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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule no 45 - Témoignages du 25 mai 2018


OTTAWA, le vendredi 25 mai 2018

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, auquel a été renvoyé le projet de loi C-45, Loi concernant le cannabis et modifiant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, le Code criminel et d’autres lois, se réunit aujourd’hui, à 8 h 3 afin de poursuivre son étude du projet de loi.

Le sénateur Art Eggleton (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.

[Traduction]

Je suis Art Eggleton, sénateur de Toronto et président du comité.

Je vais demander aux sénateurs qui sont parmi nous ce matin de se présenter.

[Français]

La sénatrice Petitclerc : Chantal Petitclerc, du Québec. Bonjour.

[Traduction]

Le sénateur Dean : Tony Dean, de l’Ontario.

La sénatrice Omidvar : Ratna Omidvar, de l’Ontario.

Le sénateur Gold : Marc Gold, du Québec.

La sénatrice Deacon : Marty Deacon, de l’Ontario.

Le sénateur Manning : Fabian Manning, de Terre-Neuve-et-Labrador.

Le sénateur Oh : Victor Oh, de l’Ontario.

[Français]

La sénatrice Poirier : Rose-May Poirier, du Nouveau-Brunswick. Bienvenue.

[Traduction]

Le sénateur Tannas : Scott Tannas, de l’Alberta.

La sénatrice Seidman : Judith Seidman, sénatrice de Montréal, au Québec, et vice-présidente du comité.

Le président : Nous poursuivons aujourd’hui nos longues délibérations, ou longues audiences, relativement au projet de loi C-45, Loi concernant le cannabis et modifiant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, le Code criminel et d’autres lois.

Les séances d’aujourd’hui ont quatre objectifs qui concernent les rapports des autres comités. Il s’agit des rapports produits par les Comités des affaires juridiques et constitutionnelles, des peuples autochtones, de la sécurité nationale et de la défense et des affaires étrangères et du commerce international. Nous avons prévu une heure pour chacun de ces rapports.

Nous avons reçu un rapport du comité directeur, et les présidents et vice-présidents ont commenté leur rapport. Nous accueillons maintenant les représentants. Nous avons invité les ministres et, en remplacement, les secrétaires parlementaires. Nous accueillons aujourd’hui des fonctionnaires très compétents.

Nous devons connaître les recommandations, et, par exemple, prenons la première, du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles. Les recommandations commencent à la page 10. Le premier groupe de huit recommandations a été adopté à l’unanimité par le comité.

J’aimerais que nos représentants nous parlent — et ce sera la même chose dans les autres cas — du raisonnement qui sous-tend la position du gouvernement, la position qui a été présentée à la Chambre des communes, ou la position des ministères à l’égard de ces amendements.

Il n’est pas nécessaire d’aborder la question stratégique sous-jacente à l’amendement, mais il faut plutôt parler des raisons pour lesquelles ces changements précis ont été intégrés à la loi à l’étape de l’étude par la Chambre des communes ou à l’étape de l’examen par le comité. En quoi le gouvernement trouve-t-il le projet de loi approprié pour décider ainsi de ne pas tenir compte d’une telle recommandation?

Nous pourrions commencer par demander aux fonctionnaires de formuler des commentaires à ce sujet, puis ils pourront répondre aux questions des membres du comité. Comme cela semble raisonnable pour tout le monde, comme je viens de le souligner, nous allons commencer par le rapport du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.

Nous accueillons ce matin des représentants de Santé Canada, Eric Costen et John Clare. Ils resteront avec nous pour les quatre séances, ce matin. Nous accueillons aussi Diane Labelle, Carole Morency et Paul Saint-Denis, du ministère de la Justice.

Bienvenue à tous. Permettez-moi de poser la première question au sujet des recommandations du comité en question, les recommandations qui ont été adoptées à l’unanimité et, comme je l’ai dit, qui figurent à la page 10 du rapport. Pourriez-vous expliquer la position du gouvernement à l’égard de ces amendements précis?

Eric Costen, directeur général, Secrétariat de la légalisation et de la réglementation du cannabis, Santé Canada : Merci, monsieur le président, et merci aux membres du comité. Nous sommes heureux d’être de retour devant vous. Nous allons assurément faire de notre mieux pour formuler des commentaires sur les rapports que nous allons examiner tout au long de la matinée.

En ce qui concerne les neuf amendements proposés à l’unanimité par le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, vous ne serez probablement pas surpris d’apprendre que nous tous ici devrons souvent nous en remettre les uns aux autres. Dans un cas, nous allons peut-être même, si vous nous le permettez, nous appuyer sur un de nos collègues de Sécurité publique Canada.

Sans nécessairement vouloir gruger le temps accordé aux déclarations préliminaires, commençons par la première recommandation. Je cède ma parole à ma collègue, Diane Labelle, qui commencera ici.

Diane Labelle, avocate générale, Services juridiques de Santé Canada, ministère de la Justice Canada : Merci de nous avoir invités à comparaître devant vous.

En ce qui concerne la première recommandation qui porte sur le pouvoir législatif provincial et territorial en matière de possession, de culture, de propagation et de récolte des plants de cannabis dans des zones désignées, y compris le pouvoir d’interdire ces choses, j’aimerais commencer par expliquer ce que la ministre de la Justice, Jody Wilson-Raybould, a déclaré devant le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles : elle a dit que l’objectif de la Loi sur le cannabis était de mettre en place un cadre national de légalisation du cannabis. Les objectifs ont été annoncés à l’article 7 du projet de loi, et il fallait en tenir compte au moment de mettre en place un régime légalisé et strictement réglementé pour assurer un accès aux particuliers de partout au pays.

Elle a aussi mentionné que les provinces et les territoires ont la latitude ou la capacité de modifier le nombre de plants, le faisant passer de quatre à deux, pour ajouter des restrictions en matière de culture.

Cependant, il s’agit d’un plan destiné à s’appliquer à l’échelle nationale qui vise à fournir un accès légal à toutes les personnes d’âge adulte au pays. Si une personne devait contester une loi provinciale ou municipale interdisant complètement la culture, il serait possible qu’un tribunal ait alors à examiner la loi municipale, provinciale ou territoriale à la lumière de la loi fédérale pour déterminer s’il y a conflit ou non.

Les objectifs fédéraux seraient alors examinés. S’il y a un conflit avec les objectifs fédéraux, il serait possible qu’un tribunal juge que la loi fédérale l’emporte.

Je terminerai en disant que la ministre de la Justice a expliqué aux membres du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles qu’il s’agit ici d’offrir un accès aux consommateurs adultes à l’échelle nationale.

Le président : Mesdames et messieurs les membres du comité, nous pouvons soit examiner les recommandations une par une, soit les passer toutes en revue, puis poser des questions. Selon moi, ce serait peut-être la meilleure façon de procéder.

La deuxième recommandation concerne l’amendement du projet de loi pour accroître la période permise pour payer une contravention à la suite d’une condamnation.

Soit dit en passant, votre réponse était justement le genre de choses que je cherchais. Merci.

Paul Saint-Denis, avocat-conseil, Section de la politique en matière de droit pénal, ministère de la Justice Canada : Cette disposition découle d’un témoignage selon lequel les personnes en région rurale et éloignée auraient besoin de plus de temps pour payer une contravention.

Actuellement, le régime de contravention prévoit une période pendant laquelle une personne peut payer volontairement une contravention. La période en question n’est pas indiquée dans la disposition de la loi. C’est une disposition permettant aux provinces de choisir la période en question.

Habituellement, dans le cadre des régimes provinciaux actuels, cette période varie de 15 à 30 et parfois même à 60 jours, selon le type d’infraction en cause.

Une fois que le délai pour le paiement volontaire de la contravention s’est écoulé, et si rien n’a été fait, la personne qui a reçu la contravention, ou l’accusé, est considérée comme coupable. Après ce moment-là, à partir du moment où l’accusé est jugé coupable, la loi prévoit une période de 30 jours durant laquelle la personne doit payer le montant indiqué sur la contravention.

En tout, le temps qu’aurait une personne, selon la province, pourrait varier de 45 à près de 90 jours. C’est déjà là une chose.

L’autre chose, c’est que même dans le cas des personnes qui vivent dans des régions isolées ou rurales, il sera vraisemblablement possible de payer par la poste, par téléphone ou sur Internet. Il nous semble que cette disposition n’est peut-être pas nécessaire.

Le président : La troisième recommandation visait à amender le projet de loi afin de décharger les organismes d’application de la loi de toute responsabilité à l’égard de la conservation ou du retour des plants de cannabis saisi et de toute indemnisation connexe.

M. Costen : Je vais céder la parole à mon collègue à la deuxième table.

Trevor Bhupsingh, directeur général, Application de la loi et des stratégies frontalières, Sécurité publique Canada : L’objet de cette recommandation concerne vraiment la question de l’entreposage par les organismes d’application de la loi. La saisie de biens est en quelque sorte une responsabilité importante jusqu’à ce que les procédures judiciaires soient entamées. La question ici concerne l’application de la loi.

Il y a déjà des dispositions dans la LRDS qui permettent la destruction rapide. Nous parlons ici de biens qui ne présentent pas de menaces. Nous ne parlons pas de choses qui menacent la sécurité nationale ou peuvent constituer des menaces pour la santé. Habituellement, ce sont des choses dont on se débarrasserait immédiatement, mais, lorsque ce n’est pas le cas, il y a déjà des dispositions dans la LRDS qui permettent une destruction rapide. Les forces de l’ordre préféreraient que ces dispositions figurent dans le projet de loi C-45.

Je vais peut-être m’arrêter ici pour céder la parole à mon collègue de la GRC.

Le président : La GRC veut-elle formuler des commentaires?

Surintendant principal Dennis Daley, directeur général desopérations criminelles, Services de police contractuels etautochtones Gendarmerie royale du Canada : Je peux tout simplement ajouter que ni la GRC ni, à ma connaissance, aucun autre service de police du Canada n’a d’installation ou ne possède les ressources voulues pour s’occuper de plantes vivantes. C’est la seule chose que j’ajouterais ici.

Le président : Le quatrième élément est lié au fait qu’il faut s’assurer que les niveaux de THC soient clairement indiqués sur les étiquettes apposées sur les produits du cannabis et ses dérivés, comme l’a recommandé l’Association des psychiatres du Québec, et que l’approche proposée en matière de réglementation du cannabis vise à protéger les personnes les plus vulnérables, y compris les jeunes et les personnes atteintes de maladie mentale.

M. Costen : Pour ce qui est de cette recommandation, l’esprit de la recommandation, tel que nous le comprenons, concerne quelque chose que le gouvernement accepte de tout cœur.

En fait, au moment d’examiner les recommandations, le groupe de travail a beaucoup réfléchi à la question de l’étiquetage clair et précis. C’est quelque chose que nous avons appris de façon très précise des États américains. Franchement, c’est une pratique qui existe actuellement dans le système de réglementation fédéral.

Les niveaux de THC et de CBD sont des renseignements obligatoires qui doivent déjà figurer sur les étiquettes. Je dirais que, à l’alinéa 139(1)k) du projet de loi C-45, vous verrez un pouvoir réglementaire qui porte précisément sur la question de la puissance, une expression des niveaux de THC et de CBD.

De plus, il y a un certain nombre de mois, le ministère a publié un document définissant ses intentions en matière de réglementation. Il y avait là, notamment, des exigences obligatoires qui permettront de satisfaire efficacement cette exigence.

La dernière chose que je dirai, c’est que la raison pour laquelle on inscrira ces niveaux de THC et de CBD dans la réglementation, c’est, en réalité, que nous parlons d’un nouvel espace industriel novateur. En tant qu’organisme de réglementation, nous avons besoin d’un instrument qui nous permettra de réagir avec un certain niveau d’agilité et de dextérité, si nous constatons des pratiques au sein de l’industrie qui nous inquiètent. Nous pourrions alors rapidement apporter des rajustements. C’est la raison pour laquelle on recommande de miser ici sur un pouvoir de réglementation.

Le président : Le cinquième élément vise à modifier le projet de loi pour imposer une limite à la quantité de cannabis séché ou la quantité de produits ou son équivalent qu’une personne a le droit de posséder à des fins de consommation personnelle dans une maison d’habitation.

M. Costen : Je vais répondre encore une fois, puis je demanderai peut-être à mes collègues de formuler des commentaires supplémentaires, au besoin. Encore une fois, comme c’est le cas pour beaucoup de ces enjeux, ils ont d’abord été cernés comme étant des choses sur lesquelles le gouvernement voulait que le groupe de travail se penche. Dans ce cas-ci, c’est une question de limites.

Dans le rapport du groupe de travail, dans le cadre de conversations subséquentes avec les administrations étatiques américaines et dans le cadre de l’analyse du gouvernement de ces enjeux, il est devenu évident qu’une limite en matière de possession en public est non seulement une mesure prudente et nécessaire; en plus, elle a force exécutoire.

La question d’imposer une limite à la quantité pouvant être conservée à la maison, et encore une fois on revient à ce qui a été dit dans le rapport du groupe de travail, est quelque chose qui soulève des questions difficiles en matière d’applicabilité.

Pour ce qui est des préoccupations selon lesquelles de grandes quantités de cannabis gardées à domicile seraient en elles-mêmes des indices d’un trafic, je souligne que le projet de loi établit très clairement que la possession de cannabis, peu importe la quantité, aux fins de trafic demeurerait une infraction criminelle.

De plus, il y a certaines considérations pratiques lorsqu’on envisage de permettre la culture à domicile. Reconnaissant qu’il y a une grande variabilité en ce qui concerne la quantité de cannabis que quatre plants peuvent produire… Il y a d’innombrables facteurs, depuis le fait qu’on privilégie la culture à l’extérieur ou à l’intérieur jusqu’au fait d’avoir le pouce vert ou non en passant par le type de plante utilisé.

Il est donc très difficile de déterminer une limite de possession à domicile rationnelle et dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce qu’elle soit respectée.

Carole Morency, directrice générale et avocate générale principale, Section de la politique en matière de droit pénal, ministère de la Justice Canada : J’ajouterai seulement que, lorsque la restriction sur la hauteur des plantes a été supprimée à l’autre endroit, il est devenu d’autant plus difficile — pour poursuivre sur la lancée de mon collègue — d’évaluer le rendement d’une plante.

Le président : Sixièmement, le comité appuie la recommandation du Barreau du Québec qui propose d’ajouter à la Loi sur le cannabis l’article 5.1, selon lequel rien dans cette loi ne doit être interprété de manière à limiter les dispositions de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, y compris l’utilisation d’avertissements, de mises en garde, de renvoi ou de sanction extrajudiciaire.

Mme Morency : L’article 5 de la loi dit déjà clairement que la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents s’applique entièrement aux dispositions qui régissent les jeunes. Il n’y a aucune incertitude à ce sujet. Nous avons répondu très clairement aux questions sur la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, tout comme le gouvernement, d’ailleurs.

La LSJPA a été vraiment conçue pour favoriser la réhabilitation des jeunes. C’est une partie intégrante de la façon dont on traiterait les jeunes qui commettent des infractions en vertu du projet de loi C-45. Toutes les dispositions de la loi — y compris l’obligation de tenir compte de solutions de rechange à l’inculpation, les avertissements, les mises en garde et l’aiguillage d’un jeune vers des ressources communautaires — continueront de s’appliquer.

Le président : Le septième point concerne la modification du projet de loi pour augmenter l’amende maximale pour une organisation reconnue coupable d’avoir exporté illégalement du cannabis à 300 000 $, le montant prévu dans la Loi sur le tabac.

M. Saint-Denis : Le paragraphe 11(3) prévoit une amende de 100 000 $ en cas de poursuite par procédure sommaire. Cependant, si l’infraction est jugée assez grave, la poursuite peut se faire par voie de mise en accusation, auquel cas, il n’y a pas de limite au montant d’une amende qui peut être imposée à une organisation. Nous ne pensons pas que cet amendement est vraiment nécessaire.

De plus, nous aimerions souligner que, dans le cas de cette infraction, il s’agit d’une infraction criminelle. La peine maximale de 100 000 $ pour une infraction punissable sur déclaration par voie de déclaration sommaire de culpabilité est identique à ce que le Code criminel prévoit maintenant, de façon générale, pour les infractions criminelles. Nous croyons qu’il faut maintenir cette uniformité.

Le président : Le huitième élément est le suivant : étant donné que les provinces ont annoncé leur intention d’interdire la possession de cannabis pour les jeunes de moins de 18 ans, le comité recommande que le projet de loi ne prévoie pas de sanctions plus sévères que celles qui s’appliquent aux adultes.

C’est quelque chose que nous avons entendu tout particulièrement au sujet des 30 grammes comparativement aux 5 grammes, par exemple. Que répondez-vous à cela?

Mme Morency : Le projet de loi C-45 vise essentiellement à faire en sorte que les jeunes n’aient pas facilement accès au cannabis. Le projet de loi propose d’interdire de façon stricte la vente, le don, la distribution et le partage de cannabis entre un adulte et un jeune, y compris grâce à une nouvelle infraction consistant à utiliser un jeune pour commettre une infraction liée au cannabis.

Si un jeune a accès à une petite quantité de cannabis, le projet de loi C-45 prévoit deux façons de s’y prendre : si le jeune a eu accès à plus de 5 grammes de cannabis, qu’il a en sa possession, alors il y a une infraction connexe au titre de la loi. Cependant, si le jeune est en possession de 5 grammes ou moins, le projet de loi C-45 ne propose pas de criminaliser cette conduite.

On tente ainsi de reconnaître que de faire peser tout le poids du système de justice pénale sur les épaules d’un jeune en possession d’une petite quantité de cannabis peut entraîner des préjudices plus graves que les préjudices auxquels on tente de s’attaquer en empêchant entièrement l’accès au cannabis.

Le projet de loi C-45 fait une distinction entre les jeunes et les adultes en ce qui a trait à la possession. Les adultes pourront avoir en leur possession jusqu’à 30 grammes en public, tandis que les jeunes ne pourront pas posséder plus de 5 grammes. Si des jeunes possèdent moins de 5 grammes, ils seront assujettis aux lois des provinces, en vertu de leurs droits, par exemple, sur les biens ou leurs droits civils. Les provinces pourront gérer les dossiers de ces jeunes. Elles ont soit annoncé leur intention de ne pas permettre aux jeunes de posséder quelque quantité que ce soit, soit d’adopter une loi à cet effet.

Certains se demandent pourquoi il existe un traitement différent pour les adultes, qui peuvent posséder 30 grammes, et les jeunes, qui ne peuvent rien posséder du tout. La ministre de la Justice a déposé un énoncé relatif à la Charte qui traite également de cette question. Les données probantes montrent que les risques de préjudice pour les jeunes, y compris pour leur santé, augmentent en raison de la consommation de cannabis.

Il y a des données probantes qui soutiennent un traitement différent, et l’énoncé de la Charte exprime l’opinion de la ministre selon laquelle une telle position est conforme à la Charte.

Il y a d’autres dispositions en général. Comme je l’ai mentionné dans ma réponse précédente, la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents jette un autre éclairage sur tout cela. Un jeune qui commet une infraction en vertu du projet de loi C-45 parce qu’il est en possession de 6 grammes, par exemple, sera traité différemment d’un adulte parce que son dossier sera traité en vertu de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents.

Comme je l’ai déjà mentionné, cette loi vise à atteindre un objectif différent et à fournir des leviers différents aux services de police pour régler le problème d’entrée de jeu. Comme je l’ai dit, il faut envisager des solutions de rechange à l’inculpation pour les infractions mineures, comme les mises en garde et les processus de déjudiciarisation. C’est un traitement différent de celui réservé aux adultes pour ce qui est des petites quantités aussi, mais il est à l’avantage des jeunes.

Le président : Voilà pour ce qui est des huit recommandations que le comité a adoptées à l’unanimité. Une autre a été adoptée à la majorité, tandis qu’une a été rejetée à la majorité. Sur les deux pages suivantes, vous pouvez voir d’autres motions qui ont été rejetées ou des observations qui ont été adoptées par le comité. Je ne vais pas vous demander de les passer en revue.

Chers collègues, si vous voulez poser une question sur l’un ou l’autre de ces aspects du rapport, n’hésitez pas à le faire. Nous avons vos commentaires en ce qui concerne les huit recommandations qui ont été adoptées à l’unanimité par le comité.

Je vais maintenant céder la parole à mes collègues. Nous viserons les cinq minutes habituelles, ce qui inclut les questions et les réponses. Plus les questions et les réponses seront brèves, plus vous pourrez intervenir.

[Français]

La sénatrice Petitclerc : Merci à chacun d’entre vous d’être ici et surtout de vos réponses. Elles étaient très claires et elles nous aident beaucoup.

J’aimerais vous entendre au sujet des enjeux constitutionnels pour ce qui est de la culture à domicile. On en a beaucoup parlé au Comité des affaires juridiques et constitutionnelles et à notre comité aussi. On retourne à la recommandation no 1. Ma question est très simple. Dans l’intérêt de tous, celui des provinces et du gouvernement fédéral, serait-il préférable de clarifier cette question avant l’entrée en vigueur du projet de loi?

Mme Labelle : Merci de la question. La politique du gouvernement, telle qu’exprimée par la ministre de la Justice, est claire. Il s’agit d’un enjeu national. On veut donner accès aux consommateurs d’âge adulte à une source de cannabis qui est légale. Dans certains milieux, cette source proviendra de leur propre culture à domicile. Dans l’intérêt du régime national, la ministre a affirmé que la loi fédérale, si jamais elle était remise en question, serait la règle d’application.

La sénatrice Petitclerc : Merci. Au cours des réunions du comité, nous avons beaucoup entendu parler — et le rapport en fait également état —, de l’impact d’une peine d’emprisonnement de 14 ans imposée à une personne majeure qui fournirait du cannabis à un jeune de moins de 18 ans. Dans ce contexte, certains ont donné l’exemple d’un grand frère qui se procurerait du cannabis qu’il refilerait ensuite à son jeune frère. Certains disent qu’une peine de 14 ans est peut-être un peu sévère. Quelles sont vos impressions à ce sujet?

M. Saint-Denis : Merci beaucoup, madame la sénatrice. Votre question est intéressante. Un jeune adulte de 18 ou 19 ans qui distribue du cannabis à un jeune de 16 ou 17 ans constitue habituellement une infraction mineure.

Vous avez raison : dans les pires cas, la pénalité pourrait entraîner une peine d’emprisonnement allant jusqu’à 14 ans. Cependant, dans votre exemple, il s’agit d’une infraction mineure. Il y a de bonnes chances qu’on traite cela comme une infraction sommaire, soit en infligeant une amende ou en imposant une peine d’emprisonnement relativement clémente.

La disposition offre la possibilité au procureur et à la police de faire la distinction entre une infraction mineure et une autre plus sévère, et à partir de là, la peine appropriée serait imposée.

[Traduction]

Le président : Permettez-moi d’ajouter un petit quelque chose. La question du pouvoir discrétionnaire de la police a aussi fait l’objet de beaucoup de discussions. On s’inquiète du fait que certains groupes minoritaires, les Autochtones, des mineurs de groupes raciaux et les personnes pauvres seront plus susceptibles d’être traités plus sévèrement, plus susceptibles d’être traduits devant le système de justice pénale, que ceux qui viennent de familles de la classe moyenne ou de familles à revenu élevé, qui seraient plus susceptibles, selon les statistiques, de ne pas faire l’objet de ce genre d’accusations criminelles.

Que répondez-vous à cela?

M. Saint-Denis : En fait, je dirais deux choses. La première, c’est qu’il y a déjà un pouvoir discrétionnaire en ce qui a trait au cannabis et à toute autre drogue. Le pouvoir discrétionnaire des policiers fait partie intégrante de la responsabilité policière. On s’attend des policiers qu’ils agissent, entre autres, de façon raisonnable, conformément à la loi et conformément aussi à toutes les lignes directrices qu’ils mettent eux-mêmes en place.

