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Débats du Sénat (Hansard)

1re Session, 42e Législature
Volume 150, Numéro 178

Le mercredi 7 février 2018
L’honorable George J. Furey, Président


LE SÉNAT

Le mercredi 7 février 2018

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

La sanction royale

Son Honneur le Président informe le Sénat qu’il a reçu la communication suivante :

RIDEAU HALL

le 7 février 2018

Monsieur le Président,

J’ai l’honneur de vous aviser que madame Assunta Di Lorenzo, secrétaire du gouverneur général, en sa qualité de suppléante de la gouverneure générale, a octroyé la sanction royale par déclaration écrite au projet de loi mentionné à l’annexe de la présente lettre le 7 février 2018 à 11 h.

Veuillez agréer, Monsieur le Président, l’assurance de ma haute considération.

La directrice exécutive, Événements, accueil et services aux visiteurs,

Christine MacIntyre

L’honorable

Le Président du Sénat

Ottawa

Projet de loi ayant reçu la sanction royale le mercredi 7 février 2018 :

Loi modifiant la Loi sur l’hymne national (genre) (projet de loi C-210, chapitre 1, 2018)


[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Taïwan

L’honorable Stephen Greene : Mesdames et messieurs, le célèbre politologue américain Francis Fukuyama pose comme postulat que les États-nations doivent répondre à trois critères pour connaître du succès : ils doivent posséder un État solide, ce qui inclut une bureaucratie stable et neutre; ils doivent avoir des institutions démocratiques; enfin, ils doivent adopter et respecter la primauté du droit. À mon avis, Taïwan répond largement à ces trois critères et peut donc être qualifiée d’État-nation.

Taïwan dispose de lois solides sur la propriété intellectuelle, qui sont compatibles avec les nôtres. Le Canada et Taïwan ont aussi en commun de nombreuses valeurs politiques et sociales. Par exemple, Taïwan a à sa tête une présidente et, dans ce pays, 38 p. 100 des députés sont des femmes, alors que, au Canada, les femmes ne représentent que 26 p. 100 des députés à la Chambre des communes. En outre, Taïwan est en voie de devenir le premier pays asiatique à légaliser le mariage entre conjoints de même sexe. Taïwan a aussi lancé récemment un processus de justice transitoire autochtone.

Sur le plan économique, Taïwan s’enorgueillit de posséder un des plus grands réseaux de métro en Asie — son nouveau train peut filer à plus de 300 kilomètres à l’heure —, ainsi qu’un complexe de recherche et d’innovation où travaillent plus de 7 000 détenteurs d’un doctorat. Ce pays réussit à faire tout cela alors qu’il ne compte que 23 millions d’habitants.

Que représente Taïwan pour le Canada? Tout d’abord, Taïwan se situe au 11e rang de nos principaux partenaires commerciaux. Plus de 260 000 personnes d’origine taïwanaise vivent au Canada et plus de 60 000 Canadiens habitent à Taïwan. En 2016, 103 000 Taïwanais ont visité le Canada, alors que 106 000 Canadiens se sont rendus à Taïwan. Il y a quatre vols directs par jour entre le Canada et Taïwan. Taïwan se situe au 10e rang des principaux marchés d’exportation du Canada au titre des produits et des services d’éducation. Le Canada a signé récemment une convention de double imposition avec Taïwan, un projet de loi que j’ai été fier de parrainer l’an dernier.

Cependant, même si Taïwan remplit les trois critères énoncés par M. Fukuyama, elle n’est pas considérée comme un État par la communauté internationale. Elle ne fait donc pas partie des Nations Unies, de l’Organisation de l’aviation civile internationale, du nouveau Partenariat transpacifique et de nombreuses autres organisations internationales. Taïwan souhaite pourtant être membre de ces entités — lesquelles, selon moi, seraient plus fortes si c’était le cas.

Évidemment, le problème réside dans la relation fort complexe qu’entretient l’Ouest avec la République populaire de Chine. Comme nous le savons, il y a peu de temps, la Chine communiste a indiqué aux grands détaillants occidentaux qui font des affaires en République populaire de Chine — comme Marriott, Zara et Air Canada — que Taïwan ne pouvait pas figurer dans leurs menus déroulants. Malheureusement, afin de protéger leurs investissements en Chine, ces entreprises ont obtempéré. La Chine communiste soutient que Taïwan fait partie de son territoire même si jamais, dans l’histoire moderne, elle n’a possédé Taïwan. En conséquence, les pays occidentaux ont cédé à la Chine communiste, l’économie ayant le dernier mot.

J’ai eu le plaisir de participer à une délégation parlementaire à destination de Taïwan il y a quelques semaines. Un jour, à un dîner, j’ai eu l’honneur d’avoir pour voisin de table le sous-ministre des Affaires étrangères. Nous avons eu une longue conversation. J’en ai retenu plus particulièrement que, à son sens, les pays occidentaux vont devoir un jour décider si, oui ou non, ils accordent de l’importance à Taïwan et qu'il ne faut pas laisser Taïwan attendre indéfiniment. Selon lui, Taïwan fait tout son possible pour se mériter le respect du monde. À mon avis, on ne peut pas en dire autant de la République populaire de Chine, où on ne discerne aucune trace de démocratie. À l’heure actuelle, la Chine communiste exige le respect sans d’abord le mériter. Ce respect qu’elle exige repose sur sa puissance économique et militaire; c’est à peu près tout.

Taïwan est un pays à tous les égards et devrait être reconnu comme tel par le Canada et le reste du monde.

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Philip Skowronski, d’Ashley Langburt et d’Elizabeth Molina, des étudiants du club conservateur de l’Université Concordia. Ils sont les invités de l’honorable sénateur Housakos.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Les Jeux olympiques de 2018

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Honorables sénateurs, je suis ravie de parler aujourd’hui des Jeux olympiques et paralympiques d’hiver de 2018, qui auront lieu à Pyeongchang, en Corée du Sud.

J’en profite pour féliciter de tout cœur la République de Corée, qui accueille encore une fois les Jeux olympiques 30 ans après ceux de Séoul, en 1988. Les athlètes provenant des quatre coins du Canada, de la Colombie-Britannique à Terre-Neuve-et-Labrador, prendront d’assaut les pentes et les patinoires pour défendre l’honneur de notre pays en rivalisant avec les meilleurs athlètes du monde. Je suis convaincue que les Canadiens d’un océan à l’autre attendent avec fierté et enthousiasme l’entrée d’Équipe Canada dans le stade olympique de PyeongChang, le 9 février, et leur participation aux Jeux.

(1410)

Dans le but de promouvoir les Jeux olympiques et paralympiques et leur force unificatrice, le 18 janvier 2018, dans le cadre des préparatifs des jeux, les Canadiens et les Coréens se sont associés pour organiser le Classique Imjin 2018, un match de hockey commémoratif annuel en l’honneur des matchs de hockey joués par les Canadiens avec des ressortissants d’autres nationalités pendant la guerre de Corée. Comme on peut le voir dans des photos en noir et blanc de 1952, au plus fort de la guerre, des membres de deux régiments, le Princess Patricia’s Canadian Light Infantry et le Royal 22e Régiment de Québec, se sont affrontés dans un match de championnat sur la glace de la rivière Imjin, dans la ville de Paju, en Corée du Sud. Cela prouve que, même en pleine guerre, le sport a la capacité d’unir les gens.

Depuis la fin de la guerre, l’amitié entre la Corée et le Canada n’a fait que croître non seulement grâce aux relations diplomatiques et à la mise en œuvre de l’accord de libre-échange entre le Canada et la Corée, mais aussi au pouvoir du sport. Il y a 65 ans, le hockey a permis à des soldats canadiens de se rapprocher de chez eux, et, cette année, le hockey les a rapprochés de la Corée.

Honorables sénateurs, il est difficile d’oublier que la Corée est divisée en deux au 38e parallèle depuis près de 65 ans et que les tensions ont grimpé sur la péninsule coréenne au cours de la dernière année. Alors que la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques approche à grands pas, ces faits demeurent à l’avant-plan des préoccupations de beaucoup de gens. Le Canada a été l’ami et l’allié véritable de la Corée et il continuera de l’être. Nous croyons que seuls les moyens diplomatiques peuvent apporter la paix à la péninsule coréenne.

Les Jeux olympiques et paralympiques d’hiver de PyeongChang serviront à mettre la table pour le dialogue, la bonne entente et la paix. Ils seront une plateforme mondiale pour rassembler des gens de tous les horizons, pour oublier nos différences, pour accepter la diversité collective et pour participer à des activités bien plus grandes et bien plus universelles que nous. Le sport est la langue universelle la plus efficace pour la diplomatie.

Même si nous sommes ici, nos pensées accompagnent tous les athlètes, les familles, les entraîneurs et le personnel de soutien. Nous leur souhaitons la meilleure des chances et nous les acclamerons d’un océan à l’autre. Que les Jeux olympiques et paralympiques soient couronnés de succès et servent peut-être de catalyseur pour une paix ultérieure sur la péninsule coréenne.

Les violations des droits de la personne au Mexique

L’honorable Jane Cordy : Honorables sénateurs, le 30 janvier, la sénatrice Bernard et moi avons eu le privilège de rencontrer trois Mexicaines qui ont évoqué des cas de violation des droits de la personne dans leur pays. Elles étaient accompagnées de Kathy Price, d’Amnistie internationale.

Alicia Bustamante, une Autochtone, a fait état de violations des droits de la personne contre les Autochtones du Mexique. Elle nous a expliqué que de grandes entreprises pillaient leurs forêts, car elles utilisaient leur argent pour exercer une influence sur les instances gouvernementales afin d’obtenir l’autorisation d’agir de la sorte.

Honorables sénateurs, le gouvernement mexicain a autorisé la construction de 38 kilomètres de route à travers la forêt des Autochtones.

Martha Camacho a été enlevée pendant les années 1970 parce qu’elle était une dissidente politique. Enceinte, elle a donné naissance à son enfant pendant qu’elle était prisonnière. Durant sa captivité, on lui bandait les yeux et on la battait. Martha a été libérée après que ses parents ont payé une rançon à ses ravisseurs.

Honorables sénateurs, au Mexique, on a relevé 33 000 cas de disparition, mais beaucoup plus de cas ne sont pas signalés. Ce qui est vraiment malheureux, c’est que les autorités mexicaines ne font pas grand-chose pour faire la lumière sur ces disparitions. Les proches des personnes disparues se sont réunies pour former le mouvement des disparus. Cinquante-deux groupes locaux de familles travaillent pour que la question des disparitions mexicaines ne tombe pas dans l’oubli, dans l’espoir que leur gouvernement prendra des mesures concrètes.

Michelle Quevedo a parlé de son frère, qui est disparu en 2014 à l’âge de 19 ans. Les autorités n’ont offert aucun soutien aux familles, qui doivent effectuer elles-mêmes les recherches, à leurs risques. Malheureusement, le petit ami de Michelle et un autre de ses frères ont été tués alors qu’ils essayaient de secourir son frère capturé. Sa famille a dû déménager et engager des gardes du corps pour sa propre protection.

Honorables sénateurs, les restes du frère de Michelle ont été trouvés en décembre 2017.

Récemment, un comité national de recherche a été établi au Mexique. Une loi qui prévoit une banque de données génétiques et un registre national des personnes disparues doit être mise en place. Cela permettra d’identifier les victimes et, honorables sénateurs, c’est un bon début.

Les Mexicaines ont dit craindre que cette loi ne soit pas mise en œuvre puisqu’aucun financement n’a été prévu. Il faut une escouade pour chercher les personnes disparues et des procureurs pour traduire les coupables en justice. Sans fonds alloués, rien ne changera, car les nouvelles propositions présentées seront inefficaces et ne seront pas mises en œuvre.

Honorables sénateurs, j’aimerais remercier publiquement Martha Camacho, Michelle Quevedo et Alicia Bustamante du courage dont elles ont fait preuve en racontant les violations des droits de la personne qui ont lieu quotidiennement dans leur pays. Elles espèrent que le fait de dénoncer ces cas de violations des droits de la personne au Mexique entraînera un changement positif.

[Français]

Le Mois de l’histoire des Noirs

L’honorable Kim Pate : Honorables sénateurs, chaque année, en février, nous soulignons le Mois de l’histoire des Noirs. En 2018, il a pour thème « Femmes noires canadiennes : des histoires de force, de courage et de vision ».

[Traduction]

En plus de profiter de l’occasion pour célébrer les femmes noires fortes et visionnaires, je tiens à rappeler que, même si le Canada est souvent présenté comme le symbole historique de la liberté pour les gens d’origine africaine qui fuyaient les horreurs de l’esclavage, cette version est incomplète. Elle laisse sous silence les expériences des personnes noires tenues en esclavage au Canada pendant cette période.

Parmi elles, il y avait Marie-Joseph Angélique, qui a été accusée d’avoir allumé l’incendie de 1734 à Montréal. Elle l’aurait fait en tentant de fuir l’esclavage. Elle a été jetée en prison et jugée sur la foi de 20 personnes, dont aucune n’avait été témoin du crime allégué. Elle a été brutalement torturée avant d’être mise à mort.

