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La Loi sur la Banque du Canada a besoin d’être révisée : sénatrice Bellemare

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L’heure est venue de jeter un regard nouveau sur la Loi sur la Banque du Canada, qui a reçu la sanction royale le 3 juillet 1934, c’est-à-dire il y a 85 ans. Même si elle a évolué au fil des ans, la Loi doit être révisée. Le mandat de la Banque doit être élargi afin d’y ajouter l’objectif du plein-emploi. C’est le message que j’ai livré au Sénat le 30 avril dernier dans le cadre d’une interpellation.

La Loi contient principalement des articles organisationnels et opérationnels, ainsi qu’un préambule qui explique les raisons de sa création. Ce préambule énonce que la Banque doit favoriser la « prospérité économique et financière du Canada ». Il s’agit d’un mandat à portée très vaste. La Loi n’énonce pas le mandat précis de la Banque et ne mentionne pas les ententes quinquennales que celle-ci conclut avec le gouvernement. De plus, elle n’inclut pas d’obligations de reddition de compte.

Il n’est donc pas déraisonnable de revoir la Loi sur la Banque du Canada. Après tout, nous sommes en 2019.

Lorsqu’elle a été créée, la Banque s’employait principalement à protéger la valeur du dollar canadien et à assurer la stabilité du système financier. Mais, au fil des ans, la stabilité des prix est devenue la principale préoccupation de la politique monétaire.

Rappelons-nous la stratégie monétariste agressive de lutte contre l’inflation adoptée entre les années 1976 et 1990. Elle a contribué à maintenir des taux d’intérêt et un taux de chômage très élevés. À cette époque, il n’était pas rare de voir des taux hypothécaires à 20 % et des taux de chômage de plus de 10 % dans de nombreuses provinces. Depuis 1991, la Banque signe avec le gouvernement des ententes quinquennales pour fixer la cible d’inflation.

Depuis la crise financière de 2008, la politique monétaire du Canada vise à soutenir la croissance des emplois et la stabilité des prix. Mais le mandat officiel de la Banque demeure uniquement la stabilité des prix. Si la Banque du Canada prend en compte l’emploi, pourquoi ne pas l’affirmer officiellement?

La stratégie actuelle équilibrée et responsable de la Banque du Canada mérite d’être inscrite dans la loi ainsi que dans l’entente quinquennale sur les cibles d’inflation que la Banque conclut avec le gouvernement.

En adoptant officiellement un double mandat, nous nous assurerons que l’approche responsable actuelle de la Banque perdure.

Ce changement serait conforme à ce qui s’est fait dans d’autres pays. Par exemple, depuis 1977, la politique monétaire des États-Unis poursuit un mandat que les économistes appellent un « mandat dual » : la promotion de la stabilité des prix, d’une part, et de l’emploi maximum, d’autre part.

En Australie, le Reserve Bank Act établit également que la banque centrale doit poursuivre un objectif de plein-emploi et de stabilité des prix. Récemment, la Nouvelle-Zélande a révisé le mandat de sa banque centrale afin d’inclure l’objectif de l’emploi maximum.

Ces pays prévoient également des obligations de transparence dans leur législation.

En mai 2018, suivant l’initiative du professeur Mario Seccareccia, plus de 60 économistes canadiens ont signé une lettre à l’intention du ministre des Finances, Bill Morneau, lui demandant de modifier la Loi sur la Banque du Canada pour élargir son mandat afin de poursuivre un objectif d’emploi maximum et productif. Ces économistes ont aussi demandé au ministre des Finances d’ajouter une disposition à la Loi pour imposer des obligations de transparence.

Les raisons à l’origine de cette lettre sont étayées par des faits et la recherche. L’inflation n’est plus le problème d’il y a 40 ans, alors que les banques centrales considéraient qu’il s’agissait de l’ennemi public numéro un.

Ces économistes partagent le point de vue exprimé par deux anciens présidents de la Réserve fédérale américaine, Janet Yellen et Ben Bernanke, ainsi que par le président actuel, Jerome H. Powell, lors de la réunion annuelle de l’American Economic Association tenue le 4 janvier 2019. Ils y affirmaient qu’un compromis entre l’inflation et l’emploi n’était plus considéré comme un problème. Par conséquent, il n’est plus nécessaire d’atteindre la stabilité des prix au détriment de l’emploi.

Aujourd’hui, le Canada fait face à de nombreux autres défis économiques, dont les risques associés au ralentissement de la croissance, à l’automatisation, aux changements climatiques, au protectionnisme et à l’accroissement des inégalités de revenu. La politique monétaire peut aider à atténuer ces problèmes urgents si la banque centrale du Canada est pourvue d’un double mandat.

En adoptant officiellement un double mandat, la Banque rassurerait les Canadiennes et les Canadiens sur le fait que sa politique monétaire vise vraiment à promouvoir « le bien-être économique et financier du Canada ».

 

La sénatrice Diane Bellemare représente Québec (Alma) au Sénat.

