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Président du Sénat

Décision du Président – Rappel au Règlement (Sénatrice Lankin) - Amendement au projet de loi C-6


Honorables sénateurs, je suis prêt à me prononcer au sujet du rappel au Règlement que la sénatrice Lankin a soulevé hier concernant l’amendement proposé par la sénatrice Frum au projet de loi C-6, tel que modifié. Dans son rappel au Règlement, la sénatrice se demandait si l’amendement allait à l’encontre des règles et des pratiques régissant la recevabilité des amendements et si, de ce fait, le Sénat ne devait pas l’étudier.

La sénatrice Lankin craignait que l’amendement compromette fondamentalement le principe de base du projet de loi, qui selon elle consiste à faciliter l’accès à la citoyenneté. La sénatrice Lankin a cité différentes autorités en matière de procédure et de nombreux précédents pour faire valoir son argumentation. Je la remercie de cet examen qui est très utile.

Plusieurs autres sénateurs ont participé au débat sur le rappel au Règlement. Parmi ceux qui se sont intervenu était le sénateur Carignan, qui s’est dit inquiet de l’adoption d’une approche excessivement rigide pour traiter les amendements.

Un des principes de base de la pratique parlementaire veut qu’un amendement respecte le principe et la portée du projet de loi en plus d’être pertinent. Selon une décision du 9 décembre 2009 citée par la sénatrice Lankin :

En général, on considère que le principe d’un projet de loi est l’idée qui le sous-tend. La portée du projet de loi correspond aux paramètres fixés par le projet de loi pour atteindre les buts ou objectifs visés, ou aux mécanismes généraux envisagés pour parvenir aux fins voulues. Enfin, la pertinence concerne la mesure dans laquelle un amendement se rapporte à la portée ou au principe du projet de loi à l’étude.

Les amendements doivent donc avoir un lien quelconque avec le projet de loi et ne peuvent introduire un élément ou facteur qui lui est étranger ou qui va à l’encontre de ses buts originaux. Ils doivent aussi respecter les objectifs du projet de loi. Pour juger de ces questions, il peut être nécessaire de définir l’orientation et les objectifs fondamentaux du projet de loi. On peut alors tenir compte de facteurs comme le titre intégral du projet de loi, sa teneur et le débat à l’étape de la deuxième lecture. Le débat à l’étape de la deuxième lecture est particulièrement pertinent, étant donné qu’en vertu de l’article 10-4 du Règlement, « À l’étape de la deuxième lecture, le débat porte habituellement sur le principe du projet de loi ». Toutefois, comme des décisions précédentes le soulignent, il est souvent difficile de discerner le principe.

Il existe également un autre élément qui n’a pas été soulevé directement durant le recours au Règlement, mais dont il faut aussi tenir compte. Comme l’indiquait une décision rendue le 16 avril 2013, plusieurs Présidents « ont préféré supposer que la question était recevable, à moins d’indication contraire ou jusqu’à preuve du contraire ». Cette approche est conforme au rôle du Sénat en tant qu’assemblée délibérante où les projets de loi et les questions de politique sont discutés à fond et des solutions de rechange possibles sont envisagées. Par conséquent, à moins qu’une affaire, comme un amendement, soit clairement irrecevable, le débat devrait pouvoir se poursuivre.

Dans le débat à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi C-6, le parrain a déclaré : « Le projet de loi établit un meilleur équilibre entre le respect d’exigences raisonnables, d’une part, et la facilitation de la citoyenneté, de l’autre, parce que les données recueillies montrent que la citoyenneté favorise l’intégration. » Dans ce discours, il était question de trois principes de base de la citoyenneté qui se retrouvent dans le projet de loi. Les autres principes étaient l’égalité des Canadiens et l’intégrité du programme.

L’amendement en cause n’a pas d’incidence sur de nombreux changements proposés dans le projet de loi C-6. Par exemple, il ne changera rien à la proposition qui consiste à réduire à 1 095 jours la période de temps qu’un résident doit passer au Canada au cours des cinq ans qui précède sa demande de citoyenneté. Actuellement, aux termes de la Loi sur la citoyenneté, il doit passer 1 460 jours au cours des six ans qui ont précédé sa demande. L’amendement propose de maintenir l’exigence actuelle, que le projet de loi C-6 éliminerait, selon laquelle un résident doit avoir « été effectivement présent au Canada pendant au moins cent quatre-vingt trois jours par année civile au cours de quatre des années complètement ou partiellement comprises dans les six ans qui ont précédé la date de sa demande ».

Il est possible de voir cet amendement comme un effort visant à rééquilibrer deux objectifs concurrents, soit de faciliter la citoyenneté tout en maintenant des exigences raisonnables pour devenir citoyen canadien. Il n’est pas clair qu’un tel rééquilibrage de ces deux objectifs va à l’encontre de l’intention qui sous-tend le projet de loi. La réduction des exigences de résidence dans le projet de loi C-6, par exemple, serait maintenue avec cet amendement.

Honorables sénateurs, il n’est pas clairement évident que l’amendement va fondamentalement à l’encontre des buts originaux du projet de loi C-6. Compte tenu de l’important principe selon lequel les sénateurs doivent disposer d’une grande latitude dans les débats, la décision est que l’amendement est recevable, et le débat peut se poursuivre.

 

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