[Français]

La situation déplorable qu’a vécue Marie-Joseph n’est pas un cas isolé, comme me l’a rappelé ma visite du cimetière où reposent des esclaves de loyalistes, à Saint-Armand, au Québec. Pendant des années, la Ligue des Noirs du Québec a demandé au gouvernement de reconnaître ce site — aujourd’hui une terre agricole — afin de rendre hommage aux sacrifices et aux contributions des communautés noires. Chers collègues, nous devrions préserver ce rappel du passé colonial du Canada, sans oublier la discrimination systémique qui persiste dans nos institutions à ce jour.

[Traduction]

Les Canadiens de race noire sont de plus en plus surreprésentés dans le système judiciaire au Canada, puisqu'ils représentent environ 9 p. 100 de la population carcérale fédérale, mais seulement 3 p. 100 de la population du Canada. La semaine dernière, le premier ministre a parlé du racisme systémique dans le contexte de siècles d’oppression, de préjugés inconscients et d’anecdotes sur des Canadiens qui sont encore jugés aujourd’hui en fonction de la couleur de leur peau. Trop souvent les histoires et expériences des Canadiens et des communautés noirs « restent sous silence », a-t-il mentionné.

À l’occasion du Mois de l’histoire des Noirs, nous devons nous dresser contre le fait que certains taisent les injustices raciales du passé et celles qui persistent aujourd’hui. Nous devons écouter et apprendre de nos amis, nos collègues et nos concitoyens au moment où nous rendons hommage à la force et aux réalisations des Canadiens de couleur noire et, cette année, à la contribution particulière que des femmes noires visionnaires et courageuses ont apportée à toutes les facettes de la vie dans notre pays.

La catastrophe de l’Ocean Ranger

L’honorable Fabian Manning : Honorables sénateurs, c’est avec plaisir que je vous présente aujourd’hui le chapitre 27 de « Notre histoire ». C’est un triste chapitre de l’histoire de ma province, une histoire de lourdes pertes et de profonde tristesse.

Il y aura 36 ans ce mois-ci, 84 membres d’équipage, dont 56 Terre-Neuviens, ont péri au large de Terre-Neuve lorsque le Titanic des plateformes pétrolières semi-submersibles, l’Ocean Ranger, s’est renversé et a coulé dans la mer glaciale, démontée et impitoyable de l’Atlantique Nord, à seulement 175 milles à l’est de St. John’s. C’était la pire catastrophe maritime qu’ait connue le Canada depuis la Seconde Guerre mondiale.

Dans la deuxième moitié du XXe siècle, alors que l’industrie de la pêche connaissait un fort déclin et que la province croulait sous le poids de la dette et du chômage, l’exploitation des ressources pétrolières au large des côtes semblait être une bouée de sauvetage économique. On croyait que l’Ocean Ranger était insubmersible. Cette plateforme, conçue pour résister aux pires tempêtes, pouvait servir à toutes les activités pétrolières en milieu océanique.

Le 14 février 1982, elle fait des travaux de forage dans le champ Hibernia lorsque, à 8 heures, elle reçoit un bulletin météorologique annonçant qu’une forte tempête hivernale s’abattra au cours de la journée et se poursuivra pendant la nuit. Elle poursuit ses travaux jusqu’à ce qu’elle décide, vers 16 h 30, de retirer sa tige de forage par mesure de sécurité. À 19 heures, la tempête bat son plein. À 23 h 30, l’Ocean Ranger transmet toujours ses rapports météo périodiques, et rien ne laisse présager qu’une catastrophe se prépare.

(1420)

À 0 h 52 le 15 février, l’Ocean Ranger envoie un signal de détresse. Les hélicoptères sont mis en état d’alerte, et les navires à proximité sont dépêchés sur place pour offrir leur secours. À 1 h 30, l’Ocean Ranger transmet son dernier message: « L’Ocean Ranger n’enverra plus de communications radio. Nous nous dirigeons vers les canots de sauvetage. »

Peu de temps après, les membres de l’équipage abandonnent la plateforme, qui est restée à flot encore 90 minutes avant de couler, peu après 3 heures. L’auguste Ocean Ranger sombre dans l’abîme, emportant avec elle les 84 hommes qui y travaillaient.

Daniel Conway, qui venait comme moi de St. Bride’s, est du nombre.

Malgré la piètre visibilité, les avions et les navires envoyés à la rescousse affrontent les forts vents, la pluie, la neige et les eaux jonchées de glace dans l’espoir de localiser des survivants. Ils n’en trouveront aucun. Au cours des semaines suivantes, seulement 22 corps seront repêchés.

Je crois que c’est encore Rex Murphy qui a le mieux résumé cette tragédie, le 15 février 2007, sur les ondes du bulletin The National, à CBC News :

À Terre-Neuve, la guerre et le labeur ont un prix. Il en est ainsi depuis toujours. La catastrophe de l’Ocean Ranger a donc trouvé naturellement sa place parmi les souvenirs de ses habitants, avec un trait d’ironie : il ne s’agissait pas ici de la chasse au phoque ou de la pêche ancestrale, mais de forage pétrolier, de modernité. Les engins de forage dont la plateforme était munie étaient à la fine pointe du génie et de la technologie. Les emplois qui y étaient offerts appartenaient à une industrie qui avait tout pour nous permettre de rompre avec la dépendance et ce cycle sans fin où s’entremêlaient temps difficiles et périls inévitables. Pour bon nombre de Terre-Neuviens, cette plateforme extracôtière, c’était tout à la fois l’espoir et l’avenir, mais voilà: le 15 février 1982, dans le dernier quart du glorieux XXe siècle, alors que nous nous apprêtions à renouer avec la mer et ses ressources sur une base nouvelle, plus douce, le glas a encore sonné. Familles endeuillées, villes et villages décimés: la province au grand complet est encore une fois obligée d’essuyer un coup que seuls le temps ou la foi pourront faire oublier. Vingt-cinq ans plus tard, la douleur est encore vive.

Chers collègues, plus de trois décennies se sont écoulées, et la peine est toujours aussi profonde. Veuillez vous joindre à moi pour perpétuer le souvenir du naufrage de l’Ocean Ranger et la mémoire des 84 membres d’équipage qui ont perdu la vie il y a 36 ans. Merci.


[Français]

AFFAIRES COURANTES

Les affaires autochtones et du Nord

Le Comité de mise en œuvre du Nunavut de l’Accord sur les revendications territoriales du Nunavut—Dépôt du rapport annuel de 2012-2013

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport annuel de 2012-2013 du Comité de mise en œuvre du Nunavut de l’Accord sur les revendications territoriales du Nunavut.

Le Sénat

Préavis de motion concernant la période des questions de la séance du 13 février 2018

L’honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, pour permettre au Sénat de recevoir un ministre de la Couronne au cours de la période des questions tel qu’autorisé par le Sénat le 10 décembre 2015, et nonobstant ce que prévoit l’article 4-7 du Règlement, lorsque le Sénat siégera le mardi 13 février 2018, la période des questions commence à 15 h 30, toutes les délibérations alors en cours au Sénat étant interrompues jusqu’à la fin de la période des questions, qui sera d’une durée maximale de 40 minutes;

Que, si un vote par appel nominal coïncide avec la période des questions tenue à 15 h 30 ce jour-là, ce vote soit reporté et ait lieu immédiatement après la période des questions;

Que, si la sonnerie d’appel pour un vote retentit à 15 h 30 ce jour-là, elle cesse de se faire entendre pendant la période des questions et qu’elle retentisse de nouveau à la fin de la période des questions pour le temps restant;

Que, si le Sénat termine ses travaux avant 15 h 30 ce jour-là, la séance soit suspendue jusqu’à 15 h 30, heure de la période des questions.

L’ajournement

Préavis de motion

L’honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, lorsque le Sénat s’ajournera après l’adoption de cette motion, il demeure ajourné jusqu’au mardi 13 février 2018, à 14 heures.


[Traduction]

PÉRIODE DES QUESTIONS

Les anciens combattants

Les prestations de retraite et d’invalidité

L’honorable Larry W. Smith (leader de l’opposition) : Ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat.

Le Parti libéral a promis dans son programme électoral de 2015 qu’un gouvernement libéral veillerait à « ce qu’aucun ancien combattant n’ait à se battre avec le gouvernement pour obtenir le soutien et les compensations qu’il a travaillé fort pour mériter ». La semaine dernière, à une assemblée publique qui avait lieu à Edmonton, un jeune caporal retraité, qui a perdu sa jambe gauche dans l’explosion d’une bombe artisanale quand il servait en Afghanistan, a demandé au premier ministre d’expliquer pourquoi le gouvernement a brisé sa promesse et continue de se battre devant les tribunaux contre des groupes d’anciens combattants pour les pensions et d’autres prestations.

Le premier ministre a répondu ce qui suit :

 Pourquoi sommes-nous toujours en train de nous battre contre certains groupes d’anciens combattants? Parce qu’ils en demandent plus que ce que nous sommes en mesure de donner .

Comment le premier ministre, qui a accepté d’investir un demi-milliard de dollars de l’argent des contribuables dans la Banque asiatique d’investissement pour les infrastructures, peut-il justifier de dire aux anciens combattants que le Canada n’a rien de plus à leur donner?

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l’honorable sénateur de sa question. Cela me donne l’occasion de rappeler au Sénat que le gouvernement a fait d’importants investissements auprès d'Anciens Combattants Canada afin de veiller à ce que les anciens combattants soient traités correctement. Le ministre des Anciens Combattants a récemment annoncé que la politique en ce qui concerne les avantages offerts par Anciens Combattants Canada avait subi des changements considérables. Je devrais également en profiter pour confirmer que le gouvernement a rouvert des bureaux, qui avaient été fermés au cours des dernières années, pour que les anciens combattants puissent avoir accès en personne à des services dans plusieurs bureaux partout au pays.

J’aimerais simplement rappeler à l’honorable sénateur que les questions relatives aux anciens combattants et les prestations aux anciens combattants sont au cœur des grandes priorités du gouvernement, et le ministre s’emploie activement à donner suite aux décisions qui ont été prises et à étudier d’autres possibilités d’amélioration quant aux prestations.

Le sénateur Smith : Je vous remercie de votre réponse, monsieur. D’après ce que j’ai compris de vos propos, le gouvernement dépense davantage pour la prestation de services, mais la question porte plutôt sur le règlement des différends concernant d’anciens combattants des Forces armées canadiennes.

Le gouvernement précédent et les anciens combattants avaient convenu d’interrompre les procédures judiciaires et souhaitaient parvenir à un règlement à l’amiable. C’est le gouvernement actuel qui a choisi de dire aux avocats de reprendre les poursuites judiciaires contre les anciens combattants, malgré la promesse électorale des libéraux.

En conséquence, je ne crois pas qu’il soit question d’ajouter d’autres services. Il est plutôt question du fait que le gouvernement avait promis de s’occuper des anciens combattants. Alors, si le premier ministre est en mesure de verser 10 millions de dollars à un terroriste confirmé — et nous connaissons son nom —, comment peut-il affirmer que le gouvernement du Canada n’a plus d’argent pour les anciens combattants, qui se sont réellement battus contre le terrorisme?

Le sénateur Harder : Honorables sénateurs, je répète que le gouvernement finance des prestations bonifiées et offre aux anciens combattants une plus grande souplesse en ce qui concerne les programmes offerts à ceux qui sont devenus invalides en raison des services qu’ils ont rendus au Canada. Il s’agit d’une importante amélioration.

En ce qui concerne la démarche judiciaire à laquelle fait allusion l’honorable sénateur, je n’ai rien à ajouter.

Le Sénat

La proposition visant à ce que le Sénat se forme en comité plénier pour discuter du projet de loi C-45

L’honorable Donald Neil Plett : Ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat.

Sénateur Harder, la semaine dernière, vous avez demandé l’ajournement d’une motion présentée par le sénateur Patterson dans laquelle il proposait que le Sénat entende en comité plénier la ministre des Relations Couronne-Autochtones et des Affaires du Nord, l’honorable Carolyn Bennett. Vous avez laissé entendre que vous vous opposiez à la motion parce qu’elle ne prévoyait pas de suivre les voies habituelles et vous avez plutôt proposé que les leaders se réunissent pour établir un moment approprié. Vous avez déclaré qu’il serait préférable d’attendre après la tenue de la séance en comité plénier qui était déjà prévue. Comme vous le savez, le Sénat s’est constitué en comité plénier hier.

(1430)

Assurément, nous sommes favorables à ce que la motion soit modifiée pour fixer une date appropriée — je crois que la date prévue est aujourd’hui — et je suis certain que plusieurs d’entre nous sont ouverts à l’idée proposée par d’autres sénateurs d’inclure l’honorable Jane Philpott, ministre des Services aux autochtones.

