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APPA - Comité permanent

Peuples autochtones

 

LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES PEUPLES AUTOCHTONES

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le lundi 31 mai 2021

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit par vidéoconférence aujourd’hui, à 10 heures [HE], pour étudier la teneur du projet de loi C-15, Loi concernant la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.

Le sénateur Dan Christmas (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, à vous ainsi qu’à tous les téléspectateurs à la grandeur du pays qui nous regardent sur sencanada.ca.

Avant de commencer, j’aimerais souligner que nous nous réunissons aujourd’hui sur les terres non cédées des Algonquins et des Anishinabes.

Avant de commencer notre audience, je m’en voudrais de passer sous silence la découverte, la semaine dernière, des restes de 215 enfants des Premières Nations enterrés sur le terrain d’un ancien pensionnat indien de Kamloops. Nous offrons nos prières et nos plus sincères condoléances aux familles et à la communauté des Tk’emlúps te Secwépemc.

Nous invitons tous les Canadiens à reconnaître l’héritage tragique et déchirant du système canadien des pensionnats et ses effets dévastateurs. Aujourd’hui, nous pleurons avec les membres des Premières Nations, leurs familles et leurs communautés, et nous partageons leur profond sentiment de perte. Observons maintenant une minute de silence pour honorer la mémoire des 215 personnes qui ont perdu la vie dans cet épisode insensé et honteux de l’histoire du Canada.

Merci, chers collègues. Nous avons quelques points d’ordre administratif à examiner. J’aimerais rappeler aux sénatrices et aux sénateurs qu’ils doivent garder leurs microphones en sourdine en tout temps, à moins que le président ne leur donne la parole. Si des difficultés techniques surviennent, particulièrement en ce qui concerne l’interprétation, veuillez en faire part au président ou à la greffière, et nous nous efforcerons de régler le problème. Si vous éprouvez d’autres difficultés techniques, veuillez communiquer avec le bureau de service de la DSI en indiquant le numéro d’assistance technique fourni dans le document de confirmation de la réunion.

Avant de commencer notre discussion, afin de protéger la confidentialité des échanges, je rappelle aux sénateurs, à leur personnel et au personnel de soutien du comité qui participent à cette réunion qu’il leur incombe de veiller à ce que l’environnement dans lequel ils se trouvent soit privé et que les conversations tenues dans le cadre de cette réunion du comité ne puissent être entendues par des tiers. Les participants doivent pouvoir participer dans un endroit privé et être conscients de leur environnement.

Je m’appelle Dan Christmas. Je suis un sénateur de la Nouvelle-Écosse et j’ai l’honneur de présider ce comité. J’aimerais maintenant vous présenter les autres membres du comité qui participent à cette séance. La sénatrice Margaret Dawn Anderson des Territoires du Nord-Ouest, la sénatrice Mary Coyle de la Nouvelle-Écosse, la sénatrice Josée Forest-Niesing de l’Ontario, le sénateur Brian Francis de l’Îlex-du-Prince-Édouard, la sénatrice Nancy J. Hartling du Nouveau-Brunswick, la sénatrice Patti LaBoucane-Benson, de l’Alberta, le sénateur Michael L. MacDonald, de la Nouvelle-Écosse, la sénatrice Kim Pate, de l’Ontario, le sénateur Dennis Glen Patterson, du Nunavut, la sénatrice Carolyn Stewart Olsen, du Nouveau-Brunswick, et le sénateur Scott Tannas, de l’Alberta.

Nous accueillons également la sénatrice Mary Jane McCallum, du Manitoba, et plus tard aujourd’hui, nous attendons le sénateur Brent Cotter, de la Saskatchewan.

J’ai maintenant le plaisir de vous présenter nos témoins de ce matin.

J’aimerais d’abord vous présenter Mme Dawn Madahbee Leach, présidente du Conseil national de développement économique des Autochtones; M. Shannin Metatawabin, chef de la direction de l’Association nationale des sociétés autochtones de capitaux; et Mme Tabatha Bull, présidente et chef de la direction du Conseil canadien pour le commerce autochtone.

Mme Madahbee Leach, M. Metatawabin et Mme Bull feront une déclaration préliminaire d’environ six minutes, qui sera suivie d’une période de questions et réponses avec les sénateurs pendant environ trois minutes par sénateur.

La première question sera posée par la marraine du projet de loi, la sénatrice LaBoucane-Benson, et la deuxième, par le porte-parole du projet de loi, le sénateur Patterson.

Si d’autres sénateurs ont une question, ils doivent utiliser la fonction « lever la main » sur Zoom pour le signaler à la greffière. La demande sera ensuite confirmée dans la fonction de clavardage Zoom. Veuillez noter que les membres du comité auront la priorité sur la liste des intervenants.

Tout suivi écrit aux questions doit être soumis à la greffière du Comité au plus tard le 30 mai 2021, donc dans ce cas-ci, ce sera aujourd’hui, le 31 mai.

Le personnel du comité informera le président par message texte lorsqu’il restera 10 secondes à votre temps de parole, que ce soit pour les remarques liminaires des témoins ou la période de questions et réponses des sénateurs. Je vais alors lancer un compte à rebours de 10 secondes avec mes mains. Lorsque j’arriverai à zéro, je vous ferai savoir que le temps est écoulé. J’aimerais maintenant donner la parole à Mme Madahbee Leach pour sa déclaration liminaire.

Dawn Madahbee Leach, présidente, Conseil national de développement économique des Autochtones : [Mots prononcés dans une langue autochtone]

Je remercie les membres du comité de m’avoir invitée ici aujourd’hui. À titre de présidente du Conseil national de développement économique des Autochtones, le CNDEA, je suis heureuse de m’adresser à vous pour appuyer le projet de loi C-15, Loi concernant la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.

Notre organisation est un conseil nommé par le ministre qui a été créé en 1990. Le conseil est composé de chefs d’entreprise et de dirigeants communautaires des Premières Nations, des Inuits et des Métis de partout au Canada. Le CNDEA a pour mandat de fournir des conseils stratégiques au gouvernement fédéral sur les questions liées au développement économique des Autochtones.

Les travaux en cours au CNDEA visent à appuyer des recommandations réalisables à l’intention du gouvernement du Canada sur la façon de mieux appuyer les résultats en matière de développement économique pour les peuples autochtones à l’échelle locale, régionale et nationale.

J’ai aussi une expérience personnelle de la gestion de la Waubetek Business Development Corporation depuis 1988, où j’offre des services économiques et financiers aux entrepreneurs autochtones et aux Premières Nations du Nord-Est de l’Ontario. Waubetek a lancé d’importantes initiatives économiques régionales et investi plus de 100 millions de dollars dans des entreprises et des projets économiques autochtones.

C’est dans cette optique que j’aimerais expliquer pourquoi le projet de loi C-15 est d’une importance capitale pour améliorer la participation des Autochtones à l’économie canadienne. En particulier, j’aimerais revenir sur les affirmations qui ont été faites au sujet de ce projet de loi selon lesquelles la reconnaissance des droits des Autochtones nuira à l’inclusion économique. À mon avis, la reconnaissance des droits des Autochtones aidera à établir une certitude pour les investisseurs grâce à de véritables partenariats d’affaires dans le cadre de projets touchant les terres, les eaux et les ressources dont les Autochtones sont les propriétaires légitimes. Ces partenariats peuvent comprendre des postes de propriété et de direction dans le développement des ressources, ainsi que des engagements en matière de formation professionnelle et d’emploi dans toute entente. Aborder les relations d’affaires avec les peuples autochtones de cette façon, comme véritables partenaires et titulaires de droits, réduira sensiblement l’incertitude du système actuel. En effet, lorsqu’on tente de faire avancer des projets sans l’engagement et le soutien de la communauté, il en résulte souvent des litiges et des troubles civils, ce qui est normal lorsque les droits des gens sont bafoués.

Je tiens également à souligner que l’adoption du projet de loi C-15 enverra un message puissant aux entreprises canadiennes, facilitant de bien des façons la participation économique significative des Autochtones. Ce projet de loi aidera à établir des normes culturelles qui respectent les droits des Autochtones et valorisent comme il se doit le savoir autochtone, y compris dans les relations d’emploi et contractuelles. Le projet de loi C-15 renforcera l’attente dans la société voulant que le secteur privé réponde à l’appel à l’action 92 de la Commission de vérité et réconciliation sur les entreprises et la réconciliation. Cet appel exhorte le milieu des affaires à veiller à ce que les Autochtones aient un accès équitable aux emplois, à la formation et aux possibilités d’éducation dans les entreprises privées. L’appel à l’action 92 plaide aussi en faveur de la prestation d’une formation aux dirigeants et au personnel des entreprises sur l’aptitude interculturelle, le règlement des différends, les droits de la personne et la lutte contre le racisme. Le projet de loi C-15 renforcera les attentes de la société et du marché de l’emploi à l’égard de la contribution des entreprises à la réconciliation, y compris la transition vers une main-d’œuvre représentative. Peu importe les moyens adoptés, répondre à cet appel à l’action, y compris à l’aide de ce projet de loi, se traduira par de meilleurs débouchés économiques pour les entrepreneurs, les professionnels, les entreprises et les communautés autochtones, en particulier ceux de la jeune génération.

Dans ce contexte, il est important de comprendre que le Canada a des antécédents d’exclusion économique délibérée et de discrimination contre les peuples autochtones. Comme notre organisation l’a souligné dans le mémoire qu’elle a présenté au comité de la Chambre des communes, avec mes collègues du groupe de témoins d’aujourd’hui, ces antécédents comprennent la destruction des économies traditionnelles, le déni d’accès aux terres et aux ressources dont les Autochtones sont les propriétaires légitimes; le détournement de la richesse autochtone par les gouvernements et les intérêts privés; les restrictions économiques racistes imposées par la Loi sur les Indiens; les séquelles des pensionnats, comme nous l’avons vu tragiquement au cours des derniers jours, et d’autres programmes d’assimilation; le financement insuffisant des services et de l’infrastructure communautaires de base; et le manque de possibilités équitables d’éducation de qualité, de développement des compétences et d’accès au capital.

Avec le projet de loi C-15, le Canada a maintenant l’occasion de tourner la page et de changer la donne. Cette loi se traduira par une inclusion économique significative et une prospérité accrue pour les Autochtones et, en fait, pour tous les Canadiens, à mesure que les entreprises et les professionnels autochtones participeront à l’économie de façon plus équitable. Nous vous exhortons à adopter le projet de loi C-15 le plus tôt possible. Nous ne voulons pas le retarder davantage. Merci. Meegwetch.

Shannin Metatawabin, chef de la direction, Association nationale des sociétés autochtones de capitaux : Je vous remercie de m’avoir invité.

[Mots prononcés dans une langue autochtone.]

Je viens de la Première Nation de Fort Albany, de la nation Mushkegowuk, qui est en confinement à cause de 27 cas de COVID-19. Avant de commencer, j’aimerais souligner que je prends cet appel du territoire traditionnel des Micmacs, juste en bas de la rue où se trouve la sénateur.

Je vous remercie de m’avoir invité à parler du projet de loi C-15. Nous sommes heureux d’avoir cette occasion parce que c’est la première fois que mon organisation est appelée à parler de ce projet de loi ou de son prédécesseur, le projet de loi d’initiative parlementaire C-262. Ce n’est pas une critique. Les nations autochtones sont d’abord et avant tout consultées à juste titre, et les experts juridiques autochtones auxquels le Parlement a fait appel jusqu’à maintenant ont apporté une contribution inestimable.

L’Association nationale des sociétés autochtones de capitaux, ou ANSAC, représente un réseau national de 59 établissements de crédit dirigés par des Autochtones qui offrent des prêts aux entreprises. Au cours des 30 dernières années, nos membres ont travaillé avec les gouvernements et des particuliers des Premières Nations, des Métis et des Inuits pour les aider à réaliser leur vision du succès en affaires. Comme bon nombre de vos témoins, l’ANSAC appuie l’adoption rapide du projet de loi C-15. Malgré nos regrets à l’égard des courts délais, il est essentiel de reconnaître nos droits autochtones comme cadre de notre relation avec le Canada. Que ce soit dans le domaine du droit, des politiques ou des programmes, plus tôt cette reconnaissance pourra se faire, mieux ce sera. Mais une fois que le projet de loi sera adopté, nous demandons aux décideurs publics de collaborer avec les entreprises autochtones. Dans le cadre de votre étude de ce projet de loi, je vais vous donner un exemple pour vous expliquer pourquoi.

L’ANSAC fait partie d’un groupe de cinq à six organismes autochtones nationaux qui font la promotion des entreprises et des économies autochtones. Depuis un peu plus d’un an, notre noyau s’est réuni pour examiner à quoi ressemblerait une stratégie économique nationale pour les Autochtones. Notre groupe a examiné le projet de loi proposé en décembre 2020, et un aspect nous a surpris. Le projet de loi C-15 était et demeure dénué de renvois aux droits économiques des peuples autochtones au Canada. Cela, en dépit du fait que non seulement un, mais plusieurs articles de la DNUDPA en soi, à savoir les articles 3, 4, 5, 20 et 23 renvoient tous à divers aspects économiques de l’autodétermination. Manifestement, tout au long de l’évolution de la Déclaration, ses rédacteurs ont vu l’autonomie économique et l’inclusion comme un élément clé de nos droits, mais le projet de loi C-15 n’en fait à peu près pas mention.

C’est pourquoi, au début de 2021, notre noyau a rédigé une modification au préambule du projet de loi. J’ai joint la modification pour que vous puissiez l’examiner, mais je ne voudrais surtout pas retarder l’adoption du projet de loi. Notamment, la modification que nous proposons pourrait répondre aux préoccupations de certains critiques, à savoir que le projet de loi C-15 nuira au développement de l’économie canadienne. Bien au contraire, à notre avis, seule la reconnaissance de nos droits économiques peut assurer la prospérité du Canada.

L’une après l’autre, les victoires remportées devant les tribunaux judiciaires ont confirmé ces droits. Nos gens les affirment maintenant partout au pays. Les blocus et les protestations de 2020 ont démontré les risques économiques qui sont courus lorsque les peuples autochtones sont exclus des décisions et des avantages entourant l’utilisation de nos terres. Autrement dit, la prospérité future du Canada dépend de la prospérité des Autochtones.

Qu’est-ce que tout cela signifie? Cela signifie que nous devrons transformer le cadre économique. Contrairement à certains des témoins que vous avez entendus plus tôt, je dirais que les délais liés au fait de se fier uniquement aux ententes sur les répercussions et les avantages sont choses du passé. Pourquoi? Que le projet de loi C-15 soit adopté ou non, la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones en soi exige le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause. Dans ce contexte, l’obtention de l’approbation sociale des grands projets devra aller beaucoup plus loin que les ententes sur les répercussions et les avantages à elles seules.

Nous vous demandons d’envisager l’inclusion de notre modification dans le projet de loi, mais de ne pas retarder son adoption pour autant. Nous aimerions que les droits économiques et l’inclusion des Autochtones fassent partie intégrante du plan d’action dès les premières étapes. L’autonomie des Autochtones doit devenir un objectif fondamental, et le plan d’action devra promouvoir les conditions pour l’atteindre. L’autonomie devient d’autant plus cruciale dans un contexte où Services aux Autochtones Canada cherche à transférer la responsabilité des principaux programmes aux gouvernements autochtones. Nos gouvernements n’auront tout simplement pas les moyens de financer des programmes qui reposent sur des dépenses insoutenables.

Ce dont ils ont besoin maintenant, c’est d’investissements judicieux dans des outils qui leur permettront, à eux et à leurs membres, de devenir autonomes.

De quels outils concrets parle-t-on? Notre population aura besoin d’avoir accès à ses terres, et pas seulement à des paiements ponctuels. Nous aurons besoin de partenariats importants. Je pense à la récente entente avec Clearwater, en Nouvelle-Écosse, une entente d’un milliard de dollars qui incluait les Autochtones à titre de propriétaires. Les entreprises autochtones doivent avoir accès aux mêmes capitaux à grande échelle dont elles sont privées depuis beaucoup trop longtemps.

Du Canada, nous aurons besoin de renforcer les mesures de soutien, de démanteler les obstacles à la réussite des Autochtones, d’une aide comme celle du réseau que je représente, qui favorise la création d’entreprises autochtones en fournissant à nos clients des capitaux et des capacités; de mesures comme des subventions non remboursables ou des subventions à la formation pour les nouveaux propriétaires d’entreprise, ou comme l’objectif d’approvisionnement fédéral de 5 % pour les entreprises dirigées par des Autochtones, ou la formation axée sur les compétences et l’emploi pour permettre à nos gens de saisir les occasions de leur choix. De tels investissements permettent à nos peuples de réussir et de réduire la nécessité de dépenses de programmes non viables à l’avenir.

L’ANSAC appuie le projet de loi C-15. Son adoption constituera un pas crucial dans la bonne direction, mais ce n’est qu’un premier pas. La prochaine étape consistera à élaborer un plan d’action solide pour réaliser l’autonomie. Il est plus que temps de trouver une façon de faire qui affirme nos droits économiques, et c’est ce que fait la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.

Dans notre réseau national de chefs d’entreprise autochtones, nous sommes nous-mêmes des femmes et des hommes d’action. Nous serions honorés de contribuer à cette transformation. Meegwetch. Merci.

Le président : Je tiens à remercier M. Metatawabin de sa déclaration liminaire, et j’invite Mme Bull à prendre la parole.

Tabatha Bull, présidente et chef de la direction, Conseil canadien pour le commerce autochtone : Aanii, Tabatha Bull n’indignikaaz, Nipissing n’indoonjibaa, Migizi Dodem. Bonjour. Je m’appelle Tabatha Bull, et je suis de la Première Nation de Nipissing.

À titre de présidente et chef de la direction du Conseil canadien pour le commerce autochtone, ou CCCA, je tiens à vous remercier, monsieur le président, ainsi que tous les distingués membres du comité, de m’avoir invitée à témoigner devant vous et à répondre à vos questions.

Je m’adresse à vous depuis mon bureau à domicile, et j’aimerais souligner qu’il se trouve sur le territoire ancestral de nombreuses nations, y compris les Mississaugas de Credit, les Anishinaabe, les Chippewas, les Haudenosaunee et les Wendat.

Je m’en voudrais de commencer mon témoignage de ce matin sans reconnaître le deuil et le traumatisme renouvelé que portent les Autochtones de tout le pays aujourd’hui. Je veux rendre hommage aux enfants, à leurs familles, aux survivants des pensionnats et aux générations qui ont été touchées par ce système, y compris un grand nombre de mes collègues et amis qui se trouvent ici aujourd’hui. Meegwetch.

Je tiens également à saluer les nombreux dirigeants autochtones, y compris le grand chef Wilton Littlechild, qui ont mis tout leur cœur dans la création de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Ils sont allés aux Nations Unies chaque année pendant plus de deux décennies parce qu’ils voyaient cet instrument international des droits de la personne comme la clé de l’établissement d’une nouvelle relation avec le Canada et du soutien des droits des peuples autochtones partout dans le monde.

J’aimerais me faire l’écho de ce que le chef national Perry Bellegarde a déclaré devant le Comité permanent des affaires autochtones et du Nord de la Chambre des communes le 13 avril dernier. Voici ce qu’il a dit :

Le projet de loi C-15 [...] offre une voie à suivre pragmatique et fondée sur des principes qui veille à ce que le Canada respecte et assure les droits fondamentaux de la personne qui ont été affirmés et réaffirmés à maintes reprises par la communauté internationale au moyen de résolutions faisant l’objet d’un consensus à l’Assemblée générale des Nations Unies.

Cela n’enlève rien à l’immense respect que nous avons pour les autres dirigeants autochtones qui ont comparu devant les comités de la Chambre et du Sénat, et je reconnais les points à améliorer selon leur perspective régionale. Je demande que ces commentaires soient respectueusement considérés comme des occasions de rendre ce cheminement vers la réconciliation aussi inclusif que possible.

Bien que le préambule du projet de loi C-15 ne fasse pas mention de l’importance du développement économique et de l’inclusion des peuples autochtones, nous croyons que le projet de loi constitue le point de départ d’une marche à suivre qui pourrait appuyer la réconciliation économique.

Le CCCA travaille depuis près de 40 ans à bâtir des ponts et à appuyer les partenariats entre les entreprises et les collectivités non autochtones et autochtones. Nous comptons plus de 1 300 membres, tant autochtones que non autochtones, qui croient en ce travail. Un certain nombre d’entre eux nous ont dit que l’adoption du projet de loi C-15 et l’élaboration et la mise en œuvre du plan d’action pourraient offrir une prévisibilité qui favorise un environnement commercial efficace, et veiller à ce que les promesses faites aux entreprises et aux communautés autochtones soient respectées et tenues.

Nous avons été heureux de voir l’annonce dans le récent budget fédéral d’un octroi de 31,5 millions de dollars sur deux ans pour appuyer l’élaboration conjointe d’un plan d’action avec des partenaires autochtones. Il est impératif que ce travail se fasse en collaboration avec les dirigeants autochtones à chaque étape.

Ce plan d’action doit fournir les moyens de soutenir la croissance des entreprises privées et communautaires autochtones. Un certain nombre d’articles de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones pourraient mettre en œuvre ces moyens. Par exemple, la mise en œuvre complète de l’article 36 de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones permettrait au gouvernement du Canada de prendre des mesures efficaces inscrites dans le libellé de la Déclaration pour appuyer les exportateurs autochtones, un domaine d’intérêt pour le CCCA et nos partenaires autochtones nationaux et internationaux, ainsi que nos partenaires en Australie, en Nouvelle-Zélande, aux États-Unis et ailleurs. Le CCCA aimerait avoir l’occasion de contribuer à l’élaboration et à la mise en œuvre du plan d’action avec d’autres organisations autochtones de premier plan et avec celles qui sont ici aujourd’hui dans le cadre de notre soutien conjoint aux entreprises autochtones.

La mise en œuvre de la Déclaration offre également l’occasion de faciliter une participation accrue des entreprises à la réconciliation économique. Cela comprend la mise à profit de programmes comme le programme de relations progressistes avec les Autochtones du CCCA, qui célèbre son 21e anniversaire cette année. Le RPA est un programme de certification qui confirme le rendement de l’entreprise et signale aux communautés que les organismes certifiés sont de bons partenaires d’affaires, d’excellents endroits où travailler et qu’ils sont engagés envers la prospérité dans les communautés autochtones.

