible, et la campagne que j’avais choisie ne répondait absolument pas à leurs besoins. Elle répondait aux miens, alors je me suis sentie un peu vieille quand ils me l’ont dit. Nous devons garder à l’esprit que nous devons atteindre les enfants là où ils sont. La campagne que nous sommes sur le point de déployer, visant les réponses aux questions sur le cannabis, est en fait une campagne pour laquelle des enfants, des jeunes ou de jeunes adultes sont allés dans la petite cabine en question.

Ils ont pu poser toutes les questions qu’ils voulaient au sujet du cannabis — n’importe quoi. Nous avions à notre disposition divers professionnels capables de répondre à ces types de questions, ou aux questions qu’ils avaient posées dans leurs mots. De là, une fois que les questions ont été posées et ont fait l’objet de réponses, nous avons pu tout enregistrer et nous en avons fait de petites capsules. C’est la prochaine étape de notre sensibilisation du public. Donc, si un jeune a des questions sur un aspect particulier, cette capsule va lui donner les faits au sujet du cannabis.

Beaucoup de travail a été accompli, et cela se poursuit. Encore, comme nous l’avons dit, ce n’est pas un événement. Au fur et à mesure que nous mettons cela en œuvre, nous devons veiller à continuer d’évaluer la situation pour voir exactement ce qui sera nécessaire, car nous voulons absolument répondre à ces besoins. Cela va se poursuivre.

La sénatrice Pate : Merci, madame la ministre, et merci au reste du groupe de votre présence avec nous.

J’aimerais revenir sur une chose que le sénateur Doyle a soulevée ou qui m’a amenée à penser à cela. L’un des problèmes dont nous sommes au fait, dans les prisons, comme le sénateur Doyle l’a souligné, c’est le nombre de personnes qui s’y trouvent pour des infractions liées aux drogues. Vous savez probablement que c’est plus du double de ce que nous avons quand nous parlons des femmes en particulier. Il y a en ce moment des dispositions législatives en matière correctionnelle, l’article 29 en particulier, qui permettent qu’on sorte des gens de prison. Compte tenu de vos antécédents, vous connaissez les bienfaits de leur participation à des programmes de traitement, par opposition à leur maintien en prison.

Quels genres d’initiatives le gouvernement fédéral prend-il pour consulter les provinces afin de veiller à ce qu’elles aient de solides programmes de traitement, non seulement pour ce cas-ci, mais aussi pour le projet de loi C-46, concernant les options de traitement qui pourraient autrement être offertes aux individus, mais qui sont offertes uniquement aux personnes ayant des moyens importants, soit parce que leur avocat les défend bien ou parce que ces gens peuvent payer les traitements par leurs propres moyens?

Mme Petitpas Taylor : Je crois que j’ai manqué une partie de votre question. J’en suis désolée.

La sénatrice Pate : Je vais essayer de la simplifier un peu. Je suis curieuse au sujet du leadership et de ce que vous faites sur le plan de votre responsabilité comme ministre de la Santé pour vous assurer que les provinces mettent en place les programmes de santé appropriés, et des programmes de traitement en particulier, et je m’interroge sur la façon dont vous allez rendre ces programmes accessibles aux personnes soumises aux dispositions actuelles du Code criminel, quand nous parlons d’options en matière de détermination de la peine, ainsi qu’aux personnes qui, conformément à l’article 29 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, pourraient avoir accès à cela hors de la prison, plutôt que d’être en prison.

Mme Petitpas Taylor : Je suppose que vous parlez précisément des Autochtones et de leurs collectivités, n’est-ce pas?

La sénatrice Pate : Pas seulement des Autochtones, non. Ces dispositions s’appliquent aux deux.

Mme Petitpas Taylor : Depuis que nous avons formé le gouvernement, nous indiquons très clairement que la santé mentale est sans aucun doute une de nos priorités, et des investissements considérables ont d’ailleurs été faits dans ce domaine dans les budgets de 2016, de 2017 et de 2018.

Comme nous l’avons indiqué, la santé mentale est une priorité absolue. Dans le budget de 2017, nous avons investi 5 milliards de dollars dans le domaine. Pour ce qui est des provinces et des territoires, nous sommes dans le processus de signature d’accords bilatéraux. Jusqu’à maintenant, je crois que j’en ai signé cinq, mais nous en avons d’autres à mettre en oeuvre.

À propos de la santé mentale, je dois dire que, depuis que je suis devenue politicienne il y a peu de temps, au cours des deux dernières années et demie, j’ai sans aucun doute reconnu que c’est un domaine qui touche la vie des Canadiens et qui nous tient tous à coeur. Je crois que toutes les personnes présentes connaissent une personne atteinte d’un problème de santé mentale. Il faut donc continuer de faire des investissements considérables dans ce domaine. Je suis heureuse que notre gouvernement ait fait preuve de leadership en accordant des fonds, mais, une fois de plus, nous reconnaissons qu’il reste du travail à faire.

En ce qui concerne nos collectivités autochtones, je suis très fière de dire que, au moyen du nouveau ministère créé grâce au leadership de la ministre Philpott, d’importants investissements ont aussi été faits dans le domaine de la santé mentale et de la toxicomanie. Dans le budget de 2018, nous avons annoncé un investissement de plus de 200 millions de dollars sur cinq ans et de 40 millions par la suite dans la prestation de services et la mise au point de services adaptés à la culture pour les collectivités autochtones. Donc, encore une fois, c’est un investissement important pour que les membres de ces collectivités reçoivent les services dont ils ont besoin. Dans le budget de 2018, le gouvernement a également annoncé un investissement de 248 millions de dollars sur trois ans pour ajouter les services de santé mentale et émotionnelle aux services déjà offerts aux survivants des pensionnats indiens. Donc, une fois de plus, nous reconnaissons que c’est sans aucun doute un domaine sur lequel nous devons mettre l’accent, et, en tant que gouvernement, c’est certainement une de nos priorités. À titre de ministre de la Santé, c’est assurément un domaine qui me tient beaucoup à coeur, et nous voulons manifestement continuer de l’appuyer.