Cet article a été publié le 14 juin 2019 dans le journal Le Devoir.

 

L’heure est venue de jeter un regard nouveau sur la Loi sur la Banque du Canada, qui a reçu la sanction royale le 3 juillet 1934, c’est-à-dire il y a 85 ans. Même si elle a évolué au fil des ans, la Loi doit être révisée. Le mandat de la Banque doit être élargi afin d’y ajouter l’objectif du plein-emploi. C’est le message que j’ai livré au Sénat le 30 avril dernier dans le cadre d’une interpellation.

La Loi contient principalement des articles organisationnels et opérationnels, ainsi qu’un préambule qui explique les raisons de sa création. Ce préambule énonce que la Banque doit favoriser la « prospérité économique et financière du Canada ». Il s’agit d’un mandat à portée très vaste. La Loi n’énonce pas le mandat précis de la Banque et ne mentionne pas les ententes quinquennales que celle-ci conclut avec le gouvernement. De plus, elle n’inclut pas d’obligations de reddition de compte.

Il n’est donc pas déraisonnable de revoir la Loi sur la Banque du Canada. Après tout, nous sommes en 2019.

Lorsqu’elle a été créée, la Banque s’employait principalement à protéger la valeur du dollar canadien et à assurer la stabilité du système financier. Mais, au fil des ans, la stabilité des prix est devenue la principale préoccupation de la politique monétaire.

Rappelons-nous la stratégie monétariste agressive de lutte contre l’inflation adoptée entre les années 1976 et 1990. Elle a contribué à maintenir des taux d’intérêt et un taux de chômage très élevés. À cette époque, il n’était pas rare de voir des taux hypothécaires à 20 % et des taux de chômage de plus de 10 % dans de nombreuses provinces. Depuis 1991, la Banque signe avec le gouvernement des ententes quinquennales pour fixer la cible d’inflation.

Depuis la crise financière de 2008, la politique monétaire du Canada vise à soutenir la croissance des emplois et la stabilité des prix. Mais le mandat officiel de la Banque demeure uniquement la stabilité des prix. Si la Banque du Canada prend en compte l’emploi, pourquoi ne pas l’affirmer officiellement?

La stratégie actuelle équilibrée et responsable de la Banque du Canada mérite d’être inscrite dans la loi ainsi que dans l’entente quinquennale sur les cibles d’inflation que la Banque conclut avec le gouvernement.

En adoptant officiellement un double mandat, nous nous assurerons que l’approche responsable actuelle de la Banque perdure.

Ce changement serait conforme à ce qui s’est fait dans d’autres pays. Par exemple, depuis 1977, la politique monétaire des États-Unis poursuit un mandat que les économistes appellent un « mandat dual » : la promotion de la stabilité des prix, d’une part, et de l’emploi maximum, d’autre part.

En Australie, le Reserve Bank Act établit également que la banque centrale doit poursuivre un objectif de plein-emploi et de stabilité des prix. Récemment, la Nouvelle-Zélande a révisé le mandat de sa banque centrale afin d’inclure l’objectif de l’emploi maximum.

Ces pays prévoient également des obligations de transparence dans leur législation.

En mai 2018, suivant l’initiative du professeur Mario Seccareccia, plus de 60 économistes canadiens ont signé une lettre à l’intention du ministre des Finances, Bill Morneau, lui demandant de modifier la Loi sur la Banque du Canada pour élargir son mandat afin de poursuivre un objectif d’emploi maximum et productif. Ces économistes ont aussi demandé au ministre des Finances d’ajouter une disposition à la Loi pour imposer des obligations de transparence.

Les raisons à l’origine de cette lettre sont étayées par des faits et la recherche. L’inflation n’est plus le problème d’il y a 40 ans, alors que les banques centrales considéraient qu’il s’agissait de l’ennemi public numéro un.

Ces économistes partagent le point de vue exprimé par deux anciens présidents de la Réserve fédérale américaine, Janet Yellen et Ben Bernanke, ainsi que par le président actuel, Jerome H. Powell, lors de la réunion annuelle de l’American Economic Association tenue le 4 janvier 2019. Ils y affirmaient qu’un compromis entre l’inflation et l’emploi n’était plus considéré comme un problème. Par conséquent, il n’est plus nécessaire d’atteindre la stabilité des prix au détriment de l’emploi.

Aujourd’hui, le Canada fait face à de nombreux autres défis économiques, dont les risques associés au ralentissement de la croissance, à l’automatisation, aux changements climatiques, au protectionnisme et à l’accroissement des inégalités de revenu. La politique monétaire peut aider à atténuer ces problèmes urgents si la banque centrale du Canada est pourvue d’un double mandat.

En adoptant officiellement un double mandat, la Banque rassurerait les Canadiennes et les Canadiens sur le fait que sa politique monétaire vise vraiment à promouvoir « le bien-être économique et financier du Canada ».

 

La sénatrice Diane Bellemare représente Québec (Alma) au Sénat.

Cet article a été publié le 14 juin 2019 dans le journal Le Devoir.

 

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