En terminant, j’aimerais souligner la récente observation de la députée Jody Wilson-Raybould, selon laquelle le projet de loi C-15 :

... est un petit pas en avant qui nécessitera beaucoup plus de changements législatifs, politiques et pratiques pour s’attaquer vraiment à l’héritage du colonialisme.

Je suis d’accord avec elle à ce sujet. J’ajouterais que le CCCA favorise un dialogue productif sur ce projet de loi qui vise à affirmer les droits des peuples autochtones énoncés dans la Constitution canadienne et à tracer la voie vers une réconciliation inclusive. Il est essentiel de reconnaître que les peuples autochtones ont le droit de maintenir et de renforcer leurs institutions politiques, juridiques, économiques, sociales et culturelles distinctes, tout en conservant leur droit de participer pleinement, s’ils choisissent de le faire, à la vie économique, sociale et culturelle de l’État. Je vous remercie tous de votre attention. Je serai maintenant heureuse de répondre à vos questions. Meegwetch.

Le président : Nous allons maintenant passer aux questions. La première question sera posée par la marraine du projet de loi, la sénatrice LaBoucane-Benson, puis par le porte-parole du projet de loi, le sénateur Patterson.

La sénatrice LaBoucane-Benson : Ma question s’adresse à Mme Madahbee Leach. Dans votre déclaration préliminaire, vous avez dit qu’il fallait s’attaquer aux restrictions économiques racistes de la Loi sur les Indiens. Pourriez-vous aider le comité à mieux comprendre en quoi la Loi sur les Indiens nuit au développement économique et quels changements vous aimeriez y voir apporter? Puisque l’article 5 traite de la révision des lois, que devons-nous réviser pour nous assurer d’orienter la politique du Canada dans la bonne direction pour l’avenir?

Mme Madahbee Leach : La Loi sur les Indiens est selon moi très raciste en ce sens que quelqu’un d’autre détermine qui sont nos citoyens, d’une part, dans le cadre de cette loi. L’autre problème, c’est qu’elle restreint l’utilisation que nous pouvons faire de nos propres terres et territoires traditionnels. Je pense aux ressources qui se trouvent sous nos terres, qui ne sont pas considérées comme étant les nôtres en vertu de ce projet de loi. Nos terres ne nous appartiennent qu’en surface. J’estime que ce genre de dispositions de la Loi sur les Indiens limite notre capacité de participer plus pleinement à l’exploitation minière.

Au fil des ans, la Loi sur les Indiens a limité notre capacité de prendre nos propres décisions, et d’établir nos lois et règlements administratifs sur notre propre territoire. Nous avons toujours eu nos propres capacités, et nous les exerçons maintenant parce que, après de nombreuses victoires devant les tribunaux qui ont montré que nous avions compétence, nous commençons à exercer ces droits. Nous avons eu beaucoup de difficulté à y arriver en raison de la Loi sur les Indiens.

Je pense que les amendements apportés à cette loi doivent être dirigés par les Autochtones. Ils ne peuvent être imposés ou faits du point de vue de quelqu’un d’autre. Ils doivent venir des peuples autochtones.

Nous avons déjà des solutions qui, à notre avis, peuvent être apportées, et ces solutions ne nuiront à personne. Elles ne feront qu’améliorer l’économie du Canada grâce à une plus grande inclusion des Autochtones.

La sénatrice LaBoucane-Benson : Merci. Je sais que c’est une grande question. Il y a beaucoup de choses à examiner dans la Loi sur les Indiens.

Mme Madahbee Leach : Je vous remercie de la question.

Le sénateur Patterson : Ma question s’adresse surtout à M. Metatawabin.

Vous avez dit que malgré la présence des articles 3, 4, 5, 20 et 23 de la Déclaration — et il y en a peut-être d’autres qui renvoient à l’inclusion économique —, ceux-ci ne sont inscrits qu’en annexe au projet de loi. Vous avez remarqué qu’il n’en est à peu près pas question dans le projet de loi C-15. Mme Bull nous a dit que la question de l’inclusion économique était cruellement absente du projet de loi C-15.

Pourriez-vous décrire la modification que vous nous avez demandé d’examiner? Que contient-elle?

M. Metatawabin : Je pourrais peut-être vous la lire :

Attendu que la mise en œuvre de la Déclaration confirme l’importance de la reconnaissance des droits des Autochtones et de la réussite de leurs entreprises, et cherche à remédier par une inclusion économique accélérée aux désavantages passés imposés aux peuples autochtones par des lois et des politiques qui restreignent l’accès aux terres et aux ressources dont ils sont les propriétaires légitimes, les privent de leurs besoins fondamentaux, d’une éducation de qualité, de capitaux de développement des compétences et de la propriété de leurs entreprises.

Nous voulions inclure cet amendement pour reconnaître que les Autochtones sont confrontés à de multiples obstacles. La Loi sur les Indiens qui vient d’être présentée fait de nous des pupilles de l’État.

Les 215 enfants dont les corps ont été trouvés ne constituent que la pointe de l’iceberg. Si nous menons d’autres enquêtes, nous trouverons de nombreux autres lieux de sépulture. Là d’où je viens, le pensionnat indien St. Anne était de sinistre mémoire reconnu pour les atrocités commises contre les enfants autochtones. Mon père, qui a poursuivi le Canada devant les tribunaux pour essayer d’obtenir une indemnisation équitable pour les survivants, sait qu’il existe un autre lieu de sépulture à Fort Albany.

Nous sommes des pupilles de l’État. Nous ne sommes pas autorisés à être propriétaires d’une maison et à en exercer le droit de propriété. Nous n’avons pas accès à la richesse générationnelle. Nous n’avons pas accès à nos terres. L’abolition de ces obstacles est importante, tout comme la reconnaissance du fait que nous partons de zéro ici; nous n’avons jamais réussi à rattraper le moindre retard.

En reconnaissant le retard que nous devons rattraper, nous devons accroître les compétences, avoir accès aux capitaux et, récemment, vous avez peut-être entendu parler du lancement par l’ANSAC du Fonds de croissance pour les Autochtones — un fonds de 150 millions de dollars — qui permettra d’investir pour s’assurer que des Autochtones soient en mesure de démarrer une entreprise.

Ce sont toutes ces petites améliorations qui changeront la donne et qui donneront aux peuples autochtones les outils nécessaires pour accéder à la prospérité. C’est important. Merci.

Le sénateur Patterson : Merci.

La sénatrice Coyle : Merci beaucoup à tous les témoins qui sont avec nous ce matin.

Madame Madahbee Leach, vous avez parlé de l’exclusion économique instaurée délibérément par le Canada. Monsieur Metatawabin, vous avez dit que nous devons aller beaucoup plus loin que les ententes sur les répercussions et les avantages. Madame Bull, vous avez parlé de la nécessité de bâtir une nouvelle relation et du fait que ce projet de loi ouvre la voie à la réconciliation économique. Vous avez tous parlé de la nécessité d’un plan d’action solide et d’un dialogue productif à ce sujet, ainsi que de l’élaboration conjointe de ce plan d’action.

J’aimerais demander à l’un ou l’autre d’entre vous ce à quoi devrait ressembler ce processus productif d’élaboration conjointe, par exemple qui y participerait, et comment devrait-il se faire? Merci.

Mme Bull : Je pourrais commencer par dire que nous travaillons déjà en noyau. Je travaille en étroite collaboration avec M. Metatawabin et Mme Bull, ainsi qu’avec d’autres, à l’élaboration d’une stratégie économique nationale autochtone pour le Canada. Nous estimons qu’il est important que les peuples autochtones aient leur mot à dire sur ce genre d’initiatives et de stratégies, qui ne devraient pas être conçues pour nous par quelqu’un d’autre. Nous avons la pleine capacité de concevoir nos propres stratégies, et nous avons l’intime conviction que tout changement aux lois et aux politiques à l’avenir doit se faire avec la pleine participation des peuples autochtones, qui ont l’expertise voulue.

Lorsque vous demandez qui pourrait participer, nous pouvons passer en revue toute une liste de personnes ayant l’expertise nécessaire. En fait, nous avons récemment constaté qu’il y a plus de 400 Autochtones titulaires de doctorat dans le seul domaine économique, sans compter les domaines de la santé, et des gens qui ont un doctorat en chirurgie ou autre. Nous avons donc la capacité requise, et nous l’exerçons déjà dans différents domaines.

Mes collègues ont peut-être quelque chose à ajouter.

M. Metatawabin : Comme nous sommes toujours considérés comme des pupilles de l’État, les programmes et les services qui nous sont offerts sont de nature très paternaliste. Les ministères établissent les objectifs, créent des programmes et des services, et nous devons ensuite présenter des propositions simplement pour y avoir accès.

Si vous nous donnez les pleins pouvoirs, comme nous les avons ailleurs en ce moment — nous prendrons l’initiative de rédiger cette stratégie économique —, et vous verrez alors une façon différente de faire en sorte que les programmes et les services aient réellement des répercussions sur le terrain. Il y a 20 ans, une étude a été réalisée dans le cadre de laquelle chaque dollar investi dans les entreprises autochtones...

Le président : Je suis désolé, monsieur Metatawabin, mais votre temps est écoulé.

Le sénateur Francis : Ma question s’adresse aux trois témoins.

Vendredi dernier, Mark Podlasly, de la Coalition de Premières Nations pour les grands projets, a été interrogé sur l’utilité de présenter une modification au préambule, soulignant l’importance de la stabilité économique comme voie vers la souveraineté. Il a expliqué que la Déclaration comprend 46 articles couvrant toutes les facettes des droits des peuples autochtones. Par conséquent, il a laissé entendre qu’il serait inapproprié d’accorder la priorité à certains droits plutôt qu’à d’autres, car ils sont tous aussi importants les uns que les autres.

Dans ce contexte, je vous demande si vous êtes d’accord avec M. Podlasly? Devrions-nous considérer la Déclaration dans le projet de loi en particulier dans un contexte autre que celui du développement économique et d’un droit très débattu et redouté au consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause? Le respect à parts égales de toutes les normes humaines minimales énumérées dans la Déclaration n’est-il pas tout aussi nécessaire?

Le président : Nous allons passer la parole à Mme Bull pour la première réponse.

Mme Bull : Bien sûr. Merci.

Comme nous l’avons tous dit et en avons discuté, nous croyons tous qu’il faut toujours inclure dans les discussions la prospérité économique et la façon de veiller à ce que les peuples autochtones participent à la croissance économique du pays. C’est ce qui manque dans le préambule.

Toutefois, il ne s’agit pas d’une demande visant à établir un ordre de priorité par rapport aux autres parties de l’article.

Encore une fois, je suis d’accord avec Mme Madahbee Leach et M. Metatawabin pour dire que nous ne voulons pas retarder l’adoption du projet de loi. Nous ne demandons pas que cette modification du préambule soit incluse si elle retarde l’adoption du projet de loi.

Mme Madahbee Leach : Exactement. Nous estimons en réalité que cette modification pourrait faire partie du plan d’action — vos observations aussi, soit dit en passant. Mais nous ne voulons pas changer quoi que ce soit pour l’instant. Nous voulons simplement que le projet de loi soit adopté. Nous estimons qu’il est possible d’accomplir du très bon travail grâce à l’élaboration conjointe dans l’avenir.

Tous les aspects doivent être abordés dans la Déclaration des Nations Unies. Nous savons qu’il y a beaucoup de travail à faire dans tous les domaines. Nous avons l’expertise nécessaire pour vous aider à cet égard.

M. Metatawabin : Merci beaucoup.

Le développement économique est un aspect tellement important à examiner. Services aux Autochtones Canada a consacré moins de 1 % de son budget à des initiatives de développement économique au cours des 30 dernières années, ce qui laisse peu de marge de manœuvre pour assurer la durabilité et créer des systèmes qui favorisent la prospérité. C’est ce dont nous devons nous assurer. Nous assistons actuellement à un changement. Si vous envisagez d’investir dans les communautés autochtones, nous aurons plus de sources de revenus autonomes, comme dans le cas de l’entente avec Clearwater, si nous pouvons simplement changer notre optique et investir dans la communauté autochtone. Merci.

Le sénateur Francis : Je vous remercie.

La sénatrice Hartling : Merci aux témoins d’aujourd’hui. Conversation très intéressante sur le développement économique. Comme vous l’avez dit, le développement économique est très important pour nous tous, mais particulièrement pour les Premières Nations. Je pense qu’il renforce non seulement la sécurité financière, mais il habilite aussi les gens à être autonomes et à avoir confiance en eux.

Pour ce qui est de la question, je suis très préoccupée par le sort des femmes, qui sont souvent chefs de famille, et je suis certaine que c’est la même chose dans votre communauté. Quelle sera l’incidence du projet de loi C-15 sur l’économie des femmes et comment s’explique-t-elle? Pouvez-vous nous parler de ce qui se passe actuellement et de ce que vous espérez pour l’avenir? Ma question s’adresse à quiconque veut y répondre. Merci.

Mme Madahbee Leach : L’inclusion des femmes dans nos économies fait déjà partie intégrante de tout ce que nous faisons. Parmi toutes les institutions financières au Canada, vous constaterez que près de 50 % de la clientèle des institutions autochtones est constituée de femmes autochtones.

Je pense donc que nous sommes déjà sur cette voie, et nous avons l’intime conviction que l’inclusion économique de l’ensemble de notre population est naturelle. C’est un fait acquis. C’est un objectif auquel nous aspirons. Bon nombre de nos chefs de file dans tous les domaines, qu’il s’agisse de la santé, de l’éducation ou des affaires, sont des femmes autochtones qui travaillent dans ce domaine, mais nous devons aider nos jeunes générations à cet égard, à cultiver cet espoir et à avoir la capacité d’aider à bâtir nos économies également.

M. Metatawabin : Dans le plus récent budget, le gouvernement a reconnu l’importance d’aider les femmes autochtones à lancer une entreprise en octroyant 22 millions de dollars pour appuyer les compétences en matière de microprêts et les services de soutien aux entreprises. À l’ANSAC, notre réseau constitué de 59 institutions financières autochtones a traité des prêts totalisant 3 milliards de dollars et 50 000 prêts; 41 % de tous nos prêts sont accordés à des femmes. Nous essayons d’atteindre un objectif de 50 % de femmes. Je pense qu’il s’agit simplement d’une formule selon laquelle plus vous investissez, plus il en résultera de prospérité. Il est important que le plan d’action inclue le développement économique dans ce projet de loi. Merci.

Mme Bull : J’ajouterai que nous constatons certes une augmentation du nombre d’entreprises appartenant à des femmes autochtones, en particulier celles qui embauchent plus de gens et qui cherchent à exporter. Il s’agit donc d’un secteur en pleine croissance. Si je regarde le projet de loi et les autres articles du projet de loi qui traitent des soins aux enfants, de la nécessité d’assurer une éducation culturellement adaptée pour les enfants, toute cette aide pour les enfants permet de soutenir les femmes et surtout celles qui sont à la tête des ménages.

La sénatrice Hartling : Merci.

Le sénateur Tannas : Étant donné que nous venons de discuter du fait qu’il n’y a pas eu de modification et que nous examinons, comme l’a dit Mme Madahbee Leach, les observations concernant l’aspect économique, j’aimerais passer en revue une liste de ces observations, dont certaines nous ont été présentées aujourd’hui, et d’autres que j’ai entendues à différentes reprises. Essentiellement, nous avons déjà discuté — pas ici — du financement, de l’attention accordée et de l’engagement à l’égard du consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause dans les communautés. Qui peut accorder ce consentement, et comment? Donc, comment assurer ce niveau de certitude, une communauté à la fois? Il ne semblait pas y avoir beaucoup d’intérêt pour que le gouvernement prenne cette décision, mais il faut du financement et du travail accompli au niveau communautaire pour concrétiser tout cela.

Il faut financer le développement économique et la formation professionnelle. Contrôler les objectifs visés. Madame Madahbee Leach, je crois, vous avez encore une fois parlé de la nécessité de détenir les pleins pouvoirs. L’autonomie financière est l’un des sujets ayant été soulevés à maintes reprises, sous forme d’un mécanisme de financement, particulièrement pour les grands projets qui touchent l’ensemble de la communauté, qui permettrait à cette dernière d’obtenir une participation financière et un pouvoir de négociation en la matière.

Je crains vraiment que les injustices du passé qui ont procuré des avantages à l’ensemble du Canada et à tous les Canadiens se traduisent par une tentative de transférer toutes les réparations passées qui sont dues sur des projets futurs. Je crois que cela fera en sorte qu’il n’y aura pas de projets futurs, que ce sera un puits sans fond si c’est la position qui est adoptée. Je pense donc qu’il doit y avoir du financement pour veiller à ce que tout cela se fasse et que cela ne soit pas remis entre les mains de quelqu’un qui essaie aujourd’hui de faire quelque chose pour l’avenir.

Me suis-je exprimé clairement? Voulez-vous ajouter quelque chose? Ai-je oublié quelque chose?

Mme Madahbee Leach : Je voulais dire, tout d’abord, que lorsqu’il est question de consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause, il faut mettre l’accent sur le consentement « [donné]... en connaissance de cause ». Je me suis notamment concentrée sur le renforcement de cette capacité. Si vous regardez le secteur de l’exploitation des ressources, nous travaillons à développer la capacité et la compréhension, parce que nous savons qu’il y a des minéraux dont nous avons besoin pour survivre, et une fois que nos populations l’auront bien compris, une étape cruciale aura été franchie. Lorsque nous pourrons prendre des décisions en connaissance de cause, nous aurons franchi l’étape la plus importante. Aider les Autochtones à prendre des décisions en connaissance de cause est donc probablement ce qui doit être fait et mis au premier plan.

Le sénateur Tannas : Je vais revenir afin de poser la question à nouveau, puisque mon temps est écoulé. Je reviendrai au deuxième tour.

La sénatrice Anderson : [Mots prononcés dans une autre langue]. Ma question s’adresse à Mme Madahbee Leach. Les signataires de revendications territoriales et de traités se sont dits préoccupés par le fait que ce projet de loi n’est pas cohérent, qu’il est contradictoire, qu’il accentue leurs préoccupations à l’égard de leurs revendications territoriales ou que les traités conclus initialement devraient être observés sans tenir compte du projet de loi C-15.

Lorsque vous avez examiné ce projet de loi du point de vue de l’industrie, l’avez-vous fait sous l’angle des traités existants, des signataires de revendications territoriales, des traités modernes et des ententes d’autonomie gouvernementale? Dans l’affirmative, pouvez-vous nous faire part de vos réflexions sur l’interaction de la loi avec les traités, les revendications territoriales, les traités modernes et les ententes d’autonomie gouvernementale?

Mme Madahbee Leach : À mon avis, l’adoption du projet de loi C-15 contribuerait à améliorer tout le processus de reconnaissance des revendications territoriales qui existent déjà. Nous contribuerions à simplifier ces processus, surtout là où il est question de co-développement. Je pense que l’adoption du projet de loi C-15, qui reconnaît nos droits issus de traités, nos titres et nos droits ancestraux, est vraiment essentielle. Cette reconnaissance en fait partie intégrante comme il se doit.

Il y a beaucoup de revendications en suspens, certes, mais l’information est là pour prouver qu’elles sont en grande partie tout à fait légitimes, et je ne vois pas comment le projet de loi C-15 viendrait limiter cela. Je pense qu’il améliorera les processus et les politiques à l’avenir, et qu’il modifiera certaines lois et exigences afin que nous puissions travailler ensemble et nous assurer d’avoir plus de certitude en ce qui concerne les revendications et autres questions territoriales.

La sénatrice Anderson : Merci. S’il reste du temps, Shannin Metatawabin pourrait-il répondre à la même question?

M. Metatawabin : Un aspect qu’il faut reconnaître d’abord et avant tout, c’est que les traités ne seront jamais considérés comme la plus haute forme de droit entre les colons et les communautés autochtones. C’est la plus haute forme de droit que nous avons entre nos deux nations.

Ce nouveau projet de loi, qui l’enchâsse dans le processus gouvernemental, ouvre la voie au monde. Ce n’est que la première étape. Nous voulons nous assurer de couvrir ce dont nous avons besoin, car ce n’est qu’alors que nous pourrons commencer à prendre des mesures pour harmoniser le tout. Je conviens que nous devons l’adopter.

Le président : Merci.

La sénatrice Forest-Niesing : Je remercie tous les témoins d’être parmi nous. Monsieur Metatawabin, je ne sais pas si vous vous en souvenez, mais j’ai eu le plaisir de rencontrer votre charmante famille au complet à l’occasion du dîner pour célébrer le doctorat honorifique que l’Université de Sudbury a conféré à votre père il y a quelques années à Moose Factory.

La question que je veux vous poser rejoint pour ainsi dire le thème abordé par le sénateur Tannas. Vous pourriez peut-être y répondre, monsieur Metatawabin.

La question du sénateur Tannas portait sur le financement. Je vais y ajouter du mien. Nous avons entendu plusieurs groupes, et la population autochtone est incroyablement diversifiée, nous en sommes parfaitement conscients.

Dans le cadre du processus de négociation et pour veiller à ce que nous ayons à la table, non seulement ceux qui doivent y être, mais aussi ceux qui craignent de ne pas se sentir adéquatement représentés, comment cela devrait-il évoluer à toutes fins pratiques selon vous? L’avez-vous constaté au cours de votre travail de développement économique? Comment voyez-vous les choses à l’avenir? Je vous invite à répondre en premier. S’il reste du temps, les autres témoins peuvent intervenir. Merci.

M. Metatawabin : Je vous remercie de cette question. Je suis tout à fait d’accord avec le sénateur Tannas et ses préoccupations au sujet de l’incertitude que la participation des Autochtones pourrait apporter à l’investissement au Canada. Les investissements étrangers ont diminué de 50 %. J’ai fait des recherches il y a quelques années et j’ai constaté que l’incertitude faisait fuir tout le monde.

J’ai déjà travaillé pour Anglo-American. La société a cessé d’investir au Canada à cause de cette incertitude. Plus nous trancherons vite à l’endroit du consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause, plus nous récupérerons la prospérité au Canada.

Comme vous l’avez entendu dans mes remarques liminaires, la prospérité future du Canada ne saurait exister sans que la prospérité des Autochtones soit envisagée. En 1996, 9 milliards de dollars ont été dépensés pour les Autochtones et 17 milliards l’an dernier. Il sera bientôt question de 40 milliards. Il est temps d’investir davantage dans l’économie, car moins de 1 % du budget total dont je viens de parler est consacré à la planification économique et aux organisations comme la nôtre qui aident nos gens. Donc, si nous pouvons investir dans nos gens — disons 5 % au titre de l’approvisionnement —, nous envisageons des dépenses de 5 % pour les programmes autochtones. Merci.

