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TRCM - Comité permanent

Transports et communications

Rapport du comité

Le lundi 3 juin 2019

Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications a l’honneur de présenter son

DIX-SEPTIÈME RAPPORT

Votre comité, auquel a été renvoyé le projet de loi C-48, Loi concernant la réglementation des bâtiments transportant du pétrole brut ou des hydrocarbures persistants à destination ou en provenance des ports ou des installations maritimes situés le long de la côte nord de la Colombie-Britannique, a, conformément à l’ordre de renvoi du 11 décembre 2018, examiné ledit projet de loi et en fait maintenant rapport comme suit :

Par un vote de 6 à 6, votre comité recommande que le Sénat ne poursuive pas davantage l’étude de ce projet de loi, et ce, pour les raisons formulées ci-après.

INTRODUCTION

Selon son sommaire, le projet de loi C-48 interdit aux pétroliers transportant une cargaison de plus de 12 500 tonnes métriques de pétrole brut ou d’hydrocarbures persistants de s’arrêter ou de décharger du pétrole brut ou des hydrocarbures persistants aux ports ou aux installations maritimes situés le long de la côte nord de la Colombie-Britannique, soit de la pointe nord de l’île de Vancouver jusqu’à la frontière avec l’Alaska. La Loi interdit le chargement de ces hydrocarbures s’il en résultait une cargaison de plus de 12 500 tonnes métriques de ceux-ci.

Le projet de loi C-48 a été déposé devant la Chambre des communes le 12 mai 2017, près de deux ans après l’élection du gouvernement Trudeau. Il a été renvoyé le 4 octobre 2017 devant le Comité permanent des transports, de l’infrastructure et des collectivités de la Chambre des communes, qui a renvoyé le projet de loi avec un amendement le 29 novembre de la même année. Il a franchi l’étape de la troisième lecture à la Chambre des communes le 8 mai 2018 et a été déposé en première lecture devant le Sénat le lendemain. Le 11 décembre 2018, juste avant le congé de Noël, le projet de loi a été renvoyé devant le Comité sénatorial permanent des transports et des communications.

Votre comité a pris au sérieux son obligation d’examiner et d’étudier le projet de loi. Il a tenu 22 réunions totalisant 52 heures et 15 minutes.  Il a entendu 139 témoins différents et s’est déplacé dans les trois provinces les plus touchées par le projet de loi (la Colombie-Britannique, l’Alberta et la Saskatchewan).

OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES

Le Comité est d’avis que sa recommandation au Sénat peut être mieux éclairée grâce à un échange entre le ministre des Transports, Marc Garneau, responsable du projet de loi C-48, et Doublas Black, sénateur du GSI, qui s’est déroulé au cours de sa dernière audience sur le projet de loi, le 14 mai 2019 :

Sénateur D. Black : Je serai bref, ministre, et je sais que vous le serez aussi. Je veux connaître votre degré particulier d’ouverture face à deux amendements éventuels. Pourriez-vous accepter un amendement permettant le transport de produits pétroliers à partir de Prince Rupert ou de Kitimat à l’intérieur d’un corridor défini jusqu’aux eaux ouvertes du Pacifique?

M. Garneau : J’ai répondu à une précédente question que ce serait comme avoir une table où on peut fumer au milieu d’un café où il est interdit de fumer.

Sénateur D. Black : Je désire simplement avoir une confirmation : la réponse est donc « non » ...

M. Garneau : La réponseest non, parce qu’on ne peut garantir qu’un déversement restera dans le corridor.

Sénateur D. Black : Je comprends. Je voulais simplement un « oui » ou un « non » pour le procès-verbal. Nous avons un « non ». Je présume que la réponse est aussi « non » à un éventuel corridor à l’extrémité la plus au nord de la zone d’exclusion à la frontière avec l’Alaska.

M. Garneau : Oui, parce que c’est aussi dans la région définie.

Sénateur D. Black : Merci. [Traduction]

Au cours de la même audience, la sénatrice Paula Simons, du GSI, a posé une question similaire à celle du sénateur Black, ce qui a donné l’échange suivant :

Sénatrice Simons : Je suis les traces de mon collègue, le sénateur D. Black; accepteriez-vous, sous certaines conditions, un amendement qui en ferait un vrai moratoire, avec un examen après trois ou dix ans, plutôt qu’une interdiction permanente, et qui le rendrait conditionnel à l’acceptation et à la construction du projet TMX?

