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APPA - Comité permanent

Peuples autochtones

 

LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES PEUPLES AUTOCHTONES

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le jeudi 16 mai 2019

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd’hui à 13 heures pour étudier la teneur des éléments de la section 25 de la partie 4 du projet de loi C-97, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 19 mars 2019 et mettant en œuvre d’autres mesures; et, à huis clos, pour l’étude d’une ébauche de rapport.

Le sénateur Scott Tannas (vice-président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le vice-président : Bonjour. Je souhaite la bienvenue à tous les honorables sénateurs et aux membres du public qui suivent cette séance du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, que ce soit ici, dans la salle, à la télévision ou sur le Web.

Je tiens à souligner, par souci de réconciliation, que nous nous réunissons sur les terres ancestrales non cédées des peuples algonquins.

Je m’appelle Scott Tannas, de l’Alberta. J’ai le privilège de commencer la réunion en tant que président, et la sénatrice Dyck se joindra à nous le plus rapidement possible. Elle est retenue dans une autre réunion de comité. Je présiderai donc aujourd’hui une partie de la réunion du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones.

Nous poursuivons aujourd’hui notre examen de la teneur des éléments de la section 25 de la partie 4 du projet de loi C-97, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 19 mars 2019 et mettant en œuvre d’autres mesures.

Avant de commencer, j’invite mes collègues sénateurs à se présenter.

La sénatrice LaBoucane-Benson : Patti LaBoucane-Benson, du territoire visé par le Traité no 6, Alberta.

La sénatrice Lovelace Nicholas : Sénatrice Lovelace, Nouveau-Brunswick.

Le sénateur Francis : Brian Francis, Île-du-Prince-Édouard.

La sénatrice McPhedran : Marilou McPhedran, Manitoba.

La sénatrice McCallum : Mary Jane McCallum, Traité no 10, Manitoba.

Le vice-président : Merci, honorables sénateurs.

Nous accueillons, cet après-midi, le chef Craig Makinaw, de la Nation crie Ermineskin, et le chef Okimaw Henry Lewis, de la Nation des Cris d’Onion Lake.

Nous allons commencer par la déclaration préliminaire du chef Makinaw, qui sera suivie de celle du chef Lewis.

Chef Makinaw, vous avez la parole.

Craig Makinaw, chef, Nation crie Ermineskin : Je suis le chef Makinaw de la Nation crie Ermineskin. Notre nation a conclu le Traité no 6 avec la Couronne britannique en 1877. Nous sommes heureux d’avoir l’occasion de parler aux membres du comité permanent d’un certain nombre de questions concernant nos droits.

De toute évidence, nous ne pouvons pas examiner l’ensemble du projet de loi. Nous nous limiterons aux questions qui pourraient avoir une incidence directe sur nos droits et les droits de nos générations futures.

Le projet de loi C-97 ne comprend pas seulement le budget, il est plein d’amendements à diverses mesures législatives qui touchent de nombreux domaines. Le projet de loi C-97, en ce qui concerne nos droits en tant que peuples autochtones signataires de traités, comporte un certain nombre de lacunes.

Le projet de loi a été rédigé sans notre consentement. En fait, notre nation n’a jamais participé au processus de rédaction pour faire connaître son point de vue sur les principaux enjeux.

La Nation crie Ermineskin collabore depuis longtemps avec le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien et la Direction générale de la santé des Premières Nations et des Inuits pour apporter des modifications de fond aux ententes de financement.

Notre participation à la modification du libellé des ententes remonte à plus de 15 ans, et notre nation a donc l’habitude d’examiner et de réviser un texte et de proposer des modifications.

Compte tenu de notre participation, il a été choquant d’apprendre que les deux nouveaux ministères ont été conçus et inclus dans le projet de loi omnibus, le projet de loi C-97, sans que le gouvernement n’adresse un seul mot à nos bureaux à ce sujet. Nous considérons cette omission comme une violation majeure de nos droits issus des traités.

Notre nation croyait que l’époque où le gouvernement prenait unilatéralement des décisions et tentait de les imposer à nos peuples était révolue. De toute évidence, nous nous trompions.

La Nation crie Ermineskin a toujours considéré nos droits comme des droits collectifs. Les modifications proposées au projet de loi C-97 pour créer deux nouveaux ministères ne font référence aux Autochtones qu’à titre individuel. Qu’adviendra-t-il de nos droits collectifs? Quelles sont les intentions du Canada? On ne nous a rien dit.

L’utilisation de l’expression « individuals » nous rapproche de la Charte des droits et libertés qui ne devait pas s’appliquer à nos nations en raison de nos droits collectifs. Le Parlement propose maintenant de passer outre à la Constitution et d’imposer une loi qui favorise l’individu. Notre pays a créé de nombreuses lois pour protéger nos droits collectifs. Le Canada va-t-il imposer sa loi en utilisant le processus de financement inscrit dans les projets de loi?

Nous ne voyons aucune reconnaissance de notre relation scellée par traité. À propos de la création des deux ministères, aucune mention n’est faite des peuples signataires des traités. On parle des Inuits et des Métis, mais pas des peuples visés par les traités. Pourtant, ce sont les traités qui permettent à l’État canadien d’exister. Les doctrines du territoire sans maître, de la découverte ou de la conquête ne s’appliquent pas à nos peuples. C’est la conclusion de traités qui a permis une colonisation pacifique sur nos territoires. C’est très simple. Nous nous demandons donc quelles sont les intentions de l’État par rapport à nos traités.

Le Canada est une monarchie constitutionnelle. La Nation crie Ermineskin demande si le Canada tente de modifier la Constitution en créant ces deux ministères sans consulter nos peuples.

Les nouveaux projets de loi auront aussi des répercussions sur les provinces. Quelqu’un a-t-il posé la question aux provinces?

Est-il possible pour le gouvernement fédéral de modifier unilatéralement la Constitution par décret? Ces décrets ont été pris il y a près de deux ans, en août 2017, mais ils n’ont été présentés au Parlement que dans le cadre de ce projet de loi omnibus.

Ermineskin pose ces questions parce que c’est précisément ce qui s’est passé ici. Où était le pouvoir de créer deux ministères et de transférer les crédits votés pour les Indiens dans ces deux entités? Tout cela s’est fait dans le cadre d’un organe décisionnel central fermé — le Cabinet — sans surveillance parlementaire.

Le résultat des décrets en conseil est l’utilisation de fonds votés pour les Indiens pendant deux ans. Est-ce légal? Est-ce constitutionnel? Cette insertion de dernière minute dans le projet de loi d’exécution du budget vise-t-elle à couvrir les activités de deux ministères qui travaillent en dehors du processus parlementaire? Ce sont des questions très graves qui ont de lourdes répercussions sur les peuples visés par les traités.

La formation prévue des deux ministères ne semble pas envisager un rôle pour les peuples visés par les traités.

Le premier ministre Justin Trudeau a déclaré publiquement, à de nombreuses occasions, qu’aucune relation n’était plus importante pour les Canadiens que la relation entre le Canada et les peuples autochtones. Parlait-il de tout le monde, à l’exception des peuples signataires des traités?

Pour que le Canada puisse voir le jour, il a fallu conclure des traités. Il s’agit de la loi fondamentale établie par la Couronne dans la Proclamation royale de 1763. L’Organisation des Nations Unies connaît l’importance et le rôle des traités dans la création d’États successeurs comme le Canada.

Les tribunaux canadiens ont déclaré, dans de nombreuses décisions, qu’il fallait traiter équitablement et sans manœuvres malhonnêtes les peuples visés par les traités afin de préserver l’honneur de la Couronne. Pourtant, le Canada a rédigé un projet de loi sur cette relation fondamentale sans en discuter avec nos nations. La question qu’il faut se poser est la suivante : ce processus fait-il honneur à la Couronne ou constitue-t-il un exemple de manœuvres malhonnêtes?

En décidant de nous cacher ses activités en ce qui a trait à la rédaction de ce projet de loi, l’État a fait un retour à l’époque coloniale.

Les mesures unilatérales vont des pensionnats aux systèmes de laissez-passer et de permis sans oublier les nombreuses autres décisions prises à Ottawa et imposées à nos peuples, et nous avons là un nouvel exemple de ce genre de prise de décisions. Nous ne sommes pas loin du processus décisionnel colonial.

Il faut remettre en question l’objectif du gouvernement du Canada. Il y a 100 ans, le sous-ministre des Affaires indiennes, Duncan Campbell Scott, a clairement énoncé les objectifs du Canada :

Le meilleur avenir, pour la race indienne, est son assimilation dans la population générale, et c’est le but et la politique de notre gouvernement.

Il a dit aussi :

Notre but est de continuer jusqu’à ce qu’il n’y ait pas un seul Indien au Canada qui n’ait été absorbé par l’État et qu’il n’y ait aucune question indienne, ni de département des Affaires des Sauvages...

Rien n’a changé. Le projet de loi C-97 perpétue l’héritage colonial du Canada. La Nation crie Ermineskin fait la suggestion suivante pour l’avenir.

Les dispositions du projet de loi concernant les peuples autochtones devraient être supprimées et examinées dans le cadre d’un processus distinct et équitable qui respecte les processus décisionnels de nos nations.

Le gouvernement du Canada ne peut pas se fier à des organisations pour obtenir notre consentement. Les organisations n’ont pas conclu de traités. Il fut un temps où nous travaillions au sein d’une organisation pour nous soutenir collectivement. Maintenant, ces organisations sont utilisées contre nos nations.

Nous voulons que le compte rendu montre que la Nation crie Ermineskin ne consent pas au libellé proposé du projet de loi C-97. Nous demandons la suppression des articles suivants du projet de loi :

La sous-section A de la section 25 de la partie 4 édicte la Loi sur le ministère des Services aux Autochtones, établissant un ministère des Services aux Autochtones et confiant diverses responsabilités à la ministre des Services aux Autochtones.

La sous-section B de la section 25 de la partie 4 édicte la Loi sur le ministère des Relations Couronne-Autochtones et des Affaires du Nord, qui établit le ministère des Relations Couronne-Autochtones et des Affaires du Nord.

La sous-section C de la section 25 de la partie 4 modifie d’autres lois et abroge la Loi sur le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien.

Nous demandons que ces articles soient retirés du projet de loi avant que le Sénat ne l’adopte. Les peuples signataires des traités veulent travailler à la mise en œuvre de leurs traités. Nous voulons qu’il y ait une reconnaissance adéquate des traités, et non pas le processus unilatéral et secret qui a été utilisé pour présenter ce projet de loi.

Au nom des membres de la Nation crie Ermineskin et de nos générations futures, y compris ceux qui ne peuvent pas parler pour eux-mêmes, nous vous remercions d’avoir écouté nos préoccupations.

Le vice-président : Merci, chef Makinaw.

Nous passons maintenant au chef Lewis.

Okimaw Henry Lewis, chef, Nation des Cris d’Onion Lake : [ Langue autochtone parlée.] Sans plus tarder, j’exprime ma profonde gratitude au Sénat aujourd’hui. Je vous remercie sincèrement du fond du cœur. Il a fallu beaucoup de temps pour arriver à la table où nous pourrions être entendus.

Tansi, et bonjour monsieur le président et membres du comité. Au nom de la Nation crie, nous voulons faire connaître notre point de vue sur le projet de loi C-97, un projet de loi omnibus qui couvre tout, des questions d’argent aux modifications à diverses mesures législatives. Il est évident que nous ne pouvons pas parler de toutes ses dispositions. Nous limiterons nos commentaires aux grandes questions enfouies dans le projet de loi qui concernent ma nation, soit la division du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien.

Le 28 août 2017, le premier ministre Justin Trudeau a annoncé unilatéralement la division du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien en deux nouvelles entités, soit le ministère des Services aux Autochtones et le ministère des Relations Couronne-Autochtones. Les deux entités ont été habilitées par décret. Vingt et un mois plus tard, le projet de loi C-21 contient des dispositions visant à créer les deux ministères.

Au cours de ces 21 mois, les ministres Bennett et Philpott n’ont fait participé Onion Lake à aucune discussion sur le projet de loi. Nous n’avons pas participé au processus, malgré les paroles du premier ministre, qui avait déclaré, le 28 août 2017 :

... nous établirons deux nouveaux ministères : le ministère des Relations Couronne-Autochtones et des Affaires du Nord et le ministère des Services aux Autochtones. Ces changements s’inspirent des recommandations de la Commission royale et seront finalisés en collaboration avec les peuples autochtones.

Où est la coopération? Comment la coopération devait-elle se faire? Si ce projet de loi est adopté sans amendement, la création de ces deux ministères sera finalisée. Nous n’y avons pas participé.

Le conseil d’Okimaw d’Onion Lake et moi-même sommes responsables des générations futures et nous sommes les titulaires de droits, ainsi que nos descendants.

En 21 mois, nous n’avons pas reçu une seule lettre invitant le chef et le conseil de notre nation signataire de traité à une réunion pour discuter de la réorganisation du gouvernement, ou on ne nous a pas demandé quels effets une telle réorganisation aurait sur nos droits et nos terres.

Le gouvernement est resté complètement silencieux. Ce n’est pas ce qu’a fait le premier ministre, qui a déclaré publiquement à maintes reprises que la relation avec nos nations était la plus importante. Qu’est-ce que cela signifie étant donné les modifications proposées?

Dans la même déclaration, le premier ministre a dit :

La mesure que nous annonçons aujourd’hui est également une autre étape vers l’élimination de la Loi sur les Indiens, mais le rythme de cette transition demandera également un leadership de la part des communautés autochtones elles-mêmes.

Le premier ministre parle de leadership, mais il n’y a pas de processus. Ce sont les fausses promesses faites aux peuples signataires des traités qui déshonorent la Couronne. Nous sommes titulaires de droits et vous ne pouvez pas charger des organisations qui n’ont pas participé à la conclusion de traités de donner leur consentement en notre nom.

Onion Lake ne permet à aucune organisation de prendre des décisions en son nom. Aucune organisation n’a conclu de traité avec la Couronne, contrairement à notre nation.

En fait, il y a un article dans le projet de loi qui prévoit un transfert graduel des responsabilités ministérielles aux organisations autochtones, un effacement complet de notre nation par rapport au libellé du Livre blanc de 1969.

Ce sont là d’importantes questions constitutionnelles que soulèvent les modifications proposées en ce qui concerne la création des nouveaux ministères. Comment le paragraphe 91(24) s’appliquera-t-il à l’avenir? Nous rappelons aux sénateurs que le paragraphe 91(24) fait référence aux « Indiens et aux terres réservées pour les Indiens ».

En 1969, le premier ministre Pierre Trudeau et le ministre Jean Chrétien ont émis l’idée, dans le Livre blanc tristement célèbre, que le paragraphe 91(24) deviendrait caduque dans l’Acte de l’Amérique du Nord britannique, car le Canada s’apprêtait à intégrer notre peuple et nos nations dans le tissu social du Canada.

Notre réponse au Canada : le gouvernement fédéral ne peut pas résilier nos traités unilatéralement. En 50 ans, le Canada a continué de créer des politiques et des programmes qui tentent de mettre fin à notre relation scellée par traité et de créer ainsi un seul système de prestation de services par l’entremise des provinces.

Comme le premier ministre l’a dit en 2017, « nos partenaires provinciaux et territoriaux » établiront une nouvelle relation. Cette nouvelle relation n’inclut pas nos traités. En 1867, 1969 et 2019, l’objectif est le même : se débarrasser des Indiens.

Nos traités avec la Couronne sont le fondement de l’État canadien. Sans traités, l’État n’existerait pas dans nos territoires. Nous rappelons aux députés que la Proclamation royale de 1763 établissait les dispositions régissant l’accès à nos territoires.

Nos ancêtres ont convenu d’un traité de paix et d’amitié avec la Couronne en vue d’une colonisation pacifique sur nos territoires. Nous n’avons pas renoncé à nos territoires ou à nos ressources. Nos nations ont conclu des traités en vertu de nos propres lois et de notre propre structure gouvernementale. Nous n’avons pas besoin de négocier un accord d’« autonomie gouvernementale » en vertu d’une directive stratégique qui a été rédigée unilatéralement et imposée par des fonctionnaires du gouvernement.

Au bout de152 ans, le visage de la colonisation demeure le même : il faut se débarrasser des Indiens et imposer la règle coloniale sur nos territoires. Les tactiques sont les mêmes.

Nous essayons toujours de trouver des partenaires intéressés, comme les traiteurs de fourrures, les églises et les marchands de whisky. Maintenant, nous avons des organisations qui sont payées et créées par l’État pour servir les objectifs de l’État, comme la Commission de gestion des terres, la Commission consultative de la fiscalité indienne, la Commission de gestion financière et bien d’autres, toutes conçues pour faire entrer notre peuple et nos terres dans l’État.

