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L’heure est venue d’aider les survivants des pratiques d’adoption d’après-guerre au Canada à guérir leurs blessures : les sénateurs Eggleton et Petitclerc

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Il est difficile d’imaginer aujourd’hui qu’une femme qui a donné naissance à un enfant se verrait enlever son nouveau-né simplement parce qu’elle n’est pas mariée.

Il est également difficile de concevoir qu’en 2018 la même femme serait confinée à un lit d’hôpital, surmédicamentée et intimée d’oublier son enfant « illégitime » ou de prétendre que cet enfant n’a jamais vu le jour.

Néanmoins, ces pratiques peu humaines étaient courantes il y a des décennies, alors que les normes sociales et les organisations religieuses contrôlaient vigoureusement la vie des Canadiens durant la période qui a suivi la Seconde Guerre mondiale.

Selon les données historiques de Statistique Canada, près de 600 000 bébés sont nés de mères célibataires et ont été enregistrés comme des « naissances illégitimes » de 1945 à 1971. La grande majorité des femmes célibataires ont été contraintes de remettre leur bébé pour adoption à des couples « traditionnels » désireux d’agrandir leur famille.

À l’époque, les mères célibataires étaient sévèrement jugées, même par leur propre famille, et elles étaient perçues comme inaptes à s’occuper de leurs enfants.

Il est temps que les gouvernements qui se sont rendus complices de ce mépris des droits de la personne appellent cette pratique comme ce qu’elle a été – une honte dans l’histoire du Canada – et présentent des excuses aux centaines de milliers de femmes et d’enfants qui ont subi un tort émotionnel et physique indescriptible.

En juillet dernier, le Comité sénatorial des affaires sociales, des sciences et de la technologie a publié un rapport intitulé Honte à nous – L’adoption forcée des enfants nés d’une mère célibataire pendant la période d’après-guerre au Canada qui contient quatre recommandations pour soulager et réconforter les victimes des pratiques d’adoption forcée.

Selon la première recommandation, le gouvernement devrait présenter en Chambre des excuses officielles pour reconnaître les torts causés à un si grand nombre de Canadiennes et de Canadiens. Le rapport recommande également d’octroyer des fonds pour fournir à ces femmes et à leurs enfants devenus adultes des services de consultation pour les traumatismes subis et la douleur éprouvée.

En mars, quatre femmes ont témoigné devant notre comité; elles ont toutes raconté des histoires similaires de négligence, de maltraitance et de tromperie.

Une mère a indiqué au comité qu’elle a demandé le soutien d’une maison de maternité pour les mères célibataires en 1968 après avoir été rejetée par sa famille pendant sa grossesse. Alors qu’elle n’avait que 20 ans, elle a été réprimandée par les travailleurs sociaux, isolée dans une chambre vide pendant sa grossesse et contrainte de donner son nouveau-né en adoption parce que c’était « pour le mieux ».

Elle nous a dit s’être sentie impuissante lorsque son bébé a été emmené et que ses déplacements ont été gardés secrets.

« La travailleuse sociale s’est postée devant moi et m’a annoncé froidement que je ne reverrais jamais mon bébé de toute ma vie, et que si je cherchais à le retrouver, je détruirais sa vie et celle de ses parents adoptifs », nous a-t-elle confié.

D’autres mères nous ont dit qu’elles avaient été envoyées soit par leur famille ou par leur église dans ces maisons de maternité financées par le gouvernement fédéral et les provinces, où certaines ont été traitées davantage comme des prisonnières que des résidentes.

Certaines ont dit que leurs seins ont été étroitement attachés de force pour prévenir la lactation. Plus tard, on les intimidait pour qu’elles renoncent à leurs droits sur l’enfant et on leur faisait croire qu’elles recevraient de l’information à son sujet lorsqu’il ou elle aurait 18 ans. Des années plus tard, les mères allaient découvrir que les dossiers d’adoption étaient scellés.

On leur disait de ne plus jamais parler de leur enfant. Au moins une femme a reçu le conseil d’« adopter un chiot » pour s’aider à se remettre.

L’Australie a également mené ce type de politique d’adoption forcée après la guerre. Toutefois, à la suite d’une enquête fédérale, le gouvernement australien a présenté des excuses officielles en 2013 et s’est engagé à fournir des services de consultation et d’autres formes de réparation aux personnes touchées.

Nous devrions suivre cet exemple; le temps presse pour corriger le mal qui a été fait. Même si les excuses et les services de consultation n’effaceront pas les blessures émotionnelles infligées à ces mères et à leurs enfants, de tels gestes peuvent néanmoins apporter un sentiment d’apaisement à des milliers de familles qui ont été déchirées.

Les méfaits infligés à ces femmes et à leurs enfants se sont produits il y a des décennies, mais ces personnes ressentent encore leurs effets aujourd’hui.

L’heure est venue d’aider ces personnes à guérir enfin leurs blessures.


Le sénateur Art Eggleton est président du Comité sénatorial des affaires sociales, des sciences et de la technologie. Il représente l’Ontario au Sénat. La sénatrice Chantal Petitclerc est la vice-présidente du comité. Elle représente la province de Québec (Grandville) au Sénat.

Avis aux lecteurs : L’honorable Art Eggleton, C.P., est retraité du Sénat du Canada depuis septembre 2018. Apprenez-en davantage sur son travail au Parlement.