La sénatrice Pate : C’est formidable. Merci. Je suis désolée. De toute évidence, je n’ai pas été très claire dans certaines de mes questions. Vos explications sont toutes très utiles, mais pour ce qui est plus particulièrement du problème de la toxicomanie, il y a évidemment un chevauchement et un croisement. Quelles sortes d’ententes de partage des coûts établissez-vous avec les provinces pour élaborer des programmes de traitement, qui seraient particulièrement utiles dans la situation actuelle, que ce soit pour remplacer une peine de prison ou libérer des personnes dont le principal problème est la toxicomanie et parfois des troubles mentaux? Parce qu’à l’heure actuelle, les ressources sont insuffisantes dans beaucoup de collectivités, et il pourrait y avoir des ententes de partage des coûts. Il existe déjà des ententes d’échange de services, et les coûts associés à ces questions pourraient être mieux partagés.

Mme Petitpas Taylor : À propos des accords bilatéraux que nous avons signés avec les provinces et les territoires, nous nous sommes sans aucun doute assuré d’avoir des indicateurs en place, car nous voulons être certains que les fonds investis dans ce domaine sont dépensés où il se doit. Donc, avec l’aide de l’ICIS, des indicateurs sont mis au point, et nous pourrons ensuite faire une évaluation pour mesurer les résultats obtenus. Je ne sais pas, monsieur le secrétaire parlementaire, si vous avez quelque chose à ajouter, mais nous voulons assurément investir dans le domaine et, comme je l’ai mentionné, en ce qui a trait aux investissements que nous faisons à l’échelle fédérale, nous tenons à être certains que les provinces s’assurent que l’argent répond aux besoins des membres de ces collectivités dans le domaine des services de santé mentale.

M. Blair : Je peux seulement vous dire ce que j’ai entendu. Je reviens tout juste d’Iqaluit, par exemple, où j’ai rencontré les gens du gouvernement du Nunavut. De toute évidence, ils sont préoccupés par la disponibilité de traitements contre les dépendances et en santé mentale dans leurs collectivités.

Vous savez sans doute que le gouvernement du Canada fournit un financement et travaille avec ces gouvernements pour offrir ces services, mais la demande est forte. On nous l’a très bien fait comprendre, et nous travaillons avec eux pour voir comment ces services peuvent être offerts.

Je signale également que j’ai rencontré là-bas le ministre des Finances et la ministre de la Santé du territoire, et ils sont conscients de la possibilité de générer des revenus grâce à une industrie réglementée pour ensuite les réinvestir dans des traitements et des services de réinsertion. Ils voient cela comme une excellente occasion pour eux, et nous collaborons pour voir comment nous pourrions maximiser l’occasion qui se présente.

Le vice-président : J’ai une question pour vous, madame la ministre, avec tout le respect. Je comprends que vous dirigez l’exercice de consultation sur le projet de loi C-45, et vous avez dit que vous donneriez une liste d’activités liées à la consultation des collectivités autochtones. Comme l’a mentionné le sénateur Doyle — et je le répète —, nous nous sommes déplacés pour étudier un autre dossier et nous avons rencontré les chefs de certaines des plus grandes collectivités autochtones au pays qui nous ont dit qu’ils n’avaient aucunement été consultés. Je ne remets toutefois pas en doute votre liste.

C’est ce que nous avons entendu à maintes reprises. On demande à notre comité de présenter des recommandations ici au comité de coordination, et nous songeons à des amendements qui portent expressément sur les questions autochtones. Des dirigeants nous ont dit un certain nombre de fois que les consultations ne doivent pas avoir lieu une fois que le gâteau est cuit et servi, en demandant alors ce qu’on en pense sans apporter de modifications ensuite. Les consultations doivent avoir lieu à l’étape de la préparation.

Je me demande juste si vous pouvez attirer l’attention sur un passage du projet de loi, dans sa forme actuelle, qui est attribuable aux consultations, peu importe de quoi il s’agit. Ou pensez-vous qu’il est parfait, qu’il correspond parfaitement à ce qui est ressorti des consultations auprès des peuples autochtones?

Mme Petitpas Taylor : Eh bien, je dois répéter, pour répondre à la première partie de votre question concernant le processus de consultation, que les échanges avec les collectivités autochtones ont commencé très tôt. Comme nous l’avons dit, le groupe de travail mis sur pied et présidé par Mme Anne McClellan a vraiment fait un travail extraordinaire au cours de l’été. Ses membres ont sans aucun doute perdu un été cette année-là, en se déplaçant aux quatre coins du pays pour rencontrer le plus grand nombre possible de Canadiens, de particuliers, de groupes et de dirigeants dans le but d’obtenir les renseignements nécessaires.

Le rapport du groupe de travail tient certainement compte des discussions sérieuses qui ont eu lieu, et je suis certaine que vous avez tous lu les recommandations et le rapport. Quand on regarde la mesure législative que nous avons présentée, la plupart, voire toutes les recommandations qu’elle contient sont directement attribuables aux recommandations du groupe de travail. Une partie du rapport présenté s’appuie sur tout ce qui a été proposé par des Canadiens autochtones et non autochtones.

Je suis parfaitement à l’aise avec le travail accompli relativement à la mesure législative dont nous sommes saisis. Une fois de plus, je suis impatient d’entendre les échanges et le débat qui auront également lieu au Sénat. Nous sommes reconnaissants du travail fait par le Sénat pour examiner le projet de loi C-45.