Toutes ces entités sont créées sans notre consentement. Dans le projet de loi, les parlementaires financent et collaborent à la destruction de nos nations.

En juillet 2017, Onion Lake a communiqué avec la ministre Bennett sur une façon de mettre en œuvre nos traités qui rendraient honneur à la Couronne. Elle n’était pas intéressée. Au lieu de cela, le gouvernement a choisi de rédiger des projets de loi en secret pendant 21 mois. Un projet de loi omnibus sur le budget prévoit la création des deux ministères pour donner une légitimité au décret.

Si le gouvernement s’était engagé à établir une véritable relation avec notre peuple, les projets de loi auraient dû être déposés à la Chambre des communes après de vastes consultations auprès de notre peuple. Des projets de loi distincts nous auraient permis de faire des commentaires ou de proposer des amendements au besoin.

Au lieu d’établir une nouvelle relation avec les peuples autochtones, l’État a choisi d’enfouir les projets de loi dans une mesure législative de plus de 400 pages. Aucun ministre de la Couronne n’a envoyé de lettre ou de communiqué à notre nation pour dire que ces changements allaient figurer dans le projet de loi d’exécution du budget. Les gens visés par les traités ont dû découvrir ces dispositions en lisant la loi. Ce n’est pas facile à lire quand il y a près de 400 pages.

À cet égard, nous avons demandé aux honorables sénateurs que ces dispositions soient retirées du projet de loi d’exécution du budget avant son adoption. Les sénateurs ont le pouvoir et le droit, en tant que Chambre de second examen, de restaurer l’honneur de la Couronne. Les droits des peuples visés par les traités sont violés quotidiennement. Il faut que cela change. Supprimez ces dispositions et mettez en place un processus honorable et respectueux pour mettre en œuvre l’esprit et l’intention des traités tels qu’ils ont été envisagés par nos ancêtres. Nous voulons que ce soit retiré du projet de loi. Hai Hai.

Le vice-président : Nous allons maintenant passer aux questions, en commençant par le sénateur Patterson.

Le sénateur Patterson : Merci, chefs, de vos exposés et du défi que vous nous avez présenté. Au sujet de cette mesure, de cette réorganisation majeure du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, le gouvernement nous a dit qu’il s’agissait de décoloniser, de s’éloigner de la Loi sur les Indiens. L’APN, le chef national Perry Bellegarde, a déclaré, quand cette mesure a été annoncée, que ces changements étaient bienvenus et nécessaires et qu’ils pourraient favoriser la réconciliation.

Je voudrais poser la question suivante : cette réorganisation, qui est en place depuis maintenant deux ans, étant donné qu’elle a été effectuée au départ par décret, a-t-elle mené à la création de nouvelles institutions dirigées par des Autochtones? S’agit-il d’une décolonisation?

M. Lewis : Je remercie le sénateur de sa question. Je dois peut-être préciser que je vois les choses dans une perspective plus spirituelle. Je suis un dirigeant de ma nation de 600 à 500 personnes et plus, mais ce dont je veux parler, c’est que je suis aussi un gardien spirituel. C’est quelque chose qui est très difficile à comprendre, y compris pour l’APN, le chef Perry Bellegarde.

Bien que nous semblions parler le même langage, nous ne sommes pas d’accord sur le processus. De plus, notre chef ne nous écoute pas en ce qui concerne le domaine spirituel, l’angle sous lequel je vois les choses.

Le sénateur Patterson : Merci. Vous avez collaboré avec d’autres chefs, d’autres Premières Nations, et annoncé une journée nationale d’action contre le plan d’élimination du Canada, dont vous parlez dans votre communiqué de presse du 7 mai 2019. Vous avez également fait allusion, dans ce communiqué, à une requête que vous avez déposée auprès du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale contre toutes les actions unilatérales du Canada, comme celle-ci, je suppose.

Pouvez-vous me dire si vous avez reçu une réponse, si votre requête, votre intervention auprès du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale de l’ONU a eu des suites?

M. Lewis : À cet égard, il y a certaines choses que je ne peux pas dire pour l’instant. Le fait est que nous avons communiqué avec l’ONU parce que nous n’étions pas entendus au Canada. Il y a deux côtés à la médaille. Lorsque le Canada rend des comptes à l’ONU, il brosse un tableau optimiste de la façon dont nous sommes traités au Canada, alors que ce n’est pas le cas. C’est pourquoi nous avons dû intervenir.

Par ailleurs, lorsque nous avons présenté notre exposé, nous avons demandé l’abandon de ces mesures. Un autre problème est que notre consentement a été fabriqué. Nous devons ce sérieux problème à l’APN. Nous l’avons répété à maintes reprises. Nous affirmons que personne ne peut parler en notre nom, au nom des signataires de traités, sauf nous, les chefs de la base. Cela nous pose un sérieux problème.

Dans le même esprit, sénateur, je ne prétends pas parler au nom des autres nations. Je comparais devant le Sénat au nom de ma propre nation, parce que j’ai également du respect pour mon collègue chef, qui a ses propres responsabilités. Mais nous travaillons ensemble pour faire entendre notre voix, et c’est ce que nous essayons de faire ici aujourd’hui.

Le vice-président : Merci.

La sénatrice McCallum : Je vous remercie de vos exposés. Je suis heureuse que vous ayez eu l’occasion de venir nous parler de vos problèmes profondément troublants.

Vous estimez que ce projet de loi comporte de graves lacunes, mais croyez-vous qu’un rafistolage superficiel pourrait y remédier? Je dis cela parce que le chef Craig Makinaw a déclaré que nous régressons à l’ère coloniale en prenant des décisions coloniales, qui sont la continuation de l’assimilation.

Les projets de loi ne s’attaquent pas à la cause fondamentale, c’est-à-dire l’absence de la consultation véritable et du consentement qui font partie de la voie vers l’autodétermination. Et la relation n’en est pas vraiment une.

Pensez-vous que si le Sénat apportait des amendements à cette mesure, cela l’améliorerait, ou voulez-vous simplement que les projets de loi soient retirés?

M. Makinaw : Pour ma part, je veux que les projets de loi soient retirés.

La sénatrice McCallum : Chef Lewis?

M. Lewis : Même chose. C’était notre mandat, de faire rejeter le projet de loi dans son ensemble.

La sénatrice McCallum : Très bien. Merci.

M. Lewis : Cela fonctionnerait, si je peux me permettre, si les gens visés par les traités participaient au processus dès le début. Nous pourrions peut-être nous faire entendre.

De la même façon, en vertu de la Constitution du Canada, nous sommes regroupés en un seul peuple. Nous ne sommes pas des Métis; nous ne sommes pas des Inuits; nous sommes des Indiens signataires de traités. Nous voulons donc le droit d’être entendus en tant que peuples visés par des traités. Merci.

La sénatrice Lovelace Nicholas : Bienvenue parmi nous ce matin.

Tout d’abord, je tiens à faire savoir aux Canadiens que nous vivons sur des terres non cédées, que nous sommes une nation et que nous n’avons jamais été conquis.

Ma question est la suivante : de quelle façon, le cas échéant, la création de deux ministères a-t-elle influé sur le financement que votre communauté ou vos organismes reçoivent pour les programmes et la prestation de services?

M. Lewis : Pour notre nation, la Nation des Cris d’Onion Lake, nous avons établi une table de travail avec la bénédiction de l’ancienne ministre de la Santé, Jane Philpott. Pendant deux ans, nous avons consacré beaucoup de temps et de ressources à ce nouvel arrangement financier, le premier de ce genre, d’après ce qu’a dit le premier ministre.

La réorganisation de ces ministères aura certainement un impact en raison de la façon dont les fonds sont transférés. Les fonds provenant de l’ancien ministère sont transférés à Services aux Autochtones Canada, ce qui aura une incidence sur le travail que nous faisons actuellement. Le projet de loi aura des répercussions sur nous.

M. Makinaw : Au cours des 15 dernières années, nous avons négocié avec AANC au sujet de nos ententes de contribution et nous n’en sommes jamais arrivés à une entente à long terme parce que nous n’aimions pas le libellé proposé. C’est un des problèmes.

Au fil des ans, on nous a proposé de conclure des ententes de 3 ans, de 5 ans et de 10 ans, et nous n’avons jamais accepté parce que nous n’aimions pas le libellé de ces ententes.

Tant que nous n’aurons pas un libellé qui protège nos droits inhérents issus de traités, nous n’accepterons pas les nouvelles subventions de 5 ou 10 ans que propose le gouvernement. Cela ne fonctionne pas pour nous et je doute que ce ne soit jamais le cas.

Une fois que ces deux ministères ont été divisés, la situation a empiré parce que nous discutons maintenant du libellé de notre entente de contribution avec deux ministères. Il serait plus logique d’avoir un seul ministère dont les programmes relèveraient. Il est insensé d’avoir à discuter avec tel ministère ou tel autre. Même le personnel d’AANC ne sait pas à qui s’adresser. Cela crée beaucoup de confusion. Pour ma part, je préférerais qu’AANC reste tel quel. Je n’aime pas l’appeler d’un autre nom. Je ne suis pas d’accord.

M. Lewis : Pour ce qui est du financement, cela va se passer exactement comme je l’ai dit dans ma déclaration. Il y a un mouvement graduel de notre argent vers les provinces ou même vers les organisations. Ces sommes sont classées comme des fonds indiens au moment où nous nous parlons, mais une fois qu’elles seront transférées, elles ne seront pas reconnues comme des fonds indiens, et c’est un gros problème pour nous.

En outre, nous maintenons notre position à l’égard du rôle de la gouverneure générale comme gardienne de l’honneur de la Couronne. Le Canada fonctionne sous l’égide de la Gouverneure générale, et nous voulions que la Gouverneure générale soit incluse dans notre processus parce qu’elle gère les fonds de notre traité. C’est ce qui est important, et c’est là où je veux en venir.

Au moment où nous nous parlons, en ce qui concerne le travail que nous avons fait sur les ententes fondées sur les traités, nous vous demandons votre appui pour faire en sorte que ces ententes soient signées avant l’ajournement, en juin.

La sénatrice Lovelace Nicholas : Pour ce qui est de ma prochaine question, étant donné que le gouvernement est en train de créer deux nouvelles identités, Affaires indiennes, et cetera, est-ce en partie financé par les fonds que reçoivent les peuples autochtones? Est-ce que cela réduit le financement versé à nos communautés?

M. Lewis : Tout d’abord, je ne suis pas certain de comprendre la question, mais nous devons clarifier les choses. L’argent que nous demandons dans le cadre du financement fondé sur les traités est en dehors du financement prévu dans le cadre. C’est l’argent qui nous est dû en vertu des traités que nous demandons.

Je voudrais revenir à la contestation judiciaire que nous avons intentée contre le Canada au sujet du projet de loi C-27. Aux fins du compte rendu, lorsqu’on a demandé au principal responsable d’AANC, au sujet de ces fonds, si c’était l’argent des contribuables, la réponse qu’il a donnée est consignée au compte rendu : « Non, il s’agit de l’argent des Indiens, et non de l’argent des contribuables », et c’est du domaine public.

C’est l’argent que nous demandons, l’argent auquel les traités nous donnent droit pour l’utilisation de nos terres et de nos ressources.

La sénatrice Lovelace Nicholas : Merci beaucoup.

Le vice-président : Nous sommes arrivés à la fin de la liste. J’ai quelques questions à poser. Peut-être pourrions-nous renouveler la liste.

D’après ce que je comprends, avec la division d’AANC en deux entités et l’ajout de personnel de Santé Canada, nous sommes passés de 5 000 employés à 8 000 employés qui travaillent maintenant pour ces deux ministères.

Le seul chiffre que je ne connais pas, et je vais me renseigner à ce sujet aujourd’hui, mais pourriez-vous me dire combien d’employés de Santé Canada travaillent dans vos communautés?

M. Lewis : Si vous me permettez de renvoyer cette question à ma technicienne, c’est une coïncidence qu’elle soit assise à l’arrière. Elle peut répondre à cette question. Elle travaille dans le domaine de la santé.

C’est 86.

Le vice-président : Financés par?

M. Lewis : Santé Canada.

Le vice-président : Comme ils sont à l’emploi de Santé Canada, ils sont inclus dans les 3 000 employés de Santé Canada. Ils sont donc sur le terrain, ils offrent des services, c’est très bien.

Et vous, chef Makinaw, en avez-vous une idée?

M. Makinaw : Je vais vous donner un chiffre approximatif. Il est sans doute assez proche de celui du chef Lewis, entre 86 et 100 employés.

Le vice-président : Quelle est la population?

M. Makinaw : La nôtre est de 4 500 personnes.

La sénatrice McCallum : Si vous regardez ce qui est abordé dans ce projet de loi, en plus du budget, on peut lire que la sous-section A propose d’édicter la Loi sur le ministère des Services aux Autochtones et la sous-section B, la Loi sur le ministère des Relations Couronne-Autochtones. La sous-section C propose des modifications à d’autres lois et abroge le ministère des Affaires indiennes, et la sous-section D propose de modifier la Loi sur la gestion des terres des premières nations, la Loi sur la gestion du pétrole et du gaz et des fonds des Premières Nations, ainsi que la Loi sur l’ajout de terres aux réserves et la création de réserves.

Cela fait beaucoup à comprendre et à négocier. Quand je lis cette liste, cela me semble étourdissant. Je ne sais pas comment les Premières Nations peuvent travailler sur tous ces dossiers tout en continuant à assurer leur gouvernance. Tout cela aura un impact sur tout ce que vous faites. Pouvez-vous nous dire ce que vous en pensez?

M. Makinaw : Je peux faire quelques observations générales. L’un des problèmes que je vois dans tous ces projets de loi, c’est que certains de nos pouvoirs sont conférés aux provinces, que ce soit sur les terres, ou la protection de l’enfance. Toutes ces lois sont à peu près semblables, en ce sens qu’elles confèrent des pouvoirs à la province. Comment pouvons-nous exercer nos droits issus de traités et nos droits inhérents si nous donnons nos pouvoirs aux provinces? Si nous voulons avoir une relation fructueuse avec le gouvernement fédéral, elle doit être bilatérale entre le gouvernement fédéral et nous-mêmes. Une fois que nous serons rendus à cette étape, notre situation s’améliorera. Dans l’état actuel des choses, compte tenu de tous ces projets de loi et du fait que le gouvernement essaie de nous imposer des subventions sur 10 ans, je ne pense pas que ce soit juste, parce que vous décidez des bandes qui ont de l’argent et de celles qui n’en ont pas; et celles qui n’ont pas assez d’argent vont prendre ces subventions, malheureusement. Les règles du jeu ne sont pas équitables, parce que les bandes n’ont pas suffisamment de fonds. D’autres bandes qui ont des ressources peuvent s’en sortir.

À mes yeux, cela pose un problème. Tant que nous ne pourrons pas mieux discuter de ces questions et de nos relations, les choses ne vont pas changer. Si tous ces projets de loi sont adoptés, je pense que nous irons devant les tribunaux. C’est aussi simple que cela. Nous devons protéger nos droits. Nous ne pouvons pas simplement nous croiser les bras et laisser passer ce consentement fabriqué et ce genre de choses. Nous devons reprendre les discussions pour établir une véritable relation bilatérale avec le gouvernement. Quand ce sera fait, cela fonctionnera.

M. Lewis : Si vous le permettez, je voudrais ajouter quelque chose au sujet des modifications à la Loi sur la gestion des terres des premières nations qui s’en viennent. Je tiens à préciser qu’Onion Lake a refusé de participer au processus. J’y ai mis le holà, car je savais où cela nous mènerait.

Permettez-moi de vous présenter un scénario. Après 10 ans — je parle aussi des subventions sur 10 ans —, le financement n’est même pas garanti. Je le sais, en tant que dirigeant, et après avoir examiné 69 livres blancs, j’en connais les conséquences parce que j’ai fait des recherches à ce sujet. C’est exactement ce vers quoi nous nous dirigeons en matière de gestion des terres.

On transforme nos réserves en municipalités. Nous serons obligés de faire payer des impôts à nos propres gens pour créer nos propres revenus. Mais je pose la question au Sénat : où allons-nous trouver les sous? Nos gens sont pauvres. Si on leur ajoute ce fardeau, ils ne pourront pas payer les impôts. Essentiellement, si nous ne pouvons pas payer d’impôt, nous perdrons nos réserves. C’est aussi simple que cela.

La sénatrice McCallum : Lorsqu’on examine ce projet de loi, on constate qu’il deviendra inéquitable. Il n’est pas facile de combiner tout cela et d’essayer de comprendre l’incidence de chaque loi, y compris le projet de loi sur la langue, le projet de loi sur la protection de l’enfance et d’autres projets de loi qui s’en viennent. Comme vous l’avez dit, nous revenons à l’époque coloniale.