Fait plus important encore, grâce à la Loi sur le cannabis, nous allons légaliser la possession de jusqu’à 30 grammes de cannabis. Ce sera bénéfique pour tout le monde, que les gens fassent partie d’un groupe minoritaire ou non. On éliminera ainsi un important segment de ce qui constitue maintenant un groupe assez important de personnes pouvant faire l’objet d’accusations criminelles. Plus de 20 000 personnes par année, dont beaucoup viennent de groupes minoritaires, ne seront plus assujetties à des mesures policières parce qu’elles auront le droit de posséder jusqu’à 30 grammes.

La sénatrice Seidman : Des témoins nous ont dit que, dans les administrations où le cannabis est légal, la puissance des produits du cannabis séché augmente constamment.

Pouvez-vous confirmer que Santé Canada n’envisage pas d’imposer des limites à la teneur en THC des produits de cannabis séchés destinés à l’inhalation?

J’imagine que vous, monsieur Costen, pourrez peut-être me répondre.

M. Costen : Évidemment, la question de la teneur en THC est extrêmement importante aux yeux de tous ceux qui participent à la conversation.

Je ne suis pas un spécialiste des plantes, et je ne sais pas combien d’experts en plantes vous avez accueillis. Il y a une sorte de limite naturelle à la quantité de THC qu’on peut retrouver dans un plant. Cette limite naturelle est aux alentours de 30 p. 100.

Selon moi, ce que vous essayez de dire, et, de toute évidence, c’est ce que vous ont dit les témoins des administrations américaines, c’est que, lorsqu’on considère les produits extraits, les produits infusés de THC qui a été extrait de la plante naturelle, il est possible d’obtenir des produits sous forme concentrée. On peut alors utiliser ce produit concentré pour créer des produits dont la teneur en THC dépasse largement les 30 p. 100. Vous avez probablement entendu des histoires de produits contenant 80, 90 et même près de 100 p. 100 de THC.

Aux États-Unis, franchement, même dans nos propositions et selon notre réflexion, la conversation a porté sur les limites et les seuils totaux et la quantité totale de THC qui peut se trouver dans un emballage, par exemple. Selon moi, il est plus important de se demander quelle quantité de THC sous une telle forme concentrée on peut trouver dans une portion. Je suis convaincu que vous avez entendu des témoins raconter des histoires datant du début des régimes de légalisation aux États-Unis alors qu’on n’avait pas réfléchi à certaines de ces questions de réglementation.

Par exemple, dans le cas d’une tablette de chocolat pour laquelle il n’y avait pas de limite liée à la taille des portions, eh bien, elle pouvait en fait contenir de très grandes quantités de THC, et elle pouvait contenir de 8 à 10 portions.

La sénatrice Seidman : Excusez-moi, je ne veux pas vous interrompre, mais j’ai seulement cinq minutes. Je ne veux pas non plus être impolie, mais j’aimerais savoir si vous pouvez confirmer si Santé Canada envisage ou non d’imposer des limites à la teneur en THC des produits de cannabis séché destinés à l’inhalation.

M. Costen : La seule limite envisagée pour le cannabis séché à l’heure actuelle concerne tous les produits séchés préroulés. La limite serait de 0,5 gramme par produit préroulé.

La sénatrice Seidman : Poursuivons. David Hammond, de l’Université de Waterloo, a dit au comité plus tôt cette semaine que l’emballage du cannabis était non pas un emballage neutre, mais plutôt un emballage quasiment neutre.

Pourquoi la ministre de la Santé et son ministère continuent-ils de parler publiquement de l’emballage neutre? Ne devrait-on pas tirer les leçons du tabac et les appliquer au cannabis si nous voulons réussir à atteindre les prétendus objectifs de santé publique visant la protection des jeunes, soit de s’assurer que la marijuana ne se retrouve pas entre les mains des enfants?

M. Costen : Je connais très bien les travaux de M. Hammond. Notre proposition en matière d’emballage et d’étiquetage tient compte de nombreuses pratiques exemplaires du monde du tabac et du programme en place au sein de cette industrie en ce qui concerne les règles d’emballage.

Je pense qu’il y a des intérêts contradictoires, ici, et c’est-à-dire qu’il faut aussi créer une industrie viable au sein de laquelle les consommateurs auront à la fois des renseignements sur la marque et des renseignements sur le produit de façon à les encourager réellement à participer au marché légal.

Comme vous le savez probablement, à l’heure actuelle, dans le marché illégal, les images de marque, la publicité, les emballages colorés et les produits de copie sont omniprésents. Ce que nous avons fait, c’est essayer d’appliquer les meilleures leçons de santé publique à ce que nous croyons être des emballages neutres. Le commentaire de M. Hammond sur l’emballage quasiment neutre est intéressant.

En même temps, nous reconnaissons que, surtout au cours des premières années, il sera important de fournir au moins quelques renseignements supplémentaires aux consommateurs tandis qu’ils se tourneront vers le nouveau marché légal.

L’impératif lié à l’approche de santé publique et le besoin parallèle de créer un marché viable, concurrentiel et réglementé exigent de trouver un certain équilibre entre certains de ces enjeux.

Le président : J’aimerais ajouter que les représentants de la santé publique seront ici toute la matinée et qu’ils reviendront à nouveau lundi. Dans la mesure du possible il faut se concentrer sur les questions pertinentes liées au rapport du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles, car nous avons en fait très peu de temps à consacrer au présent groupe de témoins.

Le sénateur Gold : Une minorité de membres du Comité des affaires juridiques a recommandé au gouvernement de limiter la teneur en THC à 16 p. 100 pour les adultes âgés de plus de 21 ans et à 8 p. 100 pour ceux âgés de 18 à 21 ans.

Le comité a entendu Hilary Black, la fondatrice, de la B.C. Compassion Club Society, qui a dit à ce sujet que, probablement, les utilisateurs allaient tout simplement consommer plus de cannabis si on imposait des limites à la puissance afin d’obtenir les effets souhaités et qu’une telle décision risquerait de détourner des utilisateurs vers le marché illicite, où ils pourraient obtenir des produits plus puissants.

J’aimerais savoir ce que vous en pensez. Puisque la légalisation vise à réduire le marché illicite et à protéger la santé publique en décourageant la consommation et la consommation irresponsable excessive, ne seriez-vous pas d’accord pour dire que cet amendement irait complètement à l’encontre de l’objectif du projet de loi C-45, et ce, en plus du fait qu’il serait à peu près impossible à appliquer?

M. Costen : Oui. Pour ce qui est de la question de la puissance en THC et des limites, oui. Mme Black le sait très bien. La réalité, c’est que le marché actuel offre un grand éventail de produits. Les consommateurs s’intéressent de plus en plus à des produits à haute teneur en THC. À l’heure actuelle, ces produits ne sont absolument pas réglementés. Il y a très peu de renseignements fournis aux consommateurs, qu’il soit question des risques pour la santé liés à leur consommation, ou même, franchement, en ce qui a trait à leur composition en tant que telle.

Le raisonnement stratégique lié à cette proposition du gouvernement est la suivante : pour que l’initiative réussisse, il faut créer une industrie réglementée ou un espace réglementé qui réduit au minimum les préjudices qui existent à l’heure actuelle et que je viens de décrire tout en fournissant aux consommateurs des solutions de rechange légales aux choix qu’ils ont aujourd’hui.

En restreignant ou en limitant la gamme de produits, que ce soit la puissance ou grâce à d’autres mesures, on conserverait probablement un marché afin que les consommateurs puissent avoir accès à ces produits. Ils continueraient de le faire et ils subiraient les mêmes préjudices qu’ils subissent actuellement.

Le sénateur Gold : Toujours au sujet du Comité des affaires juridiques, dont je suis membre, comme vous le savez, une minorité de membres de ce comité ont exprimé leurs préoccupations au sujet du délai proposé pour la réglementation et la légalisation du cannabis. Cependant, le comité a entendu un certain nombre d’experts en santé publique qui lui ont dit que, chaque journée qui passe est une autre journée dangereuse pour ceux qui consomment du cannabis non réglementé.

En effet, il y a quelques semaines, le Comité des affaires sociales a entendu un représentant de l’Association canadienne de santé publique qui a affirmé que nous n’avions pas le luxe de prendre notre temps et que nous avions besoin maintenant de la loi afin d’aider à réduire au minimum les préjudices et à protéger le bien-être des Canadiens.

Que pensez-vous de la recommandation visant à retarder la mise en œuvre du projet de loi? Est-ce que, selon vous, un retard pourrait avoir des conséquences sociales et des conséquences liées à la santé publique?

M. Costen : Selon moi, à bien des égards, certains des commentaires que j’ai déjà exprimés dans ma réponse précédente tiennent encore ici.

La réalité, c’est que la consommation de cannabis est omniprésente au pays. On peut soutenir que, si une personne veut consommer du cannabis aujourd’hui, elle le fait déjà. On peut en acheter dans quasiment toutes les grandes villes dans n’importe quelle rue commerciale. La réalité, c’est que les produits que les gens achètent dans ces magasins viennent de sources que, franchement, nous ne connaissons pas.

J’ai mentionné — et je ne vais pas les répéter — les préjudices qui sont associés à cette situation. Je parle ici seulement des préjudices liés à la santé. Il y a toute une série de préjudices sociaux et autres qu’il est aussi important de reconnaître.

Encore une fois, l’intérêt principal, ici, c’est de remplacer la situation actuelle par un système réglementé afin de réduire ces préjudices.

Je sais bien que vous avez assurément entendu beaucoup de témoins vous dire que, plus rapidement le processus de transfert d’un marché à l’autre commence, plus tôt on pourra commencer à réduire les préjudices associés au système actuel.

Le sénateur Manning : Durant la réunion du 22 mars du Comité des affaires juridiques, la sénatrice Batters a posé une question que j’aimerais poser à nouveau parce que la réponse obtenue n’était pas claire.

Au titre de la partie 1 du projet de loi, l’alinéa 8(1)e) prévoit que, sauf autorisation prévue sous le régime de la loi, il est interdit à tout individu d’avoir en sa possession plus de quatre plants de cannabis qui ne sont ni en train de bourgeonner ni en train de fleurir.

Pouvez-vous m’expliquer si cela signifie qu’une personne pourrait posséder plus de quatre plants s’ils sont en train de bourgeonner ou de fleurir?

M. Saint-Denis : La question de la possession des plants peut se résumer en deux ou trois énoncés. Personne ne pourra avoir en sa possession dans un lieu public des plants de cannabis qui sont en train de bourgeonner ou de fleurir. Je crois que c’est relativement clair.

Il sera possible pour des personnes de posséder des plantes qui ne sont pas en train de bourgeonner et de fleurir, jusqu’à quatre plantes n’étant pas en train de bourgeonner, un point c’est tout. Les personnes pourront avoir en leur possession quatre plantes qui ne sont pas en train de bourgeonner, soit en public, soit en privé.

Le sénateur Manning : Qu’arrivera-t-il si les quatre plants sont issus de la culture à domicile et qu’ils sont en train de bourgeonner ou de fleurir?

M. Saint-Denis : Alors, les gens ne peuvent pas avoir en leur possession des plantes en train de bourgeonner ou de fleurir en public, mais ils peuvent en avoir jusqu’à quatre en train de bourgeonner chez eux.

Cela cadre bien avec la disposition sur la culture, qui permet de cultiver jusqu’à quatre plants dans une maison d’habitation qui est une zone privée. En public, personne ne peut posséder une plante en train de bourgeonner.

Le sénateur Manning : Nous parlons ici de produit cultivé à domicile.

M. Saint-Denis : Peu importe que les produits soient issus de cultures privées ou non. Si on achète un plant dans un point de vente, il ne sera pas en train de bourgeonner parce qu’il faut ramener le plant du magasin à chez soi et il sera donc, à un moment donné, en public.

Nous nous attendons à ce que les magasins vendront des plants qui ne sont pas en train de bourgeonner, qui ne sont pas en train de fleurir, afin que les gens puissent les acheter et les ramener chez eux où ils commenceront à les cultiver.

Dans une maison d’habitation, chez soi, dans l’espace privé, ces plants finiront par bourgeonner et fleurir, et cela n’enfreindra pas la loi. Les gens ne peuvent tout simplement pas avoir en leur possession des plants en train de bourgeonner en public.

Le sénateur Manning : En ce qui concerne la surveillance policière de la culture à domicile, je m’interroge sur les pratiques. De quelle façon peut-on contrôler ou surveiller les activités de culture à la maison si une personne fait pousser plus de plants que ce qui lui est permis?

Faut-il qu’un rapport soit fait, ou de quelle façon prévoyez-vous surveiller les activités de culture à domicile?

M. Saint-Denis : Il est probablement préférable de poser cette question à nos collègues de la GRC lorsqu’ils comparaîtront.

J’ai mes propres opinions là-dessus, mais je préfère m’en remettre à eux.

Le président : Nous pouvons les entendre maintenant, s’ils veulent répondre brièvement.

M. Daley : La GRC sera prête à appliquer le régime du cannabis légal lorsqu’il entrera en vigueur.

Cela dit, lorsque j’aborde une enquête ou quoi que ce soit d’autre dans le cadre de ma carrière dans le domaine de l’application de la loi, je tiens compte de l’incidence globale sur la sécurité publique.

Certaines des choses auxquelles je réfléchis, lorsque je pense à l’enjeu de la culture à domicile, par exemple, c’est de savoir si les responsables de l’application de la loi pourront faire rapidement et facilement la différence entre du cannabis licite et du cannabis illicite.

Je tiens compte d’enjeux périphériques comme, par exemple, la question de savoir si la possibilité de culture à domicile est à même d’augmenter le risque de violence associé aux braquages à domicile.

Je me demande aussi si la sécurité-incendie sera problématique. Je regarde toutes ces choses dans leur ensemble. Comment vais-je appliquer la loi?

De façon générale, lorsque nous recevons une plainte du public ou si quelqu’un vient nous dire qu’il soupçonne qu’il y a un endroit où il y a plus de plants que permis en vertu du régime légal du cannabis, alors, nous envisagerions des techniques différentes.

Ce pourrait être aussi simple que le fait de surveiller la maison pour voir les allées et venues. Nous pourrions lancer une enquête complète, dans le cadre de laquelle nous pourrions ensuite tenter d’obtenir une autorisation judiciaire pour aller voir ce qui se passe dans la résidence.

Encore une fois, je m’intéresse à l’ensemble de la question de la sécurité publique plutôt qu’à un seul aspect de l’application de la loi.

La sénatrice Poirier : J’ai deux ou trois questions pour le ministère de la Justice.

Premièrement, des experts du domaine juridique, comme le Barreau du Québec, ont témoigné pour dire que le gouvernement risquait des recours collectifs si les dispositions sur l’étiquetage et la promotion n’étaient pas améliorées.

Prévoyez-vous un scénario de recours collectif contre le gouvernement?

Mme Labelle : C’est une question qui nous a aussi été posée lorsque nous avons comparu devant le Comité des affaires juridiques et constitutionnelles. De plus, une réponse du gouvernement a été fournie par écrit à l’une des questions écrites du sénateur.

Le ministère de la Justice examine chaque mesure législative pour en assurer la conformité avec la Charte et la Déclaration des droits. Il examine aussi le projet de loi pour s’assurer qu’il est conforme à toutes les autres règles ou relativement à tous les autres enjeux juridiques. Le projet de loi sera appliqué lorsqu’il entrera en vigueur, s’il est adopté par le Parlement, conformément avec les pouvoirs établis dans les dispositions législatives et réglementaires.

Je ne peux pas en dire plus au comité, parce qu’il s’agit ici de conseils protégés par le secret professionnel et appartenant au gouvernement.

La sénatrice Poirier : Essentiellement, je vous demande si, oui ou non, vous prévoyez des recours collectifs contre le gouvernement. C’est possible de répondre?

Mme Labelle : Cela fait partie de l’avis juridique qui appartient au gouvernement, alors je ne suis pas libre de vous en dire davantage.

La sénatrice Poirier : Il aurait probablement été plus simple de modifier le projet de loi C-45 en conséquence. De toute façon, j’ai une deuxième question.

Dans son rapport, le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a fait remarquer à l’unanimité que le gouvernement du Canada devrait envisager et adopter d’autres mesures pour limiter la participation du crime organisé à l’industrie du cannabis.

Pouvez-vous nous dire si le gouvernement a fait des progrès dans ce dossier? Dans l’affirmative, qu’avez-vous fait jusqu’à présent? Dans la négative, pourquoi n’en avez-vous pas fait plus?

M. Costen : C’est une excellente question.

Le projet de loi C-45 prévoit d’importants nouveaux pouvoirs, qui permettront à un organisme de réglementation — avant et pendant le processus de traitement des demandes — d’examiner minutieusement les renseignements financiers et de rendre leur communication obligatoire.

Dans la mesure où je comprends ce qui sous-tend la recommandation et le conseil, il s’agissait en fait vraiment des intérêts financiers et du rôle que les organisations criminelles peuvent jouer en coulisse, l’influence que de telles organisations peuvent avoir sur les activités des entreprises de cannabis.

Le projet de loi propose d’importantes nouvelles mesures qui viendraient s’ajouter à celles qui existent actuellement.

Vous savez probablement que nous procédons à des vérifications minutieuses, avec la GRC, de tous les principaux employés. Nous avons proposé, dans le cadre de nos propositions réglementaires, un certain nombre de nouvelles mesures qui permettraient d’augmenter encore plus la portée de l’examen des personnes voulant pénétrer dans l’industrie, et ce, tout particulièrement pour donner suite à la recommandation formulée par le comité.

La sénatrice Poirier : Ma dernière question fait suite à celle de la sénatrice Petitclerc sur la peine de 14 ans.

Dans le même scénario d’un jeune qui donne quelque chose à un autre jeune et qui risque une peine de 14 ans, s’il s’agissait non pas de cannabis, mais plutôt d’alcool, pouvez-vous s’il vous plaît me dire si la même peine s’appliquerait? Serait-elle aussi sévère?

Mme Morency : Je dirais tout d’abord que, en vertu du projet de loi C-45, le partage entre jeunes n’est pas considéré comme une infraction tout comme ce n’est pas une infraction criminelle dans le cas de l’alcool. Le traitement de cette question relève de la réglementation provinciale, alors je ne peux pas formuler de commentaire précis sur la façon dont on s’y prendrait.

Je sais que les provinces gèrent déjà les situations où des jeunes âgés de moins de 18 ou 19 ans, tout dépendant de l’âge de la majorité dans les différentes provinces, ont accès à de l’alcool. Il y a des infractions prévues à ce sujet et des infractions visant les personnes qui leur fournissent ou leur vendent de l’alcool lorsqu’il est interdit de le faire.

La sénatrice Poirier : D’après ce que j’ai compris, c’est une amende qui n’a rien à voir avec le fait d’imposer une peine d’emprisonnement de 14 ans à un adulte qui donne quelque chose à un jeune. Le fait de donner du cannabis est différent de la situation où un adulte donne de l’alcool à un jeune, ce qui est aussi illégal.

Il y a une différence assez importante d’après ce que les témoins ont dit.

Le président : Pouvez-vous formuler des commentaires à ce sujet? C’est un enjeu important.

M. Saint-Denis : Encore une fois, beaucoup d’experts et de témoins parlent de la peine de 14 ans, et dans leurs déclarations, ils insinuent toujours que la pénalité sera imposée. En fait, elle ne l’est jamais, sauf dans les pires scénarios.

Un adulte, une personne qui a à peu près le même âge, 18 ou 19 ans, qui donne du cannabis à un jeune, qui a moins que 18 ans, ne recevra jamais une peine s’approchant, même de loin, de 14 ans d’emprisonnement.

La sénatrice Poirier : Puisque cela n’arrive jamais, pourquoi l’inclure?

M. Saint-Denis : Eh bien, parce que les cas que vous avez choisis sont les plus anodins. Il y a des possibilités beaucoup plus graves, des cas où, peut-être, des membres du crime organisé pourraient distribuer de la drogue à des jeunes à des fins de vente ou de distribution à d’autres jeunes, et, dans un tel cas, on pourrait envisager d’imposer une peine beaucoup plus sévère à une personne qui travaille pour le crime organisé.

La sénatrice Poirier : Ce pourrait aussi se produire avec l’alcool.

M. Saint-Denis : Ce sont des questions vraiment factuelles.

Le sénateur Dean : Je veux revenir pour aider ma collègue la sénatrice Seidman sur la question des limites de THC. La façon la plus efficiente de le faire, c’est de vous présenter ma vision des choses.

Je crois que, dans le projet de règlement élaboré par Santé Canada, on aborde la question des limites de THC. D’après ce que j’ai compris en lisant ces dispositions réglementaires, pour le cannabis séché destiné à être fumé ou vapoté, la limite naturelle de 30 p. 100 de THC s’appliquerait.

De plus, et je crois que M. Costen l’a souligné, les produits de cannabis séché destinés à être fumés ou vapotés et vendus sous forme de produit préroulé à usage unique ne pourraient pas contenir plus d’un gramme de cannabis séché, de façon à aider les consommateurs à gérer leur consommation. On parle de doses, ici.

Pour ce qui est de l’huile de cannabis, le seul autre produit qui serait autorisé durant la première phase de légalisation, on proposerait une limite réglementaire de 30 mg de THC par millilitre d’huile ou 3 p. 100 de THC. De plus, pour garantir que les doses seront sécuritaires, l’huile de cannabis vendue à l’unité, comme des capsules, ne pourrait pas contenir plus de 10 mg de THC par unité, une quantité normalisée conforme aux limites établies dans la plupart des États américains pour les produits destinés à l’ingestion.

Pouvez-vous confirmer si j’ai bien compris? Je crois que c’est la question précise que posait la sénatrice Seidman. Est-ce que j’ai bien compris la réglementation proposée?

John Clare, directeur, Affaires politiques, législatives et réglementaires, Santé Canada : C’est exact. Ce sont les propositions qui ont été énoncées dans le document de consultation que le gouvernement a publié en novembre avant la rédaction finale de ces règlements.

Le sénateur Dean : Toujours d’un point de vue pratique, pour mettre à l’épreuve ma propre compréhension, ici, j’ai cru comprendre en parlant à beaucoup de producteurs qu’il est très difficile de produire et de distribuer de grandes quantités de produits affichant un taux de THC de 30 p. 100.

Dans la pratique, un pourcentage de 26 ou 27 p. 100 est probablement la plus haute teneur qu’on peut produire à grande échelle pour la vente. En effet, de tels produits sont vendus dans le système thérapeutique. En fait, une gamme de produits allant de zéro THC ou 100 p. 100 CBD jusqu’à 25 ou 26 p. 100 de THC est la gamme de produits au sein du marché auquel on peut s’attendre dans un marché légal et réglementé, et tout ce qui se trouve entre ces deux extrêmes, bien sûr.

Mon dernier point, et ce n’est que mon point de vue, c’est qu’il y aurait deux produits, évidemment, sous différentes formes, qui seraient accessibles initialement dans le marché légal par opposition à ce que je pourrais appeler un pot-pourri de produits qu’on peut trouver dans un magasin du marché By devant lequel je suis passé par hasard l’autre soir.

Dans les deux cas, on se situe au bas de l’échelle de puissance. Par conséquent, si on commence à toucher à tout cela et qu’on commence à envisager d’imposer des limites de puissance, tout cela causera, en effet, une réaction psychologique. Si on me dit que je peux seulement avoir 8 p. 100 de THC, je vais essayer de trouver des produits qui en contiennent 16 ou 26 p. 100.

J’essaie de contextualiser toute cette question de la puissance du THC. En effet, des limites sont proposées, et on a là une réponse très claire à tout cela. Les limites figurent dans la réglementation proposée, et il y a des notes explicatives qui y sont associées.