Monsieur le leader, étant donné le sérieux du projet de loi et, surtout, son incidence possible sur les peuples autochtones, ferez-vous de votre mieux afin de trouver un moment convenable pour tenir un comité plénier, en collaboration avec les autres leaders et coordonnateurs? Vous engagez-vous à appuyer la motion du sénateur Patterson si elle était ainsi modifiée?

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : J’ai du mal à indiquer, comme la question sous-entend, quel moment sera plus approprié, car cela doit être établi en discussion avec les leaders. J’ai parlé au sénateur Patterson pour lui dire ce qui me semble problématique dans sa proposition.

Mesdames et messieurs les sénateurs, les ministres responsables de l’engagement avec les communautés autochtones ont comparu deux heures hier devant le Sénat. Je salue les sénateurs qui ont posé des questions durant cette séance, mais, franchement, je m’attendais à ce qu’on pose plus de questions sur les affaires autochtones. Les sénateurs ont choisi de faire autrement.

Pour ce qui est des discussions que je pourrais avoir avec les autres leaders, sachez, sénateur, que j’y suis toujours disposé. Je suis toutefois d’avis qu’il faut inviter les ministres concernés à comparaître à propos de dossiers pertinents, et ce, par les voies régulières et au moment opportun.

Le sénateur Plett : Monsieur le leader, vous transmettez habituellement nos questions en alléguant que vous n’êtes pas responsable ou que vous ne pouvez répondre au nom du gouvernement. Je vous pose une question à laquelle vous pouvez vous-même répondre. Allez-vous accorder votre appui, oui ou non?

Vous vous rappellerez, sénateur Harder, que le sénateur Joyal vous a posé une question. Je le cite :

[…] la première fois que vous avez présenté la proposition […] [j]e crois que vous aviez assuré que le gouvernement était ouvert à l’idée que la ministre des Relations Couronne-Autochtones et des Affaires du Nord participe au processus de consultation général. De nombreux aspects de la loi sur le cannabis doivent être examinés, et ils intéressent les Autochtones. Les membres du comité ont parlé de certains des enjeux hier et ce matin.

Il faisait allusion au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.

Le sénateur Joyal a ajouté ceci :

Puis-je suggérer que ces discussions aient lieu dans le contexte de l’engagement que vous avez pris, soit que nous aurions l’occasion d’examiner en tant qu’assemblée la situation globale des Autochtones par rapport au projet de loi sur le cannabis?

Sénateur Harder, vous avez répondu ceci :

Merci, sénateur Joyal. J’en prends l’engagement, comme je l’ai fait précédemment. J’ai dit cet après-midi que je serais heureux de discuter de la façon de traiter les aspects problématiques à mesure que nous avancerons. Je crois seulement qu’ils doivent d’abord suivre un ordre approprié et utiliser les voies habituelles pour assurer la cohérence de nos efforts.

Vous êtes leader du gouvernement au Sénat, sénateur Harder. Vous engagerez-vous à entamer ces conversations avec les autres leaders afin que le Sénat puisse faire comparaître les ministres responsables des questions autochtones en comité plénier et leur poser les questions nécessaires?

Le sénateur Harder : Encore une fois, nous avons déjà entendu les ministres responsables en comité plénier pendant deux heures. Je félicite le Sénat de son travail avec les ministres.

Je serai bien évidemment heureux de discuter avec les leaders, selon le processus habituel, des prochaines étapes que nous pourrions suivre. Je suis toujours ouvert à cette idée, mais je pense aussi qu’il est important de débattre au Sénat de ce projet de loi, dont nous sommes saisis depuis le 30 novembre.

Le cabinet du premier ministre

Les propos du premier ministre

L’honorable Leo Housakos : Honorables sénateurs, je prends la parole pour poser une question au leader du gouvernement au Sénat. Lors d’une assemblée publique tenue à Edmonton, la semaine dernière, un membre du public a exprimé au premier ministre Trudeau ses préoccupations à propos des combattants islamiques de retour au Canada et des effets à long terme de leur idéologie terroriste sur la sécurité du pays.

Le premier ministre a répondu en comparant les combattants du groupe État islamique qui reviennent au pays — ces gens qui ont procédé à des décapitations, qui ont brûlé vives des personnes, qui ont pratiqué l’esclavage à des fins sexuelles et qui ont poussé des hommes en bas de toits parce qu’ils étaient gais, pour ne nommer que ces crimes atroces — aux immigrants qui ont toujours été les bienvenus au Canada, qui viennent de pays comme la Grèce, l’Italie et le Portugal.

Mes origines remontent à une de ces communautés. Mes parents ont immigré au Canada pendant les années 1950 et ils ont été outrés par ces propos du premier ministre. On parle des membres des communautés grecque, italienne et portugaise de Montréal, qui se sont installés ici en choisissant un pays du Commonwealth, une grande démocratie, une société qui respecte les droits de la personne et la primauté du droit. Ils reconnaissaient — et je peux vous assurer que mes parents me l’ont fait comprendre très clairement — que la citoyenneté canadienne offrait d’immenses privilèges, mais qu’elle s’accompagnait aussi de responsabilités.

Comment le premier ministre peut-il justifier de faire une telle comparaison, qui établit un parallèle entre, d’un côté, les immigrants légaux et ceux qui fuient la persécution et, de l’autre, le retour au Canada d’individus qui sont complices des horribles crimes commis par notre ennemi, le groupe État islamique?

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie le sénateur de sa question.

À titre personnel, en tant que fils d’immigrants réfugiés au Canada, je répète simplement que je comprends et partage la fierté avec laquelle vos parents vous ont inculqué les valeurs liées à la citoyenneté, comme l’ont fait la plupart des immigrants avec leurs enfants et leurs petits-enfants.

Je n’ai pas été témoin de l’interaction dont vous faites mention, mais je peux néanmoins rappeler aux sénateurs que l’actuel premier ministre a toujours tenu un discours positif au sujet de l’histoire de l’immigration au Canada. Il a notamment souligné que c’est grâce à notre système d’immigration qui offre des accommodements et qui est ouvert à la diversité que le Canada est devenu ce qu’il aujourd’hui.

Par ailleurs, si les immigrants et les citoyens ont des responsabilités, nous aussi avons collectivement des responsabilités à l’égard des citoyens, même si nous désapprouvons les décisions que certains prennent tout en se prévalant des droits que procure la citoyenneté canadienne. Nous devons faire preuve de vigilance en matière de programmes et mettre tout en œuvre pour protéger la sécurité nationale contre ceux qui rentrent au Canada après s’être livrés à des pratiques comme celles dont le sénateur a parlé.

Le sénateur Housakos : Monsieur le leader du gouvernement, en toute déférence, je dois dire que les dernières phrases de votre réponse sont plutôt inquiétantes.

Il est carrément inacceptable de mettre au même niveau des gens qui ont le privilège d’avoir la citoyenneté canadienne, mais qui décident de quitter le Canada ― où ils sont en sécurité et protégés ― pour aller se joindre, presque à l’autre bout du monde, à un groupe terroriste extrémiste dont le seul but consiste à éliminer des chrétiens ou des musulmans modérés désireux de pratiquer leur foi.

Il est vraiment insultant d’assimiler au reste de la population ces individus qui joignent les rangs d’une force ennemie et qui sont déterminés à anéantir notre mode de vie, notre démocratie et la primauté du droit. Les gens des collectivités que je représente à Montréal sont outrés par les propos du premier ministre.

Monsieur le leader du gouvernement, vous devez affirmer clairement et sans équivoque que le gouvernement du Canada ne traite pas comme n’importe quels autres citoyens les terroristes qui fuient le pays pour joindre les rangs d’un groupe terroriste.

Le premier ministre et le gouvernement actuel mettent-ils réellement sur le même pied les terroristes du groupe État islamique de retour au pays et les immigrants qui sont passés par les voies normales pour entrer au Canada, et qui respectent la primauté du droit et les valeurs canadiennes?

Le sénateur Harder : Je ne sais pas ce que j’ai dit, sénateur, pour vous pousser à faire de telles remarques. Je me contente de répéter que les citoyens canadiens qui se livrent à des activités terroristes à l’étranger, et qui se prévalent ensuite de leur droit de retour, posent un problème de taille au gouvernement. Ce dernier fait tout en son pouvoir pour protéger la population canadienne, tout en respectant ce droit de revenir au pays. Le premier ministre et les ministériels, en général, ont expliqué aux Canadiens qu’ils agissent ainsi afin de respecter les valeurs canadiennes, ainsi que parce qu’ils espèrent que ces rapatriés s’engageront désormais à favoriser la diversité et à respecter la primauté du droit, deux principes qui n’ont malheureusement pas guidé leurs actions.

Le commerce international

Le rôle du Parti communiste chinois dans la China Communications Construction Company

L’honorable Thanh Hai Ngo : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au leader. Le gouvernement du Canada envisage d’approuver la vente du groupe Aecon, une entreprise de construction canadienne mise sur pied il y a 140 ans et établie à Toronto, à la China Communications Construction Company, une société appartenant au Parti communiste chinois. Si cet accord est avalisé, le gouvernement du Canada permettra à la Chine de construire des éléments essentiels des infrastructures au Canada. Des aéroports, des universités, des gazoducs, des barrages hydroélectriques, des installations de traitement de l’eau, des centrales nucléaires et des centres de santé seraient construits par une société d’État multinationale chinoise qui a déjà été sanctionnée par l’Organisation mondiale du commerce pour ses pratiques frauduleuses, qui a été dénoncée par l’organisme Transparency International pour avoir employé des matériaux contenant de l’amiante dans la construction d’un hôpital pour enfants en Australie, en 2015, qui a été mise sur une liste noire au Bangladesh, au mois de janvier, pour avoir offert des pots-de-vin à des responsables gouvernementaux et qui est contrôlée par un régime autoritaire à parti unique qui ne rend de comptes à personne.

(1440)

La liste est encore longue, mais le gouvernement du Canada refuse de dire clairement aux Canadiens si cette acquisition aura lieu ou à quel moment et de quelle manière cela se fera. Il refuse également d’indiquer si une enquête de sécurité du plus haut niveau sera effectuée.

Pouvez-vous au moins répondre à ces questions : quel est l’échéancier du gouvernement du Canada relativement à cette acquisition, et le gouvernement envisage-t-il une solution de rechange où l’acquéreur serait canadien?

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie encore une fois le sénateur de sa question. Lorsqu’il m’a posé une question semblable la semaine dernière, je suis allé fouiller dans le hansard parce que je sais que, l’automne dernier, la même question m’a été posée. C’est maintenant la 12e fois que je réponds à cette question, et vous ne serez pas étonné d’entendre la réponse que j’ai déjà donnée, à savoir que.. Pardon, monsieur le sénateur, avez-vous quelque chose à dire?

L’honorable Donald Neil Plett : Oui : vous n’avez pas encore répondu à la question.

Le sénateur Harder : Au contraire, j’ai déjà répondu. Regardez dans le hansard et vous verrez que j’ai répondu 12 fois. Quelle est ma réponse? Premièrement, la marche à suivre est définie dans la Loi sur les investissements étrangers au Canada, qui prévoit un examen confidentiel des questions commerciales pour voir à ce que l’investissement soit dans l’intérêt du Canada. Le gouvernement du Canada a indiqué qu’il soumettrait la proposition d’achat à un examen de sécurité nationale et que le ministre prendrait en considération tous ces facteurs dans l’exercice de ses responsabilités. C’est conforme à la loi. C’est la démarche qui est en cours, et l’échéancier est précisé dans la loi, monsieur le sénateur.

Le sénateur Ngo : Merci de votre réponse. Ce n’est pas exactement la réponse que j’espérais.

J’ai une question complémentaire à vous poser, monsieur le leader. Les Canadiens s’attendent à ce que leur gouvernement fasse preuve de transparence et ils ont le droit de savoir si leur infrastructure essentielle portera l’étiquette « Fabriquée en Chine ».

Pouvez-vous nous dire si vous participez, de quelque manière que ce soit, au processus d’acquisition, que ce soit à titre de président actuel du Conseil commercial Canada-Chine ou à titre de membre de ce groupe depuis 10 ans?

Le sénateur Harder : J’aimerais préciser, sénateur, que je ne suis plus président du Conseil commercial Canada-Chine depuis plusieurs années. Le sénateur sait que le processus d’examen relève exclusivement du ministre de l’Innovation, des Sciences et du Développement économique.

Si, par sa question, le sénateur cherche à insinuer que j’exerce une certaine influence de la part d’un certain gouvernement étranger, qu’il se détrompe. Ce n’est pas le cas, ni dans mon rôle au sein du Conseil commercial Canada-Chine ni dans mon rôle actuel.