La sénatrice McCallum : Merci. Premièrement, j’aimerais faire un commentaire sur le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause. Si les Autochtones n’avaient pas été obligés de placer leurs enfants dans les pensionnats sans leur consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause, nous n’aurions pas eu les décès que nous avons connus dans ce pensionnat et dans d’autres. Je connais d’autres élèves qui sont venus me voir.

Quand on songe au consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause et à la capacité d’y opposer un veto, l’industrie s’en est servie pour miner le développement économique futur.

En 1995, le droit inhérent à l’autonomie gouvernementale stipulait qu’il devait fonctionner dans le cadre de la Constitution canadienne et qu’il :

[...] n’inclut pas un droit à la souveraineté au sens du droit international et ne donnera pas lieu à des États-nations autochtones souverains et indépendants.

Cela viendrait remplacer les traités existants et affecterait l’autodétermination. La politique prévoit également la participation des provinces et des territoires aux négociations, ce qui va à l’encontre de la définition des Premières Nations selon laquelle les traités sont fondés sur une relation bilatérale entre les Premières Nations, le gouvernement fédéral et la Couronne.

Selon la politique fédérale en la matière, l’autonomie gouvernementale autochtone doit être conforme aux lois fédérales et provinciales, ce qui permet de la maintenir dans le cadre juridique du Canada, subordonnée aux autres ordres de gouvernement.

Je suis tout à fait d’accord avec les trois intervenants et je sais où ils veulent en venir, mais malheureusement, comme ancienne élève d’un pensionnat pendant 11 ans et ayant été opprimée toute ma vie, je ne crois pas que le gouvernement agira honorablement de nouveau. Est-ce que cela va nuire aux orientations que vous prenez? En quoi cela rendra-t-il l’industrie plus responsable? Merci.

Mme Madahbee Leach : Je pense que l’industrie commence à travailler en étroite collaboration — vous avez probablement entendu la First Nations Major Project Coalition parler du nombre d’ententes qui existent déjà au Canada avec des entreprises. Je pense que ce sera toujours une considération pour l’avenir.

C’est nous qui vivons sur ces terres. Des milliards de dollars sont tirés des ressources qui nous sont dérobées.

La sénatrice LaBoucane-Benson : J’aimerais céder ma question au sénateur Tannas pour qu’il puisse achever ses propos. Il pourrait peut-être répéter rapidement la question pour que nous puissions obtenir une réponse.

Le sénateur Tannas : Merci beaucoup, sénatrice LaBoucane-Benson.

Je vous ai donné une longue liste de ce que nous avons entendu. Y a-t-il quelque chose là-dedans qui vous a dérangé ou qui vous a échappé, monsieur Metatawabin et madame Bull?

M. Metatawabin : Pour répondre à votre préoccupation concernant l’inclusion des peuples autochtones dans la prospérité du Canada, je pense qu’il y a trois étapes où nous pouvons aider. Nous sommes là pour trouver des solutions.

Les ententes sur les répercussions et les avantages sont la norme minimale pour que les collectivités autochtones soient reconnues pour les répercussions directes. Ce qui nous manque, c’est notre juste part des recettes fiscales pour reconnaître que les ressources de base sont autochtones. En ce qui concerne la participation au projet, nous avons besoin d’un fonds pour que les Autochtones puissent en être propriétaires. Grâce à ces trois étapes, je pense que les peuples autochtones participeront à part entière, que nous pourrons ouvrir le Canada à l’investissement et que les nôtres pourront prospérer. Merci.

Le sénateur Tannas : Merci. Et vous, madame Bull?

Mme Bull : Pour faire suite à ce que Dawn Madahbee Leach a dit, nous constatons qu’il y a des partenariats incroyables partout au pays. Le projet deviendra éventuellement la propriété des collectivités. Je pense que le financement — indépendamment de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones et du projet de loi C-15 — pour permettre aux collectivités de participer comme il faut aux discussions et aux partenariats est assurément nécessaire et qu’il doit passer par des programmes de renforcement des capacités.

Un autre élément au sujet du consentement préalable donné librement et en connaissance de cause, c’est que les sociétés ont l’obligation de s’assurer qu’elles informent les collectivités et qu’elles travaillent avec elles. Or, nous laissons très souvent ce soin à la collectivité.

Je ne pense pas quant à moi que le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause soit un droit de veto; c’est une obligation pour les sociétés d’exploitation des ressources. Si la société n’obtient pas l’approbation, c’est un échec pour elle, et non pour la collectivité qui n’est pas prête à s’associer.

Le sénateur Tannas : C’est un échec pour des générations de sociétés d’exploitation des ressources. Ce qui m’inquiète, c’est que si nous poursuivons dans la même veine pour les projets futurs, il n’y a aucune garantie que ces projets verront le jour. Alors, à quoi bon?

Le Canada a bénéficié de ses injustices, et je crois que la réconciliation doit comporter des réparations. Il s’agira par exemple d’investir pour amener les collectivités à un niveau où elles sont égales et où elles peuvent donner, comme quelqu’un l’a mentionné, un consentement éclairé. Mais je comprends ce que vous dites et je vous en remercie tous.

M. Metatawabin : Je pense que l’un des principaux problèmes, c’est que le gouvernement fédéral a une responsabilité envers les collectivités, en vertu de la Loi sur les Indiens, et compte tenu de la relation et des traités qui font que les communautés autochtones se tournent vers le gouvernement fédéral pour s’assurer que tout se passe de la sorte. Mais, comme le gouvernement fédéral a cédé toutes les terres aux provinces, il leur appartient de s’entendre pour la prospérité future. Merci.

Le président : Merci beaucoup. Le temps alloué à ce groupe de témoins est maintenant écoulé. Je remercie nos témoins de leur présence. Je remercie Mme Madahbee Leach, M. Metatawabin et Mme Bull.

Chers collègues, je suis très heureux d’accueillir notre prochain groupe d’invités ce matin. Je souhaite la bienvenue à Mark Sevestre, conseiller principal et membre fondateur, Association nationale des agents fiduciaires autochtones, NATOA, qui est accompagné de Katherine Wheatley, gestionnaire. Je souhaite la bienvenue aussi à Shannon Joseph, vice-présidente, Relations gouvernementales et affaires autochtones, de l’Association canadienne des producteurs pétroliers, et à Brian Schmidt, président et chef de la direction de Tamarack Valley Energy.

M. Sevestre, Mme Joseph et M. Schmidt feront chacun une déclaration préliminaire d’environ six minutes, qui sera suivie d’une période de questions et réponses d’environ trois minutes par sénateur.

La première question sera posée par la marraine du projet de loi, la sénatrice LaBoucane-Benson, et la deuxième, par le porte-parole du projet de loi, le sénateur Patterson.

Si d’autres sénateurs ont une question, ils doivent utiliser la fonction main levée sur Zoom pour le signaler à la greffière. L’intervention sera confirmée par clavardage dans Zoom. Veuillez noter que les membres du comité auront la priorité sur la liste des intervenants. Tout suivi écrit aux questions doit être soumis à la greffière au plus tard le 31 mai 2021, c’est-à-dire aujourd’hui.

Le personnel du comité m’informera au moyen de textos lorsqu’il restera 10 secondes pour les remarques liminaires des deux témoins et le temps de questions et réponses des sénateurs. Je ferai un compte à rebours visuel de 10 secondes avec mes mains, et arrivé à zéro, je vous ferai savoir que le temps est écoulé.

J’invite maintenant M. Sevestre à faire sa déclaration préliminaire.

M. Mark Sevestre, conseiller supérieur et membre fondateur, National Aboriginal Trust Officers Association (NATOA), Initiative de la réconciliation et de l’investissement responsable : Se:ko. Bonjour, honorables sénateurs. C’est un honneur pour moi de vous faire part de mes commentaires aujourd’hui. Je suis membre mohawk des Six Nations de la Première Nation de Grand River, conseiller supérieur et membre fondateur de la National Aboriginal Trust Officers Association et directeur général de la Credit First Nation Community Trust des Mississaugas.

Je suis accompagné aujourd’hui de Katie Wheatley, gestionnaire de l’Initiative de la réconciliation et de l’investissement responsable, ou IRIR, et de la Shareholder Association for Research and Education, ou SHARE.

L’Initiative de la réconciliation et de l’investissement responsable est un partenariat entre la NATOA et SHARE. La NATOA est un organisme de bienfaisance qui s’engage à fournir aux peuples autochtones les ressources et l’information qui les aideront à créer, à gérer et à exploiter efficacement des fiducies, comme moyen de s’assurer que les générations futures pourront profiter des biens que nous gérons aujourd’hui.

SHARE est un organisme sans but lucratif qui se consacre à mobiliser le leadership des investisseurs pour une économie durable, inclusive et productive. Ensemble, par l’entremise de l’IRIR, nous travaillons avec des investisseurs autochtones et non autochtones pour favoriser un système financier qui habilite les points de vue autochtones et reconnaît le rôle des valeurs communautaires dans la prise de décisions en matière d’investissement, qui crée des résultats économiques positifs pour les peuples autochtones et contribue à la protection des droits et des titres autochtones.

Notre approche est fondée sur les principes de réconciliation et l’appel à l’action 92 de la Commission de vérité et réconciliation, qui demandent au secteur des entreprises au Canada d’adopter la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones comme cadre de réconciliation et d’appliquer ses principes et ses normes aux politiques et activités essentielles des sociétés.

Nous félicitons le gouvernement du Canada d’avoir présenté le projet de loi C-15, qui vise à établir un cadre pour la mise en œuvre de la Déclaration des Nations Unies à l’échelle nationale et à faire en sorte que les lois canadiennes s’y conforment. Ce projet de loi est essentiel pour rehausser les normes minimales à respecter en ce qui a trait aux droits des Autochtones au Canada. Sa mise en œuvre appuierait également les efforts de réconciliation en général en ajoutant aux attentes de tous les acteurs économiques afin d’appuyer la mobilisation et la participation significative des peuples autochtones aux occasions d’affaires.

Nous travaillons avec les investisseurs institutionnels canadiens, y compris les fiducies autochtones, pour intégrer les droits et les engagements des Autochtones en matière de réconciliation dans les marchés financiers et au sein du secteur des entreprises du Canada. Un aspect important de notre travail est axé sur l’engagement des actionnaires dans le cadre du programme de mobilisation de SHARE, qui représente aujourd’hui plus de 70 milliards de dollars d’actifs sous gestion. Au cours des dernières années, nous avons collaboré avec une cinquantaine d’entreprises canadiennes et internationales pour obtenir leur engagement à l’égard des droits des Autochtones et de la réconciliation. Plus d’une douzaine d’entre elles ont pris des mesures concrètes pour répondre à l’appel à l’action 92, par exemple, en intégrant les droits des Autochtones dans leur politique sur les droits de la personne, en faisant des divulgations publiques régulières sur l’emploi et l’approvisionnement des Autochtones, et en s’engageant à éduquer le personnel de gestion sur les droits et l’histoire des Autochtones.

Mme Katherine Wheatley, gestionnaire, Initiative de la réconciliation et de l’investissement responsable : À l’heure actuelle, les entreprises canadiennes en sont à des étapes très différentes de l’élaboration de politiques et de pratiques qui s’harmonisent avec la Déclaration des Nations Unies. Les engagements publics à l’égard de la Déclaration — et plus précisément du consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause — ont augmenté au cours des dernières années, même si les entreprises qui ont fait de telles divulgations restent minoritaires.

Grâce à nos efforts de mobilisation, nous pouvons également affirmer que les entreprises de la bourse de croissance TSX sollicitent activement des commentaires et des conseils sur la diligence raisonnable en matière de droits des Autochtones. Les investisseurs reconnaissent que les relations progressistes avec les Autochtones et la reconnaissance des droits sont des éléments essentiels à la réussite des entreprises. Négliger de faire preuve de diligence raisonnable à cet égard peut entraîner des pertes financières et d’autres coûts importants. La confiance des investisseurs est renforcée lorsque les entreprises prennent des engagements clairs à l’égard de la Déclaration des Nations Unies, car la mobilisation de la productivité auprès des titulaires de droits susceptibles d’être touchés offre une certitude juridique et réglementaire.

Par conséquent, nous recommandons que le plan d’action pour la mise en œuvre du projet de loi C-15 tienne compte de ce que l’on attend des entreprises ayant leur siège social ou exerçant leurs activités au Canada en regard du respect de la Déclaration des Nations Unies, ainsi que de leurs investisseurs. Il faut une plus grande divulgation des répercussions possibles sur les droits et des mesures de diligence raisonnable connexes, et les directives nationales à ce sujet font défaut. Il s’agit d’accorder une attention particulière aux rôles des entreprises comme acteurs non étatiques.

La mise en œuvre nationale de la Déclaration des Nations Unies exige que les entreprises jouent un rôle actif dans le respect des droits des Autochtones. Afin de rehausser la norme de gouvernance d’entreprise en ce qui concerne les droits, d’autres directives et exigences en matière de divulgation se font nécessaires. Les considérations relatives aux droits des Autochtones ne sont pas entièrement intégrées dans les normes volontaires de reddition de comptes en matière de durabilité, et les directives en matière de droits de la personne sont insuffisantes dans les cadres de travail que se donnent les grandes sociétés mondiales.

Favoriser l’adoption généralisée de politiques sur les droits des Autochtones, la diligence raisonnable et la divulgation par les entreprises canadiennes, au moyen de directives à l’échelle nationale, aiderait à améliorer les résultats pour les collectivités, les investisseurs et les entreprises, et à faire adopter des mesures efficaces de plainte et d’atténuation pour gérer les conflits qui pourraient survenir en matière de droits.

Pour que le projet de loi C-15 soit mené à bien, nous estimons qu’il faudrait préciser les responsabilités des entreprises et de ceux qui les financent en ce qui a trait au respect de la Déclaration des Nations Unies. Des attentes claires établies en consultation avec les peuples autochtones permettront de renforcer la certitude en matière d’affaires et d’investissement tout en favorisant l’inclusion économique des Autochtones. Le projet de loi C-15 nous donne l’occasion de mieux intégrer les droits des Autochtones dans les marchés financiers canadiens et de faire progresser la réconciliation.

Le président : Merci, madame Wheatley.

J’aimerais maintenant donner la parole à Mme Joseph pour sa déclaration préliminaire.

Mme Shannon Joseph, vice-présidente, Relations gouvernementales et affaires autochtones, Association canadienne des producteurs pétroliers : Bonjour. Je remercie le comité de me donner l’occasion de m’adresser à lui aujourd’hui. Je tiens également à souligner que je vous parle aujourd’hui du territoire traditionnel des Algonquins Anishnaabeg.

L’Association canadienne des producteurs pétroliers représente des entreprises, grandes et petites, qui explorent, exploitent et produisent du gaz naturel et du pétrole brut partout au Canada.

Depuis 2016, notre secteur a adopté la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, ou DNUDPA, comme cadre de réconciliation au Canada, et appuie la mise en œuvre de ses principes d’une manière conforme à la Constitution et aux lois canadiennes.

L’Association et ses membres ont travaillé fort pour être des partenaires constructifs dans la réconciliation. Parmi les exemples de notre travail et de nos relations, mentionnons l’approvisionnement. De 2017 à 2019, les marchés d’approvisionnement conclus par les sociétés d’exploitation des sables bitumineux avec des entreprises appartenant à des Autochtones se sont élevés à un total de 5,9 milliards de dollars. En 2019, cela représentait 11 % de l’approvisionnement total des sociétés d’exploitation des sables bitumineux. C’est plus que toute autre industrie au Canada ou le gouvernement fédéral.

Dans le domaine de l’emploi, nous sommes l’un des plus importants employeurs d’Autochtones, créant des possibilités d’emplois bien rémunérés à l’échelle locale. Pour la Première Nation de Fort McKay, par exemple, la participation à l’exploitation des sables bitumineux s’est traduite par un revenu médian de plus de 61 000 $ en 2016, ce qui dépasse le revenu médian de chacune des provinces canadiennes, à l’exception de l’Alberta.

Dans le domaine des collectivités durables, nos efforts vont des initiatives en matière de logement aux programmes de surveillance environnementale en passant par les forums de discussion permanents dans nos zones d’exploitation. Le secteur travaille en étroite collaboration avec les collectivités autochtones pour appuyer les priorités définies à l’échelle locale et intégrer les connaissances autochtones dans nos projets.

Nous appuyons une approche de mise en œuvre de la Déclaration des Nations Unies qui préserve et améliore les avantages économiques, sociaux et environnementaux pour les peuples et les collectivités autochtones. La mise en valeur des ressources a été l’un des meilleurs moyens de favoriser la prospérité des Autochtones au Canada, et la certitude des investisseurs joue un rôle important à cet égard.

Certains témoins qui ont comparu devant le comité ont laissé entendre que le projet de loi C-15 créera une plus grande certitude pour tout le monde, y compris l’industrie et les investisseurs. Nous sommes d’avis que des amendements sont nécessaires pour qu’il en soit ainsi, d’où ceux que nous avons soumis à l’étude du comité dans le souci de contribuer à la réussite du projet de loi.

Au cours des deux dernières décennies, on a beaucoup avancé au chapitre des approches suivies pour trouver des solutions mutuellement avantageuses pour les titulaires de droits autochtones et les promoteurs des projets. Or, malgré la souplesse et les principes que préconisent ces approches à l’égard de la participation autochtone, les expériences de nos entreprises dans le contexte juridique actuel laissent entendre qu’il y a confusion et toutes sortes d’attentes quant à la signification pratique de la Déclaration des Nations Unies, y compris par rapport aux lois existantes comme la Loi sur l’évaluation d’impact. Les représentants du gouvernement, les titulaires de droits autochtones et les entreprises se retrouvent dans l’impasse avec des directives floues. Par exemple, les directives des fonctionnaires fédéraux en matière de consultation — qui comprennent à présent des exigences liées à la Déclaration, dont les concepts entourant le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause — semblent complètement étrangères aux principes établis par les tribunaux. Pour un projet donné, le nombre de collectivités autochtones que les entreprises membres de l’Association canadienne des produits pétroliers ont reçu l’ordre de consulter est passé de 5 ou 6, avec lesquelles elles entretiennent des relations de longue date, à plus de 35. Bon nombre des nouvelles collectivités recensées n’ont pas de droits connus dans la région où se déroule le projet. Leur participation à la consultation sans fondement dans les concepts de la force de la revendication ou de l’impact sur les droits laisse tout le monde dans l’incertitude quant au processus en soi. Cela signifie également qu’il y a moins de ressources disponibles pour chaque collectivité, ce qui peut mener à des conflits entre les collectivités titulaires de droits à mesure que les occasions se font rares.

Nous appuyons l’objectif de faciliter et d’élargir la participation des Autochtones et le développement des ressources dans le cadre de la réconciliation économique. Cela dit, une loi ambiguë rendra cette participation plus difficile et incitera les investisseurs à transférer leurs capitaux à des milieux où toutes les parties sont conscientes de leurs obligations et savent s’en acquitter de façon pertinente et opportune.

Les modifications que nous proposons visent à dissiper les incertitudes, à apporter plus de clarté et à donner un point de départ plus solide pour la mise en œuvre de la Déclaration des Nations Unies au Canada. Je vais vous les résumer :

Premièrement, et à l’instar d’autres intervenants ce matin, nous appuyons l’inclusion dans le projet de loi d’un libellé qui renforce le droit des peuples autochtones au développement économique.

Deuxièmement, nous voulons qu’on précise que le projet de loi C-15 n’a pas pour effet de modifier systématiquement les lois fédérales nationales relatives aux droits des Autochtones, mais qu’il s’agit plutôt de créer un processus de changement.

Troisièmement, il faut définir ce que l’on entend par consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause dans le contexte canadien. À notre avis, il s’agit d’un processus et non d’un résultat. Beaucoup de gens, y compris le ministre Lametti, ont dit qu’il ne s’agit pas d’un droit de veto sur le processus décisionnel du gouvernement. La définition que nous proposons reflète cela et s’appuie sur les principes avancés par les tribunaux.

Enfin, nous devons nous assurer que le plan d’action est le principal moyen de donner à la Déclaration sa valeur pratique au Canada. Il s’agira d’élaborer ce plan de concert avec les peuples autochtones et avec l’intention que l’industrie puisse participer à ce dialogue, le cas échéant. Le processus devrait être doté de ressources adéquates et définir les responsabilités clairement.

J’aimerais terminer en réitérant l’engagement du secteur en amont de l’industrie pétrolière et gazière à jouer notre rôle en faveur de la réconciliation. L’étude du projet de loi C-15 ne devrait pas être présentée comme un débat entre ceux qui appuient les droits des Autochtones et ceux qui ne les appuient pas. Nous appuyons tous les droits des Autochtones.

Nous avons également vécu, avec nos partenaires autochtones, des occasions ratées en raison d’un manque de clarté. Le comité a désormais l’occasion de dégager la voie à suivre, et je l’encourage à apporter des changements ciblés, mais importants, au projet de loi C-15 pour nous aider à progresser ensemble vers la réconciliation et la prospérité. Merci.

Le président : Merci, madame Joseph.

J’invite maintenant M. Schmidt à faire sa déclaration préliminaire.

M. Brian Schmidt, président et chef de la direction, Tamarack Valley Energy Ltd. : Je vous remercie de cette occasion de m’adresser à votre comité aujourd’hui. Je tiens à souligner que je vous parle à partir des territoires traditionnels des peuples de la région du Traité no 7 et patrie de la nation métisse de la région III de l’Alberta.

Je m’appelle Brian Schmidt. Je suis le président et chef de la direction de Tamarack Valley Energy, un producteur intermédiaire de pétrole et de gaz qui exploite des gisements de pétrole léger en Alberta et en Saskatchewan.

Je suis également président du groupe stratégique sur les affaires autochtones de l’Association canadienne des producteurs pétroliers et conseiller auprès de Pétrole et gaz des Indiens du Canada. Je consacre donc une bonne partie de mon temps à m’assurer que les relations entre l’industrie pétrolière et gazière et les nations autochtones sont positives et mutuellement bénéfiques.

