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Sous-comité sur les ressources humaines

 

Délibérations du Sous-comité sur les
Ressources humaines

Fascicule no 1 - Témoignages du 12 juin 2018


OTTAWA, le mardi 12 juin 2018

Le Sous-comité sur les ressources humaines se réunit aujourd’hui, à 17 h 52, pour poursuivre l’étude de questions financières et administratives, conformément à l’article 12-7(1) du Règlement (Sujet : Examen de la politique de harcèlement du Sénat).

La sénatrice Raymonde Saint-Germain (présidente) occupe le fauteuil.

[Français]

La présidente : Honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue à cette réunion du Sous-comité sur les ressources humaines. Je tiens à m’excuser auprès de nos invités.

[Traduction]

Je m’excuse. Nous avons dû rester à la Chambre pour un vote. C’est pour cela que nous sommes en retard, et nous nous excusons de vous avoir fait attendre.

[Français]

Nous poursuivons notre examen de la politique du Sénat sur la prévention et le harcèlement en milieu de travail. Je souhaite la bienvenue au grand public.

Le sous-comité a été créé le 7 décembre 2017 par le Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration.

[Traduction]

J’aimerais présenter les membres du sous-comité.

Le sénateur Tannas : Scott Tannas, de l’Alberta.

[Français]

La sénatrice Moncion : Lucie Moncion, de l’Ontario.

[Traduction]

La présidente : Je suis Raymonde Saint-Germain, du Québec, et je suis présidente du comité. Notre collègue, Mobina Jaffer, est encore là-bas, mais elle sera avec nous après le traitement de son amendement au projet de loi C-66. Notre autre collègue, le sénateur Tkachuk, nous rejoindra dès que possible.

[Français]

Ce soir, nous recevons deux groupes de témoins. Tout d’abord, nous entendrons Me Janice Rubin et Me Christopher Rootham, avocats spécialisés en droit du travail. Par la suite, nous poursuivrons avec Mme Sandy Hershcovis, professeure agrégée et directrice de secteur, Comportement organisationnel et Ressources humaines, de la faculté des sciences de l’administration de l’Université de Calgary.

Sans plus tarder, je vous présente Mme Janice Rubin, partenaire de la firme Rubin Thomlinson, et M. Christopher Rootham, avocat de la firme Nelligan O’Brien Payne.

[Traduction]

Madame Rubin, avez-vous pris une décision sur l’ordre des présentations?

Janice Rubin, partenaire, Rubin Thomlinson, s.r.l. : Je serai heureuse d’y aller en premier. Merci pour cela, et merci de nous avoir invités à comparaître. Je suis accompagnée de ma collègue, Michelle Bird, et d’un stagiaire, Simon McKenzie, qui est là à titre d’observateur. Nous allons répondre à toutes vos questions.

Nos observations d’aujourd’hui sont celles d’un cabinet d’avocat, qui a un point de vue privilégié sur la question du harcèlement en milieu de travail. Nous ne sommes pas des universitaires. Nous sommes des praticiens. Il convient, en outre, de préciser que nous n’avons pas fait d’analyse juridique exhaustive au sujet de la politique actuelle.

Pour vous situer, sachez que notre organisation effectue des enquêtes et des évaluations à l’échelle du pays, et qu’elle donne des formations. Nos activités font en sorte que nous nous rendons dans tous les milieux de travail possibles et imaginables. Chaque année, nous effectuons un grand nombre d’enquêtes et d’évaluations sur différents milieux de travail. Pour l’année en cours, je crois bien qu’il y en aura quelques centaines.

En guise d’introduction et de contribution préliminaire au travail qui vous occupe, permettez-moi de vous faire part des trois observations suivantes.

Premièrement, bien qu’il soit assurément important d’avoir une politique robuste, limpide et exhaustive — et je dis cela avec tout le respect que j’ai à l’égard des sénateurs —, il est important de reconnaître que les efforts déployés par une organisation pour faire face au harcèlement en milieu de travail ne peuvent pas se limiter au simple fait de posséder un texte bien ficelé. En tant que praticiens dans ce domaine, nous croyons plutôt que l’accent doit être mis sur le programme qui a pour fonction de donner vie à cette politique. Votre programme doit tenir compte du contexte de mise en œuvre en reconnaissant les grands enjeux politiques et de déséquilibre des pouvoirs qui existent dans votre milieu de travail, et les enjeux plus modestes liés au fait qu’il s’agit d’un environnement politique.

Selon nous, tout programme doit être fait sur mesure pour les besoins du milieu de travail, mais certains éléments génériques doivent être présents. Premièrement, il faut s’assurer que les normes comportementales sont communiquées régulièrement à tout un chacun et que les gens reçoivent une formation rigoureuse. Deuxièmement, il faut veiller à ce que les gens soient tenus de répondre de leurs écarts. Si l’employeur ferme les yeux sur les comportements répréhensibles, les efforts déployés pour s’attaquer au harcèlement en milieu de travail seront perçus comme faux et superficiels. Troisièmement, il est impératif que les dirigeants — et particulièrement eux — joignent le geste à la parole. Quatrièmement, il faut veiller à ce que le comportement en milieu de travail soit une priorité, et pas seulement une idée parmi tant d’autres. Cinquièmement, il est important d’avoir des mécanismes de signalement clairs et diversifiés — par exemple, une ligne 1-800 confidentielle. Enfin, il faut intégrer les spectateurs, leur donner un rôle plus important à jouer dans le processus. Comme vous pourrez le voir, notre mémoire écrit aborde un peu cette question des spectateurs. Nous pourrons vous en parler plus longuement lors de la portion de la séance réservée aux questions.

Comme deuxième idée phare, nous sommes d’avis qu’il faut reconnaître l’importance des enquêtes lors du traitement des plaintes et des incidents en matière de harcèlement. Ces enquêtes doivent être équitables et rigoureuses, et elles doivent être menées par des gens qui savent ce qu’ils font. Si je ne m’abuse, c’est le mot « compétent » qui est utilisé dans la loi fédérale.

Qu’ils soient de l’organisation ou de l’extérieur de l’organisation, les enquêteurs doivent avoir une connaissance substantielle du harcèlement en milieu de travail. Le harcèlement en milieu de travail est un domaine qui est plein de nuances. Les cas de harcèlement défient parfois toute logique, et un enquêteur qui n’a pas assez de connaissances dans ce domaine peut causer de grands torts à l’organisation.

Il est important de reconnaître les répercussions que les enquêtes peuvent avoir sur les gens qu’elles visent — les parties en cause. Cela signifie que ces enquêtes doivent être menées avec beaucoup de doigté et un sens aigu de la justice.

La troisième grande idée dont je veux parler — et je crois que c’est celle qui importe le plus — est la suivante : bien que l’importance d’améliorer les processus de déposition de plaintes et les méthodes d’enquête ne fasse aucun doute, nous en sommes venus à la conclusion que les employeurs se fient trop aux plaintes — un mécanisme réactif, dans une vaste mesure — pour faire face au problème de harcèlement en milieu de travail. C’est que nous avons constaté en tant que firme et en tant que praticiens.

Les employeurs ont tendance à croire que tout va bien — c’est-à-dire qu’il n’y a pas de harcèlement au travail au sein de leur organisation — jusqu’à ce que quelqu’un fasse une plainte et les mette au courant de ce qui se passe.

C’est une dynamique qui est problématique à bien des égards. Pour commencer, cela place le fardeau de surveiller les comportements en milieu de travail sur les épaules des personnes qui portent plainte, ce qui peut d’ailleurs leur coûter cher. On n’a qu’à penser aux bouleversements sur le plan personnel et professionnel, au stress, à la perte de vie privée et aux risques de représailles. En ce qui concerne les représailles, je dirais que les chiffres n’indiquent rien de bon : les personnes qui portent plainte courent de grands risques de représailles.

Deuxièmement, nous savons que le harcèlement en milieu de travail est rarement signalé. La plus récente enquête de l’Institut Angus Reid — qui date d’il y a quelques mois — indique qu’au Canada, seulement le quart des cas de harcèlement sexuel perpétré sur des femmes sont rapportés, même si c’est environ la moitié des femmes qui en seront victimes à un moment ou à un autre de leur vie active. Cela signifie que les trois quarts des épisodes de harcèlement passent sous le radar. Dans nos efforts pour traiter le harcèlement en milieu de travail en tant que problème de société, il importe de mettre et de garder ce fait à l’avant-plan : ce qui sera porté à notre attention n’est qu’une fraction de ce qui se passe vraiment.

Si, à l’instar d’autres employeurs, le Sénat veut vraiment s’attaquer au harcèlement au travail — ce qui, et je dis cela avec grand respect, se produit ici aussi —, il va devoir faire plus que de se contenter d’attendre des plaintes, un principe auquel n’échappe aucune organisation. Si vous voulez vraiment savoir ce qui se passe, vous allez devoir le demander à vos employés, et il faudra que cela se fasse de façon confidentielle et anonyme, de manière à ce qu’ils se sentent habilités à parler et en sécurité de le faire.

C’est ce en quoi consiste notre travail d’évaluation. Nous nous présentons comme étant une tierce partie neutre; nous faisons circuler des questionnaires et nous interrogeons les gens afin d’essayer de comprendre ce qui se passe. Puis, nous rendons compte de nos constatations à ceux qui nous ont engagés. Ensuite, l’organisation se sert de nos données pour mettre au point une stratégie congruente pour remédier au harcèlement.

Le Sénat aurait peut-être avantage à profiter du temps qu’il reste avant l’entrée en vigueur du projet de loi C-65 pour procéder à des consultations et à la collecte de renseignements auprès d’experts externes, certes, mais aussi auprès de ses propres employés, qui, en fin de compte, sont les experts à l’interne.

Voilà pour notre déclaration préliminaire. Je vais maintenant m’en remettre aux questions des membres du comité, à moins que vous ne souhaitiez d’abord entendre la déclaration de M. Rootham.