Les anciens combattants

L’état du projet de loi C-319

L’honorable Pamela Wallin : Ma question s’adresse au représentant du gouvernement et porte sur la disposition liée au mariage après 60 ans, aussi appelée la disposition relative aux mariages intéressés. Cette disposition archaïque, c’est le moins que l’on puisse dire, rend le conjoint survivant d’un ancien combattant inadmissible aux prestations de retraite de ce dernier si celui-ci l’a épousé après ses 60 ans. La disposition, qui, semble-t-il, s’applique également aux fonctionnaires, aux députés, aux juges et aux membres de la GRC, remonte à l’époque de la guerre des Boers. En effet, en 1902, le gouvernement britannique avait inscrit dans la loi la disposition relative aux mariages intéressés afin d’empêcher les jeunes femmes d’épouser des anciens combattants plus âgés uniquement pour leur pension. Le projet de loi C-319, présenté à l’autre endroit en novembre 2016, propose d’abroger les articles des lois pertinentes qui traitent du mariage ou de la cohabitation après que la personne ait pris sa retraite ou n’occupe plus ses fonctions.

Le représentant peut-il faire le point sur la situation et nous dire si le gouvernement a l’intention de ne plus se mêler de ce qui se passe dans la chambre à coucher des Canadiens et d’abroger cette disposition bizarre, d’autant plus que les femmes constituent aujourd’hui une grande partie de la main-d’œuvre et que les hommes et les femmes, qui vivent un peu plus longtemps qu’avant, veulent peut-être aussi se marier après 60 ans ?

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l’honorable sénatrice de sa question. J’ai eu la possibilité de me renseigner auprès du ministre des Anciens Combattants, et je peux assurer à l’honorable sénatrice que cette question était bien prise en compte dans sa lettre de mandat et qu’il est résolu à remédier très vite au problème.

[Français]

Les services publics et l’approvisionnement

Les médias sociaux

L’honorable Claude Carignan : Ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat. Récemment, un document préparé par Services publics et Approvisionnement Canada révélait que, l’an dernier, le gouvernement Trudeau a dépensé 16,8 millions de dollars sur des plateformes comme Facebook et Google, c’est-à-dire 54,7 p. 100 de la facture publicitaire du gouvernement. Ce même gouvernement songe à subventionner les médias traditionnels, notamment les médias écrits, pour assurer leur survie. Ne croyez-vous pas que le gouvernement devrait rééquilibrer sa présence dans les médias traditionnels, de façon à favoriser leur essor et à mieux les subventionner, au lieu de verser des revenus publicitaires à des multinationales américaines qui ne paient pas d’impôt au Canada?

[Traduction]

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l’honorable sénateur de sa question. J’attirerai l’attention de la ministre concernée sur sa question. Permettez-moi juste de répéter que le gouvernement souhaite communiquer avec le public canadien par l’intermédiaire de différents types de média, et les médias sociaux en pleine expansion  ̶ même les sénateurs font usage des médias sociaux   ̶ représentent manifestement un bon moyen pour garder le contact avec les Canadiens. Le rééquilibrage entre la presse écrite au sens strict et les médias sociaux, c’est-à-dire de la presse écrite et des médias électroniques de toutes sortes, s’inscrit dans la continuité des efforts du gouvernement du Canada pour rester en contact avec les Canadiens par l’intermédiaire du média par lequel ils se tiennent informés.

En ce qui concerne la question, cependant, j’attirerai l’attention de la ministre responsable sur celle-ci afin d’avoir une réponse plus éclairée.

[Français]

Le revenu national

Les sociétés étrangères qui font affaire au Canada

L’honorable Claude Carignan : Nous apprenons également que le premier ministre Trudeau voyagera aux États-Unis au cours des quatre prochains jours. Il visitera notamment Chicago et San Francisco. Il doit y rencontrer les géants de l’industrie américaine, notamment des gens d’Amazon. Le premier ministre a-t-il l’intention de rencontrer les représentants de Netflix et de discuter avec eux de la possibilité que Netflix paie des impôts au Canada?

[Traduction]

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Encore une fois, je remercie l’honorable sénateur de sa question. Je profite de l’occasion pour informer le Sénat de l’importance que le premier ministre accorde à cette visite, sa 15e aux États-Unis depuis qu’il est entré en fonction. Il va rencontrer des gens d’affaires et d’autres intervenants pour rappeler aux Américains les avantages que leur procure l’ALENA et pour prendre appui sur la collaboration qui existe entre les parties intéressées et les ordres de gouvernement, en vue de favoriser la collaboration avec nos amis américains.

Au cours de sa visite en Californie, le premier ministre va rencontrer un certain nombre de chefs de file du milieu innovateur des médias sociaux aux États-Unis. Les sénateurs savent qu’Amazon, l’entreprise à laquelle le sénateur a fait allusion, est en voie de faire un investissement considérable et de trouver un lieu pour héberger son nouveau centre névralgique. Je suis heureux de signaler aux sénateurs qu’une ville canadienne, Toronto, fait partie du groupe final des villes candidates à cet égard. J’imagine que des conversations auxquelles le premier ministre participera porteront là-dessus.

Je n’ai pas de réponse à la question précise posée par le sénateur, mais je vais m’informer pour savoir si une telle visite est prévue à son emploi du temps.

(1450)

[Français]

Le sénateur Carignan : Ce que je comprends de la réponse du leader du gouvernement, c’est que le premier ministre n’essaiera pas de convaincre ces multinationales de payer de l’impôt au Canada. Il mènera plutôt une campagne de séduction en donnant des chèques à Amazon pour qu’elle vienne s’installer au Canada.

[Traduction]

Le sénateur Harder : Monsieur le sénateur, je vous invite à prendre connaissance de la candidature proposée par la Ville de Toronto avec l’appui de la ville, des gens d’affaires et de la province, qui met l’accent sur ce que cette possibilité d’investissement extraordinaire pourrait représenter pour le Canada.

La justice

La défense présentée relativement à un recours collectif

L’honorable Victor Oh : Honorables sénateurs, ma question s’adresse encore une fois au leader du gouvernement au Sénat.

Sénateur Harder, on a entendu hier soir, sur le réseau CTV, que le gouvernement fédéral tentait d’empêcher qu'un recours collectif soit intenté en ce qui concerne des allégations d’agressions et de harcèlement sexuels dans les Forces armées canadiennes. La journaliste a indiqué que les documents judiciaires déposés par le gouvernement fédéral soutenaient que le gouvernement :

[…] n’a pas l’obligation légale d’assurer aux membres des Forces armées un environnement de travail libre de harcèlement, ou même de mettre en place des politiques pour prévenir le harcèlement ou les agressions sexuelles.

Je crois que le premier ministre a indiqué, aujourd’hui, que la position adoptée par les avocats du ministère de la Justice ne concordait pas avec les convictions du gouvernement, et qu’il a demandé à la ministre Wilson-Raybould de faire un suivi auprès des avocats chargés de ce dossier.

Voici ma question : comment la ministre de la Justice a-t-elle pu permettre que de tels arguments soient présentés? La ministre et son bureau avaient-ils été informés de la défense que l’avocat du ministère de la Justice a apparemment soumise en décembre dernier?

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l’honorable sénateur de sa question. Je la prends en note, et je verrai à obtenir une réponse.


ORDRE DU JOUR

Projet de loi sur le renforcement de la sécurité automobile pour les Canadiens

Projet de loi modificatif—Amendements de la Chambre des communes—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Harder, C.P., appuyée par l’honorable sénatrice Ringuette,

Que le Sénat agrée les amendements apportés par la Chambre des communes au projet de loi S-2, Loi modifiant la Loi sur la sécurité automobile et une autre loi en conséquence;

Qu’un message soit transmis à la Chambre des communes pour l’en informer.

Une voix : Le vote!

L’honorable Art Eggleton : J’avais demandé que cette question soit ajournée hier. Je voulais avoir le temps d’examiner les amendements apportés. J’ai pris part aux discussions du comité au moment de l’élaboration des amendements, et je suis maintenant satisfait du projet de loi, tout comme la Corporation des associations de détaillants d’automobiles. J’espère que nous pourrons maintenant adopter le projet de loi.

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Nous n’avons pas eu l’occasion de discuter de cette mesure au caucus. Je demande l’ajournement du débat à mon nom et j’espère que nous pourrons y revenir la semaine prochaine.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné avec dissidence.)

La Loi canadienne sur les sociétés par actions

La Loi canadienne sur les coopératives

La Loi canadienne sur les organisations à but non lucratif

La Loi sur la concurrence

Projet de loi modificatif—Adoption du dix-neuvième rapport du Comité des banques et du commerce

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Black, appuyée par l’honorable sénatrice Gagné, tendant à l’adoption du dix-neuvième rapport du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce (Projet de loi C-25, Loi modifiant la Loi canadienne sur les sociétés par actions, la Loi canadienne sur les coopératives, la Loi canadienne sur les organisations à but non lucratif et la Loi sur la concurrence, avec des amendements), présenté au Sénat le 14 décembre 2017.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

Le sénateur Plett : Avec dissidence.

(La motion est adoptée avec dissidence, et le rapport est adopté.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Wetston, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

[Français]

Projet de loi sur le cannabis

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

Consentement ayant été accordé de revenir aux affaires du gouvernement, projets de loi, deuxième lecture, article no 2 :

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Dean, appuyée par l’honorable sénateur Forest, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-45, Loi concernant le cannabis et modifiant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, le Code criminel et d’autres lois.

L’honorable Rosa Galvez : Chers collègues, je prends la parole aujourd’hui à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi C-45.

[Traduction]

Selon des consultations menées par le gouvernement, la consommation de cannabis est socialement acceptable chez les baby-boomers et les milléniaux. Toutefois, pour les gens de ma génération, c’est-à-dire les parents des milléniaux, la consommation de cannabis à des fins récréatives suscite de nombreuses craintes au plan de la santé et de la sécurité publiques. Selon l’UNICEF, les adolescents canadiens consomment davantage de cannabis que les jeunes d’autres pays développés.

Les jeunes sont le capital intellectuel et social d’une nation. C’est à eux qu’il incombe de favoriser le développement, la paix et la démocratie, et de promouvoir les valeurs canadiennes. Un environnement est propice au développement des jeunes lorsqu’il favorise la conscience sociale, l’éducation, un emploi gratifiant et l’entrepreneuriat.

[Français]

J’ai lu le texte de loi proposé tout en sachant que la situation presse pour décriminaliser la possession du cannabis et que nous devons enrayer la criminalité qu’entraîne le marché noir.

L’ampleur des effets du cannabis chez les jeunes est connue depuis plusieurs années. Le gouvernement aurait pu créer depuis longtemps des programmes d’éducation et de sensibilisation aux enjeux liés à l’abus du cannabis, ou motiver les jeunes en mettant en place des programmes de création, de sports, de sciences et de technologie afin de leur offrir des activités récréatives saines.

Lorsque l’on compare le projet de loi C-45 avec ce que dit la science ou avec les expériences vécues ailleurs dans le monde, on trouve plusieurs lacunes et incohérences par rapport aux objectifs qu’a énoncés le gouvernement. Or, ces lacunes et incohérences nécessitent des réflexions et des améliorations.

[Traduction]

La communauté scientifique s’entend largement sur le fait que le cannabis crée une dépendance. À court terme, sa consommation peut entraver les fonctions cognitives et la coordination motrice et, à long terme, elle peut entraîner des problèmes respiratoires et des troubles de l’apprentissage, de la mémoire et de l’attention, augmenter les risques de psychose et de schizophrénie, d’anxiété et de dépression, et être liée à un faible poids chez les nourrissons.

Le Canada fait partie des 10 pays qui consomment le plus de cannabis dans le monde développé. Quelle en est la raison? Il y a plusieurs facteurs, selon des études psychosociales. Le THC a pour effet de soulager le stress, l’anxiété, la peur, la douleur ou la colère liés à des problèmes personnels, psychologiques ou familiaux. Il procure des sensations plus intenses. La culture populaire approuve son utilisation. On a l’impression qu’il est peu nocif. Enfin, on cède à la pression des pairs ou de la famille. Le projet de loi C-45 influera sur plusieurs de ces facteurs.

Les données sur la consommation de cannabis témoignent d’une large fourchette d'utilisateurs, soit entre 6 et 21 p. 100 de la population canadienne. Un pourcentage de 0,3 p. 100 a une autorisation légale d’achat de cannabis à des fins médicales auprès de 88 producteurs autorisés. Selon des données récentes, le nombre de ces consommateurs a atteint les 235 000 en 2017. Ce seul fait témoigne d’une détérioration inquiétante de la santé dans la population canadienne.

Les consommateurs de cannabis représentent une infime partie de la population canadienne. Or, le projet de loi semble adapté à leurs besoins. En tout, 79 p. 100 des personnes qui ont participé au processus de consultation du gouvernement sont des consommateurs de cannabis à des fins médicales ou récréatives. Sachant cela, pouvons-nous considérer ces consultations comme étant représentatives de la population canadienne?

