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La Loi sur l'Agence du revenu du Canada

Projet de loi modificatif--Deuxième lecture

27 mai 2021


L’honorable Leo Housakos [ + ]

Propose que le projet de loi C-210, Loi modifiant la Loi sur l’Agence du revenu du Canada (donneurs d’organes et de tissus), soit lu pour la deuxième fois.

 — Honorables sénateurs, je prends la parole pour appuyer le projet de loi C-210, Loi modifiant la Loi sur l’Agence du revenu du Canada (donneurs d’organes et de tissus). Si j’ai accepté d’être le parrain de ce projet de loi, ce n’est pas parce que je voulais rendre service à un collègue de mon caucus, mais bien parce que je crois que le projet de loi profitera aux Canadiens et que j’appuie la mesure qu’il propose.

Si l’on réfléchit bien à ce projet de loi, je crois que la plupart d’entre nous, voire nous tous, serons d’accord pour dire qu’il s’agit de l’une de ces rares mesures législatives qui transcendent les allégeances politiques. Il s’agit d’un projet de loi tout simple qui permettra de sauver un nombre incalculable de vies.

Je voudrais d’abord faire l’historique du projet de loi. Ce n’est pas la première fois que cette mesure est proposée au Sénat. La dernière fois qu’elle a été soumise à notre examen, c’était dans le projet de loi C-316, lors de la précédente législature. Le projet de loi comportait en fait exactement le même libellé et il avait été adopté à l’unanimité à toutes les étapes à la Chambre des communes.

D’ailleurs, le gouvernement actuel est tellement convaincu de l’utilité de cette mesure qu’il a même prévu des fonds pour sa mise en œuvre dans l’Énoncé économique de l’automne 2018, puisqu’il était également convaincu que le projet de loi serait adopté. Je félicite le gouvernement d’avoir pris cette initiative.

Malheureusement, il n’a pas été adopté. Non pas parce qu’il s’est heurté à une opposition ou parce qu’il laissait à désirer, mais plutôt parce qu’il est mort au Feuilleton, victime de rien de plus que des circonstances. Chers collègues, il serait réellement inadmissible que ce projet de loi ait une fois de plus fait tout ce chemin pour subir le même sort.

Ce projet de loi et ses conséquences ont été rigoureusement examinés. Il a reçu un degré d’attention comme on en accorde à peu de projets de loi. Cela ne veut pas dire que nous devrions simplement l’approuver d’emblée. Au contraire, nous sollicitons votre appui pour le renvoyer au comité afin qu’il puisse y être étudié adéquatement dans les plus brefs délais.

Le but du projet de loi C-210 est fort simple. Il vise à créer une exception à la Loi sur l’Agence de revenu du Canada pour permettre un ajout sur la première page du formulaire de déclaration de revenus grâce auquel les particuliers pourront signifier leur désir de devenir un donneur d’organes.

Chers collègues, je tiens à être clair. Le fait de signaler ce désir sur ce formulaire ne constituerait pas, en soi, un consentement au don d’organes étant donné que, bien entendu, l’enregistrement des donneurs d’organes relève de la compétence des provinces, les méthodes variant d’une province à l’autre. Ainsi, ce projet de loi ne changerait rien à cela.

Aux termes du projet de loi C-210, le gouvernement fédéral prendrait l’information qu’il reçoit et la transmettrait aux provinces. En fonction de la façon dont les provinces tiennent leur registre, elles pourront ensuite communiquer avec les Canadiens ayant exprimé le désir d’être donneurs d’organes. Le projet de loi vise simplement à sensibiliser davantage la population à la question du don d’organes, en lui faisant bien comprendre qu’il s’agit d’un choix volontaire, et à diriger les Canadiens vers les ressources pertinentes pour qu’ils puissent faire connaître leur volonté. C’est là l’objectif du projet de loi, soit atteindre les 90 % de Canadiens qui affirment souhaiter être des donneurs d’organes, alors que seulement 25 % se sont inscrits en tant que donneurs.

L’une des principales raisons de cet écart massif est que de nombreux Canadiens ne savent pas comment devenir donneurs d’organes. Le projet de loi permettra de combler cet écart en fournissant aux gens l’information dont ils ont besoin pour consentir à être donneurs d’organes, peu importe la province où ils habitent.

Chers collègues, malgré le nombre impressionnant de Canadiens qui disent vouloir faire don de leurs organes, le Canada a l’un des taux de don d’organes le plus bas du monde industrialisé. Par ailleurs, plus de 4 600 personnes au Canada sont sur une liste d’attente et espèrent recevoir un organe. Malheureusement, alors qu’un seul donneur peut sauver la vie de huit personnes, en 2016, 260 Canadiens sont morts en attendant un don d’organe.

