DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS — Le Service féminin de l’armée canadienne
3 avril 2019
Honorables collègues, je prends la parole aujourd’hui pour souligner un chapitre trop souvent oublié de l’évolution du rôle des femmes dans notre grand pays.
Alors que nous recevrons demain dans cette enceinte 338 jeunes femmes, en l’occurrence les Héritières du suffrage, qui attireront de nouveau l’attention sur les femmes et leur volonté de participer pleinement à la société canadienne, notamment dans des rôles de leadership, je souhaite rendre hommage à un groupe qui nous a permis de nous rendre où nous en sommes aujourd’hui. J’aimerais vous parler du Service féminin de l’armée canadienne, ou SFAC, qui a été créé au début de la Seconde Guerre mondiale pour répondre au besoin d’envoyer au combat tous les hommes valides disponibles. Les femmes étaient admises dans l’armée à titre de non-combattantes. Cette décision ne faisait pas l’affaire de tout le monde. « L’armée en jupon » est l’un des termes les plus polis qu’on utilisait pour désigner le SFAC.
Malgré cela, des jeunes femmes de partout au Canada se sont portées volontaires pour servir leur pays. Les femmes exerçaient de nombreuses fonctions : elles s’activaient dans une cantine, conduisaient des camions de ravitaillement et occupaient même des postes de mécaniciennes.
Une jeune femme qui vivait dans un petit village du comté de Lunenburg, en Nouvelle-Écosse, a répondu à l’appel. Elle était née dans une famille de 13 enfants, à une époque où les moyens étaient bien limités. À 14 ans, elle est allée travailler chez un médecin et son épouse à titre de domestique et de bonne pour leurs quatre enfants. Elle avait 16 ans lorsque la Seconde Guerre mondiale a éclaté et que le SFAC a vu le jour.
Discrètement, elle s’est réinventée et, prétendant avoir 18 ans, elle s’est enrôlée. La vie de cette jeune fille a alors changé du tout au tout, elle qui venait d’un endroit où, pour reprendre ses mots, « il fallait aller en ville pour chasser ». Lorsque la guerre a pris fin et que le SFAC a été dissous, elle a pu terminer ses études. Plus tard, elle a épousé mon père et fondé une famille.
Honorables sénateurs, je souhaite rendre hommage non seulement à ma mère, mais aussi à toutes les femmes qui sont peut-être nées trop tôt et qui, pour des raisons indépendantes de leur volonté, ont dû renoncer à exploiter leur potentiel, à cause des mœurs et du rôle des femmes à l’époque. La plupart d’entre nous ont été soutenus, inspirés, motivés et élevés par de telles femmes. Au prix de véritables sacrifices, elles ont donné un sens à leur vie et contribué à créer un monde meilleur pour leurs enfants et pour nous tous.
Je me souviens de la cérémonie où l’on m’a nommée commissaire de la GRC. Ma mère, qui était assise à côté de moi, s’est penchée et, comme seule une mère peut le faire, elle m’a dit : « Tu sais ma chérie, je n’arrive pas à croire que tu te sois rendue jusqu’ici. » Ses paroles me rappellent qu’il faut se souvenir d’où l’on vient, ne pas oublier le courage de celles et ceux qui se sont sacrifiés pour nous offrir une vie meilleure et ne jamais perdre une occasion de donner au suivant.
Je tiens à rendre un hommage sincère à la mémoire des femmes courageuses qui nous ont ouvert la voie. Merci. Meegwetch.