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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule no 40 - Témoignages du 18 avril 2018


OTTAWA, le mercredi 18 avril 2018

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, auquel a été renvoyé le projet de loi C-45, Loi concernant le cannabis et modifiant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, le Code criminel et d’autres lois, se réunit aujourd’hui, à 15 h 45, afin de poursuivre son étude du projet de loi.

Le sénateur Art Eggleton (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.

[Traduction]

Je suis Art Eggleton, sénateur de Toronto et président du comité. Je vais demander à mes collègues de se présenter.

La sénatrice Seidman : Judith Seidman, de Montréal, au Québec, vice-présidente du comité.

[Français]

La sénatrice Poirier : Bienvenue. Rose-May Poirier, du Nouveau-Brunswick.

[Traduction]

La sénatrice Marshall : Elizabeth Marshall, de Terre-Neuve-et-Labrador.

[Français]

La sénatrice Galvez : Rosa Galvez, du Québec.

La sénatrice Mégie : Marie-Françoise Mégie, du Québec.

[Traduction]

La sénatrice Omidvar : Ratna Omidvar, de Toronto.

[Français]

La sénatrice Petitclerc : Chantal Petitclerc, du Québec.

[Traduction]

Le président : J’attends d’autres collègues bientôt. Le Sénat siège encore et ils essaient de quitter.

Nous poursuivons l’étude du projet de loi C-45, Loi concernant le cannabis et modifiant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, le Code criminel et d’autres lois. Nous accueillons deux groupes de témoins, ce qui nous amènera à 18 h 15. Le premier groupe sera là de 15 h 45 à 16 h 45.

J’accueille avec plaisir deux représentants de l’Initiative canadienne de recherche sur l’abus de substances, l’ICRAS, soit Benedikt Fischer, titulaire de la chaire de recherche sur la toxicomanie au Département de psychiatrie de l’Université de Toronto; le Dr Didier Jutras-Aswad, scientifique principal au Centre de recherche du Centre hospitalier de l’Université de Montréal; et, enfin, Michael DeVillaer, professeur adjoint au Peter Boris Centre for Addictions Research de l’Université McMaster, qui témoignera à titre personnel.

Bienvenue à vous trois. Pour l’organisation, vous pourriez tous les deux vous partager votre temps de parole. Nous avons environ sept minutes. Ce n’est pas beaucoup, mais vous aurez la chance de répondre aux questions et peut-être d’introduire quelques autres points dans vos réponses.

Benedikt Fischer, titulaire de la chaire de recherche sur la toxicomanie, professeur, Département de psychiatrie, Université de Toronto, Initiative canadienne de recherche sur l’abus de substances (ICRAS) : Mesdames et messieurs les sénateurs, bonjour. C’est avec grand plaisir que je suis ici cet après-midi pour vous faire part de nos expériences et de nos commentaires sur cet important projet de loi.

D’entrée de jeu, je dirai que nous sommes évidemment pour le projet de loi C-45 et la légalisation de la consommation de cannabis et de son approvisionnement à des fins non médicinales. Nous y voyons une option pour améliorer vraiment la santé et la sécurité publiques liées à la consommation de cannabis et pour éviter la plupart des conséquences négatives de la prohibition, qui se sont manifestées pendant des décennies. Nous appuyons explicitement cet effort depuis de nombreuses années, depuis avant même qu’il ne devienne une initiative stratégique.

Le diable se cache dans les détails, par contre. L’approche est canadienne et elle constituera en fait une expérience sociale et politique majeure. Elle dépendra d’une foule de détails et de facteurs qui détermineront si les choses vont bien ou mal. C’est vraiment de cela que je veux parler aujourd’hui. Concrètement, je veux dire un mot sur cinq points essentiels du projet de loi, ou liés au projet de loi, qui, à mon avis, méritent encore d’être examinés.

Premièrement, il y a la production à domicile. À mon avis, elle est totalement malavisée dans un régime d’approvisionnement en cannabis dans le contexte d’une approche de santé publique et de réglementation stricte. C’est une recette pour les producteurs de cannabis qui n’est pas réglementée et qui exposerait au cannabis les mineurs et les autres personnes vulnérables qui ne devraient pas l’être, une recette pour le détournement. Elle n’a pas sa place dans un cadre d’approvisionnement axé sur la santé publique pour le cannabis. Cette disposition devrait être supprimée.

Deuxièmement, mettre l’accent sur la publicité et le marketing. Je déplore le traitement plutôt vague de cet aspect. Nous savons très bien, par notre expérience de l’alcool et du tabac, que la publicité et le marketing, surtout à l’ère électronique, ont une grande influence directe ou indirecte sur la consommation et ses méfaits, surtout chez les populations vulnérables, comme les jeunes. La réglementation doit être très rigoureuse et étanche pour prévenir les méfaits et les problèmes liés à l’alcool et au tabac. Vous avez une seule chance de le faire, et c’est au tout début.

Nous avons une recommandation claire concernant la consommation et la possession de cannabis par des mineurs. Les limites d’âge seront de 18 et 19 ans, mais les niveaux de consommation chez les plus jeunes encore — les mineurs — sont parmi les plus élevés dans la population canadienne. Cela ne changera pas. Malgré les promesses politiques, on n’éliminera pas la consommation de cannabis chez les jeunes. Mais nous devrions ne pas punir ces jeunes ni les exposer au système de justice pénale, afin d’éviter la stigmatisation et la criminalisation de ce groupe très vulnérable. Il ne devrait pas y avoir de démêlés avec la justice pénale, même s’ils consomment ou possèdent du cannabis.

Enfin, j’aurais quelques observations à faire sur la nécessité d’un programme national de recherche. Une foule de détails sur la consommation de cannabis et la santé sont en train de changer. Nous avons de nouveaux produits, de nouveaux modes d’utilisation. Il y a beaucoup de détails que nous comprenons mal. Il nous faut un programme national de recherche sur la consommation de cannabis et ses effets sur la santé, ainsi que sur les options stratégiques et les effets des différents régimes de réglementation au fur et à mesure de leur évolution au Canada. À l’heure actuelle, je vois surtout des efforts fragmentés de part et d’autre et sous des angles différents. La légalisation du cannabis doit être assortie d’un programme national de recherche doté d’un financement et de ressources suffisants.

Parallèlement à cela, nous avons besoin d’une stratégie de surveillance et d’évaluation indépendantes de ce qui demeure une grande expérience sociale, voire une grande expérience politique louable. Actuellement, beaucoup de petits éléments d’évaluation et de surveillance sont envisagés par différents intervenants et différents organismes. Je me demande s’il en ressortira jamais une évaluation détaillée et complète et si, dans quatre ou cinq ans, cela aura donné des résultats dans l’intérêt de la santé et de la sécurité publiques. Nous avons besoin de cette évaluation complète après un temps suffisant pour établir si l’expérience aura été positive ou négative, et elle devra s’appuyer sur une preuve empirique.

Cette surveillance et cette évaluation, qui devraient être réalisées globalement avec des ressources suffisantes, par un groupe ou un comité indépendant de scientifiques ou de savants qui soient totalement indépendants du gouvernement pour déterminer si cela a fonctionné pour la santé et la sécurité publiques des Canadiens, après une période raisonnable de surveillance.

Je m’arrête là pour céder la parole à mon collègue, le Dr Jutras-Aswad.

[Français]

Dr Didier Jutras-Aswad, scientifique principal, Centre de recherche du Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CRCHUM), Initiative canadienne de recherche sur l’abus de substances (ICRAS) : Je tiens à vous remercier de votre accueil et de me donner l’occasion de m’entretenir avec vous sur quelques enjeux liés au cannabis. Je suis chercheur au CRCHUM et investigateur du CRISM, qui est un réseau de recherche en toxicomanie au Canada. Je suis également un psychiatre qui travaille quotidiennement avec des gens aux prises avec des problèmes de santé mentale et de toxicomanie. Dans la même veine que le Dr Fischer, j’aimerais rappeler également que, même si nous sommes généralement en faveur du projet de loi C-45, la légalisation n’est pas une finalité en soi. C’est le début du travail. Je suis d’abord en faveur du bien-être et de la santé des Canadiens. On peut espérer que, collectivement, nous allons délaisser les idées préconçues pour tenter, de façon pragmatique, de faire des choix, toujours dans un esprit de santé publique, pour minimiser l’impact d’une substance comme le cannabis sur la santé des Canadiens et des Canadiennes.

Pour ce faire, l’approche doit être équilibrée. Il faut qu’il y ait un juste équilibre de sorte que le marché soit suffisamment flexible pour que les utilisateurs soient attirés vers un marché légal où ils pourront profiter des possibles avantages d’un marché licite dont nous pourrons contrôler davantage les produits. Il importe aussi d’encadrer ce marché pour ne pas reproduire le marché illicite où il y a très peu de considérations pour la santé des acheteurs de cannabis.

L’un des éléments que j’aimerais souligner, c’est que, malgré le fait qu’on puisse passer beaucoup de temps sur ce projet de loi — on pourrait passer les 30 prochaines années à l’étudier, à mon avis —, il est clair qu’il contient des éléments qui ne seront pas appropriés et qu’il faudra ajuster pour encadrer la légalisation du cannabis. Il faudra avoir des leviers sur le plan législatif — et cela est davantage entre vos mains — et les données nécessaires afin de détecter rapidement les problèmes qui pourraient survenir dans les zones qui n’auront pas été couvertes par le projet de loi pour pouvoir ajuster les mesures législatives.

Sur le plan de la recherche, on a des besoins criants auxquels on ne répond pas. On a certaines connaissances sur le cannabis et sur ses effets sur la santé, mais, manifestement, on est dans le brouillard et dans le noir en ce qui a trait à bien des éléments qu’il faut absolument connaître sur le cannabis et ses effets sur la santé. Il faut mieux comprendre l’effet de différents produits sur la santé. On dispose de beaucoup de données qui remontent aux années 1980 et 1990, mais cette substance a évolué. C’est pourquoi il faudra obtenir de meilleures données sur différents types de cannabis, par exemple avec différentes concentrations de THC, et sur les effets de ces substances sur la santé.

Je ne peux m’empêcher d’attirer votre attention sur le fait que nous n’avons aucune intervention sur le plan pharmacologique pour traiter des gens qui souffrent de dépendance au cannabis. Il est inacceptable que cette situation perdure. Des efforts de recherche intensifs doivent être déployés pour offrir à nos patients des traitements appropriés lorsqu’ils développent un problème associé à cette substance.

[Traduction]

Michael R. DeVillaer, professeur adjoint, Peter Boris Centre for Addictions Research, Université McMaster, à titre personnel : Merci de me donner l’occasion de m’adresser à vous aujourd’hui.

Les Canadiens ont été assurés que l’industrie du cannabis sera réglementée de façon stricte, comme les autres industries de drogues légales, afin de protéger la santé publique. Des données probantes sur les politiques internationales en matière de drogue recueillies depuis 50 ans nous disent que ce n’est pas aussi simple. Nos organes de réglementation n’arrivent souvent pas à freiner les ambitions de ces industries. Dans un rapport de 2015, votre comité informait justement les Canadiens de l’échec de Santé Canada à réglementer parfois l’industrie pharmaceutique de manière efficace. Le même défi demeure en ce qui a trait à la réglementation fédérale et provinciale des industries du tabac et de l’alcool.

La situation actuelle est la suivante : nous comptons trois industries de drogues légales réglementées de manière permissive, et il y a trois crises de santé publique. D’après les premiers signes, l’industrie naissante du cannabis légal semble se diriger dans la même direction.

Aujourd’hui, j’ai le temps de ne donner que quelques exemples. Mon mémoire au comité renvoie à un rapport que j’ai rédigé et qui représente de nombreux autres exemples.

Le premier enjeu que je vais aborder aujourd’hui est le suivant : publicité sur le cannabis et autres pratiques de promotion de produits.

Le projet de loi C-45 comprend des restrictions en matière de publicité sur le cannabis. L’industrie discute actuellement de stratégies pour contourner cette réglementation de manière créative ou s’en servir à son avantage.

Par exemple, on prévoit l’utilisation d’une technologie qui permet de regarder l’emballage neutre d’un produit de cannabis à l’aide d’une lentille de téléphone intelligent pour découvrir les caractéristiques cachées. Lorsqu’on clique dessus, ces caractéristiques donnent un accès à des renseignements liés à la marque, comme une vidéo qu’on peut regarder à l’aide du téléphone intelligent. C’est justement ce que nous voulions prévenir grâce au projet de loi.

L’industrie du cannabis a aussi officiellement fait part de son désir de faire de la publicité sur des sites web et des plateformes de médias sociaux qui sont vues par plus de 30 p. 100 de visiteurs mineurs. Cela voudrait dire que des millions de Canadiens mineurs pourraient être exposés aux publicités sur le cannabis.

Manifestement, l’industrie du cannabis ne considère pas la protection de la santé publique comme un élément important de son modèle commercial. Elle fera tout ce qu’elle peut pour contourner les restrictions quant à la publicité sur le produit. C’est pourquoi cinq organisations bien en vue dans le domaine de la santé publique au Canada ont recommandé non pas de simples restrictions, mais plutôt une interdiction complète de la promotion du produit. Suivant le conseil de nos professionnels de la santé publique, on devrait remplacer les restrictions en matière de promotion de produits qui figurent actuellement dans le projet de loi C-45 par des dispositions législatives l’interdisant complètement, assorties de peines sévères pour les tentatives de contournement des mesures. J’ai inclus le libellé précis dans mon mémoire.

Le deuxième enjeu que je vais aborder est le suivant : produits du cannabis contaminés. Avec la légalisation du cannabis, on nous promettait entre autres d’avoir un produit bien étiqueté et exempt de contaminations dangereuses, comme on en trouve parfois dans les produits illicites. Après presque 20 ans, la légalisation du cannabis thérapeutique n’a pas respecté cette promesse. La page web de Santé Canada concernant les rappels de produits énumère de nombreuses violations, y compris la contamination du cannabis thérapeutique par des bactéries, des moisissures et l’usage abusif de pesticides interdits.