Je suis également en affaires avec les Kainai depuis une vingtaine d’années. J’ai exploité des plateformes pétrolières et gazières sur les terres de réserve de la tribu des Blood. Je suis fier de porter le titre de chef honoraire des Kainai, qui m’a été octroyé il y a quelques années.

Je ne suis pas là aujourd’hui pour vous demander de choisir entre les intérêts de notre industrie ou ceux des peuples autochtones, mais pour dire que je crois fermement que nous avons les mêmes intérêts dans ce dossier. Nous voulons que les droits des Autochtones soient protégés, mais nous voulons aussi que le secteur des ressources naturelles pétrolières et gazières soit sain et prospère afin que nous puissions tous en tirer des avantages économiques. Mes collègues autochtones le souhaitent aussi, et je sais que vous en avez entendu parler vendredi.

Bien que mon entreprise ait officiellement accepté les principes de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones et qu’elle l’appuie, je tiens à vous dire que le projet de loi C-15, tel qu’il est proposé, créera plus d’incertitude pour notre industrie et pour l’exploitation des ressources dans son ensemble au Canada. Cela signifie que nous ne pourrons pas attirer les investissements des marchés financiers et que des projets de plusieurs milliards de dollars qui auraient valu la peine ne verront pas le jour.

Oui, ce sera nuisible pour le secteur pétrolier et gazier et nous voulons éviter cela, mais les perspectives économiques du Canada et de l’ensemble des Canadiens sont également en jeu. Je crois, comme tout le monde, que les collectivités autochtones qui dépendent de l’exploitation des ressources ou qui y voient un moyen important de créer des emplois, des entreprises et des revenus autonomes en pâtiront elles aussi. Je pense que les affirmations de ce genre peuvent donner l’impression d’être alarmistes ou exagérées. On a même dit qu’il s’agissait d’une campagne pour semer la peur. En fin de semaine, j’ai lu dans le Toronto Star une lettre d’opinion disant que le projet de loi C-15 créera une certitude économique et que ses détracteurs s’opposent au consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause. Ce sont autant d’interprétations erronées de notre position.

Lorsque toutes les associations industrielles — l’hydroélectricité, les mines, l’électricité, la foresterie et le pétrole — vous disent qu’une mesure législative aura des répercussions négatives sur les investissements, veuillez au moins écouter nos préoccupations.

Nous sommes déjà confrontés aux répercussions de l’incertitude sur le plan de la réglementation. Le Financial Post a calculé que, au cours des cinq dernières années, des projets énergétiques d’une valeur de 150 milliards de dollars ont été abandonnés ou suspendus parce que les investisseurs ne voulaient pas prendre le risque de les financer.

Nous avons vu des investisseurs choisir la Sibérie plutôt que la Colombie-Britannique pour le développement du gaz naturel liquéfié parce qu’ils pensaient que la Russie était un meilleur pari pour leur argent que le Canada. Nous avons vu Warren Buffett se retirer d’un projet de gaz naturel liquéfié de 9 milliards de dollars au Québec en raison de préoccupations au sujet des barrages ferroviaires et des problèmes d’infrastructure. Nous avons perdu 17 milliards de dollars en raison des écarts de prix par rapport au prix du brut parce que nous n’avions pas suffisamment de capacité pipelinière pour acheminer notre produit vers les marchés. Nous avons vu l’exploitation des sables bitumineux par Frontier, d’une valeur de 20 milliards de dollars, suspendue — pourtant l’un des meilleurs projets que j’ai vus en matière de soutien aux Autochtones et de protection de l’environnement —, le président directeur général ayant fait valoir que les investisseurs cherchaient des pays qui avaient concilié leurs objectifs environnementaux, sociaux et de développement des ressources, ce que le Canada n’avait pas encore fait. Pas plus tard que ce mois-ci, Woodside Petroleum a annoncé son intention de quitter le projet de gaz naturel liquéfié de Kitimat, ce qui a porté un dur coup aux 16 Premières Nations et à leur société en commandite qui participait au projet.

Le projet de loi C-15 n’a pas causé ces problèmes, mais je crois fermement qu’il les aggravera. Je me suis rendu à New York et à Houston pour rencontrer des investisseurs qui m’ont fait part de leurs préoccupations. Il ne suffit pas d’avoir le consentement des Autochtones, nous l’avons eu pour des projets qui ont tout de même été annulés. Le problème, c’est que dans bien des cas, on ne sait pas trop ce qu’il faut pour obtenir l’approbation réglementaire au Canada ni le temps qu’il faudra attendre pour l’avoir. L’argent finit donc par aboutir dans les pays où c’est clair.

Ce dont notre industrie a besoin, c’est que le projet de loi C-15 soit rédigé de façon à ce qu’il n’ajoute pas plus d’incertitude et de risque à l’investissement, et c’est tout ce que nous demandons ici. Il s’agit de faire en sorte qu’il soit plus facile pour nous de faire affaire avec les communautés autochtones, et non plus difficile. L’Association canadienne des produits pétroliers a proposé des amendements précis de bonne foi pour améliorer le projet de loi C-15. Il suffirait de remanier quelques paragraphes pour que le Canada sauve des milliers d’emplois et des milliards de dollars en investissements. Si le gouvernement ne fait pas ce travail de clarification de la loi, nous verrons passer de bons projets pendant que nous attendons que les tribunaux fassent le travail à la place de nos législateurs. Cela ne profite à personne, et encore moins à toutes les collectivités autochtones qui participent à l’exploitation des ressources.

Merci.

Le président : Merci, monsieur Schmidt.

La sénatrice LaBoucane-Benson : Ma question s’adresse à Mark Sevestre. Elle porte sur la recherche effectuée par l’Initiative de la réconciliation et de l’investissement responsable en ce qui a trait aux obstacles qui empêchent d’amener les Autochtones à la table en qualité de partenaires égaux.

Nous avons entendu beaucoup de témoins parler des succès qu’a connus le Canada en amenant des partenaires autochtones à la table, et M. Schmidt vient tout juste de parler des partenaires autochtones. Quels sont les obstacles qui empêchent d’amener les Autochtones à la table à titre de partenaires égaux et comment la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones s’attaquerait-elle à ces obstacles?

M. Sevestre : Je vous remercie de votre question et je crois que je l’aborderai du point de vue de la Credit Community Trust des Mississaugas, dont je suis le directeur général. Nous sommes nous-mêmes des investisseurs et nous sommes en train de nous faire entendre comme actionnaires et porte-parole des entreprises à la table par l’entremise du réseau de l’association NATOA. À ce stade-ci, en 2021, c’est un peu une première pour nous, alors je pense que la méthode ne fait que s’éveiller.

La raison pour laquelle nous avons lancé l’association au départ, c’est que bon nombre de nos collectivités faisaient affaire avec des gestionnaires de placements qui tentaient de les faire investir dans les bonnes compagnies, une responsabilité qu’elles ont confiée à leurs propres gestionnaires. Notre voix sur les marchés des investissements et des capitaux ne se faisait donc pas entendre. À mon avis, c’est un obstacle énorme que nous sommes en train de surmonter, simplement par le fait de faire comprendre aux entreprises l’importance de prendre en compte les droits et les enjeux autochtones quand il s’agit d’élaborer des politiques de communication appropriées avec nos collectivités.

La sénatrice LaBoucane-Benson : Merci de cette réponse.

Le sénateur Patterson : J’aimerais remercier les témoins de leurs témoignages convaincants. Ma question s’adresse à Mme Joseph.

Certains affirment que les craintes selon lesquelles le projet de loi C-15 pourrait créer de l’incertitude face au développement futur sont alarmistes. D’autres font remarquer que des préoccupations semblables ont été soulevées à l’égard du projet de loi C-69, adopté au cours de la législature précédente, et que le ciel ne nous est pas tombé sur la tête pour autant.

À votre avis, est-il alarmiste de laisser entendre que l’adoption du projet de loi C-15 pourrait avoir une incidence sur la confiance des investisseurs et que cette incertitude pourrait en résulter? Merci.

Mme Joseph : Merci, sénateur. Je pense qu’il est important que les membres du comité gardent à l’esprit que les décisions d’investissement et les occasions ratées dans ce contexte passent pratiquement inaperçues pour la plupart des Canadiens, voire pour de nombreux parlementaires. Ces décisions sont prises derrière des portes closes. Les gens décident d’envoyer leur argent en Norvège ou ailleurs, et depuis le projet de loi C-69, nous n’avons pas vu de nouveaux projets d’envergure. Il est donc important d’avoir des certitudes dans notre cadre réglementaire, car cela a un effet, et c’est qu’à défaut de cela, des milliards de dollars aboutiront ailleurs au lieu d’ici.

Comme nous l’avons dit, il y a moyen de clarifier le projet de loi C-15 pour améliorer le contexte dans son ensemble, et ce ne sont pas les défis qui manquent dans le contexte canadien.

Le sénateur Patterson : Merci. Si le projet de loi C-15 entraîne une plus grande incertitude, quelles options de recours ou solutions de rechange y aura-t-il pour vos collectivités autochtones partenaires?

Mme Joseph : Eh bien, je vais en parler brièvement, mais peut-être que M. Schmidt pourrait vous donner plus de détails.

Prenons l’exemple de Northern Gateway, où le projet a été annulé. Bon nombre des membres de Aboriginal Equity Partners — et il y avait des détenteurs d’actions autochtones dans ce projet — n’ont eu qu’un seul recours : celui de raconter leur histoire. Lorsque ces occasions s’échappent, elles quittent les endroits où se trouvent les gens, les ressources; elles s’en vont ailleurs et il n’y a personne à qui s’adresser pour infirmer ce genre de décisions.

Je vais voir si M. Schmidt a quelque chose à ajouter.

M. Schmidt : Certainement, sénateur. Je vous remercie de cette question. Je peux vous dire cela en raison de mon travail avec Pétrole et gaz des Indiens du Canada et le Conseil des ressources indiennes. Comme nous ne pouvions pas construire de pipelines ici au Canada, de nombreux pays producteurs de pétrole et de gaz perdaient des dizaines de millions de dollars. C’est ce que nous constatons lorsque nous vendons du pétrole canadien ou le Western Canadian Select — comparativement au pétrole américain ou au West Texas Intermediate — parce que nos coûts de transport sont très élevés et que notre accès au marché est beaucoup plus faible.

Le président : Je suis désolé, monsieur Schmidt, votre temps est écoulé.

La sénatrice Stewart Olsen : Merci à tous d’être avec nous aujourd’hui. C’est extrêmement intéressant. Ma question s’adresse à M. Schmidt.

Monsieur Schmidt, Mme Joseph a fait remarquer que l’adoption du projet de loi C-15 pourrait avoir une incidence sur la confiance des investisseurs, mais les entreprises n’ont que le choix de s’y habituer, n’est-ce-pas? En votre qualité de propriétaire et exploitant du secteur de l’énergie du Canada, vous devez tout de même exercer vos activités au Canada, et le projet de loi C-15 signifie simplement qu’il faudra vous adapter à la réalité qu’il mettra en place, quelle qu’elle soit.

À votre avis, les entreprises ont-elles une option à cet égard et en quoi ce projet de loi influera-t-il sur l’établissement de partenariats auxquels votre industrie participe peut-être déjà?

M. Schmidt : C’est ce que j’essaie de faire comprendre ici. Le manque de clarté des processus et l’incertitude entraînent des coûts.

Le Canada a un bon produit. Nous avons une bonne proximité avec les marchés asiatiques. Nous avons beaucoup d’avantages concurrentiels. Mais notre processus de réglementation et nos politiques régissant l’exploitation des ressources découragent absolument les investissements. Nous avons déjà vu de grandes sociétés se retirer du Canada — Shell, Total, BP — et c’est ce qui s’est passé avec Chevron et son partenaire Woodside à Kitimat. Les entreprises ne renoncent pas au gaz naturel liquéfié — elles ont des options — elles vont le chercher en investissant en Australie, au Sénégal et en Sibérie parce qu’elles peuvent mieux prévoir les coûts et les risques, et parce qu’elles peuvent commencer à obtenir un rendement sur leur investissement des années avant de pouvoir le faire au Canada. Chevron ne peut même pas vendre sa participation dans le gaz naturel liquéfié de Kitimat après avoir radié 2,2 milliards de dollars du projet. Personne ne lancera de nouveaux projets d’investissement au Canada. Sur les vingt projets de gaz naturel liquéfié proposés en Colombie-Britannique, un seul a été mis sur pied.

L’annulation de projets cause du tort aux Autochtones dans la mesure où c’est aussi l’annulation de leur participation au capital et des ententes sur les répercussions et les avantages. Cela se traduit en somme par la destruction d’entreprises autochtones, la prolifération du chômage et la persistance de la pauvreté et du désespoir. Merci.

La sénatrice Stewart Olsen : Merci, monsieur Schmidt.

Le sénateur Francis : Ma question s’adresse à Mme Wheatley. Certains ont laissé entendre que le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause créerait de l’incertitude et menacerait ainsi l’économie et la société. Étant donné qu’il existe des lignes directrices détaillées pour l’interprétation et l’application de ce processus et que divers gouvernements, industries et communautés autochtones ont réussi à les mettre en pratique, je me demande si ces affirmations se font par prudence ou même par crainte du genre de changement transformateur nécessaire à la réconciliation.

Je voulais donc vous demander s’il est vrai que le respect du droit au consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause entraîne plus ou moins de prévisibilité et de certitude pour toutes les parties. Les entreprises et les investisseurs ont-ils raison d’hésiter à faire preuve de diligence raisonnable en matière de droits de la personne lors de la conception et mise en œuvre de projets qui pourraient nuire aux terres et aux ressources traditionnelles des peuples autochtones?

Mme Wheatley : Merci beaucoup de votre question, sénateur. Je commencerai par dire qu’il importe de noter l’émergence d’une norme de pratique. Un bon nombre d’entreprises ont déjà, de leur propre initiative, pris des engagements et fait des déclarations indiquant qu’elles respecteraient et appliqueraient la DNUDPA et la norme de consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause, en particulier. Dans le secteur des matériaux, une étude que nous avons menée récemment montre qu’environ 30 % des entreprises se sont engagées à respecter cette norme, et environ le quart des entreprises que nous avons étudiées au cours des dernières années se sont engagées explicitement à respecter la Déclaration des Nations Unies. Nous constatons donc que ce changement transformateur est déjà en cours et que les entreprises reconnaissent que, lorsque les collectivités sont impliquées, qu’elles ont des relations productives et qu’elles s’engagent dans des consultations et des collaborations véritables, les projets vont de l’avant.

Quelques exemples récents illustrent clairement cette situation. Ainsi, le projet d’Alberta Powerline, où plus de 30 communautés, je crois, ont été consultées entre la région de McMurray et celle de Calgary, est un excellent exemple de projet d’infrastructure linéaire qui aurait pu être très compliqué en consultation, mais qui a été surveillé efficacement, et pour lequel les communautés ont donné leur consentement et auquel elles ont participé.

Un autre bon exemple est celui du projet de Woodfibre entrepris avec la nation Squamish dans la région de Vancouver, pour lequel une diligence raisonnable a été exercée de manière efficace. Je pense qu’il est important de reconnaître que pour d’autres questions relatives aux droits de la personne et du travail, à la santé, à la sécurité et à l’environnement, des États ont obligé les entreprises à contribuer à l’élaboration de plans de diligence raisonnable efficaces et à faire rapport à ce sujet. C’est ce genre de choses que l’on pourrait voir aussi dans le domaine des droits des Autochtones.

M. Sevestre : Je suis d’accord avec Katie Wheatley sur tout ce qu’elle a dit.

Le sénateur Francis : Bonne réponse. Merci, monsieur le président.

La sénatrice Coyle : Merci beaucoup à tous nos témoins de ce matin. Madame Joseph et monsieur Schmidt, vous avez tous les deux mentionné des préoccupations au sujet de la certitude dont ont besoin les investisseurs — comme vous le savez, nous en avons entendu parler par beaucoup d’autres personnes — en ce qui concerne le projet de loi C 15, et aussi notre actuel avant-projet de loi C-15, un cadre de réglementation.

Je suis certaine que les récentes déclarations de l’AIE inquiètent également l’industrie. C’est tout à fait compréhensible. Vous nous avez demandé de prendre vos préoccupations au sérieux et de ne pas les considérer comme de l’alarmisme. Nous avons le devoir de prendre vos préoccupations au sérieux, et je tiens à vous assurer que c’est ce que fait notre comité.

Maintenant, bien sûr, il y a une possibilité — probablement assez forte — que le projet de loi soit adopté sans les amendements que vous souhaiteriez voir. Je sais, monsieur Schmidt, que dans votre déclaration à la Chambre des communes, vous avez dit que le processus du plan d’action devrait être doté de ressources adéquates et créer des responsabilités claires. Comme vous le savez, le gouvernement fédéral a affecté des fonds à ce processus dans le budget de 2021.

Pourriez-vous nous parler davantage de vos préoccupations en ce qui a trait au financement et à la reddition de comptes à établir dans le cadre du plan d’action? Nous aimerions en entendre parler.

M. Schmidt : Certainement. Ce que l’industrie et les investisseurs demandent, c’est une reddition de comptes pour garantir que tous les éléments incertains seront réglés le plus rapidement possible. La confiance des investisseurs sera ainsi restaurée; ils sauront à quoi s’attendre lorsqu’ils proposeront un projet.

Madame Joseph, pourriez-vous continuer en donnant des détails?

Mme Joseph : Du point de vue des ressources, nous croyons qu’il est important — et nous avons l’expérience des consultations précoces et fréquentes — que les processus soient dotés de ressources adéquates pour que tous les partenaires, participants autochtones et autres, puissent y prendre part pleinement. Voilà ce qui nous préoccupe en matière de ressources, et nous avons été heureux de constater que ces ressources figurent dans le budget.

En ce qui concerne la reddition de comptes, certains des éléments que nous avons inclus dans nos amendements visent à mesurer les améliorations apportées aux conditions économiques et sociales des peuples autochtones par le développement durable. Nous savons par expérience qu’il y a souvent des débats dans nos projets sur des questions qui n’ont rien à voir avec ceux-ci — des questions non réglées en matière de logement, d’infrastructure ou d’autres questions liées à la responsabilité fédérale. Nous pensons donc que les responsabilités du gouvernement fédéral doivent être claires dans la mise en œuvre du plan d’action afin que l’industrie puisse s’acquitter de ses responsabilités et que le gouvernement s’acquitte des siennes.

La sénatrice Coyle : Merci beaucoup à vous deux.

Le sénateur MacDonald : Madame Joseph, vous avez demandé une définition claire du consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause, ou CPLCC, afin de fournir une plus grande certitude dans la loi quant à la signification de cette notion. Mais le gouvernement a dit que la mise en œuvre du CPLCC serait contextuelle. Vous avez fait remarquer, et vous l’avez répété aujourd’hui que le CPLCC doit être considéré comme un processus et non comme un résultat. À votre avis, quelles seront les conséquences si le CPLCC n’est pas défini dans la loi? À quoi vous attendez-vous?

Mme Joseph : Merci, monsieur le sénateur. Je crois que les entreprises et les investisseurs, et certainement notre industrie, prennent très au sérieux leurs responsabilités en matière de collaboration avec les peuples autochtones. Tous doivent savoir comment assumer leurs responsabilités. De nombreuses responsabilités de la Couronne nous sont déléguées. Si nous ne savons pas comment nous en acquitter, nos membres et — ce qui est encore plus important — leurs investisseurs iront investir ailleurs. Je pense que c’est la conséquence importante que nous voulons souligner.

J’aimerais revenir sur un commentaire que Mme Wheatley a fait plus tôt au sujet des processus reconnus pour bien faire les choses. Nous sommes d’accord pour dire qu’au cours des 15 dernières années, les entreprises et d’autres acteurs ont beaucoup travaillé pour définir le processus de consultation et de participation véritables. Mais ce que nous avons constaté dans la façon dont le gouvernement fédéral essaie maintenant de mettre en œuvre les concepts de la DNUDPA dans la Loi sur l’évaluation d’impact, c’est qu’il s’écarte des principes qui ont été élaborés pour favoriser la création d’un processus souple qui reconnaît les différents impacts sur les droits des différentes nations pour que les entreprises sachent comment assumer leurs responsabilités.

Ce qui nous préoccupe, c’est que nous ne savons pas ce qui va changer; nous croyons qu’il s’agit d’un processus. Les principes de Justice Canada pour les relations avec les peuples autochtones reconnaissent ou considèrent le CPLCC comme un processus. Nous voulons proposer une définition qui, selon nous, s’appuie sur les principes élaborés par les tribunaux et dont l’efficacité a été reconnue.

Le sénateur MacDonald : Merci beaucoup.

Le sénateur Tannas : Bienvenue aux témoins. Monsieur Schmidt et madame Joseph, vous nous avez expliqué concrètement ce que signifie l’incertitude et le fait que nous ne la ressentons pas immédiatement, car rien ne s’arrête — c’est tout simplement parce que quelque chose n’a pas commencé, et cela a plus d’impact sur l’avenir que sur le présent. La situation est probablement encore plus difficile aujourd’hui, étant donné que l’ensemble de l’économie canadienne est soutenu par l’impression d’argent par notre banque centrale. Nous ne ressentons donc pas ce qui se passe actuellement, mais nous le ressentirons un jour.

La vérité, comme la sénatrice Coyle l’a dit, c’est que ce projet de loi sera adopté sans amendement. C’est mon opinion personnelle, et je pense que c’est ce qui va se produire. Par conséquent, les observations deviennent extrêmement importantes, et je crois qu’il doit y en avoir une simplement intitulée « clarté ». Vous avez dit que les bureaucrates semblent déjà prendre les devants, élargir le CPLCC et en faire leur propre interprétation dans le cadre de leur travail rendu possible par le projet de loi C-69.

Vous voyez la nécessité de confirmer que la DNUDPA ne peut s’appliquer immédiatement à toutes les lois du Canada, ce serait donc un autre élément de l’observation concernant la clarté.

Vous avez indiqué que la définition du CPLCC doit figurer dans le plan d’action et que celui-ci doit être doté des ressources nécessaires et faire l’objet d’une consultation appropriée.

Est-ce que j’ai oublié quelque chose ou y a-t-il quelque chose sur quoi vous n’êtes pas d’accord dans ce que j’ai suggéré à des fins de clarté?