M. Makinaw : Il y a des années, lorsque les progressistes-conservateurs étaient au pouvoir, comme pour le projet de loi C-27, un tableau avait été présenté. Je ne sais pas quel groupe l’avait créé, mais à l’époque, on examinait le financement total d’AANC. Je me souviens que près de 50 p. 100, ou un peu plus, du budget d’AANC a été versé au personnel du ministère partout au Canada, avant même que les bandes ne touchent un sou. Je ne sais pas si ce chiffre est toujours le même.

Au fil des ans, en tant que chef et conseiller de ma bande, j’ai suggéré, lors des réunions d’AANC, la possibilité de faire des transferts électroniques. Nous en sommes au stade où tout le monde a des appareils électroniques dans son bureau. Pourquoi est-il si difficile de faire des transferts électroniques? Cela permettrait peut-être de réduire le personnel d’AANC, d’économiser et de nous donner plus d’argent. Nous devons être plus créatifs au lieu de rester sans avancer et, malheureusement, sauver des emplois au sein du gouvernement. Si vous regardez l’ensemble du processus, peut-être que pour ces deux ministères, vous pourriez réduire le nombre d’employés et nous donner cet argent.

C’est une chose que nous devons examiner parce que nous ne pouvons pas rester là où nous en sommes. Nos populations sont de plus en plus nombreuses et il est probable qu’au cours des 5 à 10 prochaines années, nous atteindrons le chiffre de 2 millions de membres. Nous avons beaucoup de jeunes de moins de 18 ans, dans chacune de nos bandes. Nous allons devenir le deuxième groupe le plus nombreux là-bas, et c’est pourquoi nous devons nous tourner vers l’avenir de notre peuple. Comme le disent nos aînés, nous devons penser aux générations futures. Nous devons y penser sérieusement.

Il y a d’autres questions que nous devons examiner. Je pense que l’une d’elles est la façon dont nous pouvons réduire le personnel d’AANC pour donner plus d’argent aux bandes. Malheureusement, cela ne fonctionne pas actuellement. Je sais que le plafond de 2 p. 100 a été levé, mais ce n’est pas suffisant parce que nous avons encore besoin de plus d’argent pour que nos bandes continuent de servir leurs membres.

M. Lewis : Puis-je ajouter quelque chose? Je serai bref.

Pour ce qui est de l’argent qui provient du Trésor, je vais parler un peu de sa répartition. Environ 60 p. 100 des deniers publics qui nous sont destinés parviennent aux Premières Nations. Sur ces 40 p. 100, AANC retient environ 19 p. 100 pour l’administration et 21 p. 100 à d’autres fins. J’aurais besoin de précisions sur les 21 p. 100 en question. Peut-être que les organisations, l’APN et la FSIN, obtiennent ces fonds. Si nous pouvions obtenir cet argent directement, cela nous aiderait certainement beaucoup. Cela contribuerait certainement à réduire la pauvreté dans nos Premières Nations. Hai Hai.

Le vice-président : Au nom du comité, chef Makinaw et chef Lewis, nous vous remercions d’être venus de si loin. Vous nous avez donné amplement matière à réflexion et vous avez conclu sur quelques observations que je trouve intéressantes.

Merci encore, chers collègues.

Nous poursuivons notre étude préalable de la section 25, partie 4 du projet de loi C-97.

Le comité est heureux d’accueillir Scott Serson, ancien sous-ministre d’Affaires autochtones et Développement du Nord Canada, et Veldon Coburn, membre de la faculté, École d’études autochtones et canadiennes de l’Université Carleton.

Bienvenue, messieurs.

Scott Serson, ancien sous-ministre, Affaires autochtones et Développement du Nord Canada, à titre personnel : Je remercie le comité de m’avoir invité à comparaître aujourd’hui. Je voudrais commencer par souligner que nous nous réunissons, cet après-midi, sur un territoire algonquin non cédé.

Je crois que la dernière fois que j’ai comparu devant le comité, c’était le 18 octobre 2017, alors que vous commenciez votre travail sur la relation entre les peuples autochtones et le Canada.

À ce moment-là, j’avais exprimé une certaine inquiétude face à cette décision de créer les deux nouveaux ministères. Je m’inquiète encore de voir le gouvernement mettre en œuvre une petite partie du plan en sept points de la Commission royale sur les peuples autochtones pour restructurer la relation. La création des deux ministères n’aura pas son plein impact en dehors du cadre de ce plan.

Je crois que l’intention de la CRPA était de faire adopter par le Parlement plusieurs mesures législatives indiquant clairement la direction que la nouvelle relation devait prendre afin que les fonctionnaires et, en fait, les dirigeants des Premières Nations, comme ceux que nous venons d’entendre, comprennent clairement l’orientation de cette relation restructurée.

Je souhaite toujours que le gouvernement établisse un plan, avec les représentants des Premières Nations, pour passer à une relation de nation à nation.

Lors de ma dernière comparution, j’ai aussi dit que le gouvernement devrait peut-être réfléchir davantage, avec les peuples autochtones, aux embûches que pose le travail en partenariat. Il semble être nécessaire d’y réfléchir encore, car malgré tous les engagements du gouvernement en ce sens, je crois savoir que l’Assemblée des Premières Nations n’a pris aucune part à l’élaboration du projet de loi avant une réunion tenue le 5 avril 2019, soit trois jours avant la première lecture du projet de loi, qui a eu lieu comme le savez le 8 avril 2019.

Je fais simplement écho aux préoccupations que nous venons d’entendre de la part des deux chefs.

Je vais maintenant aborder des questions précises en rapport avec la section 25 du projet de loi. D’abord, je tiens à féliciter le gouvernement actuel des progrès qu’il a réalisés pour financer équitablement les programmes et les services des Premières Nations, mais il reste que les Premières Nations ont vécu pendant 20 ans sous un plafond de financement fédéral injuste.

Je demanderais instamment au comité de songer à incorporer un quelconque engagement au financement équitable dans la Loi sur le ministère des Services autochtones. On pourrait ajouter une clause au préambule qui obligerait le gouvernement du Canada à établir des niveaux de financement raisonnablement comparables à ceux assurés par la province ou le territoire dans une région semblable, en tenant compte de l’engagement à combler les écarts socioéconomiques qui persistent entre les peuples autochtones et les autres Canadiens.

Dans la même veine, je remarque que le ministre des Services aux Autochtones conserve des responsabilités envers les gouvernements des Premières Nations, notamment le financement du soutien des bandes et le financement des conseils tribaux. Pourtant, il n’en est pas fait mention au paragraphe 6(2) sur l’obligation incombant au ministre. Je dirais qu’il faut les mentionner, ne serait-ce que pour assurer les Premières Nations que leur omission ne cache pas quelque intention de s’en décharger.

Dans la même loi et compte tenu de l’engagement au partenariat, il serait peut-être sage d’indiquer à l’article 7, sur la collaboration et le transfert des responsabilités, que les transferts de services ne se feront qu’à la demande et avec l’agrément des corps dirigeants autochtones.

Je pense que c’est une des assurances que les chefs recherchaient tantôt.

Enfin, dans le même esprit de partenariat, l’article 15, sur le rapport annuel au Parlement, pourrait indiquer que le rapport serait élaboré conjointement avec les Premières Nations, selon le mot d’ordre des Premières Nations qui dit que « rien sur nous ne se fera sans nous ».

J’ai une seule suggestion au sujet de la Loi sur le ministère des Relations Couronne-Autochtones et des Affaires du Nord. Au premier point du préambule et à l’alinéa 7a) sur les responsabilités, il y aurait peut-être lieu de dire « affirmation des droits » plutôt que « reconnaissance ». D’après ce que je sais, on craint de plus en plus chez les Premières Nations que le mot « reconnaissance » implique que le gouvernement considère ces droits comme éventuels et non comme inhérents.

Bien sûr, le comité voudra entendre directement les Premières Nations à ce sujet.

La présidente : Merci, monsieur Serson.

Veldon Coburn, membre de la faculté, École d’études autochtones et canadiennes, Université Carleton, à titre personnel : Bon après-midi, mesdames et messieurs. Je vous remercie de m’avoir invité à prendre la parole au sujet du projet de loi d’exécution du budget, qui comporte des dispositions visant à scinder le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien.

C’est un sujet que j’ai étudié plus officiellement dans le cadre de travaux universitaires, mais surtout, c’est un sujet qui touche ma propre vie d’Algonquin, ma propre communauté et ma propre nation, et dont j’ai beaucoup discuté avec d’autres Autochtones.

Je me limiterai en ouverture à quelques observations générales dans l’espoir qu’elles pourront orienter une partie de la discussion d’aujourd’hui. Il se peut que je reformule en d’autres mots ce qu’a dit M. Serson, puisqu’il semble avoir résumé bon nombre des questions que j’espère nous voir aborder.

Comme je l’ai dit et écrit ailleurs, la proposition de diviser en deux le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien date d’il y a longtemps. Nous parlons d’une proposition qui a été élaborée à une époque très différente, une époque aussi proche du Livre blanc fédéral que du temps présent et qui arrive presque à mi-chemin des 50 dernières années.

Si certains des mémoires de recherche qui étayent cette proposition sont cités par la Commission royale sur les peuples autochtones, la CRPA, qui date du début des années 1990, ils s’inspirent de documents et de publications bien antérieurs, et ils citent des références qui remontent aussi loin que les années 1970 et le début des années 1980.

La pensée a beaucoup évolué dans l’administration publique, tout comme l’appareil gouvernemental fédéral. Ce sont là des observations très générales, mais elles pèsent lourd quand on se demande comment une proposition élaborée il y a près de 25 ans peut convenir au contexte des politiques et des réalités autochtones d’aujourd’hui.

Je m’en voudrais de ne pas exposer certains points de vue des peuples, des nations et des groupes autochtones avec qui j’ai eu l’occasion de discuter de cette question.

Je vous fais remarquer que vous entendez le témoignage de personnes qui se trouvent directement touchées par ce changement. D’une part, vous avez en bouche des phrases-clés construites avec soin dans des bureaux pour parler du travail qui s’est fait pour rendre cette division faisable, et vous entendez des bribes de recommandations antérieures, dont la nécessité de se débarrasser de la Loi sur les Indiens, et des passages choisis dans des études, des enquêtes et des rapports de commissions passées comme la Commission royale sur les peuples autochtones.

M. Serson a d’ailleurs signalé brièvement, je pense, qu’il s’agit là d’une application très superficielle de la recommandation de la CRPA.

Mais ce que vous n’entendez pas, ce sont les voix du million d’Autochtones et plus qui doivent être consultés sur des changements qui touchent leurs droits protégés par la Constitution, que ce soit des droits inhérents ou des droits établis par traité.

À l’heure actuelle, on ne sait pas vraiment qui fait autorité en matière de droits des peuples autochtones au Canada. Les droits autochtones sont complexes et exigent plus de temps de consultation, une communication réelle à la base et des lois qui ne soient plus paternalistes ou « dans l’intérêt supérieur des peuples autochtones », tel que déterminé par des gens qui ont des intérêts concurrents.

S’il y a une voix dissidente au sujet de cette division du ministère, il faut lui accorder toute l’attention qu’elle mérite, car une seule voix des peuples autochtones parle au nom d’un clan, d’une bande ou d’une nation.

Les lois gouvernementales qui touchent les peuples et les nations autochtones doivent être revues dans le bon contexte. Par conséquent, il faut davantage de temps, de consultations et d’information à ce million d’Autochtones et plus si on veut obtenir leur consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause, à des lois qui prétendent apporter des changements à leur avantage.

En juxtaposant ces grandes répercussions de la loi et la proposition envisagée, nous devrions nous demander qui en profite et comment.

L’appareil fédéral qui s’occupe des affaires autochtones a subi de nombreuses transformations au fil des ans. Est-ce que l’une ou l’autre de ces coûteuses opérations a permis d’améliorer sensiblement les conditions matérielles des peuples autochtones par rapport à la société plus vaste qui administre une grande partie de leur vie? Voilà la question que j’espère voir encadrer et sous-tendre une grande partie de la discussion d’aujourd’hui.

Et j’espère que nous profiterons de l’occasion pour étudier ces thèmes et les inquiétudes que les peuples autochtones peuvent avoir au sujet de ce projet de division du ministère. Merci.

La présidente : Merci. Nous passons maintenant aux questions des sénateurs.

Le sénateur Tannas : Merci beaucoup de vos commentaires. Cela fait presque quatre ans que le gouvernement est en place et, malheureusement, le bilan des réalisations est plutôt maigre comme on le constate encore ici : beaucoup de symboles, mais bien peu de réflexion derrière pour ce qui est de passer aux actes. Et je le dis avec déception, même si je suis un conservateur partisan. Je croyais que nous avions un gouvernement avec de l’énergie, un mandat clair et un rare appui des Canadiens à cet égard. Je pense qu’il a réussi à rallier un solide appui parmi les 95 p. 100 de Canadiens qui ne sont pas autochtones, pour faire des progrès importants dans ce domaine, et nous voici à la fin de son mandat et il n’y a rien de sûr quant à son renouvellement. C’est décevant.

J’aimerais revenir à... M. Serson a parlé de notre étude, et nous y sommes revenus à quelques reprises dans nos discussions sur le moyen de sortir de cette impasse. C’était intéressant. Le chef Makinaw m’y a fait penser lorsqu’il a parlé de transferts directs aux gouvernements autochtones. Je me demande si l’un de vous y a réfléchi.

Nous avons un entonnoir avec une passoire au fond. Je sais qu’il peut être difficile de défendre la position de M. Serson, mais nous versons de l’argent au sommet et une bonne partie de cet argent ne se rend pas plus loin qu’un rayon de 50 kilomètres autour d’ici. Je sais que ce n’est pas la moitié, loin de là, même si c’est l’impression qu’on peut avoir là-bas. Mais le contrôle de l’argent, la distribution de l’argent, tout cela reste ici, se décide ici. J’aimerais savoir ce que vous pensez des transferts directs aux gouvernements autochtones comme moyen de sortir de cette impasse.

Deuxièmement, les transferts aux particuliers, aux personnes mêmes qui peuvent ensuite décider quelles institutions elles veulent appuyer, quelles écoles elles veulent fréquenter, quels soins de santé elles veulent obtenir, surtout en sachant maintenant qu’en 2016, 56 p. 100 des Autochtones, je pense, ne vivaient pas dans des réserves. Ils ne vivent pas dans leur communauté, ils sont ailleurs.

Pouvez-vous nous dire ce que vous en pensez?

M. Serson : Je peux imaginer — j’imagine sérieusement — en fait, je rêve du jour où, de mon vivant, espérons-le, nous aurons des paiements de transfert prescrits par la loi, comme pour les provinces.

Mais le problème, sénateur, c’est qu’il nous faut d’abord les projets de loi, les lois, les accords. Parce qu’à l’heure actuelle, quel que soit le nom qu’on leur donne, ces ministères ont des responsabilités fiduciaires. Si vous avez une lourde responsabilité fiduciaire — je suis bien placé pour le savoir —, vous voulez que les gens sachent que vous êtes à la hauteur.

Quand on en vient à l’autonomie gouvernementale, la possibilité de transferts directs... Je n’ai pas comparé avec ce qui se passe chez les Premières Nations qui ont conclu des ententes d’autonomie gouvernementale, mais je suppose qu’il s’agit en grande partie de transferts directs.

C’est pourquoi je reviens à la question du ministère. Peu m’importe que vous suiviez le plan de la CRPA ou un autre plan. Au moins, la CRPA disait de commencer par les principes. Une fois qu’on a les principes, on peut faire adopter une loi fondamentale à la Chambre. Ensuite, on peut passer aux changements organisationnels.

Mais les chefs l’ont dit tantôt : sans ces principes et sans cette loi — ce qui ne sera déjà pas une mince affaire —, il n’y a pas de confiance possible. Je ne les blâme pas. Pourquoi auraient-ils confiance? Commençons par asseoir les fondements avant de nous lancer dans les détails. Je ne dis pas qu’il ne faut pas le faire, mais il faut en être conscient. Est-ce que cela aide?

Le sénateur Tannas : Je pense que oui.

M. Serson : Quant à des transferts aux particuliers, vous avez entendu les chefs. Ils croient fermement à la collectivité, au consensus. Donc, peut-être qu’un jour on envisagera des transferts aux particuliers, mais pas dans un contexte de décisions « colonialistes ». Ils ont un droit inhérent à l’autonomie gouvernementale, je crois. Laissons-les exercer ce droit et prendre leurs décisions.

Le sénateur Tannas : Merci.

M. Coburn : J’ajouterais, juste pour revenir à ce que vous disiez à propos du gouvernement dans vos commentaires d’introduction, monsieur le sénateur, que, oui — et je le dis en tout respect pour les libéraux partisans, que j’admire en tant que personnes —, oui, beaucoup d’Autochtones ont le sentiment de s’être fait berner.