À l’heure actuelle, au Canada, on estime que seul un donneur potentiel sur six finit par être un donneur. Cette statistique est vraiment tragique. Imaginez les vies qui pourraient être sauvées si nous pouvions combler cet écart.

Nous avons une deuxième chance de faire cela, de mettre en place les outils pour faire un don et de combler ainsi le désir de faire ce don. La manière dont ce projet de loi cherche à atteindre cet objectif est simple et économique, ce qui fait que sa mise en œuvre devrait se faire pratiquement sans heurts, au point que si nous adoptions ce projet de loi avant l’ajournement pour l’été, l’Agence du revenu du Canada serait en mesure de l’inclure dans ses déclarations de revenus de l’année prochaine.

Il n’y aurait pas besoin de faire des mises à jour extravagantes des systèmes et il n’y aurait pas de coûts supplémentaires énormes. Il n’y aurait pas non plus de problèmes de confidentialité, puisque les gouvernements fédéral et provinciaux partagent déjà les renseignements essentiels recueillis dans les déclarations de revenus.

Cela réglerait le problème qui survient lorsque les gens déménagent d’une province à l’autre sans mettre à jour leur statut de donneur d’organes. Le projet de loi permettrait également de régler le problème des donneurs potentiels qui n’ont pas de permis de conduire, qui est la méthode d’enregistrement actuellement utilisée par la plupart des provinces. Étant donné que de plus en plus de Canadiens utilisent le transport en commun et que de moins en moins de personnes obtiennent leur permis de conduire, il s’agit d’une solution pratique pour identifier les Canadiens qui ne sont pas en mesure d’indiquer leur souhait de devenir des donneurs d’organes.

Le moyen le plus simple et le plus efficace de permettre aux Canadiens d’exprimer correctement et formellement leurs intentions consiste à leur donner l’occasion de les indiquer sur un formulaire fiscal obligatoire.

Si nous n’adoptons pas ce projet de loi rapidement et le laissons subir le même sort que son prédécesseur, je ne crois pas qu’il est exagéré de dire que cela coûtera tragiquement et inutilement la vie à de nombreux Canadiens.

Chers collègues, nous avons l’occasion d’adopter une mesure législative qui a reçu l’appui unanime de la Chambre des communes. L’adoption rapide du projet de loi sera essentielle pour réaliser les souhaits désespérés des milliers de Canadiens qui attendent un donneur. Merci, chers collègues.

Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui à titre de porte-parole du projet de loi C-210, Loi modifiant la Loi sur l’Agence du revenu du Canada (donneurs d’organes et de tissus), pour le critiquer de façon constructive, l’appuyer et vous exhorter tous à l’appuyer et à contribuer à son adoption rapide par le Sénat.

Comme l’a dit le sénateur Housakos, le projet de loi C-210 permet à l’Agence du revenu du Canada d’aider les provinces et les territoires qui souhaitent recueillir des renseignements pour leurs registres respectifs de donneurs d’organes. Cela se fait au moyen de deux changements simples au formulaire d’impôt existant : premièrement, permettre l’ajout d’une ligne au formulaire d’impôt pour indiquer l’intention d’être un donneur d’organes et de tissus; et deuxièmement, permettre à l’Agence du revenu du Canada de transmettre cette information aux provinces et aux territoires intéressés.

Le projet de loi est simple et sensé et il aura une incidence importante sur les Canadiens vulnérables. Il contribuera à promouvoir la disponibilité d’organes — comme les reins, le cœur, les poumons, le foie et le pancréas — et de tissus — comme la cornée, la peau, les os et les tendons — pour les Canadiens dont la vie sera prolongée et améliorée si nous adoptons le projet de loi à temps pour que les changements nécessaires soient apportés pour la prochaine année d’imposition. Le projet de loi fera des cadeaux à de nombreux Canadiens : le cadeau de la vie pour certains et, pour d’autres, le cadeau de retrouver la vie à laquelle ils croyaient devoir renoncer.

Avant d’aller plus loin, je rappelle à tous les sénateurs de songer, si ce n’est déjà fait, à s’inscrire à titre de donneur d’organes ou de tissus par le moyen mis en place dans leur province ou leur territoire. Si, comme moi, vous venez de la Nouvelle-Écosse, vous êtes inscrits par défaut. Si toutes les autres provinces et tous les territoires adoptaient la même approche, le projet de loi à l’étude n’aurait pas de raison d’être. Jusqu’à ce que ce soit le cas, nous avons besoin du projet de loi, et ce besoin est urgent.