Mme Joseph : La seule chose que j’aimerais préciser, c’est que, idéalement, il y aurait un amendement définissant le CPLCC dans le projet de loi. Sinon, je crois que c’est dans le cadre du processus du plan d’action que cette définition devra être précisée. Nous avions un autre amendement concernant la possibilité pour les provinces de mettre au point leur propre approche, un peu comme l’a fait la Colombie-Britannique, ce qui permettrait aux choses d’évoluer de façon unique en fonction du contexte.

La seule chose que j’ajouterais, c’est qu’il est important qu’il y ait une communication claire et continue sur ce qui change le premier jour, parce que ce n’est vraiment pas évident et qu’il y a toutes sortes d’attentes. La clarté sera primordiale.

Le sénateur Tannas : Les attentes, oui, merci beaucoup. C’est bien.

La sénatrice McCallum : Merci de vos exposés.

D’autres personnes ont indiqué qu’il y a beaucoup d’éléments d’incertitude au sein de l’industrie, en ce qui concerne l’autodétermination, les violations actuelles des droits de la personne, en particulier à l’égard des femmes et des enfants, les changements climatiques, les dommages environnementaux, l’atténuation des effets des changements climatiques sur l’environnement et la vie des Premières Nations. et la norme de consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause.

À votre avis, qui doit être autour de cette table, dans le contexte du processus dont vous parlez? Si on ajoute la surreprésentation des Autochtones dans les prisons, les femmes disparues et assassinées, les enfants pris en charge, qui sont autant de formes continues de génocide, que se passera-t-il si ces problèmes ne sont pas abordés dans le plan d’action? Merci.

M. Schmidt : Ce sont des questions importantes que l’industrie reconnaît depuis de nombreuses années. Si vous examinez attentivement certaines des ententes que nous avons conclues avec les Premières Nations, et si vous examiniez la façon dont la vie s’est améliorée dans les communautés où nous avons fait des affaires, je pense que vous verriez une histoire positive. Je ne pense pas que les problèmes mentionnés devraient être exclus des discussions, que ce soit au moyen des principes de la DNUDPA ou autrement. Il est important de faire preuve d’ouverture sur ces questions, car l’industrie est très ouverte à cet égard.

L’industrie prend la réconciliation au sérieux; il suffit de regarder la façon dont nous employons les gens des Premières Nations, la façon dont la pauvreté a été réduite, et dont la santé s’est améliorée dans les communautés où nous travaillons. L’industrie a construit des logements dans plusieurs réserves et a aidé à régler un certain nombre de problèmes culturels. Ma propre entreprise s’occupe beaucoup de préservation culturelle. C’est quelque chose qui va bien au-delà des exigences ou du devoir. Nous prenons tout cela au sérieux. Je pense vraiment que tous ces aspects doivent être pris en considération.

La sénatrice LaBoucane-Benson : Madame Joseph, je suis heureux de vous revoir. Nous avons eu de nombreuses discussions, qui ont commencé lorsque nous examinions la Loi sur l’évaluation d’impact, et plus récemment au sujet du projet de loi C-15. Il me semble que nous avons de nouveau parlé aujourd’hui du problème de l’absence de pipeline et de ce que le manque de capacité a fait et signifié pour les communautés autochtones qui veulent s’investir dans les projets. Nous avons eu cette discussion, qui a commencé avec la LCEE 2012, au moment où la Loi sur l’évaluation d’impact a été modifiée pour offrir un raccourci, ce qui n’a pas fonctionné. Les projets se sont retrouvés devant les tribunaux, et depuis, il y a eu beaucoup de discussions concernant les processus en place qui sont efficaces, qui ne nécessitent pas de recours aux tribunaux, qui permettent d’examiner les droits des peuples autochtones en vertu de l’article 35, de les incorporer dans les projets et de faire en sorte qu’il ne soit jamais nécessaire de recourir aux tribunaux.

Le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause se rapproche beaucoup de la jurisprudence. Nous avons déjà eu cette discussion. Nous en sommes à peu près au même point. La définition que vous avez fournie est en quelque sorte l’aboutissement de ce que dit la jurisprudence. Je pense donc que le seul élément qui manque ici, c’est la consultation des Autochtones sur cette définition. Si cela fait partie du plan d’action — c’est ce que les fonctionnaires nous ont dit, et je crois que c’est une question hautement prioritaire à régler rapidement — comment aimeriez-vous participer à ce plan d’action? Comment allons-nous nous assurer que les voix autochtones seront entendues et que nous arriverons à un ensemble de principes — je ne sais pas si nous trouverons un jour une définition — sur lesquels nous pourrons tous nous entendre? Selon vous, à quoi cela ressemble-t-il?

Mme Joseph : J’aimerais d’abord parler des principes, et ensuite de ce à quoi le plan d’action peut ressembler.

Pour ce qui est des principes, et nous l’avons entendu ici aujourd’hui, nous avons beaucoup travaillé au Canada pour élaborer quelque chose et, oui, notre définition est l’aboutissement de ce que nous croyons avoir été mis au point. Mais je pense que ce qui n’est pas suffisamment reconnu ou ce qui doit être considéré comme une conclusion importante, c’est que, comme pour tous les autres Canadiens, il n’y aura jamais d’unanimité entre tous les titulaires de droits sur la façon dont les choses devraient se présenter.

J’ai entendu certains des témoins du groupe précédent dire que si les entreprises n’obtiennent pas de consentement, c’est un échec pour elles. Encore une fois, nous considérons le consentement comme un processus, et les décisions des tribunaux ont reconnu que l’unanimité n’est pas nécessaire. Comme nous l’avons vu avec le projet de Trans Mountain, plus de 100 collectivités ont dit oui, mais il y en a encore quatre qui disent fermement non. Toutefois, nous avons quand même pu aller de l’avant avec ce projet et procéder à la construction.

Est-ce que cela va changer avec cette loi? Est-ce qu’on s’attend à ce que cela change? Nous avons certainement vu ce genre d’attentes et nous avons entendu parler de changements d’attentes dans les différents témoignages.

Tant que nous reconnaissons tous que nous n’arriverons jamais à un point où tous les êtres humains s’entendent sur tout ce qui doit être fait et qu’il nous faut un processus équitable pour concilier tous les intérêts, cela doit être un élément important de la réflexion.

Pour ce qui est de la participation de l’industrie, nous reconnaissons qu’il faut un dialogue entre le gouvernement du Canada et les gouvernements autochtones. Nous respectons cela. En tant qu’entreprises, nous avons beaucoup d’expérience dans la collaboration précoce, la collaboration continue et la structuration de ces processus. Nous serions heureux d’être invités à cette table, s’il y a lieu, surtout s’il s’agit d’examiner les questions de CPLCC et les expériences que nous avons vécues en consultation. C’est certainement la façon dont nous aborderions la situation.

Le sénateur Patterson : Au Nunavut, nous avons un régime de cogestion dans lequel les Inuits dirigent le processus d’examen réglementaire et participent à toutes les étapes. La participation au capital et le partage des recettes provenant de l’exploitation des ressources ont été garantis dans le cadre des revendications territoriales. Cependant, madame Joseph, dois-je comprendre que la préoccupation que vous exprimez ici aujourd’hui est le fait que, sans amendements traitant des incertitudes claires que vous avez soulignées très fortement, il faut attendre non seulement les deux années requises pour élaborer le plan d’action, mais aussi le temps qu’il faudrait pour le mettre en œuvre? Êtes-vous préoccupée par l’absence d’échéanciers précis et d’attentes claires en matière de procédure comme nous en avons dans les régimes de cogestion du Nord?

Mme Joseph : Pour ce qui est d’un échéancier clair, nous sommes heureux de voir un échéancier plus court pour la préparation du premier plan, qui est maintenant de deux ans. Nous savons que cette déclaration ne porte pas seulement sur l’exploitation des ressources et les entreprises, mais du point de vue des entreprises, il est important que nous comprenions comment nous acquitter de nos responsabilités adéquatement et en temps opportun. Les investisseurs doivent être en mesure d’examiner la loi et de comprendre ce qu’elle signifie, comment les choses se passent et comment elles sont réglées. Si les choses ne sont pas claires, il y aura des conséquences et il importe que les communications soient adéquates. Cependant, les investisseurs prennent aussi leurs propres décisions, donc plus les choses seront claires dès le départ, mieux ce sera.

Le sénateur Patterson : Monsieur Schmidt, avez-vous quelque chose à ajouter?

M. Schmidt : Il y a un manque de clarté. Pour les grands projets linéaires, le processus réglementaire lui-même peut s’élever à plus d’un milliard de dollars. Lorsqu’il y a de l’incertitude dans un processus, surtout vers la fin, lorsqu’il est sur le point d’être approuvé, et qu’on introduit un élément d’incertitude, personne ne veut s’engager. J’aimerais demander à n’importe quel sénateur ici présent aujourd’hui s’il envisagerait d’investir son propre argent — un milliard de dollars à titre d’actionnaire — dans un projet qui pourrait être approuvé dans 8 ou 10 ans. Il n’y a tout simplement pas beaucoup de personnes, et encore moins de sociétés, qui prendraient ce risque.

Ce que nous souhaitons vivement, c’est d’avoir une certaine prévisibilité et certitude au sujet du processus. C’est là que le plan d’action doit être clair et succinct, et que les règles doivent être bien comprises. Les investisseurs pourront alors prendre des décisions et les partenaires autochtones pourront tous en profiter. Tant que nous n’aurons pas cette clarté, tout sera très difficile. Je vous remercie.

Le sénateur Patterson : Merci beaucoup.

Le sénateur Tannas : Ma question s’adresse à Brian Schmidt. Monsieur Schmidt, vous êtes natif de l’Alberta, vous avez grandi dans un ranch. Je pense que vos voisins étaient assez proches des collectivités autochtones. Vous avez passé toute votre vie dans le secteur pétrolier. À votre avis, dans quelle mesure l’industrie a-t-elle changé depuis les caricatures de brutes insouciantes qui ne pensent qu’à l’argent et à fumer des cigares? Comment le secteur a-t-il évolué? Un despote peut-il encore réussir dans le secteur de l’énergie d’aujourd’hui?

M. Schmidt : Très bonne remarque. J’ai grandi à côté des Kainaiwa et des Piikani. Je suis allé à l’école avec beaucoup de ces enfants et j’ai encore de bons amis parmi eux. Mon père faisait affaire avec les Kainai qui lui vendaient des taureaux. J’ai passé bien des années à leur contact. Au début, dans l’industrie pétrolière, nous n’avions presque pas de rapports avec les peuples autochtones, surtout lorsqu’il était question de terres de la Couronne. Les gens ne respectaient pas les lignes de piégeage ou la façon dont nos activités affectaient leur gagne-pain. Cela a complètement changé depuis, parce qu’une entreprise pétrolière et gazière ne peut pas réussir sans la participation des Autochtones. Cette exigence est dépassée depuis longtemps; nous voyons la force de cette relation. Je vois un certain nombre de mes pairs qui n’adhèrent pas à ce respect, qui ne consultent pas et qui tiennent le territoire autochtone pour acquis. J’ai vu cela détruire ces entreprises.

Je pense que ce sera encore plus le cas à l’avenir à cause des énormes pressions environnementales et de la participation accrue des Autochtones. Cela peut vous aider à faire toutes ces choses-là, et le fait de faire participer les Autochtones au capital est la vraie seule façon de permettre la réalisation des projets linéaires. J’ai dit publiquement que les grands projets linéaires sont probablement mieux dirigés par les Premières nations que par l’industrie pétrolière et gazière, car nous avons un rôle de soutien et non de locomotive.

Le sénateur Tannas : Merci.

Le président : Merci, monsieur Schmidt. Cela met fin à nos questions pour ce groupe de témoins que je remercie d’être venus nous rencontrer. Je remercie M. Sevestre, Mme Wheatley, Mme Joseph et M. Schmidt.

Je souhaite maintenant la bienvenue à l’honorable Carolyn Bennett, c.p., députée, ministre des Relations Couronne-Autochtones, et à l’honorable David Lametti, c.p., député, ministre de la Justice et procureur général du Canada. Bienvenue à vous deux. Les ministres sont accompagnés de représentants de leur ministère. Ils prononceront chacun un discours d’ouverture d’environ six minutes, après quoi nous aurons une séance de questions d’environ 3 minutes 20 secondes par sénateur.

La première question sera posée par la marraine du projet de loi, la sénatrice Patti LaBoucane-Benson, et la deuxième, par le porte-parole du projet de loi, le sénateur Dennis Patterson. Les sénateurs souhaitant poser des questions sont invités à lever la main sur Zoom pour le signaler à la greffière. Ils seront reconnus dans le clavardage Zoom. Veuillez noter que les membres du comité auront la priorité sur la liste des intervenants. Toute réponse écrite aux questions posées devra être soumise à la greffière du comité au plus tard le 31 mai 2021, c’est-à-dire aujourd’hui.

Le personnel du comité m’informera, par texto quand il restera 10 secondes au temps de parole des deux témoins, à l’étape des remarques liminaires et en réponse aux questions des sénateurs. Je ferai un compte à rebours visuel de 10 secondes avec les doigts, et quand j’arriverai à zéro, je vous ferai savoir que votre temps est écoulé. J’invite la ministre Bennett à faire sa déclaration préliminaire.

L’hon. Carolyn Bennett, c.p., députée, ministre des Relations Couronne-Autochtones : Merci, sénateur Christmas. Avant de commencer, je tiens à parler de l’horrible découverte à Kamloops, à la fin de la semaine dernière. Nous sommes de tout cœur avec les familles et les communautés touchées par cette nouvelle tragique. Comme tout le monde ici le sait, dans les appels à l’action 71 à 76 et dans le chapitre 4 de son rapport, la Commission de vérité et réconciliation a mis en lumière une partie du passé du Canada et ce qui est arrivé dans les pensionnats, en particulier dans le cas des enfants disparus.

Nous savons, je pense, qu’une fois la vérité connue, il n’est plus possible de l’ignorer. Je voulais simplement que les sénateurs donnent aux membres du comité l’assurance que notre gouvernement continuera de collaborer avec les communautés autochtones à l’élaboration d’approches culturellement adaptées en vue d’identifier ces enfants décédés, de repérer l’emplacement des lieux de sépulture et de commémorer les morts ou les disparus qui fréquentaient ces écoles.

[Français]

J’ai le plaisir de comparaître à nouveau devant vous, alors que vous concluez vos travaux sur le projet de loi C-15. Je suis ici pour discuter du projet de loi en question et de ce que vous avez entendu tout au long de vos travaux.

Je m’adresse à vous aujourd’hui depuis le territoire traditionnel de la Première Nation des Mississaugas de Credit. Je tiens à rendre hommage à ceux qui ont pagayé dans ces eaux et dont les mocassins ont foulé cette terre.

Je suis accompagnée aujourd’hui de Ross Pattee, sous-ministre adjoint, Secteur de la mise en œuvre et de Marla Israel, directrice générale de Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada.

[Traduction]

Comme vous le savez, après des décennies de travail de la part de nombreux leaders autochtones inspirants — dont M. Wilton Littlechild, l’ancien député néo-démocrate Romeo Saganash, Sakej Henderson et tant d’autres — la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones a été adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies il y a maintenant plus de 13 ans.

Il y a cinq ans, j’ai assisté avec fierté à l’instance permanente des Nations Unies sur les questions autochtones pour annoncer l’appui du Canada à la déclaration, et réaffirmer l’engagement du Canada à adopter et à mettre en œuvre, sans réserve, ce document historique international sur les droits de la personne, conformément à la Constitution canadienne.

Comme je l’ai fait lors de ma comparution devant ce comité plus tôt ce mois-ci, je tiens à souligner le travail de l’ancien député néo-démocrate Romeo Saganash sur le projet de loi C-262 émanant des députés, qui visait à fournir un cadre législatif fédéral pour la mise en œuvre de la déclaration ici au Canada.

Comme vous le savez, après la mort au Feuilleton du projet de loi C-262 au cours de la dernière législature, notre gouvernement s’est engagé à présenter la législation gouvernementale visant à mettre en œuvre la déclaration établissant l’ancien projet de loi C-262 comme plancher, et je vous exhorte maintenant à adopter le projet de loi C-15.

Comme nous l’avons tous entendu dire, la Colombie-Britannique a déjà adopté à l’unanimité le projet de loi 41 en 2019, qui donne au gouvernement de cette province le mandat d’harmoniser les lois provinciales avec la déclaration et qui exige l’élaboration d’un plan d’action pour réaliser cette harmonisation dans le temps. L’adoption du projet de loi 41 et les premières étapes de sa mise en œuvre ont été extrêmement positives en Colombie- Britannique.

Je ne vous apprendrai rien en vous disant que le comité a accueilli le chef national de l’APN, Perry Bellegarde, qui vous a dit ceci :

Vous remarquerez que le projet de loi exige que les lois du Canada soient conformes aux droits et aux normes énoncés dans la déclaration. Ces mesures, ainsi qu’un engagement législatif à l’égard d’un plan d’action élaboré avec les peuples autochtones, aideront à susciter et à soutenir le changement transformateur qui s’impose de toute urgence.

Par ailleurs, voici ce que Natan Obed, président d’ITK vous a déclaré :

Nous estimons que cette mesure législative fédérale apporte une contribution positive en vue d’appliquer également les droits de la personne à tous les citoyens canadiens.

De son côté, David Chartrand, s’exprimant au nom du Ralliement national des Métis devant le comité INAN, a mentionné ceci :

Nous croyons que l’adoption de ce projet de loi est essentielle à un avenir qui respecte nos droits en tant que nation. Nous exhortons les députés à accélérer le processus pour que le projet de loi C-15 soit adopté au cours de la présente session du Parlement.

Cette mesure législative bénéficie d’un vaste appui des Premières Nations, des Inuits et des Métis de partout au pays et représente une étape positive essentielle vers la réconciliation. Le projet de loi C-15 est le fruit d’une consultation approfondie et significative auprès des titulaires de droits autochtones et d’autres partenaires, et le projet de loi reflète ces commentaires.

Nous reconnaissons que certains partenaires autochtones ont exprimé des préoccupations. Ainsi, nous avons répondu à certaines d’entre elles au moyen de modifications, et d’autres grâce à une mobilisation et à des éclaircissements continus et nous continuerons de le faire.

Après l’adoption de ce projet de loi, l’élaboration du plan d’action sera une autre occasion d’aborder les priorités et de travailler en étroite collaboration avec les organes directeurs autochtones, les organisations régionales, les femmes et d’autres intervenants à la mise en œuvre.

Le budget de 2021 prévoit 31,5 millions de dollars sur deux ans pour appuyer l’élaboration significative du plan d’action du projet de loi C-15 avec les partenaires et les experts autochtones, afin d’assurer la mise en œuvre efficace et responsable de la loi.

Nous serions heureux de recevoir les conseils et les observations du comité, sur la façon de s’assurer que les titulaires de droits et d’autres partenaires autochtones participent véritablement à un processus crédible d’élaboration conjointe.

Mme Mary Ellen Turpel-Lafond a tenu les propos suivants devant ce comité :

Nous devons adopter ce projet de loi afin d’avoir des outils et des approches qui sont plus affirmatifs et qui font progresser la réconciliation, pour que la Couronne ait une orientation appropriée à l’égard du projet de loi C-15 afin que les engagements avec les peuples autochtones soient respectueux et fondés sur la reconnaissance des droits.

J’aimerais citer M. Wilton Littlechild, qui a dit ceci :

Je vous exhorte à adopter ce projet de loi de façon non partisane, car il porte sur l’égalité, la survie, la dignité, le bien-être et la réconciliation.

Merci. Meegwetch.

Le président : Merci, madame la ministre. Monsieur le ministre Lametti, vous avez la parole pour vos remarques liminaires.

L’hon. David Lametti, c.p., député, ministre de la Justice et procureur général du Canada : Merci, monsieur le président et honorables sénateurs.

[Français]

Bonjour. J’aimerais tout d’abord reconnaître que je me joins à vous du territoire traditionnel de la nation algonquine. Je vous remercie de m’offrir l’occasion d’être ici aujourd’hui pour poursuivre notre discussion sur le projet de loi C-15, Loi concernant la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.

[Traduction]

Avant de commencer mes remarques officielles, je tiens, moi aussi, à parler de l’horrible nouvelle de Kamloops, vendredi, soit la découverte d’une fosse commune contenant les corps de 215 enfants autochtones sur les terrains de l’ancien pensionnat de Kamloops.

Cela me brise le cœur. Pour être honnête, cela me met en colère. Cette découverte raconte un épisode tragique et honteux de l’histoire du Canada et souligne le travail que nous allons devoir continuer de faire pour reconnaître la tragédie nationale des pensionnats indiens, pour la comprendre et pour y réagir.

Comme la ministre Bennett l’a dit, le gouvernement veillera à ce que cela se produise. Je vous assure que, pour tout ce qui relève du portefeuille de la Justice, j’examinerai toutes les options quant à la façon de faire avancer ce processus très nécessaire.

[Français]

Depuis que la ministre Bennett et moi avons comparu devant vous, le 7 mai dernier, vous avez eu l’occasion d’étudier le projet de loi et d’entendre les points de vue de nombreux témoins, notamment des universitaires, des experts en droit et en matière de politiques et des dirigeants autochtones, y compris ceux représentant les jeunes Autochtones. Ces témoins ont apporté une variété de perspectives.

[Traduction]

Je vous remercie du temps et des efforts que vous consacrez à cet important projet de loi. Le projet de loi C-15 peut contribuer à structurer un dialogue axé sur la collaboration avec les peuples autochtones et sur leur respect, et à établir des mesures concrètes qui nous aiderons à progresser ensemble.

Tout au long de l’étude de ce texte en comité, il a beaucoup été question du consentement préalable qui doit être donné librement et en connaissance de cause. Comme je l’ai toujours dit et répété, le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause, est synonyme de la participation des peuples autochtones, dès le départ, une participation qui permet d’éclairer et même d’influencer les processus décisionnels du gouvernement. Bien que la démarche proposée ne supprime pas ou ne remplace pas le pouvoir du gouvernement de prendre des décisions, elle éclaire la façon dont ce pouvoir devrait être exercé.

Ces dernières années, le gouvernement du Canada a pris des mesures pour améliorer les processus de consultation et de mobilisation dans divers contextes, y compris dans le secteur des ressources naturelles, cela au moyen de lois comme la Loi sur l’évaluation d’impact.