Au bout de quatre ans, le gouvernement pouvait en effet compter sur un très fort appui, mais il n’a pas fait grand-chose qui vaille, juste un peu mieux peut-être que la plupart des autres gouvernements avant lui.

Néanmoins, vous avez mentionné quelque chose qui justifie les préoccupations de nombreux Autochtones de la base — j’en parle dans un de mes paragraphes ici —, soit de donner à chacun des peuples et des groupes autochtones le choix de décider quelles institutions ils veulent soutenir. Une des choses qui viennent à l’esprit ici, c’est que le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, quoi que le gouvernement fédéral veuille en faire, n’est pas une institution qu’ils veulent appuyer, peu importe comment on le réaménagera à l’intérieur. Cela ne fera pas de lui un meilleur voisin.

Encore une fois, je ne comprends pas, mais à part une opération d’image quand on s’est vanté à la fin d’août que cela faisait partie de la réconciliation, est-ce que cela a vraiment changé quelque chose à la vie matérielle des peuples autochtones? Ou même malgré les décisions des Nations Unies qui ont été rendues publiques depuis janvier et les recommandations du Comité des Nations Unies contre la torture, est-ce que cela a changé la vie des peuples autochtones et l’application des droits de la personne chez eux? Non. C’est surtout du nombrilisme de la part d’Ottawa.

C’est quelque chose qui est très centré sur Ottawa. Les bureaucrates adorent « réorganiser ». J’ai passé 10 ans au ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, comme il s’appelait alors, et à Santé Canada, à la Direction générale de la santé des Premières Nations et des Inuits, qui est maintenant passée à Services aux Autochtones Canada.

En rétrospective, j’ai passé toute ma carrière fédérale, sauf un certain temps à la Commission canadienne des droits de la personne, dans ce ministère ou un de ses avatars. Il n’est pas divisé en deux maintenant, il est divisé en trois, et les Affaires du Nord sont séparées. En dehors d’Ottawa, en dehors de ces officines et de ces bureaucrates qui veulent bâtir leur empire et continuer d’administrer la vie des peuples autochtones, il y a de quoi s’inquiéter.

M. Serson : Nous devons reconnaître cependant qu’il y a eu des investissements importants dans les programmes et les services, ce qui fait une différence appréciable sur le terrain.

M. Coburn : Il y a encore des écarts socioéconomiques qui se creusent. Une des études que j’ai publiées l’été dernier, à partir des données du recensement de 2016, montre que l’écart en éducation postsecondaire se creuse encore. Il ne se comble pas.

Mon argument, l’an dernier en particulier, était que lorsque la CRPA a publié son rapport en 1996 — là encore, au bout de cinq ans —, les enfants nés à ce moment-là, en 1996, devraient obtenir leur diplôme universitaire. On voulait combler l’écart, mais il s’est creusé bien davantage. En termes absolus, oui, les diplômés ont augmenté, mais l’écart n’en est pas pour autant comblé, loin de là.

Le sénateur Tannas : Merci.

La sénatrice LaBoucane-Benson : Monsieur Serson, je prenais des notes à toute vitesse pendant que vous parliez, et je vais consulter la transcription, mais vous avez parlé d’un changement au paragraphe 6(2) — je crois que c’est dans la Loi sur les services aux Autochtones — dans votre déclaration. Je n’ai pas bien saisi. Cela m’intéressait, mais je n’ai pas compris. Je crois qu’il s’agissait du paragraphe 6(2).

M. Serson : Le problème, c’est que certaines des Premières Nations ont remarqué que le ministre des Services aux Autochtones est responsable des services qui sont destinés aux particuliers. À l’heure actuelle, il est responsable d’un certain nombre de programmes d’aide à la gouvernance.

J’en ai relevé quelques-uns — il y en a plus que cela —, mais il y en a un qui est le financement du soutien des bandes — autrement dit la gouvernance de base de la nation — et l’autre est l’aide aux conseils tribaux, qui sont souvent très utiles dans la prestation des services. Ce qui m’inquiète, c’est qu’ils ne sont mentionnés nulle part dans les attributions du ministre.

Vous avez entendu les chefs ce matin. Si on ne mentionne pas ces deux programmes-là, certains s’inquiéteront qu’on veuille les déléguer, s’en débarrasser, s’en décharger, or les chefs veulent que les dirigeants des Premières Nations soient rassurés à ce sujet.

La sénatrice LaBoucane-Benson : Une des choses que j’ai entendues de la part des chefs — ils l’ont répétée à quelques reprises, et je paraphrase —, c’est qu’il n’y a pas d’approche fondée sur les distinctions. On parle des peuples autochtones; on ne parle pas des peuples visés par les traités. On parle des peuples autochtones au sens de l’article 35. Je n’ai pas l’impression que beaucoup de gens que nous avons entendus se reconnaissent dans ce projet de loi. Pourriez-vous nous dire tous les deux comment remédier à cela? Faudrait-il le faire dans la définition des peuples autochtones au début? Faudrait-il un article distinct pour les peuples visés par les traités?

M. Serson : Pour ma part, je ne me suis pas arrêté à cela pendant le peu de temps que j’ai eu pour examiner le projet de loi, mais je soupçonne que ce dont parlent les chefs est plus fondamental.

Le gouvernement a fait du bon travail en mentionnant constamment les Premières Nations, les Inuits et les Métis, mais on veut que la reconnaissance des distinctions aille de soi dans des projets de loi comme celui-ci. Cela exigerait un peu d’analyse.

Un autre point que ces deux chefs ont mentionné — et j’avoue que je n’y ai pas fait attention en parcourant le document — est que le projet de loi devrait tenir compte de la réalité des traités. Je conviens avec eux que ce n’est pas le cas actuellement.

M. Coburn : Nous avons un ministère fédéral qui gère les relations avec près de 170 autres pays dans le monde de la diplomatie. Pourquoi un ministère qui porte le titre de Relations Couronne-Autochtones ne pourrait-il pas faire la même chose et gérer des relations diplomatiques avec les quelque 60 à 80 nations autochtones, au lieu de les mettre toutes dans une même rubrique coloniale?

La sénatrice Lovelace Nicholas : Bienvenue. Comme vous le savez, les Premières Nations vivent dans des conditions du tiers monde. Ma question est la suivante : avec un ministre des Services aux Autochtones, un ministre des Relations Couronne-Autochtones et un ministre des Affaires du Nord, est-ce qu’on pourra améliorer les conditions de vie actuelles des Premières Nations?

M. Coburn : Absolument pas.

La sénatrice Lovelace Nicholas : Ce que vous dites, c’est qu’il sera difficile pour les Premières Nations d’obtenir ces services?

M. Serson : Il faut s’attendre, madame la sénatrice, à une période de confusion — j’en ai vécu une moi-même — au sujet de qui fait quoi.

La sénatrice Lovelace Nicholas : C’est tout à fait vrai.

M. Serson : À ce stade de la relation, c’est malheureux, comme je l’ai dit. On a bonifié les financements, sous réserve de ce qu’a souligné mon collègue au sujet de secteurs qui n’ont pas connu une croissance assez rapide, mais je crois que l’on fait une différence à cet égard. Je crains que la réorganisation ne nuise à la capacité de verser ces fonds et de les utiliser.

M. Coburn : Il y aura beaucoup de confusion. Vous prenez un ministère centralisé — et il n’est pas vraiment très centralisé parce que la politique autochtone se répartit déjà entre environ 30 ministères et organismes, un peu moins dans certains d’entre eux que dans les autres. Quelques dispositions ici prévoient que le ministre peut déléguer des pouvoirs à d’autres ministres. Il s’agit de l’article 14, qui porte sur la délégation de pouvoirs au ministre des Relations Couronne-Autochtones et des Affaires du Nord.

En ce qui concerne les services, madame la sénatrice Lovelace Nicholas, nous avons l’article 9, qui autorise le ministre à conclure des accords avec des organismes autochtones et avec d’autres entités. Quelles sont ces autres entités? Va-t-on céder aux provinces ce qui est proposé dans le Livre blanc? Quelle responsabilité devra-t-on assumer envers les nations et les communautés autochtones? S’agira-t-il d’accords unilatéraux conclus par des bureaucrates ici à Ottawa qui n’auront qu’à confier le travail à un organisme ou à une entité qui paraphera l’accord par téléphone?

Comment les Autochtones géreront-ils leurs services de santé dans cette optique? Les citoyens des provinces et des territoires traitent avec une seule entité administrative. Ils obtiennent leur carte d’assurance-maladie pour consulter le médecin de leur choix. Dans le cas qui nous occupe, je ne sais pas quel genre de services de santé, quel genre d’entité improvisée, prédatrice ou exploitante s’emparera d’une part des fonds qui y seront affectés.

La sénatrice Lovelace Nicholas : Oui. Je vois que l’on pointe des gens du doigt. Merci.

La sénatrice McCallum : Je vous remercie pour vos exposés. De nombreux projets de loi ont été adoptés alors qu’ils présentaient des failles, soit évidentes soit inaperçues. On entend souvent dire qu’aucune loi n’est parfaite, mais cela nous oblige à adopter d’autres lois pour corriger ces failles.

Ce projet de loi en concerne 37 autres, et le 38e est encore à la Chambre, c’est la Loi sur la transparence. Il en vise donc 38. Tous ces projets de loi comprennent différents segments sur l’autodétermination et sur l’autonomie gouvernementale.

Au milieu de ces projets de loi, si on les adopte, et des lois existantes imparfaites, les Premières Nations s’efforcent d’obtenir leur autonomie gouvernementale en jonglant avec toutes ces lois et avec ces nombreux projets de loi.

Est-ce un processus efficace?

M. Serson : Non, je ne trouve pas ce processus efficace.

La sénatrice McCallum : Il est accablant. Je me sens submergée face à cette montagne de documents juridiques.

M. Serson : Voilà pourquoi, madame la sénatrice, j’en reviens toujours au plan de la Commission royale sur les peuples autochtones. Je ne veux pas en faire l’éloge, mais au moins il existait. Au moins, on avait établi des étapes et un certain degré d’entente.

J’ai l’impression que l’on discute beaucoup à l’heure actuelle, mais pas dans un contexte précis. Mon cœur de Canadien est grand ouvert et j’aimerais appuyer certaines de ces idées, mais si vous me dites qu’on discute d’offres intéressantes à 75 tables, quelles offres intéressantes? Que dois-je recommander? Que dire à mes concitoyens? À mon avis, il faut que nous établissions un plan.

M. Coburn : J’ajouterais cependant que le plan de la Commission royale sur les peuples autochtones n’a pas vraiment été conçu par des Autochtones. Ces manœuvres destinées à organiser l’appareil gouvernemental... en effectuant mes propres recherches, parce qu’on m’a demandé d’où tout cela venait. En parcourant les transcriptions des consultations — il y en a des milliers, parce que Bibliothèque et Archives Canada a maintenant une base de données consacrée au rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones qui comprend aussi les mémoires de recherche —, il est intéressant de noter que l’on cite deux documents dans cette section. Je crois que c’est à la section 4.3, dans le volume 2, où l’on fait référence à un document de recherche de Bruce Doern, l’un des plus éminents professeurs en administration publique de toute l’histoire canadienne qui, en fait, a enseigné à l’École de politique publique et d’administration de l’Université Carleton.

On y cite aussi un document intéressant. C’est une analyse documentaire, et je peux même vous en donner le titre : Literature Review of Alternatives to the Indian Act and the Department of Indian Affairs (Governance). C’était un projet de recherche soumis le 28 février 1992.

En fait, son auteur était à l’époque un employé du Bureau du Conseil privé. Ce bureau très secret de l’appareil gouvernemental planifiait un grand bouleversement de la fonction publique qui s’est concrétisé en 1993, le lendemain de l’accès au pouvoir de Kim Campbell, la première ministre. On a effectué d’importantes réorganisations, des fusions ainsi que la division et la création de ministères. Ce fut probablement le plus grand remaniement de toute l’histoire de l’administration publique canadienne.

Et ce rapport, qui semble appuyer cette recommandation, nous vient d’un homme du nom de Cyrus Reporter. Pour ceux qui connaissent le Parti libéral, il est ensuite devenu chef de cabinet d’Allan Rock dans les années 1990 et au début des années 2000, puis chef de cabinet de Justin Trudeau de 2011 à 2015, puis on le retrouve au Cabinet du premier ministre jusqu’à quelques mois avant l’annonce en août 2017. Je crois qu’il est parti au début de l’été.

Alors je ne sais pas. Je trouve un peu ironique qu’une personne très proche du premier ministre ait conçu une partie de cette recommandation il y a 25 ou 20 ans de cela.

Cette recommandation découle-t-elle de consultations menées auprès d’Autochtones? Je ne le pense pas. Nous devrions replacer la Commission royale...

M. Serson : Une seconde.

M. Coburn : Je vous laisserai du temps pour présenter vos commentaires, si vous voulez bien me faire preuve d’un peu de respect.

Replaçons-la dans son contexte politique. La Commission royale sur les peuples autochtones a été créée en grande partie par des universitaires et par des chercheurs colonisateurs avec la participation d’une bureaucratie non autochtone. Bien que nous aimions beaucoup y faire référence, cette commission ne nous appartient pas entièrement. Elle est née d’un concept qui date de cette époque-là.

M. Serson : Tout d’abord, comme je l’ai souligné, je ne faisais pas l’éloge du plan de la Commission royale sur les peuples autochtones, je mettais l’accent sur la nécessité d’établir un plan.

Deuxièmement, il est ahurissant de prétendre que les peuples autochtones n’ont pas participé à sa création.

M. Coburn : Si vous avez des preuves à l’appui, d’accord, sinon vous ne faites que lancer des injures. Je le répète, je mentionnais un non-Autochtone qui avait des liens étroits avec le Parti libéral et qui a conçu cette...

La présidente : Il me semble que nous nous écartons du sujet. Revenons au projet de loi.

Madame la sénatrice McCallum, avez-vous d’autres questions?

La sénatrice McCallum : Non. Je voulais dire qu’il semble que les Premières Nations ne peuvent pas participer au processus de ce projet de loi. S’ils ne peuvent pas y participer, ils ne l’adopteront pas. Ils ne peuvent pas diriger ce processus, qui a été conçu, on dirait, de manière à décevoir non seulement les Premières Nations, mais aussi le gouvernement. Qu’en pensez-vous?

M. Serson : Si j’ai appris une chose au cours de ma carrière, c’est que dans nos relations avec les peuples autochtones, les processus sont presque aussi importants que les contenus. Voilà pourquoi je n’aime pas le terme de « partenariat ». Pour moi, ce mot est presque sacré, puisque la Commission royale sur les peuples autochtones a fortement suggéré que l’on maintienne une relation de partenariat avec les peuples autochtones. Je me suis efforcé de respecter cela.

Je ne veux pas critiquer le gouvernement, mais la terminologie a commencé à circuler sans que l’on consulte les peuples autochtones sur les principes et sur les protocoles qui orienteront ces relations.

Si l’on n’a pas parlé dans tout le gouvernement de ces protocoles et de ces principes, je comprends que les fonctionnaires du ministère des Finances se disent, en examinant un projet de loi comme celui-ci : « Ce projet de loi porte sur des enjeux financiers; pourquoi en discuterions-nous avec les peuples autochtones? ». Il faut éduquer les fonctionnaires à cet égard. Voilà ce que je pense.

M. Coburn : Il vise, après tout, à modifier la Constitution très coloniale de l’appareil gouvernemental même. Il modifie la Loi sur les Indiens, mais d’une manière tout à fait unilatérale. Je ne crois pas que l’on ait mené de vastes consultations à cet égard.

En août 2017 — l’annonce est sortie, je crois, le 28 août —, Carolyn Bennett a dit que les Autochtones avaient demandé de revenir au volume 2. Elle a indiqué avec assez de précision où cela se trouvait. J’ai parcouru les transcriptions des séances du comité de la Chambre, et je n’y ai pas trouvé de mention — à un certain moment, le chef Isadore Day, qui était à l’époque le chef régional de l’Ontario à l’Assemblée des Premières Nations, a pointé la Commission royale sur les peuples autochtones du doigt, mais rien de ce genre. Je ne me souviens pas d’avoir entendu un seul Autochtone réclamer que l’on subdivise Affaires autochtones et du Nord Canada, AANC, de cette manière. Et même si nous avons mentionné le plan de la Commission royale sur les peuples autochtones, eh bien, cette réorganisation vraiment superficielle de cloisonnements disparates n’a pas grand sens. Nous n’y avons pas participé du tout.