Le sénateur Ngo : Merci, madame la ministre. Je veux juste revenir à la réponse de M. Blair. Quel établissement de soins en santé mentale sera en place dans le Grand Nord lorsque le cannabis sera légalisé?

J’aimerais également revenir à la question de la culture du cannabis à la maison. Les dirigeants autochtones, les corps policiers ainsi que les dirigeants communautaires et municipaux disent tous que l’application de la règle des quatre plants sera impossible et que cet aspect de la loi devrait être supprimé. Pouvez-vous nous parler de l’analyse de votre ministère concernant ce qui sera produit à la maison, plus particulièrement dans les collectivités autochtones?

Vous avez dit que vous allez compter sur le bon sens des parents. À mon avis, ce n’est pas suffisant.

M. Blair : Oui, monsieur. Si je peux me permettre, au sujet du Grand Nord, je pense qu’il est important de reconnaître que nous n’y introduisons pas une nouvelle drogue. Le cannabis est une réalité là-haut.

Quand j’ai rencontré les responsables de la santé dans les collectivités du Nord, ils m’ont très clairement indiqué que le taux de consommation de cannabis chez les jeunes y est beaucoup plus élevé qu’ailleurs au pays. C’est un problème aujourd’hui. La toxicomanie dans ces collectivités est actuellement une réalité. Ils doivent investir et ils ont besoin d’aide pour s’attaquer au problème auquel ils font face aujourd’hui.

Ils ont fait remarquer qu’on ne peut pas réglementer une substance interdite, mais l’élimination de l’interdiction nous donne l’occasion de mettre en place des règlements très détaillés pour contrôler sa production et s’assurer que ce qui est consommer est plus sûr et plus sain, pour connaître la puissance, la pureté et l’origine du produit.

Cela nous permet aussi de mettre en place un système de distribution réglementée, qui sera plus efficace pour empêcher que le produit tombe entre les mains de populations vulnérables, comme nos enfants. À l’heure actuelle, ces décisions sont prises par des contrebandiers ou des criminels, et pour être franc, tout ce qu’ils font, c’est maximiser leurs profits.

Enfin, dans un environnement où on peut réglementer la production, la distribution et la consommation, il sera possible de générer des revenus qui pourront être réinvestis dans les soins et la réinsertion. Pour être franc, c’est beaucoup plus simple, à mon avis, pour un enseignant, un médecin ou un parent d’avoir une conversation avec l’enfant sur les risques pour la santé et les risques sociaux de la consommation de cannabis dans un environnement strictement et globalement réglementé plutôt que dans une situation d’interdiction où tout ce que nous pouvons dire, c’est que c’est illégal.

Ce sera encore illégal, mais il sera possible dans un environnement réglementé de commencer à s’attaquer aux problèmes de société et de santé qui existent aujourd’hui dans ces collectivités.

Si je peux me permettre, monsieur, à propos de la limite de quatre plants, je tiens à préciser que notre loi stipule qu’en avoir davantage constituera une infraction criminelle. Nous laissons les provinces et les municipalités prendre des règlements pour s’assurer que ce sera fait d’une façon saine, sécuritaire et socialement responsable.

Pour être franc, du point de vue des organismes d’application de la loi — j’ai passé près de quatre décennies dans le domaine —, le plus grand problème auquel nous faisons face est la culture illégale de cannabis à des fins commerciales dans des maisons qui sont devenues inhabitables et qui ne servent plus qu’à produire plusieurs centaines de plants. Ce n’est pas sécuritaire pour la maison et la collectivité où elle se trouve, et cela pose un grave problème pour les organismes d’application de la loi.

Une culture personnelle de quatre plants ne représente pas le même problème qu’une production commerciale de quatre cents plants. Pour les forces de l’ordre, il ne sera pas plus difficile de faire respecter la règle de la limite de quatre plants qu’une règle de tolérance zéro. En effet, que la limite soit d’un ou cinq plants, on ne peut pas entrer dans les maisons pour vérifier.

Nous abordons ces problèmes avec les forces de l’ordre et nous leur donnons les outils nécessaires, mais le véritable problème social provient de la culture à des fins commerciales. Dans le cadre du régime réglementaire strict que nous proposons, la culture commerciale demeure une grave infraction criminelle, mais nous croyons qu’une culture personnelle — pas pour la vente, mais pour un usage personnel — bien réglementée par l’autorité locale peut se faire de manière saine et socialement responsable.

La sénatrice Deacon : Merci d’être ici. J’ai une question pour vous, madame la ministre. Dans vos échanges avec les différentes populations, même si nous mettons aujourd’hui l’accent sur les Autochtones, on demande souvent comment Santé Canada approuve une demande d’homologation. J’essaie de comprendre où se situe le cannabis.

Dans son rapport de 160 pages intitulé Renseignements destinés aux professionnels de la santé, Santé Canada fait une mise en garde ou une déclaration en disant que le cannabis :

[...] n’est pas une substance thérapeutique autorisée au Canada et n’a pas obtenu un avis de conformité de la part de Santé Canada qui en autorise la vente au Canada.

C’est ce qui est actuellement indiqué. Pouvez-vous expliquer pourquoi le cannabis n’est pas approuvé à ce stade-ci, ou quelle est la réflexion à cet égard, dans le document manifestement important que je viens de citer?

Mme Petitpas Taylor : Je vais vous donner la première partie de la réponse pour ensuite céder la parole à mes collaborateurs.

À l’heure actuelle, aucun numéro d’identification de médicament n’est associé au cannabis. Nous devons nous rappeler que très peu de recherches ont été menées sur le cannabis étant donné que la substance est actuellement illicite.

À la suite de la légalisation proposée du cannabis, nous serions certainement en mesure de faire en sorte que la substance soit étudiée davantage, et nous verrons ensuite pour la suite des choses.