Un certain nombre de témoins ont parlé avec éloquence d’autres approches possibles, comme la formule des conseils de cogestion dans le Nord et les accords de traités modernes, qui offrent tous des processus décisionnels efficaces et consensuels. Ce sont là des exemples positifs de collaboration qui devraient tous nous inspirer tandis que nous entreprenons l’important travail de mise en œuvre de la déclaration.

D’un autre côté, il est impératif de ne pas oublier et au contraire de reconnaître que la déclaration est un instrument des droits de la personne. Elle porte notamment sur le développement durable des ressources économiques, mais elle va bien au-delà. Nous ne devons pas limiter notre vision de la déclaration, parce qu’elle comprend une gamme complète de droits économiques, sociaux, culturels, politiques et civils qui sont essentiels à la dignité et au bien-être des peuples autochtones. Il s’agit d’un outil essentiel dans nos efforts collectifs pour nous permettre de nous attaquer aux séquelles du colonialisme, du racisme systémique et de la discrimination auxquels sont confrontés les peuples autochtones au Canada.

Malgré les nombreux exemples d’innovation et de réussite dans les communautés métisses, inuites et de Premières Nations, l’omniprésence des désavantages, des préjugés et du racisme auxquels font face les peuples autochtones est bien documentée. De nombreuses enquêtes ont abouti à des conclusions semblables, comme le rapport final sur l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, comme le rapport Commission de vérité et réconciliation du Canada : Appels à l’action, l’enquête publique du gouvernement du Québec — la Commission Viens — sur les pratiques discriminatoires dans la prestation des services, et d’innombrables autres documents dont le récent rapport de Mme Mary Ellen Turpel-Lafond, In Plain Sight, qui met en exergue le racisme et la discrimination auxquels les Autochtones sont confrontés dans le système de soins de santé de la Colombie-Britannique, ainsi que des rapports internationaux sur la situation des droits de la personne au Canada, comme le Rapport mondial 2020 de Human Rights Watch de l’ONU.

Notre pays peut faire mieux, et nous ferons mieux.

[Français]

Cela ne sera pas facile et prendra du temps, mais la mise en œuvre de la déclaration visant à faire progresser la réconciliation nous aidera à y parvenir. Par exemple, le gouvernement du Canada poursuivra ses travaux sur les questions liées à la santé des Autochtones et la législation encadrant les services de police pour lutter contre la discrimination systémique et la surreprésentation des Autochtones au sein du système de justice canadien au moyen d’une stratégie en matière de justice autochtone et de négociations en cours, par l’entremise des tables de discussion sur la reconnaissance des droits autochtones et l’autodétermination.

[Traduction]

En fin de compte, le projet de loi C-15 vise à légiférer l’engagement de notre pays envers la réconciliation et l’affirmation des droits de la personne des peuples autochtones. Il propose une approche structurée et systématique de collaboration et de respect à l’égard de questions d’importance pour tous les Canadiens. C’est pourquoi, comme de nombreux témoins vous l’ont dit, il est important d’adopter ce projet de loi sans tarder.

Les dirigeants nationaux de l’Assemblée des Premières Nations, du Ralliement national des Métis et d’Inuit Tapiriit Kanatami, entre autres, nous ont demandé d’adopter le projet de loi C-15 sans tarder.

Honorables sénateurs, c’est dans le cadre du travail de collaboration qui suivra la sanction royale que de réels progrès seront réalisés en vue d’atteindre les objectifs de la déclaration. Il est temps de tourner la page et d’entamer le prochain chapitre de notre cheminement vers la réconciliation, qui fera du Canada un meilleur pays pour tous. Merci.

Le président : Merci, monsieur le ministre. Nous allons maintenant passer aux questions.

La sénatrice LaBoucane-Benson : Je remercie les ministres de leur présence. Ma question s’adresse à la ministre Bennett.

Des chefs de traité et des chefs titulaires de droits issus de traités de ma région, le chef d’Alexander, le chef d’O’Chiese et le grand chef actuel, nous ont dit qu’ils s’opposent au projet de loi C-15 parce qu’ils veulent restés concentrés sur les pourparlers relatifs au traité, à leurs droits issus de traités et à la pleine réalisation des promesses du traité. Nous venons de recevoir une lettre d’appui au projet de loi C-15 de Louis Bull, de la nation crie d’Enoch et de l’ancien grand chef de Samson.

Pouvez-vous aider le comité à comprendre ce qui se passe actuellement dans les pourparlers sur les traités? J’aimerais me concentrer sur le Traité no 6 en particulier. Quel engagement a été pris afin que l’on veille à tenir les promesses du traité?

Mme Bennett : Je remercie la sénatrice de sa question, car elle est très importante. Tandis que nous progressons sur la voie de l’autodétermination, nous parlons des droits inhérents et issus de traités, et les nations doivent choisir un modèle de gouvernance qui fonctionnera pour elles dans leur relation avec le Canada.

La gouvernance des traités était une priorité pour l’ancien grand chef du Traité no 6, Billy Morin.

Nous tenons à appuyer toute forme de gouvernance visant à rebâtir les nations et à assurer la gouvernance des traités. Nous voulons travailler avec nos partenaires sur la façon dont ils s’affranchiront de la Loi sur les Indiens suivant un modèle de gouvernance qui fonctionnera pour eux, en fonction de leurs lois et coutumes traditionnelles, et de la façon dont ils ont pris des décisions en tant que nations dans le passé.

La sénatrice LaBoucane-Benson : Merci beaucoup.

Le sénateur Patterson : Merci beaucoup aux ministres d’être ici.

Madame la ministre Bennett, la dernière fois que vous avez comparu devant le comité, vous avez dit à plusieurs reprises que l’approche du gouvernement pour la mise en œuvre de la déclaration des Nations Unies était « rien sur nous, sans nous ». Depuis, madame, nous avons entendu plusieurs titulaires de droits des traités 6, 7 et 8 nous expliquer qu’ils sont mécontents que ce projet de loi puisse être adopté sans que le gouvernement respecte la relation bilatérale découlant des traités. Ils nous ont parlé d’accords n’ayant abouti à rien.

L’Association of Iroquois and Allied Indians a dénoncé l’absence de consultations appropriées des titulaires de droits en Ontario. Des organismes communautaires comme Defenders of the Land et Idle No More invitent les communautés et les nations à rejeter ce projet de loi. Nous avons également entendu dire à maintes reprises que l’APN est une organisation de lobbying qui ne représente pas les titulaires de droits. De nombreux autres témoins et mémoires ont abondé dans le même sens.

Le Sénat a le devoir solennel d’écouter et de représenter les minorités. Donc, face à des commentaires comme « nous ne donnons pas notre consentement » et « nous rejetons ce projet de loi », madame la ministre, n’est-on pas en train de cheminer sans l’appui de ces dirigeants de communautés autochtones, de ces signataires de traités et de ces titulaires de droits?

Mme Bennett : Je vous remercie de la question. Les parlementaires que nous sommes savons que consensus ne veut pas dire unanimité. Même dans le cas de l’article 35, des gens ne croyaient pas que les droits des Autochtones devraient figurer dans la Constitution du Canada; ils étaient d’avis que cela méritait un traitement distinct. Encore beaucoup de Canadiens demeurent de cet avis en ce qui concerne le projet de loi C-15.

Les titulaires de droits sont des particuliers. Vous avez raison de dire que les organisations ne disposent pas de droits. Nous avons affaire à des particuliers et je pense, comme la sénatrice LaBoucane-Benson l’a dit, que tant que les titulaires de droits n’auront pas désigné de porte-parole, nous ne serons pas dans un véritable partenariat avec les titulaires de droits de ce pays.

Vous le savez fort bien, sénateur, que, s’agissant de Natan Obed et d’ITK, des titulaires de droits que sont les Inuits, ces gens-là sont tout à fait d’accord pour dire que c’est la voie à suivre.

Nous continuerons de participer au plan de mise en œuvre, mais il y a consensus pour aller de l’avant à cet égard, consensus qui existe au Canada depuis plus d’une décennie. Il suffit de jeter un coup d’œil en arrière pour se rendre compte que nous avons changé l’histoire en mettant en œuvre les droits des Autochtones au Canada et en les intégrant dans le droit canadien.

Le sénateur Patterson : Merci.

La sénatrice Coyle : Merci beaucoup, madame la ministre Bennett et monsieur le ministre Lametti, d’être de nouveau parmi nous aujourd’hui.

Vous avez raison, nous avons entendu beaucoup de commentaires positifs dans les derniers jours de témoignages intenses sur le projet de loi C-15. La majorité nous a demandé d’adopter cette mesure de toute urgence.

Cela ne veut cependant pas dire que nous ne devons être à l’écoute de ceux qui ont de véritables préoccupations. Nous avons entendu les préoccupations des détenteurs de droits au sujet des droits issus de traités, mais aussi au sujet de tout le processus de consultation. Nous avons entendu beaucoup de méfiance.

Les représentants du secteur des ressources nous ont fait part de leurs préoccupations au sujet de ce projet de loi, qui aggrave une situation délicate en partant, un manque de clarté, et cetera, dans le secteur des ressources. Nous avons également entendu une ministre provinciale des Affaires autochtones, Mme Dunn, du Nouveau-Brunswick. Comment réagissez-vous à ce qu’elle a dit? Ma question s’adresse à n’importe lequel de vous.

Elle a dit que le gouvernement fédéral a décidé de répondre au rapport de la Commission de vérité et réconciliation afin d’adopter et de mettre pleinement en œuvre la déclaration des Nations Unies en intégrant le texte complet de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones dans la loi fédérale. Selon elle, le gouvernement n’a pas le pouvoir de faire ce choix pour le Nouveau-Brunswick pas plus que pour toute autre administration canadienne, et pourtant, il semble que c’est ce qu’il fait. Le projet de loi C-15 affirme que la déclaration est une source d’interprétation en droit canadien, mais que ce n’est pas une loi fédérale créée par le Parlement du Canada. Il s’agit d’un changement précis que le Nouveau-Brunswick souhaite voir apporter avant que le projet de loi C-15 ne reçoive la sanction royale.

Il reviendrait peut-être au ministre Lametti de parler des lois en vigueur au Canada par rapport aux lois fédérales et des répercussions que cela représente pour les provinces. Merci.

M. Lametti : Merci de votre question, sénatrice Coyle. Elle soulève un point important parce qu’il y a un malentendu fondamental à la base.

Nous avons agi selon les principes généraux appliqués par le Canada dans la mise en œuvre des traités signés en droit international. Une fois mis en œuvre, ce traité, par l’entremise du plan d’action et de tout changement qui y sera apporté, s’appliquera aux lois du Canada, c’est-à-dire aux lois fédérales, et les provinces devront ensuite mettre en œuvre des mesures dans leurs champs de compétence, comme la Colombie-Britannique l’a déjà fait.

Quand le gouvernement conservateur précédent a adopté la déclaration, celle-ci avait une force interprétative en droit canadien. C’est ce à quoi la ministre du Nouveau-Brunswick fait allusion. La force interprétative existe déjà, parce que le texte a été adopté par le gouvernement, comme tous les autres textes internationaux, notamment ceux des Nations Unies auxquels le Canada adhère. Ils s’accompagnent d’une force interprétative.

Il y a donc déjà une force interprétative dont les tribunaux canadiens doivent tenir compte à tous les échelons de la société et du gouvernement au Canada. C’est déjà le cas.

Cette loi d’exécution permettra de mettre en œuvre les lois fédérales, et nous encouragerons les provinces et les territoires à faire de même dans leurs domaines de compétence.

Le président : Je suis désolé, mais votre temps est écoulé.

Le sénateur Francis : Ma question s’adresse aux deux ministres.

Ce n’est un secret pour personne qu’il y a beaucoup de scepticisme, de méfiance et même de crainte à l’égard du gouvernement fédéral dans certaines communautés autochtones en raison de la colonisation et des politiques et pratiques qui en ont découlé. Qu’est-ce que vous et votre gouvernement êtes prêts à faire exactement pour mieux gérer cette dynamique complexe? Pourriez-vous, s’il vous plaît, nous indiquer des mesures immédiates et concrètes que vous comptez prendre dans la foulée de l’adoption de ce projet de loi?

M. Lametti : Je vous remercie de la question.

Je reconnais que cette méfiance existe. C’est triste à cause de notre histoire coloniale, et elle est largement méritée. La découverte récente à Kamloops n’est qu’un autre exemple de cette tragédie.

La seule façon d’inverser le courant est de procéder étape par étape. Je pense que notre gouvernement a pris des mesures concrètes. L’adoption de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones et son intégration dans le droit fédéral canadien est une étape importante. C’est plus que symbolique. Cela exige que nous ayons un plan d’action et que nous l’élaborions en collaboration et en consultation avec les peuples autochtones de partout au Canada et en fonction de leurs diverses formes de leadership. Nous devons le faire avec les titulaires de droits, les bénéficiaires des traités modernes et des anciens traités, avec les organisations nationales et régionales, et cetera. C’est aussi une étape importante.

J’ai été chargé d’élaborer une stratégie en matière de justice autochtone. Il y a une semaine et demie, j’ai investi dans une vingtaine de projets d’un demi-million de dollars chacun, à l’échelle du Canada, pour aider à revitaliser les systèmes juridiques autochtones normatifs, et nous continuerons de faire ces investissements dans le cadre de l’appel à l’action 50.

La ministre Bennett fait progresser d’autres projets liés aux traités et à la négociation. Le ministre Miller, lui, travaille sur le dossier de l’eau potable. Nous faisons de réels progrès à cet égard.

Nous allons y arriver. C’est un projet national. Il nous faudra encore du temps, mais il vaut la peine de déployer tous les efforts possibles. Nous devons simplement continuer d’exercer des pressions sur tous les fronts afin de rebâtir la confiance qui, dans bien des cas, a été perdue, d’où ce sentiment de déception, d’insatisfaction et de méfiance qui est entièrement justifié. Nous devons rebâtir la confiance.

Mme Bennett : Sénateur, je voulais simplement dire que la DNUDPA est mentionnée dans le projet de loi C-91 sur les langues et dans le projet de loi C-92 sur les services à l’enfance et à la famille, et cela nous permet maintenant d’élaborer la législation en matière de santé des Autochtones, tandis que le ministre Miller travaille avec les communautés. Je crois que Mme Mary Ellen Turpel-Lafond vous a dit que l’article 24 et d’autres articles nous ouvrent la voie, de sorte que les Premières Nations, les Inuits et les Métis puissent bénéficier des mêmes conditions de santé que les autres Canadiens, mais avec leurs propres médicaments, leurs gardiens du savoir et leurs guérisseurs traditionnels avec qui ils pourront mettre sur pied un système de santé qui fonctionne pour eux.

Le sénateur Francis : Merci à vous deux.

Le président : Merci, madame la ministre et monsieur le ministre.

Le sénateur MacDonald : Je crois que je vais m’adresser à la ministre Bennett en revenant sur la question du sénateur Patterson. Vous avez dit : « Rien sur nous, sans nous. » Parmi les voix qui se sont exprimées, il y avait celles des ayants droit qui militent pour la réconciliation économique et pour l’élimination de la pauvreté qui alimentent tant d’indicateurs sociaux négatifs, et j’ai du mal à accepter que les préoccupations exprimées au premier ministre par Dale Swampy au nom de la National Coalition of Chiefs n’aient reçu qu’une réponse générique. M. Swampy a déclaré que le premier ministre avait promis que son cabinet et celui des autres ministres s’occuperaient de leurs problèmes, et il a ajouté :

Bien sûr, nous n’avons jamais reçu de réponse par la suite. Nous avons été découragés par le fait que cela n’ait jamais vraiment fait l’objet d’un suivi.

Dites-moi, madame la ministre, est-ce cela un véritable partenariat avec les titulaires de droits, c’est-à-dire le fait de contourner quiconque qui n’est pas d’accord avec vous pour traiter uniquement avec des organisations nationales qui, selon plusieurs, ne sont pas habilitées à prendre ces décisions en leurs noms? Merci.

Mme Bennett : Je pense que le ministre Lametti sera en mesure de poursuivre la mise en œuvre. Mais pour ce qui est de l’autodétermination économique, je pense que, même dans l’industrie des ressources non autochtones, beaucoup pensent que cela sera très utile pour aller de l’avant avec certitude et pour s’assurer, encore une fois, que cela ne se retrouve pas devant les tribunaux ou ne fasse l’objet de blocus. Le fait que les Autochtones participent à un projet de ressources dès le début assure la durabilité de ce projet. Je pense qu’à mesure que nous progressons — comme ce fut le cas avec les nations autonomes du Yukon —, nous pouvons établir un véritable partenariat en matière de développement des ressources et d’avenir économique.

M. Lametti : Merci, sénateur MacDonald. Si je puis me permettre, en ce qui concerne le processus de consultation, nous n’avons pas seulement consulté les organisations nationales. Il est vrai que les organisations nationales ne représentent pas les titulaires de droits, mais elles représentent un grand nombre de dirigeants autochtones de partout au Canada. Nous avons consulté les titulaires de droits. Nous avons consulté les nations signataires de traités modernes, les nations signataires de traités traditionnels et les nations non-signataires de traités. Nous avons dit que nous commencerions au début du processus, que nous déposerions le projet de loi et que nous continuerions de consulter, ce que nous avons fait, et ce que je continue de faire.

Notre équipe a ouvert les canaux de communication. Elle s’est rendue disponible, y compris à des groupes qui n’ont peut-être pas répondu par un appel. Nous continuons donc d’exercer des pressions et d’essayer d’en parler le plus possible, et nous comblerons les lacunes dans le plan d’action. Nous allons continuer de tendre la main au plus grand nombre de peuples au Canada, au plus grand nombre de nations au Canada, quelle que soit leur forme de gouvernance, mais en particulier nous tendrons la main aux détenteurs de droits, évidemment, avec qui nous allons continuer de travailler et de collaborer. Compte tenu du temps dont nous disposons, je pense que nous avons fait du bon travail et que nous continuerons de parler avec tous les groupes possibles.

Le président : Merci, monsieur le ministre.

La sénatrice Anderson : Ma question fait écho à celle du sénateur Francis. C’est bien de voir que nous sommes sur la même longueur d’onde, mais je pense qu’il est important de poser la question. Je vais adresser la mienne à la ministre Bennett.

Certains témoins qui n’appuient pas le projet de loi C-15, nous ont parlé d’un manque de confiance envers le Canada relativement au respect des ententes et des engagements historiques en matière de traités conclus avec les peuples autochtones. Cela comprend des engagements comme le Plan d’action pour les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées et, disons-le franchement, les droits fondamentaux de la personne pour les peuples autochtones du Canada, y compris le logement, l’eau potable, des soins de santé adéquats, la sécurité alimentaire et l’éducation.

Madame la ministre, le projet de loi C-15 ne va pas assez loin pour certains, et la « bonne foi » et l’« honneur de la Couronne » ne suffisent plus pour certains titulaires de droits. Ce projet de loi exige de croire que le Canada agira honorablement en harmonisant ses lois fédérales avec la déclaration des Nations Unies, ce qui équivaut à un énorme acte de foi. Qu’êtes-vous prête à faire avec le projet de loi C-15 pour renforcer la confiance et veiller à ce que le Canada honore sa relation avec les peuples autochtones? Je vais en dire un peu plus à ce sujet. Non seulement si ce projet de loi est adopté, mais aussi s’il contient des mesures concrètes pour assurer son adoption? [mots prononcés dans une autre langue].

Mme Bennett : [mots prononcés dans une autre langue]. Quand on songe aux investissements qui ont été faits, on voit que c’est la relation la plus importante qui soit pour notre gouvernement, comme l’a dit le premier ministre. Chaque ministre sait maintenant que la relation doit être fondée sur la reconnaissance des droits, le respect, la coopération et le partenariat, et cela dans tout ce que nous faisons.

Je pense que notre réponse à l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées est un exemple de réponse pangouvernementale où il ne s’agit pas seulement des relations entre la Couronne et les Autochtones. Le budget prévoit ensuite 2,2 milliards de dollars, ainsi que 18 milliards de dollars pour s’attaquer à tous les déterminants sociaux que vous avez mentionnés, et il s’agit d’un engagement dans la durée.

Le cynisme est mérité, comme l’a dit le ministre Lametti. Nous sommes conscients qu’il faudra longtemps pour rétablir la confiance. Nous sommes déterminés à être un véritable partenaire tandis que nous voulons respecter l’esprit et l’intention des traités et de l’accord initial voulant que les terres soient partagées équitablement. C’est vraiment ce que signifient les droits des peuples autochtones. Pour ce qui est des bénéficiaires des revendications territoriales, je dirais que le partenariat entre les Inuits et la Couronne — à la façon dont nous avons travaillé avec les Inuits et le président Obed — est un exemple de la façon dont nous pouvons progresser. Les titulaires de droits sont d’excellents partenaires.

Le président : Merci, madame la ministre.

La sénatrice Stewart Olsen : Ma question s’adresse au ministre Lametti. Je m’appuie sur une très bonne question de la sénatrice Coyle au sujet des lois provinciales et fédérales. Votre réponse, monsieur Lametti, ne m’a pas semblé très claire. Nous avons reçu un mémoire des Premières Nations de Champagne et d’Aishihik. Il y est dit sans ambages que le cadre s’applique au gouvernement territorial du Yukon. L’application des lois du Canada donne encore lieu à de la confusion et à des attentes différentes.

Je crois comprendre, monsieur le ministre, que la DNUDPA sert déjà d’outil d’interprétation aux tribunaux. Cependant, afin que ceux qui s’inquiètent des lois susceptibles d’être visées par le plan d’action comprennent bien la situation, diriez-vous que ce projet de loi ne s’applique qu’aux lois fédérales?

M. Lametti : Merci, sénatrice. La réponse courte à cette question est oui. Nous parlons habituellement des lois du Canada pour désigner les lois fédérales.

Je comprends que les territoires ont un statut légèrement différent parce qu’ils sont des émanations juridiques du palier fédéral, mais nous avons clairement dit dès le départ que cela ne désigne pas les « lois du Canada », comme nous en avons parlé ici. Il n’est pas question de changer le statut des territoires, mais plutôt d’obliger les territoires à mettre en œuvre eux-mêmes la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Force est de constater que, jusqu’à présent, ils ont fait preuve d’une grande volonté puisqu’ils en ont discuté. On peut espérer qu’ils progresseront rapidement, mais ils ont exprimé un intérêt à le faire au sujet de leurs lois.

La disposition d’interprétation est devant les tribunaux et les tribunaux canadiens. Il est exact que la déclaration peut déjà servir d’outil d’interprétation, comme c’est le cas pour toute autre déclaration de l’ONU adoptée par le Canada.

