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Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule 8 - Témoignages


OTTAWA, le mercredi 5 février 1997

Le comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles qui a été saisi du projet de loi C-29, Loi régissant le commerce interprovincial et l'importation à des fins commerciales de certaines substances à base de manganèse, se réunit aujourd'hui, à 15 h 20, pour étudier le projet de loi.

Le sénateur Ron Ghitter (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Honorables sénateurs, je souhaite la bienvenue aux représentants de Ethyl Canada. Nous savons que vos intérêts sont en jeu et nous voulons entendre votre position. Allez-y.

M. David Wilson, président, Ethyl Canada Incorporated: Monsieur le président, honorables membres du comité, je suis accompagné aujourd'hui par mes collègues M. Roos, gestionnaire des carburants, recherche et développement, et M. Don Lynam, vice-président, conservation de l'air. Tous les deux travaillent à Ethyl Corporation. Il y a également M. Chris Hicks, vice-président de Ethyl Canada et Ethyl Corporation.

Monsieur le président, vous ne serez pas étonné que nous comparaissions devant vous aujourd'hui, pour parler en faveur de notre produit, le MMT, et vous donner les raisons pour lesquelles nous nous opposons au projet de loi C-29.

Après ma déclaration liminaire, M. Roos vous présentera les résultats des programmes d'essai et des recherches techniques qui ont été effectués sur cette question. M. Lynam examinera les résultats d'une étude de surveillance personnelle qui vient d'être menée à Toronto. M. Hicks parlera de la situation aux États-Unis.

Nous ne contestons pas le fait que les fabricants d'automobiles éprouvent des difficultés avec leurs systèmes de diagnostic intégré. Cependant, le projet de loi C-29 ne réglera pas le problème. Le mauvais fonctionnement du SDI est un problème qui concerne l'industrie et non pas le législateur.

Ethyl Canada appuie clairement l'utilisation du MMT, qui est un additif d'essence sûr et efficace. Nous croyons que ce projet de loi soulève une série de problèmes qui méritent un examen attentif de la part du comité. Nous espérons que vous examinerez les répercussions de ce projet de loi et que vous prendrez le temps nécessaire pour entendre tous les témoins qui veulent participer au débat.

Nous étions déçus que le programme des audiences de la Chambre qui ont eu lieu en octobre 1995 n'ait pas permis à bien des parties intéressées de comparaître.

Je voudrais pendant quelques minutes exprimer les raisons pour lesquelles Ethyl s'oppose au projet de loi C-29. Ces raisons sont énoncées de façon plus détaillée dans le mémoire que nous avons soumis au comité hier et qui est résumé dans le document que vous avez sous les yeux.

Voici les sept raisons pour lesquelles nous nous opposons au projet de loi C-29. Premièrement, il s'agit d'une mauvaise politique gouvernementale. En effet, les dispositions du projet de loi ne correspondent à aucun des objectifs du gouvernement. Ce dernier a déclaré qu'il veut mettre fin à l'utilisation du MMT. Cependant, même si le projet de loi est adopté, l'utilisation du MMT sera toujours légale au Canada. Par conséquent, le projet de loi crée plus de problèmes qu'il n'en règle. Deuxièmement, le projet de loi C-29 viole l'accord fédéral provincial sur le commerce intérieur. L'Alberta a déjà fait savoir qu'elle contesterait le projet de loi s'il était adopté. Huit autres provinces et les deux territoires ont exprimé leur opposition à ce projet de loi. Troisièmement, le projet de loi C-29 soulève des problèmes constitutionnels. La tentative d'assujettir le MMT à la législation commerciale ne protège pas le projet de loi d'une contestation en vertu de la Charte. À ce titre, le projet de loi est une ingérence indue dans un domaine de compétence provinciale.

Quatrièmement, le projet de loi C-29 est contraire à l'ALÉNA. L'interdiction d'importer du MMT à des fins de commerce interprovincial contreviendrait aux engagements commerciaux du Canada, ce qui exposerait le gouvernement à des demandes d'indemnisation. Cinquièmement, le but initial du projet de loi, c'est-à-dire l'harmonisation des carburants, n'a plus sa raison d'être. Étant donné que le MMT est maintenant autorisé aux États-Unis, l'harmonisation de l'essence rend inutile ce projet de loi. Les raffineries américaines ont le choix d'utiliser ou de ne pas utiliser le MMT. Les raffineries canadiennes devraient disposer du même choix. Sixièmement, les études scientifiques montrent que le MMT n'est pas nocif aux systèmes d'échappement des véhicules. Après avoir réalisé le programme d'essais le plus complet jamais mené sur un carburant ou un additif, l'Agence de protection environnementale des États-Unis (EPA) a confirmé que le MMT n'entraîne pas la défaillance des systèmes d'échappement des véhicules, ou n'y contribue pas. À cet égard, nous avons mené des recherches considérables, dont la plus importante vous sera présentée par mon collègue M. Roos.

Nous avons mis les résultats de toutes nos études à la disposition du public. Si vous n'avez pas encore eu l'occasion de les voir, je n'ai apporté qu'une partie de nos rapports de recherches aujourd'hui. Tous nos rapports ont été soumis à un examen et sont accessibles au public.

Septièmement, la nouvelle Loi canadienne sur la protection de l'environnement, c'est-à-dire le projet de loi C-74, présenté par le gouvernement en décembre dernier, mettra en place un système scientifique amélioré, pour évaluer la formulation des carburants. Il n'est pas logique d'assujettir un additif à une loi spéciale alors que les autres additifs relèveront de la LCPE.

Nous attirons l'attention du comité sur le fait que plusieurs témoins experts ont demandé à débattre de chacun de ces points avec vous. Nous espérons que vous aurez l'occasion de les entendre en examinant les questions découlant du projet de loi C-29. À cet égard, notre position est la même depuis le premier jour de ce débat. Nous croyons que toute mesure dans ce domaine, doit avoir un fondement scientifique solide. C'est tout ce que nous demandons dans le cadre de ce débat.

L'argument le plus récent qu'Environnement Canada a présenté hier en faveur de ce projet de loi est que les fabricants d'automobiles menacent de débrancher certains dispositifs ou de ne pas honorer les garanties.

Cette menace n'est pas nouvelle. Elle remonte à 1994, la première année où les lois américaines ont imposé les systèmes de diagnostic intégré. Quatre années automobiles plus tard, les garanties demeurent intactes et seule GM a débranché sa lampe d'éclairage du tableau de bord et uniquement sur ses modèles de 1996. Il n'y a eu aucun problème sur le marché, et cet argument, comme beaucoup d'autres, ne tient pas debout.

Le deuxième argument d'Environnement Canada est qu'en vertu du principe de prudence énoncé dans la nouvelle LCPE, le risque de dommages graves ou irréversibles et l'absence de certitudes scientifiques ne doivent pas servir de prétextes aux reports de mesures économiques visant à prévenir les dommages environnementaux; raison de plus pour rejeter le projet de loi C-29.

Même si les avis divergent en ce qui concerne les montants, toutes les parties intéressées par ce débat reconnaissent que l'effet immédiat de l'interdiction du MMT sera une augmentation des émissions d'oxydes d'azote au Canada.

D'une part, nous savons avec certitude que, si le MMT n'est plus ajouté à l'essence canadienne, cela entraînera des dommages environnementaux en raison de l'importance des émissions d'oxydes d'azote. D'autre part, nous devons tenir compte de l'incertitude ou de la spéculation selon laquelle le MMT pourrait encrasser les SDI.

Dans ces circonstances, nous croyons que l'examen par des tiers que préconise l'Institut canadien des produits pétroliers, appuyé par Ethyl Canada, huit provinces et deux territoires, est une démarche plus responsable du point de vue écologique. La question est importante et elle mérite une décision fondée sur des preuves scientifiques solides.

Cela dit, permettez-moi de vous présenter M. Roos, qui examinera certains résultats de nos études scientifiques.

M. J.W. Roos, gestionnaire des carburants, Recherche et développement, Ethyl Corporation: Monsieur le président, je m'appelle Joe Roos, je suis titulaire d'un doctorat en génie chimique et je gère le département de recherche et développement sur les carburants chez Ethyl.

Cet après-midi, je vais parler des systèmes d'échappement et de diagnostic intégré des véhicules, ainsi que de la compatibilité de ces systèmes, avec les carburants contenant du MMT.

Nous n'avons pas le temps de discuter en détail du contenu de ces rapports, mais j'espère que nous le ferons à l'avenir si vous le voulez bien.

Je vais vous donner un aperçu des essais qui ont été faits pour évaluer le MMT. Je voudrais aussi commenter les allégations de la NVMA-AIAM selon lesquelles le MMT endommage les dispositifs antipollution des véhicules. Je le ferai brièvement à la lumière des examens objectifs menés antérieurement et des informations disponibles.

Premièrement, parlons du programme d'essai du MMT. D'après l'étude la plus complète jamais réalisée ou prévue sur un carburant ou un additif de carburant, l'utilisation du MMT n'est pas préjudiciable au système d'échappement ou antipollution des véhicules. L'essai a été conçu et réalisé en consultation avec l'EPA et les fabricants d'automobiles, et nous avons utilisé de vrais véhicules sur des routes publiques. Pour chaque paire de véhicules, l'un consommait du carburant ordinaire et l'autre du carburant contenant du MMT. Cela a permis une comparaison directe pour évaluer l'effet du MMT et un traitement statistique rigoureux des données.

Cette étude était destinée uniquement à étudier les effets du MMT sur les dispositifs antipollution des véhicules. Elle a été effectuée sur plus de 120 véhicules qui pendant la période des essais ont accumulé quelque chose comme 16 millions de kilomètres. Parmi les véhicules en question, il y avait des véhicules à émissions faibles qui respectent les exigences antipollution très strictes en Californie, et des véhicules équipés des systèmes de diagnostic intégré les plus récents. Parmi ces véhicules, plusieurs avaient été choisis parce que les fabricants avaient signalé qu'à leur avis ces modèles-là risquaient de réagir aux MMT. Il s'agit sans aucun doute d'un test très rigoureux sur le carburant avec MMT.

Les conclusions de cette étude ont montré que le MMT est compatible avec les technologies antipollution actuelles et les technologies de pointe de contrôle des émissions qui sont utilisées dans les véhicules à faible émission. Le MMT ne nuit pas au fonctionnement des systèmes de diagnostic intégré. Le MMT offre des avantages certains sur le plan du contrôle des émissions, puisqu'il fait baisser de 15 à 20 p. 100 en moyenne les émissions d'oxydes d'azote par rapport aux véhicules qui n'utilisent pas cet additif.

Les experts de l'EPA ont étudié les données et les observations présentées par Ethyl Corporation et par les fabricants d'automobiles et conclu que le MMT n'endommage pas les dispositifs antipollution. L'EPA a nié que le MMT endommageait les dispositifs antipollution et les systèmes de diagnostic intégré comme les fabricants d'automobiles le prétendaient. Les tribunaux américains ont par la suite confirmé cette position. Si je mentionne la conclusion de ces études, c'est parce que nous nous attaquons aujourd'hui aux mêmes problèmes au Canada.

Bien que leur position ait été rejetée à deux reprises par des tiers, bien que les données aient amplement prouvé le contraire, les fabricants d'automobiles ont continué à prétendre que le MMT endommageait les dispositifs antipollution. Les accusations des fabricants d'automobiles sont fondées sur des conclusions tirées de tests secrets, des données sur les garanties qui n'ont pas été soumises à d'autres parties pour examen, et enfin, sur des données anecdotiques.

Par exemple, veuillez vous reporter à la présentation que vous ont faite hier les fabricants d'automobiles et aux photographies de convertisseurs catalytiques engorgés que vous avez vues. Ils prétendent que c'est le MMT qui a bouché le convertisseur, citant comme preuve la coloration rouge à la surface du convertisseur. Je ne doute pas que cette coloration soit due aux MMT. Toutefois, prétendre que la présence de MMT dans le carburant bouchait le convertisseur catalytique est assez tiré par les cheveux. Les convertisseurs s'engorgent, qu'il y ait du MMT dans le carburant ou pas.

Monsieur le président, avec votre permission, j'aimerais faire circuler des photographies de convertisseurs catalytiques. J'aimerais que vous jetiez un coup d'oeil sur ces photographies, sur les convertisseurs catalytiques, mais en même temps, sur le matériel. Les photographies peuvent être trompeuses. Vous avez ici un nouveau type de convertisseur catalytique qui n'a jamais été installé à bord d'un véhicule. Voilà à quoi ce convertisseur ressemblerait. On l'installe dans le tuyau d'échappement de l'automobile. Un bon convertisseur réduit les émissions produites par un véhicule. Dans un instant, vous allez voir des convertisseurs en action. Regardez les émissions et les chiffres qui sont mentionnés. Si le chiffre est très bas, ou inférieur à la norme, c'est que le convertisseur fonctionne. Celui-ci est un nouveau modèle.

Le président: Est-ce que cela a un rapport avec ce que nous avons vu hier, le filtre du convertisseur? Cela semble différent.

M. Roos: Oui.

Le président: Pouvez-vous comparer avec ce que nous avons vu hier? Nous avons vu des photographies de filtres ovales avant et après. Quand la surface était engorgée «après», on nous a dit que cette coloration brun rougeâtre était due à de l'oxyde de manganèse. Est-ce que nous parlons du même produit?

M. Roos: Effectivement. Les convertisseurs existent dans différentes tailles. Si vous les regardez de face, certains sont ronds, rectangulaires, carrés ou triangulaires.

Le président: Je vous montre ce que nous avons regardé hier. Est-ce que ce sont les mêmes types de convertisseurs?

M. Roos: Oui. Ces photographies sont prises de face, c'est l'avant du convertisseur, celui-ci est neuf et n'a jamais été utilisé.

Le président: Ce n'est pas un filtre étroit, il a une certaine profondeur.

M. Roos: Ethyl Corporation a effectué des essais au Canada, et dans le cadre de ces essais, nous avons prélevé des convertisseurs catalytiques sur des véhicules récents avec un millage très élevé. Celui-ci a été prélevé après avoir parcouru 105 000 kilomètres au Canada. Si vous le regardez de face, vous verrez un dépôt brun noirâtre. Nous en avons prélevé un certain nombre dans cet état-là.

Comme vous le voyez, il y a une carte. Je vais faire circuler les photographies. Cette carte donne le millage, mais également la liste des convertisseurs que nous avons étudiés. Dans ce cas, il s'agit de convertisseurs GM. Les éléments polluants sont des hydrocarbures, de l'oxyde de carbone et de l'oxyde d'azote. Je vous donnerai aussi les normes canadiennes pour 1998. L'important c'est que ce convertisseur catalytique respectait ces normes en matière d'émissions.

Le président: Si vous voulez bien, je vais vous interrompre pour m'assurer que nous comprenons bien: ce convertisseur a été utilisé pendant combien de milles?

M. Roos: Les catalyseurs que vous avez sous les yeux ont été utilisés pendant 105 000 kilomètres.

Le président: Dans quelle région du pays?

M. Roos: Ceux-ci proviennent d'un grossiste d'automobiles d'Ottawa. C'était facile d'aller les voir et de leur dire: vous avez des modèles récents, de 1993, 1994 et 1995 qui ont un millage élevé, est-ce que nous pouvons prélever ces pièces.

C'est l'historique de la chose qui est important. Nous savons que c'est un véhicule canadien qui a parcouru 105 000 kilomètres.

Quand vous regardez ces photographies, vous voyez que le convertisseur est couvert d'un dépôt brun rougeâtre. Si vous voulez vous salir les mains, vous pouvez le saisir. Aucun de ces convertisseurs n'est engorgé. On cherche à donner l'impression qu'au Canada seuls les convertisseurs qui ont été utilisés avec du MMT sont bouchés. Ce n'est tout simplement pas le cas.

Dans la série de photographies suivantes, ce sont des convertisseurs que nous avons obtenus aux États-Unis. Dans un cas, le véhicule était en service. Le dépôt sur la face du convertisseur est noir. Vous le voyez sur la photographie. Je ne vous conseille pas de tenir les convertisseurs dans vos mains, parce que ce noir est très sale et a tendance à s'infiltrer partout. Les pores du filtre sont engorgés. On ne voit plus au travers. Ces catalyseurs ne sont pas très efficaces.

Or, ces convertisseurs-là n'ont jamais vu de MMT, et pourtant, ils sont bouchés. La conclusion, c'est que les convertisseurs s'engorgent. Ils s'engorgent aux États-Unis comme au Canada. Et cela se produit, qu'on utilise du MMT ou pas. On ne peut pas dire qu'un convertisseur est bouché parce que la coloration est rouge et que ce doit être du MMT. Ce genre d'argument est extrêmement trompeur. Il semble évident que les preuves soumises par les fabricants n'en sont pas.