En ce qui a trait au processus d’homologation, si vous voulez bien, je vais céder la parole à Eric, qui sera en mesure de poursuivre.

Eric Costen, directeur général, Secrétariat de la légalisation et de la réglementation du cannabis, Santé Canada : La mise en garde vise à souligner qu’au Canada, le cadre qui régit la commercialisation des médicaments prévoit un processus bien établi que doivent suivre les sociétés qui font une demande. La demande s’appuie, à vrai dire, sur de nombreuses preuves scientifiques qui décrivent l’efficacité et l’innocuité du médicament. Elle est ensuite examinée par le ministère et les scientifiques à son emploi, qui déterminent si les preuves sont suffisantes pour justifier la mise en marché du médicament. Une monographie de produit est également préparée pour informer les médecins qui prescriront le médicament de ses applications, des risques possibles, de sa façon d’interagir avec d’autres médicaments d’ordonnance et ainsi de suite.

Par conséquent, la mise en garde du document que vous avez cité ne fait que souligner que l’approvisionnement en cannabis à des fins médicales en vertu des règlements connexes n’a pas été autorisé dans le cadre d’un processus scientifique d’homologation et d’examen, mais plutôt parce que les tribunaux ont déterminé à un moment donné, il y a des dizaines d’années — et cela pourrait certainement faire l’objet d’une séance d’information technique, et je ne veux pas m’attarder là-dessus —, qu’il existe essentiellement des circonstances spéciales qui obligent le gouvernement fédéral à accorder un accès légal au cannabis à ceux qui en ont besoin à des fins médicales.

Cette disposition existe indépendamment du processus établi d’approbation des médicaments à cause des décisions des tribunaux.

Le vice-président : Nous n’avons presque plus de temps avec la ministre. Il nous reste deux intervenants. Pouvez-vous rester encore quelques minutes, madame la ministre? Non. Bien.

Nous vous sommes reconnaissants de votre témoignage. Merci, madame la ministre.

Un représentant du ministère de la Santé va rester et, monsieur Blair, pouvez-vous rester un certain temps, monsieur?

M. Blair : Aussi longtemps que nécessaire, monsieur.

Le vice-président : Merci.

La sénatrice Raine : Je suis très préoccupée par l’état de préparation des Premières Nations, des collectivités autochtones, surtout au Nunavut. J’aimerais lire, si vous le permettez, un mémoire que nous avons reçu vendredi de la part de M. Isaac Shooyook, d’Arctic Bay :

1. La marijuana va être admise. On consomme du tabac depuis des années, il peut causer un cancer aux poumons, il détruit le corps, des enfants très jeunes fument. Aujourd’hui, il y a longtemps aussi qu’on consomme de l’alcool, il cause la mort, il y a des accidents, il y a des meurtres. Quand on consomme de l’alcool ou de la drogue, la GRC doit tuer pour protéger les gens. Ces substances n’apportent rien de positif dans notre vie, juste de l’argent dans certains cas, chaque année des gens meurent dans des accidents.

2. Quand la marijuana va être admise, quand les gens vont pouvoir en posséder, elle aura des conséquences négatives énormes sur les Nunavummiuts (habitants du Nunavut), les enfants et les adultes, et n’importe qui commencera à en prendre quand elle sera légalisée. Il n’y aura pas d’aide disponible au Nunavut, il y a de l’aide de la GRC, des travailleurs de la santé mentale et des médecins, mais ils n’ont aucun pouvoir quand on demande de l’aide, ils ne peuvent pas nous aider.

3. Au Nunavut, quand on établit des statistiques, elles disent qu’il y a le plus de fumeurs, le plus de buveurs d’alcool. Quand la marijuana sera légalisée, la vie des Nunavummiuts sera tout à fait ruinée. Il n’y a pas de centre de guérison ni de centre de désintoxication. Nous allons être dans un état de danger pour la sécurité. Des enfants vont commencer à fumer, leur vie sera ruinée. Si la marijuana n’est pas légalisée, ce sera mieux. Il n’y a pas d’aide disponible.

J’ai une question à poser aux fonctionnaires et au secrétaire parlementaire. Est-il possible de remettre la légalisation du cannabis à plus tard pour le Nunavut, compte tenu du manque criant de centres de traitement et du fait qu’il faudra du temps pour les établir afin de pouvoir protéger les gens? De plus, puisque nous avons fait une étude sur le logement au Nunavut il y a quelques années, nous avons été témoins du très grave problème de surpeuplement. Si on ajoute à cela des gens qui fument du cannabis, il y aura des incidences importantes sur les prochaines générations à tous les égards.

Est-il possible de reporter la mise en oeuvre des mesures législatives pour les régions du pays, comme les territoires, qui le souhaiteraient peut-être?

M. Blair : Si vous me le permettez, sénatrice, je crois qu’il est important de souligner que lorsque j’ai rencontré les responsables de la santé et les organisations inuites à Iqaluit la semaine dernière, ils ont dit très clairement que le taux de consommation de cannabis dans leurs collectivités et chez leurs jeunes est incroyablement élevé. Le cannabis qu’ils consomment coûte extrêmement cher. Il est vendu par une entreprise criminelle.

Comme je l’ai déjà dit, nous ne lançons pas une nouvelle drogue, mais bien une nouvelle méthode de contrôle de cette drogue. À l’heure actuelle, la seule façon d’empêcher les enfants d’y avoir accès, c’est de les accuser d’une infraction criminelle. Pour un bien trop grand nombre de jeunes Canadiens, la toute première expérience dans le système de justice pénale découle d’une accusation criminelle pour possession simple de cannabis.