C’est pourquoi j’appuie le témoignage que nous avons entendu. L’idée de commencer à imposer des limites, surtout si on impose des niveaux plus bas en fonction de l’âge, auront au bout du compte deux effets : premièrement, les gens consommeront davantage pour obtenir les effets désirés, et ce, peu importe la façon dont on essaie d’imposer des limites, et, deuxièmement, on ira à l’encontre de l’objectif de la loi en poussant, particulièrement les jeunes consommateurs, vers le marché illégal dans lequel, nous le savons, les produits ne sont pas testés ni en ce qui concerne la puissance ni en ce qui concerne les contaminants. Soit dit en passant, il n’y a pas non plus de vérification de l’âge pour acheter de tels produits.

La sénatrice Omidvar : Je veux m’en tenir à la culture à domicile, si vous me le permettez. Une majorité de sénateurs du Comité des affaires juridiques ont voté en faveur de l’interdiction de la culture à domicile. Je dis non pas à l’unanimité, mais à la majorité.

Pouvez-vous nous parler de l’incidence de l’interdiction de la culture à domicile sur les Canadiens qui vivent dans des collectivités rurales et éloignées et de l’incidence que tout cela aurait sur leur accès?

M. Costen : Votre question est liée à des commentaires formulés précédemment sur l’incidence sur les communautés minoritaires ou racialisées, et pas seulement sur les collectivités rurales ou éloignées.

C’est assurément une question qui a été soulevée dans le cadre de mon travail et de conversations que j’ai eues avec des particuliers, des organisations et des représentants du gouvernement, par exemple, dans le Nord de l’Ontario, au Labrador et partout à Iqaluit. Non seulement il est peu probable qu’il y aura des points de vente ayant pignon sur rue à distance raisonnable, mais, franchement, l’accès sur Internet et l’accès aux cartes de crédit sont aussi limités.

Dans ces situations, toute la conversation sur la production limitée à des fins personnelles semble vraiment être la seule solution de rechange, la seule option d’accès légale. Il vaut la peine d’en tenir compte lorsqu’on regarde la recommandation qui a été formulée par le comité.

Si la culture à domicile était carrément interdite dans les situations où des personnes dans certaines collectivités n’ont ni accès à un point de vente ni facilement accès sur Internet ou même, comme nous l’avons entendu, à des cartes de crédit, ce serait très difficile, peut-être même impossible, pour ces personnes d’avoir un accès légal. On craint que des entités illégales ne viennent profiter de ces genres de situations.

La sénatrice Omidvar : De plus, nous avons entendu dans le cadre des témoignages que la Fédération canadienne des associations de propriétaires immobiliers craignait que la culture à domicile endommage les propriétés, y compris des dommages par moisissure, par exemple.

Pouvez-vous formuler des commentaires à ce sujet?

M. Costen : Je vais vous dire deux choses, et je vais peut-être demander de l’aide si j’ai tort.

La première partie de la réponse consiste simplement à rappeler le fait qu’il s’agit vraiment d’une proposition axée sur la coopération, ce qui signifie que d’autres ordres de gouvernement pourraient imposer des règles supplémentaires en vertu des pouvoirs qui leur sont conférés.

Par exemple, des règles relatives aux propriétaires et aux locataires pourraient être élaborées et adaptées pour atténuer certains des problèmes qu’on vous a décrits.

Petite mise en contexte : le comité se rappellera peut-être que nous avons mentionné à quelques reprises l’Enquête nationale sur le cannabis.

L’une des questions qui étaient posées dans le cadre de cette enquête concernait l’endroit où les gens avaient actuellement accès à leur cannabis et là où ils étaient susceptibles d’y avoir accès à l’avenir. De toutes les personnes qui consomment du cannabis, seulement environ 2 p. 100 envisageaient vraiment en faire pousser eux-mêmes.

Imaginons un scénario d’un immeuble d’appartement et qu’on exprime la crainte que, peut-être, chaque personne dans chaque appartement voudra faire pousser la quantité maximale permise. Les données auxquelles nous avons accès quant à la probabilité qu’un tel scénario se concrétise révèlent qu’il s’agit d’un scénario très peu probable. Les consommateurs nous disent que, si on leur donne le choix, ils iront au magasin.

Le sénateur Tannas : J’aimerais revenir à vos réponses relativement aux recommandations du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles. Je vais commencer par le chef, qui a répondu au troisième point.

Dans votre réponse, vous avez indiqué ne pas avoir la capacité de protéger les plants saisis, de vous en occuper et de les renvoyer aux personnes à qui ils doivent être rendus. Vous n’avez tout simplement pas cette capacité.

Cet amendement vise précisément à vous libérer de cette obligation ou à dire explicitement que vous n’avez pas cette obligation.

Aimeriez-vous que cet amendement précis soit inclus?

M. Daley : Comme je l’ai dit, mon travail consiste à faire appliquer la loi, et pas à formuler des commentaires sur les décisions politiques ou quoi que ce soit d’autre. Mon travail consiste à appliquer la loi et à dire tout simplement, comme vous l’avez souligné, que nous n’avons pas les installations ni les ressources nécessaires pour nous occuper de plantes vivantes.

Mon rôle consiste en partie à formuler ce genre de commentaire. S’il est décidé que telle sera la loi, alors nous devrons apporter les améliorations nécessaires pour la respecter.

Le sénateur Tannas : Il y aura donc une division du jardinage au sein de la GRC.

M. Daley : Nous allons apporter les modifications nécessaires pour respecter la loi.

Le sénateur Tannas : Je pense que Mme Labelle a répondu, au sujet de la sixième recommandation, qu’il s’agissait d’une préoccupation dont on tenait déjà compte, qu’il va sans dire qu’on s’occupe des jeunes. Ce n’était peut-être pas vous.

Peu importe de qui il s’agissait, si c’est là l’intention, quel serait le problème? Quelqu’un a dit que le gouvernement était tout à fait d’accord, alors quel serait le mal à dire explicitement ce que nous ressentons tous, ce qui va de soi et ainsi de suite? Quel serait le mal?

Le Barreau du Québec — ce n’est pas un groupe d’empotés — a suggéré d’inclure un tel amendement. Comment justifiez-vous le fait de ne pas être explicite?

Mme Morency : Premièrement, je vous répondrais en disant que le projet de loi est déjà explicite à cet égard, à l’article 5.

Deuxièmement, si le comité devait adopter cette suggestion, il faudrait inclure un deuxième article qui dirait à peu près la même chose. Des préjudices pourraient être causés involontairement, cela ne fait aucun doute.

Qu’est-ce que la première disposition veut dire s’il faut en mettre une deuxième? Si on ne l’inclut pas maintenant et dans toutes les autres lois pénales fédérales adoptées à l’avenir, est-ce que cela signifie qu’un tel principe ne s’applique pas? Cela signifie-t-il que les dispositions de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents ne s’appliquent pas?

Je pense que la réponse compte deux volets. Premièrement, j’avance respectueusement que le projet de loi C-45 dont le comité est saisi tient compte précisément de cette préoccupation. Deuxièmement, le fait d’ajouter cette disposition supplémentaire tout de suite après l’autre disposition qui est déjà claire causera probablement une certaine confusion quant à la signification de la disposition qui est déjà là.

Le sénateur Tannas : Le Barreau du Québec et le Comité des affaires juridiques et constitutionnelles se sont trompés. Ils n’ont pas bien lu le projet de loi. Vous dites que c’est déjà là.

Mme Morency : Nous comprenons ce qui a motivé la recommandation et le désir d’être le plus clair possible. À notre avis, le projet de loi est très clair et, malgré les meilleures intentions associées à cette recommandation, cet amendement pourrait avoir une conséquence négative non intentionnelle et causer plus de confusion, que ce soit dans le projet de loi C-45, maintenant, ou dans le cadre d’une autre réforme du droit pénal fédéral où on n’inclurait pas, à l’avenir, deux références précises.

Le président : Nous avons dépassé le temps qui était imparti, mais je crois qu’il s’agit d’un rapport très détaillé qui mérite le genre de réflexion qu’on y accorde. J’espère que nous pourrons rattraper un peu le retard lorsqu’on examinera certains des prochains rapports.

J’ai une question à poser, puis je demanderai si quelqu’un a une question brûlante.

Vous avez formulé des commentaires sur la huitième recommandation du comité, soit qu’il ne faut pas imposer aux jeunes des sanctions plus sévères que celles imposées aux adultes. Vous avez dit que cela ne fonctionnera pas ainsi et que le système tiendra compte de tout cela.

C’est aussi un enjeu qui sera abordé dans le cadre du système de justice pénale pour les adolescents. Je sais que c’est un système différent du système général, mais il contient tout de même le mot « criminel ». Cela veut-il dire que, si c’est ce système qui est en jeu, la personne aurait tout de même, en fait, un casier judiciaire?

Mme Morency : En vertu de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, un jeune se retrouvera avec un casier judiciaire s’il est reconnu coupable. Il y a des règles prévues dans la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents qui concernent la pérennité de ce casier. Tout dépend de la nature de l’infraction. Le casier est conservé pendant un certain temps, puis il est effacé.

Plutôt que d’imposer des chefs d’accusation, par exemple, qui mèneraient à une condamnation, la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents offre aux organismes d’application de la loi la marge de manœuvre nécessaire pour donner à un jeune un avertissement ou une mise en garde depuis 2012. Cet avertissement ou cette mise en garde sera documenté, mais ne sera pas associé à un casier judiciaire.

Le projet de loi C-45 vise à s’assurer que les jeunes n’ont pas accès à du cannabis. Il s’appuie entièrement sur la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents en ce qui a trait au traitement des infractions impliquant des jeunes. Le projet de loi fait une distinction en ce qui concerne la possession de 5 grammes par un jeune. Les jeunes ne seraient pas criminalisés lorsqu’ils possèdent moins de 5 grammes, tandis que le seuil pour les adultes est différent.

Le président : D’après les statistiques que nous obtenons au sujet des accusations, des accusations importantes sont encore portées, même en cette période intérimaire, alors que nous attendons la nouvelle loi, et ce, pour des délits de possession simple. La plus grande catégorie de consommateurs est celle des jeunes.

De quelle façon peut-on être rassuré lorsqu’on voit qu’il y a encore beaucoup d’accusations et beaucoup de criminalisation et que tout cela peut potentiellement avoir un effet destructeur sur la vie de tant de personnes?

Mme Morency : Il faut trouver un juste équilibre entre les différents objectifs. Le groupe de travail a recommandé de permettre aux jeunes de se retrouver en possession des mêmes quantités que les adultes. Le gouvernement, qui propose le projet de loi C-45, croit que ce seuil est trop élevé et que la consommation de cannabis est trop préjudiciable pour la santé et le bien-être des jeunes.

Cependant, le gouvernement reconnaît également que le fait de soumettre un jeune qui possède une très petite quantité, soit 5 grammes ou moins, à une intervention musclée du système de justice pénale, est encore plus préjudiciable.

C’est la raison pour laquelle le gouvernement propose seulement de criminaliser la possession par un jeune de plus de 5 grammes. En bas de 5 grammes, le système de justice pénale ne s’en mêle pas, mais les provinces pourraient intervenir. Dans le cadre des interventions provinciales, les services de police sont autorisés à saisir le produit et à gérer la situation conformément au régime d’infractions provincial.

Le président : Cela soulève la question de savoir ce qui est pire, la consommation de marijuana ou sa criminalisation. Quoi qu’il en soit, y a-t-il d’autres questions brûlantes?

Le sénateur Oh : Les mineurs âgés de moins de 18 ans ne peuvent pas, actuellement, présenter une demande de citoyenneté pendant qu’ils sont accusés en vertu de la Loi sur le système de justice pénale pour adolescents. Toutefois, ils peuvent présenter une telle demande après avoir été condamnés.

C’est exact?

Mme Morency : Je crains de ne pas être en mesure de vous dire si la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés inclut une telle disposition.

Dans la mesure où je suis au courant de la préoccupation concernant la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés et le projet de loi C-45, il s’agissait plutôt de savoir ce qui se passait en cas de déclaration de culpabilité.

Est-ce que cela aurait un impact négatif sur la capacité d’un résident permanent au titre de la LIPR, s’il s’agissait d’un acte criminel au titre de la LIPR… Je ne crois pas que ce soit ce que vous demandez?

Je serai heureuse de voir si je peux obtenir une réponse de nos collègues de Citoyenneté et Immigration, mais je ne suis pas en position de répondre.

Le sénateur Oh : Je vous en serais reconnaissant.

La sénatrice Seidman : Je veux revenir à la première recommandation. Je sais que la sénatrice Petitclerc a posé une question et que nous en avons discuté dans une certaine mesure, mais j’aimerais être vraiment sûre de ce que j’ai compris.

Les provinces se sont vu accorder certains droits de compétence relativement à divers aspects du projet de loi comme l’âge et la vente au détail des produits. Pourquoi les provinces et les territoires ne pourraient-ils pas déterminer ce qui est dans l’intérêt de leurs collectivités au chapitre de la culture à domicile?

Le Québec et le Manitoba ont déjà décidé qu’ils veulent interdire cette pratique. Pourquoi ces provinces ne devraient-elles pas aussi avoir ce droit de compétence?

Mme Labelle : Il y a ici à la fois une dimension stratégique et une dimension juridique. Du point de vue stratégique, nous pouvons revenir au rapport du groupe de travail qui a examiné la question de la culture à domicile. Le groupe a aussi étudié ce qui s’était produit dans les États qui avaient légalisé le cannabis et autorisé la culture à domicile.

D’après ce que j’ai compris, la plupart des États qui ont légalisé la consommation de cannabis par des adultes ont aussi permis la culture à domicile. Le groupe de travail s’est penché sur cette question. Nous avons visité certains de ces États. Du point de vue stratégique, les intervenants ont recommandé au gouvernement de permettre la culture à domicile. On a établi la limite à 4 plants, plutôt que 6, 8 ou 12 plants comme c’est le cas dans certaines administrations américaines.

On pensait que cela aiderait à réduire les activités illicites. On donnerait ainsi aux adultes un accès à une source légale de cannabis. Le gouvernement, qui a étudié le rapport du groupe de travail, a tenu compte de cette réalité. C’est la raison pour laquelle il a permis la culture de jusqu’à quatre plants.

Du point de vue juridique, il a été établi que le droit pénal ne s’applique pas à la culture de quatre plants ou moins. En n’appliquant pas le droit pénal à cette question, on laisse aux provinces une certaine marge de manœuvre pour établir des restrictions supplémentaires. Cependant, elles doivent le faire en gardant à l’esprit les objectifs de la loi fédérale.

Les deux principaux objectifs de la loi fédérale sont peut-être de permettre aux adultes d’avoir légalement accès à un approvisionnement grâce à la production de cannabis et d’aider à éliminer le marché illicite, pas d’encourager la culture à domicile illégale. Ce sont là les objectifs que les provinces et les territoires doivent garder à l’esprit au moment d’élaborer leurs lois.

Ce faisant, il est possible, comme le Québec et le Manitoba l’ont fait, d’interdire la culture à domicile. Le gouvernement fédéral a dit clairement que je ne contesterais pas les lois provinciales à ce sujet. Cependant, les gens peuvent juger que c’est trop restrictif et peuvent s’opposer aux lois de leur province.

C’est dans ce contexte qu’un tribunal pourrait examiner les objectifs des lois fédérales et provinciales pour trancher en conséquence.

La sénatrice Seidman : Le ministre québécois Jean-Marc Fournier a comparu devant le Comité des affaires juridiques et constitutionnelles. Il a reconnu les complications lorsqu’il a dit ce qui suit :

Vous pourriez le préciser afin de prévenir les contestations judiciaires et montrer que vous préférez voir le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux travailler ensemble plutôt que de s’opposer.

Le gouvernement fédéral a l’occasion de clarifier cette question et de s’assurer de le faire dans la loi actuelle.

Mme Labelle : Les représentants à l’échelon fédéral et moi croyons que les ministres de la Justice et les procureurs généraux de partout au pays se réunissent pour discuter et communiquer sur le cannabis.

Encore une fois, je renvoie au témoignage du ministre de la Justice devant le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, lorsqu’il a dit qu’il était dans notre intérêt à tous d’établir un programme national où les règles fixées par le gouvernement fédéral s’appliqueraient à l’échelle du pays.

Au bout du compte, l’objectif du gouvernement fédéral, c’est de permettre la culture à domicile de jusqu’à quatre plants afin d’assurer cette uniformité à l’échelle nationale.

Le président : Je vais apporter une précision. Vous avez dit que, si une province comme le Québec ou le Manitoba décide de permettre zéro plant, elles peuvent en permettre quatre, trois, deux ou un, mais elles ne peuvent pas ne permettre aucun plant en vertu de la loi. Vous avez dit que le gouvernement fédéral a affirmé clairement qu’il ne s’y opposerait pas.

Cependant, si un citoyen intente une poursuite devant les tribunaux, que fera le gouvernement fédéral? Interviendra-t-il ou restera-t-il sur les lignes de côté?

Mme Labelle : Si une loi provinciale qui fait aussi intervenir une loi fédérale est contestée par un particulier, par exemple, alors le gouvernement fédéral cherchera à défendre sa loi.

Le président : Nous devons remercier les témoins parce que nous avons dépassé le temps prévu. C’était très important de discuter de bon nombre de ces questions. Merci beaucoup.

Le deuxième rapport dont nous nous occuperons maintenant est celui du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones. Encore une fois, je souhaite la bienvenue aux représentants de Santé Canada et du ministère de la Justice.

J’accueille aussi Sheilagh Murphy, sous-ministre adjointe, Terres et développement économique du ministère des Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada; Valerie Gideon, sous-ministre adjointe principale, Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits; et, enfin, Stefan Matiation, directeur et avocat général du Centre de droits autochtones du ministère de la Justice, qui se sont joints à nous.

Sauf si vous avez des déclarations préliminaires, j’attire votre attention sur le rapport, à la page 16, et sur les amendements recommandés. Il y a aussi des recommandations de politiques, mais, quelle que soit la façon dont le comité les traitera, il s’agirait là d’observations.

Les amendements recommandés au projet de loi à la page 16 commencent, premièrement, par le report de l’entrée en vigueur pour les motifs décrits aux points a) à e). Le deuxième amendement consiste à exiger que la ministre de la Santé réserve au moins 20 p. 100 des licences de production de cannabis et ainsi de suite.

J’aimerais obtenir vos commentaires sur la page 16, les recommandations et la justification de la position du gouvernement relativement à ces recommandations.

M. Costen : Je peux commencer. Monsieur le président, voulez-vous procéder de façon similaire à ce qu’on a fait précédemment, en commencelant par le point 1a), puis en passant toute la liste?

Le président : Oui.

M. Costen : Je vais dire quelques choses au sujet de la première recommandation en laissant tomber des sous-points, tout simplement pour commencer, puis mes collègues des autres ministères pourront assurément vous faire part de leurs réflexions sur les autres recommandations.

Au cours de la séance précédente, on m’a posé une question sur le report de la mise en œuvre. Afin d’être respectueux et de ne pas faire perdre du temps à tout le monde, je ne sais pas si je veux vraiment répéter tout ce que j’ai déjà dit.

En guise de commentaires, je dirai peut-être que le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones a certainement entendu et discuté longuement des questions liées à l’engagement et à l’intérêt au sein des collectivités des Premières Nations, des Inuits et des Métis. L’intérêt qu’ils ont constaté est très varié. Et il y avait de tout, depuis les questions et préoccupations liées à la santé et aux répercussions communautaires de ces décisions jusqu’aux répercussions sur l’application de la loi, la sécurité communautaire et les intérêts économiques.

Les travaux du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones reflètent que la réalité actuelle dans beaucoup de collectivités n’est pas si différente de celle dans le reste du pays, dans la mesure où les gens ont un accès libre et facile au cannabis. Du cannabis est vendu ouvertement et, dans certaines collectivités, les magasins prolifèrent. Encore une fois, ce n’est pas très différent de ce qu’on peut voir à Toronto, Vancouver, Ottawa ou la plupart des grandes villes de nos jours.

Le produit qui est vendu, comme on en a longuement discuté, est libre de toute surveillance gouvernementale et, en fait, de toute surveillance; il y a un certain nombre de préjudices qui sont associés à une telle situation.

Réfléchir aux questions associées au report ne consiste pas à faire fi des préoccupations et des questions très légitimes quant à la façon dont on mettra tout cela en place de la façon la moins perturbatrice et la plus bénéfique pour les collectivités. Il s’agit plutôt de reconnaître que tout retard préserverait en fait le statu quo. Le sentiment en ce qui a trait à la prolifération, le mouvement précoce, l’anticipation et le chaos, pour ainsi dire, se poursuivraient probablement.

La position du gouvernement a été d’investir beaucoup de temps et d’effort pour aller dans les collectivités. Depuis notre dernière discussion avec le Comité des peuples autochtones et vous, nous avons fait 50 ou 60 visites communautaires. Nous en faisons trois ou quatre par semaine dans les collectivités. Nous parlons aux chefs et conseils et, dans le cas des collectivités des Premières Nations, nous parlons à des membres de la collectivité et à des organisations, et l’objectif est vraiment d’entendre leurs préoccupations. Nous travaillons en collaboration pour mettre au point des stratégies permettant de dissiper ces préoccupations. Nous envisageons aussi des stratégies pour les aider à participer au sein de la nouvelle industrie réglementée, et ainsi de suite.

C’est ce que je dirais en réaction à la toute première recommandation concernant les retards. Je ne pense pas que Sheilagh Murphy ou Valerie Gideon ait quelque chose à ajouter, ici.

Le président : Vous n’allez donc pas passer en revue les points a), b), c), d) et e).

M. Costen : Nous pouvons bien sûr le faire.

Le président : Nous pouvons attendre jusqu’à la période des questions, sauf si vous avez quelque chose à répondre dans ces cas-là.

M. Costen : Dans ce cas, j’aimerais bien souligner certaines choses à cet égard.

Pour ce qui est des questions fiscales, comme vous le savez probablement, elles ne figurent actuellement pas dans le projet de loi C-45. Les questions liées à la taxe d’accise sont réglées entièrement par la Loi d’exécution du budget.

Je ne sais pas si nous avons des commentaires à formuler sur le point a).

Sheilagh Murphy, sous-ministre adjointe, Terres et développement économique, ministère des Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada : Assurément, la question de la fiscalité relève du ministre des Finances. Dans le cadre des nouveaux efforts touchant les relations financières que nous réalisons en collaboration avec le ministère des Finances du Canada, avec les Premières Nations autonomes et avec l’APN, l’objectif dans le cadre de ce processus est de réfléchir à la fiscalité, à la modification de la fiscalité des Premières Nations, des Premières Nations autonomes et des Autochtones, ainsi qu’au partage des revenus tirés des ressources et à ces types de mécanismes.

Les discussions à ce sujet se dérouleront à cet endroit. Le gouvernement a été très clair à ce sujet. L’APN a publié un document en décembre 2017 sur l’état des nouvelles relations financières. Je peux vous fournir ce document en supplément.

Le président : Y a-t-il des commentaires sur le point b)?

M. Costen : Pour ce qui est du point b), très rapidement, c’est une chose dont nous sommes pleinement conscients. En fait, le dernier budget fédéral prévoyait 62,5 millions de dollars pour soutenir les efforts d’éducation communautaire, y compris dans les collectivités autochtones.

Il s’agit d’une mesure très concrète qui reflète le besoin et la volonté du gouvernement de travailler en collaboration avec les collectivités pour élaborer du matériel éducatif adapté à la culture et à la langue. Nous traduisons actuellement un certain nombre de documents qui ont déjà été préparés dans une diversité de langues autochtones.