La sénatrice Klyne : En ce qui concerne le projet de loi, j’aimerais revenir au rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones. Je me demandais si vous aviez une idée quelconque de la façon dont il inclut les Indiens non inscrits. Je sais que le Traité nisga’a a été conclu en 2000, si je ne m’abuse, mais est-ce qu’il tient compte de ces choses, des Indiens non inscrits, le Traité nisga’a, mais je pense aussi aux Inuits. Leur traité remonte à un certain nombre d’années, mais il a peut-être été conclu avec les Britanniques, pas même avec le Canada.

Du côté des Métis, on discute beaucoup des traités et des Premières Nations, et les Autochtones ont adopté la définition constitutionnelle de peuples autochtones, qui englobe les Premières Nations, les Inuits et les Métis. Ce projet de loi tient-il compte de cette définition et surtout, je crois, des Indiens non inscrits? Les avons-nous perdus?

M. Coburn : Je dirais que depuis la publication du plan de la Commission, bien des choses se sont passées. Nous avons eu l’arrêt Delgamuukw et plusieurs décisions de la Cour suprême, comme l’arrêt Daniels sur les Métis non inscrits, l’inclusion d’une obligation fiduciaire à leur égard, alors ce plan a été publié avant des événements importants. Est-il habilitant? Le ministère possède-t-il la capacité et la fonction opérationnelle de corriger ces distinctions? Je ne le crois pas.

On a créé le bureau de l’interlocuteur fédéral chargé de s’occuper des Métis. Cela faisait aussi partie des changements apportés à l’appareil gouvernemental au début des années 2000. Il faisait partie du Bureau du Conseil privé, puis on l’a transféré à AANC. Je ne sais pas comment le ministère distingue ces peuples, puisqu’il a choisi les noms d’Affaires autochtones et de Services aux Autochtones et qu’il nous met tous dans le même panier.

M. Serson : Je pense que les fonctionnaires qui témoigneront après nous seront mieux placés pour répondre à cette question.

La sénatrice Klyne : Cela nous ramène au rapport de la Commission royale. Je ne l’ai pas regardé depuis un certain temps. J’ai participé à son élaboration. Plusieurs personnes ont été consultées ou ont contribué à sa préparation, et je suis du nombre. Avez-vous dit que des événements comme l’affaire Daniels qui remonte à la préparation de ce rapport, alors elle précède...

M. Coburn : Elle précède des changements importants, oui. Vous parliez aussi du Nord, où se sont aussi conclus des traités. Celui d’Inuvik a été signé en 1984, celui du Nunavik l’a suivi et a été ratifié en 1999. Il y a eu d’autres ententes, le transfert des responsabilités, c’est beaucoup plus complexe, maintenant que...

La sénatrice Klyne : Alors il pourrait manquer certains des plus récents transferts dans le projet de loi?

M. Coburn : Je n’en suis pas certain.

La sénatrice Klyne : Pour revenir à la Commission royale et aux erreurs ou à l’absence d’une approche planifiée, pourriez-vous nous recommander des éléments clés qui, s’ils étaient adoptés, amélioreraient le projet de loi, ou certaines étapes clés d’une approche planifiée?

M. Serson : J’ai mentionné des amendements qui, à mon avis, méritent d’être examinés, monsieur le sénateur. Je me préoccupais surtout de l’inquiétude que des témoins précédents ont exprimée à l’égard de l’ensemble de la situation. J’aurais préféré que tout ce processus parte d’une entente sur un ensemble de principes avant que l’on passe aux autres niveaux de législation où l’on prévoira ce que le pays, les peuples autochtones et le Parlement veulent accomplir à partir de ces principes.

Puis une fois que tout cela serait clairement établi et que les chefs comme ceux que nous venons d’entendre seraient suffisamment convaincus que l’on ne se dirige pas vers l’assimilation, vers le colonialisme, mais que l’on cherche vraiment à définir les droits inhérents à l’autonomie gouvernementale, alors seulement quand nous serions tous d’accord là-dessus, nous commencerions à modifier l’appareil gouvernemental. C’est tout ce que j’essayais de dire.

M. Coburn : À mon avis, ce mouvement unilatéral de modification va à l’encontre de ce qui devrait être l’un des principes fondamentaux, celui de l’autodétermination. Je crois que c’est là où le sénateur Tannas voulait en venir: quelles institutions appuient les Autochtones? Que pouvons-nous leur donner pour soutenir l’autodétermination? Et s’il s’agit d’une institution que je ne pense pas qu’ils appuieraient, avec tous ces changements? Non.

La sénatrice Klyne : Alors vous nous dites que la consultation préalable aurait dû être plus approfondie afin de trouver une réponse à tout cela.

M. Coburn : Oui, c’est cela, exactement.

La présidente : Nous arrivons à la fin de la séance. Au nom des membres du comité, je tiens à remercier nos témoins d’être venus témoigner.

Nous poursuivons notre étude préalable de la section 25 de la partie 4 du projet de loi C-97. Le comité a le plaisir d’accueillir M. Daniel Watson, sous-ministre, Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada, et M. Jean-Pierre Morin, historien ministériel, Direction des politiques stratégiques. De Services aux Autochtones Canada, nous accueillons aussi M. Jean-François Tremblay, sous-ministre, et M. François Masse, directeur général, Politiques stratégiques, Cabinet et affaires parlementaires.

Avant de commencer, je tiens à signaler aux sénateurs que nous devrons aller voter à 15 h 41 sur la motion visant à renvoyer en comité le message sur le projet de loi C-55. Nous allons devoir suspendre la séance quelques minutes avant cela.

[Français]

Daniel Watson, sous-ministre, Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada : Je suis honoré de comparaître devant le comité aujourd’hui pour parler de la section 25 du projet de loi C-97, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 19 mars 2019 et mettant en œuvre d’autres mesures.

[Traduction]

Avant de commencer, je tiens à souligner que nous nous trouvons sur le territoire non cédé du peuple algonquin.

[Français]

Le gouvernement du Canada est déterminé à bâtir une véritable relation de nation à nation entre les Inuits et la Couronne, et de gouvernement à gouvernement avec les Premières Nations, les Inuits et les Métis.

[Traduction]

Pour faire progresser la réconciliation, le gouvernement et ses partenaires autochtones ont entrepris de démanteler les structures coloniales du passé. La section 25 du projet de loi C-97, la Loi d’exécution du budget de 2019, constitue une étape clé de ce processus de transformation.

[Français]

Le 28 août 2017, le premier ministre a annoncé la dissolution du ministère des Affaires autochtones et du Nord et la création de deux nouveaux ministères, à savoir Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada et Services aux Autochtones Canada.

[Traduction]

La section 25 du projet de loi C-97 décrit le processus qui établirait officiellement le ministère des Relations Couronne-Autochtones et des Affaires du Nord et le ministère des Services aux Autochtones. Le projet de loi décrit également les pouvoirs et les responsabilités de chaque ministre, ce qui apportera plus de certitude et de clarté aux partenaires autochtones de ces ministères.

À l’avenir, le ministère des Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada accélérera le travail déjà amorcé pour renouveler la relation entre le Canada et les peuples autochtones. Il continuera également à promouvoir l’autonomie, la prospérité et le bien-être des résidents et des communautés nordiques, ce qui est tout aussi important.

Ce ministère poursuivra en partenariat la création d’institutions chargées de renforcer les capacités nécessaires aux Premières Nations, aux Inuits et aux Métis pour mettre en œuvre leur vision de l’autodétermination.

[Français]

La ministre des Relations Couronne-Autochtones oriente le travail transformationnel prospectif du gouvernement qui vise à créer une nouvelle relation avec les peuples autochtones. Le premier ministre a chargé la ministre d’assurer une meilleure coordination pangouvernementale, d’accélérer la conclusion d’ententes sur l’autonomie gouvernementale et l’autodétermination en se fondant sur de nouvelles politiques, lois et pratiques opérationnelles, et d’élaborer un cadre pour promouvoir la reconnaissance des droits.

[Traduction]

Étant donné que les besoins du Nord et de ses résidents sont très particuliers et distincts de ceux du Sud, ce projet de loi fournirait un fondement juridique à la création du poste de ministre des Affaires du Nord.

Le ministre des Affaires du Nord guiderait le travail du gouvernement dans le Nord, ce qui comprendrait l’élaboration d’une nouvelle politique canadienne à l’égard de l’Arctique. En collaboration avec la ministre des Relations Couronne-Autochtones, le ministre des Affaires du Nord poursuivrait ces travaux sur un modèle de leadership partagé dans l’Arctique et soutiendrait les programmes, les institutions dirigeantes et les initiatives scientifiques dans le Nord.

En créant ces deux ministères, le gouvernement changera les façons de travailler, de penser, d’écouter et d’établir des partenariats visant à soutenir adéquatement les droits et l’autodétermination des peuples autochtones.

[Français]

Il s’agit d’un travail continu et, ensemble, nous bâtirons un meilleur avenir pour les Autochtones et les non-Autochtones au Canada.

[Traduction]

Mon ami et collègue, le sous-ministre des Services aux Autochtones, va maintenant nous donner plus de détails sur le projet de loi C-97. Merci.

[Français]

Jean-François Tremblay, sous-ministre, Services aux Autochtones Canada : Bonjour. Tout d’abord, je vous remercie de m’avoir invité à m’adresser à vous aujourd’hui. Permettez-moi également de souligner le fait que nous nous trouvons sur le territoire traditionnel du peuple algonquin.

[Traduction]

Pour faire suite à la présentation de mon distingué collègue, le sous-ministre des Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada, je vais parler des répercussions qu’aurait la section 25 du projet de loi C-97, Loi d’exécution du budget de 2019, sur mon ministère.

[Français]

Services aux Autochtones Canada a pour mandat de travailler en collaboration avec des partenaires afin d’améliorer l’accès à des services d’excellente qualité pour les Autochtones.

[Traduction]

La vision de ce ministère est de soutenir et d’habiliter les peuples autochtones à fournir des services de façon indépendante et à tenir compte des conditions socioéconomiques de leurs communautés en progressant vers l’autodétermination. La ministre des Services aux Autochtones poursuit l’amélioration cruciale de la qualité des services offerts aux Premières Nations, aux Inuits et aux Métis.

Il faut pour cela suivre une approche de prestation des services uniforme, de grande qualité et fondée sur la distinction. Cette approche exigera la production d’excellents résultats et une prestation de grande qualité. Elle sera donc axée sur l’amélioration des résultats pour les peuples autochtones. Au fil du temps, le succès des programmes et des services se mesurera par la capacité croissante qu’auront les peuples autochtones d’en assurer eux-mêmes la prestation.

Si ce projet de loi est adopté, il favorisera une meilleure collaboration qui aidera les peuples autochtones à définir leur vision de l’autodétermination. Il nous aidera aussi à combler l’écart socioéconomique entre les Autochtones et les non-Autochtones au Canada.

Je vais maintenant répondre aux questions que les membres du comité pourraient avoir.

La présidente : Merci beaucoup. Nous ouvrons donc la période de questions.

La sénatrice LaBoucane-Benson : En principe, j’aime beaucoup l’idée qu’un ministre se concentre sur le Nord. J’aime en principe l’idée d’un ministre axé sur la prestation de services. J’aime aussi que l’on affirme l’autodétermination de la prestation des services et j’aime l’idée d’un ministre axé sur les relations.

D’après tous les témoins que nous avons entendus, les chefs des traités ont affirmé qu’il n’y avait pas eu de consultation et pas d’élaboration en partenariat. Le contenu du projet de loi ne semble pas prévoir une approche fondée sur la distinction. Les chefs des traités ont dit qu’ils ne voient pas, dans ce projet de loi, un traitement distinct envers les peuples visés par les traités et une relation fondée sur les traités. Ils se demandent ce qu’il advient, dans ce projet de loi, de leur relation scellée par traité.

Alors ma question est la suivante. Je vous entends dire que ce projet de loi constitue une étape clé de la décolonisation. Je veux bien le croire. J’en comprends l’intention, mais sur le plan pratique, il se trouve coincé dans un projet de loi d’exécution du budget. Nous ne pourrons donc pas faire grand-chose pour l’amender. Le budget doit être adopté. J’aimerais savoir comment on peut fonctionner sans... et nous fonctionnons déjà sur ce modèle. J’en ai discuté avec l’auteur de ce projet de loi, et le sénateur Boehm m’a dit que cela s’était déjà produit il y a trois ans et que l’on avait effectué un investissement incroyable dans la création de ces ministères, alors je comprends cela.

Comme vous ne les avez pas consultés avant de créer ces trois ministères, de nombreux dirigeants autochtones sont devenus encore plus méfiants qu’ils ne l’étaient au départ. Comment comptez-vous leur inspirer confiance? La question s’adresse à quiconque voudra y répondre.

M. Watson : Merci beaucoup de votre question. En définitive, ce sont les résultats que nous obtiendrons qui mériteront la confiance dont vous parlez et à laquelle nous tenons absolument. Selon le libellé du projet de loi, il s’agirait pour nous de gérer ces relations, et de nous y prendre tout autrement que par le passé.

Pour les groupes signataires des traités modernes qui se demandent à juste titre si nous allons bien faire, je peux dire que nous avons pris une série de mesures ces dernières années. Nous avons mis sur pied, pour la toute première fois, un comité de surveillance qui réunit tous les sous-ministres qui ont des relations avec les groupes autochtones, en particulier avec les signataires des traités modernes. En les invitant à cette table pour leur parler — et ils y sont tous passés à un moment donné —, nous veillons à prendre conscience des problèmes qui se posent, à les cerner bien avant qu’ils ne dégénèrent pour nous lancer dans le monde du règlement des différends, des litiges ou autres. Il ne s’agit pas d’éviter les contentieux, mais de nous assurer que nous respectons la relation établie dans ces accords.

C’est un élément du changement de culture que nous cherchons à mettre en place et nous entendons bien poursuivre nos efforts dans ce sens. Il appartiendra aux groupes signataires de traités modernes de juger si nous réussissons ou non. Nous avons l’intention de collaborer avec eux différemment de ce que nous avons fait par le passé. Nous avons l’intention d’aller de l’avant en partenariat avec eux. Ils nous demanderont des comptes à cet égard et ils auront raison de le faire.

Le sénateur Tannas : J’ai quelques brèves questions à poser, dont une à M. Tremblay.

Dans le cadre de ce processus, des employés de Santé Canada ont été mutés à votre ministère pour votre surveillance.

De combien d’employés s’agit-il?

M. Tremblay : Combien proviennent de Santé Canada en général?

Le sénateur Tannas : Oui.

M. Tremblay : Je veux simplement m’assurer d’avoir les bons chiffres : 2 690 employés. Il s’agit de la Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits au complet et de certains services internes.

Le sénateur Tannas : Combien de ces personnes se trouvent à moins de 25 kilomètres de cet édifice?

M. Tremblay : Ils sont dans les régions pour la plupart.

Le sénateur Tannas : Bien, c’est cela.

M. Tremblay : Le bureau régional de l’Ontario se trouve à Ottawa contrairement à l’ancien bureau d’AANC, qui était à Toronto. Si vous voulez connaître l’étendue de mon ministère, notre effectif est de 5 200 employés. Il me semble qu’ils travaillent majoritairement dans les régions, et il en est de même pour la DGSPNI, du côté santé.

Le sénateur Tannas : Monsieur Watson, au milieu de votre exposé, vous avez parlé de la façon dont le projet de loi décrit les pouvoirs et les responsabilités de chaque ministre, ce qui est censé éclairer et rassurer les partenaires autochtones du ministère.

Disons que je suis un partenaire autochtone. J’avais un endroit où aller, et voilà que j’en ai deux. En quoi cela me donne-t-il plus de certitude et de clarté?

M. Watson : Excellente question. La réponse, c’est qu’il n’y a pas deux endroits où aller. Nous travaillons en étroite collaboration pour veiller à ce que tous les chemins mènent à Rome. C’est notre devoir. Autrement dit, on a le choix de s’adresser à qui on veut, à la personne avec laquelle on a déjà parlé, si on veut, et on peut lui poser n’importe quelle question. Nous veillerons à y répondre, quitte à devoir faire tout le travail nécessaire en coulisses.

L’essentiel à retenir du point très important que vous soulevez, c’est qu’il n’y a pas deux endroits où aller, mais un seul.

M. Tremblay : Vous avez parlé de la santé — ce qui favorise en fait une approche à guichet unique, car tous les déterminants de la santé sont maintenant réunis. Lorsque nous abordons des questions comme les catholiques dans le Nord et le logement, nous pouvons parler en même temps de troubles de santé mentale et d’autres facteurs socioéconomiques. C’est en fait très utile pour nous du côté des services.

Le sénateur Tannas : La remarque est excellente. Je ne sais pas si cela vous surprend, mais vous êtes nos seuls témoins à penser que c’est une bonne idée. Que répondez-vous à cela? Il n’y a que vous qui estimez que c’est une bonne idée, et nous n’avons que des preuves de tout le contraire. Il vaut mieux mettre les points sur les i, puisqu’il n’en tient qu’à vous.