Le président: D'où provient ce convertisseur américain?

M. Roos: Les deux viennent de Virginie sur la côte atlantique. L'un d'entre eux a été ramassé l'année dernière, vers le milieu de 1996. Ce genre de chose est facile à trouver n'importe où aux États-Unis.. Nous en avons trouvé d'autres sur la côte du Golfe.

Le sénateur Kenny: À ce sujet, je reconnais que les convertisseurs s'engorgent. Mais on peut tout de même se demander: est-ce qu'ils s'engorgent plus vite si on utilise du MMT? Vous dites qu'un jour ou l'autre les convertisseurs finissent par s'engorger. Je comprends cela, mais vous ne m'avez pas dit s'ils se bouchaient plus vite avec votre produit.

M. Roos: Nous avons fait des essais qui représentent 16 millions de kilomètres, et nous n'avons pas vu de convertisseurs engorgés, qu'on ait utilisé du MMT ou pas.

Le sénateur Kenny: Arrêtez-vous un instant. Vous dites que vous avez fait des essais sur combien de milles?

M. Roos: Seize millions de kilomètres.

Le sénateur Kenny: Et vous n'avez jamais vu un convertisseur bouché?

M. Roos: Non, pas lors de ces essais.

Le sénateur Kenny: Avec ou sans MMT?

M. Roos: C'est exact.

Le sénateur Kenny: Je croyais vous avoir entendu dire que certains catalyseurs étaient bouchés.

M. Roos: Ces convertisseurs-là ont tous été prélevés sur des véhicules en service aux États-Unis ou au Canada.

Le président: Qu'est-ce que vous entendez par «engorgé»? Pour moi, engorgé signifie que le dispositif a perdu de son efficacité, qu'il n'est plus opérationnel, qu'il ne fait plus ce qu'il était censé faire. Est-ce que nous parlons la même langue?

M. Roos: Je ne suis pas d'accord avec la nomenclature utilisée par les compagnies d'automobiles qui protestent contre l'utilisation du MMT; ils disent «engorgé». Cela donne l'impression que si l'un de ces pores est couvert par quelque chose et que le gaz ne peut pas passer par ce pore, ce pore est engorgé. Voilà ce dont il est question. Il y a des dépôts noirs à la surface du pore et le gaz ne peut pas passer. Un tel convertisseur serait engorgé.

M. Chris Hicks, vice-président, Ethyl Canada et vice-président, Relations gouvernementales, Ethyl Corporation, Washington (D.C.): Ces convertisseurs ne proviennent pas des véhicules utilisés dans nos essais. Ils ont été prélevés au hasard aux États-Unis et au Canada. Nous avons cherché aux États-Unis jusqu'à ce que nous trouvions un ou deux convertisseurs engorgés. Le fait est que dans la vraie vie, les convertisseurs s'engorgent, et cela, même aux États-Unis où on n'utilise pas de MMT. Toutefois, ces convertisseurs-là ne proviennent pas des véhicules utilisés dans nos essais.

Le sénateur Kenny: Si les convertisseurs s'engorgent s'engorgent-ils plus vite avec vos produits ou sans vos produits? Je croyais que c'est à cela que vous vouliez en venir, monsieur Roos.

M. Roos: Nous n'avons pas de chiffres. Ce que nous avons établi, c'est que les convertisseurs utilisés avec du MMT ont une plus haute efficacité de conversion et une meilleure performance que les convertisseurs utilisés sans MMT. Dans les essais dans un parc automobile, où la seule variable est la présence ou l'absence de MMT, on a établi que le MMT n'engorge pas les catalyseurs. Leur performance est meilleure.

Le sénateur Kinsella: Cela me semble évident.

M. Roos: En matière de performance, l'important est de savoir si les convertisseurs permettent aux véhicules de respecter les normes antipollution.

Le président: Dans ces exemples-là, on ne mentionne pas le millage. Pouvez-vous nous dire de quel millage il s'agit pour ce convertisseur américain et le convertisseur engorgé?

M. Roos: Nous avons trouvé les convertisseurs engorgés dans des ateliers de la région où ils avaient été prélevés aux véhicules, justement parce qu'ils étaient engorgés, qu'ils avaient été endommagés par la chaleur ou qu'ils ne fonctionnaient plus. Les mécaniciens enlèvent ces catalyseurs, mais ils ne notent pas le millage. Je ne le sais donc pas.

Le président: Vous prétendez que ces catalyseurs viennent des États-Unis, qu'ils sont engorgés, et vous ne pensez pas qu'on ait utilisé de l'essence avec MMT?

M. Roos: Nous avons eu ces catalyseurs avant l'introduction du MMT aux États-Unis.

Le président: Ce sont des véhicules de 1994-1995. Ça aussi, c'est important, n'est-ce pas? La technologie évolue avec le temps.

M. Roos: La seule chose que j'essaie de prouver avec ces convertisseurs c'est que le simple fait qu'ils contiennent des dépôts rouges n'est pas un problème en soi. J'essaie de vous expliquer qu'il y a des convertisseurs avec des dépôts noirs qui sont mauvais ou des convertisseurs avec des dépôts rouges qui sont mauvais. Ce n'est pas simple. Ces exemples ne permettent pas de confirmer que ces convertisseurs s'engorgent. Ce genre de chose doit être déterminé sur la base de données solides. Voilà ce qui nous inquiète. Les photographies fournies par les fabricants d'automobiles ne constituent pas une preuve suffisante. La seule preuve suffisante, ce sont des données solides prouvant que c'est plus grave aux États-Unis qu'au Canada ou plus grave au Canada qu'aux États-Unis. De plus, ces données doivent être examinées par des experts indépendants pour s'assurer qu'elles sont conformes aux essais de contrôle antipollution.

Prenons un autre exemple d'informations qui devraient être soumises au même type d'examen. Les informations solides sur ces convertisseurs doivent être examinées et étudiées par des gens de l'extérieur. Dans ce cas, il s'agit des systèmes de diagnostic intégré.

Aux États-Unis, ces systèmes sont obligatoires à bord de tous les véhicules à partir des modèles de 1996. Ils ont été introduits progressivement pendant les années précédentes. La question est de savoir comment ces systèmes fonctionnent maintenant qu'ils sont obligatoires à bord de tous les véhicules aux États-Unis.

Je vous cite une déclaration de l'EPA américaine qui date de 1995:

[...] les constructeurs d'automobiles ont affirmé et démontré qu'ils avaient de la difficulté à se conformer à tous les aspects des exigences relatives aux systèmes de diagnostic de bord, de deuxième génération et il semble que ces difficultés persisteront avec les modèles 1996 et 1997 [...]

Les fabricants ont donc de grosses difficultés techniques avec les systèmes de diagnostic intégré. On a attribué ces difficultés aux habitudes de conduite, comme les gens qui gardent le pied sur l'accélérateur à un feu rouge, et à certaines conditions, comme l'altitude et le froid. En Californie, les fabricants d'automobiles rapportent que les voyants lumineux du tableau de bord s'allument quand ils ne le devraient pas, et il ne s'agit pas d'un problème d'ajustement mineur. Les constructeurs d'automobiles ont demandé en décembre un relâchement de la réglementation, et la Californie a proposé des changements pour s'assurer que les systèmes ne sont pas trop sensibles. L'État n'est pas disposé à prendre cela à la légère, et il considère qu'il s'agit simplement de «douleurs de croissance». Les fabricants d'automobiles ont produit des données qui ont convaincu l'État de changer la réglementation.

À cause de ces problèmes reconnus, de ces obstacles et des changements apportés à la réglementation sur les systèmes de diagnostic intégré, les fabricants d'automobiles prétendent qu'ils ne peuvent pas livrer au Canada des véhicules équipés de systèmes de diagnostic intégré fonctionnels à cause de la présence de MMT dans le carburant. Pour réclamer un réexamen de la question du MMT, les fabricants d'automobiles se fondent sur des données anecdotiques et non confirmées. Toutefois, contrairement à Ethyl, la MVMA a refusé d'accepter la notion d'un réexamen et d'une analyse des résultats des tests ou d'adhérer à un programme commun pour résoudre le problème.

Hier, les présidents des trois grands de l'automobile, Ford, GM et Chrysler, ont comparu devant votre comité. Ils vous ont dit qu'environ 20 fabricants d'automobiles étaient parvenu d'eux-mêmes à la conclusion que le MMT endommage les dispositifs antipollution. Si c'est vraiment le cas, ils ne devraient pas avoir tellement de mal à fournir les données nécessaires pour convaincre l'EPA américaine, les tribunaux américains ou l'ICPP que le MMT endommage les dispositifs antipollution.

L'ICCP essaie depuis longtemps de convaincre la MVMA d'effectuer des essais en commun, mais celle-ci refuse prétendant que la réponse est claire et que tout le monde est convaincu de la nécessité de se débarrasser du MMT. Et pourtant, la MVMA prévoit maintenant des essais sur le MMT avec une organisation soeur américaine, la MANA. L'objectif déclaré de cet exercice est de prouver que le MMT est nuisible, mais les méthodes employées pour les tests doivent rester strictement secrètes. Je vous pose la question: est-ce que cela est susceptible de donner des résultats scientifiques et vérifiables? Puisqu'ils entreprennent tout juste ce test pour prouver que le MMT est nuisible, sur quelles données les fabricants d'automobiles fondent-ils leurs affirmations?

L'ICPP a choisi d'entreprendre des tests sur des véhicules en service pour évaluer les résultats des systèmes de diagnostic intégrés et à conclu que la performance de ces systèmes était excellente et qu'il n'y avait aucune indication que le MMT cause une défaillance des systèmes de diagnostic intégré. Cela est conforme aux résultats des essais effectués par Ethyl Corporation. Récemment, quatre véhicules équipés de systèmes de diagnostic intégré et appartenant à des vendeurs ont été suivis en Ontario et évalués périodiquement. Après plus de deux ans, on n'a trouvé aucun code de système de diagnostic intégré indiquant des défaillances, et les émissions des quatre véhicules était très faibles. Ces excellents résultats sont conformes aux résultats obtenus sur des convertisseurs ayant de 50 à 130 000 km -- dont un circule autour de la table -- et provenant de véhicules canadiens récents.

D'après un rapport récent d'Environnement Canada à la suite d'une série d'essais volontaires sur des véhicules en service, un pourcentage très faible des dispositifs de contrôle antipollution ne fonctionnent pas. Un programme comparable aux États-Unis, volontaire également, a démontré que deux fois plus de véhicules échouaient aux tests antipollution qu'au Canada. On a fait cette comparaison sur la base de près de 1 500 véhicules au Canada et 2 400 véhicules aux États-Unis. Rien ne permet de penser que la présence de MMT endommage les dispositifs antipollution.

Le MMT n'endommage pas les dispositifs antipollution, mais si on supprimait le MMT, les émissions des véhicules augmenteraient. D'après une analyse d'Environnement Canada, en changeant la formulation du carburant par suppression du MMT, on provoquerait une augmentation des toxines dans l'air, comme le benzène, l'aldéhyde et le formaldéhyde. Ce sont tous des produits chimiques toxiques dont il est prouvé qu'ils ont cancérigènes. En supprimant le MMT, on provoquerait également une augmentation de 15 à 20 p. 100 des émissions d'oxydes d'azote.

En terminant, d'après les essais les plus exhaustifs jamais effectués sur un additif de carburant pour évaluer des véhicules canadiens, le MMT n'endommage pas les dispositifs antipollution, y compris les systèmes de diagnostic intégré. Il serait regrettable de renoncer aux avantages de cet additif à cause des déclarations sans fondement des fabricants d'automobile.

Je vous prie donc instamment de convoquer des experts, comme Alison Pollack, d'Environ, ou Jonathan Cohen, de SAI, ainsi que des experts de Ethyl Corporation, pour discuter avec vous des tests et réclamer un examen indépendant avant de décider de l'avenir du MMT.

M. D.R. Lynam, vice-président, Air Conservation, Ethyl Corporation, Richmond, Virginie, Ethyl Canada Inc.: J'ai un doctorat en santé environnementale et je travaille dans ce domaine depuis 28 ans.

J'apprécie l'occasion que vous m'offrez de comparaître aujourd'hui et de discuter des problèmes que la présence de MMT dans l'essence pourrait provoquer sur le plan de la santé. Les gens qui prennent position contre le MMT pour des raisons de santé ne s'appuient sur aucune preuve et ne reconnaissent pas qu'au Canada l'exposition au manganèse est de très loin inférieure aux niveaux d'exposition qui ont été reconnus comme étant sécuritaires.

Pour démontrer cela, j'aimerais vous faire part des résultats d'une étude très exhaustive qui a été effectuée à Toronto sur les niveaux d'exposition au manganèse. C'est une étude très significative qui donne des réponses définitives en ce qui concerne le rapport entre la santé et le manganèse à cause de la présence de MMT dans l'essence. Cette étude fournit les informations les plus utiles pour déterminer la présence ou l'absence de risques pour la santé d'une population, lorsque toutes les essences contiennent du MMT.

Pour commencer, j'aimerais vous parler des niveaux d'exposition admissibles. En décembre 1994, Santé Canada a publié une évaluation du risque sur les produits de la combustion du MMT dans l'essence. D'après toutes les analyses, le ministère a conclu que la combustion des produits du MMT dans l'essence ne représente pas un risque supplémentaire pour la santé de la population canadienne. Santé Canada est parvenu à cette conclusion, tout d'abord en fixant un niveau d'exposition acceptable très conservateur de 110 nanogrammes de manganèse par mètre cube d'air. Pour vous dire à quel point c'est une concentration faible, un milliard de nanogrammes équivalent à un gramme. Santé Canada a ensuite examiné des données très exhaustives sur l'air ambiant et sur l'exposition au manganèse, des données recueillies au cours des 10 à 15 dernières années. Ils ont fini par déterminer que les niveaux d'exposition étaient bien inférieurs au niveau acceptable établi par Santé Canada pour la population canadienne.

En 1996, à la demande de l'Organisation mondiale de la santé, l'Institut national des Pays-Bas pour la santé publique et l'environnement, a effectué un examen scientifique pour déterminer si les directives relatives à la qualité de l'air en ce qui concerne le manganèse devaient imposer des limites plus strictes. Le groupe responsable de la santé aux Pays-Bas a conclu que les directives actuelles de l'OMS, qui sont de 1 000 nanogrammes par mètre cube, constituent une protection suffisante et qu'il n'est pas nécessaire de réduire les niveaux autorisés. Cette directive sur la qualité de l'air et la présence de manganèse adoptée par l'Organisation mondiale de la santé est environ dix fois moins sévère que le niveau déclaré tolérable par Santé Canada qui est de 110 nanogrammes par mètre cube.

Les données canadiennes relatives à l'air ambiant et à l'exposition qui avaient été utilisées par Santé Canada en 1994 étaient tout à fait suffisantes puisqu'il s'agissait d'effectuer une évaluation du risque. Toutefois, l'étude récente sur l'exposition des personnes au manganèse vient encore renforcer la conclusion de Santé Canada. Cette étude, commandée par Ethyl Corporation et effectuée par le Research Triangle Institute, un institut de recherche sans but lucratif situé à Triangle Park en Caroline du Nord, est la plus importante jamais effectuée sur l'exposition des personnes à une substance quelconque. Plus de 1 000 sujets ont été évalués et des milliers d'échantillons ont été recueillis.

Pour ces recherches, le RTI a été financé par certains groupes canadiens comme Statistique Canada qui s'est chargé des entrevues, l'Institut de recherches de l'Alberta et l'Université de Montréal. Le directeur de l'étude au Research Triangle Institute a demandé à comparaître devant vous. Si vous voulez obtenir des informations supplémentaires sur les paramètres de cette étude, il se fera un plaisir de répondre à vos questions.

L'objectif de l'étude de Toronto sur l'exposition était de déterminer comment l'exposition au manganèse affecte la population d'une grande ville où on utilise du MMT dans l'essence. L'étude a duré 15 mois, de juin 1995 au 31 août 1996, et a donc englobé toutes les saisons. D'après cette étude, 95 p. 100 de la population de l'agglomération torontoise a une exposition au manganèse inférieure à 23 nanogrammes par mètre cube, ce qui est environ cinq fois inférieur au niveau déclaré acceptable par Santé Canada, et environ 50 fois inférieur aux directives de l'OMS sur la qualité de l'air.

Il est important de noter que les normes acceptables sont fixées à un niveau destiné à protéger les éléments les plus sensibles d'une population pendant toute leur vie et cela, sans aucun risque pour la santé.

