Aller au contenu

L’Agence canadienne du revenu est incapable de s’attaquer à l’évasion fiscale à l’étranger: sénateur Downe

Étiquettes

L’Agence canadienne du revenu (ARC) ne change pas ses bonnes vieilles habitudes : elle continue de tromper les Canadiens et de ne pas s’acquitter de ses responsabilités qui consistent à percevoir les impôts impayés auprès de ceux qui cachent leur argent à l’étranger. Quand les fraudeurs ne sont pas démasqués, inculpés et condamnés, et que l’argent qu’ils doivent n’est pas recouvré, nous disposons de moins d’argent pour financer nos priorités, et nous tous devons payer plus d’impôts pour combler le manque à gagner.

Pourquoi le gouvernement permet-il que cet état de fait perdure année après année? Cela demeure un mystère. Il prône pourtant la ligne dure en disant, pour nous rassurer, que « la lutte contre l’évasion fiscale à l’étranger est une grande priorité » et que « si vous fraudez, nous vous attraperons ». Mais le bilan est loin d’être concluant.

Par ailleurs, à l’occasion du troisième anniversaire de la publication des Panama Papers, nous avons appris que certains pays ont perçu plus de 1,2 milliard de dollars en amendes et impôts rétroactifs. L’Australie a récupéré 92 880 415 $, l’Espagne, 164 104 468 $, le Royaume-Uni, 252 762 000 $, et même l’Islande a réussi à recouvrer 25 525 959 $. Ces documents ont révélé que quelque 894 Canadiens (particuliers, entreprises et fiducies) avaient des comptes cachés; pourtant l’Agence du revenu du Canada n’a pas encore récupéré un seul dollar.

On nous a dit que c’était compliqué. On nous a dit qu’on avait une idée des montants en jeu. Or, c’est compliqué pour tous les pays. Pourtant, plusieurs d’entre eux ont réussi non seulement à déterminer combien d’argent on leur devait, mais aussi à l’obtenir.

Le Canada n’a encore rien perçu des sommes qu’on lui doit, et ceci entraîne trois conséquences. Premièrement, sans cet argent, nous ne pouvons financer nos projets prioritaires sans creuser notre déficit. Deuxièmement, nous, les contribuables, devons payer plus d’impôts pour combler le manque à gagner fiscal. Troisièmement, les Canadiens se demandent pourquoi nous avons un système de justice à deux vitesses quand il est question d’évasion fiscale. Si vous essayez de frauder le fisc, l’ARC ne tardera certainement pas à le découvrir, à vous accuser, à vous condamner et à vous forcer à payer ce que vous lui devez. Mais si vous cachez votre argent à l’étranger, il y a de bonnes chances que vous ne vous fassiez pas prendre et que vous ne soyez jamais inquiétés. Et le gouvernement fédéral continue d’accepter ce système de deux poids, deux mesures.

Pour voir jusqu’à quel point l’ARC faisait preuve de malhonnêteté, le journaliste d’enquête du Journal de Montréal Christopher Nardi a cherché à en savoir plus à la suite des déclarations publiques répétées de la ministre du Revenu, qui a dit : « Nous, durant notre présent mandat, nous avons embauché 1 300 nouveaux vérificateurs pour travailler à contrer l’évasion fiscale. » Et ce journaliste a découvert que tout cela était entièrement faux. En fait, l’ARC n’a recruté que 192 vérificateurs depuis le 1er janvier 2016.

Malheureusement, ce n’est pas la première fois que l’ARC nous ment. La liste des déclarations trompeuses est longue :

  • Il s’est avéré que le taux de « réussite » des centres d’appel de l’ARC, qui était soi-disant de 90 %, n’était en réalité que de 36 %, selon le vérificateur général.
  • On a découvert qu’une série d’articles de journaux parus en 2017 vantant le travail de l’ARC avait été commandée par l’Agence elle-même.
  • On nous a souvent parlé d’un « investissement d’un milliard de dollars » sur six ans pour lutter contre l’évasion fiscale, alors qu’en réalité, seulement 107 millions de dollars avaient été dépensés à la fin de la deuxième année. Qui plus est, l’Agence a admis qu’une partie de cet argent a servi à financer des augmentations salariales déjà négociées.

Le gouvernement n’a même pas encore pris toute la mesure du problème de l’évasion fiscale. Le directeur parlementaire du budget (DPB) a essayé d’estimer l’écart fiscal (la différence entre ce que l’ARC perçoit et ce qui lui est dû) depuis 2012. Des pays comme les États-Unis, le Royaume-Uni, la Turquie et la Suède rendent publiques les données concernant cet écart fiscal. Cependant, le Canada refuse de fournir au DPB les données brutes dont celui-ci a besoin pour informer le gouvernement et les Canadiens du montant des impôts impayés à cause de l’évasion fiscale.

Le DPB a déclaré récemment « qu’il est très difficile de corriger un problème que l’on ne peut quantifier ». Pourtant, le gouvernement fédéral semble s’accommoder de la situation en continuant d’ignorer son ampleur.

L’ARC a manqué à ses engagements envers les Canadiens. Combien de millions de dollars cachés à l’étranger nous échappent encore? Personne ne le sait, et le gouvernement fédéral, malgré ses belles promesses, ne semble pas s’en soucier. Pourquoi? C’est un mystère, mais il se pourrait bien qu’aux prochaines élections fédérales, les Canadiens demandent des comptes et demandent pourquoi les gens sont traités différemment selon qu’ils font de l’évasion fiscale ici ou à l’étranger.

 

Le sénateur Percy Downe représente l’Île-du-Prince-Édouard au Sénat.