(1500)

Le projet de loi C-45 respecte-t-il les droits des personnes qui ne consomment pas de cannabis? Le droit des enfants à un environnement sans cannabis sera-t-il respecté? Les travailleurs qui ne consomment pas de cannabis s’exposeront-ils à des risques accrus une fois que la mesure législative sera en vigueur? C’est sans parler du fait que la toxicomanie est considérée comme un handicap pour lequel des mesures d’adaptation doivent être prises. Doit-on en conclure que les coûts des employeurs et des écoles pourraient augmenter lorsque le cannabis sera légal? Ne serait-ce pas plutôt à ceux qui en consomment de payer?

Depuis que le cannabis est autorisé à des fins médicales, deux mondes parallèles coexistent : d’un côté, les dispensaires illégaux, qui vendent du cannabis « médical » dont la puissance peut varier de 2 à 30 p. 100 de THC; de l’autre, les patients qui se font traiter, en milieu hospitalier, avec du cannabidiol ou des cannabinoïdes affichant une concentration très peu élevée en THC — de 0,2 à 3 p. 100 — et prenant la forme de timbres cutanés , de comprimés, d’injections intraveineuses ou de suppositoires. Dans le plus visible des deux mondes, le premier, le nombre de dispensaires et de fournisseurs illégaux demeure inconnu. Même l’Association canadienne des dispensaires de cannabis médical, dont les locaux sont situés à Vancouver, n’en sait rien. Selon son porte-parole, J. Shaw, il y en aurait 90 à Vancouver et 70 à Toronto.

En 2016, le Globe and Mail a évalué la qualité du cannabis vendu dans les dispensaires. Selon le quotidien, certains produits ont échoué à une variété de tests de contrôle de la qualité car ils contenaient des niveaux dangereux de micro-organismes, des bactéries potentiellement néfastes et même des pesticides toxiques. Selon les normes canadiennes, les tests permettant de détecter la présence de pesticides ne sont pas obligatoires, mais les producteurs y ont recours afin d’économiser sur les coûts.

Peut-on dire que la légalisation du cannabis médical au Canada a été un succès? Pourquoi, 16 ans plus tard, ce produit n’est-il pas vendu en pharmacie, comme tous les autres médicaments? Si la légalisation du cannabis récréatif se fonde sur les mêmes bases que le modèle médical, peut-on espérer un succès cette fois-ci?

Le projet de loi C-45 supprime les interdictions sous toutes leurs formes sans pour autant les remplacer par une réglementation adéquate. Il transfère la majeure partie des responsabilités aux provinces, qui les rejettent à leur tour sur les municipalités. Nous devrions envisager de garder davantage de mécanismes de contrôle au gouvernement fédéral. Les spécialistes des politiques publiques ont d’ailleurs d’autres solutions à proposer à partir de l’expérience législative des autres pays et États qui sont passés par là. Il serait par exemple possible de mieux superviser la chaîne d’approvisionnement si nous en confions le soin à un organisme central ou si nous demandons à des organismes sans but lucratif ou à un organisme donné de délivrer un nombre limité de permis aux producteurs à but lucratif. Mais non : en saupoudrant les responsabilités comme il le fait et en omettant d’établir des objectifs clairs et mesurables, le projet de loi C-45 envoie un message ambigu sur le plan de la santé, sans compter qu’il occulte les véritables objectifs du gouvernement.

Le commerce du cannabis au Canada s’étend bien au-delà du secteur de la santé. Les entreprises du domaine du cannabis médical s’affairent à passer rapidement au marché récréatif. Deloitte, entre autres, estime la valeur du marché canadien à 29 milliards de dollars. Aurora Cannabis construit présentement la plus grande installation de production de cannabis au monde près d’Edmonton. Golden Leaf Holdings fabrique des produits hautement puissants à usage récréatif, notamment des huiles et des produits comestibles. Honorables sénateurs, 700 millions de dollars ont été investis au cours des six derniers mois dans les entreprises du secteur du cannabis, et une partie de ces fonds provient de paradis fiscaux.

Les spécialistes des politiques soulignent que l’atteinte des objectifs de la loi, soit de réduire le marché illicite et la judiciarisation des jeunes, dépendra du prix de détail du cannabis. Les prix devront faire concurrence à ceux des revendeurs de cannabis illicite, tout en étant assez élevés pour ne pas inciter les gens à consommer davantage.

En outre, les infrastructures requises pour effectuer le contrôle de la qualité pourraient faire croître les pressions sur les prix. Malgré la nécessité de trouver cet équilibre précaire, la réalité est qu'il s'agit d'un marché instable. Il est essentiel de réaliser que, tant du côté du secteur de la santé que de celui du secteur économique, on considère que la plus grande disponibilité de cannabis à usage récréatif à prix modique fera vraisemblablement croître la consommation. De plus, les spécialistes de la médecine s’attendent à ce que la légalisation mène à une augmentation de la surconsommation de cannabis et de la dépendance à cette substance, comme l’ont montré de nombreuses études menées auprès de jeunes étudiants d'université aux États-Unis.

En quoi la légalisation permettra-t-elle de limiter l’accès des jeunes au cannabis et, ainsi, de limiter la consommation chez les jeunes? Qu’arrivera-t-il aux dispensaires de cannabis médical après la légalisation? Qu’en est-il de la prévention, le moyen reconnu comme étant le plus efficace et le plus économique pour régler un problème?

Vers la fin de 2017, la National Academy of Sciences des États-Unis a publié un rapport de fond sur le cannabis. Les conclusions du rapport sont importantes et révélatrices. Au cours de la dernière décennie, les produits de cannabis à forte teneur comme la sinsemilla, une plante issue du génie génétique produite à partir de clones plutôt que de graines, ont envahi le marché américain. Les données des saisies de la Drug Enforcement Administration montrent une forte augmentation de la puissance, qui est passée de 4 p. 100 en 1995 à 30 p. 100 en 2016. Les personnes qui consomment du cannabis présentant un taux de THC de 30 p. 100 ou plus ne le font pas pour des raisons récréatives. Comme l’a affirmé un psychiatre :

Le cannabis d’aujourd’hui n’a plus rien à voir avec la substance idéalisée par les hippies. Les seules personnes qui disent que le cannabis ne crée pas de dépendance sont celles qui en consomment régulièrement et celles qui en vendent.

L’an dernier, le Colorado a d’ailleurs proposé de limiter à 16 p. 100 la teneur en THC des produits du cannabis. En plus de ne pas vraiment connaître les risques pour la santé que présentent les produits du cannabis très puissants, nous ne savons pas non plus précisément quel est l’effet du cannabis lorsqu’il est consommé avec d’autres substances intoxicantes. Par contre, nous en savons beaucoup plus sur le cannabis que nous en savions sur l’alcool et le tabac lorsqu’ils se sont fait une place dans notre mode de vie.

Les importations de semences de cannabis sont-elles régies par la Loi sur les semences et Agriculture Canada? Les prix devraient-ils être fondés sur la teneur en THC plutôt que sur le poids, comme le recommande le groupe de travail? Comment va-t-on gérer la concurrence? Peut-on établir un prix minimal? Les étiquettes apposées sur les produits feront-elles mention de tous les effets nocifs sur la santé connus? Les politiques vont-elles plus vite que la recherche scientifique?

Des centaines d’études montrent que le cannabis a des effets nuisibles sur le cerveau en développement des jeunes. Sa consommation se répercute sur le fonctionnement cognitif et le rendement scolaire à divers degrés par le biais de différents processus cérébraux, et ce, à divers degrés d’irréversibilité.

Le cannabis nuit au fonctionnement du cerveau chez les jeunes. Il se répercute sur les capacités de planification et de raisonnement, l’inhibition, l’autorégulation et la capacité de résoudre des problèmes. Grâce à des techniques de neuroimagerie, les auteurs de certaines études ont pu constater que la consommation de cannabis causait des changements de la matière grise et blanche du cerveau, qui sont les centres de la prise de décisions, des fonctions exécutives et de la communication entre les régions du cerveau. Les chercheurs sont, en outre, très préoccupés par le fait que la puissance du produit ainsi que la fréquence et le mode de consommation peuvent modifier ces effets.

Une étude portant sur 410 patients qui ont vécu un premier épisode de psychose a révélé que le risque de psychose était environ trois fois plus grand chez les personnes consommant des produits à teneur plus élevée en THC — un taux se situant entre 40 et 60 p. 100 — que chez celles qui ne consommaient pas de cannabis.

Selon des données épidémiologiques, 30 p. 100 des consommateurs de cannabis sont atteints de divers troubles liés à la consommation de cette substance. Aux États-Unis, le Drug Abuse Warning Network a estimé que, en 2011, il y avait eu 456 000 urgences liées aux drogues où il était fait mention, dans le dossier du patient, de la consommation de marijuana. Toujours aux États-Unis, 88 études sont actuellement menées afin de déterminer comment traiter la dépendance au cannabis.

Y a-t-il des facteurs qui endommagent le cerveau des jeunes? Je songe notamment au dosage et à la concentration en THC, aux voies d’administration, aux taux d’accumulation, ainsi qu’à l’âge, aux conditions de vie et aux habitudes des consommateurs. Quels sont les effets cumulatifs de la consommation conjointe de cannabis et d’autres substances intoxicantes? Comment les services d’urgence et de psychiatrie composeront-ils avec une augmentation du nombre de troubles liés à la consommation de cannabis? Ne sont-ils pas déjà surchargés à cause de la crise des opioïdes, des produits pharmaceutiques légaux qui sont devenus un sérieux problème de société? À combien s’élèveront les coûts des services de soutien aux toxicomanes qu’il faudra offrir aux personnes qui voudront un jour renoncer au cannabis? Sommes-nous en train d’hypothéquer l’avenir des jeunes Autochtones ou des jeunes voulant faire carrière dans les domaines des sciences, de la technologie, de l’ingénierie et des mathématiques? ** Peut-on s’attendre à ce que des particuliers et des groupes intentent des poursuites judiciaires contre le gouvernement ou des entreprises privées si la légalisation n’est pas une expérience concluante?

(1510)

À la fin de mon discours, il y a des références sur les faits et les données que j’ai présentés aujourd’hui. Il est prouvé que le risque de nuire au sain développement des jeunes associé à la consommation et à l’abus de cannabis est non seulement bien réel, mais également sérieux. La légalisation du cannabis exige une stratégie globale et intégrale d’envergure. Or, dans sa forme actuelle, le projet de loi C-45 porte davantage sur des enjeux économiques et criminels.

Le gouvernement doit mettre les considérations sanitaires à l’avant-plan, adopter une approche concrète et pas uniquement théorique en matière de santé publique, sans promouvoir, intentionnellement ou non, l’émergence d’un secteur économique ou la légalisation de l’utilisation comme un levier politique pour soutenir une pratique existante dangereuse.

Honorables sénateurs, je vous invite à collaborer avec moi pour faire changer l’orientation de cette mesure législative afin qu’elle soit plutôt axée sur la prévention, la sensibilisation et la santé, comme elle devait l’être au départ. Merci beaucoup.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénatrice Lankin, avez-vous une question?

L’honorable Frances Lankin : Oui. La sénatrice accepterait-elle de répondre à une question?

La sénatrice Galvez : Oui.

La sénatrice Lankin : Je vous remercie beaucoup. Vous avez présenté une solide argumentation pendant toute votre intervention et vous avez conclu de façon convaincante avec…

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, puis-je demander le consentement d’accorder cinq minutes de plus à la sénatrice Galvez?

Des voix : D’accord.

La sénatrice Lankin : Vous avez conclu en faisant un vigoureux plaidoyer qui nous demande de mettre l’accent sur la santé publique et de ne pas nous en tenir simplement à la théorie. Je suis tout à fait d’accord avec vous.

Hier, je n’ai pas eu l’occasion de poser des questions à la ministre. J’aurais aimé revenir sur la question de la sénatrice Batters concernant la santé mentale des jeunes, en particulier. Je suis très préoccupée parce que la prévention et la sensibilisation doivent être des éléments importants de la stratégie. Les libéraux s’y sont engagés. Or, beaucoup de détails doivent être réglés pour assurer l’efficacité des mesures prises. Cependant, d’après ce que je vois, ce projet de loi ne met pas l’accent sur ce qu’il faut faire pour s’attaquer aux problèmes de santé mentale des jeunes parce que, bien franchement, on peut recourir au cannabis à cause de problèmes de santé mentale, mais il est également possible que la consommation récréative du cannabis exacerbe des problèmes mentaux dont on n’était pas conscient.

On pourrait faire bien des choses, mais je me demande si vous avez pensé à l’aspect particulier de la santé mentale et à quoi pourrait ressembler l’approche axée sur la santé publique que vous avez réclamée dans le contexte du projet de loi.

La sénatrice Galvez : Je vous remercie beaucoup de votre question. Dans les faits, si vous faites une recherche très rapide en vous mettant à la place d’un adolescent de 16 ou 18 ans qui veut déterminer combien de joints il peut fumer, et de quelle puissance, avant de courir le danger de nuire au développement de son cerveau, vous ne trouverez pas de réponse dans les 200 premiers résultats.

