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BANC - Comité permanent

Banques, commerce et économie

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule 1 - Témoignages du 21 novembre 2013


OTTAWA, jeudi 21 novembre 2013

Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui, à 10 h 30, pour examiner des éléments des Sections 2, 3, 9 et 13 de la Partie 3 du projet de loi C-4, Loi no 2 portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 21 mars 2013 et mettant en œuvre d'autres mesures.

Le sénateur Irving Gerstein (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour chers collègues. Je déclare ouverte la présente séance du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce. Aujourd'hui, le comité tient sa première réunion consacrée à l'étude des éléments des Sections 2, 3, 9 et 13 de la Partie 3 du projet de loi C-4, Loi no 2 portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 21 mars 2013 et mettant en œuvre d'autres mesures, loi désignée également par l'acronyme LEB.

Permettez-moi de présenter Jeremy Rudin, sous-ministre adjoint, Direction de la politique du secteur financier, ministère des Finances, qui nous guidera aujourd'hui tout au long de cet examen.

Je signale aux membres du comité que nous entendrons un bref exposé qui sera suivi de questions sur chacune des quatre sections prises individuellement, à commencer par la Section 2.

Je vais demander à M. Rudin de présenter les autres fonctionnaires qui l'accompagnent pour l'étude des différentes sections, mais auparavant, j'aimerais vous présenter aussi Mme Mary Dawson, commissaire aux conflits d'intérêts et à l'éthique, qui est ici pour notre étude de la Partie 2. Elle est accompagnée de Lyne Robinson-Dalpé, commissaire adjointe, Conseils et conformité.

Monsieur Rudin, la parole est à vous.

Jeremy Rudin, sous-ministre adjoint, Direction de la politique du secteur financier, ministère des Finances Canada : Merci beaucoup, monsieur le président. Avant de vous présenter un bref résumé des éléments de la Section 2 concernant la rationalisation des exigences relatives aux conflits d'intérêts, j'aimerais mentionner que je suis accompagné par deux collègues, tous deux cadres supérieurs de ma direction, qui sont ici pour m'aider à informer les membres du comité et à répondre à leurs questions : M. James Wu et Mme Alexandra Dostal.

Comme on me l'a demandé, je vais commencer par vous donner un bref aperçu de l'objet et du contenu de cette section.

Le gouvernement s'est engagé à exercer une gouvernance et une supervision rigoureuses des institutions financières sous réglementation fédérale et à gérer les conflits d'intérêts de manière appropriée. Plusieurs dispositions qui s'appliquent à cet aspect ne sont pas nouvelles et un bon nombre d'entre elles existaient déjà lorsque le gouvernement a adopté la Loi sur les conflits d'intérêts et avant d'autres mesures, par exemple le renforcement du Code de valeurs et d'éthique de la fonction publique. Par conséquent, l'examen auquel nous nous livrons aujourd'hui fait partie intégrante d'un projet plus vaste dont l'objet est d'étudier l'application de ces dispositions dans les diverses institutions et les lois qui s'y rapportent, afin de s'assurer qu'elles sont conformes à la politique globale du gouvernement et de vérifier si elles doivent être mises à jour, modernisées, rationalisées ou améliorées d'une façon quelconque.

Ce projet de loi de mise en œuvre du budget contient essentiellement deux types de mesures. Le premier type de mesures vise à modifier les lois qui régissent les institutions financières sous réglementation fédérale afin d'autoriser les mandataires de l'État et les fonctionnaires fédéraux et provinciaux à siéger aux conseils d'administration des institutions financières sous réglementation fédérale.

Cette modification a pour objectif de permettre aux institutions financières sous réglementation fédérale d'avoir accès à un plus grand bassin de candidats susceptibles de siéger aux conseils d'administration. En effet, l'interdiction qui est faite aux mandataires de l'État de siéger aux conseils d'administration d'institutions financières sous réglementation fédérale a pour conséquence de les empêcher de siéger simultanément aux conseils d'administration d'une société d'État et d'une institution financière sous réglementation fédérale. Le gouvernement déplore cet état de fait. Comme je l'ai dit, cette règle enlève une certaine latitude aux institutions financières sous réglementation fédérale lorsqu'il s'agit de choisir de nouveaux membres du conseil ou peut, inversement, compliquer la tâche du gouvernement lorsqu'il s'agit de trouver des personnes qualifiées pour siéger aux conseils d'administration des sociétés d'État. En effet, elle pénalise les personnes qui pourraient accepter de siéger au conseil d'administration d'une société d'État en les empêchant d'occuper parallèlement des fonctions identiques au sein d'une institution sous réglementation fédérale. Le gouvernement estime que la Loi sur les conflits d'intérêts à laquelle sont assujetties les personnes qui sont nommées à un poste au sein d'une société d'État et les politiques régissant les conflits d'intérêts au sein de ces mêmes sociétés sont plus que suffisantes pour gérer tout conflit d'intérêts susceptible de se présenter dans ce secteur.

L'autre disposition que nous allons examiner et à propos de laquelle nous répondrons à vos questions éliminerait une des obligations qui incombent à certains membres du Comité de surveillance des institutions financières. Ce comité est composé des cadres supérieurs de la Banque du Canada, du Bureau du surintendant des institutions financières, de la Société d'assurance-dépôts du Canada, de l'Agence de la consommation en matière financière du Canada et du ministère des Finances. Ils ont l'obligation d'aviser le ministre par écrit s'ils ont l'intention d'emprunter de l'argent auprès d'une institution financière. Cette règle s'applique également à deux autres fonctionnaires qui ne sont pas, à strictement parler, membres du Comité de surveillance des institutions financières et le gouvernement est d'avis que cette exigence est dépassée et que l'on peut s'en dispenser puisqu'elle n'a plus de véritable utilité.

Voilà, nous sommes maintenant très heureux de répondre à vos questions.

Le président : Merci, monsieur Rudin.

Madame Dawson, voulez-vous faire une déclaration préliminaire ou préférez-vous répondre aux questions?

Mary Dawson, commissaire aux conflits d'intérêts et à l'éthique, Commissariat aux conflits d'intérêts et à l'éthique : Non. Ayant été invitée tout récemment, je n'ai pas préparé de déclaration préliminaire. Merci.

Le président : À l'intention de nos collègues, permettez-moi de préciser que nous sommes à la page 172 du projet de loi C-4 où se trouve la Section 2. Comment allons-nous procéder? Allez-vous nous guider dans l'examen article par article à partir de l'article 159? Nous allons peut-être tout simplement commencer par des questions en donnant la parole tout d'abord à la vice-présidente du comité, la sénatrice Hervieux-Payette.

[Français]

La sénatrice Hervieux-Payette : Pour notre travail, il serait difficile pour nous d'arriver au comité avec la Loi sur les sociétés de fiducie et de prêt, la Loi sur le Bureau du surintendant des institutions financières, la Loi sur les banques, et cetera.

Vous avez fait une introduction, par contre je n'ai pas l'article que l'on abroge devant moi et je ne connais pas l'ampleur du changement. Une analyse a été faite, je ne sais pas si c'est par le ministère. J'ai lu les cinq lignes, quatre lignes ou trois lignes, des articles 159, 160, 161, 162, 163. Mais on abroge quoi pour faire quoi?

À toutes fins utiles, quel sera le résultat final une fois qu'on les aura abrogés? Je parle des articles 161, 162 et 163. Cela veut-il dire que les fonctionnaires pourront siéger au conseil de toutes les banques, à toutes les fiducies de prêt, à tous les organismes, à toutes les sociétés coopératives de crédit local et cetera?

La portée de l'abrogation est difficile à comprendre parce qu'on ne peut pas se promener et aller voir tous les projets de loi pour se préparer en vue des réunions de ce comité. Expliquez-nous l'ampleur du changement de cette abrogation.

M. Rudin : Ce n'est pas toujours simple de suivre la portée et l'importance de l'abrogation parce que nous proposons de changer des aspects de plusieurs lois. Au Canada, nous avons une loi qui porte sur les banques, une autre sur les compagnies de fiducie, une autre sur les compagnies d'assurance, et cetera, alors on fait des changements semblables dans chacune de ces lois.

C'est donc en ce qui concerne la possibilité de siéger au conseil d'administration. Alors pour être cohérent, consistant, il faut faire des changements dans plusieurs lois.

Mais l'effet pour toutes ces lois est le même, c'est de permettre à des personnes de siéger en même temps au conseil d'administration d'une société d'État et d'une institution financière sous réglementation ou juridiction fédérale — soit une banque, une fiducie, une compagnie d'assurance ou une coopérative de crédit —, et aussi de permettre à des fonctionnaires de siéger au conseil d'administration de ces institutions. C'est donc le premier volet.

Le deuxième volet est de retirer le besoin d'informer le ministre des Finances avant de contracter un prêt auprès d'une institution financière sous juridiction fédérale, pour n'importe quelle personne qui a actuellement cette exigence, et cette exigence se trouve dans deux articles de la Loi sur le Bureau du surintendant des institutions financières ainsi que dans la Loi sur l'Agence de la consommation en matière financière du Canada.

Mme Dostal : J'aimerais ajouter qu'il y a deux articles qui seront modifiés : l'article 20 de la Loi sur le Bureau du surintendant des institutions financières, et l'article 15 de la Loi sur l'Agence de la consommation en matière financière du Canada sera enlevé.

La sénatrice Hervieux-Payette : Si j'essaie de voir l'application, vous avez un sous-ministre, un sous-ministre adjoint, probablement jusqu'au niveau de directeur. La Banque Royale, la Banque Toronto-Dominion, la Banque nationale peuvent demain avoir un sous-ministre sur leur conseil d'administration. Nous savons que les honoraires payés par ces institutions financières dépassent les 100 000 $. Cela veut dire que ces personnes pourront exercer leur fonction à l'intérieur du gouvernement, n'être jamais mis en position de conflits d'intérêts avec nos règles, nos politiques et notre réglementation, et recevoir, en plus de leur salaire de sous-ministre, sous-ministre adjoint ou directeur, des honoraires payés à chaque membre d'un conseil d'administration. C'est ouvert complètement, ils ont le même mandat que tous les autres membres qui siègent au conseil d'administration? Il n'y a pas de restriction?

M. Rudin : Les fonctionnaires sont toujours assujettis soit à la Loi sur les conflits d'intérêts, soit au Code de valeurs et d'éthique de la fonction publique; ils ne peuvent pas occuper un poste à l'extérieur si leurs responsabilités comme fonctionnaire les placeraient en conflit d'intérêts.

Par exemple, dans mon cas, il m'est évidemment impossible de participer, d'une façon ou d'une autre, dans la gestion d'une institution financière.

Ce n'est pas qu'il n'y aura pas d'autres restrictions; il y en a aura pas mal. C'est juste qu'il n'est pas nécessaire d'avoir une restriction à 100 p. 100 dans la loi elle-même, et on propose de se fier sur les autres aspects de la loi, surtout la Loi sur les conflits d'intérêts ainsi que sur le Code de valeurs et d'éthique de la fonction publique.