La présidente : Nous allons écouter la déclaration de M. Rootham, mais juste avant, je suis heureuse d’annoncer l’arrivée du sénateur Tkachuk, qui représente la Saskatchewan. Aussi, je tiens à présenter mes excuses à Mme Michelle Bird, qui fait aussi partie du groupe d’experts. Je vous souhaite la bienvenue à vous aussi.

Monsieur Rootham, nous vous écoutons.

Christopher Rootham, avocat, Nelligan O’Brien Payne, s.r.l. : Merci beaucoup. Je vais être aussi bref que faire se peut. Je veux laisser le plus de temps possible aux questions.

Je remercie le sous-comité de m’avoir invité à parler de cet important problème qu’est le harcèlement en milieu de travail et de la politique du Sénat en la matière.

J’ai six observations à formuler à propos de la politique. Premièrement, l’une des choses dont on m’a demandé de parler, c’est la définition du terme « harcèlement » ou de ce qui est contenu dans ce terme de « harcèlement ». Je tiens d’entrée de jeu à préciser que c’est une notion qui est très difficile à cerner. Il est important de définir le harcèlement en des termes suffisamment généraux pour englober toutes les formes de comportement abusif et, en même temps, de faire en sorte que la définition soit suffisamment précise pour éviter de banaliser le terme. Il faut en outre éviter d’y inclure des comportements inoffensifs ou anodins, ce qui aurait pour effet de trivialiser cet important problème. Lorsqu’il s’agit de définir ce qu’est le harcèlement, il n’y a pas de bonne réponse unique. C’est pour cette raison que je vais m’abstenir de vous en proposer une.

Deuxièmement — et il y a un lien —, la politique actuelle du Sénat stipule que le dépôt d’une plainte fait de mauvaise foi constitue en soi une forme de harcèlement. Selon mon expérience, cette précision est problématique, et ce, pour deux raisons. Tout d’abord, le fait de dire que le dépôt d’une plainte fait de mauvaise foi constitue en soi une forme de harcèlement agit comme une douche froide sur ceux qui seraient tentés de signaler un comportement abusif. Les plaignants légitimes craignent d’être perçus comme s’ils agissaient de mauvaise foi, et ils seront hésitants ou davantage hésitants à signaler un problème si cette notion est comprise dans le terme « harcèlement ».

En outre, cela complique inutilement le processus d’enquête. Selon mon expérience, lors d’une plainte de harcèlement, il est pratiquement inévitable de se retrouver avec une contre-plainte alléguant que la plainte a été déposée de mauvaise foi, ce qui signifie que ladite contre-plainte doit aussi faire l’objet d’une enquête. Inutile de dire que cela prolonge et complique le processus. En outre, cela fait en sorte qu’il est beaucoup plus difficile d’aller à la racine du problème et de déterminer ce qui se passe vraiment sur le lieu de travail.

Mon troisième point concerne l’application de la politique. De façon conceptuelle et pour faciliter les choses, il est possible de séparer les employés du Sénat en trois catégories. Il y a les travailleurs syndiqués assujettis à la Loi sur les relations de travail au Parlement, la LRTP, les travailleurs non syndiqués assujettis à la LRTP et les travailleurs qui sont employés directement par les sénateurs individuels et qui ne sont pas assujettis à la LRTP.

Les travailleurs syndiqués assujettis à la LRTP jouissent de mécanismes d’application relativement robustes puisque leurs conventions collectives contiennent inévitablement des dispositions interdisant le harcèlement. Les victimes de harcèlement peuvent présenter des griefs, et ces griefs peuvent être soumis à l’arbitrage par leurs agents négociateurs.

Les travailleurs non syndiqués assujettis à la LRTP, c’est-à-dire les postes de direction ou de confiance exclus des relations de travail aux termes de la LRTP, n’ont pas la même chance. Le harcèlement n’est pas une condition d’emploi qui peut être soumise à l’arbitrage. Les griefs sont renvoyés en amont aux gestionnaires et aux cadres supérieurs, et ça ne va pas plus loin. C’est formidable d’avoir une politique et de l’appliquer, mais pour cette catégorie de travailleurs, l’application est un problème.

Il y a des façons d’aller plus loin. J’ai déjà défendu un certain nombre d’employés non syndiqués assujettis à la LRTP. Il est possible de faire appliquer une politique comme celle-là, mais c’est un processus exigeant et difficile.

Pour la troisième catégorie, ce n’est pas exigeant et difficile, mais pratiquement impossible. Les employés qui sont à l’emploi direct de sénateurs individuels ne disposent pas des droits conférés par la LRTP leur permettant de faire appliquer des décisions, de présenter des griefs et de contester des décisions. Voilà ce qui manque du cadre législatif global. Soit dit en passant, je remarque que c’est un vide juridique auquel le projet de loi C-65 ne remédie pas. Les employeurs individuels de la Chambre des communes, les députés, sont inclus dans la définition du terme « employeur » consignée aux termes du projet de loi C-65, mais les sénateurs individuels ne le sont toujours pas. Alors, je constate que l’efficacité d’une politique est tributaire de l’efficacité de ses mécanismes d’application. Le comité aurait peut-être avantage à envisager la possibilité d’apporter des modifications législatives aux mécanismes d’application dont il est question ici.

Quatrièmement, dans sa version actuelle, la politique exige que tous les employés — ou toutes les personnes qu’elle vise — soient informés de son existence. Ceci n’est pas suffisant. Selon la littérature existante, la recherche et ma propre expérience, une politique que l’on se contente de porter à l’attention des employés est vite oubliée et se retrouve facilement en toile de fond. C’est ce qui est arrivé à la majorité des centaines de politiques en matière de ressources humaines dont disposent les employés du Sénat.

Si nous voulons vraiment remédier au harcèlement — et je crois que c’est le cas —, il est important de rafraîchir la mémoire des employés sur une base régulière, d’exiger ponctuellement que les employés passent en revue la politique ou l’approuvent. Il est important de donner régulièrement des formations, de passer les effectifs en revue sur une base régulière, et cetera. Il n’est pas suffisant d’exiger des employés qu’ils soient au courant de l’existence de la politique. La politique devrait occuper une place de premier plan.

Cinquièmement, dans sa forme actuelle, la politique appartient pour ainsi dire aux ressources humaines, aux RH. La mise en œuvre de la politique pour le gros des employés du Sénat est l’affaire du directeur des RH. C’est aussi lui qui est chargé d’organiser les enquêtes et d’assurer la confidentialité. Cela met les ressources humaines et les employés dans une position délicate. En effet, il est difficile de faire en sorte que les plaintes restent vraiment confidentielles si c’est le directeur des RH qui en a la responsabilité, puisqu’ultimement, ce dernier est également responsable de la discipline et de la gestion du rendement. Il est difficile d’oublier l’existence d’une plainte de harcèlement préexistante lorsque vous devez traiter de problèmes connexes ou non connexes de discipline ou de rendement.

Je crois que le comité devrait penser à des façons de soustraire ce programme de l’emprise des ressources humaines. Cela pourrait prendre la forme d’un poste d’ombudsman indépendant pour le bien-être en milieu de travail — ce qui toucherait aussi au harcèlement. En fait, il y a plus qu’un seul employeur aux termes de la LRTP : il y a le Sénat, la Chambre des communes, la Bibliothèque du Parlement, et cetera. Si la politique doit rester entre les mains des ressources humaines, vous pourriez envisager la possibilité de renvois croisés. Par exemple, le directeur des RH de la Bibliothèque du Parlement pourrait être responsable du Sénat. Ces déplacements de responsabilité permettraient d’assurer une protection plus étanche concernant la confidentialité de ces plaintes.

Sixièmement, et pour finir, je vais reprendre, en essence, ce que Mme Rubin a dit : une politique peut être bonne à première vue, mais lorsqu’il est question de harcèlement, il faut commencer par la culture de gestion. Une culture de gestion robuste est nécessaire pour prévenir le harcèlement en milieu de travail. Bien sûr, il est essentiel que les cas de harcèlement soient traités rapidement et de façon appropriée. Le traitement doit en outre être équitable pour toutes les parties en cause — les plaignants, les intimés —, mais tout cela commence par la culture de la gestion.

Nous pouvons avoir une politique formidable, mais si la direction n’a pas l’intention de la faire appliquer et qu’elle n’a pas l’intention de s’y conformer en gestes et en paroles, ce sera peine perdue. Sans ces conditions, aucune politique ne saura prévenir et traiter efficacement le harcèlement en milieu de travail. Voilà les grandes lignes des six idées que je voulais vous exposer.

La présidente : Maître Rootham, madame Rubin, je vous remercie. Vos exposés étaient intéressants.

Le sénateur Tkachuk : Deux questions. Vous en avez parlé tous les deux : la définition. Je ne sais pas si on le sait quand on le voit ou qu’on l’entend, mais tout ce que je sais c’est que c’est une notion qui est très difficile à définir. La deuxième chose, c’est que lorsqu’il s’agit d’une petite organisation comme le Sénat, tout le monde connaît tout le monde. Tous les gestionnaires se connaissent entre eux. Ils ont des réunions; ils ont des liens d’amitié; ils vont aux fêtes des uns et des autres; ils se rendent mutuellement visite. Ce n’est pas comme si l’organisation comptait 2 000 personnes; nous sommes 400. Pour un gestionnaire de notre organisation, le problème est plus épineux qu’ailleurs s’il reçoit la visite de l’un de ses employés et qu’il apprend par la suite que cet employé l’a signalé pour harcèlement à quelqu’un d’autre ou à quelqu’un de l’organisation.

Voilà pourquoi je souscris à l’idée que cette instance devrait être à l’extérieur, surtout dans le cas d’une petite organisation comme le Sénat. Je ne sais pas en quoi consiste votre expérience à l’égard des petites organisations et en ce concerne leur façon de composer avec ce problème.