La réglementation existante en matière de cannabis à des fins thérapeutiques prévoit une suspension du permis dans les cas d’utilisation d’un pesticide interdit. Malgré plusieurs incidents, il n’y a eu aucune suspension de permis. Imaginez qu’une entreprise décide, en fait, de continuer d’empoisonner à répétition ses patients, dont certains ont un système immunitaire faible, et d’en dissimuler les preuves aux inspecteurs de Santé Canada. Mesdames et messieurs, s’il ne s’agit pas de motifs justifiant la suspension du permis, quels seraient-ils alors?

Le projet de loi C-45 doit faire en sorte que le produit offert aux consommateurs est exempt de contamination. Les consommateurs doivent être informés du problème sur l’étiquette du produit, et il doit y avoir des conséquences sévères en cas de violation. Encore une fois, j’ai inclus le libellé précis dans mon mémoire.

J’aimerais terminer avec une citation de Jonathan Caulkins, chercheur américain de renommée internationale dans le domaine des politiques sur la drogue, qui dit ce qui suit au sujet de l’avenir de la légalisation du cannabis commercial :

[…] il est fort probable que, dans 25 à 40 ans, les gens regarderont en arrière et hocheront la tête en se disant : « Mais à quoi pensiez-vous? Pourquoi avez-vous pensé que c’était une bonne idée de créer une industrie de titans pour commercialiser cette drogue? »

Merci encore de m’avoir accordé du temps aujourd’hui. Je vais essayer de répondre à toutes vos questions.

Le président : Merci beaucoup. Nous allons maintenant passer aux questions, en commençant par les vice-présidentes, comme d’habitude.

La sénatrice Petitclerc : Ma première question s’adresse à vous, monsieur Fischer. Vous avez dit un mot de l’emballage et parlé un peu plus de la publicité. J’aimerais mieux connaître votre opinion sur la publicité, ce qu’elle est et ce qu’elle devrait être. M. DeVillaer a parlé d’une interdiction totale. Certains parlent de la possibilité d’une interdiction de la publicité ciblant les jeunes plus que les adultes. J’aimerais vous entendre développer un peu votre pensée là-dessus.

M. Fischer : Avec plaisir. La seule façon de vraiment aller de l’avant est d’interdire d’emblée la publicité et la promotion. Je pense que nous devons tous être conscients des choses. Ouvrez les journaux de Toronto et d’ailleurs aujourd’hui, et vous y trouverez déjà l’annonce d’événements et d’activités culturels commandités par l’industrie du cannabis. Il se fait beaucoup d’efforts indirects pour la promotion. Je ne crois pas que nous réussirons à faire des exceptions ou à réserver la publicité aux seuls adultes. Pour moi, ce doit être absolument catégorique et strict : la seule chose permise serait l’information de base dont les consommateurs ont besoin sur le produit. Il faudrait probablement le nom de l’entreprise, mais c’est à peu près tout; autrement, on se trouvera en terrain glissant. L’industrie est très vite sur ses patins pour trouver des moyens indirects ou des échappatoires. La seule chance d’y arriver, c’est maintenant. Une fois le génie sorti de la bouteille, on ne peut pas l’y faire rentrer.

La sénatrice Petitclerc : Je ne sais pas si quelqu’un d’autre a quelque chose à ajouter. Vous avez été très clair, et je pense que tout le monde est d’accord.

Revenons à l’emballage neutre; nous avons entendu les mots « emballage neutre » à maintes reprises, mais lorsqu’on les rapproche au projet de loi S-5 sur le tabac, on voit une différence dans la définition d’« emballage neutre ». Par exemple, d’après ce que je sais — et vous pouvez me corriger si je me trompe —, les noms eux-mêmes sont parfois très créatifs. Seriez-vous d’avis, dans le même esprit, que nous devrions être très stricts et peut-être opter pour l’emballage neutre comme pour le tabac?

M. Fischer : Idéalement, oui.

[Français]

La sénatrice Petitclerc : Je vais poursuivre avec une question qui s’adresse à vous, docteur Jutras-Aswad. Vous avez parlé de recherche sur la santé. Vous avez parlé de la légalisation, plus particulièrement de la protection des jeunes, et cela m’interpelle beaucoup. On a des chiffres sur les efforts qui seront déployés en matière d’éducation et de sensibilisation, et sur les engagements qui ont été pris à cet égard. Je suis un peu moins au fait de ce qui a été promis en matière de recherche. Êtes-vous sûr, dans le cadre de ce projet de loi, que vous serez en mesure de mener les recherches essentielles pour atteindre les objectifs en matière de protection de la santé?

Dr Jutras-Aswad : En fait, il y a déjà des sommes d’argent qui ont été annoncées qui sont du domaine public. Je ne vous apprends rien. On parle d’un montant de 10 millions de dollars pour la Commission de la santé mentale du Canada et une organisation qui s’appelle le Centre canadien sur les dépendances et l’usage de substances, le CCSA. Il est question de recherche, mais le mandat n’est pas clair, à savoir s’il s’agit purement de la recherche ou du transfert de connaissances. Il y a quelque chose d’inquiétant. Il faut être précis. Si on veut faire de la recherche et générer de nouvelles connaissances, il y a des processus qui sont associés à cela. On doit planifier une stratégie pour s’assurer qu’on ne fait pas de cherry picking, qu’on ne va pas mettre en place des initiatives de recherche très fragmentées et non cohérentes. Les Instituts de recherche en santé du Canada ont tenu des rencontres pour tenter de planifier cela. Je ne représente pas cette organisation et il faut lui laisser la chance d’exprimer sa vision.

À l’heure actuelle, il n’y a pas de stratégie très claire sur le plan de la recherche. Un peu en lien avec ce que M. Fischer disait, cet aspect est crucial dès maintenant, et il est déjà tard. Cela aurait dû avoir lieu hier. Il faut mettre en place une stratégie à plusieurs niveaux. Il faut avoir une stratégie organisée, planifiée, prévue et bien financée, qui respectera les processus qu’on a en place pour s’assurer de faire une recherche de qualité. Cela ne se fait pas sur le coin d’une table en trois minutes. La recherche de qualité doit se planifier. On doit avoir du temps pour préparer ces projets. L’une des choses qui manquent — et ça ne remet pas en question la pertinence de la prévention —, c’est la recherche et l’innovation pour traiter les gens qui auront des problèmes associés à la consommation de cannabis. Il y a une minorité de gens qui développeront une dépendance au cannabis, mais il y a un manque criant de connaissances sur le plan de l’intervention. En ce moment, on ne sait pas quoi faire et on ne le saura pas plus tard si aucune initiative de recherche spécifique n’est lancée à ce chapitre.

[Traduction]

Le président : Avant de donner la parole à la sénatrice Seidman, je vous ferai remarquer que le voyant blanc clignote, ce qui signifie un appel de la sonnerie. Cela annonce un vote au Sénat à 16 h 45. Il s’agit d’une motion d’ajournement du débat sur le projet de loi S-203, sur les baleines en captivité.

Nous avons la permission de siéger en même temps que le Sénat siège, et nous pouvons poursuivre si vous le désirez, mais je soupçonne que les whips et les facilitateurs sont au téléphone pour demander aux sénateurs de s’amener pour le vote, sauf qu’on me dit que le réseau courriel est en panne, et que je ne sais pas s’ils rejoindront leur monde. À vous de décider. Si vous estimez que nous devons lever la séance, il faudrait le faire à 16 h 30 au plus tard, soit 15 minutes avant la fin prévue pour notre groupe de témoins, de toute façon. Bien sûr, je devrai resserrer un peu le temps accordé pour les questions et réponses. Nous allons devoir écourter les préambules pour donner à chacun son tour. La sénatrice Petitclerc a eu beaucoup de questions à poser parce qu’elle a abrégé son préambule, et c’est une bonne chose.

Je vais revenir à la question du vote et à ce que nous ferons dans quelques instants. Pensez-y.

La sénatrice Seidman : Merci beaucoup de vos exposés.

La sénatrice Petitclerc a traité de ma première question, qui portait sur la publicité et le marketing. Vos propos ont été extrêmement clairs. Vous avez dit qu’il s’agit d’une grande expérience de politique sociale, monsieur Fischer, et que ce sont les détails qui détermineront si les choses se passeront bien. Ces détails, vous les avez bien expliqués. Comme je dispose de très peu de temps, je ne tiens pas à m’y arrêter, sauf qu’on nous a dit qu’il y a de sévères restrictions au marketing ciblant les enfants, et ce ne sont que des restrictions au marketing de produits qui font chic ou créent de l’excitation. Votre opinion professionnelle est l’interdiction totale, avez-vous dit, et je vous en remercie.

Monsieur Fischer, vous avez aussi utilisé des mots très forts et catégoriques au sujet de la culture du cannabis à domicile. Vous avez dit que cela va diamétralement à l’encontre des principes de santé publique et qu’il faut y renoncer tout de go. Pourriez-vous développer le raisonnement qui vous fait dire qu’il faut l’interdire? Quels dangers cela pose-t-il pour la santé et la sécurité des adultes et des enfants, et en quoi cela affaiblit-il le raisonnement du gouvernement selon lequel la légalisation améliorera la qualité et la sécurité?

M. Fischer : Je suis heureux de vous donner d’autres raisons. C’est un peu comme si vous vouliez garder votre maison en sécurité et que vous verrouilliez toutes vos portes et fenêtres avant et laissiez la porte arrière grande ouverte, si vous me permettez l’analogie.

Nous proposons une approche de santé publique strictement réglementée pour la légalisation du cannabis, une approche qui, à bien des égards, est mûrement réfléchie et bien conçue. Nous sommes stricts sur la question de savoir qui peut faire la distribution au détail, quels produits seront disponibles et qui y aura accès, mais du même coup, nous ajoutons : « Eh bien, si vous n’aimez pas ces mécanismes d’accès officiels, vous pouvez cultiver le produit à la maison. » C’est quatre plants, selon la loi, mais qui va contrôler cela? La police ira-t-elle vérifier?

Deuxièmement, 15 p. 100 de la population canadienne consomme du cannabis et 85 p. 100 n’en consomme pas. Dans les foyers, vous exposez inévitablement beaucoup de non-consommateurs et de personnes vulnérables à la culture du cannabis. Vous ne savez pas ce que les gens cultivent. En fait, c’est dangereux pour l’environnement. Cela ne tuera personne dans l’immédiat, mais ce n’est pas bon non plus sur le plan environnemental. C’est une recette sûre pour le détournement, que nous essayons également d’enrayer grâce à tous ces autres règlements que nous envisageons.

Il y a un vieux fond de romantisme concernant le cannabis dans certaines populations, mais pour une approche de santé publique rigoureusement réglementée pour la consommation et l’approvisionnement, c’est tout à fait déplacé. Le romantisme a sa place ailleurs. Rien ne sert de n’autoriser que deux plants ou 80 centimètres au lieu de 100. Cela n’aura pas de sens; cela doit disparaître. Cela n’a pas sa place dans la législation sur le cannabis axée sur la santé publique.

Le président : Pour poursuivre dans la même veine, disons que les gens produisent de la bière ou du vin chez eux depuis un certain temps. Est-ce la même chose, selon vous? Ils réussissent à tenir les enfants à l’écart.

M. Fischer : C’est en quelque sorte une activité de boutique et c’est beaucoup trop compliqué pour une approche à grande échelle, car cela demande pas mal de ressources. Cela se fait habituellement dans un garage et non dans un salon ou un appartement. Nous ne permettrions pas, par exemple, de composer des médicaments à la maison. Il y a des principes à respecter ici. Si nous sommes si stricts au sujet de la pureté des produits du cannabis — qui les vend et ce qui se vend dans les magasins de détail, et que nous nous attachons à tout cela —, alors nous ne voulons pas laisser chacun cultiver son cannabis à la maison, ou dans les genres d’environnement domestique où vivent la plupart des gens. La plupart des gens ne vivent pas dans un manoir avec quelques pièces supplémentaires pour la culture du cannabis. Cela n’a pas de sens dans une optique de santé publique.

La sénatrice Seidman : Docteur Jutras-Aswad, je vais vous poser une question sur un texte que vous avez écrit en 2013 :

[...] le cannabis est la plus consommée par les adolescents, car beaucoup la considèrent comme peu nocive. Cette perception en a accru l’accessibilité et a amené un nombre croissant d’États à approuver sa légalisation. Dans la plupart des cas, les débats et les politiques sur le cannabis qui en ont découlé n’ont pas accordé suffisamment d’importance aux impacts de cette drogue sur l’un des groupes les plus vulnérables de la population, soit les adolescents, ou n’ont pas tenu compte des connaissances scientifiques disponibles.

Vous avez évoqué cette préoccupation dans votre exposé, parce qu’il y a fort peu de données empiriques sur l’utilisation des traitements et sur les surdoses, les antidotes et ce genre de chose. Dans ce cas, comment comprenez-vous les adolescents canadiens? La situation est-elle la même au Canada qu’aux États-Unis et dans d’autres pays où le cannabis a été légalisé? Risquons-nous de commettre les mêmes erreurs?

Dr Jutras-Aswad : Pour l’instant, nous n’avons pas beaucoup de données. C’est en partie ce dont nous avons besoin pour ce qui est de la perception et de la compréhension, surtout pour les jeunes, de la légalisation et de ce qu’elle signifie. C’est le genre de données que nous n’avons pas.

J’aurais tendance à penser que c’est aussi la raison pour laquelle nous devrions faire très attention à la façon dont nous présentons la légalisation et dont nous l’expliquons. Nous en avons parlé il y a quelques années avec le premier ministre Trudeau lorsque la proposition a été annoncée. Il y a beaucoup de travail à faire pour expliquer tout cela et dire clairement que nous légalisons le cannabis non pas parce qu’il est complètement inoffensif, mais parce que c’est un meilleur modèle que l’absence de légalisation.

Pour nous, c’est peut-être limpide, mais nous devons lancer un message clair, et de différentes façons — pas seulement à la télévision, mais aussi sur le Web et par toutes sortes de stratégies différentes — pour rejoindre les jeunes afin qu’ils le comprennent très bien.

La sénatrice Poirier : Merci, messieurs, de votre présence et de vos exposés.