En analysant les données, on s'est aperçu qu'une des façons les plus sûres de prédire les niveaux d'exposition au manganèse à Toronto était de tenir compte du temps passé dans le métro. En effet, les niveaux de manganèse dans le métro sont environ 50 fois plus élevés qu'à l'extérieur. Dans les métros, c'est le frottement des rails d'acier et des freins qui dégage du manganèse. L'acier contient des niveaux élevés de manganèse et le manganèse présent dans les métros n'a rien à voir avec le MMT. Nous avons effectué des essais semblables à Londres, en Angleterre, où l'on n'utilise pas de MMT dans l'essence, et nous avons trouvé la même chose: des niveaux particulièrement élevés de manganèse dans les métros.

À Toronto, comme il y a très peu de manganèse dans l'air, les gens en absorbent très peu par comparaison avec le manganèse qu'ils absorbent dans la nourriture. Certains témoins vous diront que le manganèse qu'on avale n'est pas dangereux mais que seul le manganèse qu'on respire présente un danger. Les recherches ne confirment pas cela. Je vous encourage à poser des questions à M. Kenny Crump et M. Harvey Clewell de ICF Kaiser si vous voulez des informations supplémentaires à ce sujet. Ces messieurs ont également demandé à comparaître devant votre comité.

En conclusion, d'après les recherches effectuées à Toronto, il est évident que le MMT dégage très peu de manganèse dans l'air et qu'en éliminant le MMT dans l'essence on changera très peu, si toutefois on les change, les niveaux de manganèse dans l'air. Cette étude exhaustive vient encore renforcer les conclusions de Santé Canada qui, après une évaluation du risque effectué en 1994 avait déclaré que le manganèse dû à l'utilisation du MMT ne posait aucun risque pour la santé de la population canadienne.

Le président: Est-ce que cette étude se trouve dans les documents que vous avez apportés?

M. Lynam: Non, monsieur. L'échantillonnage sur le terrain a été terminé en août 1996. Toutes les données ont été soumises à un contrôle de la qualité et une garantie de qualité. Les données sur le manganèse sont disponibles. Il y a beaucoup d'analyses en cours, et nous pouvons certainement vous envoyer des tableaux où vous trouverez les résultats, le protocole de l'étude et le résumé d'étude.

Le président: Puisque le Sénat nous a chargés de cette étude et nous a demandé notre opinion, cela nous serait certainement très utile.

M. Hicks, vice-président, Relations gouvernementales, Ethyl Canada et vice-président, Ethyl Corporation, Washington (D.C.): Je suis le vice-président, Relations gouvernementales, chez Ethyl Canada et Ethyl Corporation. Je suis avocat de formation et je suis basé à Washington (D.C.). J'espère que vous ne m'en voudrez pas pour autant. J'ai pensé qu'il serait peut-être utile de vous expliquer un peu ce qui se passe actuellement aux États-Unis, et de vous parler de l'examen de l'EPA et du processus d'approbation du MMT.

Aux États-Unis, à partir de 1977, tout fabricant de carburant ou d'additif de carburant qui n'était pas «substantiellement similaire» -- c'est le langage de la loi -- à un carburant sans plomb accrédité -- ce qu'on pourrait appeler de l'essence «vanille», sans plomb -- ne pouvait plus utiliser ce carburant ou cet additif sans avoir prouvé à l'administrateur de l'EPA, et conformément aux dispositions de la Clean Air Act:

[...] la détermination que le requérant a établi que ce carburant ou additif de carburant et les produits émis par ce carburant ou additif de carburant ne causeront pas ou ne contribueront pas à endommager un système ou un dispositif antipollution pendant la durée de vie utile d'un véhicule à bord duquel un tel dispositif ou système est utilisé.

Autrement dit, le fardeau de la preuve repose sur le fabricant, c'est lui qui doit prouver à l'EPA que son produit n'endommagera pas un système ou un dispositif antipollution. Je ne vais pas vous faire un historique complet des discussions assez longues qui ont eu lieu entre l'EPA et Ethyl Corporation à ce sujet, mais si cela vous intéresse, je peux certainement le faire. L'élément le plus important, c'est le passage qui précise que le requérant doit prouver que son produit ne cause pas ou ne contribue pas à endommager les systèmes antipollution. L'EPA a décrété cela en décembre 1993.

Dans le Registre fédéral, qui est une publication officielle du gouvernement américain, l'EPA, le 9 décembre 1993, a publié la conclusion suivante:

L'administrateur de l'EPA a établi qu'Ethyl a satisfait à la disposition de la Clean Air Act pour déclarer que l'utilisation de High-Tech 3 000 [...]

C'est la marque de notre MMT.

[...] à la concentration indiquée ne provoquera pas, directement ou indirectement de problèmes dans le dispositif de contrôle des émissions installé sur les automobiles dans lesquelles ces dispositifs sont utilisés pour s'assurer que l'automobile en question ne dépasse pas les normes d'émission pour lesquelles elle a été homologuée. La décision de l'EPA repose sur toutes les informations concernant l'effet du MMT sur les émissions et les dispositifs de contrôle des émissions soumis à l'EPA alors qu'elle examinait la demande de dispense d'Ethyl.

Cette demande de dispense est la façon dont on procède pour demander à l'administrateur de suspendre l'interdiction sur l'introduction du produit. Les normes d'émission dont il est question ici sont, comme l'ont indiqué les trois principaux constructeurs automobiles hier, les plus strictes du monde.

Aussi, l'EPA, en décembre 1993, après les informations qui lui ont été fournies par les constructeurs automobiles et par la Société Ethyl sur les systèmes de diagnostic intégré et beaucoup d'autres éléments dont elle a tenu compte, a conclu que nous avions satisfait aux dispositions de la Clean Air Act; que notre produit ne nuit pas aux dispositifs de contrôle des émissions. Je reviendrai sur cette décision.

Comme on l'a dit hier, nous n'étions toujours pas d'accord avec l'EPA sur plusieurs autres questions et nous avons même porté certains autres éléments devant les tribunaux. Évidemment, nous étions d'accord avec l'EPA quand elle a finalement reconnu que notre produit ne nuisait pas aux systèmes de contrôle des émissions mais il y avait d'autres points sur lesquels nous n'étions pas d'accord.

Il est vrai que nous avons gagné le procès, comme on l'a dit, hier, sur une question de procédure. Je n'entrerai pas dans les détails mais je dirai simplement que cet argument concernait le moment où le MMT de la Société Ethyl avait été effectivement inscrit.

L'important à propos du procès est que bien que nous ayons poursuivi l'EPA, invoquant une question de procédure, les constructeurs automobiles ont également poursuivi l'EPA dans ce même procès à titre d'intervenants. L'American Automobile Manufacturers Association affirme que la Société Ethyl n'avait pas satisfait aux conditions et que l'EPA avait erré en déclarant que nous y avions satisfait.

La cour d'appel du District de Columbia, qui est l'avant-dernier recours aux États-Unis, a rendu sa décision en avril 1995. Nous avons gagné notre appel contre l'EPA et la cour lui a ordonné de nous accorder l'homologation comme nous le lui avions demandée.

À propos de la contestation par les constructeurs automobiles, de la décision de l'EPA selon laquelle nous n'endommagions pas les systèmes de contrôle des émissions, la cour a déclaré, entre autres:

L'AAMA prétend que certaines données soumises par ses membres permettent d'établir que le MMT a causé la défaillance des dispositifs de contrôle des émissions installés sur les automobiles. Elle prétend aussi que ses membres ont soumis des données permettant d'établir une base théorique et des données de production réelles confirmant la défaillance des dispositifs de diagnostic intégré provoqué par le MMT. La cour a conclu que l'analyse par l'administrateur, des données soumises, a été faite de façon soigneuse et précise. L'AAMA n'a absolument pas prouvé que cette analyse présentait des lacunes.

On a beaucoup parlé d'un examen indépendant des données soumises par Ethyl, les constructeurs automobiles, l'ICPT, et cetera. Nous sommes tout à fait favorables à ce qu'un organisme canadien s'en charge mais il ne faudrait pas oublier qu'à la fois l'EPA américaine et la Cour du District de Columbia aux États-Unis ont examiné toutes les données que vous avez là. Les constructeurs automobiles ne vous ont rien présenté hier qui n'avait pas d'abord été présenté à l'EPA et à la Cour d'appel et l'une et l'autre ont conclu que les constructeurs automobiles n'avaient absolument rien prouvé.

Le président: Pourrait-on voir les conclusions de l'EPA? On en a beaucoup entendu parler et il est très important que nous puissions obtenir ce texte.

M. Hicks: Oui, monsieur.

Le président: Quand vous pourrez.

M. Hicks: Je vous donnerai les décisions de la cour et les conclusions de l'EPA.

J'aimerais revenir sur deux ou trois choses qui ont été soulevées hier et qui ont peut-être laissé une impression erronée.

À propos des tests concernant la santé, on a laissé entendre, hier au sujet des tests demandés par l'EPA à Ethyl, qu'on avait en quelque sorte considéré Ethyl comme un cas particulier. Ce n'est pas vrai. À la suite d'un nouveau règlement émis en 1994, l'EPA demande que tous les fabricants de tous les carburants et de tous les additifs de carburant fassent des tests concernant la santé, c'est-à-dire des tests sur la neurotoxicité de leurs produits. Pour les produits qui sont déjà sur le marché, comme le MMT, un fabricant est autorisé à effectuer ces tests tout en continuant à vendre son produit. Pour un nouveau produit, les tests doivent être effectués avant que le produit ne soit mis en vente. Ce qui est important, c'est que l'on n'a pas réservé un traitement spécial à Ethyl. Tout fabricant de tout carburant et additif de carburant aux États-Unis est tenu d'effectuer ces tests concernant la santé. Nous sommes en train de négocier ces protocoles pour nos tests avec l'EPA.

Revenons maintenant aux tests entrepris par l'AAMA, à ces tests de 12 à 18 mois, de 12 millions de dollars effectués sur un parc de 80 voitures. On a déclaré hier que l'on effectuait ces tests à la demande de l'EPA. Ce n'est pas vrai. En fait, l'EPA a écrit il y a un peu plus d'un an à Ethyl -- je peux vous fournir copie de cette lettre -- que bien qu'elle continue à s'intéresser à la question des dispositifs de diagnostic intégré et de l'incidence éventuelle du MMT sur ces dispositifs, l'EPA ne comptait pas entreprendre ou demander des tests pour le moment. L'AAMA a informé l'EPA de son intention d'effectuer des tests. Elle a décrit le protocole. En fait, l'AAMA a très courtoisement invité Ethyl à une réunion le même jour de mars l'année dernière qu'elle a eu sa rencontre avec l'EPA. Mais ce n'est pas l'EPA qui a demandé ou fait faire ces tests.

On a d'autre part dit hier que la raison pour laquelle l'EPA avait chargé l'AAMA d'effectuer des tests était qu'elle ne pouvait plus tenir compte des données canadiennes, qu'il fallait que ce soit absolument des données américaines. Cela n'est pas vrai non plus. En fait, l'EPA peut examiner ce qu'elle veut. Pendant les délibérations concernant la dispense, il a été question d'une foule de données venant du Canada, soumises à la fois par Ethyl et par les constructeurs automobiles.

Enfin, on a laissé entendre hier que d'une façon ou d'une autre, la décision touchant la forme des éléments de preuve dans l'affaire empêchait l'EPA de réglementer aujourd'hui le MMT. On a même déclaré que l'EPA, si elle en avait le pouvoir, réglementerait aujourd'hui le MMT. Là encore, ce n'est tout simplement pas vrai. L'EPA n'a pas de liens d'amitié avec Ethyl et n'a approuvé que malgré elle l'emploi du MMT aux États-Unis. Néanmoins, elle a tout pouvoir pour le retirer du marché si elle peut satisfaire aux dispositions de sa propre loi.

Ces dispositions se trouvent à l'alinéa 2.11c) de la Clean Air Act qui stipule que l'administrateur peut contrôler ou interdire l'utilisation de tout carburant ou additif de carburant si, à son avis, les produits d'émissions de tel ou additif de carburant nuisent énormément à l'efficacité des systèmes antipollution généralement utilisés. Autrement dit, bien que les délibérations concernant notre dispense soient terminées et que l'EPA ait déclaré que nous ne contribuions pas, directement ou indirectement à la défaillance des systèmes ou dispositifs de contrôle des émissions et bien que nous ayons gagné le procès, l'EPA a toujours, aux termes des dispositions de la Clean Air Act, le pouvoir de retirer le MMT du marché si elle a suffisamment de preuves crédibles que nous endommageons les systèmes de contrôle des émissions ou que le MMT est nocif pour la santé. Elle ne l'a pas fait parce qu'elle n'a pas ces éléments de preuve.

M. Wilson: Permettez-moi de résumer rapidement votre position. Le projet de loi C-29 est une mauvaise politique d'intérêt public. Elle contrevient à l'accord fédéral-provincial sur le commerce intérieur. Elle soulève des questions d'ordre constitutionnel. Elle contrevient à l'ALENA. La raison d'être du projet de loi, l'harmonisation des carburants, n'existe plus. Les données scientifiques montrent que le MMT ne nuit plus aux dispositifs de contrôle des émissions installés sur les automobiles. La Loi canadienne sur la protection de l'environnement (LCPE) fournira un mécanisme plus approprié pour évaluer les questions liées à la composition des carburants.

Le sénateur Kenny: Ma première question s'adresse à M. Lynam. L'étude de Santé Canada à laquelle vous avez fait allusion a-t-elle permis de conclure si le MMT avait un impact sur les systèmes de diagnostic intégré?

M. Lynam: Vous demandez si Santé Canada a formulé un jugement sur la deuxième version des systèmes de diagnostic intégré? Non, il s'agissait seulement d'une évaluation des risques pour la santé.

Le sénateur Kenny: Monsieur Hicks, vous avez dit que l'EPA hésitait à approuver le MMT. Pouvez-vous nous dire pourquoi?

M. Hicks: Je l'ignore. Cette histoire a commencé bien avant mon temps et nous sommes peut-être partis du mauvais pied. Après la première décision concernant une dérogation, en 1990, l'EPA a effectué ses propres tests et a obtenu des résultats assez bizarres. Pour résumer cette longue histoire, disons qu'il s'est trouvé que l'EPA -- et les responsables l'admettent maintenant -- avait par inadvertance contaminé le combustible testé. Ces particules bizarres qu'on avait obtenues résultaient des tests.

L'EPA et Ethyl ont eu toute une dispute à ce sujet. Ils pensaient que le MMT en était la cause. Nous avons dit que ce n'était pas possible et l'animosité a simplement persisté au cours des années sur la question de savoir si nous sommes responsables de la défaillance des dispositifs antipollution. Comme le montre la citation que je viens de faire, même l'EPA a finalement conclu que nous avions fait ce qu'il fallait en l'occurrence.

En outre, comme on vous l'a dit hier, et comme vous l'entendrez probablement dire encore aujourd'hui par les représentants du Sierra Club et d'autres témoins, il y a des groupes -- y compris l'EPA -- que préoccupe l'exposition de faible intensité à long terme à une substance comme le manganèse. Il y a également d'autres préoccupations à ce sujet. M. Lynam en a parlé et peut vous en parler encore.

Le sénateur Kenny: Monsieur Wilson, Ethyl est-elle d'avis que le MMT aide les fabricants d'automobiles à respecter les normes d'émissions?

M. Wilson: Comme M. Roos l'a dit, dans nos deux tests effectués sur de grands parcs automobiles, lorsque nous avons comparé les résultats de l'utilisation d'essence avec manganèse par opposition à l'essence sans manganèse, nous avons constaté que les émissions étaient inférieures, en particulier celles d'oxydes d'azote.

Le sénateur Kenny: S'il en est ainsi, pouvez-vous expliquer au comité pourquoi les 21 fabricants et détaillants d'automobiles du pays refusent actuellement d'utiliser le produit et soutiennent qu'il n'améliore pas les émissions de leurs véhicules?

M. Wilson: Je peux vous parler des tests que nous avons effectués et vous dire que l'EPA, ainsi qu'Environnement Canada, les ont examinés à la loupe. Nos résultats montrent une réduction des émissions d'oxydes d'azote lorsqu'on utilise le MMT.

M. Hicks: Je vais poser une question qu'on entend souvent. Si le MMT aide vraiment les compagnies d'automobiles à respecter les normes d'émission, pourquoi s'y opposent-elles?

Le sénateur Kenny: C'est là la question.

