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Président du Sénat

Décision du Président – Question de privilège - Fuite d’une entente


Honorables sénateurs, le 9 avril 2019, le sénateur Plett a soulevé une question de privilège concernant la fuite relative à une entente confidentielle conclue à la suite de négociations privées entre des sénateurs qui occupent des postes de direction. Plusieurs sénateurs sont alors intervenus dans le débat sur l’affaire. Deux jours plus tard, à la demande du sénateur Plett, la question de privilège a été examinée de nouveau. Ces deux moments ont donné aux sénateurs amplement l’occasion d’expliquer leur compréhension des faits et d’exprimer leurs préoccupations quant aux événements qui sont survenus.

Il appert que deux préoccupations en lien avec cette question de privilège peuvent en ressortir, soit la divulgation de l’entente aux sénateurs qui n’ont pas pris part aux négociations et la divulgation de l’entente aux médias. Une fois divulguée aux médias, l’entente est rapidement devenue accessible au grand public.

Il est devenu évident au fil des interventions sur la question de privilège que les sénateurs qui avaient pris part aux discussions n’avaient pas tous compris de la même façon certains aspects de l’entente, notamment la façon dont elle serait communiquée, le cas échéant, et à qui elle serait communiquée. Le sénateur Woo a confirmé qu’il avait fait part de l’entente à ses collègues du Groupe des sénateurs indépendants en précisant qu’il l’avait fait en toute bonne foi. Le sénateur Plett, quant à lui, avait quitté la rencontre en croyant que l’entente « étai[t] strictement confidentiel[le] et ne devai[t] pas être transmis[e] à qui que ce soit, à part les plus proches conseillers de chaque leader ».

Comme les honorables sénateurs le savent, les discussions privées sur les questions qui touchent le Sénat sont essentielles au bon fonctionnement de notre institution. Le gouvernement, les représentants des différents caucus ou tout autre sénateur peuvent participer à ces échanges. Le Sénat est une institution très humaine et ces consultations informelles favorisent une compréhension commune des attentes relatives au déroulement prévu des travaux du Sénat. Elles permettent également de préciser ce qui, autrement, pourrait ne pas être clair. 

Toutefois, ce genre d’interactions donnent parfois lieu à des malentendus.  Cela semble avoir été le cas dans la situation actuelle. J’encourage donc les sénateurs à préciser autant que possible les conditions des ententes qu’ils concluent. Souvent, la meilleure façon de procéder consiste à mettre ces conditions par écrit. Lorsque survient un malentendu, comme c’est parfois le cas, nous devons nous employer à maintenir des relations positives alors que nous tentons de comprendre ce qui s’est produit et de régler tout problème de façon courtoise et productive.

En ce qui concerne le cas qui nous occupe, les quatre critères énoncés à l’article 13-2(1) du Règlement guident le Président dans l’examen d’une question de privilège. Tous les critères doivent être respectés afin de passer à la prochaine étape. Comme il ne fait aucun doute que cette question de privilège a été soulevée à la première occasion, le premier critère est respecté. 

Il n’en va pas de même pour le deuxième critère, lequel prévoit que la question de privilège « se rapporte directement aux privilèges du Sénat, d’un de ses comités ou d’un sénateur ». Le privilège ne s’applique pas à toutes les activités des sénateurs. Comme l’a expliqué le Président de l’autre endroit le 11 avril, « les pouvoirs du Président se limitent aux affaires internes de la Chambre, à ses propres délibérations ». Ces pouvoirs ne s’appliquent pas aux affaires des caucus ni aux ententes conclues entre les parlementaires à l’extérieur des délibérations parlementaires. Je souligne également le commentaire qui se trouve à la page 74 de la 14e édition de l’ouvrage Odgers’ Australian Senate Practice qui précise que le privilège ne s’applique pas au contenu d’un document produit à l’extérieur du cadre des délibérations parlementaires. Ces limites sont conformes au point soulevé dans le rapport sur le privilège publié en 2015 par le Comité du Règlement selon lequel :

À l’ère des Twitter et autres médias sociaux, il est bon de réitérer que, dans le droit canadien, les communications faites à l’extérieur des délibérations parlementaires, par exemple les gazouillis ou les billets de blogue, ne sont pas protégées par le privilège parlementaire.

Étant donné que tous les critères énoncés à l’article 13-2(1) du Règlement doivent être respectés, la question de privilège n’est pas fondée à première vue en l’espèce. Je suis toutefois convaincu que les sénateurs chercheront à régler le malentendu évident qui a donné lieu à cette situation regrettable. Il pourrait aussi être opportun que tous les sénateurs réfléchissent à la nécessité de faire preuve de prudence dans l’utilisation des puissants outils que les médias sociaux mettent à notre disposition et qui ont peut-être accéléré le cours des événements qui ont conduit à cette question de privilège. Bien que ces outils nous aident à mettre en valeur l’important travail qu’accomplit le Sénat, nous ne devons pas faire abstraction de leurs risques potentiels.

 

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