M. Garneau : Nous accueillerons tout amendement proposé par le Sénat et l’étudierons très soigneusement. J’espère vraiment que nous pourrons aller de l’avant avec le projet de loi C-48, parce qu’il figure dans ma lettre de mandat. Nous l’étudierons de très près avant la prochaine élection. [Traduction]

Votre comité en a conclu que même des amendements au projet de loi C-48, qui sont bien intentionnés et sont le fruit d’une étude approfondie étalée sur plusieurs mois, ainsi que de la comparution de témoins de différentes opinions, et qui sont conçus de manière à répondre à leurs préoccupations, seraient dans le meilleur des cas envisagés soigneusement. Dans le cas des amendements les plus substantiels, ils seraient rejetés sans appel. Le ministre ne s’est pas engagé à accepter un des amendements proposés par le comité, bien qu’il en connaisse très bien la portée, puisqu’on la lui avait généralement décrite.

Lorsque votre comité a entrepris son étude article par article du projet de loi C-48 le lendemain, les réponses soigneusement formulées du ministre sur son ouverture face aux amendements étaient encore fraîches dans l’esprit des sénateurs. Elles constituaient, si vous voulez, le contexte dans lequel le comité a effectué l’étude article par article du projet de loi. Un contexte beaucoup plus général a cependant éclairé les délibérations du comité qui ont mené à la recommandation que le Sénat ne poursuive pas davantage l’étude de ce projet de loi.

LE PROJET DE LOI EN CONTEXTE

Votre comité est d’avis que le projet de loi ne peut être envisagé séparément des autres initiatives et lois du gouvernement qui, prises ensemble, ont un effet catastrophique sur le secteur des ressources et l’économie, plus particulièrement en Alberta où se trouvent les sables bitumineux du Canada.

Votre comité est conscient du fait que le projet de loi C-48 a été déposé le jour même où le gouvernement a annulé le projet d’oléoduc Northern Gateway. L’annulation de la construction d’un oléoduc en direction de la côte, ainsi que le dépôt, pour faire bonne mesure, d’un projet de loi interdisant le chargement et le déchargement de pétrole brut dans les ports et les installations maritimes, au cas où, par hasard et malgré l’annulation du projet Northern Gateway, un oléoduc vers ces ports apparaîtrait miraculeusement, ont donné aux membres du comité l’impression d’une surenchère.

À cet égard, il est intéressant de souligner que, lorsque les libéraux ont proposé, le 29 juin 2015 à Vancouver, un moratoire relatif aux pétroliers le long de la côte nord de la Colombie-Britannique dans le cadre de leur programme environnemental, ForestEthics Advocacy, un groupe luttant contre les pipelines, a applaudi leur proposition d’officialiser ce moratoire comme étant « le dernier clou dans le cercueil de l’oléoduc Northern Gateway ».

Le gouvernement qui a déposé le projet de loi C-48 est le même que celui qui a ajouté tant d’obstacles réglementaires au projet Énergie Est qu’il a empêché les investisseurs d’avancer et que ceux-ci se sont désistés. Il a omis de prendre des mesures permettant à Kinder Morgan de concrétiser le projet d’expansion du pipeline Trans Mountain, qui se trouve maintenant dans les limbes, alors que le gouvernement refuse de fixer la date du début des travaux de construction. Il a déposé le projet de loi C-68, dont les représentants de l’industrie disent qu’il mettra fin aux projets d’hydro-électricité au pays. Il a aussi déposé les projets de loi C-55, C-81 et C-88.

Il a aussi déposé le projet de loi C-69, une loi d’une portée considérable sur l’évaluation environnementale, qui élimine le processus actuel d’examen en faveur d’un nouveau processus prétendument plus rigoureux. Le Sénat étudie en ce moment le projet de loi C-69, la nouvelle Loi sur l’évaluation d’impact, qui établirait de nouvelles normes en matière d’évaluation environnementale de projets de ports, de pipelines et de voies ferrées. Le projet de loi C-69 exigerait considérablement plus de consultations auprès des collectivités autochtones, une étude plus approfondie des impacts sociaux et des conséquences pour la santé des infrastructures énergétiques ainsi que des études scientifiques rigoureuses des impacts environnementaux. Aux termes du cadre législatif, aucun projet de pipeline interprovincial ou de port en eau profonde ne pourrait aller de l’avant sans des consultations et une étude approfondie par un organisme indépendant. Si nous avons foi dans le projet de loi C-69 et le nouveau régime d’évaluation d’impact, nous ne devons pas miner la confiance de la population en imposant un moratoire qui court-circuite le nouveau processus avant même son entrée en vigueur.

Votre comité est d’avis que le projet de loi C-69 une fois adopté, s’il est tel qu’annoncé, rendra sûrement inutile le projet de loi C-48. Les normes et les critères stricts et exhaustifs que celui-ci imposera aux grands projets, y compris les pipelines, les ports et les installations maritimes, s’étendront certainement aux répercussions des projets pertinents en cours d’élaboration au nord du 50e parallèle.