M. Hicks: Je ne peux que spéculer, mais je serai heureux de le faire. C'est une question qui dépasse le MMT comme tel. Comme l'ont mentionné hier les représentants de l'Institut canadien des produits pétroliers (ICPP), il s'agit en réalité de conflits entre les grands fabricants d'automobiles et les grandes pétrolières, quant à savoir qui sera chargé de réduire la pollution atmosphérique. Le MMT est la première substance ainsi en cause au Canada, mais on aurait tout aussi bien pu s'attaquer aux émissions de souffre ou autre. Ce scénario se joue présentement partout dans le monde: en Europe, aux États-Unis et au Canada. C'est une lutte entre deux grandes industries. À mon avis, on devrait leur dire de partir, de cesser de nous faire perdre notre temps et de résoudre nos problèmes. Cependant, nous sommes ici.

Il est intéressant de noter que ce comportement ne concorde pas avec le comportement passé de l'industrie de l'automobile qui n'aime pas se faire dicter sa conduite et n'aime pas les variables. J'ai décrit le processus de dispense qu'il faut suivre pour faire approuver un additif de carburant aux États-Unis, et j'aimerais distribuer un tableau montrant tous les additifs qui ont été approuvés en vertu de cette procédure de dispense prévue dans la Clean Air Act des États-Unis. On y trouve le MMT, l'éthanol, le MTBE et le méthanol. Cela permet de voir l'ampleur de notre parc d'automobiles en comparaison avec certains autres. Je tiens particulièrement à attirer votre attention sur le fait qu'une industrie automobile s'est opposée à chacun de ces additifs dans des commentaires écrits présentés à l'EPA. L'industrie s'est opposée au MMT, à l'éthanol et au MTBE.

Au cours d'une séance d'un comité permanent de la Chambre des communes il y a eu un an en octobre, l'un des représentants de l'industrie automobile a levé un pichet d'eau claire en disant: «Voici de quoi toutes les essences devraient avoir l'air, d'après nous.» Ils ne veulent pas d'additifs. Ils veulent un seul carburant afin de pouvoir construire une voiture qu'on puisse conduire partout.

Le président: Vous vous trouvez probablement devant un groupe de sénateurs perplexes, car hier, nous avons entendu les présidents des trois grands de l'automobile et tous les témoins défendre la même position. Ils nous ont fourni beaucoup de renseignements totalement différents de ce que nous entendons aujourd'hui, en ce qui concerne l'EPA, les détecteurs, les convertisseurs catalytiques et d'autres questions. Dites-vous que la raison pour laquelle ils agissent ainsi n'a pas grand chose à voir avec le MMT, mais qu'elle est beaucoup plus profonde que cela?

M. Hicks: C'est ce que je suis porté à penser. Je ne comprends pas pourquoi le MMT les préoccuperait, si cette substance peut les aider et ils doivent comprendre au fond d'eux-mêmes qu'elle ne leur nuit pas.

Il pourrait y avoir un autre facteur. Je ne pense pas qu'ils aient clairement montré dans leur témoignage d'hier qu'ils ont beaucoup de difficultés à faire fonctionner les systèmes de diagnostic intégré. L'un de leurs experts a dit que les problèmes qu'ils éprouvent aux États-Unis ne sont que quelques problèmes initiaux.

Comme M. Roos l'a dit dans son témoignage, on a commencé à exiger les systèmes de diagnostic intégré en Californie lorsque le California Air Resources Board (CARB) a stipulé que les automobiles devraient en être munies en Californie en 1993. L'EPA des États-Unis a repris cette exigence du CARB à compter de 1994 et exigé que tous les nouveaux véhicules en soient munis à compter de 1996. Les fabricants d'automobiles s'y sont constamment opposés. C'est un défi technique difficile pour eux. Cependant, aux États-Unis, où le MMT n'a pas été utilisé avant l'an dernier, ils ont donné une variété de raisons, devant l'EPA et le CARB, pour expliquer pourquoi leurs systèmes ne fonctionnent pas. En 1993, l'EPA a rejeté les affirmations de l'industrie automobile selon lesquelles le souffre endommage les systèmes de diagnostic intégré.

En août dernier, l'EPA a accordé aux fabricants d'automobiles une dispense pour qu'ils puissent instaurer graduellement les systèmes de diagnostic intégré. D'après le registre fédéral de l'EPA, les fabricants ont dit craindre que le froid extrême ou la haute altitude ne puisse empêcher certains codes d'indiquer que tout est prêt à fonctionner et leur a accordé une dispense. M. Roos a mentionné qu'ils ont fait appel auprès du CARB, et que le personnel du CARB a recommandé en décembre que les règlements du CARB soient modifiés parce que les fabricants d'automobiles déclaraient éprouver des difficultés étant donné la variabilité des normes de production des véhicules.

M. Roos: C'était essentiellement dû à la sensibilité de certains des systèmes. Ils ont fourni des données pour appuyer leurs arguments afin de persuader le CARB de modifier le règlement.

M. Hicks: Tout cela est consigné sur papier. Il ne s'agit pas de quelques difficultés initiales et cela pourrait fort bien constituer un nouveau motif de blâmer, au Canada, le MMT pour le fait que les systèmes des États-Unis ne fonctionnent pas comme ils le devraient.

Le sénateur Spivak: Dans votre réponse au sénateur Kenny, vous avez mentionné que le MMT réduisait les émissions d'oxydes d'azote. Qu'en est-il des hydrocarbures, du gaz carbonique et du monoxyde de carbone? Dans votre réponse vous sembliez indiquer que l'essence contenant du MMT réduirait les émissions au niveau des normes. Reprenez-moi si j'ai fait erreur, car j'ai peut-être exagéré. Ils doivent respecter ces normes, et peut-être aussi plus tard dans le cas du souffre et d'autres substances.

M. Roos: Les hydrocarbures, le monoxyde de carbone et les oxydes d'azote sont les trois polluants automobiles réglementés. Je vais m'appuyer sur l'analyse faite par l'EPA des résultats des tests. Cet organisme a conclu qu'il n'y avait pas de changements dans les émissions d'hydrocarbures dans le cas des parcs de véhicules ayant fait l'objet de tests. Il y a eu une faible diminution du monoxyde de carbone, mais ce résultat n'était pas statistiquement significatif. Cependant, il y a eu une diminution importante, continue et significative des émissions d'oxydes d'azote.

Le sénateur Spivak: Vous dites que les systèmes au MMT n'amélioreront pas les normes d'émissions que les systèmes qui consomment d'autres carburants? J'ai peut-être mal posé ma question. Il y a différentes sortes de carburants. Il y a des normes. Dites-vous que les chances sont les mêmes pour tous?

M. Roos: Nous disons que le MMT dans le carburant n'est pas un facteur de la défaillance d'un système antipollution qui l'empêche de respecter ces normes.

Le sénateur Spivak: Les carburants qui existent à l'heure actuelle présentent-ils les mêmes caractéristiques en ce qui concerne les systèmes de diagnostic intégré ainsi que les normes d'émissions?

M. Roos: Non. Les carburants ne sont pas tous identiques. Un vaste programme a été mené conjointement aux États-Unis par les fabricants automobiles et les sociétés pétrolières. Appelé «Auto Oil», il a été à une plus petite échelle que les essais effectués sur le MMT et son but était de répondre à la question que vous avez posée: «Les carburants sont-ils tous pareils?» La réponse est non. Il y a des différences attribuables aux divers types de pétrole brut qui proviennent des diverses régions du monde. Il est établi que le pétrole en provenance d'une région en particulier produira une essence différente de celle extraite d'autres pétroles.

Le sénateur Kenny: Une association de marchands d'automobiles a comparu devant nous et nous a dit qu'il y a des différences importantes dans le coût d'entretien des véhicules au Canada et aux États-Unis, même lorsque les conditions sont les mêmes sous tous rapports, sauf que les véhicules au Canada sont alimentés au carburant avec MMT, contrairement aux États-Unis. Qu'avez-vous à dire à cela?

M. Roos: Je n'y étais pas. Je ne peux donc pas dire.

Le sénateur Kenny: Ils nous disaient: «C'est fantastique. Jamais nous n'avons fait autant d'argent. Nos recettes sont considérément plus élevées que celles des concessionnaires semblables américains qui vendent les mêmes véhicules. Plus il y a de MMT au Canada, plus cela nous fait plaisir.»

M. Wilson: Ce sont des encouragements qui nous réjouissent.

Le sénateur Kenny: C'était un appui vigoureux en faveur du carburant que vous fabriquez. Essentiellement, ils nous ont dit que le consommateur se faisait arnaquer.

M. Roos: Quand nous faisons des essais sur des parcs de véhicules, nous employons des carburants que l'on trouve dans le commerce, l'un qui contient du MMT, l'autre pas. Nous tenons compte de toutes les variables, comme les routes glacées et le froid. Tous les facteurs sont les mêmes pour tous les véhicules. La seule différence, c'est le MMT. Nous tenons aussi un journal d'entretien qui est remis à l'EPA. Ces journaux ne révèlent aucune différence entre les véhicules lorsque l'unique variable est le MMT.

Il peut y avoir des différences lorsque l'on compare les dossiers de réparations aux États-Unis et au Canada, dans le cas des réparations faites aux termes d'une garantie. Je n'y ai pas accès, je ne sais donc pas. Chaque fois que des données comme celles-là sont publiées, il faut les examiner. Il faut tenir compte d'autres variables. Si le MMT est une variable qui influe sur le résultat final, on peut alors le pondérer. C'est le cas pour les garanties. Sont-elles appliquées différemment au Canada et aux États-Unis? C'est le genre de questions auxquelles il faut trouver réponse.

Le sénateur Kenny: Monsieur Wilson, au point numéro 6, vous avez parlé d'harmonisation. Je crois savoir qu'au Canada la norme est de 18 milligrammes de manganèse au litre. Aux États-Unis, elle est de 1/32 de gramme de manganèse au gallon, ce qui revient à 8,28 milligrammes le litre. Comment l'harmonisation se fera-t-elle si nous n'adoptons pas le projet de loi?

M. Wilson: L'Institut canadien de produits pétroliers a proposé il y a quelque temps d'abaisser le contenu à 8,6 milligrammes. L'harmonisation se ferait donc instantanément.

Le sénateur Kenny: Monsieur Wilson, pourriez-vous expliquer au comité ce que vous comptez faire si nous n'adoptons pas le projet de loi?

M. Wilson: Il est évident que cela nous réjouirait. Nous aimerions bien que l'atmosphère entre l'industrie pétrolière et l'industrie automobile soit plus détendue. Depuis le début, nous disons que nous voulons participer à ce processus s'il se déroule en présence d'une tierce partie indépendante.

Le sénateur Kenny: L'autre partie de ma question est la suivante: qu'allez-vous faire si nous adoptons ce projet de loi?

M. Wilson: Cela nous préoccuperait beaucoup. Comme vous le savez, nous avons examiné la chose sous l'angle de l'ALÉNA. M. Hicks voudra peut-être vous en parler.

M. Hicks: Une des possibilités qui s'offre à nous est d'invoquer la disposition de l'ALÉNA qui permet à l'investisseur de présenter une demande en justice contre un État pour préjudice subi. Il est certain que ce projet de loi aura des effets considérables sur Ethyl Canada s'il est adopté. Ce n'est pas moi qui m'occupe des affaires, et je ne peux donc pas vous donner de chiffres, mais l'effet serait dévastateur. Non seulement sur le plan financier, mais aussi parce que ce serait une décision qui ne se justifierait par aucun motif valable ou fondement scientifique.

Le président: Vous avez déjà présenté une réclamation, n'est-ce pas?

M. Hicks: Non.

Le président: Avez-vous présenté un avis?

M. Hicks: Un avis d'intention.

Même si je suis avocat, je ne suis pas spécialiste de l'ALÉNA. Notre avocat, qui lui l'est, a demandé à comparaître devant vous. Si vous voulez en discuter de façon détaillée, il sera heureux de se présenter.

La marche à suivre est la suivante. L'investisseur qui fait une réclamation contre un gouvernement partie à l'ALENA pour avoir enfreint l'accord, doit déposer un avis d'intention de présenter une réclamation. Suit une période de 90 jours pendant laquelle, aux termes de l'ALÉNA, les parties, sans y être obligé sont vivement invitées à tenir des consultations pour régler le problème. Le gouvernement du Canada a refusé de nous consulter, même si nous en avons fait la demande. Les 90 jours sont maintenant écoulés. En vertu des règles de l'ALÉNA, nous pouvons donc présenter notre réclamation à n'importe quel moment. Il ne s'agit pas d'une action en justice mais d'une instance en arbitrage. Le gouvernement du Canada désignerait un arbitre, et nous aussi. Les deux choisiraient une tierce partie et la cause serait entendue.

Toutefois, nous n'avons pas présenté de réclamation.

Le président: Quels sont vos motifs d'action?

M. Hicks: Le premier, c'est l'expropriation. Voici. Nous avons une entreprise au Canada et si le projet de loi est adopté et qu'il ne nous est plus possible de vendre du MMT ici, notre entreprise sera confisquée.

Même si la loi n'est pas adoptée, nous pouvons aussi soutenir que c'est déjà le cas puisque notre réputation est ternie. Notre clientèle a subi un préjudice. Même chose pour nos ventes et nos ventes à l'étranger. Que le projet de loi soit adopté ou non, à notre avis et de l'avis de nos avocats, notre réclamation est déjà fondée. Chose certaine, si le projet de loi est adopté et si le gouvernement du Canada, dans les faits, nous prive de notre entreprise, l'ALÉNA permet clairement à l'investisseur de recouvrer des dommages-intérêts.

L'autre argument repose sur ce que l'on appelle le traitement national. C'est un terme de droit international qui oblige les pays à traiter les entreprises étrangères aussi bien que les leurs. Il y aussi ce que l'on appelle la prescription locale de résultats. Cela signifie qu'un pays ne peut pas voter de loi ou de règlement qui obligerait les compagnies à accomplir certaines choses localement. À notre avis, le projet de loi C-29 enfreint la règle du traitement national ainsi que la prescription de résultats parce qu'il n'interdit pas le MMT. Ce qu'il interdit, c'est l'importation du MMT et son commerce interprovincial. Cela signifie qu'une société canadienne, ou Ethyl Corporation, pourrait bâtir une usine dans chaque province et territoire et continuer à fabriquer et à vendre le MMT. Cela enfreint le traitement national et la prescription de résultats.

Le sénateur Kenny: En réponse à ma première question, M. Hicks a donné une réponse différente de celle de M. Wilson. Si j'ai bien compris M. Hicks, il entrevoit une réclamation en vertu de l'ALÉNA quoi qu'il arrive. Mais ce n'est pas ce que vous avez dit, monsieur Wilson.

M. Wilson: Si vous n'adoptez pas le projet de loi, nous n'aurons aucune raison d'invoquer la disposition de l'ALÉNA.

Le sénateur Kenny: M. Hicks vient à peine de nous dire qu'il serait fondé à l'invoquer.

M. Hicks: Nous soutenons que le préjudice remonte à décembre 1994, au moment où la ministre Copps a annoncé que le MMT était nuisible et qu'il serait éliminé du marché canadien. C'est l'origine de notre cause d'action.

Il est indiscutable qu'il existe une cause d'action que le projet de loi soit adopté ou pas. En effet, notre réputation a été atteinte et nous avons dû engager des dépenses pour nous défendre. Il s'agit de déterminer l'ampleur des dommages. Mais ces dommages sont antérieurs à l'adoption ou non du projet de loi.

Vous avez raison de dire que nous pourrions présenter une réclamation contre le gouvernement que le projet de loi soit adopté ou non. Toutefois, ce n'est pas notre intention. Il est évident que nous n'irons pas de l'avant si le projet de loi n'est pas adopté. Si nous avons déposé notre avis d'intention, c'est uniquement parce que nous voulions être en règle. Nous n'avons appris l'existence de cette disposition de l'ALÉNA qu'à la fin du printemps dernier. Nous l'avons examinée et nous avons conclu qu'elle correspondait à notre situation. Nous avons donc jugé que la chose à faire était de déposer un avis de réclamation le plus tôt possible pour que ceux qui sont chargés d'examiner le projet de loi puissent tenir compte d'un autre facteur. Nous alléguons que nos dommages sont de l'ordre de 200 millions de dollars américains.

Le sénateur Rompkey: Je voulais revenir sur l'affirmation ou l'hypothèse de M. Hicks qui pense que ce litige fait partie d'une guerre que se livrent les grands fabricants d'automobiles et les grandes compagnies pétrolières, dont l'issue est de déterminer qui réduira les émissions dans l'atmosphère. Si c'était le cas, vous êtes en train de livrer votre dernière bataille parce qu'on nous dit que le MMT n'est plus utilisé dans aucun autre pays de l'OCDE, que le Canada fait cavalier seul. De fait, Mercedes-Benz nous a dit hier qu'elle produit 184 000 véhicules.

Le sénateur Spivak: Non, 650 000.