Ma première question s’adresse à M. Fischer. Sur le site web de l’ICRAS, une brochure pour le grand public dit que la consommation de cannabis avant l’âge de 16 ans augmente la probabilité de problèmes sur les plans de la santé, des études et de la société. Ce commentaire ou cette brochure m’a laissée perplexe. Beaucoup de médecins et d’experts nous ont parlé des risques pour les consommateurs de moins de 25 ans. Pourtant, on entend dire que les provinces ont reçu le pouvoir de fixer l’âge qu’elles souhaitent. La plupart l’ont fixé à 18 ou 19 ans. Étant donné que votre brochure dit que, au-delà de 16 ans, les risques ne sont pas aussi présents, quels messages contradictoires envoie-t-on aux Canadiens? Votre brochure va à l’encontre de tous les témoignages que nous avons entendus et va même à l’encontre des limites légales partout au Canada. À cause de tous les âges dont on nous parle, j’ai du mal à m’y retrouver.

M. Fischer : En toute déférence, je vais me faire un plaisir de tirer les choses au clair. Vous parlez des Lignes directrices de réduction des risques liés à l’utilisation du cannabisque nous avons lancées et qui ont été approuvées par les grandes organisations nationales de santé au Canada. On n’y dit certainement pas que la consommation de cannabis après l’âge de 16 ans est sans danger. Nous faisons état des données scientifiques qui existent au sujet de la corrélation entre le début de la consommation et les effets nocifs possibles, et d’études épidémiologiques qui révèlent le plus souvent que la consommation avant l’âge de 16 ans est associée à des préjudices. Cela ne veut pas dire qu’il n’y en a pas si la consommation commence après l’âge de 16 ans.

Toutefois, je tiens à ce que les données scientifiques soient très claires : tout d’abord, il existe une progression, sur une échelle mobile, de la corrélation entre l’âge du début de la consommation et la consommation même, et les conséquences négatives possibles. Toutefois, ce chiffre magique de 25 qui a été brandi par bien des gens est d’abord associé principalement à des études d’imagerie cérébrale qui détectent des changements dans le cerveau. Tout d’abord, les effets réels de ces changements des points de vue des études, du comportement ou d’autres conséquences pour la santé ne sont pas vraiment clairs. Deuxièmement, nous savons que, pour ce qui est des effets nocifs, la plupart des études qui en révèlent chez les jeunes consommateurs sont menées auprès de jeunes qui consomment beaucoup et sur une longue période. Beaucoup de gens ont sauté à la conclusion que cela vaut pour tout type de consommation de cannabis dans certains groupes d’âge.

Nous avons vraiment besoin de beaucoup plus de données de recherche au sujet du lien entre l’âge du début de la consommation et les préjudices concrets. J’ai beaucoup entendu cette question au sujet de l’âge de 18 ou de 19 ans fixé par les règlements des provinces. Ne faudrait-il pas que ce soit 25 ans? Là encore, il faut parler d’échelle mobile. Les effets dépendent beaucoup du mode de consommation, des produits consommés et des habitudes de consommation. Il n’y a pas d’âge magique que nous puissions imposer. On peut peut-être dire que, au-delà de 90 ans, il est probablement sûr qu’on peut éviter les problèmes de santé, mais il faut parvenir à un compromis, car la question ne se pose pas en vase clos et nous ne partons pas de zéro non plus. L’utilisation qui se fait déjà continue et continuera. Il semble que 18 ou 19 ans soit un compromis raisonnable et, comme mon collègue l’a dit au sujet de la prévention, il est important d’informer les jeunes des préjudices et des risques associés à la consommation de cannabis, mais aussi de faire la distinction entre les facteurs susceptibles d’aggraver les risques de préjudice. En même temps, nous devons dire clairement que, si nous faisons en sorte que les jeunes continuent de consommer illégalement, l’illégalité de leur consommation continuera de faire au moins autant de tort, sur le plan de la santé, que l’exposition au cannabis.

La sénatrice Poirier : À ce même propos, je comprends ce que vous dites au sujet de l’âge de 16 ans. Vous dites à la fin de vos observations : « En général, plus on commence à consommer du cannabis tard dans la vie, plus le risque de problèmes est faible. » Comme vous prenez 16 ans comme seuil, je me demande quel message cela envoie aux jeunes de 18 ou 19 ans. Leur disons-nous qu’ils courent moins de risques à cet âge-là qu’à 16 ans simplement parce que c’est un chiffre différent et qu’ils sont très jeunes? Cela m’inquiétait.

M. Fischer : Je le répète, le seuil de 16 ans concerne les données épidémiologiques qui révèlent une corrélation entre l’âge et les préjudices. La recommandation formulée, littéralement, comme vous pouvez le lire, veut que plus on commence à consommer du cannabis tard dans la vie, moins on risque d’avoir des effets nocifs sur la santé. C’est le message de prévention que permettent de lancer les données scientifiques actuelles. Idéalement, on commence à consommer le plus tard possible dans la vie. En même temps, la réalité, c’est qu’il y a beaucoup de jeunes adolescents qui décideront, d’une façon ou d’une autre, de consommer du cannabis.

Le président : D’accord. Nous allons devoir accélérer un peu. Comme on vient de me le dire, le vote aura lieu à 16 h 55. La sonnerie retentira pendant une heure et elle a commencé à 15 h 55. Le vote a donc lieu à 16 h 55. Je présume que vous voulez y participer. Oui? D’accord. Il faut 15 ou 20 minutes pour se rendre sur place? Vous pourriez partir un peu plus tôt. Donc, 20 minutes. Très bien, cela signifie qu’il nous reste 10 minutes pour entendre ce groupe de témoins.

La sénatrice Omidvar : Monsieur le président, le vote aura-t-il lieu à 16 h 45?

Le président : À 16 h 55. J’avais été mal informé. Le vote a lieu à 16 h 55. Nous allons conclure dans 10 minutes. Il reste quatre intervenants, et je vais devoir leur demander de se limiter à une seule question. Je vais accepter deux questions à la fois, après quoi nous écouterons les réponses. Autrement, nous ne pourrons pas terminer l’audition de ce groupe en 10 minutes.

La sénatrice Marshall : Je vais parler rapidement.

Le gouvernement parle beaucoup des résultats, et j’ai trouvé intéressant ce que M. Fischer a dit au sujet d’une évaluation complète et indépendante. Le gouvernement a défini trois objectifs pour le projet de loi, comme vous l’avez peut-être remarqué : empêcher les jeunes d’avoir accès au cannabis, protéger la santé et la sécurité publiques et décourager les activités criminelles. Ma question est la suivante : pensez-vous que le gouvernement sera en mesure de faire une telle évaluation dans trois ou quatre ans? À votre avis, quelle est la probabilité qu’il y ait une évaluation complète et indépendante?

M. Fischer : Premier point. Cette évaluation est probablement facile à faire. Il existe des enquêtes pour établir la prévalence de la consommation chez les jeunes. La santé et la sécurité publiques sont des concepts généraux qui comprennent de nombreux types d’indicateurs à mesurer rigoureusement. Il y a un certain nombre d’initiatives individuelles, fragmentaires et en cours à l’heure actuelle, mais nous avons besoin, en somme, d’une évaluation complète pour déterminer si la santé et la sécurité publiques, en tant que grands concepts globaux, sont protégées et améliorées, si la situation s’est dégradée ou s’il y a eu des changements. Je ne vois pas clairement comment les différents éléments qui existent actuellement et tous les différents acteurs se regrouperont pour formuler une seule réponse globale et empirique. J’ai donc des préoccupations à ce sujet.

La sénatrice Marshall : Pouvons-nous poser des questions et obtenir des réponses écrites des témoins par la suite?

Le président : C’est possible, mais pourriez-vous poser la question par écrit? C’est simplement que nous sommes en retard.

La sénatrice Marshall : Certainement. Je vais remettre mes questions à la greffière.

Le président : Cela peut assurément se faire, oui.

La sénatrice Galvez : Je vous remercie d’avoir dit que la consommation de cannabis finira par entraîner une dépendance et qu’il faudra chercher un traitement. Comme j’enseigne à l’université, j’ai souvent observé des problèmes de dépendance chez les jeunes.

Le cannabis d’aujourd’hui n’est pas celui des années 1970 ou 1960. La concentration est beaucoup plus élevée, et quand on le met dans des produits comestibles, elle peut être beaucoup plus forte. L’absorption et les effets sont différents. J’ai deux questions à vous poser. Avez-vous des recommandations à faire sur la concentration maximale, et avez-vous prévu la capacité d’accueil pour recevoir dans les hôpitaux ceux qui pourraient avoir besoin de traitements? Sommes-nous prêts?

Dr Jutras-Aswad : Je ne sais pas si vous faites allusion à quelque chose que j’aurais dit. Essentiellement, ce que j’ai dit, c’est que certains consommateurs de cannabis pourraient, à un moment donné, devenir dépendants. Je ne crois pas avoir dit que nous allons voir de plus en plus de gens le devenir. Il existe déjà un problème de dépendance, que le cannabis soit légal ou non. La légalisation n’a rien à voir. Nous avons déjà des données qui montrent qu’environ une personne sur 11 qui consomment du cannabis développera une dépendance. C’est une minorité, mais c’est quand même un nombre important.

Pour ce qui est de l’impact sur l’hospitalisation, à mon avis, nous n’avons pas de données qui nous autorisent à faire des prévisions. En fait, nous ne sommes même pas certains que cela se produirait, qu’il y aurait une augmentation du nombre d’hospitalisations. C’est l’une des premières fois où les choses se passeront de la sorte. Il est très tôt, à ce stade-ci, pour dire que les hospitalisations seront plus nombreuses.

J’espère ne pas avoir induit qui que ce soit en erreur en disant que la dépendance au cannabis augmentera. Ce n’est pas ce que j’ai dit.

[Français]

La sénatrice Mégie : Vous en avez déjà parlé. Vous avez dit que si l’on reste encore dans l’interdiction et la prohibition, on tourne en rond. Pourtant, il y a beaucoup de gens qui nous demandent de retarder la légalisation, parce qu’on n’en connaît pas encore tous les méfaits et les façons de traiter la dépendance. Pourquoi ne pas attendre? J’aimerais vous entendre à ce sujet. Pourquoi ne pas attendre plus longtemps afin d’avoir toute l’information en main avant de procéder à la légalisation?

[Traduction]

M. Fischer : Si vous appliquez la même logique à l’alcool ou au tabac, il faut immédiatement criminaliser les deux substances. Il y a beaucoup de choses que nous ignorons au sujet des problèmes de santé que ces drogues peuvent susciter. Nous ne pouvons pas traiter correctement ces problèmes lorsque des troubles de dépendance se développent. Il y a donc lieu de se demander où est la logique ou si cette logique est appliquée de façon cohérente.

Nous ne saurons jamais tout sur les préjudices et les risques ni sur la façon de traiter tout le monde. Il y a actuellement des lacunes dans nos connaissances à ce sujet. En même temps, ce qu’on a observé à propos de l’alcool et du tabac, ainsi que dans d’autres domaines, montre clairement que la légalisation et une réglementation stricte du cannabis, la réglementation de l’accès au produit et des types de produits, par exemple, auront probablement pour effet d’atténuer les conséquences négatives d’une politique mauvaise ou nocive. En ce moment, la prohibition a d’énormes conséquences négatives, et ce sont les difficultés que la légalisation vise à atténuer. Cela ne veut pas dire qu’il s’agit d’une panacée ni qu’il n’y aura plus de problèmes. Le cannabis évolue sur le plan de la composition. Il y a encore beaucoup de choses à comprendre, mais nous devons faire la distinction entre ces détails et le régime général de réglementation ou de politique qui, selon nous, réduira les préjudices pour la santé et la sécurité publiques en général. Il reste encore beaucoup de détails à comprendre.

La sénatrice Omidvar : Ma question s’adresse à M. Fischer et porte sur la culture à domicile. Le régime du cannabis thérapeutique permet actuellement la culture à domicile. Il faut présenter une demande de permis. Avez-vous observé dans ce régime les préjudices que vous avez décrits dans votre exposé et qui seront également présents dans le régime du cannabis à usage récréatif?

M. Fischer : Nous avons ces dispositions dans le régime du cannabis thérapeutique, non pas parce que nous croyions sincèrement que c’était une bonne idée du point de vue de la santé publique, mais parce que, au début, le régime était tellement mal organisé et trop réglementé et les chaînes d’approvisionnement étaient tellement restrictives pour les patients que c’était presque une solution d’urgence, si nous voulions fournir ce produit. Une fois que la légalisation aura eu lieu, je pense qu’il faudra repenser ces choses lorsque nous aurons le temps et l’espace nécessaires pour organiser adéquatement notre régime de cannabis thérapeutique. Mais dans l’ensemble, que ce soit pour ceux qui le consomment pour des raisons médicinales, pour usage récréatif ou pour ceux qui se situent entre les deux, la culture à domicile n’est pas conseillée pour les consommateurs eux-mêmes ni pour les autres qui se soucient de leur sécurité et de leur bien-être.

Le président : D’accord. Je suis désolé d’écourter la séance, car je suis sûr qu’il y avait d’autres questions. Monsieur DeVillaer, votre exposé était si précis et, je crois, a été si bien compris qu’on ne vous a posé aucune question.

La sénatrice Omidvar : J’avais une question à poser.

Le président : Mais c’est impossible. Vous pouvez la poser personnellement, en dehors du cadre de la séance.

M. Fischer : Si cela peut vous être utile, vous pouvez communiquer directement avec nous, et si nous pouvons vous aider, nous allons poursuivre l’échange avec vous.

Le président : Merci.

Nous reprendrons nos travaux immédiatement après le vote au Sénat.

(La séance est suspendue.)

(La séance reprend.)

Le président : Nous passons maintenant à notre deuxième groupe de témoins pour la suite de l’étude du projet de loi C-45. Nous devions commencer il y a une demi-heure, mais nous avons raté cette première demi-heure. Nous pouvons cependant rester jusqu’à 18 h 30. Un autre comité se réunira ici à 18 h 45. Si vous n’y voyez pas d’inconvénient, nous allons dépasser 18 h 15 et lever la séance à 18 h 30.

Permettez-moi de vous présenter les témoins qui font partie de ce groupe. Tout d’abord, de l’Association médicale canadienne, nous avons le Dr Laurent Marcoux, président, et le Dr Jeff Blackmer, vice-président, Professionnalisme médical. Le Dr Marcoux fera la déclaration liminaire et le Dr Blackmer répondra également aux questions.