Votre comité est aussi d’avis que le projet de loi C-69 ne peut pas être envisagé séparément de la décision de février 2018 du gouvernement de la Colombie-Britannique de mettre fin au projet d’expansion de l’oléoduc Trans Mountain. Le refus du gouvernement fédéral d’exercer sa compétence constitutionnelle afin d’imposer le passage de l’oléoduc, du fait qu’il s’agit d’un ouvrage interprovincial, laisse planer un doute aux yeux des investisseurs et de la plupart des Canadiens quant à sa volonté réelle de faire construire un oléoduc se rendant à l’océan.

Enfin, votre comité a été très sensible, au cours de ses délibérations, à l’incidence du projet de loi C-48 et d’autres projets de loi similaires sur les économies du Canada et en particulier de l’Alberta et de la Saskatchewan. Dans le Rapport sur la politique monétaire de janvier 2019, la Banque du Canada a fait observer que la croissance de 2 % du PIB enregistrée au troisième trimestre de 2018 avait été en grande partie soutenue par les dépenses gouvernementales, et que les investissements du secteur privé dans l’économie canadienne ont chuté au cours du même trimestre et ont montré une faiblesse notable dans le secteur de l’énergie. La morosité a persisté au cours du premier trimestre de 2019. Un rapport du 30 avril 2019 du Financial Times indiquait que la diminution de la production dans le secteur des ressources en était la cause principale, les secteurs des mines, du pétrole et du gaz enregistrant une baisse de 1,6 %, la sixième consécutive.

Avec cette loi, l’annulation du projet Énergie Est et l’incertitude entourant Kinder Morgan, la Saskatchewan et l’Alberta ne peuvent exporter leur pétrole qu’aux États-Unis, ce qui nous rend dépendants d’un pays étranger (quoiqu’il s’agisse d’un bon voisin). Le dernier président a annulé le projet Keystone, un projet d’oléoduc financé par des Canadiens et se rendant jusqu’au golfe du Mexique. Cela pourrait se reproduire, car Keystone n’est pas encore terminé. Sans les oléoducs (la méthode la plus sécuritaire de transporter du pétrole), il ne reste que la voie ferrée et les camions-citernes, qui sont loin d’être de bons modes de transport dans un réseau des transports prétendument sophistiqué.  Cela engendre une concurrence pour la circulation sur les voies ferrées avec le secteur agricole de l’Ouest canadien et les autres ressources, comme le bois d’œuvre, la potasse et les biens transformés. La construction de nouvelles voies ferrées est une entreprise de longue haleine. Cette stratégie est indéfendable et met le pays en péril. La demande accrue de transport ferroviaire le rend encore plus onéreux pour les autres utilisateurs.

Le manque de logique des arguments est stupéfiant. S’il est logique de prévenir les déversements d’hydrocarbures en réduisant la circulation des pétroliers à destination et en partance du Canada, alors Énergie Est réduirait la circulation des pétroliers sur le fleuve Saint-Laurent et la côte est ainsi que, certainement, dans le port de Vancouver. La situation empirera au fur et à mesure que la demande d’énergie augmentera au Canada, nous rendant plus dépendants du pétrole étranger, qui pour le moment n’est pas du pétrole exactement amical, mais est plutôt produit par des régimes sous lesquels peu d’entre nous voudraient vivre.

L’incapacité du gouvernement de faire construire des oléoducs ainsi que des projets de loi comme le C-48 et le C-69 ont envoyé un signal aux investisseurs, qui boudent les actions des entreprises canadiennes du secteur de l’énergie malgré la récente hausse relative du prix du pétrole canadien.

RAISONS POUR LESQUELLES LE SÉNAT NE DEVRAIT PAS POURSUIVRE L’ÉTUDE DU PROJET DE LOI

Le projet de loi n’accomplit pas ce qu’il prétend faire 

Votre comité est d’avis que le projet de loi C-48 est un exemple de leurre par mots-clés. À l’été 2015, à l’amorce de la campagne électorale fédérale, le chef libéral Justin Trudeau s’est rendu à Vancouver afin d’annoncer les plans du parti en matière d’environnement. Cette annonce comprenait l’intention d’officialiser l’interdiction volontaire des pétroliers le long de la côte nord de la Colombie-Britannique. Lorsque le ministre Garneau a comparu devant le Comité, le 20 mars 2019, il a cité cette annonce comme la raison pour laquelle le gouvernement tenait au projet de loi C-48. Il a sous-entendu qu’il s’agissait de respecter une promesse électorale. Ses mots exacts étaient les suivants :

« La loi officialise un engagement pris par le premier ministre à Vancouver le 10 septembre 2015, pendant les dernières élections fédérales. Il compte parmi les pièces maîtresses de notre plan visant à protéger les océans du Canada et il a été confirmé plus tard dans ma lettre de mandat. Je tiens à préciser que nous avons fait cette promesse aux Canadiens pendant les dernières élections et que je réalise cette promesse maintenant. » Lors d’une nouvelle comparution devant votre comité, le 14 mai 2019, il a poursuivi dans la même veine :

« J’espère vraiment que nous pourrons aller de l’avant avec le projet de loi C-48, parce qu’il figure dans ma lettre de mandat. » [Traduction]

Il est utile de citer la partie de son mandat à laquelle il fait référence. Le premier ministre a écrit :

« Plus particulièrement, je m’attends à ce que vous travailliez avec vos collègues et dans le respect des lois, règlements et processus du Cabinet établis pour mener à bien vos grandes priorités […] ».