La sénatrice Stewart Olsen : Merci, monsieur le ministre. Vous dites que vous avez été très clair, mais lorsqu’une ministre provinciale nous dit que ce n’est pas clair, je vous exhorte à vous engager à communiquer avec les gens des provinces et des territoires et à leur parler parce que cela doit être absolument clair.

M. Lametti : Avec tout le respect que je vous dois, sénatrice, c’est ce que j’ai fait lors d’une réunion fédérale-provinciale-territoriale. J’ai été très clair dans mes remarques. Puis, malheureusement, l’un des ministres a pris la parole par la suite comme s’il n’avait pas écouté mes remarques.

Nous essayons d’être clairs depuis le début. Je crois qu’il y a des manœuvres politiques en cours. Mais nous avons clairement exprimé notre volonté que ce projet de loi s’applique aux lois fédérales. C’est le cas de tout traité mis en œuvre au Canada après la décision de la Cour suprême dans le renvoi sur les relations de travail. Nous adoptons les traités internationaux, puis nous les mettons en œuvre dans nos champs de compétence, après quoi les provinces et les territoires font la même chose en ce qui les concerne. C’est une pratique de longue date au Canada.

La sénatrice Stewart Olsen : Merci, monsieur le ministre.

Le sénateur Tannas : J’ai deux questions à poser au ministre Lametti. Tout d’abord, nous avons entendu des préoccupations sous diverses formes de la part de toutes sortes de gens, de tous les côtés, au sujet de la clarté et des attentes divergentes des gens.

Vous avez été très clair lors de la première rencontre que nous avons eue avec vous au sujet d’un certain nombre de choses : l’application de la loi et le fait que le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause sera précisé à la faveur de l’élaboration du plan d’action bisannuel, et cetera. De nombreux extraits de ce qui s’est dit ici, que nous pourrions retrouver dans les transcriptions, pourraient servir de citations directes dans un document destiné à vraiment tirer les choses au clair.

Avant d’aller plus loin, y a-t-il quelque chose que vous-même ou l’un de vos collaborateurs aimeriez préciser ou retirer après ce que vous nous avez dit lors de notre première réunion?

M. Lametti : Non, du moins pas de mémoire, et mon équipe ne m’a rien signalé.

Vos observations sont les bienvenues, sénateur Tannas. Elles seraient particulièrement utiles pour la mise en œuvre et l’élaboration du plan d’action.

Le sénateur Tannas : Je suis d’accord avec vous, monsieur. Je vais travailler fort pour convaincre mes collègues que c’est quelque chose d’important que nous devons faire.

J’ai une autre question. Beaucoup nous ont dit qu’il était important de définir le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause pendant la période visée par le plan d’action. J’ai été surpris de constater que Romeo Saganash n’était pas très enthousiaste à ce sujet. Il n’a pas dit qui devrait le définir et s’il fallait que ce soient les tribunaux au fil des ans. Madame la ministre Bennett ou monsieur le ministre Lametti, avez-vous quelque chose à ajouter au sujet de ce que nous devons faire pour préciser ce que veut dire le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause, plutôt que de voir tout le monde se présenter devant les tribunaux dans les 10 prochaines années pour obtenir une réponse?

M. Lametti : Merci, sénateur. Encore une fois, l’idée du consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause est un processus. Il s’agit d’amener les peuples autochtones à la table pour parler de la mise en valeur des ressources ou de tout ce qui a une incidence sur eux, sur leur vie ou sur leurs terres.

Il s’agit essentiellement d’un processus, c’est contextuel et ce ne peut être défini ex ante, a priori. C’est impossible parce que nous sommes en présence d’une multitude de contextes différents dans lesquels les peuples autochtones se trouvent, en plus du contexte de ce qui est proposé. Il s’agit de commencer par instaurer un dialogue véritable. Je suis intimement convaincu que cela permettra d’éviter beaucoup de conflits et beaucoup de contentieux judiciaires. C’est en se parlant et en communiquant dès le début qu’on parvient au mieux à éviter les litiges.

Nous pouvons donc travailler à l’élaboration des principes directeurs du plan d’action et ce genre de choses, mais je suis d’accord avec mon ancien collègue Romeo Saganash pour dire qu’il serait impossible de définir ce qu’il faut exactement entendre par là. Nous devons donc poursuivre sur la lancée.

La sénatrice Pate : Je remercie les deux ministres de leur présence. Ma question s’adresse au ministre Lametti. Merci beaucoup de vos commentaires sur la façon dont vous envisagez de mettre en œuvre la déclaration des Nations Unies à l’échelon fédéral.

Comme vous le savez, en l’absence de mesures préalables pour régler des problèmes comme les inégalités économiques, sociales et autres — sans parler des avis d’ébullition de l’eau et de ce genre de choses dont le règlement serait synonyme de plus d’égalité pour les peuples autochtones et constituerait pour eux un point de départ —, il y a les mesures de financement dont vous avez parlé pour intégrer la dimension autochtone dans le système de justice pénale. Toutes les mesures antérieures du même genre se sont soldées par une augmentation paradoxale du nombre d’Autochtones criminalisés, sans doute parce que ces mesures préalables n’avaient pas été mises en œuvre.

Selon vous, comment ces mesures seront-elles prises et quelles dispositions — en particulier en ce qui concerne le financement que vous engagez pour les communautés autochtones — devraient permettre de décoloniser le système, de décriminaliser les approches, et de favoriser la non-incarcération? Comme vous le savez, parlant de tout ce qui a été proposé jusqu’à maintenant, les critiques disent que le projet de loi ne permettra pas d’atteindre ces objectifs. En fait, votre ministère n’a pas été en mesure de fournir les données à l’appui de ces prétentions.

M. Lametti : Merci beaucoup d’avoir posé cette question.

Je pense que nous sommes sur la même longueur d’onde en ce sens que nous visons le même résultat. Nous savons que nous devons tenir compte de ces divers déterminants sociaux et les améliorer si nous voulons réussir. Pour réussir dans le système de justice pénale, nous devons nous attaquer au problème du logement, de l’eau potable, du racisme systémique et des systèmes de santé, entre autres.

À mon avis, nous le faisons déjà. Nous essayons de tout accomplir en même temps sur de nombreux fronts. Un grand nombre de nos collègues se consacrent à ces objectifs. Encore une fois, je tiens à souligner le travail du ministre Miller, qui s’efforce de résoudre les problèmes d’eau potable. Nous en avons réglé environ les deux tiers, mais certains de ces problèmes existent depuis très longtemps et vont continuer de nécessiter plus de temps, d’efforts et de ressources.

Personnellement, je m’efforce avant tout d’améliorer les systèmes normatifs autochtones. Ils existent depuis toujours. Ils ont été durement touchés par la colonisation et par l’imposition des systèmes juridiques de colonisation occidentaux. Nous finançons donc partout au Canada, dans le cadre de l’appel à l’action no 50, un certain nombre de projets brillamment conçus et menés par les peuples autochtones eux-mêmes. Les différents types de projets illustrent leurs façons de faire renaître leurs systèmes normatifs et juridiques autochtones.

Évidemment, nous devons améliorer les services de police réguliers et autochtones ainsi qu’un certain nombre d’enjeux en même temps. Nous n’y parviendrons qu’en continuant à exercer des pressions sur tous les fronts — et la déclaration des Nations Unies nous y aidera.

Je suis donc tout à fait d’accord avec vous : nous devons nous occuper des déterminants sociaux. Nous le faisons déjà. Nous n’avons pas de baguette magique, mais nous avançons dans la bonne direction. Je pense que nous avons fait plus de progrès que tout autre gouvernement dans l’histoire du Canada. Nous y réussirons. Il faudra beaucoup de temps pour éliminer un esprit colonialiste qui règne depuis deux ou trois siècles.

La sénatrice Hartling : Merci, messieurs les ministres, de vous être joints à nous. Je vais poursuivre dans la même veine que ce dont la sénatrice Coyle, la sénatrice Stewart Olsen et vous-même avez parlé.

Je viens du Nouveau-Brunswick. Vendredi a été une journée éprouvante, parce que l’on nous a annoncé la découverte des tombes à Kamloops. Puis, la ministre des Affaires autochtones du Nouveau-Brunswick a déclaré que le Nouveau-Brunswick s’opposerait à ce projet de loi. Ensuite, nous avons entendu la personne de la Colombie-Britannique parler de la Loi relative à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones et de la déclaration même. Nous avons été assaillis par une foule de renseignements. Je veux être sûre d’avoir bien compris, car beaucoup de gens dans ma page Facebook parlent des répercussions qu’aurait la déclaration des Nations Unies sur le Nouveau-Brunswick. Je crois qu’elle influencera des lois et autres.

Si nous adoptons la déclaration des Nations Unies, quelles en seront les répercussions sur le Nouveau-Brunswick? À quoi pouvons-nous nous attendre ici? Que pouvons-nous faire pour veiller à ce que tout se passe bien?

M. Lametti : Merci, madame la sénatrice, d’avoir posé cette question.

Depuis son adoption par le gouvernement précédent, la déclaration des Nations Unies a déjà une incidence sur l’interprétation de toutes les lois du Canada, y compris celles du Nouveau-Brunswick et des différents ordres gouvernementaux. Notre gouvernement l’a réaffirmé sans réserve il y a quelques années.

Comme toutes les déclarations des Nations Unies, celle-ci sert déjà d’outil d’interprétation devant les tribunaux. C’est déjà le cas.

Lorsque la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones sera adoptée, mes collègues ministres et moi-même devrons élaborer un plan d’action. Il portera sur les lois fédérales. Les gens qui vivent au Nouveau-Brunswick, dans la mesure où une loi fédérale s’y applique, seront assujettis à tout changement qui découlera de ce processus. En ce qui concerne les domaines de compétence provinciale — et une grande partie de l’exploitation des ressources relève des provinces —, il faut attendre que la province du Nouveau-Brunswick décide d’adopter une loi de sa propre initiative. C’est ce qu’a fait la Colombie-Britannique, et un certain nombre d’autres provinces envisagent aussi de le faire.

Nous allons évidemment collaborer avec la province du Nouveau-Brunswick pour atteindre cet objectif. Nous avons déjà un bon modèle en Colombie-Britannique, et le gouvernement fédéral présente maintenant lui aussi un modèle.

C’est un aspect positif. J’espère que le gouvernement du Nouveau-Brunswick saisira cette occasion lorsque le projet de loi C-15 sera adopté.

La sénatrice Hartling : Merci.

La sénatrice McCallum : Je vous remercie pour vos exposés.

Monsieur Lametti, comme dans le cas des projets de loi d’initiative ministérielle C-91 et C-92, qui étaient importants dans ce qu’on appelait le dossier autochtone, nous recevons le projet de loi C-15 à la toute fin d’une session. Nous n’aurons pas le temps d’étudier ce projet de loi de façon exhaustive et responsable. Par conséquent, des témoins ont demandé au comité et à des sénateurs de ne pas apporter d’amendements à ce projet de loi, car ce manque de temps pourrait compromettre son adoption.

En fait, jeudi, après mon allocution, on m’a posé la question suivante :

Pourriez-vous me dire pourquoi vous seriez en faveur d’un éventuel report et pourquoi vous entraveriez l’adoption de ce projet de loi en y suggérant des amendements?

Cette question était très injuste.

Madame la ministre, le rôle des sénateurs, qui consiste à mener un second examen objectif et à proposer des amendements, est certainement utile et nécessaire à l’étude. Pouvez-vous nous dire si, à votre avis, on devrait éviter de proposer des amendements à ce projet de loi parce que le gouvernement craint qu’il ne soit pas adopté? Merci.

M. Lametti : Je vous remercie pour cette question.

Comme vous le savez, notre gouvernement est minoritaire à la Chambre des communes et en plus, nous faisons face à une pandémie. Nous avons commencé notre mandat en situation minoritaire, et la pandémie est survenue plus tard. Voilà pourquoi nous avons décidé d’utiliser le projet de loi C-262, qui avait été présenté au cours de la législature précédente. Le Sénat aurait eu l’occasion de l’adopter après son adoption à la Chambre des communes pendant la session précédente, mais il ne l’a pas fait.

Ce projet de loi n’est donc pas totalement inconnu. Son contenu est très semblable à celui du projet précédent. Je pense que nous l’avons amélioré. Je suis sûr que mon ancien collègue, Romeo Saganash, dira aussi que nous l’avons amélioré. Nous nous sommes inspirés de la base qu’il avait déjà établie. Le Sénat a déjà eu une occasion de l’étudier et de le faire avancer.

Les gouvernements minoritaires sont entravés par des contraintes que leur impose le système politique et sur lesquelles je n’ai pas de contrôle. J’ai donc fait de mon mieux pour faire avancer ce projet de loi. Bien que je ne sois pas contre les amendements, cette fois-ci nous sommes limités par le temps. De plus, comme il s’agit d’un projet de loi qui a une incidence sur les peuples autochtones du Canada, nous ne pouvons pas y apporter d’amendements sans tenir compte de leurs points de vue.

Les amendements adoptés à la Chambre des communes par le comité INAN ont été en grande partie suggérés et dirigés par les peuples autochtones eux-mêmes. Nous nous sommes efforcés de faire adopter ces amendements au comité. Je sais que les membres du comité ont travaillé très fort avec les dirigeants autochtones pour faire adopter ces amendements.

Nous arrivons à la fin du processus, et cette mesure législative est importante. Nous aimerions passer à la prochaine étape positive, qui consiste à élaborer le plan d’action en collaboration avec les peuples autochtones du Canada.

Je pense donc qu’il est essentiel que nous adoptions ce projet de loi aussitôt que possible. Alors même si en principe, je ne suis pas contre les amendements, je vous implore de soupeser les considérations que je viens de vous présenter au sujet du manque de temps et de la nécessité de tenir compte des points de vue des Autochtones si nous élaborions des amendements.

Le président : Je suis désolé, mais votre temps est écoulé.

La sénatrice LaBoucane-Benson : Merci. Je n’ai pas d’autres questions. Si j’en avais, je les passerais au sénateur Tannas, parce que j’ai l’impression qu’il a encore beaucoup de questions à poser.

Le sénateur Tannas : Je ne sais pas si je dois considérer cela comme un compliment, mais je vous en remercie.

Il y a une chose qui me préoccupe. Le projet de loi initial prévoyait un délai de trois ans pour élaborer le plan d’action. On peut supposer que le gouvernement avait réfléchi aux raisons pour lesquelles il estimait avoir besoin de trois ans. Cet échéancier a maintenant été réduit à deux ans.

Quelles considérations, quelle sorte de planification avez-vous suivies pour réduire cet échéancier? Entre amis, avouons que, pour de nombreuses raisons, nous ne pouvons pas nous vanter d’avoir su respecter nos échéanciers, même s’ils n’ont pas été réduits par un amendement.

Pouvez-vous nous rassurer et nous garantir que nous allons respecter cet échéancier quoi qu’il arrive, et comment vous pensez y parvenir?

M. Lametti : Merci, monsieur le sénateur. Bien entendu, je trouvais l’échéancier initial de trois ans raisonnable. Cette modification a été largement motivée par les dirigeants autochtones de tout le Canada qui sont, à juste titre, impatients de voir la mise en œuvre des mesures qui ont été prises il y a longtemps.

Un certain nombre d’entre vous ont souligné, encore une fois à juste titre, qu’au cours de la période qui m’a été donnée jusqu’à maintenant, je n’ai pas réussi à communiquer avec tous les groupes autochtones du Canada qui voulaient s’exprimer sur cet enjeu. Je continue de le faire. Mais il sera certainement difficile de le faire en deux ans plutôt qu’en trois ans.

Je vous dirai donc honnêtement que ce sera difficile. Si le premier ministre confie la direction de ce dossier au ministre de la Justice, je ferai de mon mieux pour que cela se fasse de la façon la plus complète et la plus positive possible dans le délai fixé. Je ferai de mon mieux pour respecter cet échéancier. Je comprends à quel point c’est important, surtout pour les peuples autochtones du Canada.

Le sénateur Tannas : Merci, monsieur.

Le sénateur Patterson : Monsieur le ministre, au cours de la dernière législature seulement — et vous savez que je représente surtout des Inuits du Nunavut —, le projet de loi C-55, qui modifiait la Loi sur les océans, a été adopté par le Sénat avec des amendements proposés par la Société régionale inuvialuite. Ces amendements ont été rejetés à la Chambre, et le projet de loi a été adopté. Pendant l’étude du projet de loi C-91, la Loi sur les langues autochtones, les dirigeants inuits nationaux et régionaux se sont dits préoccupés par le manque de protection accordée à une langue établie, comme l’inuktut, et ils ont proposé des amendements. Ces amendements ont aussi été rejetés. Maintenant, les dirigeants inuits nous ont demandé à l’unanimité, dans le compte rendu et dans des mémoires écrits, d’inclure un palier de reddition de comptes en créant un conseil des droits de la personne autochtone.

Ma question est la suivante : pourquoi les Inuits doivent-ils toujours se plier ou attendre qu’on réponde à leurs préoccupations? Vous avez dit que les amendements présentés au comité venaient des peuples autochtones. Pourquoi cet amendement raisonnable qu’ont présenté les Inuits n’a-t-il pas été intégré dans le projet de loi?

M. Lametti : Merci, monsieur le sénateur. Je dirais que c’est simplement en raison de sa complexité. J’ai parlé au président Obed, aux autres dirigeants des quatre régions ainsi qu’à d’autres dirigeants inuits.

C’est une préoccupation — vous avez tout à fait raison — dont ils m’ont tous fait part. C’est une préoccupation que je partage.

Je crois que la déclaration des Nations Unies nous incite à établir des institutions plus responsables, et j’ai promis au président Obed et à d’autres que je m’efforcerais de le faire.

Comme je l’ai dit au président Obed et à d’autres dirigeants de la communauté inuite, bien que je comprenne cet appel à l’action, j’estimais qu’il était tout simplement trop complexe pour que je puisse aborder tout cela dans les délais que l’on nous avait fixés, vu la complexité du paysage autochtone dans l’ensemble du Canada. Je promets cependant de continuer à le faire dans le cadre du processus de mise en œuvre et de l’élaboration du plan d’action. Je le ferai en collaborant avec les dirigeants inuits, parce que je le considère moi aussi comme un élément important de la mise en œuvre de la déclaration des Nations Unies.

Le sénateur Patterson : Merci, monsieur le ministre. J’ai une brève question que nous pourrons aussi peut-être poser à vos fonctionnaires. Savez-vous que vos fonctionnaires n’ont pas tenu leur promesse de déposer une liste des consultations qui ont eu lieu? Ils avaient promis de le faire plus tôt ce mois-ci.

M. Lametti : Je sais que nous avons publié un document sur ce que nous avons entendu. Les consultations se poursuivent le long de la liste, parce que je continue de consulter. Je dirais, sénateur Patterson, que je suis très fier du travail que Laurie Sargent et ses collègues ont accompli dans ce dossier, ainsi que mon équipe politique. Je pense qu’ils ont fait un travail exceptionnel dans les délais qui leur avaient été imposés. Franchement, je pense qu’ils ont gagné beaucoup de respect de la part des dirigeants autochtones de tout le Canada, car j’ai reçu des compliments à cet égard. Je suis fier du travail de mes fonctionnaires.

Le président : Merci.

Le sénateur Patterson : Il nous faudra quand même la liste complète.

Le président : Le temps alloué à ce groupe de témoins est maintenant écoulé. Je remercie les ministres d’être venus nous rencontrer aujourd’hui. Nous allons poursuivre avec le prochain groupe de représentants de Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada ainsi que du ministère de la Justice, qui sont venus pour répondre à nos questions.

Je vais donc vous présenter le prochain groupe de témoins. Nous accueillons Ross Pattee, sous-ministre adjoint, Secteur de la mise en œuvre, Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada, Marla Israel, directrice générale, Relations Couronne-Autochtones, Laurie Sargent, sous-ministre adjointe, Portefeuille des affaires autochtones, ministère de la Justice du Canada, Sandra Leduc, directrice et avocate générale, Centre de droit autochtone, ministère de la Justice du Canada et Koren Marriott, avocate-conseil, Portefeuille des affaires autochtones, Centre de droit autochtone, ministère de la Justice du Canada.

Les fonctionnaires ne sont pas tenus de présenter une déclaration préliminaire. Ce groupe de témoins ne sera avec nous que pendant une période de questions et réponses d’environ trois minutes et demie par sénateur. Je suis désolé, mais comme le temps est limité, nous allons réduire cela à trois minutes par sénateur. La première question sera posée par la marraine du projet de loi, la sénatrice LaBoucane-Benson. La deuxième question sera posée par le porte-parole du projet de loi, le sénateur Patterson. Si les sénateurs désirent poser une question, nous leur demanderons d’utiliser la fonction « Lever la main » de Zoom pour le signaler à la greffière. Ils seront alors reconnus dans la section de clavardage de Zoom. Soulignons que les membres du comité auront la priorité sur les intervenants qui figureront à la liste. Les suivis aux réponses remis par écrit devront être soumis à la greffière du comité d’ici au 30 mai 2021.

Le personnel du comité m’informera par écrit lorsqu’il restera 10 secondes de temps de parole pour les questions et réponses des sénateurs. Je ferai un compte à rebours visuel de 10 secondes avec mes mains. Lorsque nous arriverons à zéro, j’informerai les gens que le temps est écoulé.

Nous passons donc à la période de questions.

La sénatrice LaBoucane-Benson : J’ai posé de nombreuses questions à ces témoins très compétents et brillants le mois dernier. Ma seule question sera en quelque sorte un corollaire — et c’est quelque chose dont le ministre Lametti a parlé — de tous les appels à l’action auxquels le gouvernement a travaillé ou auxquels il travaille depuis 2015. Je sais que vous ne pourrez pas répondre à cette question ici. Je me demande si la liste des appels à l’action auxquels le gouvernement travaille actuellement pourrait être mise à la disposition du comité APPA. Nous vous serions reconnaissants de nous faire parvenir cela plus tard, car je pense que c’est un renseignement important venant de ce groupe de témoins. Je vais maintenant céder le micro au porte-parole.