 

Cet article a été publié le 1 août 2018 dans le journal Policy Options (en anglais seulement).

Il est difficile d’imaginer aujourd’hui qu’une femme qui a donné naissance à un enfant se verrait enlever son nouveau-né simplement parce qu’elle n’est pas mariée.

Il est également difficile de concevoir qu’en 2018 la même femme serait confinée à un lit d’hôpital, surmédicamentée et intimée d’oublier son enfant « illégitime » ou de prétendre que cet enfant n’a jamais vu le jour.

Néanmoins, ces pratiques peu humaines étaient courantes il y a des décennies, alors que les normes sociales et les organisations religieuses contrôlaient vigoureusement la vie des Canadiens durant la période qui a suivi la Seconde Guerre mondiale.

Selon les données historiques de Statistique Canada, près de 600 000 bébés sont nés de mères célibataires et ont été enregistrés comme des « naissances illégitimes » de 1945 à 1971. La grande majorité des femmes célibataires ont été contraintes de remettre leur bébé pour adoption à des couples « traditionnels » désireux d’agrandir leur famille.

À l’époque, les mères célibataires étaient sévèrement jugées, même par leur propre famille, et elles étaient perçues comme inaptes à s’occuper de leurs enfants.

Il est temps que les gouvernements qui se sont rendus complices de ce mépris des droits de la personne appellent cette pratique comme ce qu’elle a été – une honte dans l’histoire du Canada – et présentent des excuses aux centaines de milliers de femmes et d’enfants qui ont subi un tort émotionnel et physique indescriptible.

En juillet dernier, le Comité sénatorial des affaires sociales, des sciences et de la technologie a publié un rapport intitulé Honte à nous – L’adoption forcée des enfants nés d’une mère célibataire pendant la période d’après-guerre au Canada qui contient quatre recommandations pour soulager et réconforter les victimes des pratiques d’adoption forcée.

Selon la première recommandation, le gouvernement devrait présenter en Chambre des excuses officielles pour reconnaître les torts causés à un si grand nombre de Canadiennes et de Canadiens. Le rapport recommande également d’octroyer des fonds pour fournir à ces femmes et à leurs enfants devenus adultes des services de consultation pour les traumatismes subis et la douleur éprouvée.

En mars, quatre femmes ont témoigné devant notre comité; elles ont toutes raconté des histoires similaires de négligence, de maltraitance et de tromperie.

Une mère a indiqué au comité qu’elle a demandé le soutien d’une maison de maternité pour les mères célibataires en 1968 après avoir été rejetée par sa famille pendant sa grossesse. Alors qu’elle n’avait que 20 ans, elle a été réprimandée par les travailleurs sociaux, isolée dans une chambre vide pendant sa grossesse et contrainte de donner son nouveau-né en adoption parce que c’était « pour le mieux ».

Elle nous a dit s’être sentie impuissante lorsque son bébé a été emmené et que ses déplacements ont été gardés secrets.

« La travailleuse sociale s’est postée devant moi et m’a annoncé froidement que je ne reverrais jamais mon bébé de toute ma vie, et que si je cherchais à le retrouver, je détruirais sa vie et celle de ses parents adoptifs », nous a-t-elle confié.

D’autres mères nous ont dit qu’elles avaient été envoyées soit par leur famille ou par leur église dans ces maisons de maternité financées par le gouvernement fédéral et les provinces, où certaines ont été traitées davantage comme des prisonnières que des résidentes.

Certaines ont dit que leurs seins ont été étroitement attachés de force pour prévenir la lactation. Plus tard, on les intimidait pour qu’elles renoncent à leurs droits sur l’enfant et on leur faisait croire qu’elles recevraient de l’information à son sujet lorsqu’il ou elle aurait 18 ans. Des années plus tard, les mères allaient découvrir que les dossiers d’adoption étaient scellés.

On leur disait de ne plus jamais parler de leur enfant. Au moins une femme a reçu le conseil d’« adopter un chiot » pour s’aider à se remettre.

L’Australie a également mené ce type de politique d’adoption forcée après la guerre. Toutefois, à la suite d’une enquête fédérale, le gouvernement australien a présenté des excuses officielles en 2013 et s’est engagé à fournir des services de consultation et d’autres formes de réparation aux personnes touchées.

Nous devrions suivre cet exemple; le temps presse pour corriger le mal qui a été fait. Même si les excuses et les services de consultation n’effaceront pas les blessures émotionnelles infligées à ces mères et à leurs enfants, de tels gestes peuvent néanmoins apporter un sentiment d’apaisement à des milliers de familles qui ont été déchirées.

Les méfaits infligés à ces femmes et à leurs enfants se sont produits il y a des décennies, mais ces personnes ressentent encore leurs effets aujourd’hui.

L’heure est venue d’aider ces personnes à guérir enfin leurs blessures.


Le sénateur Art Eggleton est président du Comité sénatorial des affaires sociales, des sciences et de la technologie. Il représente l’Ontario au Sénat. La sénatrice Chantal Petitclerc est la vice-présidente du comité. Elle représente la province de Québec (Grandville) au Sénat.

Avis aux lecteurs : L’honorable Art Eggleton, C.P., est retraité du Sénat du Canada depuis septembre 2018. Apprenez-en davantage sur son travail au Parlement.

 

Cet article a été publié le 1 août 2018 dans le journal Policy Options (en anglais seulement).

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