Mme Rubin : La plupart des affaires que nous traitons, mais pas toutes, se déroulent en Ontario où, il y a deux ans, on a adopté le projet de loi 132 qui modifiait la Loi sur la santé et la sécurité au travail et établissait clairement que les employeurs étaient tenus par la loi d’effectuer des enquêtes lorsqu’ils recevaient des plaintes de harcèlement ou lorsqu’ils avaient vent d’un incident de harcèlement en milieu de travail. Il ne s’agit pas seulement d’une plainte écrite officielle et signée, mais d’une possibilité de harcèlement dont ils auraient eu vent.

Cette disposition s’applique aux grands et aux petits employeurs. Selon notre expérience, la précision qu’a apportée cette disposition pour les employeurs en Ontario a été très utile, parce que cela faisait en sorte qu’ils devaient agir lorsqu’ils étaient mis au courant d’une situation. Les employeurs devaient mener une enquête appropriée dans les circonstances. Pour certaines organisations, une enquête « appropriée dans les circonstances » peut se faire par un enquêteur interne, soit une enquête réalisée par une personne qualifiée.

Toutefois, dans d’autres situations, comme de petites entreprises, où le milieu de travail est très convivial et que le personnel est tissé serré, dans le cas de ces organisations, en fonction de la gravité de la plainte, la décision est souvent prise de transférer le dossier à un enquêteur externe.

Le régime ontarien offre une certaine flexibilité, pour ainsi dire, en vue de décider ce qui est approprié dans les circonstances. Cette flexibilité, quant à l’approche, peut donc vouloir dire une enquête interne, mais je suis d’accord avec les commentaires de Me Rootham pour dire qu’il faut établir la personne à l’interne qui le fera. Cependant, si vous avez une personne objective, impartiale et compétente dans votre organisation, c’est une possibilité pour certaines plaintes. Dans d’autres circonstances, il faudra faire appel à un enquêteur externe, à mon avis.

M. Rootham : Je vais aborder la question d’une manière légèrement différente. Une partie du problème avec les petites organisations comme le Sénat, c’est que vous aurez un certain nombre d’employés qui sont des fonctionnaires fédéraux. Il y a un écart par rapport aux attentes en ce qui a trait aux outils pour intervenir en cas de plainte de harcèlement dans une petite organisation comme le Sénat par rapport à la fonction publique fédérale. Si une plainte est déposée contre un gestionnaire, vous ne pouvez pas toujours transférer le plaignant; votre organisation n’est pas suffisamment grande pour le faire.

Vous ne pouvez pas réaliser une grosse enquête d’un an et demi sur une plainte de harcèlement qui sera réalisée par une personne qui a 45 ans d’expérience dans le domaine et qui est disposée à mener 23 jours d’entrevues. Les attentes et le délai que vous avez pour traiter les plaintes de harcèlement varieront d’une organisation à l’autre.

Selon mon expérience avec de petites organisations, c’est la vitesse. Lorsque vous êtes informés de la plainte, déclenchez une enquête; trouvez un enquêteur, et lancez l’enquête. Il n’y a rien qui vous empêche de boucler l’enquête en quelques semaines au lieu que cela prenne des mois ou des années, comme je le constate souvent, selon mon expérience, dans le reste de la fonction publique fédérale. Voilà une manière dont le Sénat, comme petite organisation, peut s’attaquer à certains enjeux auxquels je crois que vous faites allusion dans votre question.

Mme Rubin : Vous devez être conscients de votre situation. La petite taille de votre organisation peut être un facteur, de même que l’esprit de collégialité qui y règne, et il semble que tout le monde se connaît ici. Ce n’est peut-être pas la meilleure façon de le dire, mais je crois que ce contexte particulier doit orienter votre programme. De plus, je présume que la petite taille de votre organisation et le contexte de travail au Sénat peuvent expliquer la sous-déclaration, n’est-ce pas? Tout le monde va l’apprendre.

Le sénateur Tkachuk : Oui.

Mme Rubin : Si je dépose une plainte contre un tel, tout le monde sera au courant. Je subirai des représailles. Vous devez vraiment tenir compte de la petite taille de votre organisation dans le programme qui donne vie à votre politique.

Le sénateur Tkachuk : L’autre problème — disons que la plainte vise un sénateur — est de savoir ce qui adviendra de l’employé. Indépendamment de ce qui arrivera, que l’enquête donne raison à l’employé ou à l’employeur, cette relation est fichue. Cette personne doit donc aller ailleurs, mais il n’y a nulle part d’autre où aller. C’est une petite organisation. S’il n’y a aucun emploi dans un bureau au Sénat, vous êtes fichu. C’est un problème.

La présidente : Oui. Nous devons nous pencher sur ce problème.

Le sénateur Tannas : Nous avons reçu des conseils de diverses sources. Je crois que bon nombre d’entre nous regardent à l’extérieur de l’organisation. Pouvez-vous nous confirmer qu’il existe des fournisseurs de services de bout en bout qui pourraient nous donner un numéro sans frais pour obtenir, de façon anonyme, des services de consultation et que nous pourrions ensuite, le cas échéant, mener une enquête et en arriver à des conclusions auxquelles nous pourrions ensuite donner suite à l’interne? Nous pourrions ensuite réaliser des sondages proactifs, comme vous le mentionniez, pour nous assurer que ce problème ne reste pas invisible et que nous faisons bouger les choses pour éliminer ce fléau. Y a-t-il un organisme qui le ferait pour nous?

Mme Rubin : Au risque de donner l’impression de faire de la publicité, sénateur Tannas, c’est ce que nous faisons. Nous avons décidé de réorienter les principales activités de notre cabinet; nous sommes passés du droit du travail traditionnel à ce domaine, parce que nous avons remarqué que bon nombre d’organisations au pays avaient des besoins en la matière. Premièrement, cela permet de dire que, dans une telle situation, nous transférons l’enquête à un spécialiste externe, et cela permet aussi en deuxième lieu d’apporter une expérience et une expertise dans le dossier, soit des éléments qui font parfois défaut.

Nous n’avons pas de ligne sans frais, mais ce serait un ajout facile. Il y a beaucoup de fournisseurs qui offrent de tels services. Nous ne sommes pas le seul cabinet d’avocats à le faire. Bon nombre de cabinets d’avocats le font. Le cabinet d’avocats de Christopher le fait peut-être également. Nous sommes peut-être uniques au sens où c’est la seule sphère d’activité sur laquelle nous mettons autant l’accent.

La présidente : Premièrement, nous devons lancer un concours externe lorsque nous voulons obtenir des services professionnels. C’est important de le rappeler.

Nous devrons retourner au Sénat pour un vote. J’aimerais vous demander d’être le plus concis possible, car je ne voudrais pas encore une fois vous obliger à nous attendre. Je m’en excuse.

M. Rootham : Oui. Il y a des fournisseurs de services qui peuvent le faire. Vous pourriez opter pour deux fournisseurs de services : un fournisseur qui s’occupe de tout, de l’enquête, des conclusions et peut-être du sondage, et un autre fournisseur qui s’occupe de la ligne sans frais et qui est distinct des enquêteurs. S’il y a un seul organisme, il pourrait y avoir deux groupes au sein de cet organisme qui gère les deux volets.

Le sénateur Tannas : Donc, si nous arrivons rapidement à réaliser l’enquête, à arriver à des conclusions et à transférer le dossier à un groupe d’avocats, cela ne fait-il pas en sorte que l’accusé retienne aussi les services d’un avocat et que le respect des délais et la rapidité d’exécution prennent le bord? Comment cela fonctionne-t-il?

M. Rootham : Les avocats peuvent tenir rapidement des réunions.

Le sénateur Tannas : Que se passe-t-il si l’autre partie ne veut pas coopérer? C’est un exemple réel d’une situation qui est survenue ici.

M. Rootham : Oui, évidemment. Au risque de faire dans l’abstrait, les règles d’équité procédurale sont toujours variables et flexibles en fonction du contexte, et il arrive parfois que les règles d’équité procédurale ne permettent pas de remettre à l’infini les entrevues. Un enquêteur peut dire à la personne concernée que l’enquête aura lieu au cours de cette période et qu’il est disponible ces quatre jours. Il peut informer la personne concernée qu’elle doit se rendre disponible et que la nécessité de réaliser l’enquête dans un délai raisonnable l’emporte sur son droit à un avocat.

Le sénateur Tannas : Parfait.

M. Rootham : C’est possible.

Le sénateur Tannas : Merci.

[Français]

La présidente : Pour votre information, le vote se tiendra à 18 h 48, ce qui nous laisse encore un peu de temps.

[Traduction]

La sénatrice Moncion : Vous avez parlé d’aide à laquelle le personnel pourrait avoir accès, et nous avons quelque chose de plus rapide lorsqu’une situation se présente. Je crois que nous y avons accès par l’intermédiaire de Morneau Shepell. Nous avons un contrat avec cette entreprise, et je crois que vous pouvez l’appeler dans un tel cas. C’est confidentiel, et vous obtenez des services de consultation. Il faudrait relire le contrat que nous avons avec l’entreprise pour voir si c’est offert.

L’un de vos commentaires m’a un peu surprise. Au sujet des plaintes de mauvaise foi, il y a quelque chose dans notre politique à cet effet. Comment gérer les plaintes de mauvaise foi? Je crois comprendre que ce sera retiré de la politique, mais j’aimerais vous entendre sur la façon de gérer de telles plaintes.