La sénatrice Hervieux-Payette : Par exemple, si Loblaws vous demande de siéger à son conseil d'administration, vous pouvez accepter puisque vous n'êtes pas dans l'alimentation. Mais que fait-on de toute la réglementation que le gouvernement a dans ce domaine, du point de vue de la sécurité des aliments? Est-ce que vous n'êtes pas automatiquement placé en conflit d'intérêts puisque vous connaissez le sous-ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, que ce sont vos collègues à Ottawa, et que vous pouvez avoir de l'influence sur les politiques du gouvernement qui s'appliquent à un autre domaine?

M. Rudin : Tout à fait, mais si cela me mettait en conflit d'intérêts, je ne pourrais accepter cette responsabilité. En plus, dans ce cas-ci, Loblaws est propriétaire d'une banque. Alors, c'est encore plus clair dans ce cas.

La sénatrice Hervieux-Payette : Prenons Costco, alors.

M. Rudin : Tout à fait. Le point est qu'il y a la Loi sur les conflits d'intérêts et le Code de valeurs et d'éthique, et le gouvernement propose de se fier à ce cadre existant pour gérer ces conflits et les éliminer.

La sénatrice Hervieux-Payette : Quel est l'objectif final de la décision de vous permettre de siéger sur les conseils d'administration dans tout domaine financier? Parce que, sur les 36 millions d'autres Canadiens, il n'y a personne qui peut siéger sauf les gestionnaires chargés de réglementer et de gérer toutes les lois qui s'appliquent à ces entreprises. Quel est l'objectif? Pourquoi fait-on cela?

M. Rudin : Vous parlez spécifiquement au sujet des fonctionnaires ou également des personnes à l'extérieur de la fonction publique qui siègent sur les conseils d'administration des sociétés d'État, par exemple?

La sénatrice Hervieux-Payette : Les gens qui siègent au conseil des sociétés d'État proviennent généralement du secteur privé. Ils ne viennent pas faire des règlements pour le gouvernement. Ils sont nommés justement parce que ce sont tous des gens qui viennent de différents milieux. Et dans ce cas, de toute façon, je suppose qu'il pourrait y avoir, par exemple, un membre du conseil d'administration de la Banque Royale qui n'irait pas siéger au conseil d'administration de la BDC. Cela n'aurait pas d'allure.

[Traduction]

Le président : Voulez-vous que je vous inscrive pour le prochain tour?

[Français]

La sénatrice Hervieux-Payette : Oui, mais j'aimerais avoir une réponse avant, parce que c'est l'objectif de ma question.

M. Rudin : Je vais me répéter, mais, au cas où cela occasionnerait un conflit d'intérêts pour un fonctionnaire de siéger sur le conseil d'administration d'une institution financière, ce ne serait pas permis. Ce ne serait pas permis même si on fait ces changements, parce que ce serait traité selon soit la Loi sur les conflits d'intérêts ou sur le Code de valeurs et d'éthique

Je n'ai pas d'autres réponses à votre question.

[Traduction]

La sénatrice Nancy Ruth : Je voudrais poursuivre dans le même ordre d'idées et au sujet de la même section. Des changements de ce type ont souvent occasionné des problèmes. Pouvez-vous nous citer des cas où il aurait été utile qu'un fonctionnaire fédéral ou provincial siège à un de ces conseils d'administration?

M. Rudin : C'est vraiment hypothétique et je n'ai pas d'exemple à vous donner à ce sujet.

Je crois que certaines institutions financières sous réglementation fédérale ont parfois communiqué avec nous parce qu'elles étaient intéressées à engager un fonctionnaire. Comme je l'ai dit, cela ne serait évidemment pas autorisé si le fonctionnaire risquait de se trouver en conflit d'intérêts aux termes du Code de valeurs et d'éthique de la fonction publique ou en vertu de la Loi sur les conflits d'intérêts.

La sénatrice Nancy Ruth : Comment cette formule va-t-elle s'appliquer? La société devra-t-elle s'adresser au commissaire à la protection de la vie privée ou à un autre organisme pour vérifier s'il y a conflit d'intérêts? Moi, je pense que l'on ne sait pas si la personne que vous avez rencontrée quelque part était peut-être un lobbyiste enregistré. Cette personne a pu remarquer que vous connaissiez beaucoup de choses sur ses concurrents dans l'industrie. Ce serait peut-être très utile pour elle de vous avoir dans son conseil d'administration, très utile, même. Cependant, je pense que ce serait presque une pratique commerciale déloyale pour les autres intervenants de l'industrie. J'aurais tendance à vouloir vous barrer la route.

Je cherche de bonnes raisons.

M. Rudin : Excusez-moi, est-ce que vous faites expressément allusion à moi?

La sénatrice Nancy Ruth : Non, je parlais de manière générale et quand j'utilisais le pronom « vous », c'était juste une façon de parler.

M. Rudin : Il est évident que dans mon cas, compte tenu de mes responsabilités, ce serait tout à fait impensable.

Je n'ai pas d'exemple précis à vous donner. Je sais que je me répète, mais tout ce que je dis, c'est qu'en cas de conflit d'intérêts c'est la politique sur les conflits d'intérêts qui s'appliquerait — la loi et la politique des gouvernements fédéral et provinciaux. Et d'ailleurs, il n'y aurait pas nécessairement de conflit d'intérêts dans le cas de tous les fonctionnaires des divers ministères fédéraux ou de toutes les administrations provinciales. Bien entendu, les institutions financières sous réglementation fédérale doivent également disposer d'une politique sur les conflits d'intérêts applicable aux membres de leur propre conseil d'administration.

La sénatrice Nancy Ruth : Êtes-vous en train de me dire que le secteur financier est à l'origine de cette modification et non pas la fonction publique?

M. Rudin : Eh bien, nous croyons savoir que les institutions ont manifesté un certain intérêt. Les bureaucrates se sont aussi montrés intéressés, mais le point de départ est ailleurs. Il s'agit de donner aux institutions un accès au bassin le plus large possible de candidats qui ne sont pas en conflit d'intérêts, pour siéger à leurs conseils d'administration.

Le président : Madame Dawson, voulez-vous ajouter quelque chose à cette discussion?

Mme Dawson : Je peux peut-être expliquer comment s'appliquerait la Loi sur les conflits d'intérêts. J'ai pris le temps de vérifier les cinq organismes mentionnés dans la législation proposée, afin de voir combien d'entre eux seraient touchés par la Loi sur les conflits d'intérêts. En fait, très peu d'entre eux le seraient et je suppose donc qu'ils devraient respecter le Code de valeurs et d'éthique.

Vous devez savoir, j'en suis certaine, qu'une autre disposition de ce projet de loi donne au gouverneur en conseil le pouvoir de désigner différents groupes afin de les assujettir à la Loi sur les conflits d'intérêts. Le problème serait réglé de cette manière. Je ne sais pas quelles sont les intentions, mais il serait utile de le savoir pour mieux comprendre la situation.

Il y aurait tellement de choses à dire que je crois que la meilleure chose à faire est probablement de ne rien dire pour le moment.

Le sénateur Campbell : Madame Dawson, je regrette de ne pas respecter votre souhait, mais j'aimerais vraiment connaître votre point de vue et celui de votre bureau au sujet de ces modifications.

Mme Dawson : Fondamentalement, cela ne me pose aucun problème. Je serais tenue d'appliquer différentes règles, mais, de manière générale, la loi ne contient par exemple aucune interdiction — dans la mesure où les personnes concernées sont couvertes par la première dérogation. Telle que la loi se présente actuellement, elle ne contient aucune interdiction.

L'article 15 de la Loi sur les conflits d'intérêts est un article clé qui me confère un pouvoir dans cette matière. L'article précise qu'à moins que ses fonctions officielles ne l'exigent, il est interdit à tout titulaire de charge publique principal de se livrer à différentes activités, une d'entre elles étant d'occuper un poste d'administrateur ou de dirigeant dans une société; Voilà ce que prescrit la loi.

Il y a des exceptions comme celle qui concerne par exemple un administrateur d'une société d'État qui souhaiterait devenir administrateur d'une société financière ou commerciale. Nous nous approchons ici de la situation que nous examinons, mais la loi ajoute : « si le commissaire estime que ce poste n'est pas incompatible avec sa charge publique ». Il faudrait donc que je décide s'il y a une incompatibilité et, ce faisant, je devrais également me pencher sur la possibilité de conflit d'intérêts. À mon sens, l'incompatibilité est une notion plus vaste que celle de conflit d'intérêts.

Aucune règle précise ne ressort de la Loi sur les conflits d'intérêts, mais quelques-unes se présentent dans certaines circonstances. Aucune règle automatique ne vient interdire une telle chose. Par exemple, le traitement préférentiel est interdit. Je ne sais pas dans quelle circonstance cela s'appliquerait, mais il serait possible que le traitement préférentiel entre en ligne de compte.

La loi contient deux ou trois autres dispositions semblables, comme celle qui concerne les renseignements d'initiés. Il est interdit d'utiliser de telles informations privilégiées, ce qui ne signifie pas que la personne ne peut pas exercer ses fonctions, mais il y a des freins et contrepoids qui permettent d'éviter de telles situations. Nous disposons dans la loi de diverses procédures et autres mesures de précaution pour éviter les conflits d'intérêts. Il faut étudier chaque cas séparément afin de bien cerner le problème, mais cela peut se faire.

Le sénateur Campbell : Monsieur Rudin, le Canada compte 33 millions d'habitants. Est-ce qu'il y a vraiment une pénurie de personnes qualifiées pour siéger à ces conseils d'administration? Est-il nécessaire d'effectuer ce changement pour que les conseils d'administration fonctionnent mieux? Je ne comprends pas le concept.

M. Rudin : Eh bien, monsieur le sénateur, je peux vous dire que plusieurs administrateurs de sociétés d'État auraient souhaité siéger aux conseils d'institutions financières sous réglementation fédérale, estimant qu'ils auraient pu leur être utiles et qui ont dû choisir une des deux options.

Le sénateur Campbell : Non, monsieur Rudin, vous n'avez tout simplement pas répondu à ma question. Je ne veux pas savoir quels sont les souhaits d'un employé du gouvernement. Je vous demande ceci : Est-ce qu'il y a pénurie de personnel qualifié pour siéger aux conseils d'administration des institutions financières, alors que le Canada compte 33 millions d'habitants? Pourquoi est-il nécessaire de se tourner vers les employés du gouvernement pour trouver des administrateurs prêts à assumer ce rôle?

M. Rudin : D'accord.

Il y a deux aspects dans ce que nous proposons. Le premier est d'éliminer l'interdiction à une personne qui n'est pas un fonctionnaire de siéger au conseil d'administration d'une société d'État et d'une institution financière sous réglementation fédérale. Cela dénote une volonté réelle, appuyée par le Bureau du surintendant des institutions financières, d'attirer dans les conseils d'administration des institutions financières sous réglementation fédérale des administrateurs ayant de plus grandes compétences en finances et une meilleure connaissance du secteur financier. Le gouvernement estime qu'une telle mesure aurait pour effet d'enrichir le bassin de candidats qualifiés et, en outre, d'encourager ou tout au moins de ne pas pénaliser les personnes qui ont les qualités nécessaires et le désir de siéger au conseil d'administration des sociétés d'État — en éliminant ce qui serait sinon un désavantage et, de l'avis du gouvernement, un désavantage inutile pour les candidats potentiels.