Cependant, si vous prétendez être un homme d’affaires qui veut fabriquer des produits du cannabis, vous trouverez toute l’information dont vous avez besoin dans les 20 premiers résultats de votre recherche, plus ou moins. Nous devons présenter ces renseignements d’une façon simple que tout le monde peut comprendre et, bien sûr, fournir une liste de tous les dangers possibles avec les produits qui seront vendus.

[Français]

L’honorable Pierre-Hugues Boisvenu : J’ai une question à poser à la sénatrice.

[Traduction]

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénatrice Galvez, votre temps de parole est écoulé. Accepteriez-vous de répondre à une autre question du sénateur Boisvenu?

La sénatrice Galvez : Bien sûr.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Sénatrice, bravo pour votre exposé, qui est très pointu. Il touche vraiment les cibles importantes. Hier, comme vous le savez, nous avons reçu les trois ministres et nous avons discuté de toute la problématique du marché illégal qui risque d'être encore présent. D’ailleurs, le ministre de la Sécurité publique et la GRC ont confirmé cette semaine, dans le cadre d’une réunion de comité, qu’environ 30 p. 100 de la marijuana se retrouvera encore sur le marché illégal. On sait que la production illégale est celle qui est à plus haut risque sur le plan de la santé, car elle n’est pas soumise à des contrôles de la qualité. On a appris également que, chez les investisseurs qui ont un permis de production, 40 p. 100 de ces investissements proviennent du marché illégal.

Nous avons proposé au ministre de la Sécurité publique de favoriser une plus grande transparence en ce qui a trait aux producteurs, afin que nous puissions nous assurer que, au Canada, ceux qui produisent du cannabis sont des gens qui montrent patte blanche, et pour que la production de cannabis atteigne un maximum de qualité, car nous saurons qui produit quoi. Que pensez-vous de cette proposition?

[Traduction]

La sénatrice Galvez : Je vous remercie beaucoup de votre question. Il est censé y avoir un système de suivi. Ce système devrait faire le suivi de deux choses en même temps : les effets économiques et les effets sur la santé. Jusqu’à présent, il ne nous apprend pas grand-chose à propos de la consommation, ce qui signifie qu’il ne suffit pas. Le système de suivi devrait être très transparent et il devrait regrouper tous les renseignements. De plus, je regrette de ne pas pouvoir le dire autrement, mais il est important de savoir qui s’enrichit dans ce nouveau secteur.

Des voix : Bravo!

[Français]

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénatrice Bellemare, il reste une minute.

L’honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat) : Est-ce que la sénatrice accepterait de répondre à une question?

Je voudrais tout d’abord vous féliciter de la recherche dont vous faites état dans votre exposé, c’est excellent. J’ai eu des enfants, j’en ai toujours, mais ils ont passé l’âge de l’adolescence. Or, les experts médicaux que j’ai consultés par le passé me disaient toujours que l’alcool est beaucoup plus dangereux que le cannabis. Avez-vous fait des recherches pour mesurer l’impact chez les jeunes de la consommation d’alcool et de la quantité d’alcool qu’ils consomment, avec les taux d’alcoolémie que l'on connaît?

[Traduction]

La sénatrice Galvez : Je vous remercie beaucoup de la question.

[Français]

Oui, effectivement, plusieurs drogues exacerbent l’impact du cannabis et ne font que l’empirer. Je le vois de très près à l’université avec les étudiants. Les étudiants sont stressés lorsqu’il s’agit d’étudier les mathématiques. Ils prennent du cannabis pour se détendre, mais, à un moment donné, c’est l’effet inverse qui se produit, et ils sont plus stressés. Il y a beaucoup d’études en cours à l’heure actuelle qui examinent les effets et l’impact de la drogue.

[Traduction]

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénatrice, votre temps de parole est écoulé. Demandez-vous cinq minutes de plus? Les honorables sénateurs sont-ils d’accord?

Des voix : D’accord.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénatrice Galvez, vous pouvez terminer votre réponse.

[Français]

La sénatrice Galvez : La recherche est vraiment en train de se réaliser. Il est très important de connaître les effets cumulatifs de plusieurs drogues. On parle du tabac et de l’alcool, mais, en fait, on devrait parler aussi des amphétamines, du Xanax et de plusieurs autres drogues, y compris la cocaïne, évidemment. Cependant, jusqu’à maintenant, ce qu’on sait, c’est que toutes ces autres drogues ne font qu’exacerber les effets du cannabis.

L’honorable Renée Dupuis : J’aimerais poser une question à la sénatrice Galvez.

Vous avez parlé de la prévention, et je suis très sensible à cet aspect. Je me demande si vous avez examiné la question du type de message sur lequel la prévention devrait porter. Je précise ma question. On a affaire à un sujet un peu complexe, à savoir un produit qui est dangereux, mais qui a été autorisé à des fins médicinales, et non médicales. D’ailleurs, on voit partout qu’il s’agit de fins médicales, mais c’est plutôt à des fins médicinales, car le produit apporte un soulagement à l’individu, alors que les médecins refusent de reconnaître l’usage du cannabis à des fins médicales. Il y a un usage qui a été légalisé à des fins médicinales, et, parmi les patients qui utilisent le cannabis à l’heure actuelle, bon nombre sont des hippies, comme vous l’avez dit, qui ont atteint un âge où ils ont besoin de soulager des douleurs importantes. Il y a ce message qu’on transmet au public, au moins depuis 2013, selon lequel cet usage est légalisé. On présente un produit qui apporte des bienfaits à certaines catégories de citoyens.

Par ailleurs, c’est un produit qui présente des dangers extrêmement importants pour les jeunes, et vous l’avez bien exposé. Avez-vous réfléchi au type de formule ou de message qu’il faudra développer pour qu’il y ait réellement une prévention efficace?

La sénatrice Galvez : Merci beaucoup pour la question. Je crois que le problème est que les jeunes pensent à la fois que le cannabis est un médicament et qu’il a des propriétés médicinales. Donc, la perception du risque est très faible. Les effets néfastes ne sont pas aussi visibles ou bien communiqués aux jeunes. Donc, les jeunes ont plutôt l’impression qu’il peut s’agir à la fois d’un médicament qui détend et que c’est pour cette raison que le cannabis sera légalisé, au lieu de se dire que c’est une substance qui cause une dépendance et que, éventuellement, elle peut causer beaucoup de dommages au cerveau des jeunes âgés de 13 à 25 ans. Je suis certaine qu’il y a des experts qui savent faire passer certains messages, mais cet aspect dépasse mes compétences.

(1520)

L’honorable Raymonde Gagné : Est-ce que la sénatrice accepterait de répondre à une autre question?

La sénatrice Galvez : Oui.

La sénatrice Gagné : Dans votre présentation, vous avez mentionné que le consommateur de cannabis devrait porter l’odieux de sa consommation et ses conséquences. Ensuite, vous avez également fait allusion aux prix qu’on devrait fixer, ainsi que la taxe. On sait que la taxe qui sera imposée sera de 1 $ par gramme ou de 10 p. 100 du prix de vente. Au Colorado, la taxe est de 30 p. 100 et, à Washington, de 37 p. 100. La fixation des prix et la taxation sont des outils qui pourraient décourager la consommation. De plus, les recettes pourraient être investies dans la prévention, l’éducation et la sensibilisation. Êtes-vous en mesure de clarifier ce que vous vouliez dire quand vous avez affirmé que le consommateur de cannabis devrait porter l'odieux de sa consommation?

[Traduction]

La sénatrice Galvez : C’est une question très importante. C’est pourquoi j’ai fait la différence entre les deux mondes parallèles qui existent dans le secteur médical. Il y a les gens qui en ont vraiment besoin pour soulager leur douleur, pour le VIH, pour le cancer et pour la chimiothérapie. Ils reçoivent des doses infimes de THC de différentes façons.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Je regrette, sénatrice, mais votre temps de parole est écoulé.

Une voix : Cinq minutes?

Son Honneur la Présidente intérimaire : Non, merci. Passons à autre chose.

Puis-je faire une remarque personnelle, honorables sénateurs? Lorsque vous posez une question, évitez de commencer par un long préambule.

Des voix : Bravo!

Son Honneur la Présidente intérimaire : Les longs préambules ne font qu’écourter les réponses très intéressantes de la sénatrice Galvez.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénatrice Martin, proposez-vous l’ajournement à votre nom?

La sénatrice Martin : S’il est terminé, je propose l’ajournement du débat.

[Français]

La sénatrice Gagné : Est-ce que je peux poser une autre question? Je crois qu’on avait accordé cinq minutes de plus.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Non, il s’agissait de cinq minutes de plus pour la deuxième fois, donc votre temps de parole est écoulé. Je m’excuse.

La sénatrice Gagné : Est-ce que je peux demander l’ajournement à mon nom?

Son Honneur la Présidente intérimaire : Non.

[Traduction]

Je regrette, mais j’ai vu la sénatrice en premier.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

La Loi électorale du Canada

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Frum, appuyée par l’honorable sénateur Housakos, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-239, Loi modifiant la Loi électorale du Canada (élimination du financement étranger).

L’honorable Marc Gold : Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet du projet de loi S-239, Loi modifiant la Loi électorale du Canada (élimination du financement étranger).

Il ne fait aucun doute que ce sont les activités de la campagne électorale de 2015, où des tiers ayant reçu de l’argent de la part de fondations américaines ont milité contre le gouvernement conservateur, qui sont à l’origine de ce projet de loi et du rapport de juin 2017 du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. Toutefois, à moins de ne jeter sur cette question qu’un regard partisan, on ne peut pas ignorer que des plaintes ont été déposées également par des personnes alléguant qu’un groupe qui entretenait des liens avec le Parti républicain, aux États-Unis, s’est ingéré dans la campagne électorale de 2011 pour favoriser les candidats conservateurs. Alors, le financement provenant de l’étranger est toujours problématique, qu’il vienne de George Soros ou des frères Koch. Le problème du financement étranger des tiers qui interviennent pendant les campagnes électorales est bien réel et il mérite notre attention.

[Français]

Comme la sénatrice Frum l’a déclaré en cette enceinte, la Loi électorale du Canada ne parvient pas, pour bien des aspects, à empêcher le financement étranger d’activités tenues par un tiers dans le processus électoral. La loi interdit seulement le financement étranger de publicité par des tiers, alors qu’Élections Canada donne une définition très restreinte de la publicité. Par conséquent, beaucoup d’autres activités électorales, comme les rassemblements ainsi que la commande et la diffusion de sondages, ne sont pas considérées comme faisant partie de la publicité et peuvent donc être financées par des contributions de l’étranger.

En outre, la loi vise seulement le financement étranger reçu six mois avant le déclenchement des élections. Les sommes versées avant cette période sont traitées comme des fonds canadiens aux fins de la loi, et le tiers est libre de dépenser cet argent comme bon lui semble.

Pour ces raisons, de nombreuses personnes conviennent qu’il faut remanier la Loi électorale du Canada pour régler ce problème. Comme le commissaire aux élections fédérales l’a déclaré lors de son témoignage devant le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, et je cite :

[...] il est peut-être temps que le Parlement revoie le régime des tiers instauré il y a 17 ans, dans le but d’assurer que tous puissent continuer à prendre part à la lutte électorale à armes égales.

Je suis entièrement d’accord avec le commissaire, mais nous devons nous demander si le projet de loi S-239 est le bon moyen de régler le problème.

[Traduction]

Voyons en premier lieu ce que le projet de loi interdit. L’article 331 de la loi interdit actuellement aux personnes qui ne sont ni des citoyens ni des résidents permanents d’inciter les électeurs à voter ou à ne pas voter pour un candidat en particulier. Cette interdiction s’applique pendant « la période électorale ». Le projet de loi étendrait cette interdiction de plusieurs façons. Il érigerait en infraction le fait de verser une contribution à une personne afin de l’amener directement ou indirectement à inciter les électeurs à voter ou à ne pas voter pour un candidat donné. De plus, cette interdiction s’appliquerait désormais relativement à une élection, et non uniquement pendant la période électorale.

Le projet de loi S-239 élargirait en outre l’interdiction faite aux tiers recevant une contribution. Il leur interdirait désormais d’accepter des contributions provenant d’entités étrangères « à toute fin relative à une élection ».

Honorables sénateurs, je suis mal à l’aise lorsque je vois le caractère vague et général de ces interdictions, en particulier lorsque je songe à l’incidence qu’elles auraient sur le droit des Canadiens de s’exprimer sur des questions d’intérêt public. Quelles conséquences ce projet de loi aurait-il sur le droit des Canadiens de militer pour des causes qui sont au cœur de leur mission lorsque ces causes semblent refléter la plateforme électorale d’un parti politique? Je pense que c’est ce que la sénatrice Omidvar entendait lorsqu’elle a dit craindre que le projet de loi n'entraîne « un vaste mouvement de désengagement ». C’est ce que le sénateur Woo avait en tête lorsqu’il a indiqué que le projet de loi risquait de « donner lieu à un méfait pour des motifs politiques par des partisans qui cherchent à nuire à la défense légitime de l’intérêt public […] ».