M. Rootham : Vous pourriez préciser clairement dans la politique que ce n’est pas une forme de représailles que de prendre des mesures dans le cas d’une plainte de mauvaise foi. Bref, une plainte de mauvaise foi n’est pas, en soi, une forme de harcèlement. Cela ne mènera pas en soi une autre personne à déposer une plainte de harcèlement. Toutefois, si un employé dépose une plainte de mauvaise foi, l’employeur a parfaitement le droit de prendre des mesures disciplinaires contre l’employé, de le faire par l’entremise du processus de gestion du rendement ou, dans le cas d’un problème de santé mentale, d’exiger de meilleurs renseignements médicaux sur l’état de santé réel de l’employé. Un employeur a de multiples manières d’intervenir dans le cas de plaintes de harcèlement de mauvaise foi, sans qualifier cela de harcèlement et sans passer par la politique sur le harcèlement.

Mme Rubin : Si vous me le permettez, j’aimerais compléter sa réponse. D’après notre expérience à titre de professionnels en exercice, il y a en fait très peu de plaintes de mauvaise foi. Il peut y avoir des plaintes qui ne sont pas fondées, parce qu’une personne n’est pas crédible ou qu’elle n’est pas fiable, mais ce ne sont pas des plaintes de mauvaise foi. Sur le plan juridique, pour dire que quelque chose est de mauvaise foi, les critères sont en fait très élevés. Je crois donc qu’il serait très rare d’en voir en milieu de travail, même si ce n’est pas impossible, mais ce serait très rare. Ce qui arrive — je souligne encore une fois la nécessité d’avoir des enquêteurs compétents et une compréhension très approfondie du harcèlement en milieu de travail —, c’est que certains employeurs confondent les plaintes non fondées et les plaintes de mauvaise foi. Si une plainte n’est pas fondée, certains présument automatiquement que la plainte est donc de mauvaise foi. Or, ce n’est pas le cas.

[Français]

La présidente : Sénatrice Moncion, avez-vous une autre question?

La sénatrice Moncion : Non, pas pour l’instant.

La présidente : Je vais me permettre une question avant le deuxième tour. Elle s’adresse à M. Rootham.

[Traduction]

Vous avez souligné la nécessité pour le Sénat de modifier la loi, en particulier en ce qui concerne les employés des sénateurs. Pouvez-vous nous en dire davantage à ce sujet?

M. Rootham : Comme vous le savez, la Loi sur les relations de travail au Parlement protège les employés du Sénat. Toutefois, il y a encore des employés que je qualifierai d’employés « personnels » qui travaillent directement pour les sénateurs. Ce ne sont pas des employés du Sénat. Ce sont des employés des sénateurs. Selon le libellé actuel de la loi, ces employés n’ont aucune protection en vertu de la loi, mis à part peut-être la Loi canadienne sur les droits de la personne. Même si cela vise certaines formes de harcèlement, cela ne concerne pas le harcèlement lié à l’abus de pouvoir ou les comportements qui ne sont pas fondés sur le sexe ou la race ou les autres motifs de distinction illicite en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

Je devrais prendre un moment pour préciser que cela s’applique aussi aux employés des ministres et des députés de la Chambre des communes. Le projet de loi C-65 réussit à certains égards à réduire ces lacunes en incluant les députés de la Chambre des communes dans la définition d’employeur aux fins des dispositions sur le harcèlement et la santé et la sécurité au travail de la Loi sur les relations de travail au Parlement. Ainsi, les employés des députés auront un moyen pour formuler une plainte si jamais le projet de loi C-65 est adopté. Toutefois, les sénateurs ne sont toujours pas inclus dans la définition d’employeur. Voilà donc une possible solution au problème.

D’autres possibles solutions iraient probablement au-delà de la portée de nos discussions ici aujourd’hui; cela porterait sur des enjeux complexes en vue de trouver un équilibre entre le privilège parlementaire et la common law et les droits prévus par la loi pour les employés des sénateurs. Je serai ravi de vous en parler quelques heures, mais je crois que nous devrions nous concentrer sur le sujet de la réunion. Par contre, c’est une idée.

La présidente : Madame Rubin, vous avez parlé d’un poste de protecteur. Le titulaire de ce poste peut-il faire partie du Sénat ou serait-il préférable, compte tenu de la petite taille de l’institution, que cette personne soit à l’extérieur de l’organisation?

Mme Rubin : Je crois que c’était, en fait, M. Rootham qui a mentionné la création d’un poste de protecteur, mais certains organismes le font avec une personne à l’interne. Un contrat est conclu avec cette personne à l’interne pour lui accorder une certaine indépendance pour qu’elle soit à l’abri de toutes représailles si elle rend des décisions qui risquent d’être mal vues ou de poser problème à certains au sein de l’organisation. Bref, je crois que, si vous aviez une personne à l’interne, vous devriez prévoir une manière de protéger le titulaire de ce poste.

Dans le milieu universitaire en Ontario, depuis l’adoption du projet de loi 132, la majorité des universités ont un agent attitré aux dossiers de harcèlement qui traite souvent beaucoup de plaintes de harcèlement et de violence, qui réalise parfois des enquêtes et qui transfère parfois aussi des dossiers à des enquêteurs externes. Bref, je ne crois pas qu’il y a une solution unique qui fonctionne dans tous les cas; je crois que cela dépend.

La présidente : Monsieur Rootham, voulez-vous ajouter quelque chose au sujet du poste de protecteur?

M. Rootham : J’aimerais seulement ajouter que, dans le milieu universitaire, selon mon expérience, l’agent qui s’occupe des plaintes et le responsable des ressources humaines au sein de la faculté ne sont pas la même personne. Les fonctions sont séparées.

La présidente : Vous l’avez tous les deux très bien expliqué. Merci.

La sénatrice Moncion : Pour les employés qui formulent une plainte, par exemple, quelle protection ont-ils quant à leur emploi? Ce n’est pas précisé dans la politique.

M. Rootham : La politique interdit les représailles contre un employé qui a formulé une plainte, et la cessation d’emploi est une forme de représailles.

La sénatrice Moncion : Je le comprends. Cependant, comment pouvons-nous...

M. Rootham : Comment pouvons-nous nous en assurer?

La sénatrice Moncion : Oui.

M. Rootham : Un employé syndiqué en vertu de la Loi sur les relations de travail au Parlement peut faire respecter la politique au moyen d’un grief. Dans le cas d’une cessation d’emploi, un employé non syndiqué en vertu de la Loi sur les relations de travail au Parlement peut aussi présenter un grief et se rendre en arbitrage. Dans le cas des employés des sénateurs, que dalle. Il n’y a rien.

La sénatrice Moncion : Comment pouvons-nous les protéger? Ne les protégerions-nous pas?

M. Rootham : Vous trouvez des façons au sein de l’institution de garantir ou de protéger l’emploi ou vous protégez financièrement l’employé jusqu’à ce qu’il se trouve un autre emploi raisonnable.

[Français]

La présidente : Y a-t-il d’autres questions?

[Traduction]

Madame Rubin, monsieur Rootham, madame Bird, merci beaucoup de vos témoignages. Nous resterons en contact. Vous nous avez donné des renseignements à très grande valeur ajoutée. Si vous voulez ajouter quelque chose par écrit ou de vive voix après la réunion, n’hésitez pas à communiquer avec nous; nous serons ravis d’avoir d’autres commentaires.

Toutes mes excuses, madame Hershcovis. Nous devons suspendre nos travaux, puis nous reviendrons immédiatement après le vote écouter votre témoignage. Merci.

[Français]

Je déclare la séance suspendue jusqu’à la fin du vote au Sénat.

(La séance est suspendue.)

(La séance reprend.)

La présidente : Honorables sénateurs, je vous présente notre deuxième experte aujourd’hui. De l’Université de Calgary, nous accueillons Sandy Hershcovis, professeure agrégée et directrice de secteur, Comportement organisationnel et Ressources humaines. La professeure a eu la gentillesse de nous présenter par écrit un certain nombre de suggestions précises. Je vous en remercie, c’est très apprécié. Sans plus tarder, nous allons vous entendre.

[Traduction]

Sandy Hershcovis, professeure agrégée et directrice de secteur, Comportement organisationnel et Ressources humaines, Université de Calgary : Bonjour. C’est un honneur d’être ici aujourd’hui pour discuter de la Politique du Sénat sur la prévention et le règlement du harcèlement en milieu de travail.

Je me spécialise dans l’étude scientifique du harcèlement en milieu de travail depuis 15 ans. Dans mes commentaires, j’aborderai trois principaux enjeux : la définition, les difficultés lorsque vient le temps de s’occuper du harcèlement en milieu de travail et la prévention. Par souci de clarté, dans mes commentaires, les présumés harceleurs seront appelés des auteurs, et les gens qui signalent des cas de harcèlement seront appelés des victimes.

Il existe de nombreuses définitions du harcèlement en milieu de travail, et il arrive souvent que les universitaires aient des opinions divergentes quant à ces définitions. Vous trouverez en annexe de mon exposé des exemples de définitions du harcèlement sexuel et non sexuel. J’ai demandé à M. Charbonneau de distribuer le document aux membres du comité.

Je tiens à souligner trois éléments clés de ce qui constitue, selon moi, une bonne définition.

Premièrement, le harcèlement, tant sexuel que non sexuel, ne survient pas toujours à l’intérieur des limites organisationnelles. Songeons à la cyberintimidation, qui est devenue de plus en plus problématique; en effet, certains employés harcèlent leurs collègues de travail par divers modes de communication en ligne, comme le courriel, les médias sociaux et la messagerie texte. Toute définition de harcèlement devrait donc englober des comportements qui pourraient se manifester à l’extérieur des heures et du lieu de travail.

Deuxièmement, j’encourage le comité à ratisser large au moment d’élaborer une définition. Parfois, les décideurs craignent les définitions trop générales parce qu’ils pensent que cela va encourager les gens à signaler des incidents à tout bout de champ, mais comme je vais l’expliquer dans quelques instants, les victimes sont beaucoup plus susceptibles de ne pas déclarer les cas de harcèlement que d’en trop déclarer. Une définition large du terme envoie un message clair, à savoir que l’organisation ne tolérera aucune forme de harcèlement.