Du côté de l'institution financière, je ne pense pas que cela provoquerait une différence significative en termes de bureaucrates. Nous nous contentons de proposer l'application du régime existant qui, selon nous, couvre tous les aspects. Par exemple, les institutions financières sous réglementation fédérale sont tenues de disposer d'une politique sur les conflits d'intérêts applicable aux membres de leur conseil d'administration. L'application d'une telle politique en plus du Code de valeurs et d'éthique de la fonction publique nous paraît offrir des protections plus que suffisantes.

J'ai dit un peu plus tôt que je n'avais pas d'exemple à vous fournir, mais il y en a un qui m'est venu à l'esprit. Nous avons créé un cadre pour les coopératives de crédit afin de les inviter à se placer sous la compétence fédérale. Vous pouvez imaginer ce qui se passerait si une coopérative de crédit pour les fonctionnaires, comme celle que nous avons en Ontario ou comme une caisse populaire dont un grand nombre des membres seraient des fonctionnaires, devenait une coopérative de crédit fédérale, assujettie à la législation existante. Elle serait contrainte de demander le départ de ses membres. La nouvelle disposition du projet de loi leur permettrait de rester en poste tant qu'ils ne seraient pas en conflit d'intérêts.

Le sénateur Campbell : Voilà une solution qui se cherche un problème.

La sénatrice Ringuette : Ce n'est même pas une solution.

[Français]

Le sénateur Maltais : Ma question s'adresse à Mme Dawson. Ce n'est pas facile à comprendre et j'aimerais avoir des éclaircissements très simples. Par exemple, un membre du conseil d'administration de la Banque impériale de commerce pourrait-il siéger à la SCHL.

Mme Dawson : Non.

Le sénateur Maltais : Et vice versa également? Un membre de la SCHL ne pourrait pas siéger au conseil d'administration de la Banque impériale de commerce? Je veux m'assurer de bien comprendre parce que ce n'est pas évident.

Mme Dawson : Ces règles sont inscrites dans la Loi sur la Société canadienne d'hypothèques et de logement. Chaque loi a des règles particulières. C'est la réponse à votre question.

Le sénateur Maltais : Est-ce qu'un membre du ministère des Finances ou un haut fonctionnaire pourrait siéger au conseil d'un syndicat qui détient un fonds d'administration, un fonds financier?

Mme Dawson : Je pense que oui, mais je vais demander à Mme Robinson-Dalpé d'élaborer sur le sujet.

Lyne Robinson-Dalpé, commissaire adjointe, Conseils et conformité, Commissariat aux conflits d'intérêts et à l'éthique : La section 15 de notre loi spécifie très clairement qu'à moins que ses fonctions officielles ne l'exigent, il est interdit à tout titulaire de charge publique principale, donc, je présume que dans le cas d'une nomination. De quelle commission parliez-vous?

Le sénateur Maltais : Par exemple, pour le Fonds de solidarité de la FTQ, est-ce qu'un employé du ministère des Finances pourrait siéger au conseil?

Mme Robinson-Dalpé : L'employé doit être assujetti à notre loi. Si c'était le sous-ministre, ce serait un titulaire de charge publique principale, dans ce cas, la réponse serait non.

Par contre, dans le cas de personnes désignées qui ne sont pas titulaires de charge publique principaux, simplement titulaires de charge publique, la section 15 ne s'appliquerait pas et la réponse pourrait être oui.

Cela dépend toujours du scénario dans lequel nous sommes impliqués. Donc, la réponse peut être oui ou non, dépendamment de comment la personne est désignée sous notre loi.

Le sénateur Massicotte : Je vais me répéter un peu, on a un peu la même question.

Monsieur Rudin, si on permet aux fonctionnaires seniors de siéger au conseil d'administration des banques ou autres entreprises canadiennes, dans 15 ou 20 ans, on va se retrouver comme le Japon qui s'est fait fortement critiquer des liens trop forts qu'il avait avec le gouvernement et les entreprises privées. D'autres pays comme la Russie sont critiqués également.

Ne se soucie-t-on pas d'évoluer vers un système que nous avions trouvé malsain il y a quelques années?

M. Rudin : Je risque aussi de me répéter. Je dirais que non, parce qu'on est déjà protégé à deux paliers. L'exigence d'avoir une politique qui gère des conflits d'intérêts pour les membres des conseils d'administration et les institutions financières sous juridiction fédérale qui est exigé par le Bureau du surintendant et le Code de valeur éthique de la fonction publique. On a au moins ces deux protections. Je dirais que l'un ou l'autre fonctionnerait. Avoir les deux, suffit. On a donc la ceinture et les bretelles en même temps. Cela suffit. Il n'est pas nécessaire d'avoir une prohibition à 100 p. 100, parce que cela peut mener à un résultat où, dans des cas qui seront probablement rares, il n'y aura pas de conflit d'intérêts.

Je vous rappelle mon exemple de la coopérative de crédit. On est obligé d'empêcher quelqu'un de siéger à un conseil d'administration quand cette personne n'a pas de conflit d'intérêts, soit sur le régime de l'institution financière, soit sur le régime de la fonction publique.

Le sénateur Massicotte : Je comprends bien cela. Quand il y a conflit d'intérêts, c'est clair, c'est interdit à cause des règlements qui existent. Mais mon souci est beaucoup plus que cela. Dans de bonnes relations, on est des êtres humains, l'aspect social est important. Je ne crains pas seulement les conflits d'intérêts.

Disons qu'il n'y a pas de conflit d'intérêts. Prenez le sous-ministre de la santé qui n'a pas de conflit avec une institution financière, mais il serait tout de même intelligent de la part de la Banque canadienne de développer de bons liens avec le gouvernement même si ce n'est pas directement lié. Éventuellement, dans le cadre conceptuel, cela cause tout de même un souci. Il y a peut-être une approche avec laquelle nous devrions être inconfortables. Vous ne voyez pas cela?

La sénatrice Hervieux-Payette : Selon votre conscience.

M. Rudin : Non, franchement.

Le sénateur Massicotte : Vous êtes certain? Vous êtes à l'aise avec cette réponse?

M. Rudin : Oui, bien sûr.

Le sénateur Massicotte : Madame Dawson, il y a un amendement voulant qu'un haut fonctionnaire, le gouverneur de la Banque du Canada ou d'autres, peut maintenant demander un prêt sans aviser les ministres. Comment va-t-on gérer les conflits d'intérêts? Il est certain que le banquier aimerait beaucoup donner un taux d'intérêt plus avantageux sans que ce soit très visible ou encore un prêt plus élevé. Comment pourra-t-on s'assurer que tout soit transparent? Y a- t-il d'autres mécanismes en place?

Mme Dawson : Pour la plupart, ces personnes ne sont pas assujetties à notre loi maintenant. Je ne sais pas combien de ces personnes seront assujetties à notre loi, parce qu'un autre amendement donne un pouvoir de réglementation par ordre du gouverneur en conseil. Je ne sais pas qui va être dans ce groupe, mais si on était assujetti à notre loi, il y a des obligations de divulguer l'information. Nous regardons ce qu'on nous a dit, et nous donnons un avis s'il y a des problèmes. Mais c'est impossible de l'écrire.

Le sénateur Massicotte : Ma question s'adresse à M. Rudin. Conséquemment, on propose d'amender la loi comme telle, où le gouvernement canadien peut demander un prêt personnel sans aviser le ministre et on ne sait pas sous quelle structure. On peut spéculer que peut-être on va tomber sur la Loi sur les conflits d'intérêts. À ce point-ci, on propose que non. Comment allons-nous gérer ces conflits d'intérêts potentiels?

M. Rudin : C'est tout à fait normal pour une personne d'avoir des prêts avec une institution financière, soit une hypothèque, soit un moment donné parce qu'elle décide de ne pas payer sa carte de crédit ou qu'elle achète une automobile. C'est tout à fait normal. On propose de retirer l'exigence de notifier le ministre lorsque la personne songe à faire quelque chose qui est tout à fait normal. S'il est question d'obtenir un taux plus bas que celui qu'une personne qui n'est pas membre du comité obtiendrait, bien sûr, c'est interdit. Mais c'est interdit soit par une loi pertinente ou par le code de valeur et éthique. Il n'y a rien dans ce que le gouvernement propose de changer qui porte sur les taux d'intérêt ou le fait qu'il y aura potentiellement un avantage pour cette personne qu'il n'obtiendrait pas s'il ne faisait pas partie du comité. C'est seulement que nous devons maintenant avertir le ministre avant de faire ces transactions qui sont tout à fait normales.

Le sénateur Massicotte : Je ne doute pas qu'elles sont normales et je ne questionne l'intégrité de personne. Je suis certain que, quand on a posé ces conditions, on s'est dit que tout était vrai, mais ce sont quand même des transactions à risque plus élevé. On cherchait une transparence, une confirmation par le ministre que tout était correct. On avait le bien-fondé, et là on dit qu'on l'enlève totalement. Cela soulève des inquiétudes, sans questionner quoi que ce soit.

M. Rudin : Tout à fait, mais je vous rappelle, comme je l'ai déjà dit dans mes autres réponses, qu'il y a un, deux ou peut-être trois autres régimes qui gèrent les conflits d'intérêts pertinents, et qui toucheraient un conflit d'intérêts qui serait créé même par un prêt.

Le sénateur Massicotte : Merci, monsieur le président.

Le sénateur Rivard : Merci, monsieur le président. Ma question sera très courte pour donner la chance aux autres sénateurs de poser leurs questions.

En adoptant ces modifications à la loi, comment se compare-t-on à des pays comparables, que l'on pense aux États- Unis, à la Grande-Bretagne ou à la France? Ces pays ont-ils des dispositions semblables aux modifications qu'on apporte?

M. Rudin : Excellente question. On devra vérifier et on vous donnera une réponse ultérieurement.

[Traduction]

Le président : Auriez-vous l'amabilité de réunir ces renseignements et de les transmettre à la greffière afin que l'on puisse les distribuer aux membres du comité? Merci beaucoup.

La sénatrice Ringuette : J'aimerais avoir une précision. Je suppose que l'on traitera des Sections 9 et 13 à l'occasion d'une autre réunion?

Le président : Non, nous allons les passer en revue dans la foulée de cette discussion. Nous avons quatre secteurs à examiner aujourd'hui.

La sénatrice Ringuette : Monsieur Rudin, il y a des secteurs que vous n'avez pas abordés. Cependant, j'espère que le comité convoquera la surintendante des institutions financières. D'après vous, monsieur Rudin, la surintendante souhaite attirer des personnes plus compétentes aux conseils d'administration des institutions financières et estime que le seul moyen de le faire est de recruter des personnes qui siègent aux conseils de sociétés d'État ou des hauts fonctionnaires. Il me semble très bizarre que la surintendante fasse un tel commentaire et que vous preniez la décision de nous le transmettre.

M. Rudin : Ce que j'espère avoir dit, madame, c'est que la surintendante et les membres de son bureau ont encouragé les institutions financières sous réglementation fédérale à accueillir au sein de leurs conseils d'administration des personnes ayant une meilleure connaissance du secteur financier. Sauf erreur, cette déclaration fait partie du domaine public et je pourrais la retrouver pour vous.