Une des priorités énoncées est la suivante :

« Élaborer une stratégie, en collaboration avec le ministre des Pêches, des Océans et de la Garde côtière canadienne, le ministre des Ressources naturelles et la ministre de l’Environnement et du Changement climatique afin d’officialiser un moratoire sur le transport de pétrole brut sur la côte nord de la Colombie-Britannique. »

Votre comité est préoccupé du fait que la stratégie élaborée n’est pas une officialisation du moratoire sur la circulation des pétroliers le long de la côte de la Colombie-Britannique, mais plus particulièrement une interdiction de charger et de décharger plus de 12 500 tonnes métriques de pétrole brut dans les ports canadiens de cette côte. Le témoignage du professeur Ted McDorman de la faculté de droit de l’Université de Victoria est venu confirmer nos soupçons. Dans ses observations sur les détails du moratoire relatif aux pétroliers du projet de loi C-48, le professeur McDorman a livré le témoignage suivant :

« Le projet de loi dont vous êtes saisis, que j’ai examiné, indique qu’il s’applique essentiellement aux ports. En d’autres mots, il interdit aux pétroliers non pas de circuler dans la voie navigable elle-même, mais d’atteindre les ports qui sont désignés dans cette zone ou de les quitter. Du point de vue du droit international, cela relève entièrement de la compétence du Canada, sans que d’autres pays puissent déposer une plainte.

Il est rare que ces ports soient fermés à la circulation, mais cela arrive. Pour des raisons commerciales et de bons voisinages, on garde habituellement les ports ouverts, mais, en vertu du droit international, un pays a la capacité d’interdire l’accès aux ports à certains ou à tous les bâtiments. D’après ce que je comprends, c’est l’intention du projet de loi. Il interdit l’accès aux ports. Il n’a pas d’incidence sur la circulation dans la voie navigable en soi. »

Le projet de loi C-48 n’officialise pas un moratoire sur la circulation des pétroliers transportant du pétrole brut le long de la côte nord de la C.-B. Ce n’est pas ce qui avait été annoncé. Il ne fera rien pour réduire les risques de déversement d’hydrocarbures, mais il sera très efficace pour interdire l’accès maritime au pétrole de l’Alberta et l’empêcher d’être transporté vers les ports asiatiques.

La preuve scientifique, fondée sur des données probantes, du projet de loi C-48 est douteuse

Il y a absence d’explications scientifiques détaillées ou de données sur les raisons pour lesquelles cette région en particulier devait faire l’objet d’un moratoire sur le transport du pétrole lourd. Au mieux, la décision semble fondée sur de l’information périmée ou incomplète.

Au cours de l’audience du 20 février 2019, la sénatrice Julie Miville-Dechêne a interrogé le sous-ministre adjoint Lawrence Hanson de Transports Canada sur cette question. Sa réponse a été qu’en effet, le gouvernement imposait le moratoire parce qu’il manquait de données scientifiques probantes. Mais il est illogique d’adopter une politique publique aussi importante que celle-là en réaction à l’absence d’information et d’études.  Leur échange est reproduit ci-après.

Sénatrice Miville-Dechêne : « Justement, sur cette question, avez-vous fait des évaluations, des études, des calculs ou des algorithmes pour mesurer les risques, ou élaboré l’index de risques dans le Nord de la Colombie-Britannique s’il y avait un déversement de pétrole? S’il y avait un pipeline qui y passait ou, effectivement, un transport de pétrole plus important dans le Nord de la Colombie-Britannique, existe-t-il des données qui nous permettraient de mesurer le risque de marée noire? »

M. Hanson : « En fait, c’est l’une des autres raisons pour lesquelles le gouvernement considère qu’il est important de prévoir un moratoire dans le contexte actuel. Pour être franc, ces voies navigables et cet écosystème sont moins bien compris que ceux du sud. Les conséquences actuelles sont moins faciles à saisir parce que, d’un point de vue scientifique, nous avons tendance à moins connaître ces eaux.

Donc, conformément au principe de précaution et en partie parce que nous en savons moins sur ces eaux... C’est l’une des raisons pour lesquelles le gouvernement souhaite préparer un moratoire. »

Le sénateur Michael MacDonald a poursuivi dans la même veine que la sénatrice Miville-Dechêne. Encore là, M. Hanson a répondu que l’interdiction tenait en fait à ce que le gouvernement comprenait mal l’écosystème de la région.