Troisièmement, je recommande que vous définissiez explicitement le « harcèlement fondé sur le sexe », qui est, de loin, la forme la plus répandue de harcèlement sexuel. Le harcèlement fondé sur le sexe consiste à faire des remarques avilissantes ou hostiles liées à l’appartenance sexuelle, souvent de la part d’un employé en position d’autorité envers un collègue ayant moins de pouvoir. Cela varie en gravité, allant de gestes obscènes et d’insultes de nature sexuelle à des propos et remarques apparemment moins graves, qui peuvent même sembler bienveillants. Par exemple, le fait d’interpeller une collègue par des mots comme « ma belle » ou « chérie » sert à l’infantiliser.

Faire des observations sur l’apparence physique ou esthétique de quelqu’un, même par simple plaisanterie, peut s’avérer dégradant, au risque de saper la confiance de la victime. Ce ne sont pas des avances insistantes, mais plutôt des remarques dénigrantes, et bien des gens ignorent que ces comportements sont dégradants et insultants. Un grand nombre de travaux de recherche révèlent que le harcèlement fondé sur le sexe a des répercussions importantes sur le bien-être psychologique des employés, leur satisfaction au travail et le taux de roulement.

Je vais maintenant parler brièvement des principales difficultés que j’entrevois quand vient le temps de s’occuper du harcèlement sexuel et du harcèlement en général. En premier lieu, les victimes ont peur de se manifester, et avec raison. On ne les croit souvent pas ou on leur fait sentir que c’est leur faute. Les victimes ont peur des représailles. Elles craignent que rien ne change. Elles pourraient aussi avoir peur d’attirer des ennuis à quelqu’un.

En deuxième lieu, lorsque les victimes brisent le silence, la tâche de prouver qu’un acte de harcèlement a été commis peut se révéler très difficile. Souvent, les auteurs de harcèlement sont disculpés de tout écart de conduite, et ce n’est pas nécessairement parce qu’ils sont innocents. C’est fort probablement parce que la victime n’a pas pu prouver le harcèlement. La victime se retrouve alors dans une situation où elle doit faire face à l’accusé et continuer à travailler avec lui et, souvent, pour lui.

En troisième lieu, les auteurs usent régulièrement de représailles contre les victimes qui soulèvent des préoccupations en matière de harcèlement.

Au moment de mettre à jour votre politique actuelle sur le harcèlement, je vous recommande de songer à la façon dont cette politique peut faciliter la tâche des victimes et des témoins pour ce qui est de signaler des cas de harcèlement en toute sécurité, tout en vous assurant de les protéger contre les représailles. Puisque les victimes se trouvent en position de vulnérabilité, je crois que les témoins constituent une ressource essentielle dans le cadre du processus d’enquête.

J’ai quelques recommandations à vous faire. Premièrement, les victimes et les témoins devraient être en mesure d’exprimer leurs inquiétudes de façon anonyme. Le processus d’enquête devrait, dans la mesure du possible, protéger l’identité des victimes et des témoins.

Deuxièmement, à l’heure actuelle, ce sont les whips du gouvernement et de l’opposition qui s’occupent des cas de harcèlement signalés mettant en cause des sénateurs et des membres du personnel du Sénat; par conséquent, les victimes sont contraintes de rapporter des cas de harcèlement de la part de sénateurs à d’autres sénateurs en position d’autorité. Voilà un facteur important qui peut dissuader les victimes de signaler des cas. C’est un tiers impartial, comme un ombudsman, qui est le mieux placé pour traiter les cas de harcèlement signalés.

En ce qui concerne la prévention, la première étape consiste à instaurer une politique solide, ce que le comité a déjà entrepris. Bien entendu, pour que la politique ait du mordant, elle doit prévoir des conséquences réelles pour les auteurs de harcèlement. Établir une politique qui ne prévoit aucune conséquence ne dissuade pas vraiment les mauvais comportements. Puisque les harceleurs sont souvent des gens en position d’autorité, c’est difficile lorsque l’auteur est un sénateur.

Dans d’autres organisations, les gens peuvent être congédiés pour motif de harcèlement. Au Sénat, les gens ayant le moins de pouvoir, c’est-à-dire ceux qui sont les plus susceptibles d’être victimes, peuvent être congédiés, mais il est beaucoup plus difficile de renvoyer les gens qui sont en position d’autorité et qui sont les plus susceptibles de commettre un acte de harcèlement. Même si les sénateurs peuvent être expulsés, à ma connaissance, le Sénat n’a jamais voté pour expulser un sénateur. Il est difficile d’établir une politique efficace lorsqu’il n’y a aucune répercussion grave. Là encore, un tel système risque fort de décourager les signalements.

Je suis consciente que le Sénat compte bien plus que des sénateurs, mais les sénateurs sont les membres les plus puissants de cette organisation. J’exhorte donc le comité à prévoir des conséquences substantielles pour les actes de harcèlement commis par les sénateurs et d’autres personnes et à s’assurer que ces conséquences sont clairement énoncées dans la politique.

Une deuxième façon de prévenir le harcèlement consiste à éliminer les conditions contextuelles qui le provoquent. En particulier, les environnements hautement stressants créent un terreau fertile pour des comportements liés au harcèlement non sexuel. Quand les gens sont stressés, ils deviennent réactifs et ils peuvent s’en prendre brutalement à leurs collègues. Faire en sorte que le milieu de travail soit le moins stressant possible et donner aux employés des occasions de composer avec le stress — voilà autant de mesures qui peuvent favoriser la prévention.

Une autre façon de prévenir le harcèlement, c’est de faire participer tous les employés au processus de révision de la politique. On invite ainsi tout le monde à prendre part à la réflexion sur le harcèlement et sur les moyens de s’y attaquer, tout en faisant comprendre aux employés que le Sénat prend le harcèlement au sérieux. Vous pourriez envisager de mener un sondage anonyme pour évaluer l’ampleur du problème. Je propose également une formation obligatoire destinée à tous les employés pour veiller à ce que tout le monde comprenne la nature du harcèlement, la façon de le discerner et la façon d’y réagir en cas de problème.

Les gestionnaires doivent être tenus responsables des mesures prises pour mettre fin au harcèlement. Les gestionnaires ferment souvent les yeux sur le problème, car c’est plus facile que d’agir. Or, l’inaction a de graves conséquences pour les victimes et la culture organisationnelle. Il est également important d’offrir aux victimes diverses façons de signaler un cas de harcèlement à un stade précoce, avant qu’on en arrive à une plainte officielle. Les employés devraient être en mesure de rapporter leur expérience à quelqu’un qui leur paraît digne de confiance et qui est de leur côté. Il ne s’agit souvent pas de leur patron ou de la direction des ressources humaines.

J’ai inclus en annexe, à l’intention du comité, plusieurs suggestions précises quant à la façon de renforcer la politique actuelle. Je vous remercie de m’avoir invitée à témoigner. Je suis prête à répondre à vos questions.

La présidente : Merci beaucoup.

Le sénateur Tkachuk : Il serait utile de préciser, pour les besoins de la discussion, que certains sénateurs ont déjà été punis, mais ils ont démissionné avant que le Sénat ait eu le temps d’agir. C’est ce qui se passe d’habitude : ils démissionnent pour protéger leurs pensions. D’après mon expérience, et je suis ici depuis 23 ans, il y a quatre ou cinq sénateurs qui ont démissionné avant toute intervention. Lorsqu’une mesure est prise, cela se fait de façon très publique. Il s’agit donc d’un outil que nous n’utilisons pas impunément, étant donné que des problèmes partisans peuvent prendre le dessus, si bien que des gens risquent d’être expulsés pour les mauvaises raisons.

Deuxièmement, nous avons déjà suspendu des sénateurs — trois, pour être précis. C’était une épreuve très difficile pour eux, j’en suis sûr, et pour nous aussi. Il s’agissait d’une suspension de deux ans. Le Sénat dispose donc des moyens requis pour s’adapter à la situation et, en cas de problème, il peut imposer des sanctions, aucun doute là-dessus. Bien entendu, nous sommes des personnalités publiques, ce qui rend l’exercice encore plus difficile.

Je n’ai pas de questions.

La présidente : Merci de cette précision, sénateur. Je vous en suis reconnaissante. Vous n’avez aucune question à poser pour le moment?

Le sénateur Tkachuk : Non, je crois que je vais laisser la sénatrice Moncion prendre le relais.

La sénatrice Moncion : Pourriez-vous nous parler de l’intimidation et de la place qu’elle occupe dans cette politique, notamment en ce qui concerne l’intimidation sur les médias sociaux, afin que nous puissions faire les liens nécessaires? Vous avez évoqué les médias sociaux, et je pense que nous pourrions faire face à ce genre de situations ici.

Mme Hershcovis : J’en conviens. L’intimidation est une forme persistante de harcèlement psychologique et, parfois, physique qui survient durant une période soutenue; elle diffère donc des autres formes de harcèlement en ce sens qu’elle se prolonge dans le temps. Elle met en cause habituellement différents types de comportements. Elle se produit généralement lorsqu’une personne cible un ou plusieurs employés, selon la situation, et ce comportement a des effets négatifs importants sur les employés, au même titre que d’autres formes de harcèlement.

L’intimidation en ligne ou la cyberintimidation désigne la même chose, sauf qu’elle peut survenir par courriel, sur les médias sociaux et par téléphone. Elle peut dépasser les limites du lieu de travail et s’immiscer dans la vie personnelle de l’employé — par exemple, lorsqu’il consulte ses courriels le soir ou la fin de semaine et qu’il subit ce genre de harcèlement en dehors de son lieu de travail.

La sénatrice Moncion : Comment faites-vous pour intégrer cet aspect dans une politique sur le harcèlement?