Partageant les mêmes intérêts et préoccupations, le gouvernement propose ces changements qui permettront d'enrichir le bassin de candidats qualifiés disponibles. Je ne peux pas m'exprimer au nom de la surintendante à propos de ce changement particulier.

Cependant, ce que je peux dire, c'est que la surintendante et les membres de son bureau estiment qu'il est important que les conseils d'administration des institutions financières sous réglementation fédérale disposent, dans certains cas, de meilleures compétences dans les questions relatives au secteur financier ou tout simplement augmentent leur niveau d'expertise dans ce domaine.

La sénatrice Ringuette : Et le seul moyen d'y parvenir est de recruter le plus d'experts possible pour siéger à leurs conseils d'administration. C'est l'objectif que les institutions financières auraient dû se donner lorsqu'elles se sont constituées sous réglementation fédérale.

Je suis en politique depuis 26 ans. J'ai eu le temps d'observer les lois et de me rendre compte qu'elles sont toujours formulées à la suite d'une demande ou en réaction à un événement. Ces dispositions particulières incluses dans le projet de loi omnibus sur le budget ont été rédigées à la suite d'une demande ou d'une situation particulière, afin d'aider un haut fonctionnaire ou une personne qui siège au conseil d'administration d'une société d'État. C'est un gros ballon rempli de situations hypothétiques.

Par exemple, vous avez parlé des coopératives de crédit qui sont susceptibles de se placer sous la réglementation fédérale. Elles ont eu cette possibilité il y a deux ans, mais elles ne sont toujours pas sous réglementation fédérale. Il faudra peut-être encore attendre cinq ans avant que cela arrive et peut-être que cela ne se produira jamais.

Vous nous avez donné des exemples et il est possible que la surintendante des institutions financières ait déclaré que nos institutions financières sous réglementation fédérale ne disposent pas de compétences suffisantes au sein de leurs conseils d'administration.

[Français]

Ce sont des arguments très larges, et je regrette, mais personnellement, de tous les Canadiens disponibles, et qui sont des experts...

[Traduction]

Cela n'a aucun sens.

Le président : Nous en sommes actuellement à la première section et ils vont rester.

La sénatrice Ringuette : C'est ce que je vous ai demandé plus tôt.

Le président : Ils vont rester une fois que nous aurons eu cette discussion et que nous passerons à la prochaine section, absolument.

La sénatrice Ringuette : Par conséquent, je peux continuer avec ma...

Le président : Je sais qu'il va y avoir une question. J'ai entendu vos commentaires.

La sénatrice Ringuette : Oui, et la question est la suivante : à quelle demande particulière ou à quel événement qui s'est produit dans la sphère fédérale répond cette disposition particulière dans un projet de loi omnibus sur le budget?

Le président : Monsieur Rudin, voilà une question très claire.

M. Rudin : Madame la sénatrice, je crois avoir déjà répondu à cette question. Il est arrivé plusieurs fois qu'un administrateur s'est vu contraint de choisir entre le conseil d'administration d'une société d'État et celui d'une institution financière sous réglementation fédérale. Le gouvernement estime que de telles situations ne posent pas de conflit d'intérêts et ne devraient pas être interdites.

La sénatrice Ringuette : Pourriez-vous fournir au comité une liste de ces différents cas s'il vous plaît?

M. Rudin : Je ne suis pas certain de pouvoir le faire, mais je vais m'informer.

Le président : Il va essayer de trouver ces renseignements.

Le sénateur Tkachuk : Monsieur Rudin, je vous souhaite la bienvenue. Certains détails me préoccupent. Admettons que ces modifications à la loi soient adoptées. Donnez-moi un exemple de candidats de la fonction publique qui auraient les compétences nécessaires pour siéger au conseil d'administration de banques ou d'autres organismes sous réglementation fédérale.

M. Rudin : Eh bien, comme je l'ai dit, le meilleur exemple qui m'est venu soudainement à l'esprit, c'est celui d'une coopérative de crédit sous réglementation fédérale. Nous avons des coopératives de crédit qui s'adressent soit aux fonctionnaires, soit...

Le sénateur Tkachuk : Je sais. Ce n'est pas ce que je vous demande. Je vous demande quel type de fonctionnaires serait qualifié pour siéger au conseil d'administration d'une coopérative de crédit. De quel bassin proviendraient-ils?

M. Rudin : On peut imaginer des fonctionnaires qui décideraient d'assumer des fonctions au sein d'une coopérative de crédit après en avoir été des membres actifs et avoir siégé au conseil pendant assez longtemps.

Le sénateur Tkachuk : Si la Banque Royale cherchait des candidats, quels sont les fonctionnaires qui pourraient prétendre siéger au conseil d'administration d'une banque?

M. Rudin : Je ne sais pas exactement quels seraient les fonctionnaires qui auraient les compétences nécessaires pour siéger au conseil d'administration d'une banque. Les nouvelles dispositions feraient en sorte que cela soit possible dans la mesure où le candidat ne serait pas en conflit d'intérêts.

Le sénateur Tkachuk : Alors, je ne vois pas l'utilité de modifier la loi. Est-ce que nous faisons tout cela uniquement pour les coopératives de crédit?

La sénatrice Ringuette : Non, non.

Le sénateur Tkachuk : Je ne comprends pas. Si personne n'est admissible et que nous apportons ces modifications afin de permettre aux coopératives de crédit de conserver dans leurs conseils d'administration une personne qui est déjà fonctionnaire — chose qui me dépasse — lorsqu'elles seront placées sous réglementation fédérale, cette disposition de la loi fera en sorte que l'administrateur en question pourra rester en fonction?

M. Rudin : C'est exact.

Le sénateur Tkachuk : Est-ce que je suis le seul à ne pas comprendre?

La sénatrice Ringuette : Non, non.

Le sénateur Tkachuk : Comme je n'y comprends rien, laissez-moi poser une autre question.

Prenons le cas d'un fonctionnaire qui prend sa retraite. Doit-il attendre quelques années avant de pouvoir siéger à un conseil d'administration? Autrement dit, un fonctionnaire qui quitte le ministère des Finances peut-il siéger au conseil d'administration d'une banque au bout d'un an, deux ans, trois ans ou cinq ans? Combien de temps doit-il attendre, à moins qu'aucun délai ne lui soit imposé?

Le président : Madame Dawson, voulez-vous répondre à cette question?

Mme Dawson : La plupart de ces personnes ne seraient pas concernées par la loi que je suis chargée d'appliquer, telle qu'elle est libellée actuellement, mais si elles l'étaient, un délai d'un an s'appliquerait. La période de restriction s'applique dans la mesure où les fonctionnaires ont eu des échanges directs, significatifs et officiels avec l'entité qui leur propose un travail. Ils peuvent accepter ce travail dans la mesure où leurs fonctions antérieures ne les amenaient pas à interagir avec cette entité.

Le sénateur Tkachuk : Très bien.

Une question brève. Les connaissances spécialisées que possèdent ces personnes — dont vous voulez agrandir le bassin — sont dans le domaine de la finance, des banques, des agences de valeurs mobilières, et cetera. Par conséquent, leur mutation dans un autre ministère ne les rendrait pas admissibles. Après leur départ en retraite, elles devraient seulement attendre un an.

Mme Dawson : À supposer qu'il y ait un problème au départ.

Le sénateur Tkachuk : Chaque année, de nombreux fonctionnaires prennent leur retraite et ils pourraient très bien siéger à ces conseils d'administration sans qu'il soit nécessaire de recruter des candidats dans la fonction publique elle- même. Qu'est-ce que vous en pensez? Un fonctionnaire prend sa retraite à 58 ou 60 ans. Il lui suffit donc d'attendre une année avant de pouvoir siéger au conseil d'administration d'une banque. Pourquoi avons-nous besoin d'apporter des modifications à la loi?

M. Rudin : Je vais vous renvoyer à la déclaration d'un autre sénateur.

Le gouvernement ne pense pas que ces mesures soient indispensables pour que l'on puisse disposer d'un bassin suffisamment grand de personnes qualifiées. Je ne brandis pas la menace d'une catastrophe. Tout ce que nous disons, c'est que le gouvernement estime que les restrictions qui s'appliquent actuellement sont inutiles, étant donné que les conflits d'intérêts sont soumis à un cadre très rigide qui s'applique aussi bien aux institutions sous réglementation fédérale qu'aux fonctionnaires eux-mêmes. Ces règles ont pour effet de réduire inutilement le bassin de candidats qualifiés — interdisant particulièrement mais pas exclusivement aux administrateurs de sociétés d'État de siéger parallèlement au conseil d'administration d'une institution financière. C'est pourquoi le gouvernement propose de changer cet état de chose.

La sénatrice Ringuette : Madame Dawson, vous êtes chargée d'administrer la Loi sur les conflits d'intérêts. Pouvez- vous m'indiquer quel article de cette loi s'appliquerait à un fonctionnaire d'un gouvernement provincial?

Mme Dawson : Aucun.

La sénatrice Ringuette : Exactement.

Monsieur Rudin, quelles sont les compétences du ministère des Finances que cette modification de la loi se propose de changer en ce qui a trait aux fonctionnaires des gouvernements provinciaux? Vous incluez un groupe de personnes qui ne relève pas de vos compétences. Les employés d'un gouvernement provincial sont assujettis aux lois du gouvernement de leur province. Mme Dawson vient de nous confirmer que les fonctionnaires d'un gouvernement provincial visés par cette modification ne sont pas soumis à la Loi fédérale sur les conflits d'intérêts.

M. Rudin : Le gouvernement fédéral impose, par l'intermédiaire du Bureau du surintendant des institutions financières, l'obligation pour les institutions financières sous réglementation fédérale de disposer d'une politique sur les conflits d'intérêts applicable à leurs administrateurs qui, à notre avis, est suffisante. De plus, le Code de valeurs et d'éthique de la fonction publique fédérale offre une double protection dans le cas des fonctionnaires fédéraux qui pourraient occuper un poste plus critique vis-à-vis des institutions financières sous réglementation fédérale.

Vous avez tout à fait raison de dire que les fonctionnaires provinciaux ne sont pas soumis au code d'éthique du gouvernement fédéral. Cependant, le gouvernement exige que les institutions financières sous réglementation fédérale soient dotées d'une politique sur les conflits d'intérêts applicable à leurs administrateurs et cette politique s'applique bien entendu aux fonctionnaires provinciaux qui ne sont pas employés par le gouvernement qui régit les institutions sous réglementation fédérale. La politique sur les conflits d'intérêts des conseils d'administration imposée par le Bureau du surintendant, suffit bien à la tâche.

La sénatrice Ringuette : Madame Dawson, avez-vous consulté vos homologues provinciaux au sujet de cette disposition concernant les fonctionnaires provinciaux?

Monsieur Rudin, avez-vous communiqué avec les différentes provinces pour vérifier si elles appuient une telle modification?

Mme Dawson : Je n'ai consulté personne, puisque je n'ai pas participé à la préparation de ce projet de loi. Je crois que des représentants du ministère des Finances ont consulté le personnel de mon bureau il y a quelques mois pour vérifier comment s'appliquait notre loi, mais c'était une réunion à teneur générale. Je n'ai absolument pas participé à la rédaction de ce projet de loi.