De l’Association des infirmières et infirmiers du Canada, nous accueillons Karey Shuhendler, responsable de programme, Politiques publiques, et Lynda Balneaves, infirmière autorisée et chercheuse sur le cannabis médicinal et non médicinal. Karey Shuhendler fera la déclaration d’ouverture.

De l’Association des psychiatres du Canada, voici le Dr Philip Tibbo, professeur au Département de psychiatrie de l’Université Dalhousie.

Enfin, de l’Académie canadienne de psychiatrie de l’enfance et de l’adolescence, nous accueillons le Dr Robert Milin, directeur de l’unité de traitement de jour des adolescents, Programme de psychiatrie de la jeunesse, Centre de santé mentale Royal Ottawa.

Bienvenue à tous. Nous allons commencer par les déclarations liminaires, qui peuvent durer minutes. C’est peu, je sais, mais je vous serais reconnaissant de bien vouloir respecter cette limite, car nous avons peu de temps.

Docteur Laurent Marcoux, président de l’AMC.

[Français]

Dr Laurent Marcoux, président, Association médicale canadienne : Je vous remercie, monsieur le président. Je suis le Dr Laurent Marcoux, et je suis heureux d’être ici à titre de président de l’Association médicale canadienne. Je suis accompagné aujourd’hui du Dr Jeff Blackmer, vice-président, Professionnalisme médical, à l’AMC.

Comme entité nationale qui représente plus de 85 000 médecins et futurs médecins, l’AMC a pour mission de donner le pouvoir aux patients et de les soigner, et a comme vision de créer une profession dynamique et une population en santé.

Il y a plus de 15 ans, l’AMC a adopté une perspective basée sur la santé publique au sujet du cannabis. En tant que professionnels de la santé, médecins et scientifiques, nous continuons d’exhorter le gouvernement à faire preuve de prudence dans la légalisation du cannabis à des fins non médicales afin de protéger la santé de la population canadienne.

Notre position s’articule autour de quatre points clés. Premièrement, nous croyons fermement que le gouvernement fédéral doit adopter une approche de santé publique à l’égard de la légalisation et de la réglementation du cannabis. Une approche de ce genre comprend quatre éléments principaux : la promotion de la santé par une réglementation adéquate du marketing et une éducation suffisante; la prévention de la toxicomanie; l’accès à des services d’évaluation, de counseling et de traitement; et, enfin, une perspective de réduction des préjudices correspondant aux Lignes directrices de réduction des risques liés à l’utilisation du cannabis. Nous appuyons d’ailleurs les mesures du budget de 2018 concernant le financement accordé à la recherche et à l’éducation.

Nous savons que les enfants et les adolescents sont particulièrement exposés aux préjudices, parce que leur cerveau n’est pas encore arrivé à maturité, et qu’ils sont parmi les plus grands consommateurs de cannabis au Canada. C’est pourquoi nous continuons d’insister pour que l’âge de la légalisation soit fixé à 21 ans et pour que des limites soient imposées aux moins de 25 ans quant à la quantité et à la puissance du cannabis consommé.

Deuxièmement, l’éducation s’impose pour sensibiliser davantage les Canadiens aux préjudices de santé et aux conséquences sociales et économiques causées par l’usage du cannabis. L’AMC soutient que l’éducation en santé publique sera profitable pour les jeunes. Le risque qu’une personne développe une dépendance au cannabis au cours de sa vie est estimé à 9 p. 100, mais passe ensuite à près de 17 p. 100 chez les personnes qui commencent à en consommer à l’adolescence. En 2012, environ 1 p. 100 des Canadiens de plus de 15 ans répondaient aux critères de l’abus et de la dépendance du cannabis, soit un taux deux fois plus élevé que pour toute autre drogue.

La stratégie de réduction des préjudices devrait prévoir des mesures d’éducation, y compris des programmes de formation, des interventions de marketing social et des campagnes dans les grands médias. L’éducation devrait porter non seulement sur les risques généraux liés à l’utilisation du cannabis, mais aussi sur les risques et les effets nocifs chez les jeunes.

Troisièmement, la publicité relative au cannabis et son marketing doivent être strictement réglementés. L’expérience avec le tabac en est la preuve. Nous appuyons l’application de règles strictes concernant l’emballage et l’étiquetage du cannabis, et nous croyons que les mêmes règles doivent s’appliquer aux produits de santé contenant du cannabis. Les Canadiens doivent aussi être protégés des éventuelles affirmations trompeuses sur le cannabis et savoir que les produits de santé, comme les produits naturels, les médicaments en vente libre et les cosmétiques ne sont pas soumis aux mêmes règles minutieuses que les médicaments sur ordonnance, même s’ils sont réglementés par Santé Canada. Dans certains cas, les compagnies qui produisent et commercialisent ces produits n’ont à fournir aucune preuve scientifique pour étayer les allégations qui figurent sur les étiquettes.

Comme pour le tabac et les cigarettes, l’emballage et l’étiquetage des produits de cannabis offrent l’occasion de sensibiliser la population aux méfaits de cette substance sur le plan social et financier, et sur la santé. C’est pourquoi nous recommandons que l’emballage et l’étiquetage soient conçus par les gouvernements et par des professionnels de la santé, et non par les producteurs et les distributeurs de cannabis ou par toute personne en situation de conflit d’intérêts financier.

Enfin, nous croyons qu’avec la légalisation, le recours à deux systèmes de réglementation deviendra beaucoup moins nécessaire. Après la légalisation, le cannabis sera accessible à ceux qui veulent en faire usage, avec ou sans autorisation médicale. C’est pourquoi nous recommandons un seul système de réglementation pour l’usage à des fins médicales et non médicales. Si le gouvernement décide de maintenir deux systèmes distincts, nous appuyons les amendements de la Chambre des communes qui proposent de revoir la législation dans les trois ans. Les critères d’évaluation devraient inclure le nombre d’usagers dans le secteur médical et le nombre de médecins qui autorisent l’usage du cannabis à des fins médicales. L’AMC est tout à fait disposée à participer à la détermination de ces critères et au processus d’évaluation.

En conclusion, l’utilisation du cannabis pose certains risques pour la santé, et la légalisation n’y changera rien. En fait, la légalisation sans réglementation stricte et sans éducation du grand public pourrait entraîner des résultats indésirables chez les jeunes et les adultes qui sous-estiment les conséquences de la consommation du cannabis. Le gouvernement a une responsabilité envers le public : il doit viser d’abord et avant tout à protéger la population, en particulier les jeunes, et à réduire les préjudices pour la santé.

Je vous remercie. Je serai heureux de répondre à vos questions en compagnie de notre vice-président, le Dr Jeff Blackmer.

[Traduction]

Karey Shuhendler, responsable de programme, Politiques publiques, Association des infirmières et infirmiers du Canada : Bonjour, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité. Je m’appelle Karey Shuhendler et je suis infirmière autorisée et responsable de programme pour les politiques publiques à l’Association des infirmières et infirmiers du Canada, porte-parole professionnel national de plus de 139 000 infirmières et infirmiers autorisés et infirmiers praticiens. Je suis heureuse d’être ici aujourd’hui avec Mme Lynda Balneaves, infirmière autorisée et chercheuse en cannabis thérapeutique et à usage récréatif, qui pourra répondre à des questions de nature plus technique.

D’entrée de jeu, je remercie le comité d’étudier cet enjeu important et d’avoir invité l’AIIC à formuler ses recommandations. L’association appuie l’adoption du projet de loi et croit que, le cannabis étant retiré de la liste des substances désignées, l’adoption d’un cadre juridique constitue une excellente option pour s’attaquer aux préjudices que le cannabis à usage non thérapeutique peut occasionner pour la santé et la société.

De plus, même si nous reconnaissons que le projet de loi C-45 est largement axé sur la consommation récréative de cannabis, il y a des possibilités de veiller à ce que la loi n’ait pas, par inadvertance, un effet négatif sur l’accès au cannabis à des fins médicinales.

L’AIIC a recommandé plusieurs modifications du projet de loi. Elles sont toutes exposées dans son mémoire qui sera présenté avant la date limite du 4 mai. Nous exhortons le comité à reprendre dans son rapport final toutes les recommandations de l’association, y compris celles qui portent sur la promotion et la vente du cannabis et des accessoires utilisés pour le consommer et tiennent compte des dispositions sur la promotion et la consommation d’alcool.

Le cannabis ne devrait pas être traité de la même façon que l’alcool. Il arrive qu’on minimise les méfaits de la consommation d’alcool et de la politique actuelle sur l’alcool. Cette politique ne devrait pas nécessairement servir de modèle pour la politique sur le cannabis simplement parce qu’elle est déjà établie. De plus, le cannabis est différent en ce sens qu’il y a des indications thérapeutiques et des formulations particulières pour usage médicinal.

Aujourd’hui, nous aimerions nous concentrer sur deux de nos recommandations, soit celles qui ont trait au cannabis à des fins médicinales et aux sanctions pénales à l’endroit des jeunes.

Notre première recommandation consiste à mettre l’accent sur la nécessité d’exempter le cannabis à des fins médicinales de l’application des articles 8 et 9 du projet de loi de façon à maintenir efficacement un régime distinct pour le cannabis à des fins médicinales.

L’Association des infirmières et infirmiers du Canada appuie la nécessité de préserver l’accès au cannabis à des fins médicinales en fonction de principes d’accès et d’équité, notamment l’accès à des produits appropriés, l’accès sans fardeau financier indu et l’accès aux soins et à la surveillance clinique pour les personnes qui consomment du cannabis à des fins médicinales. Sans une telle surveillance clinique, nous laissons essentiellement les patients se soigner eux-mêmes et se débrouiller seuls.

L’Association des infirmières et infirmiers du Canada est d’avis que les articles 8 et 9 visent à régir la consommation de cannabis à des fins médicinales. Toutefois, l’effet de ces dispositions sur les consommateurs de cannabis à des fins médicinales pourrait très bien limiter l’accès à une substance qui pourrait atténuer de graves symptômes médicaux.

Conformément aux recommandations présentées au Comité sénatorial des affaires juridiques et constitutionnelles par la Société de protection des infirmières et infirmiers du Canada, les articles 8 et 9 du projet de loi C-45, s’ils sont acceptés tels quels, imposent des limites à la possession et à la distribution par une personne qui peuvent avoir une incidence négative importante sur la capacité des fournisseurs d’autoriser plus de 30 grammes et sur la capacité d’un patient de posséder plus de 30 grammes.

L’interdiction prévue dans le projet de loi concernant la possession par des jeunes et l’interdiction de fournir l’administration à des jeunes de moins de 18 ans sans une exemption claire concernant le cannabis à des fins médicinales signifient que les jeunes de 12 à 17 ans ne pourraient pas en posséder plus de 5 grammes ou qu’un professionnel de la santé, y compris les infirmières et infirmiers et les infirmières et infirmiers praticiens, pourrait contrevenir à la loi s’il autorise ou administre du cannabis à des fins médicinales à des personnes de moins de 18 ans.

Il est nécessaire d’exempter le cannabis à des fins médicinales de l’application des articles 8 et 9 du projet de loi C-45 non seulement pour préserver l’accès approprié dans un régime distinct pour le cannabis à des fins médicinales, mais aussi pour protéger les cliniciens, les infirmières et infirmiers ainsi que les infirmières et infirmiers praticiens contre toute responsabilité.

Notre deuxième recommandation porte précisément sur les sanctions pénales à l’endroit des jeunes. Outre les limites indues que cela peut imposer à l’accès des jeunes au cannabis à des fins médicinales, l’article 8 proposé et les paragraphes connexes stipulent qu’un jeune âgé de 12 à 17 ans, qui possède une quantité totale de cannabis, d’une ou de plusieurs catégories, équivalant, selon l’annexe 3, à plus de 5 grammes de cannabis séché, commet une infraction et encourt, sur déclaration de culpabilité par mise en accusation ou sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire, une peine sous le régime de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents.

Dans le cas des adolescents, surtout ceux issus de groupes marginalisés ou racialisés, un casier judiciaire peut engendrer des préjudices sociaux considérables. Il peut être un obstacle aux possibilités de bénévolat, souvent exigées dans les programmes d’études. Il peut être un facteur dans les décisions d’octroyer des bourses. Il peut également limiter les choix de carrière et engendrer la pauvreté et de piètres résultats de santé. Puisque les faits démontrent que 21 p. 100 des jeunes de 15 à 19 ans ont consommé du cannabis au cours de la dernière année, une telle loi pourrait avoir de sérieuses conséquences pour un grand nombre d’entre eux.

Les solutions de rechange à une approche punitive traditionnelle pour s’attaquer à la criminalité chez les mineurs ainsi qu’à la consommation problématique de substances ont fait leurs preuves. À titre d’exemple, les tribunaux de traitement de la toxicomanie, qui utilisent la justice réparatrice comme principe directeur, offrent une solution de rechange aux processus traditionnels de justice pénale. Ces modèles permettent au délinquant de s’engager pleinement et de rendre des comptes et ils aident à aborder un plus large éventail de problèmes contributifs, notamment la pauvreté et les problèmes de santé ou de justice sociale, qui peuvent avoir amené la personne à commettre l’infraction au départ.

Prenez l’exemple d’un jeune de 15 ans aux prises avec des problèmes de consommation de cannabis qui est pris en possession de plus de 5 grammes. Il consomme du cannabis à des fins non médicinales pour se soigner lui-même de dépression et d’anxiété non diagnostiquées, qui peuvent être exacerbées par le stress associé à la pauvreté. Est-ce que la criminalisation de la possession ou même une amende importante aideraient cet adolescent, ou serait-il mieux servi par un tribunal de traitement de la toxicomanie qui présente une approche de justice réparatrice dans le cadre de laquelle l’adolescent peut être tenu de rendre des comptes dans sa propre guérison, avoir la possibilité d’établir des liens avec des organismes de santé et de services sociaux qui peuvent s’attaquer aux causes profondes de la pauvreté et offrir des services de traitement pour aborder les problèmes de santé mentale et de toxicomanie non diagnostiqués?

Dans cette optique, l’Association des infirmières et infirmiers du Canada recommande que la possession de cannabis par des jeunes ne fasse pas l’objet de sanctions pénales, que le gouvernement utilise une approche de justice réparatrice comme principe directeur pour s’attaquer à la possession par les jeunes et que cette dépénalisation élimine les répercussions actuelles ou futures pour les jeunes en supprimant la disposition en vertu de l’article 8 proposé et les paragraphes connexes du projet de loi sur le cannabis.