C’est là une recommandation très importante et essentielle, qui reflète la route que nous empruntons actuellement, et j’ajouterais qu’il y a déjà beaucoup de travail en cours à cet égard.

Valerie Gideon, sous-ministre adjointe principale, Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits, ministère des Services aux Autochtones Canada : La Thunderbird Partnership Foundation est dirigée par Carol Hopkins. Elle a récemment reçu l’Ordre du Canada. Il s’agit d’une experte autochtone très reconnue en santé mentale et en toxicomanie. Elle dirige des séances de dialogue régional à l’échelle du pays pour fournir des renseignements sur l’élaboration d’outils d’éducation publique précis. Elle a un solide appui des Premières Nations et des autres chefs autochtones pour réaliser ce travail.

Le tout sera présenté au groupe de travail de l’Assemblée des Premières Nations qui s’intéresse précisément à la légalisation du cannabis, entité que nous soutenons nous aussi. Les réunions ont commencé récemment. Le groupe a embauché une personne chargée précisément de coordonner les travaux du groupe de travail. Les responsables prévoient tenir un sommet national, qui sera aussi une occasion d’obtenir des commentaires précis de la part des collectivités au sujet du matériel éducatif.

La ministre Philpott est aussi très résolue à fournir les ressources précises prévues dans le budget de 2018 pour le traitement de la toxicomanie, ce dont je parlerai relativement à une autre composante de vos recommandations. Elle s’est montrée très ferme en veillant à ce que nous menions une campagne d’éducation publique dans le cadre des efforts pour répondre aux besoins complexes des collectivités à risque élevé en ce qui concerne les toxicomanies, et j’inclurais aussi les problèmes liés au cannabis.

Le président : Le préambule au point no 1 prévoit que le « gouvernement du Canada [négocie et adopte] les mesures suivantes ».

Lorsque vous parlez de toutes ces choses que vous faites, le faites-vous dans le cadre de négociations?

Mme Gideon : Vous voulez parler du matériel d’éducation publique?

Le président : Le préambule, y compris les points a), b), c), d) et e). Je parle de la page 16 du rapport du comité. On y parle du report, qui peut atteindre un an, mais on précise que l’objectif du retard est de « permettre aux collectivités des Premières Nations, aux Inuits et aux Métis et au gouvernement du Canada de négocier et d’adopter les mesures suivantes ».

Est-ce le processus?

Mme Gideon : Le travail que nous avons commencé l’année dernière en collaboration avec le Thunderbird Partnership Foundation et l’Assemblée des Premières Nations visait à préparer l’entrée en vigueur de la légalisation, cette année.

Je ne sais pas, monsieur Costen, si vous avez des commentaires précis à faire à ce sujet.

Le président : C’est une forme de consultation, n’est-ce pas, plutôt qu’un processus de négociation et d’adoption? J’essaie de comprendre dans quelle mesure c’est ce que vous faites actuellement.

Mme Gideon : Nous répondons aux besoins dont ils nous ont fait part afin de soutenir l’éducation de leurs membres.

M. Costen : Valerie Gideon décrit les projets que j’ai mentionnés de façon très générale ainsi que les fonds prévus dans le budget. Il y a vraiment des négociations et des conversations avec les collectivités durant lesquelles ces dernières nous font part de leur intérêt, et nous faisons de notre mieux pour répondre à leurs besoins avec les fonds qui nous ont été fournis.

Le président : Y a-t-il des commentaires sur le point c)?

Stefan Matiation, directeur et avocat général, Centre de droit autochtone, ministère de la Justice Canada : En ce qui a trait au point c), je souligne qu’il y a aussi une recommandation de politiques à ce sujet. Je soupçonne que nous aurons d’autres discussions à ce sujet également.

On aborde ici la question de la compétence autochtone. Pour commencer, j’aimerais formuler quelques commentaires à ce sujet. La Loi sur le cannabis en tant que telle est une loi d’application générale qui s’appliquera à tous les Canadiens, y compris les Autochtones. Le régime en tant que tel n’inclut pas de disposition reconnaissant ou habilitant les législateurs autochtones dans ce domaine.

Comme c’est le cas pour le Code criminel et la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, il s’agit d’une loi qui fonctionnera dans le cadre d’autres lois et en vertu d’autres pouvoirs. Certaines collectivités autochtones au Canada ont des pouvoirs liés à l’autonomie gouvernementale en vertu de leurs lois. Il y a des règles dans ces ententes relativement à la relation entre l’élaboration des lois autochtones et certaines choses comme la législation pénale et le Code criminel.

En vertu de la Loi sur les Indiens, il y a aussi certains pouvoirs réglementaires concernant les boissons alcoolisées. Certaines Premières Nations utilisent ces pouvoirs de réglementation pour régler divers problèmes liés aux substances intoxicantes et à la santé et au bien-être des membres de leur collectivité.

Le régime ne traite pas des compétences en tant que telles, mais il s’inscrira dans un cadre actuel au sein duquel les gouvernements autochtones ont d’autres types de pouvoir.

Le président : Le point d) concerne un financement substantiel. C’est une question stratégique pour le gouvernement, mais que fait-on pour le reste de tout cela?

Mme Gideon : La dernière fois que nous avons eu l’occasion de nous adresser au comité, nous avons parlé d’investissements importants qui avaient été faits par le gouvernement dans le budget de 2016 dans le domaine de la santé mentale. Des équipes responsables du mieux-être mental ont été mises sur pied un peu partout au pays, ce qui a quadruplé leur nombre.

Elles se trouvent toutes dans des collectivités autochtones et reçoivent leurs mandats des dirigeantes et dirigeants. Chaque équipe sert de 4 à 10 collectivités. Dans des provinces comme l’Ontario et la Saskatchewan, par exemple, toutes les collectivités ont l’obligation d’offrir un accès à une équipe de mieux-être mental. Nous avons également établi une ligne d’information sur le mieux-être qui offre maintenant une fonction de clavardage similaire à la fonction de clavardage de Jeunesse, J’écoute. Tout cela est régi et géré par une organisation autochtone.

Nous avons également reçu, dans le budget de 2017, 204 millions de dollars, des fonds destinés précisément à la santé mentale, pour continuer à améliorer l’accès aux services dans nos collectivités. Cela inclut l’élargissement des services de santé non assurés et du counseling en santé mentale afin d’inclure l’accès aux guérisseurs traditionnels. Au cours des dernières années, le recours aux services de counseling en santé mentale et aux services non assurés a augmenté de 100 p. 100. Il s’agit là d’une amélioration importante de l’accès à cette prestation.

Nous utilisons aussi des ententes de financement avec les collectivités pour offrir cette prestation plutôt que de procéder uniquement sur une base individuelle ou familiale, et cela a aussi permis d’élargir l’accès.

Depuis que nous avons eu l’occasion d’en parler au comité avant le budget de 2018, nous avons aussi eu accès à 248 millions de dollars dans ce budget pour assurer l’expansion du Programme de soutien en santé — résolution des questions des pensionnats indiens, un programme qui a beaucoup de succès et qui soutient les familles, les particuliers et les collectivités dans leur processus de guérison associé aux répercussions intergénérationnelles des pensionnats et d’autres répercussions liées à la colonisation.

Nous avons aussi eu accès à 200 millions de dollars pour le traitement des dépendances, plus précisément sur 5 ans, assortis de 40 millions de dollars de façon continue pour élargir l’accès aux traitements et renforcer la capacité des initiatives sur le terrain grâce à un éventail de mécanismes différents visant à améliorer et moderniser l’accès aux services de traitement de la toxicomanie dans les collectivités.

Comme nous l’avons indiqué durant notre dernière séance devant le comité, nous continuons de soutenir l’évaluation de faisabilité liée à la conception d’un centre de traitement au Nunavut qui, comme nous l’avons mentionné, serait construit en vertu d’un partage des frais avec les organismes de revendications territoriales, le gouvernement fédéral et les gouvernements territoriaux, qui continuent de planifier cet effort.

On peut mentionner ici le fonds On The Land Collaborative, dans les Territoires du Nord-Ouest. En outre, de tels services de traitement ont aussi été offerts au Yukon. Il y a beaucoup de progrès et de renforcement des capacités et de l’accès en ce qui a trait à la santé mentale et la toxicomanie comparativement à la situation dans laquelle nous nous trouvions en 2015.

Le président : En effet, vous avez travaillé en collaboration. Il y a enfin la deuxième recommandation, selon laquelle la ministre de la Santé doit réserver au moins 20 p. 100 des licences de production de cannabis aux producteurs établis sur les terres relevant de gouvernements autochtones ou leur appartenant.

M. Costen : Je peux vous en parler, monsieur le président. Il y a une équipe importante lorsque les représentants et moi-même nous rencontrons en personne. Je n’ai peut-être pas été assez clair lorsque nous avons eu l’occasion de présenter le régime de licences proposé au Comité des peuples autochtones.

La proposition ne comprend pas l’idée d’une entente de gestion de l’offre en vertu de laquelle le gouvernement établirait un quota ou un nombre maximal de licences de quelque nature que ce soit. Il s’agit vraiment d’un programme dans le cadre duquel les règlements énonceront les critères d’octroi des licences. Les demandeurs présenteront des demandes pour obtenir une licence, puis ils l’obtiendront. C’est ensuite le marché qui, au bout du compte, déterminera combien il y en aura et ce à quoi le marché ressemblera.

Ce n’est pas un arrangement dans le cadre duquel le gouvernement a dit qu’il allait seulement émettre 100 licences. Pour savoir ce à quoi ressemble une part de 20 p. 100 des licences, il faudrait avoir un certain dénominateur.

La façon dont cette recommandation a été formulée laisse entendre qu’il existe un tel dénominateur. La réalité, c’est qu’il peut y avoir un nombre quasiment infini de licences. Il n’est pas possible de calculer 20 p. 100 d’un nombre infini.

Dans la mesure où nous comprenons la prérogative qui sous-tend la recommandation, il s’agit d’assurer la participation des collectivités et des entreprises autochtones dans le marché réglementé. C’est un objectif relativement auquel le gouvernement a déployé pas mal d’efforts.

J’aimerais souligner deux choses. Récemment, dans le cadre du programme de délivrance des licences pour la production du cannabis thérapeutique, nous avons créé ce que nous appelons un service de navigation pour les entreprises autochtones et les Autochtones en particulier. Reconnaissant qu’il peut être difficile de s’y retrouver lorsqu’il est question de réglementation, et que ce peut être un processus difficile, beaucoup d’intervenants du secteur privé se tournent vers des consultants. Ces types de services sont très coûteux et ne sont pas toujours accessibles aux collectivités des Premières Nations. Ces dernières n’ont peut-être pas les moyens d’en bénéficier.

En tant qu’organisme de réglementation, nous avons essayé de créer un service de navigateur, ou un service de concierge, pour ainsi dire, visant à aider les entrepreneurs autochtones intéressés à s’y retrouver dans le cadre réglementaire et à réussir à obtenir une licence. Cette mesure vise vraiment à favoriser leur participation au marché réglementé.

En l’absence d’un genre de quota ferme qui nous permettrait ensuite de réserver une portion du marché aux entreprises autochtones, c’est la pratique que nous avons mise de l’avant actuellement et c’est ce que nous entendons continuer à faire.

Je ne sais pas si Mme Murphy veut dire quelque chose au sujet des programmes de soutien au développement économique relevant de son ministère et qui permettent aussi d’offrir un soutien aux petites entreprises autochtones, y compris les entreprises dans le secteur du cannabis.

Le président : En quoi consiste le service de navigation dont vous parlez?

M. Costen : Le service de navigation réunit des employés qui travaillent dans le cadre du programme de réglementation de Santé Canada et plus précisément dans le cadre du programme de délivrance des licences. Il vise uniquement à aider, étape par étape, les entreprises autochtones intéressées à présenter une demande durant tout le processus de délivrance de licence de façon à ce qu’elles puissent franchir rapidement le processus de vérification et ainsi satisfaire aux exigences nécessaires sans pour autant avoir à faire appel à des consultants externes ou ce genre de choses. Le service vise à faciliter le processus réglementaire.

Le président : Je veux donner la parole aux membres du comité. Avez-vous quelque chose à ajouter, ici?

La sénatrice Seidman : Merci de nous avoir donné un aperçu. Il a été utile de l’écouter. Je m’interroge précisément sur les recommandations 1d) et 1e). C’est un sujet aussi abordé aux recommandations 4 et 5. Elles sont toutes liées aux traitements de santé et à la toxicomanie.

Le Comité des peuples autochtones a entendu dire qu’il n’y a pas de centre de traitement dans le Nord actuellement, et on s’inquiète énormément de l’adoption précipitée du projet de loi avant que les services de soutien en santé mentale et de traitement nécessaires soient prêts.

Vous avez mentionné avoir certains fonds de plus. Vous avez organisé des réunions. Vous êtes en train de concevoir et de planifier un centre de lutte contre la toxicomanie.

Cependant, quelles installations de santé mentale et de traitement seront disponibles dans le Nord au moment de la légalisation?

Mme Gideon : Nous ne serons pas encore là au moment de la légalisation.

La sénatrice Seidman : Vous ne serez pas là au moment de la légalisation.

Mme Gideon : Non. Les gens ont accès à des centres de traitement à l’extérieur des territoires.

La sénatrice Seidman : Craignez-vous que les jeunes vulnérables, ceux qui sont susceptibles d’être des toxicomanes et qui vivent dans les collectivités du Nord, seront touchées de façon disproportionnée par le projet de loi?

Mme Gideon : Je ne peux pas vous dire s’ils seront touchés de façon disproportionnée, mais je peux vous dire que les jeunes à risque sont une préoccupation constante du gouvernement, et c’est la raison pour laquelle nous avons fait des investissements importants dans les trois derniers budgets fédéraux pour soutenir un accès accru aux services de santé mentale et aux services de traitement.

La conception, la construction, la dotation en personnel et la création d’un centre de traitement dans le Nord exigent un important engagement communautaire et une importante participation. Nous devons veiller, en tant que partenaires, à assurer la durabilité du centre en ce qui a trait au recrutement et au maintien en poste des travailleurs. C’est un processus pluriannuel.

La sénatrice Seidman : Après avoir écouté ce que vous avez dit, je dois vous poser la question suivante : quelle analyse votre ministère a-t-il réalisée au sujet de l’incidence de la légalisation sur la santé mentale et le bien-être des jeunes Autochtones?

Mme Gideon : Nous finançons de façon continue des enquêtes sur la santé menées par les Premières Nations pour évaluer les tendances relatives aux jeunes en ce qui concerne leur autoévaluation de l’état de leur santé mentale et le soutien en matière de toxicomanie.

Dans le budget de 2018, pour la première fois, le gouvernement a annoncé des ressources spéciales pour réaliser un sondage portant précisément sur la santé des Inuits. Ce processus sera aussi financé de façon permanente. Ces fonds permettront, pour la première fois, aux Inuits de diriger par eux-mêmes et de mener des recherches exhaustives sur leur population en fonction de leurs besoins.

La sénatrice Seidman : Dans ce cas-là, ne comprenez-vous pas pourquoi on s’inquiète dans une certaine mesure que tout va trop vite pour les Premières Nations dans le Nord, qui n’ont aucune installation pour composer avec les répercussions que le projet de loi pourrait avoir cet été? Il n’y a pas de service. Il n’y a pas de service de première ligne sur le terrain qui soit déjà opérationnel pour composer avec tout cela.

Mme Gideon : Il y a des services de première ligne. Il n’y a pas d’établissement de traitement résidentiel. Cela ne signifie pas qu’il n’y a pas de services de première ligne offerts par les gouvernements territoriaux.

Nous fournissons, et ce, depuis assez longtemps, des fonds complémentaires précis dans le cadre du financement que reçoivent les systèmes de santé des territoires. Ces fonds visent précisément à soutenir les Inuits et les Premières Nations en ce qui a trait au bien-être mental. Nous le faisons grâce à des ententes de financement quinquennales ou décennales.

Au Nunavut, par exemple, nous misons sur un protocole d’entente tripartite qui permet de régir ces investissements. Il y a là un important engagement inuit quant aux décisions liées à l’affectation de ces fonds.

En 2016, nous avons financé la mise en œuvre de la Stratégie nationale de prévention du suicide chez les Inuits, qui a été conçue et élaborée par des Inuits. Ce sont eux qui dirigent la mise en œuvre de cette stratégie.

On a beaucoup reconnu l’importance d’offrir un soutien de première ligne accru.

La sénatrice Seidman : Il n’y a toujours pas de centre de traitement sur le terrain pour composer avec tout cela.

Mme Gideon : Il n’y a pas de centre de traitement résidentiel sur le terrain, mais les gens peuvent avoir accès à des services de traitement.

Le président : Merci.

[Français]

La sénatrice Petitclerc : Concernant la consultation, je suis déstabilisée au niveau de ce qu’on entend aujourd’hui, de ce qu’on lit dans ce rapport et de ce qu’on a entendu au Comité sénatorial permanent des peuples autochtones.

Il semble y avoir une grande différence dans le discours. Vous semblez nous dire que vous êtes satisfait de la consultation qui a été menée. Lorsqu’on examine le rapport et qu’on se rappelle les témoignages qu’on a entendus, clairement, le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones et les sénateurs, de façon individuelle, et les organismes nous disent qu’il n’y a pas eu suffisamment de consultations. Elles n’ont pas été menées de façon adéquate et elles ne sont pas représentatives des différentes cultures, des différentes langues et des différents peuples.

Les consultations n’ont pas été engagées de façon linéaire, c’est-à-dire que les organismes ont été consultés, mais pas en profondeur.

Selon la présidente du Nunavut Tunnagavik Incorporated (NTI), Aluki Kotierk, les consultations ont été inadéquates avec les Inuits. L’Aboriginal Patient Navigators (APN) mentionne, depuis le début, qu’ils ne sont pas prêts.

J’aimerais avoir l’heure juste à ce sujet parce que je trouve que cela nous éclaire beaucoup sur tout le reste des recommandations.

Êtes-vous satisfait des consultations menées?

M. Costen : Merci de la question. Je vais répondre en anglais, si vous n’y voyez pas d’inconvénient.

La sénatrice Petitclerc : Pas du tout.

[Traduction]

M. Costen : C’est vraiment une excellente question. Vous devez cependant me pardonner, mais il est très difficile de répondre et de dire si les consultations sont adéquates ou non.

En fait, ce que je peux faire, c’est de décrire les consultations qui ont eu lieu. Quant à savoir si elles sont adéquates du point de vue d’une diversité de personnes, eh bien, je laisse les autres en décider.

J’étais à l’Assemblée spéciale des chefs de l’APN il y a quelques semaines et j’ai entendu pas mal les mêmes commentaires. Ce que je peux faire, c’est de simplement vous décrire les efforts que nous avons déployés pour avoir un dialogue. Encore une fois, je vais essayer d’être le plus bref possible.

Cela a été un processus de discussion. Lorsque le groupe de travail s’est attelé à la tâche, il a participé à une diversité d’événements régionaux. Il y avait une table ronde autochtone distincte. Puis, cette initiative a pris de l’ampleur. Il y a eu un engagement ministériel auprès des organisations nationales et de certaines organisations régionales.

Dans le cadre de mes responsabilités directes à l’égard du programme, je dirais que nous nous sommes rendus dans 50, 60 ou 70 collectivités dans le Nord, d’est en ouest. Dans ces collectivités, pour vous permettre de vous faire une image mentale, nous rencontrions parfois cinq ou six décideurs ou, à d’autres occasions, tous les membres de la collectivité.

Il y a 600 ou 700 collectivités dans tout le pays et un certain nombre d’organisations régionales, locales et nationales. Nous comprenons l’intérêt suscité. Nous nous sommes rendus le plus disponibles possible. Nous avons créé des lignes de communication et avons établi des structures de gouvernance. Toutes ces choses se sont mises en place au fil du temps.

J’ai mentionné plus tôt que nous comptons sur une unité d’extension spécialisée dont les membres s’occupent uniquement de communiquer avec les Autochtones.

Pour ce qui est de savoir si toutes ces activités, depuis la création du groupe de travail, l’extension ministérielle et l’extension des représentants, sont jugées adéquates, je laisserai à d’autres le soin d’en juger.

Je le dis tout simplement pour souligner qu’il existe bel et bien un intérêt et un désir d’avoir cette conversation, d’entendre ces préoccupations et de travailler pour les dissiper. Nous continuerons à le faire et nous continuerons de faire de notre mieux pour répondre à tous ces intérêts et avoir ces conversations.

Le sénateur Gold : Je veux m’assurer de bien comprendre la question des consultations, puis j’aimerais parler rapidement d’amendements précis.

Est-ce que je comprends bien que dans le contexte du droit constitutionnel actuel au Canada, il n’y a en fait aucune obligation de consulter dans le cadre du processus législatif?

On mène des consultations et ce genre de choses, mais il n’y a pas d’obligation juridique imposée au gouvernement, dans le contexte actuel du droit, de consulter qui que ce soit dans le cadre des processus législatifs. Est-ce exact?

M. Matiation : Oui, c’est exact, à la lumière des directives que nous avons reçues jusqu’à maintenant des tribunaux. Vous savez peut-être que la Cour suprême est actuellement saisie d’une affaire qui sera importante à cet égard.

Comme vous l’avez mentionné, l’engagement et la consultation dans le cadre de l’élaboration de la législation sont bien sûr toujours considérés comme des exercices utiles.

Le sénateur Gold : Je voulais tout simplement le préciser, monsieur le président, pour que l’on comprenne bien dans quel contexte tout cela s’inscrit.

Je vais continuer avec vous, monsieur Matiation. Vous avez mentionné dans votre déclaration tantôt que l’éventail des pouvoirs législatifs des collectivités autochtones peut différer comme, par exemple, dans le cas des groupes qui ont des ententes d’autonomie gouvernementale. On pourrait même ajouter le cas des collectivités dont les droits n’ont jamais été éteints, comme on dit, ou dont les territoires n’ont jamais été cédés ainsi que celles qui, sous le régime de la Loi sur les Indiens, ont certains pouvoirs réglementaires en ce qui concerne les boissons alcoolisées.

J’ai une question à deux volets et j’aimerais bien connaître vos réponses.

Premièrement, est-il réaliste de penser, étant donné la diversité de collectivités ayant des pouvoirs législatifs juridiques différents, que ce qui est demandé dans les amendements puisse vraiment être réalisé dans un délai d’un an? Ou se peut-il qu’il faille plus longtemps pour déterminer quels sont les pouvoirs législatifs pouvant s’appliquer, et là je ne parle même pas de la question de savoir si le Code criminel, et tous ses aspects, continueraient de s’appliquer en tant que loi d’application générale? C’est la première partie de ma question.

Deuxièmement, en ce qui a trait au pouvoir réglementaire au titre de la Loi sur les Indiens qui donne aux collectivités la capacité de légiférer en matière de boissons alcoolisées, ai-je raison de croire que, jusqu’à maintenant, les mesures prises à cet égard se limitaient à l’alcool et n’incluaient pas nécessairement les drogues comme le cannabis?

Pouvez-vous formuler des commentaires à ce sujet et nous dire si, selon vous, il y a une ouverture de la part du gouvernement quant à la possibilité d’inclure d’autres substances intoxicantes et d’adopter une interprétation plus inclusive qu’on ne l’a fait jusqu’à maintenant?

M. Matiation : Permettez-moi de commencer par la première question. Ce n’est pas que la nature du projet de loi manque de clarté. C’est une loi d’application générale qui s’appliquera, si elle reçoit la sanction royale ou au moment de l’obtenir, à tous les Canadiens, y compris les Autochtones. Il n’y a aucun manque de clarté à cet égard.

Il y aura, j’imagine, un travail continu auprès des gouvernements et organisations autochtones sur, comme nous l’avons entendu, la façon de composer avec certains des enjeux liés à la légalisation dans leurs collectivités, mais il n’y a pas de clarté au sujet de la loi en tant que telle.

