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ENEV - Comité permanent

Énergie, environnement et ressources naturelles

Rapport du comité

Le mardi 22 juin 2021

Le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles a l’honneur de déposer son

TROISIÈME RAPPORT

Votre comité, qui a été autorisé à examiner la teneur du projet de loi C-12, Loi concernant la transparence et la responsabilité du Canada dans le cadre de ses efforts pour atteindre la carboneutralité en 2050, a, conformément à l’ordre de renvoi du mercredi 2 juin 2021, examiné ladite teneur du projet de loi et en fait maintenant rapport comme il suit :

INTRODUCTION

Dans le cadre de ses délibérations, le comité a tenu cinq audiences publiques qui ont duré au total 11,5 heures. Il a en outre entendu le témoignage de 22 organismes et de cinq personnes, et reçu des mémoires de plusieurs organismes. Les témoignages des personnes et des organismes qui ont comparu devant le comité représentaient un éventail de perspectives (voir la page Web de l’étude préalable du comité). S’il avait disposé de plus de temps, le comité aurait entendu d’autres témoins compte tenu de l’importance du projet de loi.

Le Canada a un besoin pressant d’un cadre national de responsabilisation en matière de changements climatiques. Il lui faudra, pour faire sa part dans l’atteinte de l’objectif de l’Accord de Paris consistant à limiter la hausse de la température mondiale à 1,5 degré Celsius au cours du présent siècle, de nouvelles politiques nationales ambitieuses qu’il adoptera d’une manière immédiate et délibérée. Même si, selon les témoins, le projet de loi C-12 comporte de nombreuses lacunes, qui sont décrites en détail ci-dessous, il ne faut pas atermoyer, mais mettre en œuvre un cadre national de responsabilisation en matière de changements climatiques.

Votre comité demande au gouvernement du Canada de donner suite à ces observations le plus rapidement possible, sans attendre l’examen législatif quinquennal prévu dans le projet de loi.

EFFICACITÉ DE LA RESPONSABILISATION

Le Canada n’a jamais eu de difficulté à se fixer des cibles de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES); il éprouve plutôt de la difficulté à les atteindre. Jusqu’à maintenant, aucun gouvernement du Canada n’a été tenu responsable sur le plan politique de ces échecs. Votre comité souhaite renforcer les mécanismes de responsabilisation politique contenus dans le projet de loi C-12, mais reconnait que la responsabilisation politique à l’égard du rendement en matière de changements climatiques découle en partie de la culture. Au fil du temps, le cadre pourrait contribuer à créer une culture politique au Canada dans laquelle les citoyens s’attendent à un rendement en matière de changements climatiques dans tous les ordres de gouvernement.

Votre comité estime que le processus de responsabilisation en matière de changements climatiques prévu dans le projet de loi C-12, qui comprend l’établissement cyclique de cibles en matière de GES, la conception d’un plan de réduction des émissions, ainsi que la production de rapports sur les progrès accomplis et les vérifications du rendement, manque de robustesse et ne donnera pas lieu à des réductions de GES conformes aux objectifs nationaux. Il faut en faire plus pour accroître la responsabilisation du gouvernement du Canada à l’égard de la réduction des émissions de GES.

Par exemple, le comité est d’avis que le Groupe consultatif pour la carboneutralité doit être indépendant sur le plan administratif et que, pour ce faire, il doit exercer un droit de regard sur son budget et son secrétariat, et se doter d’un code rigoureux régissant les conflits d’intérêts de manière à pouvoir se récuser de toute discussion et recommandation concernant les conflits directs des membres.

Le comité estime aussi que pour être plus indépendant, le commissaire à l’environnement et au développement durable devrait être un agent du Parlement et faire rapport aux parlementaires.

RESPECT ET COLLABORATION SUR LE PLAN DES COMPÉTENCES

Les décisions relatives aux cibles et aux plans que prendra le ministre de l’Environnement et du Changement climatique au titre du projet de loi C-12 revêtent une importance nationale. À long terme, le cadre national de responsabilisation en matière de changements climatiques pourra apporter plus de certitude quant à l’orientation stratégique choisie par le Canada en matière de climat, et ce, grâce aux cibles de réduction des émissions de GES progressivement plus ambitieuses qui y seront établies bien avant les années jalons. Selon les témoins, cette certitude est importante si le Canada veut attirer les investissements soutenus dont il aura inévitablement besoin pour financer sa transition énergétique.