(1530)

Deuxièmement, considérons l’enjeu global de l’influence étrangère sur nos élections. Nous en convenons tous, l’éventualité d’une influence étrangère sur nos élections va bien au-delà du financement de tiers et des diverses façons dont on peut utiliser les médias sociaux et les nouvelles technologies pour influer sur le comportement des électeurs. Il suffit de considérer la dernière élection présidentielle organisée au sud de notre pays ou les preuves d’ingérence étrangère dans plusieurs élections européennes pour se convaincre de l’ampleur et de la complexité du problème.

En fait, dans le rapport qu’il a publié en 2017 sur les cybermenaces contre le processus démocratique du Canada, le Centre de la sécurité des télécommunications nous met en garde contre l’éventualité de plus en plus réelle que les campagnes électorales soient ciblées par des agents et des militants étrangers.

Le directeur général des élections est d’ailleurs bien conscient du problème lorsqu’il affirme que la loi « n’est pas très bien adaptée aux tendances des nouveaux médias ». Il fait observer en outre que tout changement à la loi « nécessiterait une étude très approfondie qui va au-delà de la capacité ou même du mandat d’Élections Canada à cet égard ».

Il est clair, honorables sénateurs, que le projet de loi S-239 n’aborde pas du tout ce problème.

[Français]

Pour terminer, si l’intention du projet de loi est d'égaliser les chances, nous ne pouvons faire fi des autres lacunes de la Loi électorale du Canada auxquelles nous devons remédier.

Comme je l’ai observé, l’interprétation restreinte de la publicité électorale fait en sorte que plusieurs activités électorales ne sont pas visées par la loi. Par conséquent, les intérêts étrangers et canadiens, qu’ils soient commerciaux ou philanthropiques, conservateurs ou progressistes, peuvent acheminer des fonds à des tiers qui s’en serviront durant la campagne électorale sans enfreindre la loi. Les chances sont aussi inégales si l’argent qui est versé à des tiers est d’origine canadienne ou s’il provient de l’étranger, d’entreprises ou de fondations.

[Traduction]

D’après ce que je comprends, honorables sénateurs, la deuxième lecture a pour but de débattre en principe du projet de loi avant de déterminer s’il est opportun d’aller plus loin. Permettez-moi de vous faire part du dilemme dans lequel je me trouve en hésitant entre deux principes contradictoires.

Premièrement, il y a longtemps que la Loi électorale du Canada aurait dû faire l’objet d’un examen majeur, comme l’ont fait valoir le directeur général des élections et le commissaire aux élections fédérales. Par ailleurs, la lettre de mandat que la ministre des Institutions démocratiques a reçue en février 2017 recense divers enjeux sur lesquels elle doit se pencher, dont les dépenses de tiers. C’est une bonne chose. L’intégrité du processus électoral est importante et fondamentale et les enjeux qui la concernent doivent être abordés de façon sérieuse et globale. Par principe, toutefois, j’estime que la meilleure façon de procéder serait d’élaborer un projet de loi ministériel qui engloberait tous les enjeux, plutôt qu’un projet d’initiative parlementaire qui ne s’attache qu’à une seule dimension du problème.

Cependant, il existe un autre principe en jeu, et cela m’amène dans la direction opposée.

Honorables sénateurs, je respecte le processus qui est en place ici, et qui vise à s’assurer que les projets de loi sont assujettis à un examen critique en profondeur. À ce titre, je crois que la plupart des projets de loi doivent être renvoyés en comité afin qu’ils puissent être examinés comme il se doit. Comme je l’ai dit, j’ai de graves préoccupations en ce qui a trait à la portée des interdictions proposées dans le projet de loi. Je ne crois pas qu’elles règlent l’ensemble des problèmes liés à l’influence étrangère sur nos élections. J’aurais préféré qu’on s’y attaque au moyen d’un projet de loi d’initiative ministérielle exhaustif. Néanmoins, est-ce une raison suffisante pour ne pas se pencher sur la question relativement restreinte dont traite le projet de loi S­239?

Si le comité saisi de la mesure législative arrive à en combler les lacunes éventuelles et à améliorer le texte, pourquoi ne pas le laisser faire son travail et faire rapport au Sénat lorsqu’il aura terminé? Agir autrement serait de laisser le mieux être l’ennemi du bien. Pour cette raison, et malgré mes profondes réserves à l’égard de certains aspects de cette mesure législative, j’appuie son renvoi au comité afin qu’elle soit étudiée de manière approfondie.

Je terminerai par quelques suggestions à l’intention du comité, en ce qui concerne l’éventail de témoins pouvant être convoqués et les questions au sujet desquelles ils devraient être invités à témoigner.

Le projet de loi S-239 est un projet de loi d’initiative parlementaire. À n’en pas douter, les projets de loi d’initiative parlementaire sont légitimes et peuvent parfois attirer l’attention sur des enjeux importants qui seraient autrement négligés. Néanmoins, selon mon expérience, aussi limitée soit-elle, ces projets de loi présentent des défis particuliers aux comités qui doivent les étudier. Le problème central est de déterminer comment cela s’inscrit dans l’ensemble du corpus législatif et de savoir ce que le gouvernement pense du projet de loi. Nous n’avons pas toujours le temps ou même la possibilité d’étudier un projet de loi d’initiative parlementaire de manière à connaître l’opinion du gouvernement à cet égard. Cependant, sans son point de vue, il est très difficile pour les membres d’un comité de bien faire leur travail.

Il faudra absolument que le comité consulte le gouvernement dès le début de l’étude pour qu’il comprenne bien la manière dont les dispositions du projet de loi s’inscriront dans la loi, comment les principaux éléments du projet de loi — plus particulièrement les interdictions — seront interprétés et quelles autres mesures sont envisagées par le gouvernement pour améliorer l’équité et l’intégrité du processus électoral. Comme d’autres sénateurs l’ont dit, il existe un certain nombre de façons dont le problème du financement étranger des activités électorales de tiers peut être abordé dans la Loi électorale du Canada. L’approche adoptée dans le projet de loi S-239 n’en est qu’un exemple.

En outre, il serait utile que le comité entende le témoignage de tous les intervenants touchés, y compris les représentants des organismes canadiens qui sont actifs dans le domaine des affaires publiques, qu’ils aient ou non qualité de tiers aux termes du projet de loi.

J’invite aussi le comité à surtout demander aux témoins leur avis sur la portée des interdictions définies dans le projet de loi et, plus particulièrement, sur le risque qu’elles limitent le droit des Canadiens d’exprimer leur point de vue sur les questions d’affaires publiques, droit que garantit pourtant la Charte canadienne des droits et libertés.

Honorables sénateurs, je ne veux pas me servir de la Charte comme d’une fin de non-recevoir, c’est-à-dire d’un moyen de mettre fin au débat. En fait, je suis plutôt d’accord avec l’avocat général et directeur principal des Services juridiques du Bureau du commissaire aux élections fédérales, Marc Chénier, lorsqu’il dit qu’on pourrait sans doute adopter un régime qui respecte les valeurs constitutionnelles garanties par la Charte que sont la liberté d’association et la liberté d’expression. Toutefois, il n’est pas certain que ce soit le cas du régime prévu dans le projet de loi S-239. Le comité devrait étudier de très près cette question.

Pour conclure, honorables sénateurs, je remercie la sénatrice Frum d’avoir soulevé cette question et j’espère que le projet de loi fera l’objet de l’examen approfondi qu’il mérite une fois renvoyé au comité.

L’honorable Nicole Eaton : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet du projet de loi S-239, Loi modifiant la Loi électorale du Canada (élimination du financement étranger).

Grâce au projet de loi présenté par la sénatrice Frum, nous pourrions remédier à une lacune dans la Loi électorale du Canada qui permet à des entités étrangères de se mêler du processus électoral au Canada, une lacune qui permet qu’une quantité illimitée de fonds étrangers soient versés au Canada pour être utilisés par des tiers dans le but d’influencer et de fausser l’issue des élections canadiennes. Ce n’est pas un problème hypothétique, mais un problème bien réel. Cette pratique a eu des effets par le passé et elle en aura encore davantage à l’avenir si nous ne faisons rien pour y remédier.

Lors des élections fédérales de 2015, il y avait 114 partis d’inscrits, soit 55 de plus qu’en 2011 et, collectivement, ils ont dépensé 6 millions de dollars en publicité seulement. Personne ne sait combien ils ont consacré à d’autres activités électorales comme les sondages, l’organisation d’événements ou du personnel de campagne payé, parce qu'on ne fait pas le suivi de cette information.

Selon le témoignage livré par le commissaire aux élections, Yves Côté, l’année dernière au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, la participation de tiers « continuera vraisemblablement de croître ». Il a dit qu’il était temps que le Parlement réexamine cette question « dans le but d’assurer que tous puissent continuer à prendre part à la lutte électorale à armes égales. »

Selon le bureau du commissaire, 105 plaintes ont été déposées au sujet des activités de tiers lors des élections de 2015, contre seulement 12 en 2011. Une grande partie de la participation de tiers lors des élections de 2015 visait à défaire le gouvernement conservateur et des groupes comme Dogwood Initiative et Leadnow ont reçu des fonds qui provenaient, en grande partie, de l’étranger. À titre d’exemple, la fondation Tides, un groupe américain qui accepte des dons et les anonymise afin que les donateurs demeurent inconnus, a versé près de 700 000 $ à huit tiers enregistrés au cours de la dernière année électorale.

(1540)

Cette même fondation a dépensé des dizaines de millions de dollars dans l’espoir de démolir le secteur canadien des ressources. Il est impossible de savoir comment les tiers ont utilisé ces fonds puisque, lorsqu’il s’agit d’empêcher que des intérêts étrangers influencent les élections canadiennes, la Loi électorale du Canada comporte de graves lacunes.

Je sais que cela ne préoccupe aucunement certains de mes collègues d’en face, qui se sont réjouis qu’un effort international mène à l’arrivée de voies ensoleillées à Ottawa. C’est pourtant un enjeu qui devrait préoccuper chacun d’entre nous. La dernière fois, le choix du parti qui gouvernerait le Canada a été influencé par George Soros; la prochaine fois, ce seront peut-être Vladimir Poutine ou les frères Koch qui exerceront leur influence. Si nous ne fermons pas la porte au financement étranger, ils auront le champ libre.

L’article 331 de la Loi électorale du Canada donne à la plupart des gens l’impression que le financement étranger n’a pas sa place dans les élections canadiennes. Il dit ce qui suit :

Il est interdit à quiconque n’est ni un citoyen canadien ni un résident permanent […] et ne réside pas au Canada d’inciter de quelque manière des électeurs, pendant la période électorale, à voter ou à s’abstenir de voter ou à voter ou à s’abstenir de voter pour un candidat donné.

Il faut toutefois savoir qu’Élections Canada ne considère pas que les dons en argent servent à inciter les gens à agir de telle ou telle manière. Cela me semble incroyable. Élections Canada ne fait aucun suivi des dons effectués plus de six mois avant les élections. C’est donc dire qu’un État qui souhaite influencer des élections canadiennes peut verser autant d’argent qu’il le souhaite à un tiers enregistré, en autant que le don soit reçu plus de six mois avant la campagne électorale. À plus que six mois d’avance, Élections Canada ne fait pas la distinction entre ces contributions étrangères et les fonds collectés au pays. Dans une ère d’élections à date fixe, il s’agit là d’une échappatoire à laquelle il faut remédier.

Pire encore, Élections Canada interdit l’utilisation de fonds étrangers seulement pour la publicité, selon la définition très étroite qu’on en faisait au XXe siècle. Le projet de loi précise et renforce l’article 331 en établissant qu’une contribution constitue aussi une forme d’incitation et en interdisant au tiers d’accepter, à toutes fins relatives à des élections, des contributions provenant d’entités étrangères.

En outre, le projet de loi érige en infraction le fait qu’un tiers accepte une telle contribution. Voilà une solution très simple à un problème très grave.

Il est étonnant que, premièrement, le gouvernement n’ait pas encore pris de mesures à cet égard et que, en second lieu, un parlementaire puisse s’opposer au projet de loi à l’étude. Nous avons entendu la sénatrice Omidvar et le sénateur Woo se dire contre le projet de loi pour diverses raisons, dont certaines sont renversantes. Par exemple, le sénateur Woo laisse entendre que le projet de loi de la sénatrice Frum pourrait être animé de motifs chauvinistes, en faisant valoir que « [...] des ressortissants étrangers communiqueraient des renseignements vrais pour contrer des mensonges que font circuler des sources au pays [...] ».

Peut-être y aurait-il lieu d’aller aux États-Unis ou en Europe. Nous aurions pu aider Angela Merkel aux dernières élections. J’ose espérer que les Canadiens ont un peu plus de jugeote que cela.