M. Rudin : Si je me souviens bien, je n'ai pas consulté les gouvernements provinciaux et je pense que mon personnel ne l'a pas fait non plus. Un gouvernement provincial qui souhaiterait interdire à ses fonctionnaires de siéger au conseil d'administration d'une institution financière sous réglementation fédérale dispose de tous les pouvoirs nécessaires pour le faire.

Le sénateur Black : En tant qu'avocat, je cherche toujours à comprendre l'autre côté de la question. Malheureusement, je n'y parviens absolument pas ici. N'hésitez pas à rectifier si je suis dans l'erreur, mais je crois que vous proposez tout simplement de rationaliser et de moderniser un processus concernant les protections, comme l'a indiqué Mme Dawson. Cela ne me pose aucun problème, mais mes collègues me font penser que je devrais peut-être m'inquiéter des autres possibilités en jeu. Dites-moi ce qui m'échappe?

M. Rudin : Sénateur, je me donne pour défi de répondre à toutes les questions, mais je dois avouer que je n'ai pas de réponse à celle-ci. Je dois me contenter de vous dire que nous avons un très robuste...

Le sénateur Black : Votre objectif est de moderniser et de rationaliser. Il n'y a pas de quoi brandir un épouvantail. Vous cherchez simplement à resituer ce code et ses dispositions dans un contexte moderne en soulignant que ces protections existent déjà.

M. Rudin : Exactement, et l'introduction de ces protections est probablement postérieure aux restrictions, ce qui fait que ces dernières ne sont plus utiles ni pertinentes.

Le sénateur Black : Madame Dawson, êtes-vous d'accord?

Mme Dawson : Un certain nombre de ces protections figurent dans les différentes lois. Comme je ne les connais pas toutes, je ne peux pas vous donner mon opinion à ce sujet. Un grand nombre de dispositions de la Loi sur les conflits d'intérêts se rapportent à ce genre de situation.

Le sénateur Black : Très bien. Merci.

[Français]

La sénatrice Hervieux-Payette : Est-ce que la Loi sur la fonction publique couvre tous les fonctionnaires en termes de leurs obligations vis-à-vis leurs services au public? Est-ce que cette loi couvre tous les employés, y compris les sous- ministres, les sous-ministres adjoints, les directeurs, et cetera?

Mme Dawson : Non, elle couvre seulement les hauts fonctionnaires et ceux qui sont nommées par le gouverneur en conseil.

La sénatrice Hervieux-Payette : Quelle loi régit les employés de l'État?

Mme Dawson : Ce n'est pas une loi qui les régit, c'est un code.

La sénatrice Hervieux-Payette : Donc, les conditions sont contenues dans un code qui a le même statut qu'un règlement?

Mme Dawson : Non.

La sénatrice Hervieux-Payette : Non?

Mme Dawson : Non.

La sénatrice Hervieux-Payette : Donc, ce code est sous la supervision unique du gouvernement.

Mme Dawson : Oui, c'est ce que je comprends.

La sénatrice Hervieux-Payette : Je pense que ce qui nous rend le plus inconfortables, c'est de ne pas savoir si les employés de la fonction publique seront là pour servir le public ou pour servir les actionnaires. Je pense que c'est la grande question qui se pose derrière la philosophie de cette loi.

Il est possible que les deux puissent coïncider. Mais, entre vous et moi, est-ce qu'avec le service public, qui sert toute la population canadienne, on peut avoir des problèmes pour ce qui est de servir les actionnaires lorsque des décisions sont prises au sein des conseils d'administration?

Monsieur Rudin, je vous ai posé la question et vous n'avez pas répondu. Qu'arrivera-t-il avec la rémunération des membres qui siègent aux conseils d'administration? Quand on gagne 150 000 $, et un jeton pour chaque réunion des banques, est-ce que c'est un salaire en plus des prêts à un taux d'intérêt favovable, ce qui existe à l'heure actuelle au niveau des banques? Quel sera le degré d'objectivité des membres de ces conseils d'administration?

M. Rudin : Au risque de me répéter, en ce qui concerne le Code des valeurs et d'éthique pour les fonctionnaires du gouvernement fédéral, il est clair qu'un fonctionnaire fédéral peut occuper un autre type d'emploi, par exemple un emploi à temps partiel. C'est permis mais seulement si cela ne place pas le fonctionnaire en position de conflit d'intérêts réel ou perçu.

La sénatrice Hervieux-Payette : Je veux juste faire une suggestion avec laquelle la sénatrice Ruth sera d'accord. S'il y a pénurie de personnes compétentes pour siéger aux conseils d'administration, il y a 52 p. 100 des femmes actuellement sur le marché du travail qui seraient certainement capables d'aider les banques à mieux gérer.

Par contre, je veux savoir quelle est la protection qu'on va accorder à tous les Canadiens? Comment seront-ils protégés quand on ne sait même pas qui sera couvert? Mme Dawson nous a dit tantôt que cela viendra dans un règlement qu'on ne connaît pas au moment où on applique la loi. Donc, on ne sait pas quel type de personne sera couvert.

Madame Dawson, ai-je bien compris que vous nous avez dit que cela viendra plus tard et que vous ne le savez pas parce que vous n'y avez pas participé?

Mme Dawson : Oui, mais c'est possible que beaucoup de ces personnes soient régies par le Code des valeurs de la fonction publique. Mais je ne connais pas les détails.

La sénatrice Hervieux-Payette : Qui appliquera l'éthique si vous ne couvrez pas ces gens? Où cela sera-t-il fait?

Mme Dawson : Il y a un bureau au sein du gouvernement qui s'occupe du code.

La sénatrice Hervieux-Payette : Donc, on a deux sortes d'éthique au gouvernement. Il y a deux organisations?

Mme Dawson : Oui.

La sénatrice Hervieux-Payette : Peut-être qu'on devrait inviter les autres parce que Mme Dawson ne couvrira pas tout. Il me semble que ce sont ceux qui sont chargés de l'application du code d'éthique des fonctionnaires qui devraient comparaître devant le comité parce qu'à l'heure actuelle on n'a pas l'information de la part de ces gens.

[Traduction]

Le président : Madame Dawson, merci d'avoir participé à la discussion concernant la Section 2.

Monsieur Rudin, je suppose que vous allez vous entourer d'autres conseillers puisque nous allons passer à l'étude de la Section 3.

M. Rudin : Ce ne sera pas long.

Le président : Vous pouvez peut-être nous présenter votre nouvelle spécialiste.

M. Rudin : En effet. Pour présenter au comité la Section 3, je suis accompagné d'Eleanor Ryan, une dirigeante de notre direction.

Permettez-moi de situer le contexte entourant la Section 3. Les membres du comité se souviennent peut-être qu'en 2012, à l'occasion de la révision des lois relatives aux institutions financières, le projet de loi S-5 avait imposé l'obligation de faire approuver par le ministre des Finances un certain type particulier d'opération — soit une opération par laquelle une institution financière sous réglementation fédérale d'une certaine importance fait l'acquisition d'une institution financière étrangère, lorsque cette acquisition est suffisamment importante compte tenu de la taille préexistante de l'institution financière sous réglementation fédérale. Le projet de loi exigeait d'obtenir l'approbation du ministre des Finances avant de pouvoir procéder à une telle opération.

Depuis, nous avons constaté que certains membres de l'industrie estimaient que cette disposition était libellée de telle manière qu'elle s'appliquerait à certaines de ces opérations, mais que d'autres lui échapperaient en raison de leur structure particulière. Le gouvernement a toujours eu l'intention d'appliquer les mêmes exigences à toutes les opérations, quelle que soit leur structure. Pour plus de clarté, le gouvernement propose d'apporter des modifications techniques afin de s'assurer que l'obligation d'obtenir l'approbation ministérielle s'applique à tous ces types d'opération, quelle que soit leur structure.

[Français]

La sénatrice Hervieux-Payette : Il n'y a pas tellement longtemps, une banque canadienne a acquis les opérations de MBNA et c'était quand même une transaction très élevée. Est-ce que cette situation serait couverte avec les nouveaux articles?

M. Rudin : Je m'excuse. Pourriez-vous répéter votre question?

[Traduction]

La sénatrice Hervieux-Payette : La carte de crédit MBNA était gérée par une banque américaine au Canada. Elle a été vendue — je devrais dire aux enchères — à une banque. Bien entendu, c'est la meilleure offre qui l'a emporté et cette carte de crédit est désormais gérée par des Canadiens. Est-ce que les articles du projet de loi couvriraient aujourd'hui une telle opération?

M. Rudin : Il faudrait que j'examine les détails de cette opération. À première vue, je dirais que non, parce que je crois que l'acquisition portait sur les services canadiens de MBNA.

La sénatrice Hervieux-Payette : Oui.

M. Rudin : Je ne pense pas que cette acquisition était suffisamment importante pour nécessiter une telle approbation, mais je vérifierai ces deux points.

La sénatrice Hervieux-Payette : Si j'ai bien compris, les services d'une banque suisse ou d'une autre banque étrangère au Canada ne seraient pas visés. Les nouveaux articles s'appliquent-ils donc uniquement en cas d'acquisition par des banques canadiennes de banques étrangères établies à l'extérieur du pays?

M. Rudin : À l'étranger. C'est en effet ce que visent les articles.

La sénatrice Hervieux-Payette : Les actionnaires seront-ils mieux protégés? J'ai la version française.

[Français]

[...] par l'acquisition d'actions.

Donc, c'est pour s'assurer que toutes les transactions, qu'importe la façon dont la transaction se fait, soient couvertes et que le ministre les autorise afin de sécuriser le secteur bancaire canadien?

M. Rudin : Oui, c'est exact. Ceci étant dit, le ministre peut faire plusieurs considérations, incluant les meilleurs intérêts du secteur financier canadien.

La sénatrice Hervieux-Payette : J'ai presque envie de vous dire que c'est l'envers de la Loi sur les investissements étrangers. Est-ce qu'il y aura une réglementation qui mettra des limites par exemple? Parce qu'il reste quand même que souvent ce sont des montants substantiels. Quand les banques canadiennes achètent des opérations surtout aux État- Unis, mais elles peuvent avoir d'autres opérations dans d'autres pays. Est-ce qu'il y a des plafonds qui sont envisagés, des pourcentages? Est-ce que tout ça va venir avec les lois existantes?

M. Rudin : Il n'y a pas de plafond comme tel. Il y a un seuil minimal pour ce type de transaction qui exige l'approbation du ministre. Le ministre a le pouvoir de prendre ces décisions au cas par cas.

La sénatrice Hervieux-Payette : Cela ne pourrait pas affecter les dernières exigences de la capitalisation des banques, par exemple?

M. Rudin : La capitalisation des banques et ses exigences sont gérées par le surintendant, et cela continue d'être pertinent.

Le sénateur Maltais : À titre d'information, nous sommes en voie de signer un traité de libre-échange avec l'Europe. Est-ce que cela couvre également le secteur financier?

M. Rudin : Oui, il y a des aspects pertinents au secteur financier dans cet accord.

Le sénateur Maltais : Prenons l'exemple des cartes de crédit. La Banque nationale de Paris pourrait-elle émettre des cartes de crédit au Canada ou vice versa?