Mme Hershcovis : Selon moi, il suffit de préciser, dans la définition, que ces comportements peuvent survenir en dehors des heures et du lieu de travail, tout en s’assurant que les employés savent qu’ils peuvent signaler ce genre de cas et que ces comportements sont visés par la définition contenue dans la politique du Sénat.

La sénatrice Moncion : J’aimerais revenir à ce que vous avez dit, à savoir qu’il y a eu quatre ou cinq sénateurs qui ont démissionné avant que des plaintes aient été déposées contre eux. Dans quelle mesure sont-ils protégés après leur départ?

Mme Hershcovis : Protégés de quelle façon?

La sénatrice Moncion : Eh bien, ils pourraient quand même faire l’objet de plaintes de harcèlement, même s’ils ne sont plus sénateurs. Ou est-ce que ce n’est plus possible une fois qu’ils démissionnent?

Mme Hershcovis : En ce qui a trait à la capacité du Sénat de les punir ou de leur imposer une sanction quelconque, je crois que ce n’est plus possible une fois qu’ils quittent leurs fonctions. Pour ce qui est de savoir si c’est illégal, je suppose que l’employé aurait d’autres recours, mais il ne pourrait pas nécessairement dénoncer la personne en cause si celle-ci est partie, n’est-ce pas?

La sénatrice Moncion : En raison des problèmes psychologiques qui pourraient en découler, les témoins précédents ont dit qu’il faut prévoir non pas des mesures de rétorsion, mais plutôt des règlements en espèces pour ces gens.

La présidente : Une indemnité de départ?

La sénatrice Moncion : Ils ont parlé du stress, de la perte de qualité de vie et des représailles. Vous dites que, une fois que ces gens démissionnent, on ne peut plus déposer de plainte contre eux parce qu’ils ne sont plus là?

Mme Hershcovis : À moins qu’il y ait quelque chose, même après leur départ, qui cause un environnement de travail toxique. J’encouragerais l’organisation à faire un suivi auprès de ces employés et à s’assurer que leur bien-être mental demeure intact et qu’on prend bien soin d’eux. Pour ce qui est de la dénonciation, si la personne ayant causé le problème et adopté le comportement a démissionné, alors je ne pense pas qu’il soit vraiment nécessaire de prendre d’autres mesures.

Je tiens à réitérer les points soulevés par mes collègues tout à l’heure, à savoir qu’il faut aller au-delà de la politique. Certes, la politique représente un premier pas dans la bonne direction, mais je crois vraiment qu’il est important de mener un sondage pour commencer par évaluer la nature du problème, son degré de persistance, sa prévalence et les types de harcèlement qui surviennent au Sénat, pour ensuite trouver collectivement des moyens d’instaurer une culture plus positive.

Vous pourriez organiser des ateliers avec les employés, cerner les valeurs que le Sénat aimerait promouvoir et déterminer comment y arriver, en s’appuyant sur les résultats du sondage — et je suis sûre qu’il y a des cas de harcèlement puisqu’aucune organisation n’y échappe —, afin de créer un environnement de travail plus positif, à l’image de ce que souhaiteraient sans doute les gens.

La sénatrice Moncion : Compte tenu du domaine dont vous faites partie, pouvez-vous nous parler du code de conduite? À quel point le code de conduite ou d’éthique, ou peu importe, se rapproche-t-il ou s’éloigne-t-il des politiques sur le harcèlement?

Mme Hershcovis : D’habitude, les codes de conduite énoncent des attentes; ainsi, la civilité est habituellement un des aspects traités dans un code qui prévoit une conduite respectueuse en milieu de travail. J’imagine que, dans le cadre d’une bonne politique, l’organisation devrait énoncer les valeurs qu’elle attend de ses employés, comme l’inclusion, la civilité, le respect et tout le reste — bref, des valeurs qui feraient partie du code de conduite général, lequel englobe également d’autres types de comportements et d’attentes pour les organisations.

La sénatrice Moncion : Autrement dit, cela fait partie des politiques dont dispose une organisation; il y aurait donc la politique sur le harcèlement et la sécurité au travail, puis un code de conduite?

Mme Hershcovis : Le code de conduite régirait normalement un ensemble plus vaste de comportements au sein de l’organisation, notamment l’inclusion et les valeurs qui vous sont chères.

La sénatrice Moncion : Très bien. Merci.

La présidente : À titre de précision, je tiens à dire que les sénateurs qui ont été suspendus ne l’ont pas été pour des problèmes liés au harcèlement. Le sénateur a fait valoir l’argument parce qu’il voulait indiquer, à très juste titre, que nous pouvons imposer une sanction à un sénateur, mais cela n’avait rien à voir avec ces questions.

Le sénateur Tkachuk : Si je ne me trompe pas, seul un sénateur a démissionné pour motif de harcèlement. Tous les autres l’ont fait pour d’autres raisons. Ce que j’essayais de dire, c’est que le Sénat a les moyens de punir ces gens.

Mme Hershcovis : En effet. Je vous encourage à énoncer cela explicitement dans la politique pour que les gens qui envisagent de signaler ces cas, de même que ceux qui consultent la politique pour essayer de comprendre quels comportements sont inappropriés, puissent voir quelles sont les conséquences possibles.

La sénatrice Moncion : C’est un peu hors sujet, mais est-ce que le président Trump fait de l’intimidation au moyen de ses messages sur Twitter?

Mme Hershcovis : Oui, absolument.

La sénatrice Moncion : Est-il un harceleur?

Mme Hershcovis : Oui.

La sénatrice Moncion : Je vois. Et il utilise Twitter pour harceler et intimider les gens?

Mme Hershcovis : Oui.

La sénatrice Moncion : C’est donc un outil puissant?

Mme Hershcovis : Oui, c’est un outil puissant parce que les messages peuvent être communiqués à grande échelle.

La sénatrice Moncion : Que se passe-t-il lorsque des sénateurs utilisent ces outils pour harceler ou intimider d’autres sénateurs? Comment devons-nous nous y prendre?

Mme Hershcovis : Eh bien, je crois que cela doit être abordé dans la politique et la définition.

Le sénateur Tkachuk : Je crois que nous nous éloignons un peu du sujet à l’étude. Premièrement, elle a beau être qualifiée, mais je ne pense pas qu’elle ait parlé au président Trump. Je ne crois pas qu’elle ait enquêté sur lui ni sur d’autres sénateurs. Alors, si nous voulons nous embarquer là-dedans, nous le pouvons, mais ce n’est pas agréable pour les gens autour de la table.

La présidente : Et je conviens que nous devrions nous concentrer sur les questions liées à notre travail. Je comprends que vous vouliez donner un exemple pour montrer jusqu’où l’intimidation et le harcèlement peuvent aller, mais nous pourrions peut-être mettre davantage l’accent sur la situation au Sénat.

La sénatrice Moncion : Si je puis me le permettre, j’ai demandé tout à l’heure si l’intimidation faisait partie du harcèlement.

La présidente : Oui, elle en fait partie.

La sénatrice Moncion : Je cherche donc à obtenir plus de précisions, mais j’ai compris le message. Merci.

Le sénateur Tkachuk : À mon avis, harceler les gens n’est pas la même chose que harceler un employé. Voilà où je veux en venir.

La sénatrice Moncion : Le harcèlement reste du harcèlement, que ce soit entre des égaux ou…

Le sénateur Tkachuk : Vous et moi pourrions avoir une dispute, et nous pourrions déclarer qu’il s’agit d’un cas de harcèlement, mais ce n’est pas la même chose qu’un différend. Nous pourrions avoir un différend sur Twitter. Nous pourrions être en désaccord, mais ce n’est pas du harcèlement. Vous êtes sénatrice. Vous êtes mon égal, et non mon sous-fifre. Je n’ai aucun pouvoir sur vous, et vous n’en avez aucun sur moi. Nous avons une discussion.

Mme Hershcovis : Le pouvoir ne fait pas nécessairement partie de la définition du harcèlement. Il peut y avoir des cas de harcèlement entre collègues, mais il y a manifestement une distinction entre un désaccord, comme celui qui existe entre vous en ce moment, l’intimidation et le harcèlement. L’intimidation et le harcèlement causent des préjudices, et les gens s’entendent pour dire que c’est un comportement indésirable.

La présidente : Je suis heureuse d’accueillir la sénatrice Mobina Jaffer. La sénatrice Jaffer était de service au Sénat; elle est membre du comité.

Sénatrice Moncion, avez-vous d’autres questions à poser pour le moment?

La sénatrice Moncion : Non.

La présidente : J’ai deux questions à vous poser. La première est liée aux changements de culture qui peuvent survenir dans une organisation en ce qui concerne le harcèlement. Par exemple, il a été mentionné qu’un homme, à savoir un employeur ou un gestionnaire, pourrait dire à sa secrétaire ou son adjointe : « Bonjour, chérie. » Même si l’homme en question n’avait aucune mauvaise intention, l’utilisation d’un tel titre ne serait pas acceptée comme cela aurait été le cas il y a 15 ou 20 ans. Cela me ramène donc au changement de culture. Avez-vous des suggestions à nous faire en ce qui concerne la nécessité de changer la culture de notre organisation, comme celle de bon nombre d’autres organisations?

Mme Hershcovis : Voulez-vous dire la façon de changer la culture d’une organisation?

La présidente : Quel est le meilleur moyen d’exercer une influence sur le changement de culture?

Mme Hershcovis : Je pense que cela doit commencer au sommet de la hiérarchie. Il est primordial que le chef de file adopte le genre de comportement attendu au sein d’une organisation. Cela a été mentionné plus tôt, et j’approuve l’idée de mener d’abord une enquête initiale portant sur l’étendue du problème, de comprendre l’étendue du problème au moyen d’une enquête ou de consultations auprès des employés afin de trouver les causes profondes des problèmes, et de découvrir le genre de problèmes auxquels vous faites face, comme le harcèlement fondé sur le sexe, l’intimidation, la cyberintimidation ou quelque chose d’autre. Premièrement, prenez la mesure du problème, puis organisez des ateliers avec les employés afin de déterminer collectivement ce que l’organisation aimerait voir et donc ce que les employés voient. Vous devez obtenir la participation de la base de l’organisation jusqu’à son sommet.