J’aimerais conclure en insistant sur le fait que la légalisation du cannabis est une excellente occasion de réduire les méfaits associés à la fois à la consommation à des fins non médicinales et au marché illicite, mais nous devons bien faire les choses. Nous devons nous assurer que la loi établit le bon équilibre entre la protection de la santé du public et des mesures de protection appropriées, tout en continuant d’appuyer l’accès au cannabis à des fins médicinales.

L’Association des infirmières et infirmiers du Canada encourage les membres du comité à intégrer tous les amendements que nous proposerons. Veuillez les inclure dans votre rapport final sur cette importante mesure législative. Merci.

Dr Philip Tibbo, représentant, professeur, Département de psychiatrie, Université Dalhousie, Association des psychiatres du Canada : Bonjour. Je vais en dire un peu plus long sur moi. Je suis psychiatre et chercheur dans le domaine de la santé mentale en Nouvelle-Écosse. J’occupe actuellement les fonctions de directeur du programme de traitement précoce de la psychose à la régie provinciale de la santé et je suis titulaire de la chaire de recherche en troubles psychotiques du Dr Paul Janssen à l’Université Dalhousie. Je suis également président du Consortium canadien d’intervention précoce pour la psychose.

Je suis heureux de comparaître aujourd’hui au nom de l’Association des psychiatres du Canada, l’association professionnelle bénévole de 4 600 psychiatres et de plus de 900 résidents en psychiatrie du Canada. Fait important pour la discussion d’aujourd’hui, l’Association des psychiatres du Canada chapeaute une profession qui s’appuie sur des données probantes et qui préconise des politiques qui favorisent le meilleur bien-être mental possible pour les Canadiens.

J’aimerais commencer par vous remercier, au nom de l’association, du soin et de la diligence dont votre comité a fait preuve en s’acquittant de son devoir d’aborder les nombreux enjeux de santé contenus dans le projet de loi C-45. La légalisation du cannabis est en effet un processus complexe qui comporte une multitude de facteurs sociaux, médicaux, économiques et juridiques.

Avec des collègues de la recherche clinique, j’ai eu le privilège de rédiger la déclaration de principes de l’association intitulée « Les répercussions de la légalisation du cannabis sur les jeunes et les jeunes adultes ». L’association maintient sa position initiale sur le sujet et exhorte fortement le comité à tenir compte des répercussions de la consommation de cannabis sur la santé mentale des jeunes et des jeunes adultes dans son examen du projet de loi C-45.

Notre déclaration de principes de 2017 sur la question est appuyée et entérinée par l’Académie canadienne de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, l’Académie canadienne de gérontopsychiatrie, l’Académie canadienne de psychiatrie et de droit et l’Académie canadienne de médecine psychosomatique.

Comme vous le savez, puisque cela a été mentionné auparavant, le cannabis est la drogue illicite la plus consommée par les jeunes Canadiens, qui arrivent en tête des consommateurs de marijuana dans les pays développés. Bien qu’il y ait des variations selon provinces et les territoires, environ 22 p. 100 des jeunes de 15 à 19 ans et 26 p. 100 des jeunes adultes de 20 à 24 ans disent avoir consommé du cannabis au cours de la dernière année. Cependant, dans ce groupe, de 20 à 30 p. 100 déclarent en avoir consommé tous les jours ou presque.

Avec le projet de loi C-45, 18 ans deviendra l’âge légal pour consommer, acheter et posséder du cannabis. Bien que chaque province ait été autorisée à fixer des limites d’âge plus élevées, la plupart disent que les limites d’âge pour la consommation de cannabis correspondront à celles qui sont déjà imposées pour l’alcool.

Les psychiatres canadiens savent qu’il existe une solide base de données probantes indiquant que la consommation précoce et régulière de cannabis peut avoir une incidence sur des aspects de la cognition, notamment la mémoire, l’attention et la capacité de penser et de traiter les expériences, ce qui se répercute sur les résultats éducatifs et professionnels.

Il existe également des preuves substantielles d’un lien entre la consommation précoce et régulière et le développement de la schizophrénie et d’autres psychoses. Il y a actuellement des preuves modérées d’un lien avec la dépression, l’anxiété et le trouble bipolaire, en plus de troubles liés à la consommation de substances.

Les recherches ont démontré, comme il a été mentionné au comité, que le cerveau humain continue de se développer jusqu’à la mi-vingtaine, l’âge de 25 ans étant souvent mentionné. Ce processus comprend des réorganisations, des raffinements et des améliorations fonctionnelles. Il résulte de changements dans la matière grise cérébrale en raison de l’élagage des synapses, c’est-à-dire l’élimination des connexions neurales inutiles ou sous-utilisées, ainsi que des changements dans la matière blanche en raison de la myélinisation, qui permet le réglage fin des connexions entre les différentes parties du cerveau. Notre système endocannabinoïde endogène humain joue un rôle dans la maturation du cerveau et, par conséquent, les cannabinoïdes exogènes peuvent avoir un effet négatif direct sur ce processus.

Pour ces raisons, l’Association des psychiatres du Canada continue de maintenir que les Canadiens ne devraient pas être légalement autorisés à consommer du cannabis avant l’âge de 21 ans et que la loi devrait restreindre la quantité et la puissance de la drogue jusqu’à l’âge de 25 ans. Le cannabis à forte teneur en tétrahydrocannabinol, ou THC, peut entraîner une détérioration importante de la santé mentale et des résultats cognitifs. Nous avons vu que la teneur en THC du cannabis a augmenté au fil des ans, passant d’environ 1,5 p. 100 dans les années 1970 à 3 p. 100 dans les années 1980 et à 14 p. 100 en 2010, les estimations actuelles étant d’au moins 28 p. 100. Une augmentation de l’incidence de l’apparition de la psychose est attribuable à l’augmentation de la teneur en THC dans les régions où le cannabis très puissant est plus répandu.

Nous sommes heureux de constater que le projet de loi C-45 comporte un engagement envers un service public d’information en santé mentale, ciblant les jeunes et les jeunes adultes sur les effets qu’une consommation précoce de cannabis peut avoir sur le développement cérébral. L’Association des psychiatres du Canada tient à souligner sa volonté de collaborer avec le gouvernement sur des éléments essentiels de la législation liés à la recherche, à l’éducation du public et à la réduction des méfaits.

En résumé, l’Association des psychiatres du Canada recommande, dans une optique fondée sur des données probantes, qu’en raison des processus critiques de maturation cérébrale chez les jeunes et les jeunes adultes qui peuvent être touchés par le cannabis, en plus des liens entre la consommation précoce et régulière de cannabis et les résultats négatifs en matière de santé mentale et cognitive, les Canadiens ne devraient pas être légalement autorisés à consommer du cannabis avant l’âge de 21 ans.

De plus, la loi devrait restreindre la quantité et la puissance du cannabis chez les personnes de moins de 25 ans. Le cannabis à forte teneur en THC a des effets beaucoup plus graves sur la santé mentale.

La loi devrait également répondre à un besoin de sensibilisation du public et à la création de ressources ciblant les jeunes et les jeunes adultes sur les effets que la consommation précoce et régulière de cannabis peut avoir sur le développement cérébral et la santé mentale et cognitive subséquente.

Le gouvernement devrait envisager de financer d’autres recherches importantes afin de mieux comprendre les répercussions du cannabis sur la santé mentale, ainsi que sa légalisation sur la santé mentale des Canadiens. Il faudrait étendre le soutien à la prévention, à la détection précoce et, surtout, aux traitements de sevrage du cannabis dans le cadre de la santé mentale et de la toxicomanie.

Comme nous l’avons entendu précédemment, la loi devrait être explicite et prudente en ce qui concerne ses directives en matière de publicité et de commercialisation, notamment des indications claires de la concentration en THC ainsi que des mises en garde de santé publique cohérentes.

Je vous remercie de m’avoir donné l’occasion de comparaître devant le comité au sujet de cette importante question et, bien entendu, je serai heureux de répondre à vos questions.

Dr Robert Milin, représentant, chef, Division de la toxicomanie et de la santé mentale, professeur agrégé, Université d’Ottawa, Académie canadienne de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent : En plus d’être chef clinique de l’unité de traitement de jour des adolescents, je suis aussi chef de la division de la toxicomanie et de la santé mentale de l’Université d’Ottawa et professeur agrégé au département de psychiatrie de l’Université d’Ottawa.

Je m’adresse à vous à titre de représentant de l’Académie canadienne de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent. Nous n’avons pas de déclaration de principes officielle à ce sujet. Je présenterai donc essentiellement des points de discussion et j’espère ne pas répéter l’information importante transmise par mes estimés collègues ici présents.

Il faut préciser qu’il s’agit d’une question complexe. Il n’est peut-être pas question de bien ou de mal ici et nous sommes peut-être en train de décider de la meilleure façon d’aborder la question, tout en reconnaissant que nous devrons peut-être revoir notre façon de faire les choses.

Nous sommes bien conscients des effets néfastes de la consommation de marijuana à l’adolescence. C’est bien établi et, pour être honnête avec vous, ce n’est pas une question dont il faut trop discuter. Les preuves sont accablantes. Même lorsque j’ai commencé ma résidence en psychiatrie en toxicomanie dans les années 1990, nous avions de très bonnes données probantes sur son incidence. À l’époque, nous parlions de consommation de substances, mais il s’agissait habituellement d’alcool et de marijuana.

Les conséquences négatives éventuelles de la consommation à court et à long terme de ce que nous considérons de la marijuana à usage récréatif, et nous ne savons pas vraiment ce que cela signifie, sont bien documentées dans de nombreux domaines de la vie, notamment l’incidence sur les capacités cognitives, la santé mentale, les troubles mentaux, les tâches et défis du développement à l’adolescence, en particulier le fonctionnement scolaire et professionnel, sans oublier ce qui n’a pas été dit ici et qui contribue à des blessures et des morts accidentelles chez les adolescents qui consomment de la marijuana et prennent le volant.

Plus on commence tôt à consommer de la marijuana, plus le risque de résultats négatifs augmente, de toute évidence à l’adolescence, comme on l’a entendu plus tôt, surtout avant l’âge de 16 ans. Cependant, cela demeure un facteur de risque à mesure que vous vieillissez, jusqu’à l’âge de 21 ans, y compris l’apparition de troubles liés à la consommation de substances autres que le cannabis, les maladies psychotiques et d’autres troubles mentaux. La consommation de marijuana a des répercussions négatives sur la réponse au traitement des troubles mentaux chez les adolescents ainsi que les adultes. Le cannabis n’est pas une substance inoffensive, surtout pour les populations vulnérables comme les jeunes, les enfants et les adolescents.

Il ne faut pas oublier que la légalisation du cannabis pourrait fort probablement accroître la prévalence déjà élevée de la consommation de marijuana chez les adolescents au Canada. On vous a déjà parlé de ces statistiques. Selon des statistiques américaines, les troubles liés à la consommation de drogues sont en fait plus courants que les troubles liés à la consommation d’alcool chez les adolescents. Cela est attribuable à la surreprésentation des troubles liés à la consommation de cannabis chez les adolescents et les jeunes adultes. À bien des égards, il s’agit d’une drogue unique de consommation abusive chez les adolescents et les jeunes adultes. Nous ne savons pas exactement pourquoi, mais nous reconnaissons que c’est vraiment ce qui se passe.

Contrairement à l’alcool, il n’y a pas de définitions pour l’usage récréatif ou pour l’usage sécuritaire de la marijuana. Nous avons des lignes directrices bien établies qui nous disent combien de consommations vous pouvez prendre pendant une journée si vous êtes un homme ou une femme, à quoi correspond la consommation excessive. Ces lignes directrices sont bien établies et nous avons d’autres indicateurs que nous pouvons examiner. La consommation régulière continue de marijuana à des fins récréatives — la consommation régulière signifie tout simplement une fois par semaine — présente la probabilité accrue de nuire à la capacité d’une personne de réaliser son potentiel. Nous devons donc indiquer que si vous continuez à consommer de la marijuana, il se peut qu’en raison de votre consommation, votre potentiel soit affaibli. Il y a suffisamment d’études longitudinales et épidémiologiques qui nous le disent. Comme groupe. Cela ne veut pas dire qu’une personne ne peut pas devenir une vedette rock.

Nous savons que la préférence et la consommation quotidienne régulière de marijuana sont des indicateurs clés du risque de développer un trouble lié à la consommation de cannabis à l’adolescence et au début de la vie adulte.

Il n’existe aucune indication fondée sur des données probantes concernant l’utilisation de la marijuana à des fins médicinales pour traiter des troubles mentaux — il s’agit d’un énoncé de politique de l’American Psychiatric Association, dont j’ai le privilège d’être membre — et encore plus dans le cas d’un adolescent et d’un jeune adulte en développement, surtout pour ce qui est de la consommation de marijuana à des fins récréatives.

Cela ne veut pas dire que le cannabis ou les cannabinoïdes n’ont pas d’effets bénéfiques médicaux potentiels. Nous devons étudier cette question. Toutes les drogues dont on abuse ou que l’on consomme de façon abusive ont des effets bénéfiques médicaux ou médicinaux. Dieu merci, nous avons les opioïdes pour les opérations. Il s’agit de savoir comment nous contrôlons cette possibilité de consommation abusive.

La légalisation de la consommation de marijuana entraînera la création d’une très grande activité commerciale. Sur le plan économique, c’est une énorme activité commerciale. L’insistance et l’attitude à l’égard de cette question auront une incidence sur la puissance. Nous le savons grâce à des études réalisées en Californie, où l’évaluation de la marijuana à des fins médicinales a augmenté au fil du temps avec l’augmentation de la teneur en THC, parce que vous revenez, parce que vous avez un effet euphorique. Voilà pourquoi son voisin a une concentration un peu plus élevée. Ils vont vers lui; il le constate. C’est une activité commerciale. La publicité, le paiement et même la recherche doivent être reconnus dans son influence de l’industrie.

Il faut communiquer un message cohérent des méfaits potentiels, surtout pour les populations vulnérables comme les enfants et les adolescents, et il faut une surveillance étroite de l’industrie du cannabis.