M. Rudin : Dans notre régime, les institutions financières doivent avoir l'approbation du surintendant pour participer sur le marché canadien. Les exigences varient à savoir s'ils songent à avoir une succursale ou une filiale.

Le sénateur Maltais : Ce qui veut dire que les banques européennes émettrices de cartes de crédit pourraient se servir du territoire canadien comme clientèle?

M. Rudin : C'est déjà le cas. Nous avons un accord de principe. Il reste quelques détails à déterminer, mais déjà des banques européennes sont actives sur le marché canadien. La HSBC, par exemple, a une filiale et plusieurs branches, surtout dans l'Ouest du pays. D'autres banques européennes ont des succursales, comme, par exemple, la Deutsche Bank.

Le sénateur Maltais : Le ministère des Finances Canada peut-il exercer une surveillance de ces institutions financières qui ont des succursales ici?

M. Rudin : Le gouvernement fédéral exerce une supervision par l'entremise du Bureau du surintendant des institutions financières.

[Traduction]

Le président : Madame Ryan, vous n'avez pas eu grand-chose à dire. Est-ce que vous voulez ajouter quelque chose?

Eleanor Ryan, chef principal, Division des institutions financières, ministère des Finances Canada : Je suis du même avis que mon chef.

Le président : Merci beaucoup.

Monsieur Rudin, vous allez maintenant réunir votre panel pour la discussion consacrée à la Section 9. Veuillez présenter les personnes qui vous accompagnent.

M. Rudin : Je suis accompagné maintenant de Kevin Wright et Will Paterson, de ma direction, qui seront heureux de m'aider à répondre à vos questions au sujet de la Section 9.

Monsieur le président, j'ai bien conscience que la dernière fois que je me suis adressé à votre comité au sujet de la réforme dans le domaine des produits dérivés de gré à gré, j'ai eu de la difficulté à bien me faire comprendre. Par ailleurs, je serai très bref dans ma présentation, car je suis également conscient du temps limité dont nous disposons. Bien entendu, nous sommes ici pour répondre à vos questions, quel que soit le niveau de détail que vous souhaiterez connaître.

Permettez-moi de rappeler aux membres du comité que depuis la crise financière, les dirigeants du G20 ont adopté un programme de réforme du marché des produits dérivés de gré à gré afin de le rendre plus solide pour qu'il ne soit pas une source d'instabilité dans les marchés financiers. Un aspect important de ce programme a consisté à encourager l'utilisation de garanties dans ces transactions.

En bref, ces transactions mettent en scène deux contreparties et, comme c'est parfois le cas, l'évolution des marchés financiers faisant en sorte que le contrat est plus avantageux pour une contrepartie que pour l'autre, les contreparties ont l'habitude de déposer certaines garanties pour l'autre partie. Dans l'éventualité où elles ne parviendraient pas à respecter leurs obligations, la garantie déposée deviendrait la propriété de l'autre contrepartie. Plusieurs parties de ce programme ont encouragé l'utilisation de garanties dans ce secteur. Le gouvernement du Canada a pris un certain nombre de mesures pour appuyer ces initiatives.

Il s'agit d'un changement minime mais néanmoins significatif pour la raison suivante : plusieurs de nos sociétés d'État sont actives dans le marché des produits dérivés de gré à gré. Certaines d'entre elles sont limitées par la loi et ne peuvent déposer de garantie pour couvrir leurs obligations à l'égard de leurs contreparties dans une transaction de produits dérivés de gré à gré. Cette modification donnerait au ministre des Finances le pouvoir de désigner certaines sociétés d'État afin de leur permettre de déposer une partie de leurs actifs en garantie. Cette désignation serait assortie de certaines conditions et ne serait accordée qu'aux sociétés d'État qui procéderaient de la sorte pour assurer leurs risques financiers.

Je me tiens à la disposition des membres du comité pour répondre à leurs questions.

Le président : Merci. Nous allons commencer par la vice-présidente du comité, la sénatrice Hervieux-Payette.

[Français]

La sénatrice Hervieux-Payette : D'abord, est-ce que la plupart des pays du G20 ont accepté cette norme pour leurs sociétés de la Couronne? Deuxièmement, comment cette mesure va-t-elle mieux protéger nos sociétés de la Couronne des aléas du marché?

M. Rudin : Bonne question. En ce qui concerne les autres pays, je vais vérifier. Pour la Banque d'Angleterre, du Danemark, et de la Suède, à ce jour, nous avons adopté une telle politique.

D'autre part, je ne dirais pas que cela protégera mieux nos sociétés de la Couronne. Selon la pratique actuelle, lorsque les sociétés de la Couronne qui n'ont pas actuellement le droit de donner des garanties entrent dans ces transactions, elles sont protégées à condition que la contrepartie donne une garantie. Il faut alors rechercher des contreparties qui acceptent que la société de la Couronne ne donne pas de garantie.

Il ne s'agit probablement pas d'augmenter les garanties reçues par les sociétés de la Couronne. Pourquoi donc est-ce important? C'est parce que cela réduira le coût d'entrer dans ces transactions. Si la société de la Couronne refuse et ne peut pas donner de garantie, les prix de ces transactions seront plus élevés pour la société dû au fait que la contrepartie demande une compensation pour ne pas avoir obtenu de garantie. Ceci empêche également les sociétés de la Couronne de participer à l'amélioration de la gestion de ces marchés.

[Traduction]

Le sénateur Massicotte : Je veux m'assurer de bien comprendre l'objectif de ces modifications. Je vais les replacer dans le contexte suivant.

Nous avons déjà entendu plusieurs témoins à ce sujet. Nous avons pu constater en 2008 que toutes ces opérations et tous les autres produits souffraient d'un manque de transparence. Par conséquent, le monde a réclamé plus de transparence et un échange garanti des titres, pensant que nous avions besoin d'un adossement pour éviter que cela ne s'écroule, parce que nous ne savions plus où nous en étions. Nous ne savions plus sur quoi portaient les garanties ni quelle était la portée du risque.

Certains témoins nous ont parlé aussi des services qu'ils offraient, parce qu'il faut trouver quelqu'un, bien entendu, pour fournir la documentation à l'agent comptable des registres — et beaucoup de témoins nous ont dit que c'était leur spécialité. En revanche, lorsqu'on leur posait des questions, il était très clair qu'ils souhaitaient offrir leurs services mais pas nécessairement fournir de garantie pour ces opérations. Il faut s'assurer que tout le château de cartes ne s'écroule pas. Ils voulaient que quelqu'un d'autre se porte garant. Ils disaient qu'ils pouvaient s'occuper de toute l'opération, mais qu'ils ne fournissaient pas la garantie.

La solution est-elle d'offrir un adossement? Il faut que quelqu'un fournisse une certaine assurance au marché afin qu'avec toutes les opérations qui se font dans le monde entier, on puisse, dans le pire des cas, s'appuyer sur son propre côté de l'opération, sans avoir à s'inquiéter que tout le château de cartes ne s'effondre. Est-ce ce type de problème que nous sommes en train de résoudre ici? L'intention est-elle ici d'offrir un adossement aux opérations que le gouvernement souhaite effectuer par souci d'efficience financière, afin de s'assurer que ce château de cartes ne s'écroule pas? Est-ce ce que nous visons ici?

M. Rudin : Nous ne proposons pas que le gouvernement du Canada adosse une grande variété d'opérations. Ceci est important pour deux raisons. Par exemple, en vertu des règles de fonds propres, les institutions financières du monde entier doivent mettre de côté des fonds propres pour contrebalancer leurs risques. Le comité de Bâle a adopté de nouvelles règles exigeant que les institutions financières adoptent une approche plus prudente des risques qu'elles prennent. De manière générale et en particulier dans le cas de transactions financières de produits dérivés de gré à gré, quand nos sociétés d'État à vocation financière ne peuvent déposer une garantie au moment d'effectuer une opération avec une institution financière, cette dernière pourra conclure : « Si vous ne pouvez pas nous donner de garantie, nous devrons prendre des précautions supplémentaires, bloquer plus de fonds propres, et l'opération vous coûtera plus cher. » Ce que nous faisons consiste en partie à permettre tout simplement aux sociétés d'État à vocation financière d'effectuer de telles transactions à moindres coûts. Désormais, elles devront déposer des garanties, ce qui entraîne certains coûts également, mais cette approche est néanmoins encouragée dans le monde entier.

Les nouvelles dispositions auront également une autre utilité, indirecte toutefois, du fait qu'elles inciteront, dans la mesure du possible, à remplacer les opérations entre deux contreparties par des opérations par l'intermédiaire d'une contrepartie centrale; et pour que le système de la contrepartie centrale fonctionne bien, un dépôt de garantie est nécessaire.

Le sénateur Massicotte : Je veux m'assurer de bien comprendre. La première partie est claire. En d'autres termes, si la société d'État prend personnellement part à l'opération, les dispositions proposées lui permettront de mettre des fonds propres en garantie, afin de réduire les coûts de l'opération. Ceci est normal.

Dans la deuxième partie, vous semblez indiquer que les sociétés d'État pourraient prendre part à des opérations — non pas pour elles-mêmes, au profit de l'ensemble de la population canadienne — mais pour offrir un coussin ou l'assurance de cette transparence sur le marché. Est-ce vraiment l'objectif de ce projet de loi?

M. Rudin : Non, ce n'est pas ce que nous proposons, monsieur le sénateur.

Avec les autres pays du G20, nous encourageons ou nous exigeons la compensation centrale des transactions de produits dérivés de gré à gré. Nous ne proposons pas que le gouvernement du Canada ou ses sociétés d'État offrent des services de compensation centrale. Cependant, nous voulons que les transactions auxquelles elles prennent part fassent l'objet, chaque fois que possible, d'une compensation centrale fournie par un autre organisme. En l'absence de garantie, cela serait difficile, voire impossible.

Le sénateur Massicotte : Vous offrirez une garantie seulement lorsque la société d'État a un intérêt personnel dans la transaction.

M. Rudin : Exactement.

Le sénateur Massicotte : Il n'est donc pas question d'offrir une sécurité au marché en affirmant que vous êtes prêts à adosser toutes les transactions?

M. Rudin : Non.

Le président : Avez-vous quelque chose à ajouter, monsieur Paterson ou monsieur Wright? Si ce n'est pas le cas, nous vous remercions de votre participation.

Monsieur Rudin, nous allons passer maintenant à la Section 13 qui nous rappelle de nombreux souvenirs du temps où nous examinions la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes.

Monsieur Rudin, voulez-vous nous présenter votre collaboratrice et faire votre exposé préliminaire?

M. Rudin : Monsieur le président, je suis accompagné de Rachel Grasham, dirigeante de notre direction.

Dans cette section, le gouvernement propose d'apporter des modifications aux articles 11 et 65 de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes que nous appelons souvent la LRPCFAT.

Dans une récente décision, la Cour d'appel de la Colombie-Britannique a relevé une certaine ambiguïté dans l'interprétation potentielle de ces dispositions. Permettez-moi de rappeler aux membres du comité que cela découle de la contestation de l'application de la LRPCFAT à la profession juridique, contestation qui a été entendue par les cours de deux paliers de la Colombie-Britannique et sera entendue par la Cour suprême du Canada.