Il est important que le chef de file adopte les comportements que vous souhaitez, mais il est également important que les employés jouent un rôle dans ce processus de changement, afin que tous sachent à quoi doit ressembler ce changement et qu’il y ait consensus à cet égard. Je crois qu’il faut vraiment qu’il y ait un processus collectif dans le cadre duquel les gens désignent les valeurs qu’ils souhaitent respecter et s’emploient à trouver des stratégies en vue de préserver ces valeurs à cette fin.

La présidente : Mon autre question est liée à ce que j’appellerais la réconciliation. J’estime que tous les cas de harcèlement ne devraient pas se solder par le départ du Sénat des deux personnes ou de l’une d’entre elles.

Quels sont les pratiques exemplaires en matière de réconciliation entre le harceleur, ou présumé harceleur, et la victime?

Mme Hershcovis : C’est une question à laquelle il est très difficile de répondre, parce qu’il n’y a pas de solution universelle. Tout dépend vraiment du contexte. Si le harcèlement n’est survenu qu’une seule fois, que la victime a l’impression que le harceleur peut être abordé directement et être informé de la façon dont son comportement a affecté la victime, et qu’il est possible de s’assurer que ce processus est effectué d’une façon très respectueuse qui n’entraîne pas le recours à des moyens de défense, le problème peut être réglé immédiatement. Toutefois, habituellement, ce n’est pas la façon dont les choses se passent. Normalement, les gens craignent de dire quoi que ce soit. Ils se sentent mal à l’aise à l’idée de mentionner quelque chose. Ils pensent qu’ils ont peut-être eu une mauvaise journée, mais le comportement continue jusqu’à ce que le problème devienne plus grave. À ce stade, je pense que vous devez prévoir une intervention qui ressemble davantage à un processus de médiation d’une sorte ou d’une autre, dans le cadre duquel une tierce partie vient aider les deux parties à entamer une discussion pour tenter de régler un problème.

Parfois, la victime n’est pas à l’aise avec cette solution. La solution doit donc être axée sur les victimes. Si la victime dépose une plainte auprès de quelqu’un, elle devrait donner une idée de ce qu’elle recherche en matière de résolution. Souhaite-t-elle rencontrer la personne et résoudre le problème? Souhaite-t-elle que son gestionnaire règle le problème en son nom? Il faut déterminer la façon dont la victime aimerait que les choses se passent.

La présidente : Recommanderiez-vous que la politique aille aussi loin? C’est-à-dire que nous prévoirions la mise en œuvre d’un certain type de résolution en vue de parvenir à une réconciliation?

Mme Hershcovis : Je pense que, si vous pouviez le faire, ce serait la solution idéale. Cela devrait certainement être une option. Je crois que votre politique actuelle intègre ce genre de processus officieux. La plupart des victimes préfèrent que ces problèmes soient réglés de façon officieuse, car elles craignent de déposer une plainte officielle qui pourrait avoir toutes sortes de conséquences. Oui, je pense que vous devriez ajouter cette solution.

La sénatrice Jaffer : Vous l’avez peut-être déjà mentionné, mais je n’ai pas entendu cette observation en raison de mon arrivée tardive. Diriez-vous que des rapports de force peuvent exister même entre deux collègues et qu’un harcèlement peut survenir?

Mme Hershcovis : Oui.

La sénatrice Jaffer : Même si vous pensez être égaux, vous ne l’êtes pas?

Mme Hershcovis : Oui, le pouvoir a différentes facettes. Deux sénateurs ou deux employés peuvent être égaux, mais il y a des formes sociales de pouvoir qui surviennent lorsque certaines personnes exercent une plus grande influence au sein de cercles sociaux. De plus, nous savons que le pouvoir lié au sexe est une importante forme de pouvoir qui permet aux hommes de détenir plus de pouvoirs que les femmes au sein de la société.

Le caractère égal est très difficile à définir. Il dépend du contexte dans lequel vous vous trouvez, des amitiés nouées entre certaines personnes, du copinage, et cetera. Oui, cela ne fait pas de doute. Les études ont démontré que le harcèlement entre collègues a des effets néfastes substantiels sur la santé des victimes, tout comme le harcèlement provenant d’une personne en situation de pouvoir.

La sénatrice Jaffer : Je m’efforce simplement de comprendre ce concept. Même entre collègues, tout dépend de la personne qui a l’oreille du patron et qui exerce donc une plus grande influence sur lui. Cela peut aussi être…

Mme Hershcovis : Une forme de pouvoir. C’est exact.

La sénatrice Jaffer : Nous évoluons ici dans un univers politique, mais nous ne vivons pas vraiment ici. Nous sommes de passage, ce qui cause de nombreux autres problèmes. Nous ne nous rendons pas au même endroit 365 jours par année. Nous passons quelques jours ici, puis nous nous déplaçons. Nous ne remarquons pas les signes.

Je vais poser une autre question à ce sujet, et je reviendrai ensuite à la question que je vous ai posée au départ. J’ai beaucoup réfléchi à ce sujet. Je travaille ici depuis 17 ans. Ce que j’ai entendu m’a fait sentir très coupable, car j’ai le sentiment de ne pas avoir écouté les plaintes. Où étais-je? Je n’ai pas entendu ces commentaires. Je suis coincée ici dans cet édifice, alors je vous demande — et si vous n’êtes pas en mesure de me fournir des explications, je comprendrai — quels sont les signes que nous devrions chercher à repérer.

Mme Hershcovis : C’est une question à laquelle il est difficile de répondre. Le problème plus général auquel vous en venez, c’est l’importance de former tous les intervenants — pas seulement les gestionnaires, mais aussi les employés — à reconnaître les signes de harcèlement, à interpeller ou à être disposé à interpeller vos collègues, en particulier ceux qui occupent des postes de pouvoir, car le harcèlement survient souvent entre une personne occupant un poste de pouvoir et l’un de ses subalternes.

Je ne soutiens pas que vous devriez interpeller quelqu’un publiquement. Vous pouvez les entraîner à l’écart pour leur en parler en privé. Toutefois, en ce qui concerne les signes particuliers, il est très difficile de les déceler lorsque les gens omettent de signaler le problème, car les gens peuvent dissimuler le harcèlement. Ils peuvent agir de façon subtile ou invisible.

Je ne crois pas que vous deviez vous culpabiliser de ne pas avoir décelé le harcèlement, mais vous devriez vous rendre disponible afin que les gens soient disposés à vous signaler des problèmes, et vous devriez vérifier ce que font vos employés afin de pouvoir leur demander si quoi que ce soit s’est produit. Pouvez-vous me parler du climat chez les membres du personnel ou chez les autres employés qui pourraient ne pas avoir votre niveau de pouvoir? Le fait de vérifier simplement ce que font vos employés et de les interroger peut aussi aider.

La sénatrice Jaffer : Voilà justement le problème. J’ai seulement deux employés. La plupart des gens avec lesquels je travaille ici ne sont pas mes employés, et ce sont eux qui déclarent être harcelés. Il se peut que vous ne puissiez pas répondre à la question, mais si vous pouviez y réfléchir, et nous fournir une réponse plus tard, je vous en serais reconnaissante. Les gens avec lesquels nous travaillons ici ne sont pas nos employés; cela représente donc un défi. En notre qualité de sénateurs, nous n’employons que deux personnes, mais nous travaillons avec les autres personnes. La situation diffère de celle d’un milieu de travail normal.

Je pense beaucoup à cela depuis que notre comité a commencé à siéger. Il y a de nombreux aspects à examiner dans notre milieu de travail. La relation de travail n’est pas normale. Il se peut que nous ne travaillions avec un greffier qu’une fois par mois ou une fois par semaine, mais cela fluctue. Il y a des façons dont vous pourriez nous aider. Comment pouvons-nous établir ce système, car le milieu de travail ici est très différent?

Mme Hershcovis : Il est difficile de déceler le harcèlement, et c’est la raison pour laquelle je vous ai suggéré d’organiser une espèce d’enquête anonyme — au cours de la séance qui a eu lieu plus tôt, ils ont suggéré la même chose — afin de prendre le pouls de ce qui se produit et de l’endroit où cela se produit. Dès que vous savez cela, vous pouvez commencer à changer la culture ou, du moins, à tenter de le faire.

La sénatrice Jaffer : Comment peut-on créer un milieu de travail sécuritaire?

Mme Hershcovis : En maintenant une bonne communication, et en ayant des dirigeants qui agissent respectueusement les uns envers les autres et qui ont un comportement respectueux envers leurs subordonnés. De plus, pour avoir un milieu de travail sécuritaire, il est très important qu’il soit équitable — il faut donc que vous soyez transparents et communicatifs, que vous vous assuriez que les employés savent que vous vous préoccupez de leur bien-être et qu’ils se sentent à l’aise de venir vous parler.

Au cours de votre intervention, vous avez mentionné que d’autres employés avaient formulé des observations à propos du harcèlement ou déclaré qu’ils étaient victimes de harcèlement, mais que ces employés ne relevaient pas de vous?

La sénatrice Jaffer : Ce ne sont pas mes employés.

Mme Hershcovis : Comment le savez-vous?

La sénatrice Jaffer : En raison des délibérations de notre comité.

Mme Hershcovis : Vous avez donc posé la question.

La sénatrice Jaffer : Je ne l’avais jamais su auparavant.

Mme Hershcovis : Il est donc important de poser la question.

La sénatrice Jaffer : Merci.