Les lois régissant la consommation de cannabis devraient correspondre à celles qui régissent l’alcool. Ces deux substances sont très semblables. Vous ne voulez pas déshabiller Pierre pour habiller Paul. Donc, si vous indiquez que d’une façon ou d’une autre, la marijuana est moins nocive que l’alcool, il n’existe aucune donnée probante pour appuyer une telle conjecture.

La question se résume donc à ceci : comment régler ce problème? Comment gérer ce genre de choses? Est-il légal pour un mineur de posséder de l’alcool? Ensuite, est-il légal pour un mineur de posséder de la marijuana à des fins récréatives? La question est complexe. Je n’ai pas la réponse pour vous. C’est pourquoi vous êtes ici, n’est-ce pas? Nous pourrions devoir réexaminer la question, parce que nous reconnaissons qu’il y a des déterminants sociaux, mais nous devons aussi tenir compte du nombre de personnes effectivement accusées de simple possession.

Je vous remercie. Nous en avons encore beaucoup à apprendre sur la marijuana et la consommation de marijuana au cours de notre vie.

Le président : Permettez-moi de vous poser une question avant de céder la parole à mes collègues, docteur Milin. Vous êtes le seul à ne pas avoir mentionné l’âge. Avez-vous une suggestion concernant l’âge?

Dr Milin : Il y a un âge que je souhaiterais. Mais est-ce le bon en pratique?

Le président : Un âge légal pour consommer.

Dr Milin : L’académie canadienne n’a pas fixé d’âge légal particulier. Nous estimons qu’il devrait être le même que pour l’alcool. Nous croyons, comme l’ACP, que ce devrait être 21 ans. Nous sommes du même avis. Je siégeais au conseil comme expert quand il a étudié la question, et j’ai dit la même chose, à savoir qu’on ne peut pas, pour des raisons pratiques, aller à l’opposé en fixant l’âge à 16 ans. Vous fixez un âge différent. Personnellement, je dirais que l’âge minimum devrait être de 19 ans, c’est le strict minimum.

Le président : Merci beaucoup. Mesdames et messieurs les membres du comité, compte tenu du temps qu’il nous reste, allons-y avec les cinq minutes habituelles. Cependant, nous avons six personnes au bout de la table et quatre organisations, veuillez préciser à qui vous adressez votre question, car, si vous la posez à tout le monde, il ne restera plus de temps.

La sénatrice Seidman : Merci beaucoup de vos exposés.

Ma question s’adresse au Dr Marcoux. Hier, nous avons entendu le témoignage de l’Association pour les droits des non-fumeurs au sujet des lacunes de la proposition actuelle sur l’emballage et l’étiquetage des produits du cannabis. L’association a soulevé un certain nombre de questions importantes mettant en lumière certaines dispositions qui font en sorte que les exigences réglementaires prévues pour la marijuana seront plus clémentes que les normes existantes pour le tabac. Dans la même veine, j’aimerais vous interroger au sujet de deux mémoires de l’AMC. L’un d’eux a été présenté au groupe de travail du gouvernement et l’autre, plus récemment, aux consultations de Santé Canada sur l’approche proposée en matière de réglementation du cannabis.

Dans votre mémoire, à la page 9 — il s’agit du mémoire présenté au groupe de travail — vous trouverez les recommandations de la section santé 1, « L’AMC recommande que le gouvernement fédéral interdise la commercialisation et la publicité de la marijuana et que les exigences en matière d’emballage comprennent l’emballage neutre, l’étiquetage de puissance et les mises en garde sur la santé. » Vous dites donc qu’il faut interdire — c’est catégorique — la commercialisation et la publicité de la marijuana. Le deuxième point que vous soulevez est le suivant : « L’AMC recommande en outre que le gouvernement fédéral interdise l’arôme et les formes. » Vous avez fait deux déclarations très catégoriques sur la façon dont le cannabis devrait être traité. J’aimerais savoir ce que vous avez à dire, quelles sont vos préoccupations à l’égard de la loi actuelle.

[Français]

Dr Marcoux : Il est certain que les mots « défendre » et « prohibit » sont très forts. En tant que médecins, nous avons le devoir de protéger la santé de la population; notre mission en fait foi. C’est pourquoi je suis d’avis que le fait d’ajouter des saveurs à la marijuana, en plus de l’attraction qu’elle suscite déjà chez les jeunes, risque de les inviter à la consommation. Nous ne voulons pas cela.

Notre expérience de tous les jours dans nos cabinets nous indique que ce produit a des conséquences néfastes pour les jeunes. Souvent, cela leur occasionne des difficultés dans la vie, allant de la psychose à d’autres difficultés sournoises, comme la démotivation. Nous croyons qu’il faut davantage d’études portant sur le taux de réussite des jeunes qui consomment de la marijuana, car tous ne réussiront pas dans la vie. S’ils deviennent démotivés, ils s’imposent d’importantes embûches.

Lorsqu’on a affaire à un tel produit, à mon avis, il ne faut pas en faire la publicité; ce serait tromper tous ces jeunes qui entendent des adultes dire qu’ils doivent en prendre, alors que les études démontrent que c’est néfaste pour eux. Si, de surcroît, on ajoute des saveurs, on dépasse les bornes.

Docteur Blackmer, avez-vous quelque chose à ajouter?

[Traduction]

Dr Jeff Blackmer, vice-président, Professionnalisme médical, Association médicale canadienne : Nous devons tirer des leçons de l’expérience du tabac. On sait très bien que les fabricants de tabac ajoutent des arômes, des choses à l’emballage ou des produits légèrement différents afin de les rendre plus attrayants pour les jeunes. C’est ce qui nous préoccupe. Lorsque nous parlons de formes, vous avez peut-être entendu parler, par exemple, du cannabis gélatineux. Dans certains États où ce produit a été légalisé, des gens l’ont laissé à la portée d’enfants qui en ont pris une poignée et sont arrivés à l’urgence avec une surdose. Il s’agit vraiment de prévenir ce genre d’incidents et de tirer des leçons de ce que l’industrie du tabac a fait pour essayer d’inciter les jeunes à utiliser ses produits.

La sénatrice Seidman : Nous avons entendu des témoignages similaires dans le cadre du groupe de témoins précédent, au sujet de l’interdiction de tout marketing, car il y a tellement de dangers. Vous confirmez cela du point de vue de l’AMC. Je crois que le règlement sur le tabac est très clair en ce qui concerne les arômes, mais il n’y a aucune mention dans le projet de loi sur le cannabis concernant l’interdiction des arômes et des formes. C’est préoccupant.

Dr Blackmer : C’est ce que nous aimerions voir.

La sénatrice Seidman : Ma question s’adresse au Dr Tibbo. Votre association appuie les restrictions sur la puissance du THC pour les personnes âgées de 21 à 25 ans, comme vous nous l’avez décrit. Il est très important de réglementer le THC surtout pour les cerveaux en développement, comme vous nous l’avez expliqué.

Êtes-vous préoccupé par le fait que, jusqu’à maintenant, le gouvernement n’a formulé aucun plan visant à limiter la puissance du THC, sauf pour l’huile de cannabis? Il a proposé des limites pour l’huile de cannabis. Serait-il préférable de réglementer la teneur en THC de tous les produits du cannabis afin de mieux appuyer la réduction des méfaits pour tous les consommateurs?

Dr Tibbo : C’est une excellente question. L’ACP croit qu’il devrait y avoir une réglementation de la puissance du produit. Je crois que la loi actuelle recommande l’étiquetage de la teneur en THC dans les emballages, mais sans imposer de limites strictes. D’après les données probantes que nous avons sur les produits plus puissants qui ont des effets plus néfastes, du point de vue de la santé mentale, il est important qu’ils soient réglementés. Nous ne sommes pas tout à fait certains du pourcentage, mais nous voyons dans le marché actuel du cannabis des produits contenant plus de 30 p. 100 de THC. La teneur devrait certainement être inférieure à 20 p. 100, mais je ne peux pas vous donner de chiffre définitif pour l’instant parce que nous n’avons pas beaucoup de recherches à ce sujet. Cependant, la teneur en THC devrait être réglementée, oui.

La sénatrice Petitclerc : La sénatrice Seidman a posé une de mes questions, c’est donc une bonne chose.

Ma prochaine question s’adresse encore une fois au Dr Tibbo. Je continue sur ma lancée, parce que je suis vraiment préoccupée par le groupe d’âge de 21 à 25 ans. Tout le monde s’accorde pour dire que le jeune adulte demeure vulnérable jusqu’à 25 ans, et pourtant tout le monde semble s’entendre sur le fait que l’âge minimum sera inférieur à 25 ans, c’est-à-dire de 18, 19 ou 21 ans.

Comment protéger ce groupe plus vulnérable? Vous avez une suggestion, mais pensez-vous — et peut-être que d’autres pourront répondre — que nous devons aussi protéger ces jeunes grâce à une éducation et une sensibilisation ciblées? À votre connaissance, cela a-t-il été fait pour ce groupe particulier ou devrait-il y avoir un message précis sur l’emballage? Avez-vous quelque chose à dire à ce sujet?

Dr Tibbo : C’est une excellente question. Je pense que nous devons l’aborder sous plusieurs angles. Nous devrions envisager de réglementer la teneur en THC ou les pourcentages de THC-CBD dans ce produit particulier pour les personnes de ce groupe d’âge vulnérable, mais il faut ajouter à cela une éducation ciblée. J’ai notamment mentionné dans mes notes que l’éducation doit rejoindre ce groupe d’âge et cette population, ainsi que les différentes populations qui existent dans notre pays. Ce sont des façons importantes de s’attaquer au problème et d’offrir une protection.

Dans notre province, nous avons mené des activités d’application des connaissances qui portaient sur des groupes de discussion de jeunes de moins de 20 ans et de plus de 20 ans. Il est certain que les personnes de plus de 20 ans ont des idées claires et précises au sujet du cannabis, et sont bien renseignées sur les mythes qui existent au sujet du cannabis pour un nombre d’entre elles. Même si nous ciblons des groupes d’âge beaucoup plus jeunes, nous allons les aider à traverser la phase de vulnérabilité de 20 à 25 ans.

La sénatrice Petitclerc : Merci beaucoup. Je pourrais peut-être demander au Dr Milin de me donner une courte précision, parce que vous avez mentionné une chose que j’ignorais. À l’heure actuelle, il n’existe pas de lignes directrices sur ce qui constitue une utilisation sécuritaire. Dans le cas de l’alcool, par exemple, nous connaissons tous les lignes directrices. J’aimerais savoir si nous n’avons pas les données, si nous n’avons pas fait le travail ou si c’est impossible.

Dr Milin : Ce n’est pas impossible. Nous n’avons fait ni le travail ni les calculs. Nous n’avons pas fait d’études pour commencer à mesurer la situation. Honnêtement, à certains égards, la légalisation facilitera beaucoup les choses, car vous pourrez maintenant capter cette population très facilement. C’est la raison pour laquelle j’ai souvent dit qu’il faudrait peut-être réexaminer la question, comme on l’a fait aux États-Unis.

Comme les gens de la NIAAA, aux États-Unis, vous le diront, l’une des mesures les plus positives a été de relever l’âge minimum à 21 ans pour la consommation d’alcool. Les gens demandent comment on a procédé. En fait, la NIAAA estime qu’il s’agit d’une des initiatives fédérales les plus fructueuses parce qu’elle a permis de réduire le taux de mortalité attribuable aux accidents de la route et à d’autres problèmes. Cela a-t-il fonctionné dans tous les collèges? Bien sûr que non, mais c’est une réussite pour les écoles secondaires.

La sénatrice Petitclerc : Il est donc possible d’avoir ces lignes directrices?

Dr Milin : Il faudrait faire la recherche. Certains chercheurs européens ont formulé des recommandations au sujet de l’âge minimum. En Europe, il y a des recommandations qui sont utilisées dans certaines études où on dit, pas plus de deux fois par semaine ou deux jours par semaine et pas plus d’un gramme par semaine.

Lynda Balneaves, infirmière autorisée et chercheuse en cannabis médicinal et non médicinal, Association des infirmières et infirmiers du Canada : Je voudrais présenter un point de vue légèrement différent et l’une des raisons pour lesquelles l’Association des infirmières et infirmiers du Canada s’en tient à un âge minimum de 18 ans.

Comme on l’a mentionné, nos adolescents et nos jeunes adultes sont les plus grands consommateurs de cannabis. C’est notamment pour qu’ils puissent bénéficier des campagnes de sensibilisation requises et qu’ils consomment un produit réglementé dont nous connaissons la concentration, que nous sommes pour le maintien de l’âge minimum à18 ans. Autrement, les jeunes de 18 à 21 ans auront accès, à partir d’un marché illicite, à une substance de qualité inconnue. Ils ne connaissent peut-être pas la puissance de ce qu’ils consomment. Nous observons également un nouveau phénomène, où les jeunes adultes et les jeunes concentrent le cannabis qu’ils obtiennent à des concentrations encore plus élevées, soit les 30 ou 40 p. 100 qui ont été mentionnés. Si vous limitez la puissance, nous continuerons de voir ce comportement dangereux. Cependant, si vous offrez une gamme de concentrations dans un marché réglementé, les jeunes adultes et les jeunes sauront ce qu’ils consomment et ne prendront pas le risque de concentrer eux-mêmes le produit.

La sénatrice Galvez : Merci beaucoup pour cette description claire, pragmatique et factuelle de votre position et de vos opinions. J’ai observé la même chose que vous. Je suis professeure d’ingénierie. Au cours des dernières années, j’ai observé une augmentation de la consommation de cannabis et une augmentation du taux d’abandon des études, alors je sais que cela peut perturber grandement la vie d’un jeune.

Ma question porte sur le mélange de drogues, d’alcool et de cannabis, et sur le traitement de la toxicomanie. J’ai conduit des étudiants à l’urgence psychiatrique parce qu’ils ont eu un mauvais voyage et un événement psychotique. Les médecins ont dit très clairement qu’il y avait une dépendance et qu’il n’y avait pas de traitement clair pour cette dépendance.

Maintenant, dans les écoles, quand vous avez une dépendance, c’est considéré comme un handicap et vous devez prévoir des accommodements dans les écoles. Par conséquent, il devient de plus en plus difficile pour le système scolaire de répondre aux besoins spéciaux, d’évaluer les cours, et cetera.

À votre avis, que va-t-il se passer à l’avenir?