M. Hanson : « Merci de la question. Il va de soi que le gouvernement est préoccupé par l’état des milieux maritimes sur tous les littoraux du Canada comme en témoigne l’engagement pris dans le cadre du Plan de protection des océans. Certains des enjeux particuliers touchant le littoral nord de la Colombie-Britannique s’explique par l’éloignement relatif de ce secteur. C’est une région en grande partie sauvage. Elle est très peu peuplée. On n’y trouve donc pas la même capacité de réagir rapidement en cas de déversement dans l’océan. La situation est d’autant plus complexe que l’écosystème de cette région n’est pas encore très bien compris. Des efforts sont déployés en ce sens par Environnement et Changement climatique Canada ainsi que par Pêches et Océans Canada, mais reste quand même que nous comprenons mal cet écosystème. La prise en compte de tous ces éléments nous a amenés à miser sur la précaution pour le littoral nord de la Colombie-Britannique. »

Il est illogique de prendre une décision de politique publique de cette importance en raison du manque de l’information. Peut-être que l’absence de données fiables pourrait justifier un moratoire de trois à cinq ans en attendant que des études soient terminées. Ce n’est cependant en aucun cas suffisant pour justifier une interdiction permanente.

En outre, votre comité a été déçu que le projet de loi C-48 ne tienne pas compte du fait que les déversements d’hydrocarbures soient devenus extrêmement rares depuis que la technologie des pétroliers à double coque existe et que d’autres améliorations ont été apportées à la navigation et à la sécurité des navires-citernes. En fait, un déversement d’hydrocarbures causé par un pétrolier n’a jamais eu lieu dans la région à laquelle le projet de loi s’applique. La sénatrice McCoy, qui a siégé à de nombreuses réunions du comité, signale qu’il n’y a eu que trois déversements d’hydrocarbures sur la côte de la Colombie-Britannique depuis 2006, et que le projet de loi C-48 n’aurait rien fait pour les prévenir. Ils ont été causés par un remorqueur, un traversier pour passagers et une fuite dans une épave de 1946.

Pourtant, tout au long des audiences, nous avons été préoccupés d’entendre bon nombre d’experts et de témoins des collectivités nous parler de l’absence d’une capacité d’intervention robuste et rapide pour les déversements s’étant déjà produits dans la région. Il y a eu une série d’accidents et de quasi-abordages ayant gravement pollué certains secteurs et en ayant placé d’autres en grand risque. Alors que le projet de loi C-48 aborde les risques hypothétiques de projets pétroliers n’existant pas encore, il ne fait rien pour régler le problème des déversements d’hydrocarbure causés par les navires de charge à coque simple, les remorqueurs, les traversiers et les paquebots de croisière qui sillonnent déjà les eaux.

Le projet de loi ne fait rien non plus pour empêcher les navires, y compris les pétroliers étrangers, d’emprunter des zones maritimes particulièrement sensibles.

Le gouvernement pourrait étudier d’autres options, allant de la collaboration avec les collectivités de la région, qu’elles soient autochtones ou non, afin de renforcer les capacités d’intervention de la région en cas d’accident, à la désignation de certaines zones écologiques comme zones maritimes particulièrement vulnérables au sens de la Convention internationale. Ces stratégies pourraient offrir au littoral les protections dont il a besoin maintenant, contre des dangers concrets et présents.

Nous avons été impressionnés par la détermination du ministre à garder intacte la côte nord de la Colombie-Britannique, laquelle va dans le sens des témoignages de collectivités autochtones appuyant le projet de loi C-48, qui habitent la région et y trouvent leurs moyens de subsistance, mais nous étions découragés d’apprendre que ces témoins des Premières Nations côtières, ainsi que le ministre, n’ont pas confiance dans la capacité de Transports Canada, son propre ministère, de récupérer les éventuels déversements. Cet élément, ainsi que leur allégation que le plus infime risque de déversement d’hydrocarbures constitue encore un trop grand risque, a contribué à convaincre notre comité de l’approche déraisonnable des promoteurs du projet de loi C-48.

Utiliser l’ensemble de la côte est du Canada comme une zone pleinement fonctionnelle pour la marine marchande en traitant la côte nord de la Colombie-Britannique comme s’il s’agissait d’un parc constitue une mesure arbitraire et inutile et irresponsable du point de vue économique tout en insultant le bon sens; on utilise deux poids, deux mesures, et c’est inacceptable pour la grande majorité des Canadiens.

Alors que le projet de loi C-48 n’accomplit clairement pas ce que ses promoteurs disent qu’il fera, le projet de loi lui-même n’est de toute évidence pas fondé sur la science. C’est le plus clair dans la liste de l’annexe des produits interdits en vertu du projet de loi C-48. L’élaboration de cette liste semble avoir été complètement arbitraire ou, pire, délibérément conçue pour mettre à mal l’économie de l’Ouest canadien.