Les modifications proposées permettront d'établir de façon plus claire les intentions initiales du gouvernement lors de l'adoption de la LRPCFAT. Le gouvernement estime que ces modifications rendront plus claire l'intention déjà existante du législateur et apporteront un plus grand degré de certitude à propos des points soulevés par la Cour d'appel de la Colombie-Britannique dans ce domaine.

Examinons tout d'abord l'article 11. Il se rapporte aux entités qui sont généralement des organes ou des agents chargés de transmettre des renseignements se rapportant au blanchiment d'argent au CANAFE, notre organisme du renseignement financier. L'article 11 stipule actuellement que les entités ne sont pas tenues de divulguer les renseignements protégés par le secret professionnel. La modification que l'on se propose d'apporter à l'article 11 vise à énoncer clairement que cette protection interdit également aux entités de divulguer de tels renseignements au CANAFE, quelles que soient les circonstances, même lorsque le CANAFE effectue une vérification de conformité, c'est-à-dire lorsqu'il vérifie si l'entité respecte ses obligations de compte rendu en vertu de la LRPCFAT.

Passons à l'article 65. Lorsque les entités déclarantes sont trouvées en infraction par rapport à leurs obligations en vertu de la LRPCFAT, obligations qui pourraient les amener à confirmer l'identité des personnes avec lesquelles elles effectuent des opérations dont elles sont tenues de rendre compte, l'article 65 existant permet au CANAFE de divulguer ces cas de non-conformité à un organisme d'application de la loi, aux fins de mener une enquête criminelle au sujet de cette non-conformité.

Les entités déclarantes doivent respecter les exigences de la LRPCFAT et les infractions suffisamment graves aux exigences peuvent être considérées comme des infractions criminelles. Cela autorise le CANAFE à divulguer certains renseignements pour faciliter l'enquête policière. Comme je l'ai dit, ces divulgations de non-conformité à un organisme d'application de la loi doivent se limiter aux cas graves susceptibles de révéler une non-conformité criminelle selon les exigences du CANAFE. Depuis 2001, on a rapporté une quarantaine de divulgations de ce type — soit une moyenne annuelle de trois ou quatre seulement.

Les modifications proposées visent à préciser que lorsque l'organisme d'application de la loi reçoit ces renseignements — révélant donc une violation de la LRPCFAT — il ne peut les utiliser que pour faire enquête sur une contravention criminelle à la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et non pas pour enquêter sur d'autres crimes auxquels la personne ou l'entité assujettie à la loi aurait pu participer. Ces divulgations de renseignements de contravention à un organisme d'application de la loi ne peuvent servir que dans le cadre d'une enquête sur la violation criminelle de la LRPCFAT et ne peuvent pas être utilisées dans le cadre d'une enquête sur un autre crime auquel soit l'entité déclarante, soit ses clients ou contreparties auraient pu participer.

Cela étant dit, je serais heureux de répondre maintenant à vos questions.

La sénatrice Ringuette : Monsieur Rudin, je dois dire que vous me paraissez très précieux lorsque vous affirmez que la modification proposée permettrait d'apporter des précisions aux dispositions de la loi afin de faire en sorte qu'elle soit plus conforme à la volonté initiale du gouvernement. Notre comité a effectué un examen complet du CANAFE au moment-même où le gouvernement du Canada était devant les tribunaux pour tenter de faire valoir que les dispositions de la loi n'exigent pas la divulgation de renseignements protégés par le secret professionnel.

Je crois que jusqu'à présent le gouvernement a perdu sa cause en ce qui a trait à la protection du secret professionnel; n'est-ce pas?

M. Rudin : Les litiges concernent l'application de la LRPCFAT à la profession juridique et il faut reconnaître que le gouvernement du Canada a été débouté aux deux instances des cours de la Colombie-Britannique.

La sénatrice Ringuette : En effet. Par conséquent, il est un peu exagéré de mentionner dans les documents que nous avons ici l'intention politique du gouvernement.

Quant à la question qui me préoccupe, je vais revenir au commentaire que j'ai fait un peu plus tôt lorsque j'ai affirmé qu'il y avait toujours une demande ou un événement particulier à la base de toute loi. Pourriez-vous nous dire quel est l'événement qui a fait en sorte que le CANAFE demande, avec rétroactivité jusqu'en 2010, que les renseignements fournis à un organisme d'application de la loi puissent servir à cet organisme uniquement pour enquêter sur l'intention criminelle particulière constatée dans les renseignements détenus par le CANAFE? Quelle est la raison pour laquelle on demande cette rétroactivité jusqu'en 2010?

M. Rudin : Permettez-moi de vérifier avec ma collègue au sujet de la rétroactivité.

Les aspects dont j'ai parlé ne sont pas rétroactifs et s'appliqueront uniquement à l'avenir. Cela étant dit, le souhait du gouvernement — et je pense que les avocats du gouvernement ont plaidé en ce sens à la Cour d'appel de la Colombie-Britannique — était de faire appliquer dans l'ensemble de la loi la disposition concernant la non-divulgation des renseignements protégés par le secret professionnel, tel qu'indiqué à l'article 11. La Cour d'appel de la Colombie- Britannique a statué que ce n'était pas ou ne pouvait pas être le cas — je ne suis pas avocat. C'est pourquoi, la modification proposée de l'article 11 énoncerait clairement que cette protection empêcherait les entités déclarantes de divulguer des renseignements protégés par le secret professionnel au CANAFE en toute circonstance, même lorsqu'il effectue des vérifications de conformité.

Comme je l'ai dit, je pense que le gouvernement était convaincu que c'était déjà le cas — tout au moins telle était son intention — même avant la présentation de cette modification. Cependant, la Cour d'appel de la Colombie- Britannique ayant décrété que cette protection paraissait à tout le moins incertaine, cette modification vise à énoncer clairement cette notion.

La sénatrice Ringuette : Dans le document que j'ai en main, on peut lire, à l'article 281, que cet article inscrit des dispositions de coordination dans la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes de façon à incorporer les modifications apportées aux termes de la Loi de 2010 sur l'emploi et la croissance économique à l'article 11 et au paragraphe 65(3). C'est rétroactif.

Vous n'avez pas répondu à la deuxième partie de ma question concernant la demande ou l'événement qui est à l'origine de l'interdiction faite à un organisme d'application de la loi au Canada d'utiliser les renseignements obtenus du CANAFE.

M. Rudin : Comme nous l'avons dit, la question de l'application de la LRPCFAT à la profession juridique sera entendue par la Cour suprême du Canada. Comme nous l'avons vu, le gouvernement du Canada a perdu ces deux causes devant la Cour d'appel de la Colombie-Britannique, il faut bien le reconnaître. La Cour d'appel de la Colombie- Britannique a fait état de deux préoccupations. La première est l'incapacité potentielle de la loi à accorder une protection suffisante aux renseignements protégés par le secret professionnel et la cour s'est également inquiétée de l'utilisation dans d'autres contextes des renseignements communiqués à un organisme d'application de la loi à propos de la violation de la LRPCFAT. C'est donc dans ce but que le gouvernement souhaite apporter des précisions au sujet de l'esprit initial de la loi qui figure déjà selon lui dans ces dispositions.

Comme vous l'avez fait remarquer, certaines dispositions de la loi ne sont pas encore entrées en vigueur, et il est nécessaire d'achever cette tâche afin de pouvoir s'appuyer sur des dispositions de coordination pour donner un plein effet aux modifications proposées des articles 11 et 65. L'événement déclencheur est intervenu lorsque le gouvernement a appris que la Cour d'appel de la Colombie-Britannique s'est montrée en désaccord avec le gouvernement du Canada au moins en partie à cause de l'incertitude ou de certaines préoccupations relativement à l'effet de ces dispositions. Le gouvernement cherche à préciser le plus rapidement possible l'objet de ces dispositions et à répondre aux préoccupations exprimées par la Cour d'appel de la Colombie-Britannique.

La sénatrice Ringuette : À moins que quelque chose m'ait échappé, je pense que vous n'avez pas répondu à la question que j'ai posée. Je comprends la notion de protection des renseignements en vertu du secret professionnel. Ça c'est une chose.

L'autre question que nous examinons dans la Partie 3 concerne l'utilisation des renseignements que le CANAFE fournit aux organismes d'application de la loi.

M. Rudin : Je suis désolé, madame la sénatrice.

La sénatrice Ringuette : Oui, sans aucun doute. Merci.

[Français]

La sénatrice Hervieux-Payette : J'ai une question très simple, pour les gens qui ont suivi les travaux de notre comité sur le CANAFE. On s'est aperçu qu'il n'y avait qu'un seul joueur sur la scène nationale qui n'était pas couvert, en ce sens qu'il n'était pas obligé de révéler aucune information concernant les transactions en argent comptant de 10 000 $ et un sou. La présente loi n'a pas pour effet de porter atteinte au secret professionnel du conseiller juridique. Est-ce la position finale du gouvernement ou est-ce que le gouvernement n'ose pas, pendant que la cause est devant le tribunal, intervenir sur cette question? Je pensais que la question fondamentale était que tous les Canadiens et toutes les institutions soient couverts. Là, on commence avec l'article 279, où on réaffirme que les amendements n'ont pas pour effet de porter atteinte au secret professionnel. Ce qui veut dire que tout ce qui s'appelle membres de la mafia, qui font appel à un bureau d'avocat pour se défendre dans une cause, à l'heure actuelle, s'ils sont payés en argent comptant, peuvent encore le faire, selon ce que j'en déduis.

On est tous au courant, mes collègues du Québec en conviendront, de ce qui se passe avec la commission Charbonneau. J'ai l'impression que des transactions en argent comptant, il s'en fait beaucoup. Cela nous inquiète, parce qu'ils ont tous des avocats ces gens. Quel est l'objectif final? Est-ce que, après avoir réaffirmé qu'on est d'accord avec le fait que les avocats ne dévoilent pas le secret professionnel que, par contre, ils continuent à ne pas être couverts par la loi du CANAFE? Alors quel était l'objectif derrière cet article? Recueillir de la preuve? Quelle est l'intention du gouvernement avec les articles 279, 280 et 281?

[Traduction]

M. Rudin : Le gouvernement continue à demander que les articles pertinents de la LRPCFAT s'appliquent à la profession juridique. Il continue à prétendre que cela peut se faire de manière constitutionnelle et souhaite éliminer toute incertitude quant à l'intention et à l'utilisation de la LRPCFAT en présentant des modifications qui vont lui apporter une plus grande clarté.

[Français]

La sénatrice Hervieux-Payette : À l'article 281, je trouve drôle qu'on ait la version anglaise, côté gauche, et la version française, côté droit, mais elle est aussi en anglais. Expliquez-moi donc pourquoi votre projet de loi, en anglais et en français, c'est la même chose. C'est un peu bizarre. Normalement, on aurait la version française; je ne comprends pas.

