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Oppression, privilège et le mythe de la primauté du droit : sénatrice McCallum

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La primauté du droit est définie comme le fait de restreindre l’exercice arbitraire du pouvoir en le soumettant à des lois bien définies et établies. Dans la Charte canadienne des droits et libertés, on peut lire que la primauté du droit est l’un des principes sur lesquels le Canada a été fondé. Essentiellement, cela veut dire que la loi s’applique de la même manière pour tous. Nul n’est au‑dessus de la loi. Pourtant, la primauté du droit n’a jamais été bien définie ni appliquée de façon égale pour les peuples autochtones.

Dans l’application de la primauté du droit au Canada, les expériences divergentes d’oppression et de privilèges coexistent, ce qui contribue à l’iniquité dans l’application de la justice pour les peuples autochtones. Les protections inscrites dans la Charte ne semblent parfois s’appliquer qu’aux gouvernements fédéral et provinciaux ainsi qu’aux entreprises. Les notions d’égalité, de transparence, d’équité et de participation à la prise de décisions – tous des principes de la primauté du droit – négligent souvent d’inclure les Autochtones. Comment nous, les peuples autochtones, pouvons‑nous être égaux devant la loi lorsque nous sommes privés du droit fondamental de manifester pacifiquement, comme c’est actuellement le cas des chefs héréditaires Wet’suwet’en.

Pour une Canadienne issue des Premières Nations, la loi est appliquée selon le principe d’oppression et non celui d’égalité par comparaison aux autres femmes et citoyens du Canada. La prospérité des uns fait la misère des autres. Qui, alors, prospère et élude la loi? Parce que si la loi s’appliquait également à tous, les Canadiens auraient tous dû être placés dans un pensionnat et être soumis à un système de réserves.

Le Canada est le seul pays au monde où la Loi sur les Indiens maintient les peuples autochtones dans un état d’inégalité politique, sociale et économique. Cette oppression, qui se perpétue encore aujourd’hui, prive les peuples autochtones du pouvoir social et politique nécessaire pour que la primauté du droit s’applique également.

Il y a nécessairement deux côtés à la primauté du droit : d’un côté, ceux qui fixent les règles et, de l’autre, ceux qui les appliquent. Comme la professeure Jocelyn Thorpe de l’Université du Manitoba l’a expliqué, la Gendarmerie royale du Canada (GRC) a été créée pour affirmer la souveraineté sur les peuples autochtones et leurs territoires.

« Le 1er premier ministre du Canada, sir John A. Macdonald, a eu l’idée de la GRC en s’inspirant de la Royal Irish Constabulary, une force de police paramilitaire créée par les Britanniques pour garder les Irlandais sous contrôle. »

Selon Steve Hewitt, professeur d’histoire à l’Université de Birmingham, « [la GRC] aurait la mainmise non pas sur les Irlandais, mais sur les Autochtones qui vivent déjà sur le territoire. […] Le travail de la GRC consistait effectivement à éliminer les Autochtones des plaines, des prairies. » Au bout du compte, la GRC se trouvait là pour déplacer les Autochtones vers des réserves, qu’ils le veuillent ou non.

Encore aujourd’hui, c’est la GRC qui est appelée à intervenir lorsque les Autochtones résistent. Comme en fait état le rapport de l’enquête sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées : « Ce rôle joué dans le passé par la GRC est essentiellement le même aujourd’hui. La GRC doit encore mettre en œuvre les lois et les politiques discriminatoires et oppressives existantes dans des domaines tels que la protection de l’enfance et les litiges relatifs aux terres et aux ressources. »

Comment la réconciliation est‑elle possible avec une force policière qui porte un si lourd passé?

Les Autochtones se trouvent dans une impasse. Si nous restons silencieux, nous ne pourrons faire avancer les choses. Nous devons avoir une conversation difficile avec les Canadiens pour les sensibiliser à l’injustice de la vie créée par la Loi sur les Indiens. Cette loi entraîne des inégalités pour les Autochtones au Canada. Elle permet à d’autres Canadiens et à des organisations de s’immiscer dans nos vies pour que nous continuions à vivre sous la menace. Le Canada, dont les politiques gouvernementales sont à l’origine de violence structurelle, rend possibles diverses formes de viol et de pillage par les industries.

Les Autochtones sont victimes d’inégalités structurelles uniques et constantes qui compromettent leur vie, leur santé, leur sécurité, leurs perspectives économiques, leur voix et leur autonomie. Le moment est venu pour le Canada de reconnaître les iniquités dans l’application de la primauté du droit au pays et de porter une réflexion sur ces dernières. Ce n’est qu’en prenant conscience de cette vérité fondamentale que nous pourrons réellement amorcer le processus de réconciliation.

 

La sénatrice Mary Jane McCallum représente le Manitoba au Sénat.

Cet article a été publié le 26 février 2020 dans le journal The Hill Times (en anglais seulement).