Le sénateur Patterson : Monsieur Pattee, je vais vous citer quelques segments de votre dernière comparution qui m’ont frappé. Vous avez dit : « Mon travail consiste à m’occuper de la mise en œuvre des traités. » Vous avez dit :

Un certain nombre d’autres rencontres ont eu lieu pour commencer à déterminer comment nous travaillerons ensemble. Par exemple, nous avons déjà commencé à discuter avec les organisations nationales autochtones pour voir comment nous pouvons collaborer afin d’en arriver au meilleur plan d’action possible.

Et enfin, vous avez dit : « Nous avons déjà entamé des discussions sur la manière dont nous allons nous organiser avec divers intervenants clés. »

Vu que vous vous occupez de la mise en œuvre des traités dans le cadre de votre travail, comme vous l’avez dit, pouvez-vous nous expliquer pourquoi vous continuez à collaborer bilatéralement avec l’APN et avec des organismes nationaux qui, selon plusieurs témoins, ne partagent pas leur point de vue, au lieu de tenir ces discussions avec des gens comme ceux qui représentent les traités 6, 7 et 8 et qui exigent que le Canada respecte l’aspect bilatéral de leurs traités? Merci.

Ross Pattee, sous-ministre adjoint, Secteur de la mise en œuvre, Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada : Je vous remercie pour cette question, monsieur le sénateur. Cette loi exige que le plan d’action soit élaboré en consultation et en collaboration avec les peuples autochtones. Cela est conforme à la déclaration elle-même qui, à l’article 38, demande aux États de prendre, en consultation et en coopération avec les peuples autochtones, les mesures qu’il faut pour atteindre les objectifs qu’elle présente. Nous envisageons de consulter non seulement les organismes autochtones nationaux, mais aussi divers titulaires de droits et un certain nombre d’autres organismes du pays, notamment des organismes nationaux et régionaux. Notre plan d’action est très étendu. Merci.

Le sénateur Patterson : En affirmant que le plan ne vise pas à consulter seulement les organismes autochtones nationaux, je suppose que vous dites que vous avez surtout tenu des consultations bilatérales avec les organismes autochtones nationaux de sorte que les gens qui représentent de grandes sections du pays et ceux qui appuient les traités ainsi que certaines personnes de l’Ontario soutiennent que les titulaires de droits ont été exclus?

M. Pattee : Ce n’est pas du tout ce que j’ai dit. Avant le dépôt du projet de loi, nous avons tenu plus de 70 séances de consultation auxquelles ont participé plus de 450 personnes appartenant à différents groupes. Différents organismes y étaient représentés, comme des partenaires de traités modernes et un certain nombre d’autres organismes. La représentation était beaucoup plus variée que celle des organismes autochtones nationaux.

Le président : Merci. Nous passons la parole à la sénatrice Stewart Olsen.

La sénatrice Stewart Olsen : Merci d’être venus. Monsieur Pattee, Russ Diabo est le porte-parole de trois réseaux autochtones qui militent sur le projet de loi C-15. Voici ce qu’il a dit à ce sujet à notre comité :

À notre avis, le projet de loi C-15, qui s’inspire de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, doit être examiné et considéré dans le contexte plus vaste du traitement imprégné de dissimulation et de tromperie que les communautés et les nations autochtones ont subi du gouvernement Trudeau au cours de ces six dernières années. Il faut tenir compte notamment de sa définition unilatérale de la déclaration. Ce projet de loi apporte des changements massifs et sans précédent aux politiques, aux lois et à la structure sans que les peuples et les nations autochtones n’aient été consultés, alors qu’ils sont les véritables titulaires de ces droits.

Monsieur Pattee, lorsque votre ministre a comparu devant notre comité, elle a dit que vous vous étiez engagés à ne « rien faire pour nous sans nous ». Pourquoi cela ne s’applique-t-il pas également aux titulaires de droits?

M. Pattee : Cela s’adresse aussi aux titulaires de droits. Je ne sais pas ce que je pourrais ajouter à cela. Nous envisageons d’élaborer le plan d’action en consultant les peuples autochtones et avec leur collaboration. Comme je l’ai déjà dit et comme nous venons d’en discuter, cela inclura divers titulaires de droits à l’échelle nationale et régionale ainsi que divers autres organismes. Nous consulterons et mobiliserons notamment des groupes de femmes, de LGBTQI, de personnes bispirituelles, des organismes urbains ainsi que le Congrès des peuples autochtones. Nous envisageons de veiller à ce que toutes ces voix soient entendues à mesure que nous progresserons.

La sénatrice Stewart Olsen : Lorsque nous recevrons vos listes, et je suis sûre que vous les enverrez rapidement, nous les examinerons. Pourquoi les titulaires de droits n’ont-ils pas été consultés avant aujourd’hui? Pourquoi les consultez-vous après tous les autres?

M. Pattee : Avec tout le respect que je vous dois, les titulaires de droits ont été consultés. Certains d’entre eux ont peut-être dit qu’ils n’avaient pas eu le temps de le faire, ou que nous ne les avions peut-être pas tous entendus, mais un certain nombre de titulaires de droits ont été consultés avant la présentation du projet de loi. Les délais étaient serrés, et nous en avons tiré des leçons. Nous envisageons de veiller à ce que dans ce délai de deux ans, nous réussissions à entendre toutes les voix qui doivent être entendues.

La sénatrice Stewart Olsen : Merci, monsieur.

Le sénateur MacDonald : Merci, monsieur Pattee. Mes questions vont dans le même sens. Lors de sa comparution précédente, le ministre Lametti nous a dit que les contraintes de temps causés par la COVID et le fait que le gouvernement était minoritaire avaient perturbé le dossier des consultations. Lors de votre comparution du 7 mai, vous avez dit vous-même que les consultations avaient été restreintes. Le comité n’a pas reçu la liste des personnes que vous avez consultées après la présentation du projet de loi, et pourtant vous aviez promis de la remettre à tous les sénateurs [Difficultés techniques] le 7 mai. Toutes les réponses remises par écrit étaient dues hier.

Sachant que l’on avait promis de présenter un projet de loi sur la mise en œuvre de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones après la réélection du gouvernement et de le déposer rapidement, et comme vous pouviez déjà vous inspirer du projet de loi C-262, pourquoi votre ministère ne s’est-il pas mis à communiquer plus tôt avec les signataires de traités? Dans le Rapport sur ce que nous avons appris au sujet de ce projet de loi, on décrit les dialogues techniques bilatéraux tenus avec les organismes nationaux, mais on n’y mentionne aucunement les signataires de traités. Pourquoi ces personnes n’ont-elles pas eu leur mot à dire dès le départ? Merci.

Laurie Sargent, sous-ministre adjointe, Portefeuille des affaires autochtones, ministère de la Justice du Canada : Je suis Laurie Sargent. J’aimerais compléter l’information que Ross Pattee a fournie au comité. Je tiens à souligner que c’est le ministre de la Justice et nous qui avions promis de remettre au comité une liste des personnes qui ont participé à la consultation avant la présentation du projet de loi.

À titre de confirmation, nous l’avons soumise dans le Rapport sur ce que nous avons appris. Je l’ai ici. Je suis désolée, nous ne sommes pas avec vous en personne, mais il s’agit du Rapport sur ce que nous avons appris, qui est en ligne et qui a été remis au comité. L’une des annexes, l’annexe B, comprend une liste de tous les partenaires et groupes autochtones participants. Vous y trouverez un certain nombre d’organismes de titulaires de droits qui ont été consultés dans toutes les provinces et dans tous les territoires. Ce sont des organismes de traités modernes ou des nations.

Nous tenons à ce que le comité ait cette information en main. Nous avions cru comprendre que le bureau du ministre Lametti avait également fourni une liste au comité. Elle ne contient pas les noms des personnes qui y ont participé, mais on y trouve tous les renseignements que nous avons pu fournir relativement à l’éventail des groupes mentionnés par M. Pattee.

Je tiens à ce que le comité sache cela. S’il y a eu un problème de transmission, nous pourrons renvoyer cette liste. Merci.

Le sénateur Francis : Merci. Cette question s’adresse à quiconque souhaite y répondre.

Je crois comprendre que le gouvernement fédéral a affecté 31,5 millions de dollars sur deux ans pour appuyer la conception du plan d’action avec les partenaires autochtones pour la mise en œuvre du projet de loi C-15. Pourriez-vous nous dire comment ces fonds seront répartis? En utilisera-t-on une partie pour accroître la participation de divers groupes autochtones, notamment les jeunes ainsi que les femmes et les filles qui vivent dans des réserves et hors des réserves?

M. Pattee : Merci, monsieur le sénateur. Oui, effectivement, le budget de 2021 a affecté plus de 30 millions de dollars au processus lorsque nous sommes passés à ce que nous appelons la phase 2. Nous commençons à démêler notre façon de le faire. En effet, il sera très important que l’argent serve à ce que nous entendions toutes les personnes dont nous avons parlé lors de notre dernière comparution et de celle d’aujourd’hui. J’ai donc bon espoir que nous pourrons utiliser cet argent de manière à ce que ces voix soient entendues. Merci.

Le sénateur Francis : Merci.

La sénatrice McCallum : Merci. Depuis 1995, le droit inhérent à l’autonomie gouvernementale doit s’inscrire dans le cadre de la Constitution canadienne et, par conséquent, ne pas inclure un droit à la souveraineté au sens international. Il ne donnera pas lieu à l’indépendance souveraine des États-nations autochtones. Cela déplace les traités existants et les effets de l’autodétermination. La politique prévoit également la participation des provinces et des territoires aux négociations. Cela va à l’encontre de la négociation des traités telle que les Premières Nations la comprennent, à savoir que les traités étaient fondés sur une relation bilatérale entre les Premières Nations et la Couronne fédérale. Selon la politique fédérale sur l’autonomie gouvernementale, l’autonomie gouvernementale autochtone doit être conforme aux lois fédérales et provinciales, ce qui permet de maintenir l’autonomie gouvernementale autochtone dans le cadre juridique du Canada et de la subordonner à d’autres formes de gouvernement.

Madame Sargent, lorsque je vous ai posé la question au sujet de l’article 46, vous avez dit que ce droit n’était pas absolu et qu’il devait y avoir une possibilité de soupeser d’autres besoins sociétaux pressants et les droits d’autres personnes. Dans le cas du droit à l’autonomie gouvernementale, comment pensez-vous que ce plan d’action va régler le problème? Quel modèle les détenteurs de droits issus de traités des Premières Nations envisageaient-ils pour ce plan d’action? Merci.

Mme Sargent : Merci, sénatrice McCallum. Tout d’abord, soulignons que, bien sûr, la politique sur le droit inhérent élaborée en 1995 a été adoptée dans le cadre de la Constitution canadienne, comme le sont toutes les lois ou politiques fédérales. Cependant, cette approche a beaucoup évolué depuis lors. Surtout depuis la création des tables de reconnaissance des droits des Autochtones, des tables de la DSIR et de RCAANC dirigées par la ministre Bennett, on s’est écarté expressément de cette politique. On a ajouté de la souplesse et de l’ouverture aux conversations avec les titulaires de droits autochtones afin de partir de leur point de vue afin de discuter de la mise en œuvre de l’autonomie gouvernementale d’une manière plus conforme à la déclaration des Nations Unies et à la reconnaissance de l’autonomie et de l’autodétermination.

Dans le cadre du plan d’action, nous nous attendons à ce que ces discussions se poursuivent et à ce qu’elles s’inspirent beaucoup de la déclaration des Nations Unies.

Nous n’avons pas discuté de cette question avec les nations signataires de traités dans le contexte de ce projet de loi, mais il est certain que ces discussions ont lieu dans tout le pays. Je pense que nous verrons que la déclaration complétera ces discussions et forcera le gouvernement fédéral à mettre à jour et à moderniser ses politiques. Merci.

Le président : Merci, madame Sargent.

Le sénateur Tannas : J’ai une chose à demander à Mme Sargent. Quelqu’un en a peut-être parlé, mais je n’ai pas entendu.

Dans le cadre de ce projet de loi et d’autres projets de loi, des gens nous ont dit que leur nom figurait sur des listes indiquant qu’ils avaient été consultés alors qu’ils ne l’avaient pas été.

Peut-être qu’ils avaient été consultés, mais je me souviens d’un témoin en particulier, M. Obed, qui a dit qu’il avait été surpris de trouver son nom sur la liste des personnes consultées — il s’agissait d’un autre projet de loi —, mais qu’il se souvenait que la discussion avait porté sur une chose tout à fait différente et que son nom avait été inscrit à la liste malgré tout.

Votre ministère a-t-il pris des mesures pour officialiser les consultations de manière à envoyer une convocation indiquant le sujet de la consultation, afin que nous ne nous retrouvions pas avec des gens qui nous regardent — et, franchement, c’est une question de confiance — en affirmant que non, ils n’ont pas été consultés et qu’ils pensaient que la consultation portait sur autre chose. Il y a sûrement une façon d’officialiser cela pour qu’à l’avenir, en présentant des projets de loi, vous puissiez nous dire ce que vous avez entendu, de qui vous l’avez entendu et nous présenter copie de l’avis de convocation si nous vous le demandons. Est-ce possible, ou l’avez-vous déjà fait?

Mme Sargent : Merci de me poser cette question, sénateur Tannas. À bien des égards, c’est ce que le Rapport sur ce que nous avons appris visait en présentant ce qui s’était passé pendant les consultations. Il y a des façons de mieux officialiser le processus d’avis, et j’en prends bonne note. Dans certains contextes, pour des projets plus précis, d’autres ministères compilent vraiment bien leurs dossiers. Je dois avouer que, comme le ministre l’a fait remarquer, nous étions dans un contexte de pandémie, et aussi des lettres ont été envoyées depuis le bureau du ministre Lametti. C’est ainsi que s’est amorcé le processus de consultation, mais nous sommes encore en train de développer nos capacités pour vraiment tenir un dossier adéquat et complet. Nous sommes sur la bonne voie. Nous avions des consultants qui nous aidaient, mais nous devons continuer à travailler à l’élaboration de ce processus. Merci.

Le sénateur Tannas : Merci, madame Sargent. J’en suis bien heureux.

Le sénateur Francis : Madame Sargent, le préambule du projet de loi C-15 reconnaît que les gouvernements provinciaux, territoriaux et municipaux peuvent établir leurs propres façons de contribuer à la mise en œuvre de la déclaration en prenant des mesures qui relèvent de leur compétence. Cependant, certains gouvernements provinciaux ont demandé que le projet de loi soit retardé et même rejeté en raison des répercussions qu’il pourrait avoir sur leur administration. Je crains que ces allégations soient fondées sur de fausses affirmations ou sur de la désinformation découlant de répercussions que le projet de loi a réellement eues sur d’autres administrations. Pourriez-vous préciser quelles obligations, le cas échéant, le projet de loi C-15 imposerait aux provinces et aux territoires?

Mme Sargent : Merci, sénateur Francis. Je crois que vous parlez du paragraphe du préambule qui souligne manifestement, selon nous, les précisions que le gouvernement souhaite donner aux provinces et aux territoires au sujet de leur responsabilité sur la mise en œuvre de la déclaration dans leurs propres domaines de compétence. À notre avis, ce paragraphe visait à préciser et à vraiment renforcer, comme l’a dit le ministre Lametti, les articles 5, 6 et 7 du projet de loi qui soulignent que les obligations de préparer un plan d’action, d’harmoniser les lois et de produire des rapports annuels relèvent du gouvernement fédéral. Ces obligations relèvent des ministres fédéraux, car elles sont liées à des lois fédérales.

Ces articles sont complémentaires, comme je l’ai dit. Comme le ministre Lametti l’a fait remarquer, l’article 4 du projet de loi souligne que la déclaration sert avant tout à l’interprétation de toutes les lois canadiennes. Comme nous l’avons dit, il s’agit d’une déclaration de l’état actuel des droits. Elle s’étend au-delà des lois fédérales, mais elle reflète ce que nous comprenons déjà légalement comme étant une réalité, tout en soulignant son importance. Merci.

Le sénateur Francis : Merci à vous.

Le sénateur Patterson : Madame Sargent, dans le sommaire de votre ministère, Rapport sur ce que nous avons appris, que vous venez de nous montrer, j’ai remarqué qu’à la page 5, il est question des thèmes abordés dans le préambule comme étant « les normes minimales pour protéger les droits des peuples autochtones ». Cependant, j’ai aussi remarqué qu’aucun des 10 thèmes ne porte sur la réconciliation économique. Stephen Buffalo, du Conseil des ressources autochtones, Dale Swampy, de la Coalition nationale des chefs, ainsi qu’une coalition d’organismes commerciaux autochtones, nous ont dit que la réconciliation économique est un thème important et qu’en fait, elle sera essentielle pour contribuer à financer les travaux et les infrastructures nécessaires pour produire de meilleurs résultats sociaux et culturels.

Ne devrions-nous pas tenir compte de ces préoccupations et ajouter une clause d’inclusion économique dans le préambule, puisque, comme vous nous l’avez dit :

« Le préambule présente le contexte dans lequel le projet de loi sera interprété et il décrit la manière d’interpréter le projet de loi, les dispositions exécutoires. »

Merci.

Mme Sargent : Merci, monsieur le sénateur. Je vais mentionner quelques sources qui pourraient vous aider, vous et le comité, en examinant des amendements à effectuer. Il y a notamment une note indiquant que le préambule fait référence au développement durable, à l’autodétermination et l’autonomie gouvernementale, qui sont tous, il semblerait, essentiels à l’objectif global des nations autochtones qui souhaitent développer elles-mêmes leurs terres, leurs ressources et leurs territoires. Nous avons là, très évidemment, la clé de la réconciliation économique et du développement. Cette référence se trouve déjà dans le préambule.

Je souligne que le Rapport sur ce que nous avons appris fait référence à des conversations sur le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause. Vous les trouverez à la page 17 et aux pages suivantes. Il cite aussi des discussions menées avec les secteurs de l’industrie. On y trouve déjà pas mal de choses qui se rapportent à ces thèmes et qui, en fin de compte, se rapportent de bien des façons aux terres, aux territoires et aux ressources, que ce rapport désigne comme faisant partie des thèmes clés de la déclaration.

L’article 23 de la déclaration porte sur le droit des peuples autochtones au développement ce qui, bien entendu, orientera également la façon dont la déclaration sera appliquée. Merci.

Le sénateur Patterson : Merci.

La sénatrice Stewart Olsen : Tout d’abord, il faut que je vous rassure : je ne tiens jamais la bureaucratie et les bureaucrates responsables des décisions et des lois.

Le ministre approuve-t-il la liste des consultations que vous envisagez de mener avant qu’elles n’aient lieu? Comment ce processus fonctionne-t-il exactement? Je voudrais une réponse de vous deux, s’il vous plaît.

Mme Sargent : Je vous remercie pour cette question. Dans le cadre de notre engagement face au projet de loi C-15, oui, les ministres, en particulier le ministre Lametti, ont examiné la liste des parties, des nations, des titulaires de droits et des organismes qui devaient participer à l’élaboration du projet de loi avant sa présentation — en fait, pour bien préciser, ils l’ont fait en examinant une ébauche de consultation sur le projet de loi. Je pense que c’est une pratique relativement courante. Comme le ministre Lametti l’a fait remarquer, il s’agit d’un processus que tout le monde semble suivre dans des circonstances difficiles. C’est pourquoi, après la présentation du projet de loi, le ministre Lametti lui-même ainsi que des fonctionnaires, la ministre Bennett et d’autres ont continuellement envoyé des convocations. Ces convocations étaient envoyées avec l’approbation du ministre Lametti, qui mène souvent ce processus. Merci.

La sénatrice Stewart Olsen : Merci.

M. Pattee : Merci. J’ajouterais que la ministre Bennett avait un certain nombre de groupes et d’organismes clés qu’elle tenait à consulter et à inscrire à la liste, notamment des organismes de femmes ainsi que certains groupes d’étudiants en droit et des organismes de LGBTQI2. Elle a insisté haut et fort, et nous avons veillé à ce qu’ils soient inclus. Merci.

La sénatrice Stewart Olsen : Quel processus suivez-vous pour les consultations provinciales? Est-ce que vous les organisez, vous examinez les lois avec des représentants auparavant?

Mme Sargent : Merci. Dans ce cas-ci, nous avons tenu une série de réunions — documentées dans le Rapport sur ce que nous avons appris — à l’automne 2020 avec des fonctionnaires provinciaux et territoriaux, des SMA, des sous-ministres et des ministres, et des Autochtones ont participé à certaines de ces réunions.

La sénatrice Stewart Olsen : Merci. Je suis heureuse d’entendre cela.

Le président : Merci beaucoup à tous. Je pense que cela répond à toutes nos questions.

J’ai une note de notre greffière indiquant que nous avons entendu des groupes de témoins pendant 20 heures dans le cadre de cette étude préalable. Nous avons entendu 52 organismes et des particuliers qui ont comparu à titre personnel, et jusqu’à maintenant, nous avons reçu 53 mémoires officiels. En cinq jours, nous avons couvert beaucoup de terrain en menant cette étude préalable.

Je tiens à vous remercier, mesdames et messieurs les sénateurs, membres du comité et tous ceux qui se sont joints à nous, pour votre travail acharné et pour votre dévouement. Nous avons siégé pendant de longues heures. Je dois admettre que les questions étaient extraordinaires, et les témoins ont également soumis d’excellents commentaires à notre attention.

Le temps alloué à ce groupe de témoins est maintenant écoulé. Je remercie M. Pattee, Mme Israel, Mme Sargent, Mme Leduc et Mme Marriott de s’être joints à nous aujourd’hui.

À titre d’information pour nos sénateurs, la prochaine réunion de ce comité sera confirmée dans les jours qui viennent. La greffière enverra les détails à vos bureaux.

Le sénateur Patterson : Monsieur le président, excusez-moi. À titre de vice-président et porte-parole pour le projet de loi C-15 et au nom de tout le comité, j’en suis sûr, je tiens à vous féliciter pour la façon dont vous avez présidé ces audiences.

Dès le début, j’espérais que nous tiendrions un dialogue équilibré et respectueux pour mener cette étude sur ce projet de loi très important. Je constate que vous avez fait tout votre possible pour faciliter cela, notamment en renonçant à la prérogative habituelle qu’ont les présidents de poser des questions. Nous vous en sommes très reconnaissants. Je pense que nous avons accompli un travail très approfondi dans le peu de temps dont nous disposions, et je tiens à vous en remercier et à vous en féliciter.

Le président : Merci, sénateur Patterson. Je suis très heureux d’entendre cela, et je remercie tous les membres du comité pour leur collégialité et leur esprit de coopération.

(La séance est levée.)

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