M. Tremblay : L’idée de scinder les deux ministères était bonne lorsque la Commission royale sur les peuples autochtones a publié son rapport. On en discute depuis. Ce n’est pas une nouvelle théorie qui aurait surgi il y a trois ans.

Lorsque le gouvernement a pris sa décision en 2017, la ministre Bennett s’est résolument investie dans ce dossier et, bien sûr, nous n’avons pas cherché à mobiliser nos partenaires de notre côté, puisque nous travaillons avec eux. Je dois dire que, dans ce débat, très peu de gens sont venus me dire que c’était une mauvaise idée de diviser ces ministères. Beaucoup doivent penser que c’est une bonne solution.

Nous trouvons que c’est une bonne solution parce qu’elle permet l’autodétermination au rythme souhaité dans chaque cas par les Premières Nations, les Inuits et les Métis, car ils ne veulent pas tous qu’un traité soit signé ou pleinement mis en œuvre avant qu’ils ne prennent le contrôle de leurs services. Nous leur laissons le choix. S’ils nous disent qu’ils veulent que les services soient offerts ensemble et qu’il y ait un seul accord de contribution et un seul accord pour la prestation de tous les services, nous pouvons nous y conformer de notre côté. C’est quelque chose de vraiment utile.

J’ajouterais que si vous regardez du côté des provinces, vous verrez qu’il n’y a aucune où un ministère engloberait la santé, l’éducation, l’aide sociale, l’infrastructure et tout le reste. Toutefois, c’est le cas au gouvernement fédéral. Le fait d’avoir un seul ministre responsable de tous ces enjeux, y compris les droits issus de traités et autres, c’est beaucoup. En toute franchise, le fait d’avoir deux ministres pour concentrer leur attention sur ces questions multiplie les possibilités d’apporter des changements. C’est comme si on avait deux sous-ministres.

J’ai travaillé à AANC et à la DGSPNI. Le fonctionnaire que je suis trouve vraiment utile de pouvoir se consacrer entièrement à la prestation de services tout en comptant sur un partenariat avec M. Watson sur la façon de travailler ensemble.

M. Watson : Si vous me permettez de revenir sur ce dernier point, j’ai passé une dizaine d’années de ma vie professionnelle à travailler pour les gouvernements provinciaux. Les deux sous-ministres qui avaient invariablement les budgets les plus importants étaient ceux de la santé et des services sociaux. Ils avaient toute une cohorte de services et d’équipes de gestion derrière eux. Dans le passé, tout cela s’inscrivait dans la volonté de créer un nouveau monde soi-disant meilleur, de rassurer les sceptiques qui se demandaient si nous allions vraiment avoir le bon type de relation. Or, nous n’avons pas toujours réussi à l’avoir, car nos obligations de gestion ne nous laissaient pas le temps d’y prêter attention.

En fait, voilà qui place ces deux aspects dans des camps distincts, exactement comme l’a suggéré la Commission royale sur les peuples autochtones en 1996. Tout comme mon collègue, je suis convaincu que si l’on doit gérer un budget de la taille du budget provincial du Manitoba, il mérite au moins sa propre équipe de gestion.

La sénatrice Coyle : Oui, tout le monde est déchiré. Je comprends la logique. C’est assez évident, tel que vous l’expliquez.

Pourtant, les communautés autochtones et leurs dirigeants nous font part de leurs préoccupations. J’imagine que c’est attribuable, ne serait-ce que partiellement, au manque de confiance qui sous-tend les relations depuis des décennies, bien avant les trois dernières années. Il y a aussi la préoccupation — qui s’étend d’ailleurs à tout ce que nous étudions ici au comité — à l’égard de l’absence ou de l’insuffisance des consultations, des efforts de mobilisation, et cetera. Il est difficile de savoir ce qu’il faut faire.

J’ai quelques questions précises à poser, puis j’en aurai d’autres.

À cet égard, que faites-vous dans chacune de vos directions et dans vos ministères pour vraiment vous améliorer? Je crois que c’est M. Watson qui a dit :

En créant ces deux nouveaux ministères, le gouvernement a entrepris de modifier notre façon de travailler, de penser et d’écouter ainsi que notre façon d’établir des partenariats...

Pouvez-vous nous parler un peu de ce que vous faites exactement à cet égard, de l’incidence que cela aura et du moment où vous pensez qu’on en verra les résultats?

M. Watson : Merci de cette excellente question.

Par exemple, jusqu’en 1973, la question de savoir si les droits ancestraux existaient dans la Constitution du Canada n’a pas été réglée, et elle été soulevée dans l’affaire Calder. Peu de temps après, le gouvernement fédéral a dû décider comment s’y prendre face aux revendications territoriales. Pendant longtemps, nous avons dit que nous allions procéder d’une certaine façon, d’une façon globale. Qu’on vienne nous parler de tout et quand nous aurons terminé, nous aurons terminé.

Sauf que les Premières Nations de tout le pays ont dit qu’elles n’en voulaient pas. Mais rien ne nous a fait changer d’avis, et nous avons insisté pour suivre cette formule pendant une vingtaine ou trentaine d’années.

Si nous avons changé ces toutes dernières années, c’est parce que nous avons fini par écouter ce que les Premières Nations avaient à dire tout ce temps-là. Nous leur avons dit : « Si vous ne voulez parler que de certains aspects, soit, mais tout dépend de qui nous écoutons et de ce qu’ils disent. »

Nous avons également dit que nous n’allions plus faire comme par le passé. Dans le temps, nous nous contentions de siéger sans plus, et à la question de savoir où, les gens qui siégeaient aux Terrasses de la Chaudière prenaient note de ce qui leur paraissait une bonne chose pour aller dire ensuite dire un peu partout au pays : « Voici ce que nous sommes prêts à faire. » Ça ne bougeait pas tellement plus de ce côté-là.

Nous disons maintenant que nous allons nous asseoir dès le début avec les Autochtones et leur parler de ce qui est important pour eux et de la meilleure façon de résoudre ce problème avant d’en arriver à un résultat net.

Ce sont deux exemples de la façon très différente dont nous travaillons et concevons les choses.

Le troisième et dernier point, avant de céder la parole à mon collègue, est que par le passé, nous avons vraiment uniquement pensé aux bandes régies par la Loi sur les Indiens. C’est la position que nous avons adoptée par défaut chaque fois qu’il a fallu décider à qui s’adresser. Mais, bien sûr, la situation actuelle des bandes régies par la Loi sur les Indiens n’est souvent que le produit d’une série de faits fortuits, dépendant de qui chassait ou pêchait là où l’agent des Indiens les a rencontrés pour la première fois dans les années 1870.

Dans ce monde, ce n’est pas vraiment la meilleure façon de parler des collectivités, des groupes familiaux et des gens qui s’efforcent de bâtir un avenir collectif. Nous avons donc été prêts à parler très différemment et à ne pas utiliser les bandes régies par la Loi sur les Indiens comme seul recours par défaut, comme nous l’avons fait pendant si longtemps.

M. Tremblay : Regardez la façon dont nous avons élaboré différentes initiatives au cours des 18 derniers mois, dont les subventions sur 10 ans. Plus de 85 collectivités de Premières Nations reçoivent désormais tout leur financement de base de notre ministère au moyen d’une seule subvention sur 10 ans, ce qui signifie qu’elles ont toute la souplesse voulue. Nous ne leur transférons pas de programmes. Nous transférons les fonds aux divers secteurs. Ces collectivités utilisent l’argent de leur mieux, d’une façon qui correspond à leurs ambitions. Cela ne s’est jamais produit auparavant. Nous n’avons qu’un seul exemple au pays. Il s’agissait d’une subvention.

Dans le domaine de l’éducation, nous avons procédé à l’élaboration conjointe d’une formule de financement, en essayant de nous entendre non pas sur le système, mais sur une formule de financement qui a du bon sens, leur laissant le loisir d’instituer le système qui convient à leur peuple, sans imposer une façon de faire. Je pense que ce sont de bons exemples.

Le troisième est celui des services à l’enfance et à la famille, domaine où nous n’avons pas mis au point un nouveau programme national imposant ses modalités à tout le monde. Nous sommes en train d’élaborer une loi qui reconnaît la compétence autochtone. Nous avons établi certains principes, mais ils sont temporaires. Les Autochtones sont libres de les supprimer. Ils peuvent les modifier et adopter leurs propres principes en vertu de leurs lois, mais il s’agit davantage de principes tout simples pour protéger les gens.

C’est une nouvelle façon de faire, une façon complètement différente d’aborder les questions touchant les Premières Nations, les Inuits et les Métis. Nous travaillons à renforcer la culture du ministère. Les structures sont bonnes, mais il faut insister sur la culture. Nous venons de voir une ébauche sur l’approche d’intégration, sur la façon dont de nouveaux employés émergeraient dans la culture des Premières Nations, des Inuits et des Métis.

Nous sommes également très dynamiques en ce qui concerne le recrutement, surtout au niveau des cadres. De 26 à 28 p. 100 de mes employés s’auto-identifient comme membres des Premières Nations, Inuits et Métis. Nous voulons en avoir plus au niveau de la direction, et nous prenons des mesures pour y arriver. Nous essayons d’ouvrir la porte aux organisations des Premières Nations, des Inuits et des Métis au niveau national et local pour qu’elles participent au processus décisionnel de sorte que nous ayons régulièrement, tous les trois mois, des réunions de la table de direction, si vous voulez, où nous examinons ce qui se passe au ministère et ce que nous faisons.

La sénatrice Coyle : Je vous en remercie. Passons à la deuxième série de questions.

Le sénateur Francis : Je pense qu’on a répondu à certaines de mes questions. Monsieur Tremblay, dans votre déclaration préliminaire, vous avez dit que le gouvernement du Canada est déterminé à renforcer sa relation avec les peuples autochtones.

Monsieur Watson, vous dites que le gouvernement du Canada s’est engagé à établir une véritable relation de nation à nation, entre les Inuits, la Couronne et de gouvernement à gouvernement avec les Premières Nations, les Inuits et les Métis.

Je me demande, nous avons entendu beaucoup de témoignages au cours des derniers jours, et un aspect qui ressort toujours, c’est l’absence de consultations constructives.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Francis : À mon avis, nous ne pouvons pas partir du bon pied si vous ne comprenez pas cela. Je suis un ancien chef de la nation micmaque de l’Île-du-Prince-Édouard, et l’absence de consultations constructives a toujours été un problème. On nous a toujours dit : « Nous allons venir vous dire comment faire. »

Comment rectifiez-vous la situation de façon réelle et significative pour inclure tous les groupes autochtones et les Premières Nations au Canada?

M. Watson : Merci beaucoup de cette question. Je pense à certaines choses que j’ai mentionnées dans ma réponse précédente, comment nous en arrivons aux mandats, par exemple. Si quelqu’un de l’ancien MAINC venait négocier avec vous à l’époque où vous étiez chef, il vous arrivait sans doute avec un mandat prédéfini dont il n’était certainement pas question avant que vous commenciez vos conversations.

Nous vivons maintenant dans un monde où nous nous sommes engagés publiquement à discuter de nos mandats avant qu’ils ne soient mis en œuvre. La façon dont nous parlerons de ce qui sera à l’ordre du jour est, je pense, un autre élément clé, car dans le passé, nous avions des listes, et il fallait que l’enjeu figure dans la liste pour que nous consentions à en discuter.

Côté exhaustivité, nous avons aussi changé l’approche selon laquelle il fallait que les Autochtones soient prêts à parler de tout un ensemble de choses, sans quoi nous ne discuterions d’aucune d’elles.

Je pense que ce sont là quelques-unes des principales caractéristiques. Il s’agit d’écouter, de respecter ce que nous entendons et d’y donner suite. Je dirais que c’est le principe que nous serons à juste titre tenus de respecter en nous acquittant de notre mandat.

M. Tremblay : Sur de nombreuses questions et sur tout, en fait, au quotidien, nous travaillons avec nos partenaires des Premières Nations, des Inuits et des Métis, nous les consultons, nous les mobilisons. En faisons-nous assez? Vous savez mieux que moi que des choses vont se passer au niveau local. Chaque fois que l’on propose une loi nationale, on ne devrait jamais prétendre qu’elle réglera tous les problèmes partout au pays, car il n’y a pas de solution universelle.

Les Premières Nations sont un concept. Il y a les nations crie, mohawk et algonquine. Ce sont des nations. C’est à ce niveau-là que la discussion entre la Couronne et la nation doit avoir lieu. De fait, lorsque nous élaborons des lois et des programmes nationaux, il est vraiment difficile de respecter une norme voulant qu’absolument toutes les nations aient participé.

Ce que nous essayons de faire à l’échelle nationale, c’est de libérer la capacité et la possibilité de tenir ces discussions au niveau qui convient.

En ce qui concerne l’éducation, une formule de financement doit être uniforme à l’échelle du pays. La façon de gérer le système peut être différente. Nous ouvrons la porte à cette discussion au niveau régional. Nous n’imposons pas une approche de style conseil ou commission scolaire à l’échelle du pays. Nous ne disons pas aux nations signataires de traités qu’elles ne peuvent pas adopter une approche fondée sur les traités. Nous disons simplement : « Voici les fonds. Nous sommes d’accord sur l’objectif. Dites-moi comment vous voulez gérer cela. »

Nous faisons la même chose pour les services à l’enfance et à la famille. Nous n’imposons aucun système que vous devriez adopter. Nous disons qu’il s’agit d’une occasion pour vous d’assumer cette compétence et nous nous associerons à vous si vous le souhaitez.

Même chose pour les subventions de 10 ans. Nous n’imposons pas de programmes. Nous essayons d’utiliser ces initiatives pour lever les verrous et limiter le plus possible l’intervention nationale. Lorsqu’il faut agir en ce sens pour les services à l’enfance et à la famille et le projet de loi à l’étude, par exemple, il y a toujours une Première Nation ou l’autre qui dit ne pas avoir été... Or, nous avons engagé le dialogue comme jamais auparavant.

Prenons l’exemple du projet de loi sur les services à l’enfance et à la famille. On y trouve beaucoup d’éléments qui ont fait l’objet d’une communication préalable. Cela ne s’était jamais fait à ce point par le passé. En matière d’éducation, la proposition a été présentée à des groupes de Premières Nations. Ils savaient que leur proposition serait présentée et nous en avons donné la garantie. C’est beaucoup plus que tout ce que j’ai connu dans des vies antérieures, si je peux dire.

Le sénateur Francis : Très bien. C’est essentiel si nous voulons progresser. Merci.

La sénatrice McCallum : Monsieur Watson, le projet de loi m’inquiète profondément. Il est injuste que tous ces éléments soient regroupés dans un projet de loi omnibus et que personne ne sache à quoi s’en tenir sur les lacunes.

Avant d’être appelée au Sénat, j’ai travaillé dans le domaine des soins dentaires pendant 44 ans. J’ai travaillé dans les réserves. Je connaissais donc les politiques du gouvernement. J’ai ensuite été dentiste régionale pendant quatre ans pour le Manitoba. J’en comprenais donc les politiques. L’Assemblée des chefs du Manitoba m’avait placée à ce poste. Je travaille encore aujourd’hui avec les Premières Nations du Manitoba.

Selon vous, le gouvernement change sa façon de travailler et de penser, sa façon d’écouter et d’établir des partenariats, ce qui permet de soutenir correctement les droits et l’autodétermination.

Lorsque je travaillais, c’est avec les fonctionnaires de première ligne que j’avais le plus de problèmes. Ce sont eux qui arrêtent et interprètent les politiques, et ils n’ont pas les compétences voulues. J’avais mon diplôme de dentiste. Si quelqu’un était mécontent de mes services, il pouvait me dénoncer à mon ordre. Or, en santé mentale comme en soins dentaires, ces fonctionnaires ne sont pas compétents. Si les fournisseurs de services sont aux prises avec un problème, ils n’ont personne à qui s’adresser.

Ces fonctionnaires interprètent les politiques à leur façon, je l’ai constaté. Ils le font encore aujourd’hui. Ils ne travaillent pas avec les Premières Nations. Je le sais parce que j’ai aidé des Premières Nations à remettre de l’ordre dans certains services. Un rafistolage superficiel ne changera rien aux causes profondes des politiques oppressives parce que beaucoup de ces employeurs ont appris à limiter les coûts plutôt qu’à améliorer l’accès aux soins de santé.

Quand j’entends dire qu’il y a du progrès... Je travaille encore aujourd’hui avec ces mêmes fonctionnaires, qui ont la même attitude, avec leurs superviseurs et les directeurs régionaux. Je me demande comment ces gens de partout au Canada vont faire changer les choses dans cet énorme groupe de fonctionnaires, car c’est lui qui arrête les politiques et pas vos bureaux.

