Aller au contenu

Titans des rails : les industriels qui ont construit l’édifice du Sénat du Canada

En février 2019, le Sénat a déménagé à l’édifice du Sénat du Canada, une ancienne gare construite en 1912. Le Sénat devrait occuper cet emplacement temporaire pendant au moins 10 ans alors que l’édifice du Centre — l’emplacement permanent du Sénat — fait l’objet d’importantes rénovations.

Bien que l’édifice du Centre ait fermé ses portes pendant les travaux de réhabilitation, les Canadiennes et Canadiens peuvent continuer d’admirer l’architecture de l’édifice et les œuvres d’art qui s’y trouvent en effectuant une visite virtuelle du Sénat.


 

L’édifice du Sénat du Canada, qui a servi de gare centrale à Ottawa pendant 50 ans, est maintenant la demeure temporaire du Sénat du Canada. Cet édifice n’existerait pas si ce n’était de la vision de deux grands personnages exceptionnels, deux titans de l’industrie, à une époque où les chemins de fer ouvraient le territoire nord-américain et où des fortunes s’accumulaient et se perdaient dans la poursuite de leur construction.

John Rudolphus Booth, le plus grand baron de l’industrie forestière en Amérique du Nord à la fin des années 1800, a fait d’Ottawa une puissance industrielle et a construit le premier chemin de fer qui se rendait jusqu’au centre-ville. Charles Melville Hays a renforcé les fondements construits par Booth et a fait d’Ottawa une destination incontournable et une capitale digne de ce nom.

Booth est devenu le plus grand baron de l’industrie forestière en Amérique du Nord après avoir fait l’acquisition de droits de coupe sur près de 18 000 kilomètres carrés de terre, qui comprenaient une bonne partie de la vallée de l’Outaouais et du parc Algonquin.

John Rudolphus Booth, industriel d’Ottawa, en 1904. (Bibliothèque et Archives Canada)

Il a mis sur pied son entreprise en 1859, offrant du bois d’œuvre pour la construction des édifices du Parlement. Il a construit la plus grande scierie au monde aux chutes Chaudière, sur la rivière des Outaouais, et en peu de temps, il s’est trouvé à produire plus de poutres et de planches qu’il ne pouvait en vendre, une impasse qui l’a mené à se tourner vers l’industrie ferroviaire.

Booth a donc mis la main sur deux chemins de fer désuets au Québec et au Vermont et en a construit un troisième en Ontario, si bien qu’au moment de fusionner ses propriétés pour créer le Chemin de fer Atlantique-Canadien en 1897, il a pu établir un réseau de 650 kilomètres s’étendant du Vermont à la baie Georgienne.

En 1902, Charles Melville Hays a été promu vice-président et directeur général de Grand Trunk, qui était à l’époque le plus grand chemin de fer d’Amérique du Nord. En 1904, il a négocié l’acquisition, pour 16 millions de dollars (l’équivalent de 520 millions de dollars aujourd’hui), de l’empire ferroviaire et de transport de marchandises de Booth, qui existait alors depuis 77 ans.

« Grand Trunk et le Chemin de fer Atlantique-Canadien faisaient partie d’un réseau ferroviaire en expansion qui reliait des marchés et des communautés et qui, surtout, demeurait accessible tout au long de l’année, » explique le sénateur Serge Joyal, auteur de plusieurs ouvrages sur l’histoire du Canada et membre du Sous-comité de la Vision et du plan à long terme, qui a supervisé le déménagement du Sénat au Centre de conférences du gouvernement. « Mais les chemins de fer étaient tout aussi importants pour le projet de l’unité canadienne; c’est la promesse de la construction d’un chemin de fer qui a amené la Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick et la Colombie-Britannique à joindre la Confédération. Nous devons reconnaître l’esprit d’entreprise audacieux de ces promoteurs, mais en même temps l’impact sur le territoire ancestral et les droits des peuples autochtones. »

Le président du chemin de fer Grand Trunk, Charles Melville Hays, vers 1910. (Bibliothèque et Archives Canada)

La gare centrale de John Rudolphus Booth, qui se trouvait au même endroit que l’actuel Centre de conférences du gouvernement, était un terminal de marchandise au moment où a été prise cette photo, en 1896. (Bibliothèque et Archives Canada)

La gare centrale Grand Trunk, le pont Plaza et le Château Laurier — tous trois achevés en 1912 — transforment cette partie de la ville, ici photographiée en 1916. (Bibliothèque et Archives Canada)

Les hangars ferroviaires au sud de la gare centrale apparaissent sur cette photo de 1895, sur laquelle on aperçoit également, au loin, la Colline du Parlement et l’ancien édifice de la poste. (Bibliothèque et Archives Canada)

Sur ce panorama similaire, celui-ci datant des années 1920, on peut apercevoir les hangars ferroviaires élargis derrière la nouvelle gare ainsi que la Tour de la Paix, achevée peu de temps auparavant. (Bibliothèque et Archives Canada)

La scierie de Booth près des chutes Chaudière était la plus grande au monde dans les années 1890. On peut voir à l’horizon l’édifice de l’Ouest sur la Colline du Parlement. (Bibliothèque et Archives Canada)

Hays voulait tirer profit du succès du Canadien-Pacifique avec son service de transport de passagers d’un océan à l’autre et sa série d’hôtels de luxe, dont le Château Frontenac de Québec. C’est pourquoi Grand Trunk a détruit les hangars de briques et de planches construits par Booth sur la rue Rideau pour ériger une nouvelle gare, audacieusement inspirée des anciens thermes de Caracalla à Rome. N’étant pas toujours satisfait, Hays s’est tourné vers la construction d’un hôtel de luxe de l’autre côté de la rue, un hôtel qui pourrait attirer les touristes à Ottawa par sa grande opulence. Au printemps 1912, la gare centrale Grand Trunk et le Château Laurier étaient presque achevés.

Malheureusement, Hays n’a jamais pu assister à leur dévoilement. Récemment nommé président, il participait alors à une réunion au début du mois d’avril avec les directeurs de Grand Trunk à Londres. Impatient de rentrer au Canada, il s’est réservé une place sur un paquebot de luxe récemment inauguré que l’on vante d’être le plus gros au monde et qui lui permettra de revenir le plus rapidement au pays.

Le 14 avril 1912, le RMS Titanic entre en collision avec un iceberg près des Grands Bancs de Terre-Neuve. Le navire a sombré, emportant avec lui Hays et 1 500 autres passagers.

Grand Trunk n’a pas survit au décès de son président. Hays avait sauvé l’entreprise de la faillite au cours des années 1890, mais, à l’arrivée du nouveau siècle, il l’avait engagé sur une voie qui s’avèrera être un projet catastrophique, soit la construction d’un chemin de fer jusqu’à la côte du Pacifique.

Ultimement, le chemin du Nord de Grand Trunk Pacific, achevé avec 30 ans de retard sur le lien transcontinental révolutionnaire du Canadien Pacifique, n’a jamais attiré suffisamment de circulation pour couvrir les coûts de sa construction. Le gouvernement a donc pris possession du réseau en 1919 et l’a fusionné au Chemin de fer Canadien National en 1923.


Une version antérieure de cet article a été publiée le 29 septembre 2017. Cet article fait partie d’une série sur le déménagement du Sénat du Canada

Étiquettes

Encore plus sur SenCA+

Haut de page