Le sénateur Rompkey: Elle en vend 5 000 au Canada et il n'y a qu'ici que les véhicules ont des ennuis. Ils n'en ont pas ailleurs. Les fabricants japonais nous ont dit essentiellement la même chose: «Il n'y a qu'au Canada qu'il y a des problèmes.» S'il s'agit ici d'une guerre, il semble que ce soit l'industrie automobile qui ait remporté la bataille du MMT. Pourquoi livrons-nous bataille sur le terrain du MMT? Autant concéder la victoire à l'industrie automobile et passer à autre chose puisqu'elle a clairement remporté cette bataille.

M. Hicks: Sauf votre respect, je ne suis pas d'accord. Pourquoi devriez-vous concéder la victoire à l'industrie automobile simplement parce qu'elle vous dit de baisser pavillon?

L'industrie automobile fait deux choses, et c'est exactement ce qu'a dit Environnement Canada hier. La désorganisation du marché est une des raisons pour lesquelles le sous-ministre adjoint Clark a dit que le gouvernement allait de l'avant. Qu'est-ce que c'est, la désorganisation du marché? C'est la crainte d'une réaction des électeurs si les compagnies automobiles mettent à exécution leurs menaces de débrancher les systèmes de diagnostic intégré ou d'annuler les garanties. Cela, c'est une menace des compagnies automobiles.

Deuxièmement, il y a le principe de prudence. Le sous-ministre adjoint Clark a déclaré que l'information n'est pas concluante -- même Environnement Canada le dit -- et que les compagnies d'automobiles n'ont pas prouvé leurs allégations. Elles disent que de ne pas interdire le MMT aura des effets nocifs et que, par conséquent, il faut l'interdire. Je ne comprends pas pourquoi le Canada reprend à son compte la position de l'industrie automobile qui réclame l'interdiction du MMT. C'est comme si le Canada disait que comme il n'est pas utilisé en grande quantité ailleurs, il faut battre en retraite.

Depuis 20 ans, le Canada est un leader dans le domaine des carburants antipollution qui sont peu coûteux et sans danger pour les raffineries. Ce carburant ne coûte pas beaucoup en usine ou en matériel. Je ne comprends pas pourquoi le Canada se contente de dire qu'il fait cavalier seul et que les compagnies automobiles lui ordonnent d'abandonner.

Aux dernières nouvelles, les États-Unis faisaient encore partie de l'OCDE et l'usage du MMT est autorisé là-bas.

Le sénateur Rompkey: Non.

M. Hicks: Si. Mais pas autant que nous le souhaiterions.

M. Wilson: Nous en vendons, sénateur.

Le sénateur Spivak: Aux États-Unis?

M. Wilson: Nous en vendons aux États-Unis et il est ajouté à l'essence sans plomb. Nous avons des clients à l'heure actuelle.

M. Hicks: L'un des problèmes avec les autres pays, c'est que le reste de la planète attend de voir ce que va décider l'EPA américaine. Ce n'est qu'après avoir parlé d'une poursuite que l'EPA a homologué le MMT en décembre 1995. Ce produit n'est légal aux États-Unis que depuis un peu plus d'un an. Beaucoup des pays dont vous parlez, comme la Bulgarie et d'autres petits pays qui l'utilisent, attendaient de voir ce que l'EPA allait faire. Pour une raison ou pour une autre, ils veulent convertir leurs raffineries pour atteindre de façon moins coûteuse un certain indice d'octane.

Beaucoup de pays de l'OCDE ont fait ce que le Canada a choisi de ne pas faire. C'est-à-dire que lorsqu'ils ont décidé d'éliminer graduellement l'essence avec plomb, ils ont choisi de faire du raffinage plus rigoureux et ont consacré plus d'argent aux usines et au matériel et ont produit des essences à teneur aromatique et carcinogène beaucoup plus élevée, contrairement au Canada, qui a adopté le MMT et a évité ces problèmes.

Il y a un autre pays de l'OCDE qui commence à s'en servir, et c'est le Mexique. Actuellement, au moment où on se parle, les trois partenaires de l'ALÉNA utilisent le MMT.

Le président: Il existe une certaine confusion au comité sur la question de savoir si le MMT est effectivement en usage aux États-Unis. La question a été soulevée à plusieurs reprises. Nous avons entendu des réponses contradictoires. Vous êtes le témoin tout désigné pour nous répondre puisque vous monopolisez le marché. Quelle est la situation de votre produit aux États-Unis, surtout en ce qui concerne le volume des ventes?

M. Wilson: Nous avons des clients, je peux vous l'assurer. Notre clientèle s'agrandit lentement, mais il y a des raisons à cela. La première, c'est que nous avons été absents du marché pendant 17 ans à attendre que notre dispense soit approuvée. Entre-temps, il va sans dire, les lois ont changé aux États-Unis. On a commencé à se servir des composés oxygénés. On produit donc beaucoup d'essence à indice élevé d'octane sur le marché américain. Et c'est sur ce marché qu'il nous faut livrer la concurrence. Cela a été très lent.

Et puis, les mesures du gouvernement canadien ont attiédi l'ardeur de nos clients aux États-Unis et ailleurs dans le monde.

M. Hicks: Sans compter les fabricants d'automobiles.

M. Wilson: Ils sont encore très bruyants. Évidemment, notre clientèle ne s'élargit pas aussi rapidement que nous le voudrions. Mais nous avons des clients aux États-Unis, je vous l'assure.

Pour ce qui est du volume de nos ventes aux États-Unis, c'est un renseignement confidentiel. Je ne peux pas le révéler. Mais je peux vous assurer que le MMT est utilisé aux États-Unis.

Le président: Le produit est-il interdit en Californie?

M. Wilson: La filière est la même en Californie qu'ailleurs aux États-Unis. Il faut obtenir une dispense pour mettre du MMT dans l'essence là-bas. Nous ne sommes pas entrés en communication avec l'État de la Californie. Nous pourrions le faire n'importe quand, mais nous avons décidé de nous en abstenir pour le moment.

Le président: À l'heure actuelle, vous n'avez pas le droit de vendre du MMT en Californie?

M. Hicks: Nous ne pouvons pas le vendre en Californie ni dans les endroits où l'on exige de l'essence reformulée. Cela représente environ 15 p. 100 du marché. L'essence reformulée exige une autre dispense.

En ce qui concerne l'autorisation de l'utiliser dans la totalité des carburants aux États-Unis, nous avons une dispense qui représente 85 p. 100 du marché et il nous reste encore à en obtenir en Californie et dans les régions qui exigent l'essence reformulée.

Le sénateur Rompkey: Je veux vous interroger au sujet de l'écart entre votre étude sur la réduction des émissions d'oxydes d'azote et ce que nous avons entendu hier de la bouche des représentants de l'Institut canadien des produits pétroliers. Ces derniers prétendent qu'il y a réduction de 8 p. 100 des émissions d'oxydes d'azote, tandis que dans votre étude on prétend qu'il y a une réduction de 20 p. 100 de ces oxydes. L'Université de Waterloo a également examiné votre étude et conclut que vos prétentions relativement aux émissions d'oxydes d'azote ne sont pas fondées.

Le sénateur Buchanan: Avez-vous cette étude?

Le sénateur Rompkey: Vous demandez si je l'ai ici même?

Le sénateur Buchanan: Est-elle ici?

Le sénateur Rompkey: Il en a été fait mention hier.

Le sénateur Kenny: Elle est dans notre trousse et à la disposition du comité. Cela fait partie des documents que j'ai déposés à votre intention. Nous les avons ici et on les a fait parvenir à votre bureau.

M. Wilson: Je demanderai à M. Roos de répondre à la première partie de la question. Quand il sera question de l'étude de l'Université de Waterloo, j'aurai quelque chose à ajouter.

M. Roos: J'ai entendu hier les représentants de l'ICPP mentionner une réduction de 8 p. 100 des oxydes d'azote. Je pense qu'ils se référaient au même mémoire que j'ai ici en main, signé par John Holly de l'EPA, dans lequel l'agence américaine a examiné toutes les données qui lui ont été présentées sous leur utilisation et les émissions de MMT, y compris les données présentées par la société Ford. Ces deux chiffres de 20 p. 100 et de 8 p. 100 sont fondés sur les mêmes données. La différence s'explique par l'autre élément de comparaison. Dans le cas du 8 p. 100, l'EPA compare la réduction, portant sur une certaine quantité d'oxydes d'azote, et se demande comment cela se compare à la norme. La norme est beaucoup plus élevée. Par conséquent, on compare le résultat net à la norme elle-même. On compare la réduction de 8 p. 100 à la norme pour laquelle le véhicule a été certifié. Quant à la réduction de 15 p. 100 à 20 p. 100 dont j'ai parlé, la quantité d'oxydes d'azote demeure la même, mais on fait la comparaison avec des véhicules qui ne consomment pas de l'essence au MMT. En pratique, c'est comme si l'on avait deux voitures qui roulaient dans cette salle de conférence ici même et que l'on examinait les émissions que ces véhicules rejettent dans la pièce; une voiture en rejette une certaine quantité, pour l'essence de base, tandis que l'autre voiture, qui roule à l'essence au MMT, en rejette 20 p. 100 de moins. Quant à la comparaison faite par l'EPA et l'ICPP, eux disent «Voyons quelle différence on peut mesurer par rapport à la norme fixée par règlement». Ce sont donc les mêmes chiffres; on se trouve simplement à faire une comparaison différente. C'est ce qui explique que les chiffres sont différents.

M. Hicks: Ce qu'il importe de retenir, que ce soit le chiffre de 5 p. 100 calculé par Environnement Canada à un moment donné, ou bien le chiffre de 8 p. 100 cité par l'EPA, ou encore un chiffre de 15 p. 100 ou 20 p. 100, c'est que de toutes manières, la réduction des oxydes d'azote évoluent dans le mauvais sens. Même une augmentation de 5 p. 100 ou 8 p. 100, qui s'appliquerait immédiatement dès l'élimination du MMT de l'essence, est une énorme augmentation. Le gouvernement du Canada n'a aucun plan pour compenser l'augmentation d'oxydes d'azote advenant l'interdiction du MMT.

M. Roos: Je voudrais ajouter un mot sur la signification de ce 8 p. 100. Examinons ce chiffre. Une réduction de 8 p. 100 des émissions d'oxydes d'azote, c'est beaucoup plus que ce que l'EPA exige pour l'an 2001. C'est tout simplement impossible à obtenir au moyen d'une autre formule quelconque de carburant. L'ICPP vous a parlé des milliards de dollars provenant de la réduction du souffre. Ce 8 p. 100, c'est un chiffre impressionnant.

Le sénateur Rompkey: Ils ont également mis cela en contexte, en parlant d'autres émissions. Je me rappelle qu'ils nous disaient que ce que l'on perd d'un côté, on peut le rattraper de l'autre. Si l'on réduit les émissions d'oxydes d'azote, on augmente du même coup les émissions d'autres substances. Ils prétendent que l'on peut réglementer dans un sens ou dans l'autre. Leur témoignage portait sur l'ensemble des émissions, pas seulement celles d'oxydes d'azote. Je ne suis pas spécialiste et je ne suis pas sûr de comprendre tout à fait.

M. Wilson: Nos données montrent qu'il n'y a aucune différence sensible des émissions d'hydrocarbures ou de monoxyde de carbone quand on compare la combustion d'essence au MMT et d'essence sans cet additif. La seule différence, c'est cette diminution de 15 p. 100 à 20 p. 100 des émissions d'oxydes d'azote.

Le sénateur Rompkey: Et l'étude de Waterloo?

M. Wilson: Nous avons été mis au courant de l'étude de Waterloo au moment des audiences du comité de la Chambre, en octobre dernier, alors que ce rapport a été déposé. Nous ne l'avions jamais vu auparavant. Nous avons immédiatement demandé à l'un de nos experts conseils, la firme Environ -- soit dit en passant, la représentante de cette firme a demandé à comparaître devant le comité et je suis certain qu'elle serait ravie de vous entretenir de façon détaillée de l'étude de l'Université de Waterloo -- d'examiner cette étude. Elle a immédiatement constaté que les auteurs de l'étude disposaient de données incomplètes. Elle leur a fait parvenir les données complètes. Ils ont fait une nouvelle analyse. Nous voulions que notre experte conseil de la firme Environ, rencontre les gens de l'Université de Waterloo pour discuter des aspects techniques de leur évaluation. Une tentative a été faite pour rencontrer les deux auteurs de l'étude. Je crois que c'était vers février 1996. En fin de compte, après de nombreux appels téléphoniques, ils ont fait savoir à notre experte conseil qu'ils ne pouvaient pas la rencontrer avant d'obtenir l'approbation de General Motors, qui avait commandé l'étude. À notre connaissance, General Motors n'a jamais autorisé les gens de l'Université de Waterloo à rencontrer notre experte-conseil pour discuter des différences observées. Encore une fois, ils se dérobent. Nous voulons les rencontrer pour discuter de ces différences. Ils refusent. General Motors refuse de permettre à ces experts conseils de nous rencontrer.

Le sénateur Cochrane: Nous avons reçu hier des représentants de Ford et d'autres grands fabricants de véhicules automobiles. J'aurais aimé avoir ces renseignements sous la main hier, parce que le document de Ethyl Canada Inc. est daté du 11 octobre 1996.

M. Wilson: Et le titre?

Le sénateur Cochrane: Il est intitulé «Le MMT et l'évaluation du système de diagnostic de bord des ratés du moteur».

M. Wilson: Oui, je connais ce document.

Le sénateur Cochrane: C'est un exemplaire plus récent, qui date de 1996. Dans ce document, vous citez un officiel de Ford qui aurait dit:

[...] sur une période de plusieurs années, nous avons examiné des bougies encrassées par le MMT et, jusqu'à maintenant, nous n'avons pas réussi à en trouver une seule qui ait fait défaut.

Maintenant, M. Hutchins, de la compagnie Ford, n'a jamais entendu parler de cette citation.

Le sénateur Rompkey: Et il n'est pas d'accord.

Le sénateur Cochrane: Il n'est pas d'accord. Pouvez-vous me dire où vous avez trouvé cela?

M. Wilson: M. Hutchins est le chef de la direction de Ford Canada?

Le sénateur Cochrane: Oui.

M. Wilson: Je vais demander à M. Roos de répondre à cette question, parce que c'est pertinent à la citation.

M. Roos: Je crois que cette citation est tirée d'une conférence technique sur les bougies d'allumage. Il y avait désaccord au sujet de l'effet du MMT sur les bougies d'allumage. Le scientifique en question est cité dans le compte rendu de cette conférence.

Le sénateur Cochrane: Un officiel de chez Ford?

M. Roos: Un scientifique de chez Ford, oui.

Le sénateur Cochrane: Et c'était en 1996?

M. Roos: Je crois que la conférence a eu lieu en 1995. C'était à la fin de 1995. Ceci est daté de 1996.

M. Wilson: Je ne crois pas qu'il soit inhabituel que le chef de la direction ne soit pas au courant de ce que l'un des ses scientifiques a dit à une conférence technique.

M. Roos: C'est un exemple de ce qui nous préoccupe dans tout cela; un groupe présente des données et en tire des conclusions, tandis que le chef de la direction s'appuie sur des données différentes. Cela nous a toujours préoccupés. Vous entendez une déclaration et ensuite, vous allez à une conférence technique où les gens parlent de leurs travaux et vous entendez un énoncé différent. S'ils mettaient leurs données sur la table pour qu'on puisse les examiner, peut-être pourrait-on concilier tout cela.

Le sénateur Cochrane: Je ne savais rien de cela. J'aurais voulu approfondir cette question également. Si ce monsieur a été cité au sujet des bougies d'allumage à une conférence technique portant précisément sur les bougies, alors il doit s'y connaître en la matière.

M. Roos: Il doit être l'un de leurs spécialistes, oui.

Le président: Connaissez-vous le nom de ce scientifique?

M. Roos: Je n'en suis pas certain, mais je pourrais vous l'obtenir.

Le président: Je vous demanderais de nous le communiquer.

Le sénateur Whelan: Je ne suis pas expert en la matière, mais après avoir écouté des experts de l'industrie de l'automobile et de la société Ethyl, je n'oserais pas dire qu'il y a une bande de menteurs dans cette pièce, mais chose certaine, nous ne savons plus quoi penser des témoignages. Certaines accusations ont été assez catégoriques. Il y a une chose qui me déplaît, c'est que vous nous menacez d'une massue. J'ai eu affaire à trois secrétaires de l'Agriculture des États-Unis d'Amérique pendant mes 12 années à titre de ministre du gouvernement du Canada.

Nous nous sommes toujours très bien entendus, avant l'ALÉNA. Aujourd'hui, vous brandissez cette massue et dites «si vous n'êtes pas sage, nous allons vous assommer»; c'est une menace et je n'aime pas cela du tout. Ce n'est pas de cette façon que nous avions coutume de faire des affaires.