Au sein de la fédération canadienne, la compétence relativement à certaines des plus importantes questions de politiques ayant une incidence sur les émissions de GES appartient aux gouvernements des provinces et des territoires ainsi qu’aux structures de gouvernance autochtones, et non au gouvernement fédéral. Il est urgent que les différents ordres de gouvernement déterminent la façon dont leurs diverses compétences et leurs divers pouvoirs constitutionnels se rapportant à l’environnement, à l’économie ainsi qu’à l’infrastructure sociale leur serviront à collaborer au respect de leur engagement à l’atteinte de la carboneutralité d’ici 2050, ainsi que des jalons qui pavent la voie vers cet engagement.

Les stratégies et les politiques provinciales et territoriales en matière de changements climatiques, y compris les engagements en matière de réduction des émissions de GES, devraient être intégrées aux cibles, aux plans et aux rapports établis par le ministre. Le comité tient à faire remarquer qu’il est très important que le fédéral collabore étroitement avec les gouvernements des provinces et des territoires, les dirigeants des municipalités et de l’industrie et, dans le cadre d’une collaboration et de consultations continues, avec les structures de gouvernance autochtone à l’atteinte de la cible de carboneutralité d’ici 2050.

TRANSITION JUSTE ET ÉQUITABLE

La transition vers un système énergétique net zéro présentera des avantages et des difficultés de façon inégale pour les différentes régions et les différents secteurs économiques au pays. Comme le comité l’a entendu, plusieurs chemins sont possibles vers des émissions nettes nulles, et aucune région ne génère les mêmes émissions. Votre comité croit que l’atteinte et la mise en œuvre de l’objectif général de carboneutralité doivent être effectuées de façon équitable et juste relativement aux diverses régions du pays et aux divers secteurs de l’économie qui, selon le cas, en tireront des avantages ou seront mis à l’épreuve. Le comité rappelle au gouvernement fédéral le legs des répercussions environnementales associées à l’exploitation des ressources naturelles sur les terres des peuples autochtones et près de celles-ci, et son devoir d’intégrer leur point de vue, de défendre leurs droits de la personne, et de s’efforcer de trouver un juste milieu entre l’environnement et l’économie sur la voie de l’atteinte des émissions nettes zéro d’ici 2050. Le comité croit qu’assurer la représentation autochtone au sein du Groupe consultatif pour la carboneutralité – nommés en consultation avec les peuples autochtones en respectant les structures de gouvernance traditionnelles – contribuerait à la réalisation de ces obligations.

CONSIDÉRATIONS ÉCONOMIQUES ET SOCIALES

Tandis que, avec le projet de loi C-12, il s’agit essentiellement d’établir un cadre national de responsabilisation pour la réduction des émissions de GES, le comité s’est demandé s’il serait pertinent de faire appel à des indicateurs économiques comme le produit intérieur brut réel et à des mesures sociales comme l’emploi en tant qu’objectifs en vertu du cadre.

Le comité est d’avis que les cibles prévues dans le projet de loi C-12 ne devraient être liées qu’aux niveaux d’émissions de GES au cours des années jalons. Cela étant dit, le comité s’inquiète du fait qu’il n’est pas essentiel que les plans et les rapports énoncés dans le projet de loi contiennent de l’information au sujet des incidences économiques et sociales de l’action ou de l’inaction à l’égard du climat, comme une analyse des coûts et des bénéfices. De plus, malgré le fait que, dans le préambule du projet de loi C-12, on mentionne qu’il faut rendre l’économie canadienne « plus résiliente, inclusive et compétitive», il n’est nullement mention de mesures comme le produit intérieur brut réel, les niveaux d’investissement et d’emploi, l’accessibilité des énergies, entre autres, comme considérations dans les plans et les rapports du ministre. La sécurité énergétique n’est pas mentionnée non plus, malgré l’importance de ce facteur de transition vers une économie à faibles émissions de carbone. Par conséquent, le comité est d’avis que ces facteurs doivent être inclus dans les plans et les rapports du ministre avant l’examen quinquennal de la Loi.

Pour clarifier, l’inclusion de facteurs économiques et sociaux dans le régime de responsabilité climatique ne diminue pas le signal politique clair envoyé par les jalons prévus en vertu du projet de loi C-12 pour la réduction des émissions de GES. En fait, la prise en compte et la mesure de ces facteurs pourraient permettre d’améliorer la capacité du Canada d’atteindre le niveau net zéro de façon plus rapide et plus équitable.

Respectueusement soumis,

Le président,

PAUL J. MASSICOTTE


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