Élément crucial, le bitume dilué figure dans cette liste de produits interdits. Le gouvernement n’a présenté aucune preuve que le comportement du bitume dilué dans l’eau justifiait une telle interdiction.

Des données scientifiques récemment produites par le gouvernement semblent très clairement indiquer le contraire. Par exemple, dans un document de Transports Canada daté du 26 avril 2018, intitulé Réponse du gouvernement du Canada au document de la Colombie-Britannique intitulé Policy Intentions Paper for Engagement : Activités du gouvernement du Canada liées à la gestion des déversements, on énonce ce qui suit :

« Grâce à cette recherche, le Canada a fait une connaissance globale du devenir et du comportement des produits pétroliers dans l’océan et l’eau douce. D’après les données scientifiques actuelles et l’expérience limitée en matière de déversement réel, le bitume dilué agit de la même façon que les pétroles brutes conventionnelles […] Les résultats ont montré que le comportement du bitume dilué cadre avec celui de l’ensemble des produits pétroliers conventionnels, ce qui signifie que les méthodes de récupération mécanique conventionnelles se sont révélées efficaces […] »

Nous avons confirmé cette constatation au cours de notre étude du projet de loi C-48. Par exemple, le 19 mars 2019, Mme Heather Dettman, chercheuse scientifique à Ressources naturelles Canada, a présenté le témoignage suivant devant le comité : « Les mesures d’intervention existantes sont efficaces pour le bitume dilué dans la même mesure qu’elles le seraient pour les autres produits pétroliers. Certaines situations sont plus complexes que d’autres, mais il présente le même potentiel de récupération […] ».

L’absence de justification scientifique à l’appui de l’annexe du projet de loi C-48, et en particulier de l’inclusion du bitume dilué, a été vivement dénoncée par bon nombre d’intervenants, y compris des représentants de deux gouvernements successifs de l’Alberta.

Sous la première ministre précédente, Rachel Notley, le gouvernement de l’Alberta a fait parvenir au comité une lettre dont voici un passage : « L’Alberta soutient que l’annexe des produits interdits aux termes du projet de loi C-48 n’est pas fondée sur la science ». [Traduction]

Le comité a aussi entendu le témoignage de l’actuel premier ministre de l’Alberta, Jason Kenney : « Il n’y a ni rime ni raison dans la liste des produits interdits ». [Traduction]

À partir des constatations d’experts impartiaux, votre comité en est venu à la conclusion que le bitume dilué pouvait effectivement être récupéré dans l’eau au moyen de méthodes conventionnelles. En outre, le comité a observé que ces constatations avaient été clairement formulées par des représentants de gouvernements provinciaux dûment élus se trouvant à des extrémités opposées du spectre politique.

Le gouvernement a cependant indiqué qu’il était déterminé à ignorer ses propres scientifiques et à inclure le bitume dilué dans la liste des produits interdits en vertu du projet de loi C-48. Le comité trouve cette attitude indéfendable.

Votre comité ne peut que se demander si le gouvernement a choisi d’inclure le bitume dilué dans l’annexe des produits interdits précisément parce qu’il s’agit d’un important produit d’exportation des sables bitumineux de l’Alberta. Cette constatation fragilise grandement l’argument du gouvernement en faveur du projet de loi C-48 en tant que projet de loi fondé sur la science et a contribué à la décision du comité de recommander de ne pas poursuivre l’étude du projet de loi.

Le projet de loi est discriminatoire et diviseur

En ciblant le pétrole brut, le bitume et d’autres hydrocarbures dits « persistants » afin de les exclure par un traitement spécial, le projet de loi cause un préjudice aux intérêts socioéconomiques des provinces productrices de pétrole, en particulier l’Alberta, mais aussi, dans une moindre mesure, la Saskatchewan. En l’absence d’une décision sur le projet TMX, le projet de loi C-48 dit aux Albertains tout spécialement qu’ils pourraient ne jamais pouvoir exporter leur plus important produit vers les marchés du Pacifique.

En refusant l’accès à l’océan au pétrole des Prairies, le projet de loi C-48 dit à ces provinces que, symboliquement et en pratique, leur place au sein de la Confédération est moindre et qu’elle n’a pas le statut de partenaire égal au sein du Canada. Il ne s’agit pas seulement de brimer les intérêts économiques de certaines provinces; c’est une politique corrosive qui divise à l’échelle nationale, exacerbant des aspirations d’autonomie, dressant les provinces les unes contre les autres et alimentant un ressentiment mal placé à l’égard des Canadiens autochtones. 