M. Tremblay : Nous n’avons pas fait la même chose partout. Nous avons réussi dans certaines régions, comme en Colombie-Britannique, où nous transférons la compétence à l’égard des soins de santé des Premières Nations à une administration des Premières Nations. C’est exactement le modèle que nous voulons adopter. Lorsque je parle à mes fonctionnaires, partout au Canada, je leur dis qu’ils sont une espèce en péril et travaillent à leur propre extinction. À un moment donné, le ministère devrait disparaître.

Il ne s’agit pas d’appliquer le programme que nous élaborons, mais de voir si les Premières Nations ont la capacité de mettre en œuvre la conception qu’elles se font. C’est la discussion que nous voulons avoir.

Considérez le travail réalisé dans les domaines de l’éducation et des services à l’enfance et à la famille. C’est le genre de discussion que nous essayons d’avoir maintenant, et nous espérons ainsi éliminer l’approche ancienne qui consistait à dicter leur conduite aux Premières Nations.

Le développement conjoint est une bonne chose, mais à bien des égards, il faut aller au-delà et laisser aux Premières Nations, aux Inuits et aux Métis le soin d’élaborer leur modèle. Nous pouvons nous associer à eux, comme nous le faisons avec les administrations sanitaires des Premières Nations en Colombie-Britannique et avec la province. Pour nous, c’est une solution et c’est la voie de l’autodétermination, sujet qui intéresse M. Watson.

La sénatrice McCallum : La situation de la Colombie-Britannique est très différente de celle du reste du Canada. Les Premières Nations n’ont pas eu à composer avec ce changement. J’ai rencontré le groupe responsable, et il a abordé immédiatement la question de l’humilité culturelle. Nous avons franchi ce stade, mais elles se sont mises à l’œuvre immédiatement.

M. Tremblay : Les Micmacs de l’Atlantique ont trouvé une solution dans le domaine de l’éducation. Il y a des solutions partout.

La sénatrice McCallum : Je l’espère.

M. Tremblay : Il y a, par exemple, des Premières Nations au Québec qui cherchent un modèle qui leur sera propre. Ce modèle n’émergera peut-être pas dans toutes les Premières Nations, mais elles s’intéressent pour leur part à la santé et aux services sociaux. Voilà le genre de discussion que nous préconisons et souhaitons avoir.

La présidente : Il nous reste une ou deux minutes avant de suspendre la séance.

M. Watson : Je suis tout à fait d’accord avec vous, madame la sénatrice, pour dire que le rafistolage superficiel ne réglera pas les problèmes. Ce qui est essentiel dans le projet de loi, ce sont deux points importants. La Loi d’interprétation affirme le principe de la permanence de la règle de droit, si bien que le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien d’aujourd’hui est censé, en un sens, durer pour toujours. Ce que disent les projets de loi, ou ce que disent les articles du projet de loi, c’est qu’en premier lieu, en ce qui concerne Services aux Autochtones Canada, il s’agit de faire passer peu à peu ses pouvoirs à d’autres instances. Cela va tout à fait dans le sens de ce que vous dites. Il s’agit d’une mesure législative qui nous oblige, mon collègue et moi, à faire en sorte que ce transfert se fasse. À mon idée, cela se rapporte au point 2 du préambule de la partie qui concerne RCAANC.

La présidente : Nous allons devoir suspendre la séance pour aller voter. Je vous invite à rester. Pourrez-vous être là à notre retour? Nous allons suspendre la séance et revenir ensuite.

(La séance est suspendue.)

(La séance reprend.)

La présidente : Je vous souhaite de nouveau la bienvenue à la réunion du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones. Nous avons dû suspendre brièvement la séance.

Monsieur Watson, nous vous avons interrompu. Vous avez de nouveau la parole.

M. Watson : Merci beaucoup, madame la présidente. Je vais conclure rapidement.

Entre autres choses que le projet de loi prévoit, notons qu’il dit très clairement que, dans le ministère dont je suis actuellement sous-ministre, nous comptons sur une collaboration qui prendra des formes très différentes. Il exprime une attente explicite, jamais dite auparavant : la promotion de l’autonomie, de la prospérité et du bien-être des habitants des collectivités du Nord du Canada. Il prévoit toutes ces choses.

Quant à la question que vous avez posée, vous avez signalé à juste titre certaines critiques portant sur la façon dont nous avons assuré les services, non seulement dans un passé lointain, mais parfois, malheureusement, dans un passé plus récent. Dans ce contexte, il faut s’attendre à ce que nous nous éloignions délibérément des modèles trop souvent appliqués par le passé. Il est important d’avoir une loi qui le précise clairement, non seulement pour moi et mes collaborateurs actuels, mais aussi pour tous ceux qui viendront par la suite, pendant la durée de l’application du projet de loi.

La présidente : Avez-vous d’autres questions à poser, madame la sénatrice?

La sénatrice McCallum : J’en avais une, mais je dois chercher.

Il s’agissait de la question de la sénatrice LaBoucane-Benson au sujet du projet de loi omnibus. Monsieur Tremblay, vous dites que le gouvernement du Canada est déterminé à renforcer les relations avec les peuples autochtones, mais nous sommes saisis d’un projet de loi omnibus qui englobe toutes sortes de lois dans un texte portant exécution du budget. Par exemple, je siège au comité de l’énergie et nous venons de terminer l’étude du projet de loi sur l’évaluation d’impact. La LCEE était englobée dans un projet de loi omnibus, et cela a provoqué un gâchis. Il y a eu toutes sortes de répercussions négatives à cause de l’extraction des ressources, mais on ne s’en est pas occupé, nulle part au Canada. Personne, et surtout pas en Alberta, ne voulait réparer les dégâts.

Cela place les Autochtones dans une situation vulnérable. On veut adopter le projet de loi, parce qu’il met en œuvre le budget, mais on ne veut pas de l’autre moitié. À un moment donné, les sénateurs devront dire que cela suffit. Si cela continue, nous n’allons pas adopter le projet de loi. Voilà ce que je pense.

Si toutes ces lois sont regroupées dans un seul projet de loi, comment pensez-vous que cela renforcera les relations avec les peuples autochtones?

M. Tremblay : J’ai déjà dit que la discussion sur la scission du ministère a débuté avant que le projet de loi ne soit présenté. J’ai évoqué la commission royale, et on a fait remarquer que la discussion avait commencé avant les commissions royales des années 1980, même dès le rapport du groupe d’experts.

Le gouvernement a créé le ministère en 2017. C’est à ce moment-là que j’en ai été nommé sous-ministre. Il existait donc déjà, tout comme RCAANC. La ministre Bennett discute depuis des mois avec des partenaires. Le gouvernement aurait pu décider de légiférer à ce moment-là. Il a reporté le dépôt du projet de loi pour permettre à la ministre Bennett de discuter avec des partenaires des quatre coins du Canada.

Pour notre part, nous nous sommes occupés de la réalité concrète. Le projet de loi n’est jamais qu’un projet de loi. En réalité, comme on l’a déjà dit, il nous faut voir comment changer notre façon de travailler et évoluer vers autre chose. Ce n’est pas le projet de loi qui fait tout; il y a aussi le travail que nous accomplissons, l’initiative que nous prenons.

La plupart des discussions que nous avons eues avec les Premières Nations, les Inuits et les Métis au cours des deux dernières années — et je le dis honnêtement — ne portaient pas nécessairement sur le projet de loi, mais plutôt sur la façon de transformer l’éducation et les services à l’enfance et à la famille. La réalité concrète des deux ministères existe déjà.

Le projet de loi vient confirmer les faits et nous donner les pouvoirs nécessaires, car la loi sur AINC existe toujours et nous avons dit que nous voulions éliminer cet ancien ministère. Si nous avons besoin du projet de loi, c’est pour disposer des pouvoirs conférés par la loi et être en mesure de faire rapport au Parlement... La transformation elle-même a commencé bien avant le projet de loi et se poursuivra après son adoption. Si le projet de loi est une condition nécessaire, il ne suffit pas, en soi, si nous voulons réaliser tout ce que nous voulons.

Le sénateur Patterson : J’ai trois questions à poser au représentant du ministère des Affaires du Nord, et je crois que c’est M. Watson qui en est le sous-ministre.

Tout d’abord, vous avez parlé du Cadre stratégique pour l’Arctique. Il a été intégré au mandat du ministre des Affaires du Nord il y a plus de trois ans. Nous approchons de la fin du mandat du gouvernement. Où en est ce cadre stratégique qui a été promis tant et plus et a fait l’objet d’abondantes consultations?

Deuxièmement, si je peux poursuivre, le paragraphe 19(2) du projet de loi prévoit la création de comités. J’imagine que vous avez eu plusieurs années pour réfléchir aux comités qui seront créés. Comment concevez-vous ces comités? Compteront-ils des détenteurs de droits? Plus précisément — et je crois que c’est ce que réclame la Coalition des revendications territoriales —, êtes-vous prêt à établir un comité d’examen de la mise en œuvre des traités modernes pour vous attaquer avec cette coalition aux graves problèmes de mise en œuvre qui ont mené à des litiges et à d’autres contestations?

M. Watson : Pour ce qui est du Cadre stratégique pour l’Arctique, il devrait y avoir quelque chose d’ici peu. Je ne peux pas vous dire quand au juste, mais il devrait y avoir des annonces à ce sujet avant trop longtemps. Le travail a donc bien progressé, et il y a eu beaucoup de discussions, comme vous l’avez dit. Nous sommes en train de conclure le travail et il devrait y avoir quelque chose d’ici peu.

Le sénateur Patterson : Ce n’est pas la première fois qu’on nous dit que cela viendra « avant trop longtemps » ou « dans un avenir rapproché ». On m’a déjà dit que le cadre stratégique viendrait le printemps dernier. Il y a un an.

M. Watson : Je ne peux pas vous donner de date précise, mais je peux vous dire que ce sera avant longtemps. Conformément à la lettre de mandat dont vous avez parlé, on y travaille dans ce contexte.

Le sénateur Patterson : Et les comités?

M. Watson : Les comités? Dans cet article, il est question de représentants spéciaux à qui on a eu recours à maintes reprises pour obtenir des conseils sur des questions diverses. Au fil du temps, il s’est avéré utile de pouvoir mettre des comités sur pied pour épauler le ministre à différents moments. N’oublions pas que ce texte s’appliquera peut-être pendant 50 ans. Il donne donc au ministre le pouvoir de mettre sur pied, s’il le souhaite, des comités pour se faire conseiller sur différentes questions. Il s’agit donc d’une disposition habilitante.

Quant aux revendications territoriales modernes, nous avons mis sur pied des organismes. J’ai parlé tout à l’heure d’un comité de sous-ministres, qui se réunit régulièrement. Nous avons d’autres dispositifs qui permettent aux ministres et parfois au premier ministre et à d’autres personnes de rencontrer les dirigeants de groupes qui s’occupent de revendications territoriales liées à des traités modernes et des dirigeants des Premières Nations, des Métis, des Inuits. Ce sont là quelques-uns de nos moyens d’entretenir des relations. Je crois qu’un certain nombre de comités seront mis sur pied au fil du temps.

Pour ce qui est des revendications territoriales modernes, comme vous l’avez dit, nous avons mis en place certains organismes. J’ignore s’ils relèvent précisément du paragraphe 19(2), car ils rencontrent des fonctionnaires aussi souvent que les ministres, mais c’est là le genre de travail que nous faisons.

Le sénateur Patterson : À propos d’Affaires du Nord, vous avez parlé dans votre exposé liminaire du « fondement juridique à la création du poste de ministre des Affaires du Nord ».

Mais en y regardant de plus près, cette disposition enfouie dans le projet de loi omnibus d’exécution du budget n’était pas prévue dans le budget. Je me demande vraiment pourquoi elle est noyée dans ce projet de loi. C’est peut-être une excellente idée, mais la nomination du ministre, en vertu du paragraphe 11(1), est facultative. Un ministre des Affaires du Nord peut être nommé. Vous nous avez dit que vous êtes en train d’établir le fondement juridique de la création de ce ministère, mais ce n’est qu’une possibilité qui est offerte. Ce n’est que facultatif. Si c’est une si bonne idée, pourquoi est-elle d’application facultative? Pourquoi écrire « peut »? Ne devrions-nous pas modifier ce texte, si c’est une si bonne idée?

M. Watson : Il appartiendrait au premier ministre, le moment venu, de décider d’exercer comme il le juge bon les pouvoirs qui lui sont conférés. C’est une question à laquelle le premier ministre devrait répondre au moment où la décision sera prise.

Le sénateur Patterson : Mais les deux autres ministères, SAC et RCAANC, n’ont rien de facultatif. Pourquoi est-ce facultatif dans ce cas-ci? Le ministère des Affaires du Nord serait une priorité moindre?

M. Watson : Il est certain que toutes les responsabilités doivent être assumées d’une façon ou d’une autre, que cette disposition précise soit appliquée ou non d’une façon particulière. Chacune des responsabilités doit être exercée. La priorité, encore une fois, c’est l’action. J’ai moi-même vécu dans les Territoires du Nord-Ouest et je sais que les habitants du Nord diraient que ce qui compte, c’est ce que, concrètement, le gouvernement fait ou non. Toutes les mesures doivent être prises, peu importe la façon dont le ministre est nommé ou pas.

Le sénateur Patterson : J’ai un rappel au Règlement à soulever ou un conseil à donner au comité de direction. Sauf erreur, nous devons faire rapport sur le budget, sur ce chapitre du projet de loi omnibus, d’ici le 6 juin. Je crois aussi que nous n’avons pas d’autres travaux au programme pour l’instant. Je crains que nous n’ayons pas le temps d’entendre les représentants du Nord sur cette question. Je sais que l’ITK et la NTI, qui sont représentés ici aujourd’hui, aimeraient beaucoup avoir l’occasion de faire un exposé sur cet important projet de loi qui touche l’Arctique.

J’implore le comité de direction d’envisager de nous donner le temps, avant le 6 juin, d’entendre des représentants du Nord sur cette question. Et il y en a peut-être d’autres qui voudraient aussi comparaître. Nous aurons peut-être au moins une autre réunion. Je fais donc respectueusement cette proposition au comité directeur. Je m’en remets à vous.

La NTI demandera à comparaître.

La présidente : Nous avons invité l’ITK, mais ses représentants n’étaient pas libres. Ils vont présenter un mémoire. Simple information. Il faudra que le comité de direction discute de votre proposition.

Le sénateur Patterson : Je m’en remets à vous. Merci de m’avoir permis de proposer cette idée.

La sénatrice Klyne : J’aurais pu poser une unique et longue question, mais je vais la diviser en trois questions de moindre envergure.

La présidente : Ce serait probablement la meilleure solution. Nous n’avons pas beaucoup de temps. Si c’est votre façon de poser votre question plus clairement, c’est la solution à retenir.

La sénatrice Klyne : Je suppose que le projet de loi sera assorti de politiques et de règlements, mais il me semble que, dans ce cas-ci, il y a peut-être davantage de politiques et de règlements qui sont déjà pris en compte dans le projet de loi parce que vous semblez obéir à une certaine orientation.

D’après ce que je comprends, le projet de loi repose en grande partie sur le rapport de la CRPA, les conclusions de la Commission de vérité et réconciliation et les recommandations de la commission, mais aussi sur votre interprétation de la DNUDPA.

Cela dit, parlez-moi de ces deux nouveaux ministères. Dans votre réponse, je voudrais que vous teniez compte des Métis et des Inuits, en plus des Premières Nations et des traités. L’un de vous a un protocole d’entente avec le CPA, vous pouvez parler des Indiens non inscrits, des Autochtones qui vivent dans les villes ou hors réserve. Essayez de proposer dans votre réponse une vue d’ensemble.

Avec les deux nouveaux ministères, que fait-on pour se rapprocher de l’autodétermination, de solutions de rechange pour la prestation des services et de la prise en compte des conditions socioéconomiques? Comment ces deux ministères vous permettront-ils de progresser sur ces trois plans?

M. Watson : Je vais peut-être commencer... Bien des mesures que nous prendrons à Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada, RCAANC, amorceront des processus et, dans certains cas, les fondements mêmes seront touchés. Dans d’autres cas, ce seront mes collègues de Services aux Autochtones Canada qui offriront les programmes et en modifieront les modalités de prestation.

Nous entretiendrons une étroite collaboration avec les Inuits, les Métis et les Premières Nations. Nous devrons aussi trouver des façons de travailler avec des groupes avec lesquels nous avons eu du mal à collaborer de la bonne manière par le passé, notamment du point de vue des programmes ou de la négociation, c’est-à-dire les Autochtones en milieu urbain.