[Français]

Dr Marcoux : Ma réponse ne sera pas aussi scientifique que celle du Dr Tibbo, qui est psychiatre et qui voit ces gens régulièrement. On sait certainement que cela a des effets nocifs pour les jeunes. Parmi nos 85 000 membres, tous ne sont pas des travailleurs de première ligne, mais la grande majorité de ceux qui voient ce type de patients ont constaté ces effets négatifs, et c’est pour cela que nous sommes aussi inquiets et que nous l’exprimons en leur nom.

Je vais laisser le Dr Tibbo vous parler des effets du cannabis lorsqu’il est combiné à l’alcool, un élément qui est davantage lié à sa spécialisation. Donc, si vous le voulez bien, docteur Tibbo, je vous donne la parole.

[Traduction]

Dr Tibbo : Il y a un certain nombre de choses dans vos commentaires et vos questions.

En ce qui concerne nos traitements actuels, nous en avons pour l’abandon du cannabis et les dépendances sous la forme d’entrevues motivationnelles et de thérapies cognitivo-comportementales. Cependant, pour être honnête, nous n’avons pas beaucoup de traitements efficaces à l’heure actuelle, principalement parce que nous n’avons pas eu la capacité de faire de la recherche. Voilà où nous en sommes avec la légalisation. La question sera soulevée bientôt, mais nous, les psychiatres en santé mentale, n’avons pas encore les outils nécessaires pour vraiment nous attaquer au problème de la toxicomanie.

Il y a quelques années, j’ai réalisé un sondage national, qui a été publié, auprès de tous nos programmes d’intervention précoce pour la psychose au Canada, et la majorité d’entre eux — 80 à 85 p. 100 — avaient surtout une approche passive pour traiter les toxicomanies parce rien d’autre n’était disponible.

À cet égard, c’est la raison pour laquelle je mentionne dans mes remarques qu’il nous faut plus de ressources pour examiner la façon dont nous traitons ces maladies et les dépendances, au cannabis seul ou associé à d’autres substances. La dépendance à l’alcool et au cannabis n’est pas rare. Vous avez dit, en tant que professeur d’université, que les substances les plus courantes en milieu universitaire sont l’alcool et le cannabis. Encore une fois, nous n’avons pas beaucoup de recherches à ce sujet. De toute évidence, beaucoup de recherches ont été faites sur les effets sur la conduite et sur les décès liés à ce lien.

Dr Milin : Je déteste être en désaccord avec mon estimé collègue. Nous avons d’excellents traitements pour les toxicomanies. Je suis psychiatre en toxicomanie. C’est ce que je fais dans une bonne partie de mon autre vie. Nous avons un très bon traitement. Nous n’avons pas de bons traitements de pharmacothérapie, mais c’est différent. Il existe d’excellents traitements psychosociaux. Ils reflètent les résultats du traitement des maladies chroniques comme le diabète et l’hypertension en termes d’efficacité. Beaucoup d’études ont été faites. The Lancet, JAMA et le New England Journal of Medicine ont publié des articles à ce sujet, pas seulement récemment, mais même avant, et, évidemment, avec l’ajout du traitement des troubles concomitants. Il y a donc d’assez bons traitements. Par contre, nous n’en avons pas beaucoup de disponibles. Il existe des traitements. Nous n’y avons pas beaucoup d’accès.

Mme Balneaves : Je ne nie pas votre expérience de professeur. En tant que professeure moi-même, je vois des étudiants dont la consommation est problématique. Toutefois, il est important de reconnaître que, lorsque nous observons ce qui se passe au Colorado et dans l’État de Washington et que nous commençons à obtenir des données de ces pays, pour le moment, les enquêtes auprès de la population ne montrent pas une augmentation de la consommation chez les jeunes et les jeunes adultes. Dans certains sondages, nous constatons, en fait, une légère réduction de la consommation de cannabis, ce qui reflète peut-être la campagne d’éducation publique en cours dans ces États.

La sénatrice Omidvar : Ma question s’adresse à l’Association des infirmières et infirmiers du Canada. Je me réfère à votre mémoire et aux commentaires aux pages 6 et 9 sur l’impact de la criminalisation sur les jeunes, en particulier les jeunes des communautés marginalisées et racialisées. J’apprécie vos commentaires. Vous parlez de ne pas utiliser le système de justice pénale, mais d’envisager plutôt la justice réparatrice. Pourriez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet?

Mme Shuhendler : Merci, sénateur. Absolument. Lorsque nous examinons les options qui s’offrent aux jeunes qui pourraient être pris avec du cannabis en contravention de la quantité prévue dans la loi, nous disons absolument que les sanctions pénales causeraient plus de tort social et d’inconvénients.

Nous croyons même que l’imposition d’une lourde amende importante n’aurait pas le même effet. Une amende importante pourrait avoir une incidence disproportionnée sur les populations mal desservies et pauvres. Ces personnes pourraient être incapables de payer cette amende et se voir imposer une amende supplémentaire, ce qui pourrait entraîner l’intervention du système judiciaire.

Nous examinons l’approche de la justice réparatrice, en utilisant les exemples de tribunaux de traitement de la toxicomanie à Toronto et en Nouvelle-Écosse où les contrevenants sont vraiment impliqués. Ils font partie du processus décisionnel visant à déterminer le dédommagement approprié pour avoir enfreint la loi. Ils participent à la communication et à l’établissement de relations, et ils sont également intégrés dans un système où ils peuvent avoir accès à des services sociaux qui peuvent aider à atténuer, comme nous l’avons dit, certaines des causes et des choses qui les ont amenés à commettre l’infraction. Ils peuvent aussi avoir accès à des services de santé qui peuvent être essentiels et auxquels ils n’auraient pas accès s’ils étaient confiés au système de justice pénale.

La sénatrice Omidvar : Les infirmières et les médecins semblent avoir divers points de vue sur un certain nombre de choses en dehors de l’âge. Acceptons simplement cela comme une diversité d’opinions. Êtes-vous d’accord avec le Dr Marcoux pour dire que les régimes médicaux et non médicaux devraient être fusionnés? Vous avez formulé une recommandation au sujet des articles 8 et 9 concernant l’accès.

Mme Shuhendler : Je voulais profiter de l’occasion pour dire que nous sommes d’accord avec les recommandations concernant la réduction des méfaits. C’est un aspect sur lequel nous avons beaucoup travaillé et sur lequel nous avons formulé des recommandations concernant l’éducation du public. C’est énorme.

Nous avons des opinions divergentes. En ce qui concerne le système médical, l’AIIC est d’avis qu’il devrait rester en place, selon le principe de l’accès et de l’équité, pour trois raisons clés.

La première est l’accès aux produits. Nous nous attendons à ce que, dans un modèle axé sur le consommateur, à des fins récréatives et non médicinales, ces produits aient des concentrations de THC plus élevées et soient plus psychoactifs que ce dont une personne pourrait avoir besoin à des fins médicinales. Donc, la disponibilité du produit changera probablement si nous n’avons qu’un seul système.

Par ailleurs, les patients se heurteront à des obstacles financiers indus si nous n’avons qu’un seul système. Les produits ne seront peut-être plus couverts par les compagnies d’assurance, ce qui sera problématique pour les malades.

Ensuite, comme nous l’avons indiqué dans notre réponse à la consultation du ministère des Finances du Canada, on propose actuellement d’appliquer la taxe d’accise au cannabis à des fins médicinales. Nous recommandons qu’il ne soit pas taxé, ce qui pourrait aussi contribuer à éliminer le stress financier indu.

Le plus important est l’accès à la surveillance médicale et clinique, y compris les soins prodigués par des infirmières praticiennes qui sont en mesure d’autoriser le cannabis médicinal. Nous croyons que c’est essentiel pour permettre aux patients de continuer à discuter de leur santé, d’évaluer les effets thérapeutiques, de parler des interactions médicamenteuses et de participer au cercle de soins sans avoir à aller acheter leur cannabis à côté du magasin d’alcool local.

Mme Balneaves : Les recherches que j’ai menées au cours des 10 à 15 dernières années auprès de patients qui consomment du cannabis à des fins médicinales m’ont appris que les préjugés entourant la consommation de cannabis sont nombreux. Si leur seule source d’approvisionnement est le marché récréatif, ils risquent de pâtir davantage encore de la stigmatisation que des problèmes de santé ou des handicaps qu’ils vivent.

La sénatrice Omidvar : J’aimerais poursuivre dans la même veine. On nous dit que le projet de loi C-45 normalisera dans une certaine mesure la consommation et la vente de cannabis. Ne pensez-vous pas que la stigmatisation ira en diminuant avec le temps?

Mme Balneaves : On peut l’espérer. Il me semble tout à fait indispensable d’engager des recherches pour comprendre comment transformer les mentalités concernant la consommation de cannabis dans notre société. Mais cela fait des années que le cannabis est frappé de prohibition et cela, je crois, les a très profondément marquées. Pour quelqu’un qui a travaillé avec des personnes en fin de vie, qui a vécu cette stigmatisation, il est pour le moins fâcheux pour elles que la formation en matière de toxicomanie ne soit pas à la hauteur.

La sénatrice Poirier : Je vous remercie tous de votre présence et de vos exposés. On a répondu à certaines de mes questions, ce qui est une bonne chose, car il me reste peut-être du temps pour d’autres.

Ma première question s’adresse au Dr Milin. D’après ce que j’ai compris, vous avez fait des recherches importantes qui ont révélé que le risque lié à la consommation de cannabis est plus élevé chez les moins de 20 ans, d’autant plus que la dose consommée est plus forte. Croyez-vous que l’on ait quelque peu minimisé le risque pour la santé des 18 à 25 ans dans ce débat?

Dr Milin : Je pense que oui. Nous savons, d’après des études récentes, qu’il s’agit du groupe où la croissance est la plus forte et les troubles liés à la consommation de cannabis se situent dans la tranche d’âge de 18 à 21 ans, celle des jeunes en âge de fréquenter le collège ou l’université, selon la source. Nous savons que les choses ont changé.

Nous savons aussi que c’est l’âge auquel il est probable que de nombreux troubles liés à l’utilisation de substances se manifestent. La probabilité qu’une personne qui n’a jamais vraiment essayé le cannabis avant l’âge de 30 ans développe un trouble lié à la consommation de cannabis est presque nulle. C’est probablement le cas. C’est un trouble chez les jeunes ou les jeunes adultes. C’est le cas de la plupart des troubles liés à l’utilisation de substances. Ils se manifestent à cet âge. Les troubles liés au cannabis apparaissent un peu plus tôt chez les jeunes que ceux liés aux autres drogues dures et même à l’alcool.

La sénatrice Poirier : Par conséquent, serait-il préférable de relever l’âge minimum requis pour la consommation au-delà de 18 ans?

Dr Milin : Personnellement, je crois qu’il faudrait le porter à 19 ans au moins, mais je comprends que cela poserait de gros problèmes de fixer l’âge minimum à 18 ans pour l’alcool et à 19 ans pour la marijuana. Je ne sais pas comment concilier les deux. Est-ce qu’une année va faire une telle différence? Je ne peux pas vous le dire, mais je peux vous dire que si vous essayez d’épargner les gens des groupes les plus vulnérables, il faut fixer l’âge minimum à 19 ans au moins.

La sénatrice Poirier : Merci.

Dr Milin : Je suis d’accord avec nos collègues de l’ACP pour dire que, dans un monde idéal, l’âge minimum devrait être de 21 ans, tout comme il devrait être de 21 ans pour l’alcool dans un monde idéal.

La sénatrice Poirier : Je crois vous avoir entendu dire, en réponse à un de mes collègues, que nous n’avons pas les outils et les ressources nécessaires pour traiter les toxicomanies comme vous le souhaiteriez. Cela sort de votre bouche. Nous avons entendu des rumeurs, selon la personne à qui vous parlez. La GRC ne semble pas être tout à fait prête et formée pour détecter qui est sous l’influence de la marijuana. Des municipalités nous ont dit qu’elles ne sont pas certaines d’être prêtes à faire face à cela dans leur collectivité et qu’elles ne savent pas comment elles vont surveiller la situation. La GRC et d’autres personnes nous ont dit qu’il leur sera impossible de surveiller si vous avez 4 ou 10 plantes à la maison. Sachant tout cela, sommes-nous prêts pour ce projet de loi ou devrions-nous faire un peu plus de recherche et nous préparer avant de l’adopter et être proactifs plutôt que réactifs?

Dr Tibbo : C’est une question très facile. Il y a un équilibre à cela. Nous n’avons pas pu jusqu’ici faire des recherches aussi poussées que nous l’aurions souhaité parce que le cannabis était illégal. C’était donc un obstacle à la recherche. Avec la légalisation, nous pouvons faire de meilleures recherches, ce qui est nécessaire.

Pour ce qui est de l’état de préparation, comme nous l’avons mentionné, il existe des traitements pour les toxicomanies au cannabis. Sont-ils disponibles et y a-t-il des gens formés partout au pays, tant en milieu urbain qu’en milieu rural? Pas à ce jour. Si vous me demandez aujourd’hui si nous sommes prêts à lutter contre l’abus et la dépendance au cannabis sous l’angle du traitement, non, nous ne sommes pas prêts pour l’instant. Il faut encore renforcer beaucoup les capacités et faire aussi quelques recherches sur les bonnes options de traitement.

C’est un équilibre. Nous avons besoin d’une partie de la légalisation pour pouvoir faire avancer la recherche. Pourrions-nous reporter? Jusqu’à quand et à quel moment pouvons-nous dire que nous avons suffisamment d’information pour aller de l’avant? Parce qu’à l’heure actuelle, nous disposons d’une trentaine d’années de recherche sur le cannabis et c’est maintenant que nous avons ce débat.

Mme Shuhendler : Je suis d’accord. La légalisation est importante pour améliorer l’accès à la recherche. La sensibilisation du public peut contribuer à réduire les préjudices potentiels pour la santé, et la légalisation, comme nous l’avons déjà dit, peut réduire considérablement les préjudices sociaux associés au modèle de prohibition, qui, nous le savons, ne fonctionne pas.

[Français]

La sénatrice Mégie : J’aimerais entendre le Dr Marcoux nous parler du fait que l’AMC a proposé un seul système de réglementation pour le cannabis thérapeutique et le cannabis récréatif. J’ai entendu l’opinion des infirmières. Quels sont les avantages d’un seul système et avez-vous des réserves quant à cela?