Votre comité a conclu, à partir des témoignages variés et assez passionnés qu’il a entendus d’un large éventail de témoins ayant comparu à Ottawa, en Colombie-Britannique, en Alberta et en Saskatchewan, que le projet de loi C-48 était à la fois diviseur et discriminatoire. Plutôt que de contribuer à la réconciliation avec les peuples autochtones du Canada, comme le soutient le ministre, il favorise les points de vue et les opinions des collectivités des Premières Nations côtières au détriment de ceux d’autres Premières Nations, qui sont pourtant tout autant concernées.

Nous avons été frappés par le ton blasé du ministre lorsque celui-ci parlait des intérêts des Premières Nations, qui voyaient une occasion économique dans la construction d’un oléoduc se rendant jusqu’à la côte. Voici ce qu’il a déclaré au Comité le 20 mars 2019 :

« Honorables sénateurs, je dois vous dire que je suis conscient que les communautés autochtones n’ont pas toutes la même opinion à ce sujet. Je sais notamment que deux communautés côtières, les Lax Kw’alaams et les Nisga’a, s’opposent au projet de loi C-48. De plus, je sais que vous entendrez des représentants d’Eagle Spirit et d’Aboriginal Equity Partners. Il est important que vous teniez compte de leur opinion, comme je l’ai fait, mais je dois souligner que ces deux groupes — Eagle Spirit et Aboriginal Equity Partners — représentent des intérêts privés et que je crois qu’ils ne tombent pas dans la même catégorie que les Premières Nations et les communautés autochtones de la côte. Ce ne sont pas les mêmes enjeux qui intéressent le secteur privé et les communautés, qui pourraient voir leur gagne-pain, leur culture et leur mode de vie menacés par un déversement de pétrole d’importance. »

Il semble incroyable que le ministre ne se soit pas aperçu de la contradiction présente dans sa déclaration. En défendant les moyens de subsistance des Premières Nations côtières (qui ne sont qu’hypothétiquement menacées par un éventuel déversement d’hydrocarbures, le risque étant faible ou inexistant), il était plus que prêt à mettre en péril d’autres Premières Nations dont les intérêts commerciaux sont directement et intentionnellement menacés par le projet de loi C-48.

Votre comité est d’avis que l’idée selon laquelle les moyens de subsistance de certaines Premières Nations méritent une protection, au contraire des moyens de subsistance d’autres Premières Nations, qui ne sont pas compatibles avec les positions idéologiques du gouvernement Trudeau, est ahurissante. Loin d’ouvrir la voie à la réconciliation, elle sème explicitement une division, que l’on pourrait éviter en opposant les intérêts de deux Premières Nations.

En outre, en défendant ses positions le 20 mars 2019, le ministre a présenté de manière inexacte le soutien à l’endroit du projet de loi C-48 au sein même des Premières Nations côtières. Il a soutenu ce qui suit au cours de son témoignage :

« Face à ceux qui s’opposent au projet de loi C-48, il y a une coalition de toutes les autres communautés autochtones le long de la côte qui, en passant, représente la majorité de ces communautés : Haïda, Heiltsuk, Haisla, Metlakatla, Gitga’at, Kitasoo, Gitxaala et même les leaders héréditaires des Lax Kw’alaams, qui ont demandé de façon soutenue l’officialisation du moratoire. Pour eux, ce moratoire est essentiel à la protection de leur économie renouvelable et durable florissante fondée sur la pêche et l’aquaculture. De plus, l’eau est au cœur de leurs traditions culturelles et spirituelles. J’ai entendu leur appel et j’ai été touché par leur argumentaire passionné. Je vous invite à les écouter attentivement lorsqu’ils viendront témoigner devant le comité, ce que vous aviez déjà l’intention de faire, j’en suis convaincu. »

Nous les avons bien sûr écoutés attentivement. Votre comité a porté une attention particulière à une lettre adressée à son président par la Première Nation Melakatla, qui contenait la déclaration suivante : « Les Metlakatla sont opposés au projet de loi dans sa formulation actuelle. » [Traduction] On y disait aussi que les consultations à propos du moratoire relatif aux pétroliers étaient insuffisantes et qu’on ne leur avait pas fourni assez d’information pour prendre une décision éclairée.

Nous avons souligné au ministre cette contradiction au cours de son témoignage du 14 mai 2019. Celui-ci a répondu qu’il parlait de manière générale de l’unanimité des Premières Nations côtières. La transcription du témoignage réfute cependant clairement cette version. 

Le projet prête flanc à des contestations constitutionnelles 

Les Lax Kw’alaams du Nord de la Colombie-Britannique ont déposé devant la Cour suprême de la province une demande d’injonction contre le projet de loi C-48. Les Nisga’a Lisims affirment que ce dernier trahit l’esprit de leur traité avec le Canada, et viole leur droit constitutionnel à l’autodétermination et au partage des avantages qui sont associés à la citoyenneté canadienne. Nous sommes persuadés que ces contestations sont fondées en droit et que, pour cette raison seulement, il ne faut pas poursuivre l’étude du projet de loi C-48.