L’issue des élections canadiennes doit être décidée par les Canadiens, sans interférence étrangère. La sénatrice Omidvar et le sénateur Woo croient tous les deux que le projet de loi S-239 comporte une échappatoire parce qu’il n’interdit pas le financement de tiers par une filiale canadienne d’une société étrangère. Selon la sénatrice Omidvar, cela constitue « [...] un avantage considérable et injuste pour les sociétés étrangères […] ». Elle craint que des sociétés étrangères puissent exercer leur influence sur les élections canadiennes en versant des contributions par l’entremise de leurs filiales canadiennes. Il est vrai qu’une filiale établie au Canada pourrait encore verser des contributions à un tiers enregistré, mais on peut en dire autant d’un syndicat établi à l’étranger qui exerce des droits de négociation pour des employés au Canada.

La réalité, c’est que nombre d’entreprises qui font des affaires au Canada sont des filiales de grandes multinationales. Il n’y a aucune raison d’empêcher ces entreprises, qui contribuent au bien-être social et économique du Canada, de jouer un rôle modeste dans le processus démocratique.

Le sénateur Woo et la sénatrice Omidvar ont cerné un autre problème, soit le risque que des groupes de revendication soient involontairement ciblés par les nouvelles règles. Le sénateur Woo a dit ceci :

[…] [Pour] des centaines d’organismes de défense de l’intérêt public et d’organismes de bienfaisance […] on pourrait considérer qu’ils contreviennent à la loi parce qu’ils ont accepté des dons de sources étrangères […]

La sénatrice Omidvar a dit qu’un organisme de bienfaisance ou sans but lucratif pourrait aller à l’encontre de ces dispositions simplement en poursuivant ses activités habituelles de défense de l’intérêt public et de sensibilisation. Elle a pris pour exemple une situation hypothétique où une organisation de défense des réfugiés pourrait devoir faire face à des accusations au titre de la Loi électorale du Canada pour avoir fait la promotion d’une réponse bienveillante à la crise des réfugiés syriens.

Avec tout le respect que je dois à mes deux collègues, je dirai que soit ils inventent un argument bidon contre le projet de loi, soit ils font preuve d’une méconnaissance fondamentale de ce qui est véritablement proposé dans le projet de loi S-239.

Premièrement, l’interdiction proposée vise les dons étrangers qui sont versés à des tiers enregistrés à des fins électorales, et elle ne vise pas à empêcher des organisations de mener leurs activités habituelles ou de défendre l’intérêt public.

Deuxièmement, et plus important encore, ce projet de loi n’aura aucune incidence sur la plupart des groupes de revendication. Il ne visera que les tiers enregistrés auprès d’Élections Canada, et il ne changera aucune règle concernant l’enregistrement ou ce qui est considéré comme un tiers.

Les deux sénateurs ont soulevé des questions sur la clarté, mais je crois que le problème posé par la Loi électorale du Canada en vigueur en est un de clarté et de logique. Un chèque de 10 millions de dollars remis à un tiers par une entité étrangère, dont la date est de six mois et un jour avant une campagne, est légal alors que, s’il est libellé deux jours plus tard, il ne l’est pas.

Une publicité dans le Globe and Mail est encadrée par les restrictions prévues à ce sujet dans la loi, mais les coûts associés à la production du contenu pour un site web, un dépliant, un centre d’appel ou une activité promotionnelle ne sont visés par absolument aucune limite.

Si la clarté est le problème qu'il faut régler, elle ne se trouve pas non plus dans la Loi électorale du Canada en vigueur ou dans la façon dont Élections Canada l’interprète ou l’applique.

Le projet de loi est à des années-lumière en ce qui concerne la clarté. Les deux sénateurs se sont demandé si la mesure législative répondait adéquatement aux multiples défis que présentent les percées technologiques. Le projet de loi S-239 tient-il vraiment compte de la situation dans son ensemble? Je crois que le sénateur Gold a soulevé la même question dans le solide discours qu’il a prononcé.

L’objectif de la sénatrice Frum n’a jamais été de résoudre tous les problèmes de la Loi électorale du Canada. Elle ciblait un aspect bien précis. Le projet de loi est conçu pour s’attaquer à un problème très précis qui est devenu évident pendant les élections de 2015, et c’est une lacune que les fonctionnaires électoraux, passés et actuels, ont invité — voire exhorté — le Parlement à corriger.

Jean-Pierre Kingsley, qui a été directeur général des élections pendant 17 ans, a affirmé ce qui suit dans le cadre d’une entrevue accordée au Calgary Herald :

Ces pratiques détournées pour recevoir des fonds étrangers au Canada doivent cesser. Il faut absolument couper ces ponts pour protéger l’intégrité du système électoral canadien.

J’ajouterai un dernier point. La sénatrice Omidvar a demandé si des consultations adéquates avaient été menées pour aider à la rédaction du projet de loi. Il ne fait aucun doute qu’un seul sénateur ou un seul député n’a pas les ressources nécessaires pour consulter comme le font les bureaux des ministres, mais le Sénat peut compter sur un mécanisme pour combler cette lacune. C’est ce qu’on appelle un comité.

Le sénateur Patterson : Bravo!

La sénatrice Eaton : Honorables sénateurs, je vous encourage à soumettre ce projet de loi à un vote, à le renvoyer à un comité et à l’assujettir à des audiences complètes et équitables.

L’honorable Jane Cordy : Accepteriez-vous de répondre à une question?

Son Honneur le Président : Sénatrice Omidvar, souhaitiez-vous proposer l’ajournement ou aviez-vous une question?

L’honorable Ratna Omidvar : J’ai une question.

Son Honneur le Président : Ce sera la sénatrice Cordy d’abord puis vous, sénatrice Omidvar.

La sénatrice Cordy : Vous avez dit, je le sais, que l’objectif de ce projet de loi n’est pas de régler tous les problèmes. Cependant, une des choses qui m’a inquiétée par le passé — et je me demande si le projet de loi réglerait ce problème —, c’est l’immense quantité d’argent que la NRA a investi dans la lutte contre les politiques publiques relatives à l’enregistrement des armes.

Deuxièmement, le projet de loi éliminerait-il aussi l’échappatoire qui permet aux frères Koch ̶ qui font don d’énormes sommes d’argent à Donald Trump et qui apportent leur contribution à l’Institut Fraser au Canada, même s’ils ne l’ont peut-être pas fait pendant ces campagnes électorales bien précises  ̶ de s’attaquer à des politiques publiques qui pourraient devenir les enjeux d’une campagne électorale? Le projet de loi mettrait-il fin à ces atteintes flagrantes aux politiques publiques au Canada?

(1550)

La sénatrice Eaton : Sénatrice Cordy, je suis tout à fait d’accord. En effet, ce projet de loi ne ferait pas cela, parce qu’il ne traite que d’enjeux électoraux. J’ai tenté de convaincre le ministre Flaherty, lorsqu’il était ministre des Finances, de vérifier chaque don provenant des États-Unis. Par exemple, les frères Koch ne pourraient pas verser des dons à Tides U.S.; ils les verseraient à Tides Canada, qui se chargerait de distribuer les fonds pour lutter contre la National Rifle Association ou pour autre chose.

J’aurais bien aimé que l’on puisse fermer complètement la porte aux dons étrangers ou aux groupes de défense de toutes sortes, mais le ministre Flaherty et le premier ministre Harper n’étaient pas d’accord.

Malheureusement, le projet de loi ne traite pas de cette question. Il traite uniquement de la question des fonds versés directement à des tiers enregistrés conformément à la Loi électorale du Canada.

La sénatrice Omidvar : Je vous remercie de vos questions, sénatrice, et de votre examen attentif de mes observations sur le projet de loi.

Je voulais vous poser une question, puisque vous avez lu le témoignage du directeur général des élections. Vous vous souvenez peut-être de l’un des points qu’il a soulevés. Je ne sais pas si nous l’avons abordé comme il se doit dans l’une de nos interventions. Nous pourrons, je l’espère, en parler davantage au comité. Enfin, l’un des points qu’il a soulevés, c’est que nous devrions mettre sur un pied d’égalité le financement des tiers et le financement des partis politiques. Il a aussi souligné le fait que leur imposer des exigences juridiques et des restrictions semblables quant aux fonds pouvant être acceptés ou pas pourrait être souhaitable à l’avenir.

Comme vous l’avez signalé, la mesure législative n’aura aucune incidence sur les entreprises. Les filiales d’entreprises étrangères peuvent continuer de verser des fonds à des tiers, mais les partis politiques ne peuvent pas accepter des dons d’entreprise. Voulez-vous faire une observation sur l’élargissement de l’écart entre le régime relatif aux partis politiques et le régime concernant les tierces parties? Croyez-vous que le comité devrait se pencher sur cette question?

La sénatrice Eaton : Je n’en sais pas assez pour répondre à votre question. Je pense que ce serait un excellent point à soulever au comité.

L’honorable Yuen Pau Woo : Pourrais-je poser une autre question à la sénatrice Eaton?

Son Honneur le Président : La sénatrice Eaton devra demander plus de temps. Son temps de parole est écoulé.

Demandez-vous cinq minutes de plus?

La sénatrice Eaton : Oui.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

Le sénateur Woo : D’après la réponse que vous avez donnée à la sénatrice Cordy, je crois comprendre que vous êtes satisfaite du fait que ce projet de loi n’interdirait pas aux frères Koch, par exemple, de faire des dons à l’Institut Fraser — que je respecte grandement, cela n’a rien à voir avec lui. Cependant, ce que tentait de dire la sénatrice Cordy est en fait qu’il serait acceptable que le financement étranger passe par une institution de ce genre si elle n’est pas un parti enregistré pour les élections, ou par toute autre organisation qui participe ouvertement à des campagnes politiques hors des périodes de campagne désignées.

Êtes-vous en train de dire que la mesure législative proposée va créer une énorme échappatoire qui permettra à une organisation étrangère, peu importe laquelle, de donner de l’argent à un organisme de défense des droits qui fait du lobbying politique même s'il n’est pas enregistré pour ce faire?

La sénatrice Eaton : Sénateur Woo, en menant l’enquête sur les sables bitumineux, il y a six ans, à l’époque où beaucoup d’argent était envoyé à des groupes environnementaux canadiens après avoir été blanchi par l’organisme Tides U.S., j’ai appris que des gens avaient perdu leur statut auprès de l’ARC. Si vous donnez à titre de fondation un reçu pour don de charité et qu’il est évident que vous faites du travail politique, vous pouvez perdre votre statut auprès de l’ARC. Il faut faire très attention.

Si les frères Koch inondaient soudainement de fonds l’Institut Fraser et que, subitement, on voyait surgir d’énormes campagnes publicitaires contre la plateforme du premier ministre Trudeau, l’institut risquerait de perdre son statut d’organisme de bienfaisance. Voilà notre protection.

(Sur la motion de la sénatrice Dupuis, le débat est ajourné.)

Visiteur de marque à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de notre ancien collègue, l’honorable Roméo Antonius Dallaire.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je suis heureux de vous revoir au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Modernisation du Sénat

Septième rapport du comité spécial—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Massicotte, appuyée par l’honorable sénateur Moore, tendant à l’adoption du septième rapport (intérimaire), tel que modifié, du Comité sénatorial spécial sur la modernisation du Sénat, intitulé La modernisation du Sénat : Aller de l’avant (Intérêt régional), présenté au Sénat le 18 octobre 2016.

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Le sénateur Wells n’est pas en mesure de prendre la parole aujourd’hui. Si le Sénat y consent, j’aimerais demander à nouveau l’ajournement du débat à son nom afin qu’on reprenne le compte des jours à zéro.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

(Sur la motion de la sénatrice, au nom du sénateur Wells, le débat est ajourné.)

Le Sénat

Motion tendant à encourager le gouvernement à prévoir dans le budget la création du Conseil canadien de veille sur les infrastructures et de promotion des meilleures pratiques—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Bellemare, appuyée par l’honorable sénateur Enverga,

Que le Sénat — dans le but d’assurer la transparence dans l’octroi des deniers publics et de promouvoir l’efficacité des projets d’infrastructures dans le contexte plus large de la diversification de l’économie et des ajustements vers une économie plus verte, tout en évitant une intervention indue dans la répartition des pouvoirs entre le fédéral et les provinces — encourage le gouvernement à prévoir dans le budget la création d’un Conseil canadien de veille sur les infrastructures et de promotion des meilleures pratiques, composé d’experts dans les projets d’infrastructures en provenance des provinces et des territoires, et ayant comme principales missions :

1. de colliger les informations sur les différents projets d’infrastructures financés par le fédéral;

2. d’étudier les coûts et les bénéfices liés aux différents projets d’infrastructures financés par le fédéral;

3. d’identifier les meilleures pratiques d’acquisition au sens large et de partage de risques;

4. de faire la promotion de ces meilleures pratiques auprès des gouvernements;

5. de promouvoir le développement des compétences des gestionnaires de projets;

Qu’un message soit transmis à la Chambre des communes pour l’informer de ce qui précède.

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Je propose l’ajournement du débat.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

(À 16 heures, conformément à l’ordre adopté par le Sénat le 4 février 2016, le Sénat s’ajourne jusqu’à 13 h 30 demain.)

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