Le sénateur Tkachuk : Lorsque vous parlez des employés d’une organisation, je pense que, à titre d’êtres humains civilisés, nous faisons tous la distinction entre le bien et le mal, et je crois que toute personne qui rabaisse quelqu’un ou invente des histoires à propos de quelqu’un agit d’une façon inacceptable. Ce comportement justifierait le congédiement de la personne, car elle nuirait à la culture de l’organisation.

Il me semble que si des gens utilisent Twitter, ils laissent des preuves. Ils créent leurs propres ennuis. La situation est très différente lorsqu’il s’agit d’adolescents à l’école. Au sein d’une organisation, tout gestionnaire digne de ce nom décrétera que ce comportement est inadmissible.

Mme Hershcovis : C’est exact. Toutefois, le problème, c’est que souvent cela ne se produit pas. Vous disiez que les gens laissent des preuves, mais c’est vrai seulement si la victime signale le problème.

Le sénateur Tkachuk : Pourquoi la victime ne signalerait-elle pas un comportement de ce genre? C’est une situation mettant en cause des adultes. Pourquoi craindriez-vous de le faire?

Mme Hershcovis : Eh bien, en signalant le comportement de quelqu’un, vous pourriez sembler mesquin ou trop sensible. Il y a de nombreuses raisons pour lesquelles les gens ne signalent pas ces problèmes. Ils craignent de faire l’objet de représailles ou de perdre leur emploi.

Par exemple, les sénateurs sont titulaires de postes permanents. En revanche, je crois comprendre que les postes des membres du personnel sont très provisoires. Donc, en signalant que quelqu’un a été impoli envers eux sur Twitter ou Facebook, ils pourraient perdre leur emploi dans un an, quand viendra le temps de renouveler leur contrat.

Il y a de nombreuses raisons pour lesquelles les gens craignent de signaler ces problèmes, et voilà pourquoi il est très important que cette responsabilité ne repose pas sur la victime, mais plutôt sur des gens qui pourraient être témoins de ce genre de comportement sur Twitter et qui pourraient prendre des mesures à cet égard.

Le sénateur Tkachuk : Si les gens craignent de signaler le fait qu’ils ont été calomniés par un collègue au sein d’une organisation comme le Sénat, si les harceleurs peuvent s’en tirer sans conséquence et que les gens ont peur de se manifester, cela ne révèle-t-il pas quelque chose à propos de la culture même de l’organisation en entier?

Mme Hershcovis : Oui, tout à fait.

Le sénateur Tkachuk : Cela ne se limiterait pas à une seule personne; cela toucherait la totalité des gens.

Mme Hershcovis : Oui. Le harcèlement se produit dans des organisations où une culture permissive autorise ce genre de comportement. J’ai horreur de me répéter, mais, en observant ce qui se produit, vous pourrez découvrir si le problème est répandu ou non, puis tenter d’en comprendre les causes.

Le sénateur Tkachuk : Des changements culturels surviennent. Exactement comme la sénatrice Saint-Germain l’a indiqué, l’utilisation d’un terme comme celui-là aurait été presque normale et taquine il y a 40 ans de cela; cette utilisation n’aurait pas été considérée comme du harcèlement.

Maintenant, je remarque que personne ne veut toucher aux autres, ce que je trouve anormal. Nous devons nous entraîner à modifier la façon dont nous nous comportons avec les gens. C’est un problème culturel uniquement parce que nous sommes plus âgés et que nous avions l’habitude de faire certaines choses qui sont maintenant jugées inacceptables.

Mme Hershcovis : C’est exact. C’est simplement une question de formation et de sensibilisation.

Le sénateur Tkachuk : Oui. Les gens ne sont pas au courant.

La présidente : Je souhaite donner suite aux questions et aux commentaires du sénateur Tkachuk. Si les collègues sont autorisés à s’intimider et à se harceler mutuellement, n’incomberait-il pas à leurs gestionnaires de prendre un nombre suffisant de mesures préventives pour s’attaquer au problème ou le prévenir? Suggéreriez-vous que nous ajoutions des responsabilités et des obligations à cet égard non seulement dans la politique, mais aussi dans le code d’éthique des gestionnaires et des membres du personnel?

Mme Hershcovis : Absolument. C’est la responsabilité des gestionnaires, mais seulement s’ils observent le comportement. Vous avez entendu l’une des sénatrices déclarer qu’elle n’avait pas remarqué le problème. Cependant, il arrive souvent que les gestionnaires remarquent un conflit ou un mauvais traitement et qu’ils ferment les yeux parce qu’il est plus facile de ne rien faire que de régler le problème. Ce travail peut être intimidant et coûteux.

Personne n’aime régler des conflits, et c’est un problème difficile à aborder, mais les gestionnaires doivent être formés sur la façon de régler les conflits d’une manière appropriée et respectueuse et sur la façon de sensibiliser les gens à l’impression qu’ils peuvent laisser, car parfois les gens n’en ont pas conscience.

Oui, je pense que vous devriez ajouter cela à votre code de conduite.

La présidente : Votre avis est intéressant. Merci.

La sénatrice Jaffer : J’ai un problème en ce qui concerne l’une des questions que vous avez posées. Avec tout le respect que je vous dois, il n’y a pas de gestionnaires. Seule l’administration compte des gestionnaires. Nous n’en avons pas.

La présidente : Cette politique s’appliquerait à tous les membres du Sénat — aux sénateurs ainsi qu’au personnel de l’administration. Nous devons nous occuper d’eux aussi.

La sénatrice Jaffer : Nous aurons une discussion, mais je ne vois pas comment cela pourrait se produire.

Le sénateur Tkachuk : C’est la raison pour laquelle nous avons parlé de la situation unique qui existe ici, étant donné qu’il y a un échelon horizontal de sénateurs, qui ont chacun leur propre petit bureau.

La sénatrice Jaffer : Des éléments cloisonnés.

Le sénateur Tkachuk : Cependant, sous notre autorité, il y a une bureaucratie complète, dont les membres peuvent être victimes d’intimidation de la part des sénateurs et l’ont été par le passé.

La présidente : De la part des sénateurs, vous avez raison.

Le sénateur Tkachuk : Il y a donc ces deux situations qui sont très différentes. Leur gestion sera très différente. Heureusement pour nous, nous sommes entourés de gens très intelligents qui comparaissent devant nous et nous aident à résoudre ces problèmes, qui sont complexes.

La présidente : Je tiens à mentionner ce qui suit, parce que cela revêt une grande importance. Chaque employé du Sénat, qu’il soit membre du personnel du Sénat, sénateur ou membre de l’administration, a le droit d’exercer ses activités dans un milieu de travail exempt de harcèlement. C’est la raison pour laquelle nous nous occupons de tous les employés du Sénat.

Sénatrice Jaffer, avez-vous une autre question à poser?

La sénatrice Jaffer : J’ai juste besoin d’une précision. Le vote a-t-il lieu à 20 h 25?

La présidente : Oui.

La sénatrice Jaffer : Nous devons également examiner le présent rapport.

Pardon, je ne veux pas être impolie à votre égard, madame Hershcovis.

La présidente : Nous avons encore le temps de poser quelques questions. En avez-vous une autre?

La sénatrice Jaffer : Je tenais à faire preuve de respect envers toute autre personne qui aurait des questions à poser.

La présidente : Je pense que le sénateur Tkachuk a terminé. Sénatrice Moncion, avez-vous des questions à poser?

La sénatrice Moncion : C’est en cours.

La sénatrice Jaffer : Je vais revenir là-dessus. Je vous écoute depuis peu de temps. Compte tenu des autres séances que nous avons eues, nous devrons avoir une vraie discussion à propos de notre situation qui est si différente des autres. Il y a des gestionnaires, mais ils gèrent l’administration. Nous ne sommes gérés par personne.

Mme Hershcovis : Tout à fait.

La sénatrice Jaffer : Sauf peut-être par nos whips, mais cela aussi est en train de changer.

Ce que je dis, c’est que, peut-être avec votre aide et celle d’autres personnes, nous devons envisager comment nous procéderons. Il faut que les sénateurs et les membres du personnel suivent un grand nombre de cours de formation.

Je souhaite revenir sur la façon dont nous pouvons créer un milieu de travail sécuritaire. Comment cela peut-il se produire?

Mme Hershcovis : Grâce à une responsabilité mutuelle, c’est-à-dire en reconnaissant que vous devez vous tenir, les uns les autres, responsables de la façon dont vous vous comportez, et ce, d’une façon respectueuse, étant donné que nous parlons de harcèlement. Si vous constatez que l’un de vos collègues se comporte d’une façon qui, selon vous, constitue du harcèlement, il est important de vous assurer de le lui faire savoir.

Dans le cadre de mes propres recherches, j’ai examiné l’incidence de la dynamique du pouvoir sur les réactions des témoins de mauvais traitement au travail. Premièrement, tous les gens sont plus enclins à ne rien faire qu’à agir, mais les personnes occupant des postes de pouvoir sont légèrement plus susceptibles d’affronter l’auteur des mauvais traitements et de lui dire qu’il n’aurait pas dû s’exprimer ainsi. Toutefois, ces personnes oublient la victime. Il est important de veiller à ne pas oublier que cette dynamique a fait une victime. Allez la voir après coup, dites-lui que vous êtes vraiment désolé que cela lui soit arrivé et expliquez-lui comment vous avez géré le problème. Cela peut créer une culture sécuritaire et respectueuse.

La présidente : Sénatrice Moncion?

La sénatrice Moncion : Ça va.

La présidente : Madame Hershcovis, je vous remercie et je vous félicite de votre témoignage très intéressant et pertinent, y compris les suggestions particulières que vous avez déposées par écrit. Vous êtes partie de Calgary pour nous rencontrer. Votre visite a été réellement enrichissante. Je vous en remercie donc encore une fois, et je vous souhaite un bon voyage de retour, en toute sécurité.

(La séance se poursuit à huis clos.)

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