Le projet de loi C-48 a été conçu et présenté comme un symbole de réconciliation, mais il omet de respecter les droits ancestraux de la Première Nation Nisga’a, qui est signataire d’un traité moderne avec la Couronne. L’argument des Nisga’a est qu’ils n’ont pas été suffisamment consultés au titre de l’article 35 de la Loi constitutionnelle. Ils soutiennent que le projet de loi C-48 abroge leurs droits à l’autodétermination économique et leurs droits de développer, sur le territoire qu’ils ont obtenu par traité, des projets d’infrastructure. D’autres nations sont divisées sur le projet de loi, comme les Lax Kw’alaams, ou ambivalentes à son égard, comme les Metlakatka, qui préfèrent un moratoire à court terme, mais les Nisga’a ont présenté un front commun contre celui-ci. Comme il s’agit de la seule Première Nation de la région signataire d’un traité moderne, sa position a des fondements juridiques solides.

« La nation Nisga’a n’appuie pas l’imposition d’un moratoire s’appliquant à des zones qui nous ont été cédées par traité », a déclaré la présidente des Nisga’a, Eva Clayton, dans son témoignage devant le Comité à Terrace, Colombie-Britannique, le 17 avril 2019. « Nous sommes d’avis que le projet de loi C-48 constitue une gifle aux principes d’autodétermination et de gestion environnementale, qui sont au cœur du traité conclu avec les Nisga’a. »

Mme Clayton a poursuivi ainsi : « Si l’on activait les dispositions de notre traité relatives à l’évaluation des projets éventuels en fonction de leur mérite, on s’assurerait que les données scientifiques jouent un rôle essentiel dans l’évaluation des répercussions et une prise de décisions éclairée, plutôt que l’approche actuelle, qui consiste à édicter unilatéralement et arbitrairement un moratoire général relatif aux pétroliers couvrant une région particulière du Canada ». [Traduction]

CONCLUSIONS

Votre comité soutient fermement que cibler une région du Canada pour la désavantager sur le plan économique est inconstitutionnel et détruit le tissu du fédéralisme canadien.

Les membres du comité conviennent que défendre les régions du Canada est une fonction primordiale du Sénat. Dans le cas présent, le gouvernement actuel a choisi de cibler une région, l’Alberta et la Saskatchewan, au moyen d’une loi qui est incontestablement néfaste pour l’économie de cette région.

Point crucial, la nécessité scientifique d’une loi aussi dommageable n’a pas été suffisamment démontrée par des données probantes. Au contraire, les données scientifiques publiées par le gouvernement lui-même contredisent l’hypothèse de base du projet de loi C-48. Le comité n’a vu aucune preuve crédible que les produits interdits par le projet de loi C-48 sont plus dangereux, ou moins récupérables, que d’autres produits transportés par des navires au Canada.

Votre comité soutient que le projet de loi C-48 constitue un cas exceptionnel dans l’histoire du Canada. Il est atypique qu’un comité du Sénat recommande de ne pas poursuivre l’étude d’un projet de loi, mais cela l’est également qu’un gouvernement au pouvoir mine délibérément le potentiel économique d’une région du Canada, sans aucune base scientifique pour le justifier.

Votre comité observe que le parti politique au pouvoir a par le passé été incapable de gagner un nombre important de sièges dans la région visée par le projet de loi et que tous les sondages crédibles indiquent que le parti au pouvoir sera incapable de gagner un nombre important de sièges au cours de la prochaine élection fédérale.

Votre comité s’inquiète du cynisme de cibler une région offrant peu de gains politiques au gouvernement en place afin de plaire aux électeurs d’autres régions du canada, régions au sein desquelles le gouvernement en place a beaucoup plus de chances de remporter des sièges.

Votre comité soutient que, dans le cas du projet de loi C-48, le gouvernement a manqué à son obligation de défendre équitablement les intérêts de tous les Canadiens. Il est totalement inapproprié pour le parti politique au pouvoir de ne tenir compte que des régions où il a des chances sur le plan électoral lorsqu’il rédige une loi.

Les auteurs la Constitution du Canada ont créé des institutions telles que le Sénat et la Cour suprême du Canada en guise de contrepoids aux abus de pouvoir du gouvernement en place, en particulier dans le cas d’un gouvernement majoritaire.

Nous avons conclu que le projet de loi C-48 est considérablement néfaste, non scientifique, discriminatoire et motivé par-dessus tout par des considérations politiques partisanes. Par conséquent, le comité recommande que le Sénat ne poursuive pas l’étude de ce projet de loi.

Respectueusement soumis,

Le président,

DAVID TKACHUK


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