La primauté du droit est définie comme le fait de restreindre l’exercice arbitraire du pouvoir en le soumettant à des lois bien définies et établies. Dans la Charte canadienne des droits et libertés, on peut lire que la primauté du droit est l’un des principes sur lesquels le Canada a été fondé. Essentiellement, cela veut dire que la loi s’applique de la même manière pour tous. Nul n’est au‑dessus de la loi. Pourtant, la primauté du droit n’a jamais été bien définie ni appliquée de façon égale pour les peuples autochtones.

Dans l’application de la primauté du droit au Canada, les expériences divergentes d’oppression et de privilèges coexistent, ce qui contribue à l’iniquité dans l’application de la justice pour les peuples autochtones. Les protections inscrites dans la Charte ne semblent parfois s’appliquer qu’aux gouvernements fédéral et provinciaux ainsi qu’aux entreprises. Les notions d’égalité, de transparence, d’équité et de participation à la prise de décisions – tous des principes de la primauté du droit – négligent souvent d’inclure les Autochtones. Comment nous, les peuples autochtones, pouvons‑nous être égaux devant la loi lorsque nous sommes privés du droit fondamental de manifester pacifiquement, comme c’est actuellement le cas des chefs héréditaires Wet’suwet’en.

Pour une Canadienne issue des Premières Nations, la loi est appliquée selon le principe d’oppression et non celui d’égalité par comparaison aux autres femmes et citoyens du Canada. La prospérité des uns fait la misère des autres. Qui, alors, prospère et élude la loi? Parce que si la loi s’appliquait également à tous, les Canadiens auraient tous dû être placés dans un pensionnat et être soumis à un système de réserves.

Le Canada est le seul pays au monde où la Loi sur les Indiens maintient les peuples autochtones dans un état d’inégalité politique, sociale et économique. Cette oppression, qui se perpétue encore aujourd’hui, prive les peuples autochtones du pouvoir social et politique nécessaire pour que la primauté du droit s’applique également.

Il y a nécessairement deux côtés à la primauté du droit : d’un côté, ceux qui fixent les règles et, de l’autre, ceux qui les appliquent. Comme la professeure Jocelyn Thorpe de l’Université du Manitoba l’a expliqué, la Gendarmerie royale du Canada (GRC) a été créée pour affirmer la souveraineté sur les peuples autochtones et leurs territoires.

« Le 1er premier ministre du Canada, sir John A. Macdonald, a eu l’idée de la GRC en s’inspirant de la Royal Irish Constabulary, une force de police paramilitaire créée par les Britanniques pour garder les Irlandais sous contrôle. »

Selon Steve Hewitt, professeur d’histoire à l’Université de Birmingham, « [la GRC] aurait la mainmise non pas sur les Irlandais, mais sur les Autochtones qui vivent déjà sur le territoire. […] Le travail de la GRC consistait effectivement à éliminer les Autochtones des plaines, des prairies. » Au bout du compte, la GRC se trouvait là pour déplacer les Autochtones vers des réserves, qu’ils le veuillent ou non.

Encore aujourd’hui, c’est la GRC qui est appelée à intervenir lorsque les Autochtones résistent. Comme en fait état le rapport de l’enquête sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées : « Ce rôle joué dans le passé par la GRC est essentiellement le même aujourd’hui. La GRC doit encore mettre en œuvre les lois et les politiques discriminatoires et oppressives existantes dans des domaines tels que la protection de l’enfance et les litiges relatifs aux terres et aux ressources. »

Comment la réconciliation est‑elle possible avec une force policière qui porte un si lourd passé?

Les Autochtones se trouvent dans une impasse. Si nous restons silencieux, nous ne pourrons faire avancer les choses. Nous devons avoir une conversation difficile avec les Canadiens pour les sensibiliser à l’injustice de la vie créée par la Loi sur les Indiens. Cette loi entraîne des inégalités pour les Autochtones au Canada. Elle permet à d’autres Canadiens et à des organisations de s’immiscer dans nos vies pour que nous continuions à vivre sous la menace. Le Canada, dont les politiques gouvernementales sont à l’origine de violence structurelle, rend possibles diverses formes de viol et de pillage par les industries.

Les Autochtones sont victimes d’inégalités structurelles uniques et constantes qui compromettent leur vie, leur santé, leur sécurité, leurs perspectives économiques, leur voix et leur autonomie. Le moment est venu pour le Canada de reconnaître les iniquités dans l’application de la primauté du droit au pays et de porter une réflexion sur ces dernières. Ce n’est qu’en prenant conscience de cette vérité fondamentale que nous pourrons réellement amorcer le processus de réconciliation.

 

La sénatrice Mary Jane McCallum représente le Manitoba au Sénat.

Cet article a été publié le 26 février 2020 dans le journal The Hill Times (en anglais seulement).

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