Cela a des conséquences tout au long de la vie de ces jeunes. Le gouvernement du Nunavut a présenté des mesures législatives qui comprendront une interdiction absolue pour ces jeunes, pour le cannabis, qui sera appliquée par les organismes d’exécution de la loi de sorte que la drogue puisse être saisie et que des contraventions puissent être données, mais cela ne se traduira pas par la criminalisation de ces jeunes.

Pour être honnête, je ne sais pas quel serait l’avantage public de reporter la mise en oeuvre d’un cadre réglementaire complet nous permettant d’exercer un contrôle sur la production et la distribution du cannabis, d’imposer une nouvelle interdiction exécutoire visant les jeunes et de créer de nouveaux documents d’information en collaboration avec ce gouvernement. Pourquoi nous faudrait-il simplement laisser la production et la distribution du cannabis entre les mains de criminels et ne pas tenir compte de la consommation de cannabis complètement inacceptable et malsaine dans ces collectivités, surtout chez les jeunes, et laisser le problème perdurer alors qu’il est possible d’améliorer le contrôle réglementaire et de créer un moyen beaucoup plus efficace et global de faire respecter une interdiction qui s’applique aux jeunes?

Cela crée également une occasion pour le gouvernement du Nunavut, comme j’en ai discuté avec ses ministres de la Santé et des Finances. Cela lui donne une occasion de générer des revenus dont profitent présentement les entreprises criminelles; ils pourraient être réinvestis dans des centres de traitement, que n’ont pas encore ces collectivités.

La sénatrice Raine : Je veux préciser que je ne suis pas du tout contre la légalisation de la marijuana, du cannabis, et je conviens qu’il nous faut adopter une approche axée sur la santé. Ma question était la suivante : est-il possible à ce moment-ci de la remettre à plus tard si l’on n’est pas prêt? Il est vrai que des gens consomment du cannabis présentement. Évidemment, les agents d’application de la loi ne sont pas en mesure d’empêcher cela. Je comprends tout cela, mais je veux savoir s’il est possible, de quelque façon que ce soit, de remettre à plus tard l’entrée en vigueur du projet de loi dans certaines régions du pays, si elles le demandent?

M. Blair : J’ai rencontré des représentants du gouvernement, et je peux vous dire que pas plus tard que la semaine dernière, les trois ministres ont préparé et présenté leur projet de loi. Ils ont confiance qu’il sera adopté et mis en œuvre. Ils sont fiers de la solution législative qu’ils mettent en place. Ils m’ont indiqué qu’ils seront prêts. Nous faisons tout ce que nous pouvons pour les aider dans leur préparation, mais ils collaborent avec nous depuis presque deux ans et demi. Ils rencontrent nos hauts fonctionnaires et ont préparé et présenté leurs propres mesures législatives.

À vrai dire, j’ai eu l’occasion d’en discuter avec eux. Je crois qu’ils ont fait un travail exceptionnel. Je crois sincèrement que la mise en œuvre de leurs mesures législatives ainsi que des dispositions du projet de loi C-45 leur permettra de créer un environnement plus sécuritaire et sain pour les citoyens de leur collectivité.

La sénatrice Raine : Merci.

La sénatrice McPhedran : Bienvenue. Il est bon que vous soyez ici. Je vous remercie d’être restés pour répondre aux questions après le départ de la ministre.

Je vais vous poser deux questions. Elles portent sur les possibilités économiques dont a parlé la ministre dans son témoignage ce matin. J’aimerais d’abord présenter des faits qui se fondent sur des témoignages que notre comité a entendus.

L’inspecteur Steve Burton a dit qu’il y avait peu, voire qu’il n’y avait pas du tout, de programmes de formation abordables permettant aux services de police des Premières Nations de se préparer à la légalisation proposée du cannabis.

De plus, un représentant de la Commission de la fiscalité des Premières Nations nous a parlé d’un modèle de partage de recettes en laissant entendre que le partage entre les provinces et territoires, d’une part, et le gouvernement fédéral, d’autre part — 75 p. 100 et 25 p. 100 respectivement — pourrait être revu.

Examinez-vous un moyen de partager les recettes qui diffère de celui où les gouvernements ont 75 p. 100 pour qu’il soit possible de réinvestir directement dans les collectivités autochtones, où le cannabis sera autorisé, de sorte que ce ne soit pas le même modèle descendant qui s’applique pour les décisions qui concernent, par exemple, les services de police des Premières Nations? Voilà ma première question.

Je vais poser ma deuxième question. Concernant le présent exercice, pourriez-vous nous dire quelle partie de la somme de 62,5 millions de dollars sur 5 ans, dont a parlé la ministre, sera consacrée à l’éducation des jeunes et des collectivités autochtones?

M. Blair : Merci beaucoup, sénatrice. Je vais essayer de répondre aux questions auxquelles je peux répondre. Pour ce qui est de la question du partage des recettes, à vrai dire, cela relève du ministre des Finances.

Je suis conscient qu’un certain nombre de discussions ont lieu, mais pourrais-je parler un peu des possibilités économiques?

Dans le cadre de nos discussions avec les collectivités autochtones du pays, nous avons appris, entre autres, que bon nombre d’entre elles veulent avoir accès aux possibilités de développement régional de participer à la nouvelle industrie réglementée. Je peux donc vous dire qu’un certain nombre de licences ont déjà été délivrées à des groupes qui sont liés à des collectivités autochtones ou qui en représentent. Dans plusieurs autres cas, on en est aux dernières étapes du processus d’examen.

Santé Canada a récemment mis en place un service de navigateur que nous avons fait connaître aux collectivités autochtones. En toute honnêteté, puisque le processus de demande de licence est complexe, tant pour la culture que pour la transformation, nous avons établi un service de navigateur pour que cela leur soit accessible aux collectivités, de sorte que nous puissions les aider dans le processus.