[Traduction]

Rachel Grasham, chef, Division du secteur financier, ministère des Finances Canada : Oui, on nous a signalé ce détail. C'est le ministère de la Justice qui examine régulièrement les lois afin de s'assurer de la concordance entre la version anglaise et la version française, qui nous a signalé cette anomalie. C'est ce qui explique la présence de ces dispositions. À mon avis, cela tient au fait qu'au Québec les notaires font partie de la profession juridique, si bien que la notion de protection des renseignements protégés par le secret professionnel n'était pas exactement la même en anglais et en français. Il s'agit d'une modification technique.

La sénatrice Hervieux-Payette : Pourtant, l'article 11 en français existe toujours dans la loi originale.

Mme Grasham : Je pense que le ministère de la Justice pourra nous donner des réponses à vos questions, étant donné que c'est lui qui est à l'origine de la modification technique. C'est ce que je crois comprendre.

La sénatrice Hervieux-Payette : Je comprends que l'interprétation puisse être différente au Québec et dans le reste du Canada, mais je ne comprends pas que vous affirmiez que c'est pour une question de concordance. Je suppose que c'est la version anglaise qui comportait un défaut de concordance et c'est la raison pour laquelle elle a été modifiée. Voilà comment je vois les choses, mais j'aimerais que cela soit confirmé, puisque nous n'avons pas de version française sous les yeux.

M. Rudin : Je vais me charger de la confirmation.

Le président : Et on fera circuler la réponse.

M. Rudin : Oui.

[Français]

La sénatrice Hervieux-Payette : Bon, je n'ai pas d'autre question. Dans le fond, je suis d'accord avec le gouvernement sur le fait de couvrir toutes les professions. Surtout, avec ce qui se passe dans ma province, je trouve cela absolument inquiétant et immoral que des gens puissent se soustraire à des lois et y contrevenir, sous prétexte qu'ils sont d'une profession soumise au secret professionnel. À ce moment-là, peut-être que les médecins, qui sont aussi soumis au secret professionnel, pourraient s'exclure.

La sénatrice Ringuette : Les curés aussi!

La sénatrice Hervieux-Payette : C'est vrai, mais il y en a moins.

[Traduction]

Le sénateur Massicotte : Dans le même ordre d'idées — étant donné que nous avons déjà eu cette discussion avec le CANAFE — vous proposez ces modifications afin de remédier à la faille ou aux faiblesses décelées par le jugement de Colombie-Britannique. Votre objectif est-il toujours d'avoir accès aux comptes de fiducie ou à l'information détenue par un avocat pour prouver l'existence d'une fraude ou d'une activité criminelle potentielle quand il y a motif raisonnable de suspecter qu'il y en a une?

M. Rudin : Soyons prudents. Je ne suis pas ici pour évaluer d'une manière ou d'une autre le bien-fondé de la décision de la Cour d'appel de la Colombie-Britannique. Il est évident que l'intention du gouvernement dans ces domaines n'est pas exprimée de manière suffisamment claire dans la loi afin de rassurer les tribunaux à ce sujet. L'objectif est de rendre l'intention du gouvernement plus claire dans la loi grâce à ces dispositions.

[Français]

Le sénateur Massicotte : Mais est-ce toujours votre intention, comme concept, que le CANAFE et les agences de sécurité aient le droit à l'information d'une fiducie, d'un avocat, quand il y a motif raisonnable de suspecter qu'il y a une activité criminelle?

[Traduction]

M. Rudin : Comme je l'ai dit, ces modifications ont pour but de rendre ces notions plus claires. Pour le gouvernement, il ne s'agit pas de modifier l'esprit de la loi telle qu'elle s'applique aux professions juridiques. L'intention du gouvernement, à condition qu'elle soit jugée constitutionnelle ou appliquée en conformité de la Constitution, est que les membres de la profession juridique soient considérés, aux termes de la loi, comme des entités déclarantes, et il n'est pas question de chercher à modifier ces exigences.

[Français]

Le sénateur Massicotte : Donc, vous maintenez votre position initiale, au moment où la loi a été créée. Au point de vue de la deuxième clarification, je me demande si on n'a pas la même réaction. Lors de témoignages antérieurs, on avait un conflit d'informations. Des gens du CANAFE nous avisaient que l'information accumulée, la demande d'information faite par une agence de sécurité, était seulement relative à une fin spécifique. Mais des gens de Revenu Canada nous ont dit que non; quand on accumule l'information, le but était peut-être d'enquêter sur une activité criminelle — fraude ou autre —, mais si cette information montre qu'il y a aussi une irrégularité d'impôt, on peut se servir de cette information pour poursuivre la personne en question. Est-ce qu'on corrige cela?

En d'autres mots, si, lorsque de l'information est recueillie, on trouve d'autres irrégularités que celles soupçonnées, est-ce qu'on peut se servir de cette information? Ou bien est-ce que l'amendement a pour but de dire que, si cela n'est pas en rapport avec l'infraction recherchée au départ, on ne peut pas s'en servir?

[Traduction]

M. Rudin : Ces modifications concernent uniquement les renseignements relatifs au non-respect des exigences qui incombent à l'entité déclarante en vertu de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité. Cette modification énonce clairement — et le gouvernement affirme que telle a toujours été son intention — que les renseignements communiqués aux organismes d'application de la loi relativement au défaut de l'entité déclarante de s'acquitter des obligations qui lui incombent en vertu de la loi, ne devraient être utilisés que dans le cadre d'une enquête criminelle pour contravention à la loi.

Cela n'empêche pas les organismes d'application de la loi d'obtenir ces renseignements, non pas du CANAFE, mais directement auprès d'une entité déclarante ou de son client. Les organismes d'application de la loi ont des outils pour enquêter sur ces infractions criminelles et peuvent notamment obtenir une autorisation judiciaire grâce à un mandat ou une ordonnance de communication.

Le sénateur Massicotte : Je vais m'y prendre d'une autre manière. Lorsque nous nous sommes penchés sur la loi sur le CANAFE, nous sommes allés aux États-Unis. Là-bas, ils obtiennent de très bons résultats par comparaison à ceux que nous avons ici au Canada. Ils récupèrent chaque année plus d'un milliard de dollars.

Mais la raison pour laquelle ils obtiennent de si bons résultats, c'est qu'ils réunissent les différents organismes — par exemple Revenu Canada et le FBI. Ils ont des équipes qui travaillent ensemble pour examiner ce qui leur paraît être des comportements ou des dépenses étranges et ils sont en mesure de trouver une solution grâce à tous les outils dont ils disposent. Leur système est extrêmement souple et c'est grâce à lui qu'Al Capone s'est fait prendre pour une histoire de fraude postale.

Êtes-vous en train de me dire que cette loi ne vous permet pas d'agir de cette manière? Disons que si l'on accumule des renseignements qui permettent de soupçonner l'auteur d'une activité criminelle, n'est-il pas possible de le pincer pour fraude fiscale si on ne peut pas le prendre pour d'autres raisons? Êtes-vous en train de nous dire qu'il est interdit d'utiliser les renseignements du CANAFE?

Mme Grasham : Aux termes de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes, le CANAFE a pour fonction de s'assurer de la conformité aux obligations découlant de la LRPCFAT. Ce sont des exigences de tenue de documents et l'obligation d'avoir sur place un agent chargé de l'observation des normes. Il y a des exigences en matière de compte rendu et le CANAFE a toujours la possibilité de soumettre l'entité à une vérification de conformité.

Je tiens simplement à préciser que lorsque nous utilisons l'expression « entités déclarantes » dans le cadre de la profession juridique, les exigences qui ne s'appliquent pas n'entraînent pas d'obligations de compte rendu. En vertu de la loi, les membres de la profession juridique sont tenus d'identifier leurs clients, de tenir des documents et de se conformer à la loi. Voilà quelles sont les exigences en matière de conformité. Elles correspondent aux règles imposées par le CANAFE en tant qu'organisme de réglementation de ce texte de loi.

Le CANAFE a aussi un autre rôle, celui d'organisme du renseignement financier. Il collecte les renseignements que les banques, les coopératives de crédit, les maisons de courtage, et cetera, sont tenues de lui fournir.

Lorsque le CANAFE dispose de suffisamment de données permettant de soupçonner le recyclage des produits de la criminalité ou le financement d'activités terroristes, et qu'il dispose de renseignements pertinents pour l'enquête ou la poursuite relativement à une infraction de recyclage des produits de la criminalité ou de financement d'activités terroristes, il peut communiquer ces renseignements à l'organisme d'application de la loi. Par conséquent, ces modifications ne se rapportent pas au rôle du CANAFE en tant qu'organisme du renseignement financier, ni aux renseignements qu'il peut divulguer en vertu de la loi à ces organismes d'application de la loi et à d'autres entités chargées d'enquêter et d'intenter des poursuites en cas d'infractions liées au recyclage des produits de la criminalité et au financement d'activités terroristes. Ces modifications se rapportent uniquement au rôle du CANAFE en tant qu'organisme de réglementation chargé de faire respecter la loi.

Actuellement, la loi stipule qu'en cas de non-conformité flagrante — par exemple lorsque le CANAFE a tenté en vain de communiquer avec une entité déclarante qui a négligé jusque-là ses obligations en vertu de la loi — le CANAFE peut signaler ce cas de non-conformité à un organisme d'application de la loi, en vue de déclencher éventuellement une enquête criminelle. Il s'agit tout simplement de mettre en application la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes. Voilà ce dont il est question actuellement. La modification ne se rapporte pas à l'autre rôle du CANAFE, celui d'organisme du renseignement financier, rôle auquel je crois que vous faites allusion.

Le sénateur Massicotte : Est-ce que ces modifications de la loi sont une conséquence du jugement de la Cour de la Colombie-Britannique?

Mme Grasham : Comme l'a dit M. Rudin, la cour a dénoncé une certaine ambiguïté du texte de loi. Tout le débat porte sur la couverture de la profession juridique dans la loi. Tout demeure cependant hypothétique, étant donné que ces dispositions ne sont pas en vigueur actuellement, en raison d'une injonction judiciaire. Le tribunal a jugé que l'interprétation se prêtait à une certaine ambiguïté. Cela nous a été rapporté et nous tentons d'y remédier.

[Français]

Le sénateur Maltais : Pour revenir à ce que ma collègue, la sénatrice Hervieux-Payette a mentionné concernant la commission Charbonneau, nous constatons que le ministère du Revenu du Canada a bien fait son travail; il a collecté tous ces « rats », il y a eu des amendes, tout le monde a payé finalement. Cependant, on s'aperçoit qu'il ne s'agit pas de blanchiment d'argent. C'est de l'argent assez sale merci, des grosses sommes d'argent qui ont circulé dans l'entourage de toutes ces personnes. Cela n'interpelle-t-il pas le ministre des Finances? Cet argent a été blanchi de compagnie en compagnie et aucun impôt n'a été payé. Le ministère des Finances a-t-il des droits de recours? Une fois la commission terminée, le ministère des Finances pourrait-il récupérer une partie des impôts qui n'ont pas été payés?

M. Rudin : En ce qui concerne le droit de recours, je devrai m'informer et vous revenir là-dessus.

Sénateur Maltais : Je vous remercie.

[Traduction]

Le président : Au nom de tous les membres du comité, je tiens à vous remercier, monsieur Rudin, d'avoir accepté de comparaître en compagnie de vos collaborateurs. Merci beaucoup.

(La séance est levée.)


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