Pour ce qui est de la deuxième question sur la disposition touchant les boissons alcoolisées dans la Loi sur les Indiens, le terme utilisé en anglais semble de portée plus générale, mais pour ce qui est des définitions, dans les deux cas, elles donnent à penser qu’il est question précisément des boissons alcoolisées.

Un examen de plusieurs règlements administratifs des Premières Nations permet de constater que certaines collectivités des Premières Nations ont décidé d’interdire l’alcool. Ce sont des collectivités sans alcool. Elles ont utilisé leur pouvoir de réglementation. Habituellement, elles s’appuient sur un certain nombre de pouvoirs réglementaires, pour composer non seulement avec les substances intoxicantes, mais aussi avec la santé, la sécurité et d’autres dispositions au titre de la Loi sur les Indiens sur lesquelles les collectivités peuvent s’appuyer pour adopter des règlements administratifs visant à interdire l’alcool et qui concernent à la fois les boissons alcoolisées et, dans certains cas, certaines drogues cernées dans la Loi sur les drogues et autres substances.

La validité de ces règlements administratifs est toujours une question que les tribunaux doivent trancher. Je n’en dirai pas plus.

Au bout du compte, un gouvernement des Premières Nations doit entreprendre un processus pour déterminer quels sont, selon lui, ses pouvoirs au titre de la Loi sur les Indiens ou ses pouvoirs conférés d’autres sources s’il s’agit d’une Première Nation autonome. Le gouvernement fédéral ne participe pas à l’examen des règlements administratifs des Premières Nations comme c’était le cas il y a plusieurs années. J’espère avoir répondu à votre question.

Le sénateur Tannas : J’ai quelques mots à dire sur les consultations et ce que nous avons entendu. Nonobstant ce que vous avez dit, monsieur Costen, nous avons vu la liste des personnes ayant été consultées et des activités réalisées avant que les jeux soient faits, et il n’y en avait vraiment pas beaucoup.

Il y a eu une table ronde à Vancouver avec le groupe de travail d’Anne McLellan et un appel téléphonique portant sur de multiples enjeux avec le chef de l’ITK. C’était l’un des éléments abordés durant l’appel téléphonique selon le chef de l’ITK, mais il est indiqué qu’il s’agissait de consultations préalables à la rédaction, rien d’autre.

Puis, il y a 90 points différents d’engagement qui se sont produits jusqu’à présent relativement au projet de loi, qui est parfait et qui n’a absolument pas besoin d’être modifié. C’est ce qu’il y a eu.

J’ai demandé au ministre durant une réunion du comité s’il y avait ne serait-ce qu’un mot dans le projet de loi ayant quoi que ce soit à faire avec les consultations qui ont eu lieu ou ayant été influencé par celles-ci, et je n’ai pas obtenu de réponse.

Nous devons faire mieux. Le gouvernement ne passe pas de la parole aux actes. Vous savez quoi? C’est un travail ardu. J’ai beaucoup de sympathie pour vous tous parce que je sais et j’ai entendu en privé qu’il est difficile de faire participer les gens s’ils ne sont pas prêts à le faire. Cela fait partie du défi, et je vous souhaite beaucoup de succès dans vos efforts pour vous améliorer à cet égard.

J’aimerais me concentrer sur la question des licences. Monsieur Costen, combien de titulaires de licences liées au cannabis comptent plusieurs installations? Est-ce que la plupart d’entre eux comptent de multiples installations ou y en a-t-il beaucoup qui n’en comptent qu’une seule?

M. Costen : Je vais devoir vous répondre de façon générale. Si vous voulez des renseignements plus précis, je vais devoir vous revenir là-dessus.

Environ 104 licences ont été délivrées dans l’ensemble du pays actuellement. Il y a une poignée de ce que j’appellerais en quelque sorte les très gros joueurs. Dans ces situations, les grosses entreprises possèdent plusieurs licences et plusieurs sites.

Le sénateur Tannas : Ces intervenants ce sont ceux qui domineront le marché récréatif. Ils ont l’argent. Ils ont 30 milliards de dollars de capitalisation boursière derrière eux.

Serait-il difficile pour vous de dire : « Écoutez, vous n’allez pas obtenir une cinquième licence sauf si c’est pour une installation en territoire autochtone »? Serait-ce si difficile à faire?

M. Costen : Serait-ce difficile pour nous de le faire? Il y a des dispositions dans la loi qui permettent d’établir des priorités. Il y a aussi des dispositions qui permettent au ministre d’établir certains types de critères puis d’attribuer des licences en conséquence.

Je me tourne vers mes collègues, ici, mais pour ce qui est du genre de situations que vous avez décrites, je crois que les pouvoirs proposés permettraient ce type de situation.

Qu’en pensez-vous?

M. Clare : Oui. Il y a des dispositions dans le projet de loi qui permettent de définir des priorités au moment de l’évaluation des demandes, mais le système de délivrance de licences en tant que tel est fondé sur des considérations liées à la santé et à la sécurité publiques. Les critères décisionnels quant à savoir si un demandeur peut recevoir une licence ou non sont fondés sur les objectifs de la loi et la mesure dans laquelle on aide à atteindre les objectifs fondamentaux liés à la santé et la sécurité publiques.

Le sénateur Tannas : Je ne suis pas d’accord. Je dirais qu’il s’agit aussi d’une occasion de développement économique d’une ampleur historique.

Les Premières Nations, les Inuits et les Autochtones de partout au pays doivent avoir l’occasion de participer. Étant donné les consultations ou le manque de consultations, ce qui pourrait mener à un manque de préparation, j’estime qu’il serait juste qu’on puisse soutenir un peu les activités de développement économique dont Mme Murphy est responsable.

J’aimerais m’entretenir avec elle, maintenant que nous avons entendu que ce n’est pas impossible… le fait qu’il ne peut pas y avoir un nombre infini de licences et ainsi de suite… Si on se penchait sur cette question, nous serions convaincus que vous pourriez trouver une solution.

Madame Murphy, diriez-vous que vous êtes un peu préoccupée au sujet de l’idée d’accorder un avantage, pour ainsi dire, à l’emploi des Autochtones et à leur développement économique relativement à cette notion qu’une installation sur cinq devrait être située sur des terres autochtones?

Mme Murphy : Nous avons assurément modifié nos pouvoirs afin d’aider les collectivités autochtones qui veulent présenter des propositions et qui s’intéressent à la production ou la distribution du cannabis.

Lorsqu’on évalue ces propositions du point de vue du développement économique, ces Autochtones voudront peut-être réaliser une étude de faisabilité. Ils veulent peut-être un coup de pouce pour obtenir des fonds du secteur privé ou trouver un partenaire. Un des paramètres du système exige l’obtention d’une licence.

Dans le cas d’une collectivité, nous voudrions nous assurer que la collectivité consent, qu’elle le fait en connaissance de cause et qu’elle accepte ce genre d’activité économique sur son territoire.

Une fois que cela est fait, nous sommes très heureux de travailler en collaboration avec les collectivités et les entreprises qui veulent pénétrer dans le secteur. En fait, nous discutons déjà avec un grand nombre d’intervenants très intéressés. Bon nombre d’entre eux ont des partenaires du secteur privé. Ils ne vont pas nécessairement bâtir les installations dans des réserves. Ils peuvent le faire à l’extérieur des réserves, mais ils sont admissibles à du financement conformément aux paramètres de notre programme.

La dernière fois que j’ai comparu ici, nous avons dit qu’un certain nombre de collectivités envisageaient une telle possibilité. Nous avons maintenant en fait reçu trois propositions que nous examinons et relativement auxquelles nous travaillons avec les collectivités.

Nous travaillons aussi en collaboration avec nos partenaires des agences de développement régional pour nous assurer que, avec l’argent que nous avons, les propositions sont logiques, qu’elles ont été assujetties aux dispositions appropriées en matière de licence et que nous déployons les efforts nécessaires pour en assurer la réussite.

Le sénateur Manning : J’aimerais revenir sur le processus de consultation. La ministre Petitpas Taylor et le ministre Bill Blair ont tous les deux dit que le gouvernement s’appuyait fortement sur les commentaires obtenus par le groupe de travail.

Cependant, selon un rapport de la table de consultation du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, ce dont le sénateur Tannas vient de parler, la majeure partie des consultations ou plutôt des séances d’engagement, comme le gouvernement les a appelées à maintes reprises, ont eu lieu après le dépôt du projet de loi.

De plus, la grande majorité des consultations ont eu lieu après le dépôt du projet de loi et son arrivée au Sénat.

Quelqu’un peut-il mentionner un article précis dans le projet de loi actuel qui tient compte des commentaires et des préoccupations des Autochtones?

M. Costen : C’est difficile. Vous avez entendu les chiffres, les 30 000 mémoires présentés au groupe de travail et ce genre de choses.

Le sénateur Manning : Oui. Là où j’essaie d’en venir, c’est le processus de consultation. Les ministres et leur secrétaire parlementaire ont dit que le gouvernement s’était appuyé beaucoup sur les commentaires obtenus par le groupe de travail.

Ma question est très simple. Pouvez-vous mentionner un article du projet de loi qui intègre la rétroaction et les préoccupations des Autochtones du Canada? Oui ou non?

M. Costen : Ce que j’essaie de dire, c’est que je suis d’accord avec le point soulevé par le sénateur tantôt au sujet du fait que les consultations et l’intérêt ont augmenté. Beaucoup d’invitations ont été envoyées durant les consultations du groupe de travail, et nous n’avons pas toujours reçu de réponse.

Pour répondre à votre question, monsieur le sénateur, prenons, par exemple, la conversation au sujet de l’âge minimum et la décision qu’il fallait opter pour 18 ans. Pour arriver à cette recommandation, le groupe de travail s’est réuni dans des salles similaires à celles dans laquelle nous nous trouvons et a entendu de nombreux points de vue différents, y compris celui des Autochtones.

Et les membres du groupe de travail se sont penchés sur tous ces différents enjeux, et les points de vue des participants, y compris les Autochtones, ont été pris en considération dans le cadre du processus de détermination des conseils.

Il serait très difficile d’isoler un élément précis et de l’attribuer à une personne ou à un groupe en raison du fait que la nature des consultations consistait à entendre divers points de vue, à trouver un juste équilibre à la lumière des conseils prodigués et à opter, dans de nombreux cas, pour un terrain d’entente. Ce n’est pas l’expression que je voulais utiliser, mais il convenait de trouver un équilibre à la lumière de tous les conseils prodigués.

C’est la raison pour laquelle il est très difficile de pointer un groupe ou une organisation et de dire : « Voilà votre contribution au projet de loi », parce que beaucoup de personnes se sont prononcées.

La sénatrice Omidvar : J’ai quelques questions et je vais essayer de les poser le plus rapidement possible.

Vous avez parlé, monsieur Costen, de l’incidence de la première recommandation, qui concerne le fait de reporter l’entrée en vigueur du projet de loi. Pouvez-vous nous parler précisément de l’incidence du délai sur les Autochtones du Canada, vu leur surreprésentation actuelle dans notre système et leur surreprésentation dans les prisons?

M. Costen : Je ferai de mon mieux. Encore une fois, c’est une grande question. Je vais peut-être revenir sur les commentaires formulés par Valerie Gideon tantôt en réponse aux questions que lui a posées l’honorable sénateur précédemment.

Selon les données dont nous disposons actuellement sur la consommation de cannabis, environ 36 p. 100 des jeunes des Premières Nations consomment du cannabis, et 32 p. 100 des adultes des Premières Nations en consomment aussi. La prémisse de départ doit être que le cannabis est largement disponible et largement consommé. Les préjudices associés à la consommation du cannabis existent déjà aujourd’hui. Ils ne découlent pas de la modification de la loi.

Les défis associés au manque de services, qu’il s’agisse de services de santé mentale ou de services de traitement de la toxicomanie, pour les 36 p. 100 et les 32 p. 100 dont je viens de parler existent déjà à l’heure actuelle.

Je ne veux certainement pas faire dire à Mme Gideon ce qu’elle n’a pas dit, mais c’est là un problème urgent, et elle a décrit un certain nombre de choses réalisées dans le cadre de son programme à cet égard.

Dans la mesure où le comité se penche sur les répercussions du délai, c’est dans ce contexte qu’il faut évaluer les répercussions.

Pour être bref, je vais m’arrêter ici.

La sénatrice Omidvar : Il y a une immense différence entre ce que le Comité des peuples autochtones a entendu au sujet du manque de consultation et ce que vous dites, et j’essaie de comprendre et d’en venir à ma question.

Avez-vous des paramètres, des critères ou un cadre qui vous aident à définir ce en quoi consiste une consultation adéquate ou s’agit-il simplement d’une liste de contrôle?

M. Costen : C’est quelque chose que nous avons fait avec le groupe de travail. Nous avons établi une stratégie de consultation. De nombreuses façons, dans le cas du groupe de travail, tout cela était dérivé du mandat qu’on nous a donné.

Si vous regardez le mandat que le gouvernement a fourni au groupe de travail, vous constaterez que le gouvernement avait cerné certains groupes et leur avait accordé la priorité et il voulait que le groupe de travail aille parler aux provinces et aux territoires, aux collectivités autochtones, aux experts dans une diversité de domaines et ainsi de suite. Ce mandat figure en fait en annexe du rapport.

C’est à partir de là que nous avons mis au point une stratégie. Quels sont les outils que nous avons utilisés pour pouvoir entendre ce que ces personnes avaient à dire? Qui sont les personnes influentes? Quelles sont les principales organisations? Bien sûr, le groupe de travail a eu quatre mois et demi pour réaliser son mandat. Comment pouvons-nous en avoir le plus pour notre argent, si je peux m’exprimer ainsi? De quelle façon peut-on concevoir une stratégie de consultation qui nous permettra d’entendre le plus grand nombre de représentants des groupes ciblés, et ce, du plus grand nombre de façons différentes?

Encore une fois, je laisserai à d’autres le soin de juger du succès ou de l’échec des efforts, mais c’est ainsi que nous avons défini ce à quoi une stratégie de consultation adéquate devait ressembler. Nous avons ensuite reproduit pas mal la même chose au cours des étapes subséquentes.

Pour donner un autre exemple rapide, nous avons mentionné à quelques reprises que nous avons effectué diverses consultations sur une approche réglementaire proposée. Nous avons fait la même chose. Nous avons cerné les publics cibles. Les groupes autochtones étaient beaucoup à l’avant-plan de nos préoccupations. Cependant, il y en avait d’autres. Quelles sont les stratégies que nous allons déployer pour les rejoindre?

C’est la meilleure réponse que je peux vous fournir quant à la façon dont nous avons abordé l’idée d’une consultation adéquate.

Le président : Permettez-moi de poursuivre dans cette veine. J’ai entendu dire que, pour la communauté autochtone, la consultation a une signification plus vaste que ce que nous pourrions envisager dans la communauté générale, disons.

Il ne s’agit pas seulement d’aller dire : « Voici notre idée. Qu’en pensez-vous? » Il s’agit de s’asseoir et de tenir une rencontre plus officielle, à la manière d’une négociation, je suppose. En fait, c’est peut-être une négociation.

Comment voyez-vous les choses?

M. Costen : Je ne crois avoir beaucoup de choses à dire par rapport aux répercussions juridiques du mot « consultation ». Je ne crois pas avoir beaucoup d’expertise en la matière.

Monsieur Matiation ou quelqu’un d’autre, y a-t-il autre chose que vous aimeriez dire à ce sujet?

M. Matiation : Je ne suis pas sûr qu’il y ait beaucoup de choses à ajouter selon ce point de vue. Je crois que nous parlons de la pertinence de la consultation dans le contexte d’un processus d’élaboration de politiques et de lois. Je pense que M. Costen a essayé de caractériser certaines des considérations qui y sont reliées.

La sénatrice Deacon : Je vais laisser tomber ma question, parce que je crois que la sénatrice Petitclerc et le sénateur Tannas ont abordé le sujet.

Sans vouloir m’acharner et parler de la consultation en long et en large, je vais prendre un moment pour dire que je crois en quelque chose qui a été un élément essentiel des recommandations de l’APPA et a apporté une extraordinaire diversité pour essayer de comprendre ce que c’est et ce que cela signifie.

Dans le cadre du processus lié au projet de loi C-45, ce qui continue d’être très clair pour moi, c’est l’extraordinaire diversité et la compréhension de l’état de préparation et de la consultation. Je prends juste une pause, et j’entends la phrase : « Nous sommes prêts. »

Sommes-nous prêts? À quoi l’état de préparation ressemble-t-il? Que devrait-il être? Avons-nous intégré à cette préparation ou à ce processus la façon dont nous allons surveiller et mesurer ce que nous faisons, tout en faisant preuve de souplesse et d’adaptation à mesure que le processus va de l’avant?

J’ai l’impression que l’élément de l’état de préparation et la consultation sont ressortis clairement de nombreuses façons différentes. La consultation fait vraiment partie de ce que nous appelons un « continuum de mobilisation ». Nous nous rendons dans les collectivités et nous parlons à nos collègues. Aujourd’hui, nous parlons de nos populations autochtones et des recommandations.

Ce continuum comporte trois volets : l’information, la consultation et la collaboration. Lorsque nous allons dans la salle, dans la maison ou dans les réunions, je suggère que nous présentions les choses clairement. De quoi nous informons-vous aujourd’hui? Que devez-vous savoir? Quel est le volet éducatif, et quels sont quelques principes très clairs? Sur quoi nous consulterons-vous de façon réciproque? Sur quoi allons-nous collaborer pendant une période importante?

Tout cela ne sera pas en place le 1er juillet, mais l’établissement des conditions qui tiennent compte de ce continuum de la mobilisation, dont la consultation est une partie essentielle, va nous aider à arriver là où nous devons aller dans cette partie du travail.

Je ne poserai pas de questions. Je voulais simplement intégrer tout cela.

Le président : C’est un bon commentaire. Merci.

La sénatrice Poirier : Nous avons de nombreuses fois entendu les préoccupations des chefs autochtones, des forces de police, des responsables municipaux, des groupes de santé mentale et de nombreux autres différents groupes au sujet de l’application des quatre plants à domicile, du fait que ce sera impossible à surveiller et que cet aspect de la loi devrait être supprimé.

Nous avons parlé plus tôt du plant lui-même et de la culture du plant à l’intérieur et à l’extérieur. Si ma mémoire est bonne, nous avons dit qu’à l’extérieur, il ne devait pas se présenter sous forme de bourgeons ou de fleurs.

Je sais aussi, comme je viens du Nouveau-Brunswick, que la province a dans sa loi provinciale une disposition selon laquelle les plants à domicile peuvent être à l’extérieur, mais on dit qu’ils doivent se trouver dans une aire fermée ou clôturée en même temps.

Je sais aussi qu’il y a également un bon nombre de collectivités des Premières Nations au Nouveau-Brunswick. Cela signifie que cette loi leur permettra également de faire la même chose.

Les Autochtones sont-ils préparés à appliquer et à surveiller la culture à domicile, et précisément les éléments de celle-ci se rapportant à la culture extérieure? Peut-être que la police pourrait répondre.

M. Daley : Comme j’ai servi la moitié de ma carrière au Nouveau-Brunswick, je connais très bien les collectivités des Premières Nations là-bas. Je ne suis pas sûr. Je pense que vous avez dit : « Est-ce que les Autochtones », plutôt que la police.

La sénatrice Poirier : Est-ce que la force policière autochtone sera en mesure de l’appliquer et de la gérer dans les collectivités des Premières Nations autant que la force policière dans les municipalités?

Tout le monde semble préoccupé par cela. Au Nouveau-Brunswick, j’en entends énormément parler.

M. Daley : Comme vous le savez, au Nouveau-Brunswick et dans d’autres provinces, à l’exception de l’Ontario et du Québec, y compris dans le Nord, on confie à la GRC le mandat de fournir des services de police.

Comme je l’ai dit plus tôt, lorsqu’il est question de la culture à domicile, mon rôle dans l’application de la loi est de la faire appliquer lorsqu’elle est adoptée.

En ce qui concerne la capacité de l’appliquer, encore une fois, j’ai formulé des commentaires plus tôt. Lorsque j’examine cette situation, j’observe la sécurité publique en général. J’observe d’autres choses, comme l’accès des jeunes au sein du domicile. Je cherche les possibilités d’incendie. Tout ce que j’ai déjà dit ferait partie de la façon dont je gère l’application de la culture à domicile.

Toutefois, je tiens à dire clairement que la GRC sera prête à faire appliquer les lois sur le cannabis, qu’il y ait ou non culture à domicile. Nous fournissons du soutien partout au pays à la communauté responsable de l’application de la loi au moyen d’activités de sensibilisation et de formation, de sorte que les gens puissent s’attendre à ce que les responsables de l’application de la loi partout au Canada, que ce soit la GRC ou non, soient en mesure d’appliquer la loi dans une collectivité autochtone et à l’extérieur de celle-ci.

La sénatrice Poirier : Croyez-vous que vous aurez l’effectif nécessaire pour ce qui est du nombre de policiers requis pour faire appliquer cette loi?

J’entends dire de la part des municipalités également qu’elles craignent de ne pas avoir les moyens financiers pour disposer du nombre d’agents de la GRC ou de policiers nécessaires pour même envisager de surveiller l’application de cette loi.

M. Daley : Ce que je peux vous dire, c’est qu’il y a des mécanismes. Nous concluons des marchés avec les provinces par l’entremise de Sécurité publique Canada. Il existe des mécanismes qui permettent d’augmenter les nombres, si c’est le besoin de la municipalité ou de la province particulière. Dans le cadre de sa planification du rendement annuel, la GRC rencontre des collectivités, autochtones ou non, et établit la planification du rendement pour cette année-là. Cette planification se fait en consultation avec les collectivités afin que l’on puisse déterminer leurs priorités.

Puis, nous répartissons la capacité en matière d’application de la loi, les ressources humaines, afin d’être en mesure de réagir, au besoin.

La sénatrice Poirier : Si elles peuvent se permettre les coûts supplémentaires.

Le président : Voilà qui met fin à la séance avec ce groupe de témoins. Merci beaucoup à tous de vos commentaires sur le rapport particulier.

Je souhaite la bienvenue à notre troisième groupe de témoins. Les représentants de Santé Canada sont encore parmi nous. Nous recevons également Trevor Bhupsingh et Rachel Huggins, de Sécurité publique Canada; Carl Desmarais, de l’Agence des services frontaliers du Canada; le surintendant principal Paul Beauchesne, directeur général, Opérations criminelles de la Police fédérale; le surintendant principal Dennis Daley, directeur général des opérations criminelles, Services de police contractuels et autochtones, de la Gendarmerie royale du Canada; et, enfin, Paul Boudreau.

Le rapport particulier du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense ne présente aucune recommandation précise. C’est un rapport succinct où sont soulevées un certain nombre d’observations et de préoccupations.

Avez-vous des commentaires préliminaires au sujet de ces préoccupations qui sont soulevées, ou aimeriez-vous que je passe directement aux questions?

M. Costen : Monsieur le président, je pense qu’il serait raisonnable de passer aux questions.

[Français]

La sénatrice Petitclerc : Ma question est simple. Le rapport contient de l’information concernant la sécurité de base des voyageurs canadiens qui pourraient être incommodés par ces nouvelles mesures.

Des témoins ont parlé des délais et des questions qu’on leur pose lorsqu’ils voyagent aux États-Unis. Il me semble que les solutions ne sont pas compliquées. On parle d’éducation. Les voyageurs doivent disposer des renseignements pertinents et ceux-ci doivent être disponibles par des moyens adéquats. Ces dispositifs sont-ils en voie d’être mis en place? Les moyens sont-ils déjà en place? Ces mesures seront-elles mises en application dès l’adoption du projet de loi?