Le projet de loi C-210 est simple. On voit rarement d’interventions législatives susceptibles d’avoir des répercussions aussi profondes sur la qualité et la durée de vie de Canadiens vulnérables. Il n’oblige pas les Canadiens à s’inscrire. Il est donc souple et non prescriptif. Il fournit toutefois un autre véhicule grâce auquel on peut inciter beaucoup de Canadiens à envisager de faire don de leurs organes et tissus au moment de leur décès. Il offre aux Canadiens désireux de le faire une façon simple de s’inscrire afin de faire un don de vie à d’autres personnes.

Le Dr Stephen Beed, directeur médical du Programme de dons d’organes de la Nouvelle-Écosse, qualifie cette initiative de « parfaite, un bon moyen de répondre à un besoin important ».

Le projet de loi C-210 est sensé. Il n’oblige pas les provinces ou les territoires à modifier leurs méthodes existantes pour traiter les demandes de don d’organes et de tissus. Il n’empiète pas sur les compétences provinciales ou territoriales en matière de soins de santé. Il n’oblige pas les provinces ou les territoires à accepter ou à utiliser les données qui sont recueillies. Il élargit toutefois le bassin de donneurs pour permettre à chacune des provinces et à chacun des territoires de répondre à ses besoins de tissus et de transplantation d’organes.

Le projet de loi C-210 est important. Il permettra d’élargir le bassin de donneurs potentiels d’organes et de tissus pour répondre aux besoins des Canadiens atteints de maladies graves et en phase terminale, qui attendent patiemment et nerveusement le coup de téléphone ou la sonnerie de téléavertisseur leur indiquant qu’un rein, un cœur ou un poumon compatible a été trouvé et qu’ils peuvent rapidement subir une intervention chirurgicale pour ensuite commencer une nouvelle vie dans un jour ou deux.

Je voudrais souligner l’excellent travail accompli par le sénateur Mercer avant sa nomination au Sénat, lorsqu’il était directeur général de la fondation du rein de Nouvelle-Écosse, pour la promotion du don d’organes, travail qu’il a poursuivi à titre de sénateur. Selon les données de l’Association canadienne des greffés, de la Société canadienne du sang, de la Fondation canadienne du rein et d’autres sources, la demande en organes surpasse grandement l’offre. Lorsqu’on regarde l’ensemble des données, on constate que, au cours des dernières années, environ 4 500 Canadiens chaque année sont en attente d’une greffe. Malheureusement, des centaines de personnes meurent avant d’avoir pu recevoir un organe — simplement parce qu’il n’y a pas suffisamment de Canadiens qui se sont inscrits au don d’organes.

Le problème ne relève pas des intentions des gens, mais de leurs actions. Selon La Société canadienne du sang, environ 90 % des Canadiens disent être pour le don d’organes, mais moins du tiers se sont inscrits en tant que donneurs. Souvent, c’est parce qu’il n’y a pas de moyen facile de le faire. Augmenter le nombre de façons simples de s’inscrire en tant que donneur pourrait contribuer à faire augmenter le nombre d’organes et de tissus disponibles.

Pensons aux procédures et modalités entourant les dons d’organes. Pour certains organes, comme les reins, le donneur peut faire un don de son vivant. Cependant, ce n’est possible que pour une minorité des dons d’organes. Évidemment, dans un cas comme le don de rein, si une personne a ses deux organes et peut vivre en santé avec seulement un de ceux-ci, il se pourrait que cette personne fasse don d’un de ses reins pour sauver la vie d’une personne dont les reins sont complètement défaillants. Évidemment, on ne peut pas faire la même chose avec le cœur ou les poumons. Ainsi, la majorité des organes et des tissus dont on peut faire don sont prélevés au moment du décès. Au moment de son décès, un donneur peut fournir suffisamment d’organes et de tissus pour aider jusqu’à 70 personnes.

Cependant, ce n’est pas tout le monde qui peut faire don de ses organes et de ses tissus au moment du décès, pour différentes raisons. Par exemple, le don est impossible lorsque les organes et les tissus sont affectés par une maladie chronique ou infectieuse. Par ailleurs, lorsqu’une personne meurt dans des circonstances extrêmes, il se peut que les organes et les tissus ne soient plus en assez bon état pour en faire don. Dans certains cas, des membres de la famille ne consentent pas au don.

Par ailleurs, tous les organes ne conviennent pas forcément à tous les receveurs. L’organe du donneur doit être compatible avec le receveur, et ce n’est pas toujours facile de répondre à ce critère. Il y a aussi des problèmes logistiques et techniques qui ajoutent à la difficulté d’obtenir, de transporter et de greffer des organes et des tissus. C’est pour cela que le nombre de donneurs potentiels doit être beaucoup plus élevé que le nombre de receveurs pour répondre aux besoins.