Qui possède la société Ethyl?

M. Hicks: C'est une compagnie cotée en bourse qui appartient à ses actionnaires.

Le sénateur Whelan: N'y a-t-il pas une grosse société pétrolière qui en possède la majorité des actions?

M. Hicks: Non, monsieur.

Le sénateur Whelan: La société Ethyl pourrait-elle être absorbée par une autre entreprise?

M. Hicks: Je le suppose, il suffit d'acheter suffisamment d'actions.

Le sénateur Whelan: Ce n'est pas comme Cargill, par exemple? Personne ne pourra jamais s'emparer de Cargill ou de quelques autres grandes entreprises que je connais, à cause de la façon dont elles sont constituées.

M. Hicks: C'est une compagnie dont les actions sont cotées en bourse.

Le sénateur Whelan: Combien avez-vous investi dans des installations au Canada?

M. Wilson: Nous avons une usine à Corunna dans laquelle nous fabriquons un certain additif pour le carburant utilisé dans les moteurs diesel et nous mélangeons aussi d'autres produits comme le MMT.

Le sénateur Whelan: Est-ce votre seule usine en Amérique du Nord où l'on fabrique du MMT?

M. Wilson: Nous ne fabriquons pas de MMT à notre usine de Corunna.

Le sénateur Whelan: Où donc le fabriquez-vous?

M. Wilson: À notre usine d'Orangeburg, en Caroline du Sud.

Le sénateur Whelan: On utilise donc de l'essence au MMT en Caroline du Sud?

M. Wilson: On l'utilise aux États-Unis, oui.

Le sénateur Whelan: Beaucoup de compagnies, dont Amoco, Anchor Gasoline, ARCO, BP, Chevron, Exxon, Hess, Marathon, Mobile, Pennzoil, Phillips, Shell, Sun and Texaco ont envoyé à l'EDF des lettres disant qu'elles ne vendent pas actuellement d'essence au MMT aux États-Unis. Je cite:

Si des essais suffisants et indépendants démontrent que le MMT est sûr, nous n'avons aucune objection à son utilisation, mais Ethyl devrait agir de façon responsable et suspendre la vente du MMT en attendant que des études soient menées à bien sur les répercussions en matière de santé [...]

Les auteurs ajoutent que s'ils utilisaient le produit, ils l'indiqueraient clairement sur les pompes pour avertir les consommateurs. Savez-vous si l'on indique sur les pompes à essence aux États-Unis que l'on vend ce produit, si l'on avertit les consommateurs que l'essence contient du MMT?

M. Hicks: Je crois que ce que vous lisez, c'est ce que l'EDF voudrait que les pétroliers fassent. Ces compagnies ont répondu à un questionnaire du Environmental Defence Fund, disant qu'elles n'avaient pas l'intention d'utiliser le MMT pour le moment.

M. Wilson: C'était il y a près d'un an.

M. Hicks: L'EDF leur demande aussi, dans l'éventualité où ces compagnies décideraient de vendre ce produit, si elles étiquetteraient leurs pompes en conséquence, et l'EDF n'a pas obtenu de réponse à cette question de la part des compagnies pétrolières.

Le sénateur Whelan: J'ai été secrétaire parlementaire du ministre quand nous avons créé notre propre ministère de l'Environnement au Canada. Nous étions le deuxième pays au monde à le faire.

Votre présentation m'incite encore une fois à citer ce document:

En 1925, en dépit des protestations émanant du milieu de la santé publique, Ethyl a commencé à vendre des additifs au plomb pour l'essence, avec des résultats catastrophiques pour la santé de la nation. Aujourd'hui, 70 ans plus tard, Ethyl ne tient toujours aucun compte des préoccupations en matière de santé et vend du MMT sans avoir d'abord obtenu des renseignements valables sur la toxicité de ce produit.

Je n'ai pas lu tous les témoignages, mais en 1925, vous avez dit la même chose, à savoir que le plomb était absolument sûr, alors que nous savons maintenant à quel point c'était mauvais. Notre territoire, nos localités en sont encore imprégnées.

Vous nous dites encore la même chose. J'en ai parlé à M. Donaldson de l'Université Queen's et à M. Labella. Ils sont très inquiets au sujet du manganèse. Vous dites qu'une quantité minuscule ne peut être nuisible. Comme je l'ai dit l'autre jour, une quantité minuscule de poison tiré d'une abeille peut être foudroyante.

Vous parlez du problème du manganèse dans le métro, et cetera. Je ne crois pas que nous devrions y contribuer le moindrement, alors même que nous n'en savons pas grand-chose.

J'ai de fortes réserves à ce sujet. Les plus gros consommateurs du monde de votre produit vous disent qu'ils veulent un produit différent. Imaginez un restaurateur, par exemple, qui dirait, «oui, il y a du poivre dans votre soupe, mangez-la». Voilà ce que vous faites. Vous dites «il y a du MMT dans votre essence; vous n'aimez peut-être pas cela, mais vous n'avez pas le choix». Je n'arrive pas à croire qu'une chose pareille arrive dans notre société d'aujourd'hui. Je ne peux pas croire que vous ne puissiez inventer un produit différent. Je trouve incompréhensible qu'une chose pareille arrive et que notre comité prête même l'oreille à ce genre de discours.

Le président: Je suis désolé, sénateur Whelan, mais je crois que nous nous laissons un peu emporter. Il faut donner au témoin la possibilité de répondre à vos allégations.

Le sénateur Whelan: Je m'offusque de ce que vous me dites, après avoir laissé les autres membres du comité digresser dans tous les sens et intervenir à tout propos.

Le président: Je suis désolé que vous en soyez offusqué, mais les témoins ne sont pas ici pour se faire sermonner. Ils sont ici pour nous renseigner. C'est le but du comité. Je crois que les témoins ont le droit de défendre leur position. Il convient de leur poser des questions. Nous sommes ici pour apprendre, pas pour leur faire la leçon.

Le sénateur Whelan: On nous a fait la leçon pendant plus d'une heure.

Le président: Voulez-vous répondre?

M. Hicks: Aux termes de la loi actuelle aux États-Unis, l'administrateur de l'EPA peut interdire le MMT aux États-Unis si, d'après son jugement, toute émanation de ce carburant ou de cet additif cause ou contribue à causer une pollution atmosphérique dont on peut raisonnablement prévoir qu'elle mettra en danger la santé ou le mieux-être du public. Nous admettons volontiers que l'EPA s'inquiète de l'exposition au manganèse. Toutefois, si l'EPA avait la moindre preuve qu'il y a le moindre danger pour la santé ou le mieux-être du public, elle pourrait interdire le MMT dès maintenant.

M. Lynam: Je voudrais aussi faire observer que Santé Canada a examiné ce produit et fait une évaluation du risque cinq ou six fois au cours des 10 ou 15 années d'utilisation de ce produit. L'étude la plus récente date de décembre 1994. J'en ai déjà parlé. C'est du domaine public. Je crois que Santé Canada témoignera demain. C'est un élément essentiel à la vie et d'après les renseignements que nous avons sur l'exposition, 99 p. 100 du manganèse que l'on absorbe provient du régime alimentaire, tandis que l'air en renferme une très faible concentration. Le manganèse provenant du MMT qui se trouve dans l'atmosphère ne représente qu'une faible partie de la quantité totale de cet élément dans l'air.

Le président: Souhaitez-vous répondre à l'analogie que l'on a faite avec le plomb?

M. Wilson: Non monsieur.

Le sénateur Whelan: N'est-il pas vrai que le chef de l'EPA est allé plus loin que vous ne le dites? L'administratrice Carol Browner a dit:

L'EPA croit que le public américain ne doit pas servir de laboratoire pour mettre à l'épreuve la sécurité du MMT.

M. Hicks: Oui.

Le sénateur Kinsella: Je vais poser un certain nombre de questions et laisser les membres du groupe y répondre.

Hier, le président de Mercedes-Benz a dit, en réponse à une question que je lui ai posée, que leurs ingénieurs ne pouvaient pas concevoir un dispositif de diagnostic de bord qui tolérerait le MMT. Est-il possible de concevoir un système OBD qui serait tolérant au MMT?

Deuxièmement, pensez-vous que le système de diagnostic intégré, deuxième version, actuellement disponible tolère le MMT?

Troisièmement, pensez-vous qu'une tierce partie soit nécessaire pour trancher cette question de savoir si le MMT encrasse le système de diagnostic intégré ou, encore, qu'une étude doit être menée par une tierce partie pour déterminer s'il est possible de concevoir un système qui tolérerait le MMT?

Il y a aussi la question de la réduction de la quantité de MMT dans l'essence, réduction proposée par les témoins du secteur pétrolier hier. Vous avez fait allusion à la proposition de réduire le MMT de 18 à 8.6. D'après vos données et votre analyse des données fournies par d'autres, quelles seraient les répercussions d'une réduction de cette nature compte tenu de l'hypothèse avancée par d'autres, à savoir que le MMT encrasse bel et bien le système de diagnostic intégré? Si la quantité de MMT passait de 18 à 8.6, dans quelle mesure réduirait-on l'encrassement, si cette hypothèse tient?

J'aimerais aussi parler de la décision du 9 décembre 1993 de l'EPA qui nous a été soumise par M. Hicks, et où l'agence déclare que les dispositifs antipollution ne sont pas encrassés par le MMT. De quels systèmes de diagnostic intégré était-il question? Je crois savoir que les véhicules fabriqués de puis 1994 sont équipés de systèmes de diagnostic intégré. Est-ce que le dispositif dont parlait l'EPA dans sa décision de décembre 1993, est du même type que le système de diagnostic intégré? Peut-être pourriez-vous m'éclairer là-dessus.

En outre, avez-vous reçu des commandes directes de MMT de raffineries américaines -- les 80 p. 100 dont vous avez parlé il y a un instant -- depuis que vous avez reçu l'autorisation aux États-Unis d'utiliser le MMT dans les raffineries de pétrole? Le cas échéant, quelle est l'importance de ces commandes? Les responsables de ces raffineries aux États-Unis vous ont-ils fait part de leur intention d'acheter du MMT pour l'ajouter à leurs produits?

J'aimerais aussi revenir à la discussion de l'ALENA dont il a été question. Comment l'argument présenté par certains partisans ministériels de ce projet de loi selon lequel l'éthanol obtenu à partir de produits cultivés par des agriculteurs canadiens pourrait remplacer le MMT, et l'importance que cela pourrait avoir sur l'adoption du projet de loi, interviennent-ils dans votre contestation relative à l'ALÉNA?

Ce sont là toutes les questions que je voulais poser. Peut-être pourriez-vous répondre à quelques-unes d'entre elles.

M. Wilson: J'inviterais M. Hicks à répondre à la première question concernant le répertoire fédéral.

M. Hicks: Je vais répondre dans l'ordre inverse.

L'éthanol, le MMT, le MTBE et divers autres additifs sont utilisés par des raffineurs pour accroître l'indice d'octane dans l'essence. On a laissé entendre que si l'on se débarrassait du MMT, tout le monde utiliserait de l'éthanol au lieu du MMT pour augmenter l'indice d'octane. Aux États-Unis, on utilise du MTBE. Nous avons fait des études sur l'utilisation conjointe de l'éthanol et du MMT et nous avons constaté qu'on obtenait ainsi d'excellents résultats.

L'une des raisons pour lesquelles l'éthanol a été mis au point et se révèle populaire, c'est qu'il réduit les émissions d'hydrocarbures, tandis que le MMT n'a pas vraiment d'effet sur l'un ni sur l'autre. Toutefois, l'éthanol a un effet négatif sur des émissions d'oxydes d'azote. Il les augmente, tandis que le MMT contribue réellement à les réduire. Si l'on utilise conjointement l'éthanol et le MMT, même si cela accroît l'indice d'octane, on constate une réduction effective des trois émissions réglementées.

Pour ce qui est du type de système de diagnostic intégré dont traitait l'EPA quand elle a conclu que le MMT ne provoquait pas la défaillance des systèmes antipollution pas plus qu'il n'y contribuait, il importe de comprendre la différence entre les deux systèmes. Je vais essayer de les expliquer. Comme je suis un profane, si je peux le comprendre, tout le monde le peut aussi.

Quand nous parlons de systèmes de diagnostic intégré, par opposition à des systèmes de contrôle des émissions, il faut se rappeler qu'un système de diagnostic intégré n'est rien d'autre que cela. Il ne fait que diagnostiquer un problème. C'est un programme informatique, pas une pièce d'équipement. Après la combustion, le MMT entre en contact avec les détecteurs d'oxygène qui pointent dans le flux d'éjection une fois que les gaz d'échappement sortent du moteur et passent dans le catalyseur. En somme, le détecteur d'oxygène contribue au bon fonctionnement de l'injecteur de carburant. Il indique si le mélange est trop pauvre ou trop riche. Quand on a demandé aux constructeurs d'automobiles de concevoir les systèmes de diagnostic intégré, ils ont ajouté un autre détecteur de gaz d'échappement après le catalyseur, ont pris des mesures des deux et ont intégré ces données dans un programme informatique qui indique si le catalyseur fonctionne ou non.

Il est un peu trompeur de parler de l'encrassement du système de diagnostic intégré. C'est comme parler de l'encrassement d'un ordinateur. Le MMT n'entre jamais en contact avec le logiciel ni avec l'ordinateur. Les constructeurs d'automobile prétendent que d'une certaine manière nous leurrons les détecteurs de gaz d'échappement, qui à leur tour envoient de l'information erronée à l'ordinateur et celui-ci ne fonctionne donc pas comme il se doit. Il est important de comprendre que ces détecteurs de gaz d'échappement -- et les constructeurs d'automobiles en ont fait circuler un ici hier -- sont les mêmes pièces d'équipement qu'on installe sur les véhicules depuis dix ans. Quand on a graduellement supprimé les carburateurs et que les injecteurs de carburant ont fait leur apparition, les constructeurs ont dû recourir à un détecteur pour régulariser l'injecteur de carburant, et c'est ce qu'on a utilisé. Tout notre parc automobile en était équipé.

Hier, les représentants d'Environnement Canada ont parlé de notre parc automobile de 1988. Il est vétuste maintenant, mais ces véhicules étaient munis de détecteurs de gaz d'échappement. Si le MMT encrasse maintenant les détecteurs de gaz d'échappement, il l'aurait fait tout autant auparavant. L'équipement dont étaient effectivement munis les véhicules tout au long de la mise à l'essai de notre parc automobile, et celui sur lequel reposent les conclusions de 1993 de l'APE, correspond essentiellement à celui qu'on utilise actuellement.

Les logiciels sont de plus en plus perfectionnés. Le CARB, le California Air Resources Board, oblige les constructeurs d'automobiles à détecter et à mesurer davantage de choses. Par conséquent, le logiciel est plus perfectionné qu'il ne l'était en 1993 ou en 1994. Pour ce qui est de mesurer les émissions sortant du moteur et les émissions sortant du catalyseur, on utilise le même équipement.

M. Roos: Comme l'a signalé M. Hicks, les détecteurs d'oxygène sont les éléments du véhicule qui sont en contact direct avec le MMT. On les utilise de la même manière depuis 1988. La seule différence, c'est la façon dont l'ordinateur lit le signal.

Si vous le permettez, j'aimerais faire circuler des détecteurs d'oxygène qu'on a retirés de certains véhicules. Ceux-ci proviennent des véhicules d'essai Ethyl. La seule variable est l'utilisation ou la non-utilisation de MMT dans le carburant. En l'occurrence, nous avons six véhicules, trois qui consomment du carburant contenant du MMT alors que les trois autres fonctionnent à l'aide d'un carburant sans MMT. Ils auraient parcouru environ 176 000 kilomètres. Il y a une photographie et la pièce d'équipement circule aussi. Le MMT est la seule variable. Ce qui compte, je le répète, c'est la performance. Si les véhicules fonctionnent adéquatement, les émissions devraient être acceptables. Nous avons ici une comparaison directe de la performance d'un ensemble de détecteurs, le MMT étant la seule variable.

Le tableau montre que les émissions sont les mêmes et que les détecteurs fonctionnent de la même manière. Quand l'APE a étudié ma question et a rendu sa décision, c'est exactement ce qu'elle examinait: le fonctionnement de l'équipement. Elle a déclaré qu'il fonctionnait bien. Elle a examiné l'argument théorique présenté par les constructeurs d'automobiles et qu'ils qualifiaient d'essai concluant de véhicules. On l'a mentionné hier. En l'occurrence il s'agissait d'un véhicule. Ils n'ont pas pu prouver à l'APE qu'il y avait une incidence sur les systèmes de diagnostic intégré.