Cet article a été publié le 16 mai 2019 dans le journal Options Politiques (en anglais seulement).

L’Agence canadienne du revenu (ARC) ne change pas ses bonnes vieilles habitudes : elle continue de tromper les Canadiens et de ne pas s’acquitter de ses responsabilités qui consistent à percevoir les impôts impayés auprès de ceux qui cachent leur argent à l’étranger. Quand les fraudeurs ne sont pas démasqués, inculpés et condamnés, et que l’argent qu’ils doivent n’est pas recouvré, nous disposons de moins d’argent pour financer nos priorités, et nous tous devons payer plus d’impôts pour combler le manque à gagner.

Pourquoi le gouvernement permet-il que cet état de fait perdure année après année? Cela demeure un mystère. Il prône pourtant la ligne dure en disant, pour nous rassurer, que « la lutte contre l’évasion fiscale à l’étranger est une grande priorité » et que « si vous fraudez, nous vous attraperons ». Mais le bilan est loin d’être concluant.

Par ailleurs, à l’occasion du troisième anniversaire de la publication des Panama Papers, nous avons appris que certains pays ont perçu plus de 1,2 milliard de dollars en amendes et impôts rétroactifs. L’Australie a récupéré 92 880 415 $, l’Espagne, 164 104 468 $, le Royaume-Uni, 252 762 000 $, et même l’Islande a réussi à recouvrer 25 525 959 $. Ces documents ont révélé que quelque 894 Canadiens (particuliers, entreprises et fiducies) avaient des comptes cachés; pourtant l’Agence du revenu du Canada n’a pas encore récupéré un seul dollar.

On nous a dit que c’était compliqué. On nous a dit qu’on avait une idée des montants en jeu. Or, c’est compliqué pour tous les pays. Pourtant, plusieurs d’entre eux ont réussi non seulement à déterminer combien d’argent on leur devait, mais aussi à l’obtenir.

Le Canada n’a encore rien perçu des sommes qu’on lui doit, et ceci entraîne trois conséquences. Premièrement, sans cet argent, nous ne pouvons financer nos projets prioritaires sans creuser notre déficit. Deuxièmement, nous, les contribuables, devons payer plus d’impôts pour combler le manque à gagner fiscal. Troisièmement, les Canadiens se demandent pourquoi nous avons un système de justice à deux vitesses quand il est question d’évasion fiscale. Si vous essayez de frauder le fisc, l’ARC ne tardera certainement pas à le découvrir, à vous accuser, à vous condamner et à vous forcer à payer ce que vous lui devez. Mais si vous cachez votre argent à l’étranger, il y a de bonnes chances que vous ne vous fassiez pas prendre et que vous ne soyez jamais inquiétés. Et le gouvernement fédéral continue d’accepter ce système de deux poids, deux mesures.

Pour voir jusqu’à quel point l’ARC faisait preuve de malhonnêteté, le journaliste d’enquête du Journal de Montréal Christopher Nardi a cherché à en savoir plus à la suite des déclarations publiques répétées de la ministre du Revenu, qui a dit : « Nous, durant notre présent mandat, nous avons embauché 1 300 nouveaux vérificateurs pour travailler à contrer l’évasion fiscale. » Et ce journaliste a découvert que tout cela était entièrement faux. En fait, l’ARC n’a recruté que 192 vérificateurs depuis le 1er janvier 2016.

Malheureusement, ce n’est pas la première fois que l’ARC nous ment. La liste des déclarations trompeuses est longue :

  • Il s’est avéré que le taux de « réussite » des centres d’appel de l’ARC, qui était soi-disant de 90 %, n’était en réalité que de 36 %, selon le vérificateur général.
  • On a découvert qu’une série d’articles de journaux parus en 2017 vantant le travail de l’ARC avait été commandée par l’Agence elle-même.
  • On nous a souvent parlé d’un « investissement d’un milliard de dollars » sur six ans pour lutter contre l’évasion fiscale, alors qu’en réalité, seulement 107 millions de dollars avaient été dépensés à la fin de la deuxième année. Qui plus est, l’Agence a admis qu’une partie de cet argent a servi à financer des augmentations salariales déjà négociées.

Le gouvernement n’a même pas encore pris toute la mesure du problème de l’évasion fiscale. Le directeur parlementaire du budget (DPB) a essayé d’estimer l’écart fiscal (la différence entre ce que l’ARC perçoit et ce qui lui est dû) depuis 2012. Des pays comme les États-Unis, le Royaume-Uni, la Turquie et la Suède rendent publiques les données concernant cet écart fiscal. Cependant, le Canada refuse de fournir au DPB les données brutes dont celui-ci a besoin pour informer le gouvernement et les Canadiens du montant des impôts impayés à cause de l’évasion fiscale.

Le DPB a déclaré récemment « qu’il est très difficile de corriger un problème que l’on ne peut quantifier ». Pourtant, le gouvernement fédéral semble s’accommoder de la situation en continuant d’ignorer son ampleur.

L’ARC a manqué à ses engagements envers les Canadiens. Combien de millions de dollars cachés à l’étranger nous échappent encore? Personne ne le sait, et le gouvernement fédéral, malgré ses belles promesses, ne semble pas s’en soucier. Pourquoi? C’est un mystère, mais il se pourrait bien qu’aux prochaines élections fédérales, les Canadiens demandent des comptes et demandent pourquoi les gens sont traités différemment selon qu’ils font de l’évasion fiscale ici ou à l’étranger.

 

Le sénateur Percy Downe représente l’Île-du-Prince-Édouard au Sénat.

Cet article a été publié le 16 mai 2019 dans le journal Options Politiques (en anglais seulement).

Étiquettes

Encore plus sur SenCA+

Haut de page