En ce qui concerne la formation des policiers, pour ce qui est de la nouvelle loi sur le cannabis et de la formation supplémentaire liée au projet de loi C-46, la loi sur la conduite avec facultés affaiblies, nous avons débloqué 81 millions de dollars pour les services municipaux et les services de police autochtones, mais nous distribuons l’argent par les provinces.

Nous avons débloqué 81 millions de dollars pour les provinces. Je sais que des discussions entre les municipalités et les collectivités autochtones sont en cours concernant le versement de ces fonds, de sorte qu’ils soient consacrés à la formation, aux technologies et à l’équipement, mais également des questions liées à la capacité des ressources des forces de l’ordre inclus dans ce montant de 81 millions de dollars.

Cela s’ajoute à l’argent qui a été annoncé par le ministre de la Sécurité publique concernant les fonds supplémentaires pour le Programme des services de police des Premières Nations. Ce sont les fonds offerts.

En ce qui a trait à l’argent destiné à l’éducation du public, je m’en remets à mon collègue, M. Costen.

La sénatrice McPhedran : Monsieur Blair, avant que nous passions à la deuxième question, j’aimerais ajouter quelque chose. J’aimerais que vous nous communiquiez plus tard l’information sur le montant de 81 millions de dollars, s’il vous plaît, et que vous indiquiez combien d’argent est allé aux forces de police des Premières Nations.

M. Blair : Lorsque nous aurons cette information, nous serons ravis de vous la fournir.

La sénatrice McPhedran : Merci.

M. Costen : Il y a deux ou trois précisions à faire concernant la somme de 62,5 millions de dollars qui a été annoncée dans le récent budget. Il faut comprendre que cette somme s’ajoute à un programme actuel, le Programme sur l’usage et les dépendances aux substances, qui existe depuis un certain nombre d’années. C’est un programme qui permet à Santé Canada d’appuyer différents types de programmes : programmes communautaires, programmes de prévention primaire ou d’éducation. Les investissements prévus dans le budget de 2018 visaient en quelque sorte à bonifier ce programme.

Si je le mentionne, c’est que cela concerne la question de faire bouger les choses rapidement. Cela s’appuie sur quelque chose qui est établi; le personnel est là, les processus sont établis et la capacité d’inviter la collectivité à faire des propositions et d’acheminer les fonds aux bénéficiaires existe.

Concernant la somme de 62,5 millions de dollars, vous avez raison : le budget établit très clairement que le soutien des projets autochtones est une priorité, mais le gouvernement n’a pas précisé quelle partie de cette somme serait destinée exclusivement aux Autochtones. Le montant total du financement est là, et les décisions sont prises en fonction de la valeur des propositions.

Présentement, aucun montant prescrit ne serait mis de côté exclusivement pour des projets autochtones, mais je dirais que la ministre a parlé à quelques reprises de la prise de contact que le programme permet ainsi que du service de navigateur, comme vient de le faire M. Blair.

J’ajouterais que, parce que nous comprenons le grand intérêt et l’importance de mobiliser les gens, en plus du service de navigateur, mon bureau compte une équipe dévouée qui ne fait rien d’autre que de communiquer avec les Autochtones. L’un des rôles de ce groupe sera de collaborer avec les collectivités dans l’élaboration de propositions permettant d’accéder à cet argent.

La sénatrice Boniface : Ma question nous ramène à la question des substances intoxicantes. Les mesures législatives actuelles, et la Loi sur les Indiens, c’est ce qui permet aux collectivités de prendre des décisions concernant l’alcool, par exemple, dans la collectivité. Bien sûr, on parle de lois provinciales.

Je me demande si vous avez examiné la question de savoir si oui ou non, légalement, la même disposition pourrait s’appliquer, étant donné qu’il s’agit de droit criminel. Puisque je ne connais pas assez bien le droit autochtone, je ne sais pas si je peux comprendre par moi-même.

M. Blair : Merci beaucoup, sénatrice. Je pense que cette question comporte deux aspects. Tout d’abord, est-ce que cette autorité existe? En toute déférence, je demanderais à notre collègue du ministère de la Justice de donner une réponse plus définitive.

Je pense qu’il y a également la question de l’inefficacité de la prohibition. Comme je l’ai déjà indiqué, dans un environnement prohibitif, on ne peut pas réglementer une substance interdite. C’est seulement en levant l’interdiction que nous créons l’occasion de réglementer la substance quant à sa production, à sa distribution et à sa consommation.

Je crois qu’il est possible de trouver une solution bien plus complète et efficace. Donc, je pense que cela s’en vient et que cela fait partie de nos discussions avec ces collectivités qui ont vécu l’interdiction de l’alcool, mais qui ont aussi vécu d’énormes difficultés dans cet environnement prohibitif, et je sais que vous en savez beaucoup à ce sujet.

Dans nos discussions, pouvons-nous mettre de côté le seul point de vue juridique — qui est important et qui doit être examiné — et nous pencher sur la question de la santé publique, à savoir quel est le moyen le plus efficace de promouvoir la santé dans ces collectivités? Nous croyons qu’il est davantage possible de promouvoir la santé et de réduire les problèmes de santé et les problèmes sociaux par l’adoption de règlements rigoureux plutôt que par ce qui est devenu essentiellement une interdiction impossible à faire appliquer.

Pour la question juridique, je vais m’en remettre à vous, Stefan.

Stefan Matiation, directeur et avocat général, ministère de la Justice Canada : Voulez-vous obtenir une réponse à cet égard également?

La sénatrice Boniface : Votre réponse peut être « oui » ou « non ». Est-ce que c’est possible, étant donné qu’il s’agit de lois pénales par opposition aux lois provinciales?

M. Matiation : La disposition qu’utilisent les Premières Nations pour réglementer l’alcool se trouve dans la Loi sur les Indiens.