Pour ce qui est de la conception future des systèmes de diagnostic intégré, nous ne prévoyons pas qu'elle s'en trouvera changée. Essentiellement, c'est un détecteur et il semble bien fonctionner. Je ne pense pas que les constructeurs d'automobiles doivent en modifier la conception. Ils ont parlé de modifier la conception des systèmes de diagnostic intégrés surtout parce que le système actuel n'est pas idéal. Tout le monde vous dira que ce ne n'est pas idéal sur le plan technique, mais c'est un équipement qui a fait ses preuves et on s'en sert donc. Il se fait énormément de recherche en vue de trouver de nouvelles façons de faire, et elles seront adoptées principalement parce que le système actuel ne fonctionne pas parfaitement, simplement en raison de ses propres mérites ou lacunes.

M. Hicks: Une autre question portait sur Mercedes-Benz. Je ne suis pas au courant de quoi ce soit que Mercedes-Benz aurait pu présenter à ce sujet.

Ils parlent de 20 compagnies automobiles qui auraient fait ces recherches chacune de son côté, et qui seraient parvenues aux mêmes conclusions. Certaines ont soumis ce qu'elles prétendent être des données sûres. Les «Trois grands» ont fait beaucoup d'études. Toyota et Honda ont soumis des données, et pour la majorité de ces 20 compagnies, je n'ai jamais vu la moindre donnée. Si ces compagnies n'ont pas besoin de produire des données pour prouver leurs assertions, Mercedes ne devrait avoir aucun mal à prétendre que si leurs systèmes ne fonctionnent pas au Canada, c'est uniquement à cause du MMT.

Le sénateur Kenny a posé des questions aux vendeurs d'automobiles au sujet des garanties. Les compagnies automobiles ne cessent de répéter qu'il y a plus de réparations sous garantie, mais elles refusent de communiquer les données sur les garanties qu'elles ont soumises à Environnement Canada. Nous avons fait de nombreuses demandes dans le cadre de la Loi sur l'accès à l'information. Dans l'ensemble, nous avons reçu une masse d'information. Toutefois, les compagnies d'automobiles continuent à se réclamer de la nécessité de la confidentialité, en particulier en ce qui concerne les réparations sous garantie. Nous aimerions beaucoup voir ces informations, et nous pensons que le comité devrait en être saisi.

Le sénateur Kenny: J'invoque le Règlement. Tout à l'heure, on a demandé à M. Wilson de nous dire combien de gallons de MMT étaient vendus aux États-Unis et de nous dire également si on vendait du MMT à des États où on produit du MMT. Nous n'avons pas eu de réponse. On s'est contenté de nous dire que cette information était réservée.

C'est une réponse qu'on nous fait des deux côtés. Cela nous pose beaucoup de difficulté quand des deux côtés on vient nous dire qu'on a des informations, mais qu'elles ne peuvent être communiquées. Vous n'êtes pas les seuls à le faire. Vos adversaires le font également.

M. Hicks: Je vous comprends très bien. En sa qualité de président d'Ethyl Canada, Dave Wilson applique la politique normale de notre société, une politique qui est la même pour n'importe quel fabricant. En effet, pour des raisons de concurrence, on ne révèle pas combien de produits on vend ou combien de bénéfices on fait. Toutefois, si c'est une procédure acceptable pour le comité, nous sommes tout à fait disposés à vous communiquer des informations sur les ventes aux États-Unis, mais à condition de pouvoir le faire à huis clos pour que ces informations n'aillent pas plus loin.

En même temps, j'espère que vous demanderez aux compagnies d'automobiles de vous communiquer les données qu'elles ont refusées de rendre publiques, et en particulier celles qui concernent les réparations sous garantie.

Le président: Je ne pense que nous puissions vous garantir cela. Dès qu'on fait une demande dans le cadre de la Loi sur l'accès à l'information, les renseignements deviennent automatiquement publics.

J'aimerais revenir sur un aspect très important de votre explication. J'espère que les membres du comité écouteront avec une attitude compréhensive. Vous avez dit, et reprenez-moi si je me trompe, que tous ces problèmes de bougies, de détecteurs, et cetera, existent depuis un certain temps, que nous avons du MMT au Canada depuis 20 ans, et que les résultats ont toujours été uniformes.

Quelque chose a changé. Le MMT n'encrasse pas les rouages comme on le prétendait. Au lieu de cela, il signale avec le système de diagnostics intégrés des problèmes qui n'existent pas. Voilà la difficulté. Ce n'est pas tellement que les choses ont changé par rapport à ces photographies où l'on voit que tout l'équipement s'encrasse.

C'est bien ce que vous dites, ou bien est-ce que je me méprends?

M. Roos: Je peux seulement vous parler des informations que je comprends, des données que nous avons recueillies et de celles qui nous ont été soumises par les fabricants d'automobiles. Dans le cas des bougies, on a prétendu qu'il y avait des problèmes de bougies au Canada. Cela était confirmé par les données selon lesquelles il y avait beaucoup plus de réparations sous garantie au Canada. C'était des données «arrangées» et je ne sais pas quels étaient les chiffres véritables. On disait qu'au Canada il y avait beaucoup plus de réparations sous garantie qu'aux États-Unis. Dans cet exemple on donnait une répartition par province.

Nous avons pris ces informations et nous les avons comparées à la quantité de MMT utilisée dans la région. Il y a, à Transports Canada ou ailleurs, un relevé qui indique d'une façon assez générale, combien de MMT on utilise dans ces essences. En voici des exemples: on utilise en moyenne en Colombie-Britannique, deux fois plus de MMT que dans les provinces de l'Atlantique, mais en Colombie-Britannique, il y a quatre fois plus de réparations sous garantie que dans les provinces de l'Atlantique. En Ontario et au Québec, on utilise à peu près la même quantité de MMT que dans les provinces de l'Atlantique, mais dans celles-ci, il y a près de 10 fois plus de réparations sous garantie qu'en Ontario et au Québec. Voilà les informations que nous avons reçues. Nous ne voyons aucune corrélation entre la quantité de MMT et ces données sur les garanties.

D'autre part, je n'ai pas les données car on ne nous les a pas communiquées, la compagnie General Motors elle-même reconnaît qu'il y a plus de réparations sous garantie au Canada qu'aux États-Unis, et cela, à cause de tous ces facteurs. C'est la raison pour laquelle nous pensons qu'il doit exister des données permettant de déterminer un facteur MMT, si toutefois il existe.

En ce qui concerne les systèmes de diagnostic intégré, vous avez signalé à juste titre qu'il pourrait s'agir d'un problème plus subtil que l'encrassement des détecteurs. Cela pourrait changer très légèrement la façon dont ces détecteurs réagissent.

C'est d'ailleurs l'argument qui a été présenté par Ford devant l'EPA sur la base d'un test effectué sur une seule automobile et sur la base d'un argument théorique fondé sur des données de laboratoire. Ethyl a fait des recherches assez considérables dans ce domaine. Nous avons demandé à des experts de l'extérieur de se pencher sur la question. Les données de Ford et les données d'Ethyl mises ensemble ne confirment pas cette conclusion. Vous dites, oui, vous comprenez bien, mais c'est la raison pour laquelle nous voulons qu'une tierce partie se penche sur les données.

Chaque fois que quelqu'un a étudié ces données, on est parvenu à la même conclusion, mais les données doivent être comprises de cette façon-là. Je parle à la fois des données des compagnies d'automobile et des données d'Ethyl.

Le sénateur Kenny: Monsieur le président, je n'ai pas compris ce qu'on a expliqué mais je suis peut-être fatigué.

Le président: J'ai trouvé que la réponse n'en était pas vraiment une, mais je n'ai pas voulu prolonger encore.

M. Hicks nous a très bien expliqué, à nous qui ne sommes pas des spécialistes, comment fonctionne un véhicule à moteur. J'ai apprécié l'explication, mais il me reste cette question. Il a observé que les bougies, les détecteurs et les voyants lumineux existent depuis des années, pratiquement inchangés. Aujourd'hui, pour détecter les émissions on introduit du matériel nouveau plus sophistiqué. Ce n'est pas de l'équipement, et ça ne détecte pas très bien. À cause de cela, pour une raison quelconque, les systèmes d'avertisseurs se détraquent. L'oxyde de manganèse rouge et brun qu'on voit sur cette photographie a toujours été là. C'est ce que j'ai déduit en vous écoutant.

M. Hicks: Lors de la combustion de l'essence et du MMT, l'échappement à cette coloration brun rougeâtre. Cela existe depuis aussi longtemps que le MMT existe.

Lorsque du MMT brûlé entre en contact avec quelque chose, il laisse un petit résidu. En l'absence de MMT, le résidu de la combustion de l'essence est noir. Lorsqu'on ajoute des additifs détergents à l'essence, les résidus peuvent être différents, mais celui-ci est tout à fait caractéristique de l'essence qui contient du MMT.

Cela existait déjà avant l'apparition des systèmes de diagnostic intégré et des détecteurs de gaz d'échappement. Quand on a commencé à utiliser en même temps des détecteurs de gaz d'échappement et des injecteurs à essence, les injecteurs ont pris cette coloration.

Vous nous dites: «Attendez un instant. Si cette coloration rouge indique la présence de dépôts de manganèse et si les fabricants d'automobile prétendent que ces dépôts de manganèse détraquent les mécanismes, comment se fait-il que tout d'un coup cela ne fonctionne plus? Pourquoi cela fonctionnait-il quand on utilisait déjà des détecteurs de gaz d'échappement mais seulement pour les injecteurs? Pourquoi est-ce que soudain cela cesse de fonctionner, pour qu'en théorie cela s'encrasse-t-il, maintenant qu'on s'en sert avec des systèmes de diagnostic intégré?» Je trouve que ce n'est pas logique.

Le sénateur Spivak: Je ne doute pas que le manganèse se dépose dans ces endroits-là depuis 15 ans, et maintenant, les fabricants d'automobile sont mécontents parce que ça ne fonctionne pas. Toutefois, il se trouve que d'après les compagnies d'automobile, on leur demande aujourd'hui de respecter des normes plus élevées. Les émissions qui étaient acceptables il y a 15 ans ne le sont plus. Non seulement les systèmes de diagnostic ne réagissent-ils pas très bien au manganèse, mais en même temps, le manganèse empêche l'automobile de fonctionner de la même façon, et les émissions augmentent. Voilà ce qu'ils prétendent, et c'est la question à laquelle vous devez répondre.

M. Hicks: Sénateur Spivak, il est extrêmement important de comprendre que le fait qu'une automobile ait un système de diagnostic intégré ou pas, le fait qu'un voyant lumineux soit branché ou pas, n'a aucun effet sur les émissions qui sortent du tuyau d'échappement.

Le sénateur Spivak: Je comprends cela.

M. Hicks: Et même si vous rendez les normes plus sévères, vous le faites avec des convertisseurs catalytiques, des carburants particuliers, un moteur d'un modèle différent ou d'autres méthodes qui permettent de respecter la norme imposée par le gouvernement, mais lorsqu'un système de diagnostic intégré ne fonctionne pas, ça n'a rien à voir avec les émissions.

Le sénateur Spivak: Je vais le répéter, parce que c'est important. Je comprends cela. C'est simplement un ordinateur qui vous indique ce qui se passe dans l'automobile. Cela n'a rien à voir avec les émissions véritables. Cela indique au propriétaire de la voiture que quelque chose ne fonctionne pas. Ce n'est pas ce que je veux dire.

Depuis 15 ans, le manganèse, entre autres, permet de rendre les émissions tolérables, mais aujourd'hui, nous pensons que ces émissions ne sont plus tolérables, et un jour, nous pourrions très bien décider que les émissions de souffre ou autre substance, ne sont plus tolérables non plus. C'est ce que craignent les compagnies pétrolières. Elles ont dit qu'elles étaient «terrifiées».

En ma qualité de consommatrice, je pense que le système de diagnostic est moins important que ce qui sort du tuyau d'échappement. Les fabricants d'automobile prétendent qu'à cause du MMT, ils ne peuvent pas respecter les normes antipollution.

M. Roos: Nous avons fait des tests, et c'était précisément l'objet du test comparatif effectué par les fabricants d'automobile, un test auquel l'EPA a participé. Nous avons fait des tests sur des véhicules de la première génération, dont les normes équivalent aux normes canadiennes pour 1998, et nous avons fait des tests sur des véhicules à faible émission, dont les seuils sont encore inférieurs à ceux qui sont prévus pour 1998. Le MMT ne causait pas de problème pour ces émissions.

Le sénateur Spivak: Vous contredites tout à fait ce témoignage.

Le président: C'est un aspect particulièrement important qui mérite d'être approfondi. Je serai très indulgent s'il y a des questions supplémentaires.

Le sénateur Whelan: J'invoque le Règlement. Un des témoins a dit qu'il n'était pas au courant de ce que la ministre Copps avait déclaré en 1994. Dans le Livre rouge, qui date du 24 septembre 1993, on disait clairement que les libéraux étaient déterminés à interdire l'utilisation de MMT dans les carburants automobiles canadiens.

Le sénateur Buchanan: En ce qui concerne les observations du sénateur Spivak au sujet des émissions, si vous avez raison et si les constructeurs d'automobiles ont raison -- et je les comprends lorsqu'ils disent qu'il s'agit des ordinateurs et non pas des émissions -- l'EPA aux États-Unis, contredisant absolument ce que vous avez dit, est parvenu à la conclusion que le MMT n'empêchait pas les véhicules de se conformer aux normes relatives aux émissions imposées par la Clean Air Act américaine.

M. Hicks: C'est exact.

Le sénateur Spivak: C'était en 1993.

Le sénateur Buchanan: Ça n'a pas d'importance.

M. Hicks: L'EPA a confirmé ses conclusions plus récemment en juillet 1995. À n'importe quel moment, si un fabricant d'automobiles ou n'importe qui d'autre peut prouver à l'EPA que ces données sont dépassées, cette agence peut nous faire disparaître du marché.

Aux États-Unis, pour obtenir une approbation de dérogation, il faut pouvoir prouver l'efficacité du système antipollution. Cette efficacité est mesurée en déterminant si le véhicule se conforme aux normes pour lesquelles il a été certifié. Le gouvernement fédéral fixe les normes acceptables pour un véhicule neuf en grammes par mille et cela, pour les hydrocarbures, les oxydes de carbone, et les oxydes d'azote. Le véhicule doit être certifié pour prouver qu'il se conforme à ces normes. Si vous voulez faire approuver un additif de carburant, il faut effectuer des tests comparatifs pour déterminer si le véhicule observe toujours ces mêmes normes.

D'après nos informations, avec un carburant qui contient du MMT, on respecte encore plus les normes qu'avec un carburant sans additif. Les normes deviennent de plus en plus sévères, et les fabricants d'automobiles ont donc de plus en plus de mal à s'y conformer. Toutefois, tant que les émissions respectent les normes, il n'y a pas de problème. Comme M. Roos l'a dit, les véhicules de notre parc automobile appartenant à la première génération avaient été conçus pour respecter les normes qui seront en vigueur au Canada en 1998. Notre parc a maintenant quelques années, mais il est tout de même tout à fait à la hauteur de ce qui sera exigé au Canada l'année prochaine.

M. Roos: Il faut noter que depuis 1988, lorsque des convertisseurs catalytiques ont été installés à bord des véhicules pour contrôler ces trois émissions, les dispositifs mécaniques antipollution n'ont virtuellement pas changé. Ce qui a changé, ce sont les programmes informatiques. Les contrôles sont plus sévères. Parfois on installe un plus gros convertisseur, mais le système général, injecteurs de carburant, ordinateurs de bord, détecteur d'oxygène et convertisseurs catalytiques, restent inchangés. Dans les véhicules à faibles émissions, c'est encore une fois la même chose, de même que dans les véhicules à émissions ultra faibles qui sont prévus pour plus tard en Californie. D'une façon générale, c'est le même type d'équipement qui existe déjà.

Le sénateur Kenny: J'essaye de suivre la discussion, dites-moi si je comprends bien. D'après ce que vous dites, l'utilisation de MMT vous permet de faire baisser les émissions et le fait qu'il y ait des détecteurs intégrés en bon état de fonctionnement n'a pas d'importance.

M. Roos: Nous avons démontré, et cela a été accepté, que le MMT faisait baisser les émissions d'oxydes d'azote. Il a été démontré, et reconnu, que la présence de MMT n'avait pas d'effet sur le fonctionnement des systèmes de diagnostic intégré.

Le sénateur Kenny: La différence fondamentale avec le témoignage des fabricants d'automobile, c'est qu'à leur avis, le MMT a bel et bien un effet sur le fonctionnement de cet équipement. Par conséquent, s'il ne fonctionne pas, il est impossible de déterminer si on pollue ou pas, et avec le temps, on risque d'avoir des véhicules qui polluent davantage. De votre côté, vous dites que non, que ce n'est pas le cas, que le système va fonctionner de toutes façons. Vous dites que l'équipement de diagnostic intégré peut fonctionner ou ne pas fonctionner, mais que cela ne dépend en rien de la présence ou de l'absence de MMT.