[Traduction]

M. Bhupsingh : Merci beaucoup de poser la question. De façon générale, on tient depuis un certain temps des discussions avec nos collègues américains sur une panoplie d’enjeux qui ont été soulevés par rapport aux voyageurs canadiens qui se rendent aux États-Unis. En ce qui concerne les délais, il y a une participation active à de nombreux échelons différents.

Quelques questions sont difficiles à régler. Un certain nombre d’entre elles ont été soulevées par divers comités sénatoriaux. Nous abordons ces questions avec nos collègues américains.

J’aimerais dire deux choses. D’abord, nous travaillons sur certaines des questions touchant la frontière avec des collègues américains pour connaître leur position à l’égard de cette proposition. En même temps, nous travaillons également à la sensibilisation du public, comme vous l’avez dit, pour les Canadiens, parce qu’il y aura des répercussions.

L’importation et l’exportation de cannabis à la frontière demeurent illégales. Nous ne voulons pas créer de la confusion chez les Canadiens concernant ce qui peut arriver lorsqu’ils traversent la frontière.

Je rappelle rapidement que les Canadiens qui souhaitent entrer aux États-Unis ou dans tout autre pays doivent adhérer aux lois locales de l’État souverain afin de pouvoir entrer dans ce pays. De façon générale, nous essayons de communiquer aux Canadiens les lois du gouvernement américain concernant le cannabis et leur régime fédéral.

Cela dit, nous essayons de comprendre la position des Américains à l’égard du cannabis. Dans le cadre d’un interrogatoire primaire, ils nous ont fait savoir qu’ils ne prévoient pas changer leur position à ce sujet.

On doit encore déterminer, pour ce qui est de la pratique réelle, comment tout cela va fonctionner et va entrer en jeu.

Nous discutons activement avec nos homologues américains par l’intermédiaire de nombreux canaux différents, comme le canal de la sécurité publique et des collègues d’autres ministères fédéraux représentés ici.

La sénatrice Seidman : Si je regarde le rapport produit par le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, on répète souvent les mots « campagne de sensibilisation » par rapport à bon nombre de recommandations, de suggestions et d’encouragements pour le gouvernement.

J’aimerais savoir, au sujet des campagnes de sensibilisation, à quoi les Canadiens pourraient s’attendre lorsqu’ils franchissent la frontière.

Par exemple, au numéro 4, on dit que la campagne de sensibilisation devrait expliquer clairement aux Canadiens qu’ils pourraient se voir refuser l’accès aux États-Unis s’ils indiquent avoir déjà consommé du cannabis.

Bien que les fonctionnaires canadiens qui ont comparu devant ce comité aient expliqué qu’une telle campagne de sensibilisation sera lancée bientôt, le comité croit que des efforts additionnels devront être faits dans les prochains mois afin que les Canadiens comprennent la gravité des conséquences auxquelles ils s’exposent si du cannabis est trouvé en leur possession à la frontière ou s’ils indiquent avoir déjà consommé du cannabis.

J’aimerais savoir où nous en sommes rendus dans le processus visant à savoir comment tenir les Canadiens au courant et les aider à se préparer à ce à quoi ils pourraient faire face lorsqu’ils traversent la frontière, en accordant une attention spéciale à la question particulière, par exemple, de la possibilité d’être banni à vie des États-Unis pour avoir avoué quelque chose que le gouvernement canadien rendra légal.

M. Bhupsingh : La sensibilisation du public est un élément essentiel et crucial pour ce qui est d’expliquer aux Canadiens ce que la loi est en réalité. Encore une fois, j’aimerais rappeler que nous avons affaire à un État souverain qui établit ses lois en matière d’importation et d’exportation de drogues.

Cela dit, en ce qui concerne la sensibilisation du public canadien, le processus est en cours. Cet élément comporte un certain nombre de composantes différentes. Je vais demander à des collègues de parler de l’élément de sensibilisation du public sur lequel ils travaillent.

Cette campagne abordera, par exemple, l’information de type « avis aux voyageurs canadiens » et les renseignera sur les lois américaines.

Nous prévoyons mobiliser les Canadiens de diverses manières, y compris par les médias sociaux et des campagnes de sensibilisation du public actives. Un des grands enjeux est l’affichage à la frontière. Ces types d’activités opérationnelles sont en cours.

Je ne crois pas qu’on soit nécessairement en désaccord par rapport à certaines des recommandations présentées. Dans les faits, la plupart de ces mesures ont été mises en place ou le seront. Cela dit, je dirais que la sensibilisation du public est un élément essentiel pour nous permettre d’avancer.

En ce qui a trait aux délais, la sensibilisation du public est imminente. On a déjà sensibilisé plus généralement le public au sujet de la légalisation du cannabis et du régime de réglementation. L’aspect qui touche le Canada et les États-Unis en est un sur lequel nous nous sommes penchés. Comme je l’ai mentionné, nous avons discuté activement avec nos collègues américains, et ces discussions se poursuivent.

Je vais m’arrêter ici et voir si d’autres collègues souhaitent dire quelque chose sur les éléments particuliers de la sensibilisation du public.

M. Costen : J’aimerais soulever un point très précis. Trevor Bhupsingh a fait un bon travail pour décrire les règles de communication élargies pour tous les Canadiens qui songent à voyager.

J’ai un petit détail qui est un point important concernant votre question. Dans le cadre de notre règlement proposé, pour chaque unité vendue dans un magasin de détail provincial, le consommateur recevra une fiche de renseignements à l’intention des consommateurs. Celle-ci contiendra des renseignements de base au sujet des dommages pour la santé et des risques associés à la consommation du cannabis et quelques autres détails clés, y compris les règles concernant son transport à la frontière.

Soyez assurés que, à tout moment de la transaction, quiconque achète du cannabis se verra remettre à la caisse, ou on lui remettra dans un sac avec le produit qu’il achète, une petite fiche qui contient les faits importants, y compris les messages de base par rapport au fait de garder le produit au Canada, de ne pas le transporter à la frontière, et ce genre de choses.

Le sénateur Gold : C’est une question qui concerne la frontière. Nous savons que les États-Unis ont le pouvoir de bannir une personne à vie si elle admet avoir consommé du cannabis. Nous avons entendu des témoignages en ce sens dans d’autres comités. C’était un problème hier, c’en est un aujourd’hui, et cela ne changera peut-être pas après la légalisation.

J’aimerais me faire une idée de l’ampleur de ce problème, cependant. Plus de 40 p. 100 des adultes canadiens admettent avoir fumé du cannabis à un certain moment de leur vie. Combien de Canadiens sont refoulés à la frontière pour cette raison particulière?

Pour ajouter une autre administration, il y a des pays, comme les Pays-Bas ou le Portugal, où le cannabis a été décriminalisé. Avons-nous des données sur des citoyens de ces pays qui se seraient vu refuser l’accès, par exemple, aux États-Unis parce qu’ils auraient été interrogés et auraient admis avoir consommé du cannabis?

Quelle est l’ampleur mondiale réelle de ce problème?

Carl Desmarais, directeur exécutif, Programmes d’exécution de la loi et du renseignement, Agence des services frontaliers du Canada : Malheureusement, je n’ai pas de statistiques concernant des décisions en matière d’admissibilité reposant sur des admissions de consommation de cannabis dans le passé.

Je pense que la prémisse de votre question est la bonne, c’est-à-dire qu’un grand nombre de Canadiens ont déjà avoué avoir consommé du cannabis sous diverses formes.

Du point de vue de la planification, nous ne nous attendons pas à ce que la position des Américains, comme ils l’ont dit, change nécessairement, du moins en fonction des indications précoces que nous avons de la part du gouvernement américain. Nous nous attendons à ce que le public qui voyage se voie interdire l’entrée dans des proportions semblables, je suppose.

Cela dit, il sera important pour nous, comme cela a été le cas dans le passé, de pouvoir discuter activement avec nos homologues américains et de continuer de surveiller, après la mise en œuvre, les mesures d’application de la loi que nos collègues américains pourraient adopter pour comprendre la prévalence du phénomène et savoir comment il pourrait survenir dans l’avenir.

Nous pourrons continuer de le faire grâce aux mécanismes existants que nous possédons. Nous organisons divers forums avec nos collègues du Service américain des douanes et de la protection des frontières, et ce, à divers échelons. Nous discutons activement avec eux.

Selon les discussions que nous avons eues jusqu’à présent, l’interdiction resterait la même. Je ne crois pas qu’on prévoit poser des questions particulières au sujet de la consommation passée. Encore une fois, ils ont le droit souverain de déterminer les exigences en matière d’admissibilité, et cela pourrait changer. Nous ne pouvons spéculer sur une position future, mais, à l’heure actuelle, je pense que nous pouvons être rassurés par leur réponse.

Le sénateur Gold : Nonobstant l’absence de données, avez-vous des preuves anecdotiques ou pouvez-vous dire au comité dans quelle mesure ces questions sont posées à la frontière par les homologues américains?

M. Desmarais : Je ne voudrais pas spéculer sur ce sujet.

Le président : Permettez-moi de faire un suivi rapidement. Si une personne se rend à la frontière et n’a pas de cannabis en sa possession, mais qu’on lui demande si elle a consommé du cannabis… Bien sûr, dans l’avenir, il sera absolument légal au Canada d’avoir consommé du cannabis.

Pourtant, vous dites qu’un garde-frontière peut tout de même lui demander si elle a consommé du cannabis, et si elle répond « oui », parce que vous dites qu’elle devrait toujours dire la vérité, le garde-frontière pourrait déterminer qu’elle est bannie certainement à cette occasion, et peut-être à vie.

Quel recours les gens ont-ils? Ce sera une substance légale au Canada. C’est même légal, pas aux yeux de l’autorité fédérale, bien sûr, mais dans certains États américains. Quel recours légal une personne aurait-elle devant un garde-frontière qui décide simplement de la bannir à vie parce qu’elle a déjà fumé du pot?

M. Bhupsingh : C’est une question importante. Je peux me pencher là-dessus, mais je ne suis pas au courant du recours juridique possible pour une décision comme celle-ci chez nos homologues américains.

Je ferais ressortir que oui, les gardes-frontières possèdent un pouvoir discrétionnaire. Selon la discussion préliminaire avec nos homologues américains, ils n’ont pas l’intention, durant leur interrogatoire primaire, de poser des questions au sujet de la consommation de cannabis. C’est ce qu’ils nous ont dit.

Toutefois, si des indices révèlent qu’une personne a consommé du cannabis, par exemple si une personne arrive et qu’on sent du cannabis ou si une personne dit qu’elle pourrait avoir eu les facultés affaiblies, vous pourriez probablement présumer que les gardes-frontières vont suivre l’ordre naturel des choses qui consiste à poser des questions sur le cannabis. Cela débouchera sur une conclusion logique. Ces personnes pourraient être renvoyées à l’interrogatoire secondaire. Ces risques existent.

Le président : Selon votre compréhension des choses, ils ne vont pas poser la question : « Avez-vous déjà consommé du cannabis? » s’il n’y a pas de signes.

M. Bhupsingh : Ce que nous comprenons d’après nos collègues du Service américain des douanes et de la protection des frontières, c’est qu’ils ne poseront pas de question sur la consommation de cannabis durant l’interrogatoire primaire, qui est l’interaction initiale avec les personnes qui franchissent la frontière.

Le président : C’est une bonne chose de clarifier cela.

Le sénateur Munson : Vous lisez dans mes pensées, monsieur le président. J’aimerais que nous parlions en termes simples, pour que les Canadiens qui regardent comprennent cette question.

Y a-t-il une entente écrite selon laquelle l’interrogatoire primaire ne portera pas sur ce sujet? Comme le président l’a mentionné, 40 p. 100 des Canadiens ont fumé de la marijuana. Les gardes-frontières peuvent se montrer agressifs. Ils ont leurs propres soupçons et tout le reste.

Je ne suis pas convaincu aujourd’hui que les personnes qui ont fumé de la marijuana dans le passé peuvent supposer que cette question ne sera pas posée. J’aimerais pouvoir vous garantir avec plus d’assurance que les deux pays se sont entendus pour que la question ne soit pas posée lors du premier interrogatoire. Je pense que cela en fera partie. Je pense que ce sera primordial lorsque le projet de loi sera adopté.

Vous dites que vous avez des garanties. Nous obtenons tous des garanties. Y a-t-il quelque chose d’écrit?

M. Desmarais : On a posé la même question au ministre lorsqu’il était présent au comité. Je pense que sa réponse, c’était qu’il est hautement improbable que les Américains acceptent une telle entente.

On peut probablement dire la même chose pour le Canada aussi. Il ne faut pas oublier que, dans leurs interactions quotidiennes, les agents maintiennent un certain niveau de pouvoir discrétionnaire afin de pouvoir procéder à un examen progressif. C’est la même chose pour l’Agence des services frontaliers du Canada. Certaines de ces questions pourraient être posées en fonction d’indicateurs particuliers ou de soupçons possibles que le garde-frontière pourrait avoir.

La conclusion d’une entente qui éliminerait essentiellement le pouvoir discrétionnaire des agents est très probablement quelque chose que nos homologues américains seraient très réticents à faire, car cela aurait aussi une incidence sur leur capacité de déterminer leurs propres exigences en matière d’admissibilité.

Le sénateur Munson : J’ai une autre question qui concerne les pardons. Parfois, j’ai l’impression qu’on met la charrue avant les bœufs. Il y a des dizaines de milliers de Canadiens qui ont encore un casier judiciaire pour possession simple de marijuana. Bien sûr, ils ne peuvent se rendre aux États-Unis.

Le premier ministre a laissé entendre que, une fois la loi adoptée, des pardons seront accordés.

L’un d’entre vous a-t-il tenu des discussions en coulisses sur la préparation d’un plan officiel concernant ceux à qui on accorde le pardon qui sera mis en lumière une fois le projet de loi adopté? Les États-Unis ont-ils été informés du fait que ce pays fera ce qui est juste très bientôt et accordera des pardons à ceux qui ont été condamnés pour possession simple?

M. Bhupsingh : Je dirais que le gouvernement comprend que les pardons, ou comme nous les appelons, les suspensions du casier sont importants. Je sais que nous avons procédé à un examen des pardons de façon plus générale, pas seulement en ce qui concerne le cannabis. Des discussions au sujet des pardons sont en cours à l’heure actuelle. Puisqu’elles sont en cours, il n’y a pas nécessairement de résultat, mais je dirais certainement que ces éléments sont pris en considération en ce qui concerne leur relation avec le cannabis.

Le sénateur Manning : Ma question s’adresse à la GRC. Le sénateur Boisvenu a posé au ministre Goodale, le 1er février, la question suivante : « Quel pourcentage de détachements de la GRC possèdent des agents évaluateurs disponibles 24 heures sur 24 et formés pour dépister les drogues? »

Votre ministère a produit un certain nombre d’ERD, mais n’a pas répondu à la question. J’espère aujourd’hui obtenir plus de renseignements. Pouvez-vous nous dire combien de détachements de la GRC possèdent des experts en reconnaissance de drogues disponibles 24 heures sur 24?

M. Daley : Je ne peux pas vous dire aujourd’hui combien nous en avons qui sont disponibles 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Selon notre mode de déploiement, nous nous attendrions à avoir accès à un expert en reconnaissance de drogues 24 heures sur 24, 7 jours sur 7.

Nous aurions accès à cette personne, donc cette personne peut se trouver dans un poste de police voisin ou être sur appel. On pourrait avoir là-bas diverses possibilités pour retenir les services d’un expert en reconnaissance de drogues.

Je peux vous dire que le Service de la circulation nationale de la GRC prend les devants pour accroître le nombre d’ERD au sein de la GRC et de la police communautaire au Canada. En ce moment, la dernière fois que j’ai vérifié, au début de mai, nous comptions 743 agents évaluateurs formés pour dépister les drogues partout au pays, des membres de la GRC et d’autres personnes.

Pour répondre à votre question, et je parle maintenant uniquement pour la GRC, nous avons examiné différents modèles de déploiement afin de gérer la demande. Nous pourrions étudier la faisabilité d’un modèle de fonctionnement sur appel, à partir d’un détachement voisin ou d’un tel type d’accès.

Cela ressemble au régime sur l’alcool où nous avons des techniciens formés pour l’Intoxilyzer, comme nous les appelons. Je ne peux pas garantir qu’une personne travaille 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, en ce qui concerne l’alcool.

Le sénateur Manning : Peut-être pour enchaîner sur le sujet de l’alcool... Nous avons entendu plusieurs témoins s’exprimer au sujet de l’apparition des signes permettant de déterminer si une personne derrière le volant a les facultés affaiblies par le cannabis.

Pouvez-vous nous donner une idée ou des renseignements sur les progrès réalisés à ce sujet du point de vue de la GRC? Si le projet de loi est adopté au cours des prochains mois, comment établissons-nous cette situation ou y réagissons-nous sur nos routes?

M. Daley : Dans le milieu policier, la GRC précisément, les experts en reconnaissance de drogues ou les personnes qui effectuent les tests de sobriété normalisés ne sont pas nouveaux dans la police. Ils sont là depuis un certain temps.

Nous augmentons les possibilités de formation et la disponibilité. Par exemple, au cours de l’exercice 2018-2019, nous envisageons d’ajouter 22 cours de formation pour les experts en reconnaissance de drogues pour l’ensemble des policiers du Canada.

Les mécanismes visant l’application des lois sur la conduite avec facultés affaiblies, liées à l’alcool et aux drogues, existent maintenant. Nous travaillons à rehausser cette capacité et à nous assurer que la prise de conscience générale de nos agents et les compétences particulières des personnes qui effectuent nos TSN ou nos tests de sobriété normalisés et de nos experts en reconnaissance de drogues sont renforcées dans l’ensemble du milieu policier.

Le sénateur Dean : Je remercie nos collègues du gouvernement des conseils et des renseignements incroyables qu’ils nous ont fournis aujourd’hui.

Durant une des audiences du comité, j’ai noté que l’avocat en droit de l’immigration Lorne Waldman a affirmé qu’en vertu d’un régime légal et réglementé s’appliquant au cannabis, la capacité du Canada de soutenir le changement dans le cadre des pratiques frontalières actuelles des États-Unis serait considérablement accrue.

À la dernière phrase de la section 7 du rapport, je remarque une mention où l’on réclame en quelque sorte une approche à prendre dans les discussions avec les États-Unis qui ferait référence à des activités légales à la suite de l’adoption du projet de loi C-45.

Dans la mesure où vous pouvez vous prononcer à ce sujet, croyez-vous que M. Waldman fait valoir un bon point?

M. Desmarais : M. Waldman et l’ASFC ont une relation de longue date. Je vais commencer par dire cela.

Je pense que le point que M. Waldman essayait de faire valoir concerne l’autorité morale dans nos négociations avec nos collègues américains. Il essayait d’expliquer que si la consommation à des fins récréatives était en réalité une activité légale au Canada ou qu’elle n’était pas illégale, peut-être que cela changerait le point de vue des Américains en ce qui concerne leurs propres exigences en matière d’admissibilité.

Encore une fois, je peux dire que les Américains ont manifesté un grand intérêt dans nos changements législatifs proposés. Nous avons eu de nombreuses discussions avec eux pour essayer d’expliquer comment le cadre législatif fonctionnerait en pratique. Ils y ont accordé une grande attention.

Nous avons aussi essayé de les rassurer par rapport à notre propre position en matière d’application de la loi, soit que les interdictions qui existent actuellement continueront d’exister et que nous avons en réalité affecté des employés supplémentaires à leurs propres points d’entrée afin d’être en mesure de déceler le trafic possible de cannabis dans l’avenir.

Notre stratégie repose sur l’information, et nous espérons que cette information débouchera sur des prises de décisions éclairées par les représentants américains en ce qui concerne leurs propres exigences en matière d’admissibilité. Je n’irai pas plus loin que me dire en accord ou en désaccord avec M. Waldman.

Le sénateur Dean : C’est tout à fait compréhensible.

La sénatrice Omidvar : Le cannabis a été légalisé dans plus que quelques États américains, et certains de ces États jouxtent le Canada.

Que faisons-nous lorsque des visiteurs américains arrivent au Canada? Quelles questions leur posons-nous? Avons-nous adapté les processus à mesure qu’un plus grand nombre d’États américains ont légalisé le cannabis?

J’aimerais que nous observions nos propres pratiques afin de tirer une certaine sagesse par rapport à ce que nous voulons que nos homologues américains fassent.

M. Desmarais : La question est-elle de savoir ce que nous devrions demander aux voyageurs américains?

La sénatrice Omidvar : Non. Que faisons-nous actuellement lorsque des visiteurs américains traversent la frontière? Puisque c’est illégal dans notre pays en ce moment, l’ASFC leur pose-t-elle une question afin de savoir s’ils ont consommé du cannabis?

M. Desmarais : En ce moment, ce n’est pas une question obligatoire. Nous ne posons pas de questions au sujet d’une consommation précise de cannabis.

La sénatrice Omidvar : Nous ne posons jamais ces questions.

M. Desmarais : Ce n’est pas que nous ne les posions jamais. Il s’agirait d’une menace ou d’une question fondée sur le risque. De façon générale, nous formons nos agents pour qu’ils utilisent des examens progressifs. Encore une fois, s’il y a des indicateurs selon lesquels des importations possibles se produisent, l’agent va décider de renvoyer cette personne vers l’interrogatoire secondaire en vue d’un examen plus approfondi.

Cela reposerait sûrement sur des indicateurs particuliers, mais pas nécessairement sur des questions systémiques qui seraient posées, ce que nous prévoyons faire dans l’avenir.

La sénatrice Omidvar : Vos processus ont-ils changé au fil du temps parce qu’un plus grand nombre d’États américains ont légalisé le cannabis?

M. Desmarais : Non, notre mode de traitement n’a pas changé.

Le président : À ce propos, on dirait que cela imite le processus américain. On dirait que vous faites la même chose que ce que les Américains feraient.

Si quelqu’un semble être intoxiqué, vous pourriez poser ces types de questions.

M. Desmarais : C’est exact.

Le président : Mais vous ne posez pas comme question primaire celle qui consiste à savoir s’ils l’ont ou non déjà fait. Dans les deux cas, c’est aussi illégal d’apporter du cannabis par-delà la frontière, dans un sens ou dans l’autre. C’est pratiquement une situation parallèle en ce moment.

M. Desmarais : Il importe de reconnaître que les interdictions qui existent actuellement vont continuer d’exister. Du point de vue de l’application de la loi et du traitement frontalier, rien n’a vraiment changé. Nous devons garder cela à l’esprit.

En ce qui concerne nos agents, ils auront aussi accès à divers outils et à diverses sources de renseignements. Par exemple, une personne qui aurait été déclarée coupable dans le passé d’une infraction liée à la drogue pourrait être soumise à un examen secondaire. Divers facteurs pourraient en réalité faire en sorte qu’une personne soit renvoyée à l’interrogatoire secondaire.

La sénatrice Omidvar : Dans la troisième recommandation de notre comité, on propose que le Canada explore un accord bilatéral avec les États-Unis afin de tenir compte de toutes ces questions.

Pensez-vous que nous avons besoin d’un accord ou croyez-vous que les processus actuels peuvent être adaptés pour correspondre à la nouvelle réalité?

M. Bhupsingh : Je ne crois pas que nous ayons nécessairement besoin d’un accord, pour toutes les raisons que mon collègue de l’Agence des services frontaliers du Canada a expliquées en ce qui a trait à la difficulté d’équilibrer un accord ferme et résolu avec d’autres choses, comme la souplesse des agents relativement aux questions. C’est très difficile.