La Loi sur le cannabis est une loi d’application générale, de sorte qu’une Première Nation ne pourrait pas utiliser un règlement pour contrecarrer l’application de la Loi sur le cannabis.

La sénatrice Boniface : Du point de vue des dirigeants des Premières Nations, la réponse, c’est que du point de vue juridique, ce n’est pas possible?

Nous entendons continuellement des gens dire qu’ils pourraient faire la même chose que pour l’alcool, mais la réponse, du point de vue juridique, c’est non.

M. Matiation : Je dirais que cela pourrait être contesté et qu’il appartiendrait aux tribunaux de déterminer le lien entre les dispositions de la Loi sur les Indiens et la Loi sur le cannabis.

La sénatrice Boniface : Je m’intéresse à la portée de la loi, notamment pour les communautés autochtones. Ce sont les menus détails qui vont poser problème lors de la mise en application. Sachant cela, est-ce que vous comparez les différentes réglementations provinciales afin d’avoir une idée des répercussions possibles sur les peuples autochtones, par exemple? Est-ce que vous vous penchez là-dessus au fur et à mesure que les choses avancent, afin de vous assurer d’être en voie d’atteindre vos objectifs?

Laissez-moi vous donner un exemple. Vous le connaissez bien, et vous me corrigerez si je me trompe. Le Colorado n’a pas réussi à réduire le crime organisé, du moins pas autant que prévu.

Quel genre de processus de surveillance ou de reddition de comptes prévoyez-vous en cours de route pour vérifier que la loi permet bel et bien d’obtenir les résultats escomptés?

M. Blair : Au Colorado, la situation est complexe, simplement parce que l’État est une île de légalisation dans une mer de prohibition.

Nous sommes conscients qu’il n’existe pas vraiment de données de référence. Le groupe de travail nous avait mis en garde à ce sujet, et c’est aussi le son de cloche que nous avons eu d’autres administrations. Nous avons consulté Statistique Canada et les forces de l’ordre, et nous compilons actuellement ces données en vue d’avoir un bon point de départ. Nous avons aussi mis en place des systèmes rigoureux de surveillance, d’observation et de collecte de données, pour que nous puissions non seulement suivre l’évolution des choses, mais aussi rajuster le tir au besoin. Si nous voyons qu’il est possible de resserrer la loi, nous allons le faire. Si nous avons l’occasion de diversifier les initiatives de sensibilisation du public, nous aurons les données voulues pour le faire.

Je vais laisser Eric répondre également à la question.

Voulez-vous parler des systèmes en place? Santé Canada s’affaire à établir les paramètres initiaux et les mesures continues.

M. Costen : Au risque de paraître insistant, je répète que nous avons été mis en garde à ce sujet, c’est-à-dire qu’avant même de modifier la loi, le cas échéant, nous devions nous assurer de compiler des données fiables relativement à des centaines d’indicateurs. Et cela suppose également d’étudier et de comprendre les répercussions sur les collectivités rurales, éloignées et autochtones.

Nous avons mis en place des dizaines d’instruments. Statistique Canada a récemment mis en ligne le Centre de statistiques sur le cannabis, qui réunit des milliers de données simples sur différents thèmes, dont la société, la santé et l’économie. Plusieurs années sont incluses dans ces statistiques, ce qui aide à établir cette base de référence qui nous permettra de mesurer et de quantifier les répercussions de la modification législative. Honnêtement, compte tenu de ce qu’ils avaient à leur disposition à l’époque, les États-Unis n’ont pas réussi à en faire autant. Nous avons tiré une précieuse leçon de l’expérience de nos voisins.

M. Blair : Nous investissons aussi massivement dans la recherche sur l’utilisation du cannabis par l’entremise du Centre canadien sur les dépendances et l’usage de substances et de l’Association canadienne pour la santé mentale. Il ne s’agit pas seulement de recueillir des données, mais aussi de pousser la recherche. Nous avons également annoncé le financement, par l’entremise des IRSC, de plus d’une douzaine de projets de recherche à l’échelle du pays, afin de mieux comprendre comment atténuer et réduire les effets nocifs sur la santé et la société.

La sénatrice Boniface : J’ose espérer que la question fera l’objet d’un suivi constant dans le cadre du processus FPT. Pour ce qui est de la culture à domicile, par exemple, certaines provinces entendent permettre jusqu’à quatre plants. Il serait intéressant de comparer les répercussions dans ces provinces, par rapport à celles où la culture à domicile ne sera pas du tout permise. Il pourrait s’avérer extrêmement utile de comparer les deux et de consigner ce que nous aurons appris au fil du temps, car ce projet demeure hautement expérimental et comporte une tonne de ramifications.

M. Blair : À cela, je vous répondrai ceci, et je l’ai probablement dit beaucoup trop souvent. C’est un processus, pas un événement ponctuel. Il faut comprendre que nous tâchons d’assurer une mise en oeuvre ordonnée, mais cela ne se fera pas en un jour. Il nous faudra apprendre, nous adapter et mettre en application les données recueillies et l’expérience acquise. Le modèle sera toujours à améliorer, et c’est ce que nous nous engageons à faire.

Le sénateur Doyle : Le sénateur Patterson m’a transmis quelques questions à vous poser. La semaine dernière, au Nunavut, vous avez dit que le gouvernement fédéral a promis de réserver une partie des recettes fiscales pour les programmes relatifs à la santé mentale et aux dépendances. Je sais que la ministre de la Santé y a fait brièvement référence dans son allocution. Vous avez aussi mentionné que le gouvernement fédéral a un modèle de législation et de réglementation que peuvent utiliser les provinces et territoires qui n’ont pas de cadre législatif en place.