Qu’allons-nous faire à cet égard? Nouer de bons échanges, tant avec ceux qui vivent dans les zones ouvertes, qui nous diront comment ils souhaitent participer, quelles sont les difficultés qu’ils ont à relever, comment ils souhaitent participer à certaines démarches avec nous pour résoudre divers problèmes. Nous aurons également des échanges avec la Nation métisse du Canada et les groupes métis régionaux. Nous aurons des échanges avec les Inuits. Nous en aurons avec les Premières Nations, tant à l’Assemblée des Premières Nations qu’avec les Premières Nations et les bandes prises individuellement.

Nous aborderons ces échanges en nous interrogeant sur les modalités de bonne gouvernance susceptibles de favoriser la résolution des problèmes. RCAANC concentrera ses efforts là-dessus. Il s’agit de tenter de retirer le pouvoir de décision aux autorités fédérales, dans bien des cas, et de le céder par des accords aux Autochtones, qu’ils soient Métis, Inuits ou membres des Premières Nations.

La prestation des services sera d’une importance capitale et je pourrais peut-être faire appel à mon collègue, qui pourra vous en parler.

M. Tremblay : Nous visons le même résultat et le même objectif, comme je l’ai déjà dit. Nous travaillons tous à l’autodétermination. La présence d’un ministère qui se consacre essentiellement aux services nous permet de nous concentrer sur cet aspect. Il ne s’agit pas d’élaborer des programmes, mais de chercher comment s’y prendre pour fournir les services.

J’ai participé à une réunion en Colombie-Britannique quelques mois après la création des ministères, et nous avons parlé des services aux Autochtones. L’aîné qui était présent est intervenu : « Le ministère a parlé de services. Je n’ai jamais entendu ce mot-là par le passé. » Il faut que cela signifie quelque chose. Le ministère est là pour offrir des services. Pour nous, c’est un aspect important. Comment pouvons-nous passer à une approche qui ne consiste pas à appliquer la Loi sur les Indiens, qui ne soit pas perçue comme le rôle de l’ancien agent des Indiens, si je peux dire, mais qui soit une fonction de service, d’aide et de soutien, sans présomption de quoi que ce soit? Pour nous, c’est là le deuxième aspect.

Premièrement, il faut mettre l’accent sur les services : comment les améliorer? Comment obtenir des résultats, sans nécessairement se demander combien ils coûtent, mais ce qu’ils donnent au bout du compte? Deuxièmement, comment agir de la sorte sans prétendre avoir la solution?

Je suis un acharné des politiques. Il est parfois tentant de penser qu’on sait comment faire. Par le passé, une foule de gens ont cru savoir ce qu’il fallait faire pour les Premières Nations, les Inuits et les Métis, et nous avons vu les résultats. Comment sortir de cette ornière? C’est une question de services dans un ministère qui a essayé d’aider ceux qui ont des défis à relever. Comment leur donner la capacité, les fonds et les relations dont ils ont besoin pour aboutir à quelque chose?

Enfin, pour nous, il faut voir comment assurer une décentralisation vers les niveaux régional et local. J’ai parlé de la Régie de la santé des Premières Nations. Elle se situe au niveau régional. Dans certains cas, le niveau infrarégional serait possible. Je ne peux pas décider et je ne devrais pas prétendre savoir à quel niveau les solutions vont émerger. Les modalités peuvent varier. Il peut parfois y avoir un partenariat entre de nombreuses nations, ou bien une nation donnée peut parfois agir seule. Pour nous, il s’agit de travailler avec les Premières Nations, les Inuits et les Métis à cet aspect de la gouvernance. Comment veulent-ils offrir les services, ce qui se traduira en fin de compte par une question plus générale : comment assurer une fonction publique? C’est de cela que nous voulons discuter et non des moyens de se conformer au programme. Il s’agit plutôt de voir comment les choses se passent dans la mise en place d’une fonction publique. Quels sont les liens de responsabilité? Quelles sont les données recueillies? Comment pouvons-nous vous aider à améliorer la situation?

C’est tout un changement dans la culture du ministère, par rapport à ce qui existait par le passé. Le projet de loi et la division du ministère en deux vont dans ce sens. Comme je l’ai déjà dit, il faut aller plus loin. Il faudra accorder une grande attention au changement de culture.

La sénatrice Klyne : Ma deuxième question porte sur l’autodétermination, les questions socioéconomiques, les nouveaux modes de prestation de services. Jusqu’en 2006, il y avait une table des questions économiques et une table des questions sociales, puis, en 2006, les questions économiques ont été confiées à la table des questions sociales.

On a maintenant une table des questions sociales qui traite de questions économiques auxquelles, probablement, elle ne comprend rien. Je ne sais pas trop comment on peut se débrouiller maintenant. Il s’agit davantage d’éducation et de santé.

Vous vous empresserez probablement de répondre en évoquant les droits des Premières Nations et les droits issus de traités, mais il y a aussi toute la question des Indiens non inscrits, qui n’a pas été abordée dans la réponse précédente, et des Indiens non inscrits vivant en milieu urbain. L’ancien sous-ministre Kevin Lynch, avant de quitter Industrie Canada, où on s’occupe de nombreuses questions économiques, puis de passer au ministère des Finances en qualité de sous-ministre, a fait une tournée nationale et a mené des consultations préalables. Il a discuté avec des gens dont nous espérions qu’ils seraient consultés. Il s’est intéressé aux questions économiques et à ce que nous devons faire pour parvenir à l’autodétermination et nous attaquer aux problèmes socioéconomiques.

La réponse fondamentale, qu’il a entendue à maintes reprises, était qu’il fallait mettre l’accent sur l’éducation. L’éducation doit être la clé.

Comment allez-vous vous y prendre? Comment apporterez-vous un soutien et travaillerez-vous avec vos collègues provinciaux dans ces deux cas, maintenant qu’il y a ou qu’il y a eu division? Comment aborde-t-on les questions économiques et l’éducation?

M. Tremblay : De notre côté, comme je l’ai dit, nous travaillons à l’élaboration d’une formule de financement de l’éducation et à sa mise en œuvre, ce qui s’est traduit par l’injection de fonds appréciables en éducation. Il était important de s’assurer que, dans la mesure du possible, les fonds peuvent satisfaire les demandes. La question est maintenant de savoir comment concevoir le système. C’est une discussion que nous avons hâte d’avoir avec les Premières Nations, mais nous essayons de ne pas imposer le résultat final. Cela demeure une priorité.

Il y a aussi d’autres priorités. Honnêtement, le logement reste encore très important. Le développement économique l’est aussi. Il y a beaucoup d’entrepreneurs autochtones, inuits et métis, vous le savez aussi bien que moi. Ils sont vraiment innovateurs et ils ont de bonnes organisations. Comment pouvons-nous les aider à soutenir l’économie des Premières Nations, des Inuits et des Métis. Il ne faut pas forcément recourir à l’approche classique appliquée depuis des années, c’est-à-dire axée sur les accords de contribution et le développement économique. Ce n’est pas nécessairement la façon d’encourager le développement économique. C’est la prochaine étape. Le dernier budget prévoyait des fonds, par exemple, pour les entreprises métisses. On veut voir comment les Premières Nations, les Inuits et les Métis peuvent créer leurs propres organisations pour soutenir leur économie. C’est probablement la voie à suivre.

Les Indiens non inscrits? Nous n’arrêtons pas d’offrir des programmes destinés à tous les Autochtones. La réaction du gouvernement fédéral et son rôle ont été différents, selon l’interlocuteur et le sujet de discussion. Certains de nos programmes qui s’adressent plutôt aux Autochtones en milieu urbain sont ouverts aux membres des Premières Nations, aux Inuits et aux Métis. Parfois, il s’agit de services offerts par des organisations pour les Indiens non inscrits. Pour nous, pas question de chercher une solution universelle pour tous ceux qui vivent à l’extérieur des réserves. Il y a des provinces qui sont également actives à cet égard. Dans le Nord et dans certaines régions, on a recours à des traités et au règlement de revendications territoriales. Ce n’est pas la même chose. Nous devons le reconnaître. Ce qui importe, pour mon ministère, c’est de trouver l’approche la mieux adaptée chaque situation.

La sénatrice Klyne : Je dois dire que je suis heureux d’apprendre qu’il y a enfin une agence de développement régional pour le Nord. Je ne sais pas quand il a été mis en place.

M. Tremblay : Dans l’Arctique, il y a CanNor, par exemple.

La sénatrice Klyne : Vous avez parlé d’argent. Il y a une douzaine d’années, AANC avait un budget de quelque 9 milliards de dollars. Il doit maintenant avoisiner les 12 milliards de dollars. Ce qui est décevant — et on l’a vraiment saisi au moment de la scission — c’est que, il y a une douzaine d’années, de 4 à 6 p. 100 des 9 milliards étaient consacrés aux questions économiques, au développement économique. Aujourd’hui, la proportion est probablement de 4 p. 100 seulement, mais le budget est plus important, soit 12 milliards de dollars. On a l’impression que c’est presque le statu quo, que rien ne change pour ce qui est d’offrir le filet de sécurité sociale grâce à l’activité économique ou socioéconomique. Nous devons nous en sortir. Il faut rompre le cycle. Je cherche à savoir comment la division de ces deux ministères permet d’atteindre cet objectif d’autodétermination.

M. Tremblay : Il est difficile de s’en tenir à un budget quand les besoins sont si nombreux, et c’est plus difficile encore quand il faut choisir entre le logement, la santé, les questions sociales et le développement économique. Ce sont aussi des éléments, comme vous l’avez dit, qui ont une influence sur l’éducation nécessaire au développement économique.

Mais vous avez raison, c’est une discussion que nous avons avec des groupes autochtones, surtout ceux qui participent au développement économique. Comment peut-on créer un meilleur espace de discussion sur le développement économique? La question est inévitable.

La sénatrice Klyne : Je reconnais que c’est difficile, mais le degré de facilité ou de difficulté n’a rien à voir. Il nous faut trouver une solution proprement canadienne. Le développement économique et les investissements auraient permis de satisfaire beaucoup de besoins sociaux, et vous auriez probablement pu utiliser le développement économique pour financer l’effort social. Merci de vos réponses.

M. Tremblay : Vous avez raison.

La sénatrice Lovelace Nicholas : Les provinces vont-elles participer à ces discussions?

M. Watson : Oui. En fait, dans la grande majorité des cas où nous négocions des accords protégés en vertu de l’article 35, les provinces ou les territoires sont des partenaires directs. Nous passons beaucoup de temps à discuter avec eux. Bien entendu, ils font valoir leur point de vue et leurs priorités, mais nous travaillons en étroite collaboration avec eux régulièrement.

La sénatrice Lovelace Nicholas : Je pensais que vous alliez discuter de ces services avec les peuples autochtones. Pourquoi faire participer les provinces?

M. Watson : Dans un certain nombre d’ententes à négocier, il est important que tout marche bien pour tous les systèmes en cause. Par exemple, dans les revendications que j’ai négociées au fil du temps, l’apport de la province est important pour le groupe des Premières Nations tout comme l’est celui du gouvernement fédéral. Il y a d’autres cas où nous concluons des accords bilatéraux simplement parce que c’est logique.

Mais si on veut mieux profiter du système d’éducation provincial, ce qui arrive parfois, il faut que la province participe aux discussions. Cela dépend vraiment des choix qui sont faits. Nous ne nous retrouvons jamais dans des situations où nous exigeons absolument que nos interlocuteurs acceptent contre leur gré la présence d’une province ou d’un territoire, mais, dans bien des cas, nous constatons que la capacité de régler des problèmes que le groupe autochtone lui-même nous dit vouloir régler exige la participation de la province. Lorsque nous convenons tous que c’est logique, tout le monde est présent.

La sénatrice Lovelace Nicholas : Si j’ai posé cette question, c’est que le gouvernement fédéral a une responsabilité fiduciaire envers les peuples autochtones, ce que n’a pas la province. Alors, pourquoi les Autochtones voudraient-ils que la province participe? Je ne comprends tout simplement pas. Il faudrait peut-être que je fasse des recherches là-dessus.

M. Tremblay : En ce qui concerne les services, j’ai parlé du succès de la Régie de la santé des Premières Nations. Cette réussite tient en partie au fait qu’il s’agit d’une entente tripartite et que la régie collabore avec la province.

Il serait difficile pour les Premières Nations de se doter d’un système de santé distinct qui ne tienne pas compte du système provincial puisque des gens doivent aller à l’hôpital. Les médecins font partie de la même association. Même si le fiduciaire est là, nous sommes essentiellement condamnés à réussir ou à échouer ensemble. Nous avons besoin des gouvernements provinciaux parce qu’ils apportent une certaine expertise.

Cela ne nous empêche pas de travailler avec les Premières Nations, les Inuits et les Métis en l’absence des provinces. Mais dans de nombreux domaines où les Premières Nations elles-mêmes, lorsqu’elles établissent leur structure, par exemple, veulent tenir compte de tous leurs membres, y compris ceux qui vivent hors des réserves ou dans les villes, il est plus facile que la province participe aux négociations. Ce n’est pas à nous de choisir. Certaines Premières Nations me disent qu’elles veulent utiliser le système d’éducation provincial pour l’améliorer. Elles ne veulent pas créer leurs propres écoles, par exemple. Cela dépend du choix que font les Premières Nations.

La sénatrice Lovelace Nicholas : Une dernière observation, s’il vous plaît.

La présidente : M. Watson veut répondre.

M. Watson : J’ai deux exemples très précis. Pour que les Nisga’as puissent obtenir des hypothèques pour la première fois sur leurs terres, ce qu’ils ne pouvaient pas faire facilement aux termes de l’ancienne Loi sur les Indiens, ils avaient besoin d’un régime d’enregistrement des titres fonciers. Les Nisga’as eux-mêmes et leur gouvernement ont opté pour le régime provincial de leur plein gré et non pas parce que le gouvernement fédéral insistait là-dessus. Ils n’auraient pas pu organiser cela sans discuter avec les représentants de la province.

Cela a fait toute la différence : pouvoir aller à la banque et obtenir un prêt ou ne pas pouvoir le faire. Les Nisga’as ont préféré utiliser le régime provincial, ce qui les a obligés à discuter avec la province. Voilà un exemple.

La sénatrice Lovelace Nicholas : Comme vous le savez, chaque Autochtone qui fréquente une école de la province doit payer le double. Comment expliquez-vous cela? Est-ce bon pour les Autochtones ou pour la province?

M. Tremblay : Nous ne payons pas le double. Nous payons les frais de scolarité au niveau provincial, et nous avons considérablement augmenté la formule de financement de l’éducation, ce qui permet de combler en grande partie l’écart perçu, c’est certain.

La sénatrice Klyne : Il s’agit plutôt d’une observation qui se greffe sur les derniers propos de la sénatrice Lovelace Nicholas. Il faut que les provinces soient partie prenante. Il est temps qu’elles participent aux négociations. Elles doivent comprendre ce qui peut arriver si elles ne sont pas là, estimant en quelque sorte que le gouvernement fédéral va s’occuper de l’éducation et de la santé, et que ce n’est pas leur problème. Sauf que 60 ou 70 p. 100 de nos gens quittent les réserves et que cela devient un problème dans les villes.

Les Autochtones peuvent être productifs dans l’économie générale et les provinces peuvent être beaucoup plus fortes sur le plan économique si nous travaillons tous ensemble dans ce dossier, mais elles doivent toutes prendre part aux échanges. Elles ne pensent pas que c’est leur problème, mais ce l’est. Elles ont tout à gagner de l’augmentation de la productivité et de l’apport des Autochtones à leur économie. Elles devraient être présentes.

La présidente : La période prévue pour la réunion est terminée. Avant de lever la séance, je voudrais apporter quelques précisions pour répondre aux observations de notre collègue, le sénateur Patterson.

Nous avions sur notre liste un bon nombre de témoins du Nord. Globalement, beaucoup de gens n’ont pas répondu à notre demande. Cela pourrait être un symptôme de l’épuisement professionnel des témoins. Cela pourrait aussi être une réaction au fait que cette mesure figure dans un projet de loi d’exécution du budget et qu’il y a très peu de choses qu’ils puissent faire.

Nous avons communiqué avec Inuit Tapiriit Kanatami, ITK. Ses représentants ne pouvaient pas se libérer et ils ont soumis un mémoire. Nous avons communiqué avec l’Inuvialuit Regional Corporation, qui n’a pas répondu. Nous avons communiqué avec le gouvernement du Nunatsiavut, qui n’a pas répondu non plus. Nous avons aussi contacté la Société Makivik, qui soumet un mémoire. Il y aura donc deux mémoires qui porteront sur les préoccupations du Nord.

Sur ce, je tiens à remercier les témoins de cet après-midi de leurs vaillants efforts pour répondre à toutes les questions et exposer leurs positions. Je dois dire que nous aurons une réunion à huis clos plus tard pour rédiger les instructions relatives à cette étude préalable. Nous n’avons plus assez de temps aujourd’hui pour le faire.

(La séance est levée.)

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