Dr Marcoux : D’abord, nous ne sommes pas en opposition avec les infirmières. Il y a une longue histoire de collaboration avec les infirmières, mais peut-être que, en raison de nos cultures professionnelles, nous avons des points de vue différents.

Les médecins ont eu de tout temps la responsabilité de la prescription; nous sommes ceux qui émettent la prescription. J’ai l’habitude de dire que faire une prescription, ce n’est pas une recommandation de la voisine. Cette prescription engage la responsabilité du médecin. Quand nous prescrivons quelque chose, pour actualiser cette responsabilité, nous nous référons aux évidences médicales, c’est-à-dire la médecine factuelle.

Comment pouvons-nous faire cela pour un produit — je ne l’appellerai pas un médicament, car ce n’est pas un médicament — sur lequel il y a très peu d’études, aucune étude en double insu, aucune connaissance sur son interaction avec d’autres médicaments qui sont prescrits à nos patients et aucune indication par rapport à la maladie de notre patient? Nous donnerions une prescription à quelqu’un qui en veut pour traiter sa douleur à l’épaule, mais qui a, en même temps, un diabète de type 2?

Je ne sais pas comment le cannabis interagit avec les médicaments pour le diabète de type 2 ni avec le diabète lui-même si quelqu’un prend ce produit — qui n’est pas un médicament — de façon continue. Il y a de longues études qui sont faites avant qu’un médicament soit approuvé, sur lesquelles nous nous appuyons pour faire des prescriptions. C’est pour cela que nous disons que si les gens pensent avoir besoin d’un tel produit, qu’ils s’alimentent à partir d’une seule source de distribution. Avec le temps, si cela devient un médicament, oui, nous en ferons une double prescription.

Peut-être que mon collègue a quelque chose à ajouter, d’un autre point de vue que celui de la prescription.

[Traduction]

Dr Blackmer : Docteur Marcoux a abordé un certain nombre de points très importants. Nous ne sommes pas en concurrence ici, mais il est important de reconnaître que c’est vraiment la profession médicale qui a été chargée de déterminer qui est admissible et qui ne l’est pas, sans pouvoir se fonder sur aucune preuve scientifique. Il y a une petite poignée d’infirmières praticiennes, mais 10 000 médecins. Nous sommes vraiment ceux qui ont l’expérience de première ligne.

Les arguments avancés jusqu’à présent en faveur du maintien d’un système médical ne tiennent pas la route. L’idée que l’on en a besoin pour l’assurance est erronée. Les gens obtiennent une assurance pour les produits en vente libre. L’idée de la stigmatisation n’a pas de sens parce qu’on pourra toujours se les procurer par la poste, comme on peut le faire aujourd’hui, alors il n’y a pas de stigmatisation. Il y a des considérations importantes, mais je n’ai entendu aucun argument capable de me convaincre qu’il y a une raison scientifique, sociale ou sociétale de maintenir deux systèmes distincts, j’en ai entendu beaucoup cherchant à expliquer pourquoi il serait logique de les fusionner en un seul système.

Mme Shuhendler : Je suis heureuse que le Dr Blackmer ait reconnu que ce ne sont pas seulement les médecins, mais aussi les infirmières praticiennes qui peuvent autoriser le cannabis médicinal.

Mme Balneaves : Les médecins, les infirmières praticiennes et les infirmières ont tous un rôle essentiel à jouer pour aider les patients à prendre des décisions éclairées en matière de traitement, même en l’absence de données vraiment probantes.

Le corpus lié au cannabis et aux cannabinoïdes ne cesse de croître. Il concerne la plante entière et les formes pharmaceutiques de cannabis, des choses comme Sativex et Cesamet. Il est essentiel que les patients se sentent à l’aise de s’adresser à leur fournisseur de soins primaires ou à leur spécialiste pour obtenir les dernières données probantes sur la consommation de cannabis à des fins médicinales.

J’ai l’impression que si nous les limitons à un seul système où ils pourraient, dans certaines municipalités, avoir accès au cannabis — oui, ils peuvent passer des commandes par la poste, mais il y a toujours des complications pour ce qui est de recevoir des choses par la poste. Si les gens doivent ensuite se rendre dans une municipalité où l’on vend aussi de l’alcool, ce ne sera pas un environnement où ils recevront la meilleure éducation et où ils auront la protection de la vie privée nécessaire pour obtenir ce soutien éclairé.

De plus, il est important de reconnaître, je pense, que pour inciter nos producteurs autorisés à prendre en charge le développement nécessaire pour créer les produits spécifiques destinés au marché médicinal — par exemple, des souches à forte teneur en CBD qui ne sont pas psychoactives —, il faudra impérativement maintenir un système médical distinct qui a une véritable base de consommateurs. Autrement, l’accent sera mis sur la recherche d’une teneur élevée en THC, capable de produire un effet psychoactif dans un sens récréatif.

La sénatrice Martin : Je ne suis pas membre régulier du comité, mais j’ai l’occasion de l’être aujourd’hui. Je suis heureuse d’avoir entendu la plupart d’entre vous, pas tous. Je m’excuse; j’ai manqué certains des exposés.

J’ai une question qui fait suite à celle de la sénatrice Poirier, à savoir si nous sommes prêts. J’ai de la difficulté à comprendre la nécessité de la légalisation, pour bon nombre des raisons que vous avez mentionnées, mais nous entendons parler de toute part, y compris de la part des municipalités, du manque de préparation. Une municipalité de ma province a récemment adopté une motion disant que même après la légalisation, tant qu’elle n’aura pas vu la réglementation exacte, elle ne laissera rien se produire dans sa ville. Je vois mal comment ils vont faire appliquer cela parce que ce sera légal, mais c’est un règlement. Ce sera donc très compliqué.

Pour ce qui est de la légalisation, si nous faisons bien les choses, quel sera le meilleur moment? Je sais qu’il y a encore beaucoup à faire, mais on nous dit que nous ne sommes pas prêts. Devrions-nous au moins attendre que certains éléments essentiels soient préparés pour que cette mise en œuvre soit plus réussie? J’ai l’impression que le manque de préparation expose les gens à plus de danger. Nous savons que c’est quelque chose que nous devons examiner sérieusement dans l’intérêt des Canadiens, mais il faudrait peut-être prévoir plus de temps pour la mise en œuvre. Au Colorado et dans l’État de Washington, on nous a parlé en moyenne d’au moins un an à 18 mois. D’après ce que vous savez et ce que vous entendez, combien de temps faudra-t-il avant de passer à la mise en œuvre? Parce que je ne pense pas que nous soyons prêts. Je vais peut-être demander au Dr Tibbo de commencer.

Dr Tibbo : J’ai essayé de regarder ailleurs lorsque vous avez posé cette question. C’est une excellente question. Il est très difficile d’établir un échéancier précis, car il y a certains éléments, par exemple, du point de vue de l’APC, dont je parle, et de la santé mentale et de la psychiatrie, que nous estimons devoir étoffer ou mettre en place. J’ai déjà parlé de la nécessité de renforcer les capacités et d’élaborer des programmes d’abandon et de traitement des troubles liés au cannabis, non seulement pour la population en général, mais pour un groupe en particulier — par exemple, pour les personnes qui ont déjà une psychose, ce qui est un type d’approche différent de celle que vous auriez peut-être avec la population en général. Ces éléments font également défaut.

Je sais que dans le domaine de la santé mentale au Canada, nous n’avons pas non plus la capacité de suivre les données à l’échelle nationale. L’une des choses que j’ai essayé de faire dans le cadre de nos programmes d’intervention précoce à l’échelle nationale, c’est de créer cette base de données ou cette plateforme où nous pouvons commencer à recueillir certaines de ces données à l’avenir. Nous n’avons pas encore réussi à obtenir des fonds pour faire ce genre de choses.

Ce sont là certaines des choses préparatoires qui seraient nécessaires, à mon avis. Il est difficile de chiffrer le temps que cela prendrait.

La sénatrice Martin : Est-ce que cet automne serait un délai raisonnable, compte tenu du système complexe dans lequel ce système doit s’insérer pour assurer la sécurité de nos jeunes et la préparation des Canadiens à ce que ce soit légal?

Dr Tibbo : Je peux répondre sur les deux points que je viens de mentionner. Pour ce qui est de la capacité de surveillance et de vigilance, de la plateforme et de la base de données, ainsi que du traitement et du renforcement des capacités, l’automne serait trop proche. Nous n’aurions pas cela en place.

Dr Milin : Du point de vue des adolescents, je pense que la capacité d’évaluer l’intoxication au volant est un problème lié à la limitation des taux. Du point de vue de la santé publique, la raison la plus courante est la combinaison de l’alcool et de la marijuana. Comment mesurez-vous ce genre d’intoxication?

Dans l’optique de la santé mentale, on a beaucoup d’informations qui disent certaines choses et on peut en apprendre davantage et c’est ainsi que l’on procède. On n’avait pas cette information sur l’alcool sous le régime de la prohibition. On a appris combien les gens peuvent boire, quels sont les risques pour la santé et ce genre de choses, puis on est allé de l’avant. Les compagnies pharmaceutiques font déjà appel aux compagnies de cannabis pour qu’elles commencent à mettre au point des médicaments qu’elles peuvent commercialiser et à mettre en œuvre des études randomisées afin qu’elles puissent les traiter avec un certain degré de précision. Ce sont des compagnies pharmaceutiques qui, vous le savez, seront en mesure de produire ce produit.

Le sénateur Manning : Merci à nos témoins.

Tous vos groupes représentent des gens de partout au pays. Il me semble qu’on se retrouvera avec un ensemble disparate de limites d’âge. Les différentes provinces peuvent créer des limites différentes. L’AIIC parle de 18 ans; le Dr Milin parle de 19; votre groupe parle de 21. Nous n’arrivons pas à obtenir l’accord des professionnels de la santé eux-mêmes. J’essaie de déterminer comment nous pouvons trouver un âge. Personnellement, je pense que ce devrait être la même chose partout au pays. Quel que soit l’âge, il devrait être le même partout au pays. Y a-t-il moyen que les professionnels de la santé du pays s’entendent sur cet âge? Je pense que cela signifierait beaucoup pour le gouvernement si nous avions un consensus parmi les gens qui fournissent le service. C’est ma première question.

Mme Shuhendler : Merci de votre question. Je voulais simplement préciser que nous parlons de l’âge de 18 ans. Mme Balneaves l’a mentionné. L’AIIC n’a pas de position officielle sur l’âge, mais nous abordons l’âge du point de vue de la réduction des méfaits. Lorsque nous examinons les préjudices associés à la consommation ou les préjudices sociaux, nous pensons que la prohibition n’est pas la bonne approche pour certains âges. Nous appuyons la décision du gouvernement de considérer 18 ans comme l’âge minimum et je pense que l’harmonisation avec la réglementation provinciale sur l’alcool est pragmatique pour que les gens puissent faire respecter les règles. Mais la réalité, comme Mme Balneaves l’a dit également, c’est que même si nous n’avons pas de désignation numérique officielle, si elle est fixée à 21 ou 25 ans, les personnes de moins de cet âge vont continuer à consommer de la marijuana et l’obtenir d’une source illicite.

Nous sommes toujours prêts à travailler avec nos collègues d’autres professions pour avoir ces discussions, parce que, bien sûr, ce n’est pas une chose sur laquelle il est facile d’en arriver à un consensus. Je suis sûr que nous ne sommes pas les seuls groupes dont vous avez entendu parler. J’ai entendu des choses de la Société canadienne de pédiatrie et d’autres organisations. Nous sommes prêts à en discuter, mais je crois qu’il sera difficile d’en arriver à un consensus.

Dr Milin : L’Académie canadienne de psychiatrie de l’enfance et de l’adolescence n’a pas d’âge officiel. Nous nous en remettons généralement à l’ACP, qui a fait son travail ou à l’AMC. Nous ne réinventons pas la roue. J’en discute d’un certain point de vue. En ce qui concerne les enfants et les adolescents, il en va de même pour l’alcool. Nous préférons l’idée des 19 ans. Du point de vue du développement, c’est logique parce que 15 à 19 ans, c’est une période de développement intense — c’est probablement acceptable — dans les problèmes du cerveau, mais ils continuent de se développer. Cependant, vous envisagez également de retirer ce programme des écoles secondaires et de passer à l’étape suivante.

Dr Blackmer : Si vous demandez s’il y a un consensus dans la profession médicale sur l’âge, il y en a un, et c’est 21 ans. Nous aimerions que ce soit le cas partout au pays. L’AMC est le seul organisme qui représente tous les médecins et nos estimés collègues en psychiatrie vous en ont également parlé. Il y a donc un consensus médical sur cet âge.

Le sénateur Manning : La conduite avec facultés affaiblies est le principal problème dont nous entendons parler, surtout en ce qui concerne les services de police partout au pays. Nous disposons maintenant des données scientifiques nécessaires pour déterminer la teneur en alcool dans le sang d’une personne. Je n’ai pas vu de données scientifiques relatives à l’affaiblissement des facultés en raison de la consommation de drogues. Y a-t-il quelqu’un ici qui connaît les données scientifiques qui traitent de cette question, ou n’avons-nous tout simplement pas terminé? Docteur Tibbo?

Dr Tibbo : J’aurais dû détourner le regard de nouveau. Nous n’avons pas beaucoup de données scientifiques à ce sujet. Il reste encore du travail à faire à cet égard. Je vais m’arrêter ici.

Dr Milin : D’une certaine façon, on peut y penser comme l’alcool. L’alcootest a été mis au point parce qu’il y avait un besoin. Par conséquent, nous espérons que les gens finiront par travailler sur cette question pour déterminer comment nous pouvons mesurer efficacement les niveaux d’intoxication.

Le président : Il y a un projet de loi distinct sur cette question, le projet de loi C-46. Il est devant un autre comité, mais il s’en occupe.

Notre temps est écoulé. Nous devons quitter la salle, parce qu’un autre comité doit se réunir. Je tiens à remercier les témoins et tous les autres qui sont venus répondre aux questions. Vous nous avez beaucoup aidés.

Sur ce, mesdames et messieurs les membres du comité, nous serons de retour à 10 h 30 demain matin, et la séance est levée.

(La séance est levée.)

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