De quel modèle s’agit-il, au juste? Pouvez-vous également vérifier quel montant exactement le gouvernement fédéral a réservé à ces programmes? La ministre de la Santé n’a pas été en mesure de nous donner un chiffre. Avez-vous plus de détails à nous donner en réponse à la question du sénateur Patterson?

M. Blair : Je vais faire de mon mieux, sénateur.

D’abord, je précise que nous avons eu de nombreuses discussions, et continuons de le faire, avec les premiers ministres et les ministres de la Justice, de la Santé et des Finances de l’ensemble du pays. De plus, la haute direction travaille en étroite collaboration avec ses homologues provinciaux et territoriaux afin d’assurer un consensus et de bien comprendre les objectifs de la loi. C’est très clair. Notre priorité première est de protéger les enfants et de les tenir loin de cette substance. En deuxième lieu, nous voulons empêcher le crime organisé d’empocher des milliards de dollars grâce à ce commerce. Et en troisième lieu, nous voulons protéger la santé des Canadiens.

Nous travaillons donc avec les provinces et les territoires afin que nous tendions tous vers les mêmes objectifs.

Pour ce qui est du sénateur Patterson, il s’inquiétait du fait que la législation fédérale, le projet de loi C-45, ne fait mention nulle part de la possession de cannabis sous l’âge de la majorité, soit 18 ans.

Je lui ai assuré que l’ensemble des provinces et territoires vont mettre en place des mesures législatives interdisant aux mineurs de posséder, d’acheter et de consommer du cannabis. Ce sera fait dans les règles de l’art par la réglementation provinciale, plutôt que par le Code criminel, comme c’est le cas pour l’alcool.

Nous avons travaillé avec chacune des provinces et chacun des territoires. Nous leur en demandons déjà beaucoup, alors nous leur avons fourni différents modèles de loi dans les deux langues officielles, et ils ont toutes et tous choisi de mettre en place le modèle qui leur convenait. Je crois que c’était absolument la chose à faire.

En ce qui concerne la somme réservée, le premier ministre a très clairement affirmé, publiquement et à la Chambre, que les recettes générées par la taxe d’accise fédérale allaient être investies dans la recherche, la prévention, le traitement et la réadaptation. Nous ne pouvons pas exiger le même engagement de la part des provinces et territoires, mais nous les avons encouragés à envisager la possibilité.

Ailleurs dans le monde, au Colorado, par exemple, on a attendu que le système soit en place et que les revenus commencent à entrer avant d’investir dans l’éducation du public. Les administrations concernées ont admis que c’était une erreur, et nous avons appris de leur expérience.

Nous n’avons donc pas attendu. Nous nous sommes engagés à investir dans la recherche et l’éducation du public, et nous avons déjà commencé à le faire. Nous avons versé les sommes engagées aux forces de l’ordre en vue d’assurer la formation nécessaire pour intervenir adéquatement.

Les coûts liés à la mise en œuvre ont été prévus aux budgets de 2017 et de 2018, avant même que les revenus ne commencent à entrer. Nous nous sommes entendus avec les provinces et territoires pour que 75 p. 100 des revenus qu’ils tireront de la taxe d’accise soient transférés aux centres de coûts. C’est une discussion importante que nous continuons d’avoir afin d’avoir l’assurance que les revenus iront à ceux qui devront assumer les coûts, comme les municipalités, les agences de santé publique et les forces de l’ordre. Nous voulons qu’ils aient les ressources nécessaires pour faire le travail que nous leur imposons afin que la loi soit efficace, et pour nous aider à protéger nos enfants et à veiller à la sécurité de nos collectivités.

Le sénateur Doyle : Merci. Aux représentants de la Santé, pourriez-vous fournir au comité une copie du cadre de consultation qui a été utilisé? Pourriez-vous également nous transmettre une analyse ministérielle sur les répercussions de la légalisation sur les collectivités autochtones? Est-ce que ce serait possible?

M. Costen : Quand vous dites « cadre de consultation », faites-vous référence précisément aux consultations concernant l’élaboration du projet de loi, de la réglementation et tout le reste? Oui, absolument. Ce sera très facile. C’est en quelque sorte un guide accompagnant le document dont la ministre a parlé, qui est en fait un répertoire des collectivités que nous avons visitées et des organisations que nous avons rencontrées.

Il n’y a aucun problème; nous allons vous le transmettre.

Le sénateur Doyle : Avez-vous l’analyse ministérielle sur les répercussions qu’aura la loi sur les collectivités autochtones?

M. Costen : Oui. J’ai un document en tête, et je crois qu’il répondra assez bien à votre question. C’est à la fois une analyse et une réflexion sur les commentaires que nous avons reçus tout au long du processus de consultation.

Le sénateur Doyle : D’accord.

Le vice-président : Pour que ce soit clair, s’agit-il précisément du groupe de travail de la ministre McClellan...

M. Costen : On commence avec l’étude du groupe de travail, puis on poursuit avec les efforts subséquents. C’est plutôt un examen des discussions qui ont eu lieu au cours des deux dernières années, ou à peu près. On commence donc avec le groupe de travail, mais le document nous amène jusqu’à aujourd’hui.

Le vice-président : Alors nous allons y trouver la liste des intervenants consultés par le groupe de travail, car j’ai entendu la ministre dire clairement que le gros du processus de consultation autochtone avait eu lieu avant l’élaboration du projet de loi. Votre document énumère ceux qui ont pris part aux consultations avec le groupe de travail de la ministre McClellan avant l’élaboration du projet de loi. Puis, l’autre partie traite de ce qui a été fait après. Est-ce bien cela? Nous aurions ainsi accès à toute la chronologie.

M. Costen : C’est exact.

Le vice-président : Parfait. Puisqu’il n’y a pas d’autres questions, je vous remercie d’avoir été des nôtres, monsieur Blair, et merci aux représentants des ministères.

(La séance est levée.)

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