Vous pouvez envisager d’autres avenues, cependant, que nous essayons de rendre un peu moins officielles qu’un accord. Un certain nombre d’engagements existants du comité, au niveau des fonctionnaires supérieurs de bon nombre des ministères qui sont ici, existent déjà, et on y discute de beaucoup de ces enjeux et on peut les résoudre. Ils existent en ce moment et continueront de le faire après la légalisation du cannabis, si le projet de loi est adopté.

Je dirais que mon impression générale, c’est qu’un accord n’est pas nécessairement essentiel. Il serait difficile d’obtenir un accord, mais cela ne devrait pas nous empêcher de mener d’autres activités en ce qui concerne la poursuite des questions qui sont soulevées.

Le sénateur Oh : Ma question concerne les passages frontaliers et les voyages internationaux.

D’abord, pour les postes frontaliers américains, il n’y a pas de garantie que les Américains n’imposeraient pas des contrôles plus rigoureux une fois le projet de loi C-45 adopté et le cannabis légalisé.

Il y a une dérogation si on vous arrête alors que vous traversez la frontière vers les États-Unis. Il vous en coûtera 1 000 $ par année pour obtenir une dérogation vous permettant de retourner aux États-Unis.

Le gouvernement a-t-il un plan pour aider les personnes qui sont arrêtées par rapport à cette question et doivent présenter une demande de dérogation?

M. Bhupsingh : En ce qui concerne la dérogation, je ne suis pas sûr de savoir de quelle assistance vous voulez parler. Peut-être que je pourrais interpréter la question.

Encore une fois, nous n’établissons pas le processus lié à ce que nos homologues américains feront relativement à l’entrée aux États-Unis. En ce moment, le processus suppose un système de dérogation. Comme vous l’avez dit, il y a un coût rattaché à cela. C’est simplement un processus américain qui est défini par ce pays pour ce qui est des conditions, du coût, et cetera.

À l’heure actuelle, le gouvernement fédéral n’envisage rien du tout sur le plan de la dérogation américaine pour obtenir l’entrée si elle vous est refusée.

Le sénateur Oh : Ma deuxième question concerne les voyages internationaux.

Dans des pays de la ceinture Asie-Pacifique comme l’Indonésie, la Malaisie, Singapour et la Thaïlande, le transport de drogues dans ces pays entraîne de graves peines, y compris la peine de mort. L’an dernier, six Australiens ont été pendus en Indonésie simplement pour trafic de drogue.

Comment sensibilisons-nous les jeunes Canadiens aux voyages internationaux?

M. Bhupsingh : Je vais peut-être céder la parole à mon collègue de l’ASFC pour répondre à cette question. J’aimerais juste vous rappeler que des collègues d’Affaires mondiales font partie du prochain groupe de témoins. Cela pourrait également être une bonne question à poser à mes collègues.

M. Desmarais : Nos collègues d’Affaires mondiales Canada seraient probablement mieux placés pour répondre à cette question.

Ce que je puis dire, cependant, c’est que tout voyageur international a des responsabilités et des obligations avant le départ, et l’une d’elles consiste à s’informer au sujet des lois applicables dans le pays où il se rendra et qu’il visitera.

Ce faisant, c’est la responsabilité du gouvernement de fournir des renseignements au public qui voyage. Je pense qu’Affaires mondiales Canada a entamé des travaux supplémentaires afin d’essayer de fournir des avis aux voyageurs à cet égard, et on le fait généralement.

Un certain nombre d’avis aux voyageurs différents sont accessibles au public canadien qui voyage. C’est un véhicule au moyen duquel des renseignements sont diffusés à l’intention des Canadiens. Je ne sais pas si cela répond à votre question.

Le président : Affaires mondiales sera ici, sénateur Oh, dans le prochain groupe de témoins.

La sénatrice Poirier : On a répondu à la plupart de mes questions, mais j’aimerais juste en ajouter une.

Lorsque nous traversons la frontière vers les États-Unis, si nous devons avoir en notre possession un médicament d’ordonnance, ce n’est habituellement pas un problème. La marijuana à des fins thérapeutiques est légale au Canada depuis un certain nombre d’années. Je suppose que les agents en fonction à la frontière ne posaient probablement pas beaucoup de questions à ce sujet.

Dans l’avenir, sera-t-il plus compliqué, compte tenu de la légalisation de la marijuana en cours, de l’apporter aux États-Unis? Quel sera l’enjeu avec la marijuana thérapeutique, même s’ils ont des ordonnances?

M. Costen : C’est une question assez simple. En ce moment, vous ne pouvez pas la faire passer à la frontière, même si vous êtes autorisé à la posséder et à la consommer au Canada pour des raisons médicales. Nous ne proposons pas de changer cela dans l’avenir.

La sénatrice Deacon : Je vais laisser ma première question à Affaires mondiales. Ma deuxième question concerne, en réalité, le surintendant en chef Daley.

Je vois qu’une partie de votre travail consiste à diriger les services de police autochtones. Je me demandais si aujourd’hui, grâce à votre présence, vous pouviez nous faire part de tout ce que vous prévoyez, préparez ou imaginez en ce qui concerne la légalisation du cannabis et l’aspect de votre travail qui concerne les services policiers auprès des collectivités autochtones.

M. Daley : Certainement, je ne me préoccupe pas plus de la communauté autochtone que des répercussions sur l’ensemble des Canadiens. Nous réalisons une quantité importante de travaux afin de former nos propres employés relativement à la Loi sur le cannabis, de sorte qu’ils la connaîtront bien lorsqu’elle sera adoptée.

Le service dans quelques-unes de nos collectivités nordiques présente quelques difficultés pour la GRC, précisément quant à la capacité de doter ces collectivités en personnel et d’avoir une force de police mobile régulière. Cela a juste des répercussions sur la prestation de services, que cela concerne ou non la Loi sur le cannabis.

Les services de police ont toujours tendance à être une espèce de position de repli. Nous nous appuyons fortement sur nos partenaires gouvernementaux pour fournir un service intégré qui nous permet d’aider tout le monde.

Nous mettons beaucoup l’accent sur les jeunes, qu’ils soient Autochtones ou non, dans le cadre de nos services de prévention du crime et de l’accès à des sites web et aux médias sociaux où nous menons beaucoup de campagnes de sensibilisation.

Pour répondre à votre question, je crois que ce qui me préoccupe, c’est l’inconnu, lorsqu’il est question de l’application de la loi, des répercussions de tout changement sur la sécurité du public. Ce qui me concerne, c’est généralement toute forme de changement, que ce soit une nouvelle loi, une nouvelle technique ou une nouvelle répercussion sur les services de police, plutôt qu’un élément particulier, qui me préoccupe.

Les services de police font un très bon travail pour réagir, se réinventer et trouver des solutions par rapport à un problème lié à la prestation de services. Ce qui me garde éveillé la nuit, c’est simplement tout l’aspect de la sécurité publique, que ce soit la culture à domicile ou la façon dont les choses changeront dans l’avenir.

La sénatrice Deacon : Je vous pose la question, parce que cet élément du changement sera important dans le travail que vous faites, absolument.

Nous avons beaucoup entendu parler dans le Comité des peuples autochtones de l’état de préparation et de la demande de report. Quand j’ai posé cette question aujourd’hui, j’ai essayé de réfléchir au fait que cela pourrait être plus criant ou peut-être davantage une préoccupation dans une population qui dit que nous ne sommes pas prêts.

À certains égards, nous pouvons probablement dire cela d’un océan à l’autre, mais j’ai posé la question pour ce groupe particulier.

Le président : Cela soulève dans mon esprit une autre question qui est pertinente pour la question frontalière.

Il y a des réserves qui chevauchent les frontières entre le Canada et les États-Unis. Y a-t-il encore des services frontaliers durables dans ces collectivités? Comment cela fonctionnerait-il dans le cas de cannabis qui se promène de part et d’autre d’une réserve qui est en fait située des deux côtés de la frontière?

Y en a-t-il parmi vous qui ont une réponse à cela? Peut-être que ce n’est plus le cas aujourd’hui.

M. Desmarais : Je peux tenter d’y répondre. Je pense que les exigences en matière d’entrée demeurent les mêmes. Cela présente certaines difficultés dans des collectivités précises où, en raison de dispositions géographiques, le point d’entrée pourrait ne pas se trouver nécessairement dans une situation idéale.

Dans ces cas, nous menons des discussions à l’échelon local pour nous assurer qu’il y a une compréhension commune des exigences en matière d’entrée dans l’avenir, de sorte que nous puissions assurer une mise en œuvre tout en douceur.

De façon holistique, du point de vue des frontières, les exigences en matière d’entrée vont demeurer les mêmes.

Le sénateur Tannas : Je suis curieux, parce qu’il y a un enjeu tout aussi contraire entre le Canada et les États-Unis : les Américains qui se présentent à la frontière avec des armes de poing. C’est parfaitement légal d’avoir une arme de poing là-bas, et dans certains États, vous pouvez même en cacher sur vous.

Arrive-t-il souvent qu’un citoyen américain se présente en voiture à notre frontière muni d’une arme de poing? Cela se produit-il souvent? Si oui, lui refusons-nous l’entrée et lui interdisons-nous d’entrer à jamais au Canada? Comment gérons-nous cette situation en ce moment?

M. Desmarais : Je dirais que cela arrive probablement plus souvent que les gens peuvent l’imaginer. Nous avons un affichage particulier à cet effet pour nous assurer qu’il n’y a pas d’oublis de la part du public qui voyage.

Les citoyens américains sont renseignés sur nos exigences en matière d’entrée. Ils ont un affichage particulier. Cela a une incidence sur leur admissibilité. Nous avons les moyens de saisir des armes. Nous le faisons fréquemment. Nous avons la capacité d’intenter des poursuites criminelles à certains égards également, lorsque les circonstances l’exigent.

Je dirais que cela arrive assez souvent, et dans certaines régions du pays probablement plus qu’ailleurs.

Le sénateur Tannas : Cela fait-il en sorte qu’ils se retrouvent sur notre liste perpétuelle des fautifs, de sorte qu’ils n’ont plus le droit de revenir au Canada si cela s’est produit? Est-ce automatique?

M. Desmarais : On pourrait envisager une diversité de scénarios, selon les mesures d’application de la loi qui auraient été prises.

Par exemple, si cela entraîne une sanction pénale, il y aura assurément des effets à long terme. Je ne peux pas nécessairement parler de la durée de ces effets ni des diverses avenues permettant de renverser cette admissibilité; mais il y a assurément des avenues où c’est possible de le faire.

Le sénateur Tannas : Dans votre organisation, avez-vous un mandat ou une référence à un mandat au sujet de votre rôle pour permettre aux Canadiens d’entrer aux États-Unis?

M. Desmarais : Notre rôle est très précis. Il consiste à traiter les voyageurs entrants.

Le sénateur Tannas : Permettez-moi de vous poser cette question, parce que je pense que vous allez me renvoyer à Affaires mondiales.

Si Affaires mondiales vient vous dire : « Écoutez, le sénateur Untel des États-Unis a communiqué avec nous. Voici son neveu, et on lui a refusé l’accès. Tout cela a créé une grande confusion. Nous croyons que vous n’agissez pas de façon raisonnable », à quelle fréquence accueilleriez-vous ce type de demande et à quelle fréquence changeriez-vous votre décision?

Là où je veux en venir, c’est qu’il me semble que vous et vos homologues aux États-Unis sont ceux qui doivent disposer d’un certain type de plateforme logique qui vous permet de démêler des choses personnelles qui se produisent à la frontière et font en sorte qu’une personne se retrouve sur une liste parce qu’elle a dit la mauvaise chose, qu’elle a dit quelque chose de stupide, s’est emportée ou parce que c’est une personne vilaine, mais pas une personne qui enfreint la loi.

Pouvez-vous penser à quelque chose de la sorte qui serait utile dans votre rôle et utile pour les Canadiens qui essaient de se rendre aux États-Unis?

M. Desmarais : Je ne vais pas commenter les diverses formes de demandes que nous recevons des divers électeurs de partout au pays, y compris des sénateurs peut-être, ni même de nos possibles partenaires internationaux.

Ce que je dirais probablement, c’est que c’est le cas pour toute agence frontalière. Nous devons tous essentiellement gérer la fluidité de la circulation. Ce faisant, il y a une raison pour laquelle, comme c’est le cas dans chaque administration, je crois, on accorde aux agents assez de souplesse et de pouvoir discrétionnaire pour prendre des décisions. Il ne faut pas oublier que nous traitons maintenant plus de 100 millions de personnes chaque année.

Les agents jouissent d’un pouvoir discrétionnaire considérable. On leur offre ce pouvoir de sorte qu’ils puissent en réalité évaluer les circonstances particulières de chaque cas. Dans certains cas, des facteurs aggravants pourraient déboucher sur certaines mesures d’application de la loi, tandis que dans d’autres, il n’y en aurait peut-être pas.

Je ne sais pas si cela répond clairement à votre question précise, mais je définirais probablement le pouvoir discrétionnaire des agents comme un outil qui a été mis en place pour permettre de composer avec les variantes dans des circonstances particulières.

Le sénateur Tannas : Diriez-vous que ce problème est sur le point de s’aggraver énormément, si c’est effectivement un problème?

M. Desmarais : Je pense que nous sommes équipés pour surveiller la mise en œuvre afin de voir comment cela touchera notre traitement des voyageurs entrants. Nous avons assurément la capacité de le faire.

Je pense qu’il est important que le comité reconnaisse que nous avons aussi obtenu des ressources additionnelles afin de faciliter ce traitement, de sorte que nous ne créons pas de retards frontaliers supplémentaires, et qu’il reconnaisse que nous poserons des questions supplémentaires.

Il semble parfois que ce n’est rien de poser une question de plus, mais lorsque vous traitez 100 millions de personnes par année, même une petite augmentation d’une question a des répercussions. Dans toute notre préparation, nous avons demandé et reçu des ressources supplémentaires afin de faciliter le traitement des Canadiens qui reviennent ou des ressortissants étrangers.

Le sénateur Munson : Je pense que cette question s’adresse à la police. J’ai lu une récente enquête de Vice News fondée sur des données policières qui révèlent que les Autochtones et les Noirs sont constamment surreprésentés dans les cas de possession de cannabis et les arrestations dans les villes. J’aimerais que vous confirmiez pour nous ce matin si c’est vrai.

Je vais également demander un petit préambule à la lumière de cela. Les entreprises autorisées par Santé Canada ont des partenaires internationaux. De nombreuses personnes qui ont des antécédents qui remontent loin sont des avocats ou des gens d’affaires, et ils sont réticents à même postuler un emploi dans ces entreprises parce que, dans de nombreux cas, celles-ci ne peuvent pas embaucher dans certains postes des gens qui possèdent un casier judiciaire.

Aimeriez-vous vous exprimer là-dessus et dire comment cela se reflète sur les minorités de notre pays et leur possibilité d’avoir le même espace de travail que d’autres?

M. Daley : Je peux certainement formuler un commentaire par rapport à votre première question liée à la surreprésentation. Je pense que c’est l’essentiel de ce que vous disiez.

Je ne connais pas l’article de Vice News. Je ne connais pas non plus les statistiques exactes auxquelles vous faites allusion.

En ce qui concerne la GRC, dans chaque interaction que nous avons avec une personne du public canadien, nous sommes gouvernés par la Charte des droits et libertés. Nous avons une législation sur les droits de la personne à laquelle nous nous conformons. Nous avons une politique interne de services de police sans préjugés qui porte sur l’exigence absolue de traiter les gens avec dignité et respect.

Je m’attends à ce que les agents adhèrent à chacune de ces règles dans chaque interaction, reconnaissant que la GRC a des centaines de milliers d’interactions avec les Canadiens de partout au pays.

Dans le public canadien, pour la personne ou le client qui n’a pas l’impression d’avoir été traité correctement, il existe de nombreux mécanismes de surveillance, que vous examiniez des organisations comme le bureau indépendant en Colombie-Britannique, l’Équipe d’intervention en cas d’incident grave de la Nouvelle-Écosse, les mécanismes internes de plaintes du public ou les lois sur les droits de la personne. Ils fournissent tous, à mon avis, la surveillance nécessaire.

Les policiers sont régis par les faits ou par ce qui se présente devant eux. Ce n’est pas différent de quelqu’un qui arrive au point d’entrée, comme nous l’avons entendu dire, et présente certains indicateurs qui permettent ensuite à l’agent de mener une enquête approfondie.

C’est comme cela que les services de police au Canada fonctionnent. Je vous garantis qu’il y a certainement assez de recours, à mon avis. Si une personne a l’impression de ne pas avoir été servie correctement, il y a assez de surveillance. Nos agents sont bien au fait de cette surveillance et des ramifications de celle-ci, que ce soit un code de conduite à l’interne, une discussion avec le superviseur ou quoi que ce soit d’autre.

Vous avez ensuite demandé comment les gens pourraient être désavantagés du point de vue de l’emploi.

Le sénateur Munson : Dans un esprit d’équité, les gens méritent-ils une deuxième chance, même s’ils ont eu un casier judiciaire pour possession simple? Peut-être que les représentants de Santé Canada pourraient répondre à cela.

Je sais qu’il est difficile, comme haut fonctionnaire, d’entrer dans les détails de toute cette question. Je suis sûr que vous avez probablement une position sincère, quand on parle des personnes qui essaient d’investir dans ce qui serait une nouvelle industrie ou d’en faire partie, et estimez qu’il y a une possibilité pour les Canadiens quand il demeure des obstacles juridiques à surmonter.

M. Costen : Le sénateur et peut-être vos collègues sauront, au point où nous en sommes, que je n’ai pas de problème pour ce qui est d’entrer dans les détails.

Ce que vous demandez comporte deux dimensions. Le comité a entendu, dans le cadre du processus d’attribution de licences, que les règlements aujourd’hui et les règlements que nous envisageons dans l’avenir nomment certains membres clés d’une entreprise qui sont déterminés à occuper des postes d’influence, qu’ils soient responsables de la sécurité de l’entreprise ou du traitement.

Nous avons désigné un ensemble de postes comme étant importants. Ce ne sont pas tous les postes dans l’entreprise. Bien franchement, c’est probablement une minorité des postes de l’entreprise.

En ce qui concerne les décisions d’embauche, le fait de savoir si l’existence d’une lointaine accusation de possession de drogue, pour reprendre votre exemple, créerait ou non un obstacle à l’emploi dans un de ces postes non essentiels, c’est vraiment une décision qui revient à l’entreprise. Chaque entreprise possède ses propres processus d’embauche. Dans certains cas, cela pourrait être un obstacle, et dans d’autres, cela ne le serait pas.

Pour ce qui est des postes d’influence, ils sont détaillés dans ces articles réglementaires que j’ai mentionnés à quelques occasions. C’est peut-être quelque chose que vous voudriez examiner. L’idée, c’est que nous voulons nous assurer que les personnes qui occupent ces postes d’influence n’ont pas de liens directs ou même indirects avec le crime organisé.

Nous recherchons tout ce qui pourrait compromettre l’intégrité du régime ou ses activités.

Si vous examinez les détails des règlements, le fait qu’une personne a peut-être fait l’objet par le passé d’une accusation de possession, à titre d’exemple, ne l’empêche pas d’office d’obtenir une autorisation de sécurité. L’organisme de réglementation, en partenariat avec nos amis à la GRC, va étudier les faits dont nous sommes saisis. Puis, nous prendrons une décision en fonction de tous les faits présentés, afin de savoir si cette personne présente une menace ou un risque tels que nous ne voulons pas délivrer une autorisation.

Le simple fait d’avoir un casier judiciaire pour possession ou quelque chose du genre ne signifie pas de facto qu’on vous refuse l’entrée.

Le président : Merci beaucoup. Voilà qui nous amène à la fin de la séance.

Pour notre quatrième groupe de témoins, nous souhaitons de nouveau la bienvenue à nos représentants de Santé Canada qui ont été parmi nous toute la journée. Nous accueillons également Mark Gwozdecky, sous-ministre adjoint, Sécurité internationale et affaires politiques; Alan Kessel, sous-ministre adjoint des Affaires juridiques et jurisconsulte; et, enfin, Kevin Thompson, directeur général, Direction générale de la Stratégie pour l’Amérique du Nord, d’Affaires mondiales Canada.

Je crois savoir que vous avez quelques déclarations liminaires, monsieur Gwozdecky. Je vais maintenant vous laisser les présenter.

[Français]

Mark Gwozdecky, sous-ministre adjoint, Sécurité internationale et affaires politiques, Affaires mondiales Canada : Je vous remercie, monsieur le président. Au cours de l’étude du projet de loi C-45 par le Sénat, la ministre des Affaires étrangères a comparu devant le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international afin de discuter des répercussions à l’échelle internationale du projet de loi C-45. Des représentants d’Affaires mondiales Canada ont également comparu devant ce même comité ainsi que devant le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense pour discuter de ces répercussions.

Je parlerai brièvement des principaux points soulevés au cœur de ces audiences qui, à notre avis, répondent directement à bon nombre des recommandations formulées par les deux comités.

J’aimerais commencer par affirmer que le Canada demeure déterminé, avec ses partenaires internationaux, à lutter contre le problème mondial de la drogue. En effet, nous sommes résolus à travailler avec nos partenaires internationaux pour lutter contre le trafic de drogue et atténuer les conséquences négatives qui découlent de la consommation problématique de substances.

Comme vous le savez, le projet de loi C-45 propose un cadre de réglementation strict pour la production, la distribution, la vente et la possession de cannabis, ainsi que des peines sévères pour ceux qui enfreignent la loi et ce, dans le but de restreindre l’accès des jeunes au cannabis et de déjouer les activités criminelles.

[Traduction]

Comme la ministre Freeland l’a affirmé le 1er mai dernier, le gouvernement estime que les objectifs du projet de loi C-45 sont conformes à l’objectif principal des conventions des Nations Unies sur les drogues, c’est-à-dire la protection de la santé et du bien-être de nos citoyens. Le gouvernement reconnaît que l’approche proposée pour légaliser, restreindre et réglementer strictement le cannabis fera néanmoins en sorte que le Canada sera en contravention de certaines obligations liées au cannabis en vertu de ces conventions.

Comme je l’ai mentionné le 21 mars, le gouvernement n’a pas l’intention, à l’heure actuelle, de prendre quelque mesure que ce soit à l’égard des traités. Nous demeurons un ardent défenseur du cadre international de réglementation des drogues qui régit le mouvement de plus de 100 drogues et substances, y compris d’un bon nombre qui jouent un rôle dans la crise actuelle des opioïdes et de nombreuses autres qui sont essentielles pour notre santé.

Le problème mondial de la drogue se manifeste différemment dans le monde, et il n’y a pas d’approche universelle. La communauté internationale reconnaît de plus en plus le besoin pour les pays de concevoir des politiques nationales sur les drogues afin de tenir compte de leur situation et de leurs besoins particuliers. Le projet de loi C-45 est une réponse stratégique canadienne à des défis canadiens en matière de santé et de sécurité, et nous ne préconisons pas la légalisation comme une solution pour d’autres.

À l’avenir, nous allons continuer de travailler avec nos partenaires internationaux à faire avancer les objectifs du cadre de réglementation des drogues, y compris au moyen de l’échange d’information et de renseignement sur les menaces des drogues, de la mise en commun d’expertise sur des approches permettant d’atténuer les méfaits liés à la consommation problématique de substances et du soutien du renforcement des capacités afin de lutter contre le trafic.

L’autre question qui a été étudiée en profondeur par le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international et le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, c’est la collaboration avec les États-Unis, afin de veiller à ce que la frontière demeure efficace et sécuritaire et qu’il n’y ait pas d’effet contraire associé à la légalisation du cannabis au Canada.

Nous continuons de dialoguer avec les autorités pertinentes des États-Unis pour assurer une compréhension commune des changements de la politique canadienne et des conséquences de ces changements et pour recenser les différentes approches employées par le Canada et les États-Unis.