Non seulement le besoin d’organes et de tissus n’est pas comblé à l’heure actuelle, mais il augmente. Avec le vieillissement de la population et l’amélioration des soins médicaux et chirurgicaux, la demande d’organes et de tissus explose. Les moyens de recruter des donneurs sont actuellement insuffisants, et le fossé ne fera que s’agrandir si rien n’est fait.

J’ai songé à l’importance du projet de loi C-210 et à l’effet positif qu’il aura, et je veux maintenant faire quelques critiques constructives.

Ce projet de loi sera utile, mais à lui seul, il ne comblera pas le fossé qui existe entre le besoin d’organes et de tissus, et la disponibilité de ceux-ci. Il faut que les provinces et les territoires en fassent davantage. À l’échelle du Canada, il y a diverses options d’enregistrement ayant des degrés variés d’efficacité, qu’il s’agisse d’enregistrement avec le permis de conduire, avec la carte d’assurance-maladie ou sur un portail en ligne. La Nouvelle-Écosse est la seule province canadienne à avoir adopté une approche d’enregistrement automatique pour les dons d’organes et de tissus. Cette mesure n’est en vigueur que depuis environ un an. D’autres provinces pourraient s’inspirer de l’approche novatrice de la Nouvelle-Écosse.

De plus, le projet de loi C-210 ne traite pas des complexités associées aux dons d’organes, comme le prélèvement, le transport et la transplantation. La Société canadienne du sang gère la Liste d’attente nationale pour un organe, et des ressources supplémentaires pourraient être requises pour permettre à cette organisation de s’adapter à l’augmentation de la demande.

De plus, les changements exigés par le projet de loi entraîneront des coûts, que l’Agence du revenu du Canada devra assumer. Je crois comprendre que les fonds nécessaires à ces changements sont déjà réservés depuis l’Énoncé économique de l’automne 2018 et qu’ils sont toujours disponibles aujourd’hui en attendant l’adoption du projet de loi.

Je remercie le sénateur Housakos de son examen de la situation et d’avoir parrainé le projet de loi et je remercie tous les sénateurs à l’avance d’appuyer ce dernier.

J’aimerais conclure en racontant quelques histoires.

Vous vous souviendrez peut-être que j’ai fait une déclaration au Sénat il y a quelques semaines pour appuyer l’amélioration des dons d’organes et de tissus. Dans cette déclaration, j’ai raconté mon cheminement personnel en parlant du décès tragique et prématuré d’Hannah, une jeune et merveilleuse personne dont la mort a été un don de vie pour d’autres. J’ai aussi raconté que, quelques années après sa mort, son père avait retrouvé la vue grâce à un don de tissus.

J’ai demandé à Martha, la sœur d’Hannah, qui a une expérience personnelle et professionnelle avec le don d’organes et de tissus, de nous faire part de ses expériences. Voici un bref résumé de ce qu’elle veut que nous sachions :

Le fait de savoir que ses organes seraient prélevés et que d’autres familles recevaient l’appel qu’elles attendaient était la seule consolation de la mort d’Hannah. Dix ans plus tard, je pense encore à ses receveurs et je me demande s’ils ont survécu et comment ils vont (la personne qui a reçu son foie était une petite fille), ce qui me rappelle constamment le don de vie qu’elle a fait.

Martha a écrit ceci au sujet du don de cornées que son père a reçu :

Le don de la vue change la vie. Sans un tel don, papa n’aurait jamais vu ses petits-enfants et il ne pourrait pas s’occuper de maman.

Cela dit, voici ce qu’elle a écrit à titre de médecin :

Nous voyons des gens mourir chaque année en attente de greffes qui leur sauveront la vie et qu’ils espèrent recevoir […] toute mesure qui augmente les chances que nous fassions connaître notre volonté augmentera probablement le nombre de greffes disponibles et le nombre de vies sauvées ou améliorées.

Comme certains sénateurs ici présents, j’ai éprouvé le chagrin qui découle d’une mort prématurée et tragique, mais j’ai également éprouvé un certain réconfort en sachant que cette perte a donné lieu à un don d’organes et de tissus. Soit dit en passant, ce don représente un cadeau à la fois pour ceux qui ont perdu un être cher et pour ceux qui ont retrouvé une vie.

En tant que sénateurs, nous pouvons faire partie de ces histoires touchantes qui se dérouleront partout au Canada maintenant et pendant des décennies grâce à l’adoption du projet de loi C-210.

Veuillez vous joindre à moi et au parrain du projet de loi C-210, le sénateur Housakos, pour appuyer l’adoption rapide du projet de loi au Sénat en votant maintenant pour le renvoyer à un comité aux fins d’étude et de dépôt. Merci. Meegwetch.

Son Honneur la Présidente intérimaire [ + ]

Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Son Honneur la Présidente intérimaire [ + ]

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

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