Depuis l’introduction par le gouvernement fédéral du projet de loi C-45, le gouvernement du Canada a maintenu un dialogue continu avec ses partenaires américains à l’échelon des ministères et des hauts fonctionnaires, notamment grâce à la tenue de réunions régulières avec l’ambassade des États-Unis à Ottawa et entre l’ASFC et son homologue, le Service américain des douanes et de la protection des frontières.

Grâce à ces discussions, nous avons tenu les Américains au courant de ce projet de loi et avons également écouté leurs préoccupations. Les deux pays ont en commun l’objectif de réduire au minimum les répercussions sur la frontière et de prévenir le détournement du cannabis légal vers le marché noir. Les lois fédérales américaines interdisent actuellement l’importation, la possession, la production et la distribution de cannabis, même s’il a été légalisé dans certains États américains.

Le gouvernement fédéral américain a clarifié qu’il ne prévoit pas changer son approche à la frontière dans le cas où le cannabis serait légalisé au Canada. Comme c’est le cas en ce moment, la possession ou la consommation préalable de cannabis pourrait entraîner un refus d’entrée aux États-Unis.

Il est crucial que les Canadiens soient au courant de ces règles et de ces règlements. Pour cette raison, Affaires mondiales est à la tête d’une campagne de sensibilisation globale avec d’autres ministères importants afin d’informer les Canadiens et les voyageurs internationaux au sujet du cannabis et des voyages internationaux avant qu’ils traversent la frontière.

Le sénateur Oh : Messieurs, ma question concerne les voyages internationaux. Comme vous le savez, des pays de la ceinture Asie-Pacifique, y compris l’Indonésie, la Malaisie, Singapour, la Thaïlande, et cetera, imposent la peine de mort pour le trafic de drogues ou le transport de drogues au pays.

Avez-vous une dérogation spéciale pour les Canadiens qui entrent dans un pays avec du cannabis à des fins de consommation personnelle? Comment protégeons-nous les Canadiens pour qu’ils ne se retrouvent pas avec un grave problème?

M. Gwozdecky : C’est une question très importante, et nous travaillons fort pour y répondre, de sorte que les Canadiens puissent être bien renseignés lorsqu’ils choisissent de voyager.

J’ai dit que notre ministère dirige une initiative dans l’ensemble du gouvernement. Plusieurs ministères participent à l’élaboration d’un plan de communications pour faire en sorte que les voyageurs soient au courant de l’interdiction visant le transport de cannabis entre les frontières et d’autres risques liés au cannabis.

Cela comprend, comme je l’ai dit, d’autres ministères, y compris Santé Canada, l’ASFC et Transports Canada. Le plan suppose l’utilisation de médias imprimés traditionnels, de vidéos qui pourraient être utilisées dans les aéroports et les stations de train, l’affichage aux points d’entrée et à la sortie, ainsi qu’un éventail de médias sociaux.

De plus, le gouvernement a un plan coordonné de sensibilisation directe d’une gamme d’intervenants. Il pourrait s’agir notamment d’associations de transport, d’administrations des ponts et d’administrations aéroportuaires, d’agences de voyages, et cetera.

On cible particulièrement les jeunes au moyen des canaux utilisés durant la campagne « Ne conduis pas gelé », qui était très réussie.

Nous allons également mettre à profit notre réseau de missions à l’étranger pour nous assurer de communiquer plus rapidement et efficacement des renseignements liés au cannabis concernant les risques des voyages à l’étranger.

J’aimerais faire remarquer, monsieur, que le gouvernement du Canada et notre ministère tiennent des sites web qui fournissent des conseils aux Canadiens qui voyagent dans chaque pays du monde. Cela existe aujourd’hui.

Je vous signalerais que le risque que vous avez souligné concernant le voyage dans certains pays d’Asie du Sud-Est est déjà un élément de nos sites web d’avis aux voyageurs. Nous avons une page spéciale par pays ainsi qu’une page dédiée à l’alcool, aux drogues et aux voyages. Sur cette page, qui est parmi les plus visitées de nos pages web, on souligne que des pays comme l’Indonésie, la Malaisie, Singapour et la Thaïlande imposent la peine de mort pour des infractions liées à des stupéfiants. Les pages web particulières associées à ces pays mettent également en évidence ces types de risques.

Ces risques existent en ce moment. Dans le cadre de notre nouvelle campagne d’information proposée, nous allons faire ressortir encore plus de renseignements, afin que les Canadiens puissent être bien informés.

Le sénateur Oh : Concernant le site web, je ne crois pas qu’il soit assez bon. Quand prévoyez-vous l’améliorer avant que le cannabis soit légalisé?

M. Gwozdecky : Nous devons recevoir la sanction royale avant de pouvoir prendre des mesures définitives. Entretemps, nous nous préparons à cette éventualité, afin de pouvoir agir rapidement si la sanction royale est accordée.

[Français]

La sénatrice Petitclerc : Monsieur Gwozdecky, merci beaucoup de votre présentation.

Ma question porte sur l’un des sujets dont on a discuté au sein du comité, soit la violation possible de la Convention relative aux droits de l’enfant des Nations Unies. La présidente de la Coalition canadienne pour les droits des enfants, lors de sa comparution, affirmait que le fait que le seuil soit fixé à 30 grammes pour les adultes, comparativement à 5 grammes pour les jeunes de 12 à 17 ans, cela nous placelait en violation de la Convention relative aux droits de l’enfant des Nations Unies.

Ma question porte donc sur deux niveaux. D’une part, est-ce inquiétant pour nos jeunes de 12 à 17 ans? D’autre part, est-ce inquiétant du point de vue des implications possibles, à l’échelle internationale, par exemple, sur nos relations et notre réputation?

[Traduction]

Alan Kessel, sous-ministre adjoint des Affaires juridiques et jurisconsulte, Affaires mondiales Canada : Merci de poser la question, monsieur le sénateur. Du point de vue de nos obligations internationales, le gouvernement est d’avis que le projet de loi C-45 n’influence pas la capacité du Canada de respecter ses obligations en vertu de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant.

Un objectif central du cadre législatif est de protéger les jeunes Canadiens. La loi permettra de l’atteindre au moyen de plusieurs mesures : limiter l’accès des jeunes au cannabis; imposer des restrictions en matière de publicité semblables à celles en place pour les produits du tabac; imposer des restrictions sur la promotion, la vente, l’emballage et l’étiquetage des produits du cannabis qui sont considérés comme attrayants pour les jeunes; et créer de nouvelles infractions pour les adultes qui vendent du cannabis aux jeunes ou qui utilisent des jeunes pour commettre des infractions liées au cannabis.

J’aimerais faire remarquer que le ministère de la Justice est au fait du rapport du Comité des affaires étrangères et de ses observations sur cette question. Il serait probablement utile de parler au ministère afin de déterminer son approche à l’égard de cette question particulière également.

La sénatrice Seidman : Encore une fois, je remercie les divers ministères de leur présence ici afin de nous aider à comprendre ces rapports. Le Comité des affaires étrangères a entendu des témoignages, y compris celui de la ministre, comme vous l’avez mentionné, selon lesquels lorsque le projet de loi C-45 sera adopté, le gouvernement du Canada contreviendrait à trois traités internationaux sur la réglementation des drogues.

On a déclaré au comité que la violation du droit international n’est vraiment pas une mince affaire. En tant que pays, nous ne pouvons probablement pas choisir les traités internationaux que nous voulons suivre sans encourager d’autres pays à faire la même chose.

Quelles mesures le gouvernement prend-il pour atténuer les violations? Quelles sont les répercussions sur la crédibilité mondiale du Canada en ce qui concerne ces violations?

M. Gwozdecky : Le Canada demeure et va demeurer un partenaire international engagé dans la lutte contre le trafic de drogues illicites et la promotion de solutions fondées sur des données probantes afin d’atténuer les dommages liés à la consommation problématique de substances.

La communauté internationale a sans cesse fait savoir qu’elle valorise les contributions du Canada pour réagir au problème mondial touchant les drogues. Comme la ministre l’a dit lors de sa comparution, après que notre législation a été proposée, le Canada a été réélu à la Commission des stupéfiants durant une élection contestée, où il a reçu le deuxième nombre de votes en importance. Ce résultat et d’autres indications nous donnent à penser que le Canada est reconnu comme un joueur important et que les pays veulent que le Canada reste à l’intérieur de ce cadre. De fait, de nombreux pays nous ont explicitement demandé de ne pas nous écarter de ce cadre, mais bien d’y rester.

La sénatrice Seidman : Je comprends ce que vous dites. Nous avons une certaine position à l’échelle internationale, mais le Canada envisage-t-il un quelconque type de mesures par rapport aux violations? Avez-vous entrepris quoi que ce soit? Planifiez-vous quoi que ce soit dans l’avenir?

M. Gwozdecky : Comme je l’ai dit dans ma déclaration, la communauté internationale, qui s’est penchée sur le problème international des drogues, reconnaît la nécessité pour les pays de faire preuve de souplesse afin d’adapter leurs politiques et leurs approches et de les faire correspondre à leurs propres besoins.

De fait, avant l’adoption de la nouvelle politique du Canada, un certain nombre d’autres pays ont pris des décisions afin de décriminaliser la marijuana ou de la légaliser pleinement dans certains cas. Nous avons vu l’Uruguay, la Bolivie, 3 États européens et plus de 10 États américains entreprendre un mouvement dans cette direction.

On reconnaît que les pays peuvent adopter des approches différentes. En effet, c’est pourquoi j’ai dit que l’approche du Canada ne se veut pas une prescription universelle pour d’autres pays : c’est quelque chose qui est conçu pour tenir compte de notre réalité, où nous avons des taux très élevés de consommation de cannabis chez les jeunes que nous essayons de rejoindre.

Je pense qu’il est juste de dire qu’on reconnaît que les pays peuvent adopter des approches différentes à l’intérieur de ce cadre. Nous sommes rassurés par le fait que d’autres reconnaissent que le Canada est un partenaire majeur et engagé pour ce qui est de réagir au vaste problème mondial des stupéfiants qui, comme je l’ai dit, concerne bien au-delà de 100 substances différentes, le cannabis n’étant qu’une d’entre elles.

Le sénateur Gold : J’ai une question de suivi par rapport à la question de ma collègue. Nous avons entendu des préoccupations au sujet de cet enjeu. Pourriez-vous parler de l’expérience, au meilleur de vos connaissances, de l’Uruguay, qui a légalisé le cannabis? Je crois savoir que le Comité des affaires étrangères a entendu le témoignage de John Walsh, du Bureau de Washington sur l’Amérique latine. Il a dit que, depuis la légalisation du cannabis, l’Uruguay ne s’est pas vu mettre au ban de la communauté internationale. Il n’a pas souffert de sanctions et n’a pas été puni pour ses actions.

Cette expérience, tout comme l’expérience dans quelques pays européens et latino-américains pour à tout le moins décriminaliser le cannabis, guide-t-elle votre décision de ne pas poursuivre l’étude d’options explicites à l’égard des violations des traités?

M. Gwozdecky : Nous avons assurément examiné l’expérience d’une vaste gamme de pays, y compris l’Uruguay, pour ce qui est des mesures qu’ils ont prises ou n’ont pas prises. Vous avez bien raison de dire que l’Uruguay a choisi de ne pas prendre de mesures liées aux traités. En ce sens, à l’instar de l’approche que le Canada prévoit actuellement adopter, c’est-à-dire ne prendre aucune mesure relative aux traités, ce qui diffère dans le cas de l’Uruguay, c’est qu’il n’a pas reconnu avoir contrevenu à quelque obligation que ce soit dans les conventions internationales sur les drogues. Nous sommes d’avis que nous le faisons, et nous reconnaissons de façon transparente que nous serons en contravention de certaines de ces dispositions.

Comme je le dis, un grand nombre de pays ont adopté des approches différentes. Nous ne disons pas que ce sont des approches communes. Les pays individuels doivent trouver leurs propres prescriptions uniques par rapport aux problèmes auxquels ils font face. Dans le cas du Canada, le plan que j’ai décrit est celui qui convient le mieux, à notre avis, à la réalité canadienne.

Le sénateur Gold : Le Canada sera le premier pays du G7 à légaliser le cannabis. On observe un changement perceptible partout dans le monde pour ce qui est de la façon dont les gouvernements abordent la question du cannabis. À votre avis, le projet de loi C-45 et votre réaction par rapport aux traités nous donnent-ils, en tant que pays, un certain rôle de leadership à jouer sur la scène internationale, en amenant d’autres pays à revoir comment ces traités devraient être interprétés et appliqués, et plus généralement, en ce qui concerne les politiques sur la drogue?

M. Gwozdecky : J’aimerais dire deux choses. La première, c’est que notre politique, notre approche, est conçue par des Canadiens pour réagir à une réalité canadienne. Il est aussi juste de dire que les pays sont très intéressés à voir ce que le Canada propose de faire. Ils sont très curieux par rapport à la façon dont nous faisons les choses. Ils seront exceptionnellement curieux quant à la façon dont cela sera mis en œuvre et aux effets que cela aura.

Sans aucun doute, d’autres observeront ce qui se passe au Canada et en tireront des leçons. Nous espérons qu’il y aura plus de leçons positives que négatives à tirer.

Le sénateur Munson : Peut-être que nos audiences tirent à leur fin; ou nous devons prendre des décisions lundi, ou peut-être que c’est juste vendredi. J’aimerais savoir comment vous considérez le Canada comme destination pour le cannabis du point de vue économique. Il y a ceux qui croient probablement que le film Reefer Madness est sur le point de se concrétiser au Canada. Il y a ceux qui pourraient penser que c’est merveilleux de pouvoir venir au Canada pour fumer de la marijuana. Comme le dit la chanson : « Entre deux joints, tu pourrais faire quelque chose. » Le Canada fait-il quelque chose? Je pose la question de façon sérieuse, parce qu’il y aura un facteur économique.

Affaires mondiales a-t-il effectué des études sur les avantages? Peut-être que des dizaines de milliers de personnes aux États-Unis, en Europe et dans le monde verront le Canada comme une destination où aller consommer du cannabis comme ils l’entendent. Je sais que nous avons une responsabilité sur les plans de la santé et de l’éducation. Nous savons ce que nous faisons et nous ferons de notre mieux. Toutefois, il doit y avoir quelqu’un au ministère des Affaires étrangères qui examine les facteurs économiques et les statistiques qui pourraient se révéler profitables pour notre économie.

M. Gwozdecky : Permettez-moi de dire ce que vous pensiez que je dirais, c’est-à-dire que la motivation qui sous-tend cette législation est effectivement mue par le désir d’améliorer la santé et le bien-être de nos citoyens. C’est, dans un tout premier temps, la raison pour laquelle nous sommes ici aujourd’hui pour l’étudier.

D’autres personnes pourraient bien choisir de se rendre au Canada pour les raisons que vous avez mentionnées. Je ne suis au courant d’aucune forme d’analyse que nous aurions faite au sujet des répercussions économiques possibles. Je ne crois pas que ce serait de quelque façon que ce soit une question décisive en ce qui concerne l’approche que nous adoptons. Si les voyageurs adultes au pays choisissent de prendre part à la consommation de cannabis de façon licite aux côtés des Canadiens, cela ne serait pas un problème.

Je pense que je vais céder la parole à mon collègue, M. Costen, qui a également des renseignements supplémentaires à fournir.

Le sénateur Munson : Lorsque vous utilisez les mots « santé et bien-être », cela signifie-t-il essayer d’éliminer le marché noir, de sorte que ceux qui consomment du cannabis sachent à tout le moins que ce qu’ils reçoivent a été mis à l’essai et que ceux qui le fument, ou quoi que ce soit d’autre, le fassent dans un environnement plus sécuritaire? Est-ce ce que vous entendez par « santé et bien-être »? Peut-être que M. Costen peut répondre.

M. Costen : Oui, l’expression vernaculaire que nous utilisons est l’approche axée sur la santé publique. Qu’entendons-nous par cela? Nous entendons certaines des choses que vous venez de décrire. La ministre de la Santé parle souvent de la description courante. M. Blair le fait aussi. C’est fondamental pour rendre l’accès plus difficile aux jeunes, ce qui signifie, par ricochet, que nous aimerions voir diminuer, et c’est notre objectif, les taux de consommation des jeunes.

Comme mon collègue vient de le dire, l’impératif de la politique, ce n’est pas la génération de recettes. Vous avez raison, l’objectif est de créer un marché légal, mais on n’a demandé à personne d’entre nous de prévoir les avantages ou les inconvénients économiques liés à la consommation de cannabis par les touristes. Il s’agit vraiment, comme on l’a dit, de découvrir comment créer un système qui va prévenir l’accès chez les jeunes et réduire au minimum les dangers associés à la consommation des adultes, puis de surveiller les choses de façon très étroite, pour des raisons nationales et, franchement, parce que nous comprenons qu’il y a un intérêt considérable à l’échelle mondiale. Nous devons à nous-mêmes et au monde de mesurer cela de façon étroite et de comprendre les répercussions de ce système.

La sénatrice Deacon : J’aimerais approfondir un peu plus cette compréhension et le fait que nous sommes uniques et qu’il y aura une approche canadienne nationale. Nous respectons assurément cela.

Pour revenir à certains des éléments, étant donné que le Canada est un pays du G7 et en ayant toujours à l’esprit la réputation et le risque à la réputation de notre pays, s’agit-il pour le Canada d’une occasion, dont vous avez commencé à parler un peu, de devenir un chef de file des politiques en matière de réforme des drogues?

La deuxième partie de cette question, c’est que nous avons quelque peu parlé de certains des autres pays. Je pense qu’on a parlé de l’Uruguay et de quelques autres pays dans un contexte. Je me demande, même si nous concevons une approche unique adaptée aux besoins du pays, s’il y a des pratiques exemplaires que nous voyons ou des tendances que nous voyons émerger de lieux comme l’Uruguay, le Portugal ou d’autres pays où la marijuana a été légalisée.

Dans un premier temps, il s’agit de voir cela comme une occasion pour le Canada de diriger, et dans un deuxième temps, de cerner certaines des choses, même si nous examinons notre propre situation, que nous apprenons de nos voisins du Sud ou de certaines de ces autres administrations?

M. Gwozdecky : Je vais tenter une réponse par rapport à la première partie de votre question, puis je demanderai à M. Costen d’y ajouter quelque chose.

Pour ce qui est du leadership, le projet de loi est proposé parce que nous croyons qu’il aura des effets positifs sur la santé et le bien-être des Canadiens. Si c’est avéré, d’autres le remarqueront, en tireront peut-être des leçons et pourraient décider de voir si cela pourrait s’appliquer à leur domaine, auquel cas il y aurait un effet de leadership.

Ce n’est pas pourquoi nous le faisons. Ce serait bien si d’autres étaient en mesure de tirer des leçons positives et d’élargir les avantages de ce système au-delà de nos frontières; mais ce n’est pas pourquoi nous sommes ici.

La sénatrice Deacon : Au fil de votre étude et dans l’avenir, essayez-vous d’élaborer un cadre de responsabilisation ou un moyen pour surveiller ce que vous examinez afin de vous assurer que, dans votre domaine d’expertise, cet objectif principal de santé et de sécurité des Canadiens demeure notre objectif ciblé principal et, à mesure que nous avançons, que nous savons que nous nous en approchons? Qu’est-ce que cela veut dire? Quelles sont les choses que vous pourriez faire pour élaborer le volet de responsabilisation de la surveillance?

M. Gwozdecky : J’espère que je comprends bien votre question, madame la sénatrice. Permettez-moi de dire qu’Affaires mondiales est déterminé à poursuivre une conversation constante avec le monde grâce à ses 170 missions partout dans le monde, et particulièrement par rapport à des enjeux touchant les drogues au Centre des Nations Unies à Vienne, où des organismes créés en vertu d’un traité tiennent des conversations continues.

Dans le cadre de ces conversations, nos représentants font part de l’expérience canadienne régulièrement et ils aident à façonner une compréhension globale et des cadres internationaux sur les drogues à l’échelle mondiale. À mesure que nous avancerons et tirerons des leçons de ce qui se produit au Canada ou de ce qui pourrait s’y produire, nous allons communiquer cette information de façon systématique à nos partenaires, de façon bilatérale et multilatérale. Nous espérons que cette information sera reçue avec grand intérêt, peut-être par d’autres qui souhaitent en savoir davantage, et ils pourraient voir des avantages liés à l’application de certaines de nos leçons.

Le président : Monsieur Gwozdecky, j’aimerais revenir à votre déclaration liminaire, parce que vous avez déclaré à la fin une chose qui me préoccupe, vu qu’elle est peut-être en contradiction avec ce que le groupe de témoins précédent a dit, particulièrement Sécurité publique Canada et l’Agence des services frontaliers du Canada. Vous avez dit ceci :

Comme c’est le cas en ce moment, la possession ou la consommation préalable de cannabis pourrait entraîner un refus d’entrée aux États-Unis.

On nous a dit plus tôt que ce n’était pas la première question, mais cela pourrait devenir une question si on sent des odeurs de cannabis sur la personne. Je suppose qu’on pourrait dire la même chose pour l’alcool. Je ne sais pas. On a compris que, selon l’application de la politique, ce ne serait pas la première question. Pourriez-vous vous exprimer à ce sujet?

M. Gwozdecky : Je pense que vous avez résumé la position très clairement.

J’ai utilisé les termes « pourrait entraîner un refus d’entrée », mais je serais aussi d’accord pour dire, d’après toutes les indications que nous avons reçues de nos homologues américains, que ce ne serait pas leur intérêt premier. Nous avons la responsabilité d’aviser les Canadiens au sujet des risques auxquels ils s’exposent lorsqu’ils voyagent à l’étranger. La réalité, ce serait qu’ils risquent un refus d’entrée s’ils se retrouvaient dans une situation où la série de questions posées à la frontière allait dans cette direction.

Les autorités américaines ont le droit souverain de déterminer qui entre dans leur pays, et nous avons donc l’impression que la seule chose responsable à faire, c’est d’informer les Canadiens qu’il y a un risque, probablement pas pour la grande majorité d’entre eux, mais pour certains.

Le président : Voilà qui nous amène à la fin de la séance et nous ramène à nos délais prévus, donc nous avons gagné du temps.

Je remercie tous les représentants d’Affaires mondiales Canada, et particulièrement les gens de Santé Canada, parce qu’ils ont été présents à toutes les dernières réunions, tout comme l’ont été les autres personnes du ministère de la Justice et de la GRC. Je vous remercie tous de votre contribution.

Avant de partir, mesdames et messieurs, j’aimerais vous rappeler que nous avons demandé aujourd’hui de recevoir toute proposition d’amendement d’ici 16 heures. N’oubliez pas que les amendements devraient être passés en revue par le légiste pour qu’on s’assure que leur format s’inscrit dans une étude article par article.

Nous nous réunirons lundi, à 13 heures, avec le ministre Bill Blair. L’homme de pointe dans ce dossier sera ici, ainsi que les représentants de Santé Canada, tandis que nous nous livrerons à une dernière période de questions avec le principal ministère responsable du projet de loi C-45. Cette période va se poursuivre pendant une heure et demie, jusqu’à 14 h 30. Nous ajournerons la séance de 14 h 30 à 15 heures, puis nous commencerons l’étude article par article à 15 heures, jusqu’à ce qu’elle soit terminée.

Je présenterai un rapport sur la question au Sénat mardi. Je pourrais également aborder la question mardi, si l’autorisation est donnée.

Sachez, si cela vous intéresse, que nous avons tenu 16 réunions, pour une durée de 40 heures, avec plus de 105 témoins, 53 mémoires, 4 rapports préalables à l’étude et tous les autres témoignages des autres comités. Je vous remercie beaucoup de votre excellent travail. Nous nous voyons lundi, à 13 heures.

(La séance est levée.)

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