M. Roos: Une des choses que les fabricants d'automobiles ont prétendu hier, c'est que les voyants lumineux sur le tableau de bord risquaient de s'allumer et que cela poserait des problèmes au conducteur. C'est bien ça?

Le sénateur Kenny: C'était une des préoccupations. Ils nous ont dit qu'il risquait d'y avoir plus de demandes de service à cause des voyants lumineux. Toutefois, ils nous ont dit également que si le voyant était débranché, ou s'il ne fonctionnait pas convenablement, avec le temps, le véhicule risquait de causer plus de pollution, et personne ne le saurait, le détecteur ne fonctionnant pas.

M. Roos: Je vais répondre à ces questions dans l'ordre. En ce qui concerne les fausses alertes, les voyants qui s'allument pour rien, d'après nos tests, le MMT n'a aucun effet sur le fonctionnement de ces systèmes de diagnostic. Comme GM l'a dit, quand on débranche un voyant sur le tableau de bord, le conducteur ne sera pas alerté, et par conséquent il ne prendra pas de mesure particulière, comme d'emmener sa voiture au garage pour la faire examiner. D'après un sondage que j'ai vu, la plupart des Canadiens sont extrêmement diligents, ils font faire la mise au point ou l'entretien de leur véhicule, un peu plus de deux fois par an. Si le système de diagnostic intégré ne fonctionne pas, si le voyant lumineux ne s'est pas allumé, les codes numériques qui décrivent exactement la source du problème, n'en sont pas moins entreposés dans l'ordinateur, et ils y restent, jusqu'à ce que quelqu'un les efface.

Lorsqu'on fait faire une mise au point, le mécanicien télécharge les données de l'ordinateur de la voiture. Ces renseignements sont là et nous informent s'il existe un programme d'émission. On peut ensuite régler le problème. Il ne s'agit pas tout de même d'une perte totale. Les gens font faire les réparations, chose qui se fera même sans l'allumage du voyant de tableau de bord.

L'EPA a conclu que le système de diagnostic intégré n'aura aucun impact sur le taux d'émissions aujourd'hui, demain ou l'année prochaine. L'impact sur les polluants se fera sentir en l'an 2005 car le parc automobile comptera un plus grand nombre de voitures qui commenceront à vieillir.

L'élimination du MMT augmenterait immédiatement les substances telles que les toxines en raison du mélange du combustible. Il y aurait également une augmentation des oxydes d'azote.

M. Hicks: Les fabricants de véhicules sont inquiets, et à juste titre, parce que si jamais le voyant du tableau de bord s'allume de façon prématurée, peu importe la raison, et que le client doive amener sa voiture au garage, ils apprendront au lieu qu'il n'y a aucun problème ou qu'ils doivent payer une réparation quelconque.

Ils ont ce problème aux États-Unis. Ils demandent aux deux organismes réglementaires, c'est-à-dire le EPAS et le CARB, de venir en aide. Comme je l'ai dit tantôt, les systèmes de diagnostic intégré aux États-Unis accusent des défaillances -- et c'était le cas avant l'approbation du MMT aux États-Unis -- à cause d'un taux élevé de souffre, le temps froid, une attitude élevée, la viabilité des véhicules et d'autres problèmes de fabrication, mais non pas à cause du MMT.

Nous ne pouvons pas expliquer pourquoi leur système ne fonctionne pas. Aux États-Unis, il ne s'agit plus de simples difficultés initiales.

J'aimerais répéter ce qu'a dit M. Roos en décrivant ce qui s'est produit au moment où l'EPA a élaboré des règlements autorisant la mise au point du système de diagnostic intégré. On parle même d'un cas où le voyant ne marche pas et alors le propriétaire conduit un véhicule dont le taux d'émissions dépasse la limite. Cela pourrait arriver. Cependant, le programme visait à signaler au conducteur que le moment était venu d'amener la voiture au garage pour faire faire des réparations dans le but d'éviter cette situation. Lorsque l'EPA a élaboré les règlements autorisant la mise au point d'un système de diagnostic intégré, cet organisme a conclu que les réductions du taux d'émissions ne seront pas dues à ce système avant l'an 2005 parce que les parcs automobiles ne compteront pas un nombre important des véhicules dotés d'un système de diagnostic intégré avant plusieurs années. Autrement dit, ça va prendre un certain temps avant d'acquérir un nombre suffisant de véhicules dotés de ces systèmes de diagnostic intégré pour qu'ils puissent ensuite avoir un impact sur le taux d'émissions. M. Roos a signalé qu'en éliminant le MMT de l'essence il y aura immédiatement un effet néfaste sur l'environnement en raison d'une augmentation des oxydes d'azote.

Même si on croit tout ce que les fabricants de véhicules disent au pied de la lettre, l'EPA est d'avis que plusieurs années vont s'écouler avant que l'on ne connaisse les résultats de ces systèmes de diagnostic intégré.

Le sénateur Taylor: Si je comprends bien, les États-Unis ont récemment approuvé un taux de concentration de 8 milligrammes le litre, tandis qu'au Canada, ce taux de concentration s'élève à 18 milligrammes le litre, n'est-ce pas?

M. Wilson: C'est exact.

Le sénateur Taylor: J'aimerais vous faire une analogie. Un tout petit peu de strychnine peut faire pas mal de choses; elle peut aider le coeur à battre plus vite. Cependant, si la dose est trop élevée, la strychnine peut faire arrêter le coeur complètement. Est-ce que la même chose s'applique au MMT? L'organisme environnemental américain croit que 8 milligrammes ne feront pas de tort, mais ici notre taux de concentration s'élève à 18 milligrammes. Voici une partie de votre problème, n'est-ce pas? Autrement dit, ne croyez-vous pas que votre argument aurait plus de poids si vous observiez les mêmes normes qu'aux États-Unis?

M. Wilson: Ce sont les limites maximales permises.

Le sénateur Taylor: Mais vendez-vous un taux de concentration minimal?

M. Wilson: Naturellement, c'est le raffineur qui détermine le taux de concentration. L'essence vendue au Canada a, en moyenne, un taux de concentration d'environ 8 milligrammes le litre.

Le sénateur Taylor: Est-ce que le MMT est breveté? Il existe depuis longtemps. Êtes-vous le seul fabricant de ce produit?

M. Wilson: Non. Les brevets ont expiré et n'importe qui peut en fabriquer. Le processus de fabrication est difficile, mais d'autres entreprises pourraient le fabriquer.

Le sénateur Taylor: Comme le Coca Cola, je présume.

M. Wilson: D'autres fabricants d'additifs pour essence pourraient le fabriquer.

M. Roos: Les brevets relatifs à la fabrication et aux matériaux ont expiré, mais il reste toujours certains brevets relatifs aux divers emplois de l'additif qui sont toujours valides.

Le sénateur Taylor: À titre d'information, le concessionnaire de la Saskatchewan qui a comparu devant nous aujourd'hui n'était pas en désaccord avec vos données en ce qui concerne les bougies d'allumage et ainsi de suite. Il a simplement fait savoir que, à titre de concessionnaire Chrysler, il était obligé de les changer deux fois plus souvent que ses homologues aux États-Unis, où les voitures n'utilisent pas le MMT. En d'autres mots, l'entretien coûte deux fois plus cher.

J'ai l'impression que nous essayons d'établir un scénario noir et blanc, ou si vous me le permettez, pour ceux qui ont déjà vu du manganèse, brun et blanc. Les choses ne sont pas aussi simples que cela. Il disait simplement qu'il pouvait tout réparer mais qu'il fallait remplacer les pièces plus souvent.

Il y a également la question qui revient souvent, c'est-à-dire qu'on devrait avoir un système plus américain. Pourquoi ne pas suspendre la production du MMT pour le moment, faire des tests indépendants au cours des deux ou trois prochaines années, et nous faire confiance, nous qui sommes des gens à esprit large, sensibles à l'environnement, honnêtes et qui habitons au nord de la frontière? Si vous nous proposez une tierce partie, peut-être surveillée par l'Université de Waterloo pour prouver que le MMT ne fait pas de tort, on pourrait peut-être par la suite approuver son emploi encore une fois. Pourquoi sommes-nous obligés de vous faire confiance plutôt que de vous demander de nous faire confiance?

M. Wilson: Quant au retrait du MMT du marché, nous avons mené de nombreuses études depuis dix ans qui ont convaincu l'EPA que le MMT ne crée pas ou ne contribue pas à créer des problèmes au niveau des systèmes d'émission.

Quant à l'autre question que vous avez soulevée, de concert avec l'industrie pétrolière nous serions prêts à participer à ce genre d'études. Nous avons fait une telle offre il y a cinq ans, donc on avait beaucoup de temps.

Le sénateur Taylor: Il vous a fallu sept ans avant de convaincre l'EPA. Tout ce qu'on vous demande, c'est deux ans pour nous convaincre. Vous avez dû retirer le produit du marché pendant sept ans aux États-Unis avant d'obtenir la permission de le vendre, alors pourquoi ne pas retirer ce produit pendant deux ans ici afin d'obtenir la permission?

M. Hicks: Je ne crois pas que deux ans vont suffire.

Le sénateur Taylor: Aux yeux de ce comité, deux ans seront suffisants.

M. Hicks: L'ICPP et Ethyl recommandent une étude indépendante de cinq ans.

Le sénateur Taylor: Allez-y.

M. Hicks: On aurait pu terminer cette étude. Mais que feront les entreprises pétrolières entre-temps? Nous avons un commerce à gérer, ces sociétés ont un commerce à gérer également. Nous ne pouvons pas simplement arrêter la vente de ce produit pendant deux ans si nous ne sommes pas convaincus qu'il existe un problème.

Ce que j'essaie de vous dire, c'est qu'il ne faudra pas deux ans pour terminer et même si c'était le cas, on aurait pu mener une telle étude au moins trois fois depuis le début de ce débat. Je comprends mal pourquoi les fabricants de véhicules n'osent pas faire une étude. Depuis la fin de 1994, ils disent qu'il faut retirer le MMT du marché immédiatement pour permettre le lancement des véhicules de l'année 1996 à l'automne de 1995. Cette déclaration a incité la ministre Copps à dire qu'il fallait retirer le MMT du marché au mois d'août 1995 au plus tard pour permettre le lancement de ces véhicules dotés d'un système de diagnostique intégré, c'est-à-dire les voitures de l'année 1996. On a mis ces voitures sur le marché et rien ne s'est passé. Elles fonctionnent très bien.

Alors on vous renvoie la balle: comment se fait-il que les fabricants de véhicules ne prennent pas trois, quatre ou six mois pour faire faire une étude indépendante afin qu'on puisse tous savoir la vérité?

Le sénateur Taylor: Vous avez eu de la veine. Le ministre vous a donné jusqu'en 1995, et vous avez déjà eu deux ans de plus.

Le sénateur Buchanan: Je ne sais pas si vous êtes au courant du fait que l'une des responsabilités principales du Sénat, c'est de protéger de notre mieux les régions du Canada, particulièrement les plus petites. Depuis que je suis arrivé dans cet endroit, j'ai cru que mon devoir était de faire ce que je pouvais pour protéger la région du Canada d'où je viens et où j'ai été député pendant 24 ans, et il s'agit de la région de l'Atlantique. Les Canadiens de cette région sont ici au Sénat pour faire ce qu'ils peuvent pour protéger leur région du pays.

Je trouve intéressant que les premiers ministres et les ministres de l'Environnement de huit provinces aient conclu une entente pour s'opposer à ce projet de loi à l'heure actuelle, pour des raisons bien précises. C'est très rare au Canada. Je ne me souviens pas d'avoir vu cela plus de deux ou trois fois au cours des 13 dernières années.

Quatre des huit premiers ministres qui s'opposent à ce projet de loi représentent les provinces de l'Atlantique. Nous sommes une petite région du Canada. Ils s'opposent au projet de loi parce qu'ils disent que cela va à l'encontre des ententes commerciales interprovinciales; à cause des coûts que cela représente pour nos raffineries à Terre-Neuve, en Nouvelle-Écosse et au Nouveau-Brunswick et donc à cause des pertes d'emplois possibles que la région ne peut pas absorber; et parce qu'ils n'ont pas suffisamment de données scientifiques pour déterminer si ce sont les fabricants d'automobiles ou vous qui avez raison. Ils disent qu'ils n'ont pas suffisamment de preuves à l'heure actuelle pour appuyer l'adoption de ce projet de loi.

Le président: Quelle est votre question?

Le sénateur Buchanan: Je leur demande leur opinion là-dessus. Les huit gouvernements ont dit que les émissions d'oxydes d'azote dans nos provinces augmenteraient si on éliminait le MMT. Que répondez-vous à cela?

M. Wilson: Nous sommes d'accord, évidemment. Les provinces que vous avez mentionnées ont toutes exprimé leurs préoccupations au ministre fédéral de l'Environnement au sujet de ce projet de loi et du manque de données scientifiques justifiant son adoption. Les quatre provinces que vous avez mentionnées s'inquiètent à juste titre de l'examen de cette loi. Elles ont accepté la proposition de l'ICPP voulant qu'une tierce partie indépendante examine les données techniques et, si d'autres tests s'avèrent nécessaires, d'aller de l'avant.

Le président: Est-il possible de mener cette étude en trois mois, comme l'a suggéré l'ICPP? Croyez-vous qu'une étude valide, indépendante, menée par une tierce partie pourrait être faite pour déterminer si le MMT a effectivement un impact sur ces systèmes? Est-ce possible?

M. Roos: Je ne sais pas quelle sorte d'étude l'ICPP a proposée. J'aimerais savoir quel niveau de rigueur Environnement Canada exigerait avant de prendre une décision.

Évidemment, une norme très rigoureuse exige plus de données puisqu'il faut avoir plus confiance en l'étude. Ce serait un élément d'information clé. Il faudrait connaître les règles de base, les lignes directrices ou la norme. C'est possible de faire une bonne étude en trois ou quatre mois. Je ne sais pas si cela répondrait aux questions d'Environnement Canada sans leur demander d'abord quelles seraient leurs questions.

Le sénateur Rompkey: Cette étude indépendante est un peu insaisissable. Qui choisit les experts? Quels sont les paramètres? Êtes-vous d'accord avec les fondements de l'information? Qui doit être d'accord? Qui paye la note? Qui juge du contenu? Il y a toutes sortes de questions qui se posent. On parle d'une étude indépendante, mais personne n'a défini en détail ce que comprendrait cette étude, qui la mènerait, quelles conclusions seraient acceptables. Nous avons les deux groupes, les produits pétroliers et les fabricants d'automobiles, devant nous. M. Hicks lui-même a dit qu'il s'agissait d'une guerre.

Le sénateur Buchanan: J'ai tout à fait confiance en nos gouvernements provinciaux. Ce sont des gouvernements souverains selon notre Constitution, et ils ont défini le genre d'études indépendantes qui...

Le sénateur Rompkey: Où obtiendrez-vous les renseignements indépendants?

Le président: Ce serait peut-être le sujet d'une bonne discussion entre nous, mais je ne pense pas que nous rajoutons grand-chose à notre examen.

Le sénateur Buchanan: Je crois comprendre que la dérogation pour le MMT n'est en vigueur que depuis un an.

M. Wilson: Environ.

Le sénateur Buchanan: Un an, ce n'est pas beaucoup pour permettre à 85 p. 100 des raffineries de se rattraper, mais je crois comprendre que beaucoup de raffineries se sont enregistrées pour l'utilisation du MMT afin de pouvoir l'utiliser si elles le désirent. Elles se sont enregistrées, et vous l'utilisez déjà. Si le MMT est interdit au Canada, et permis comme il l'est à l'heure actuelle aux États-Unis, nos raffineries ne seraient-elles pas désavantagées, particulièrement dans les provinces de l'Atlantique, telles que celles de Come By Chance et Irving, ainsi que l'ont déclaré les ministres de l'Environnement des deux provinces concernées?

M. Wilson: Oui. Je pense que l'Institut canadien des produits pétroliers a déclaré devant ce comité qu'interdire le MMT nuirait à leur position concurrentielle vis-à-vis des autres raffineries.

Le sénateur Taylor: Ils vendent actuellement du carburant sans MMT aux États-Unis.

M. Wilson: Absolument.

Le sénateur Taylor: Tout ce que vous avez à faire, c'est d'aller là-bas leur donner quelques milligrammes pour les rendre concurrentiels.

Le sénateur Buchanan: Sénateur, je voulais parler des lettres des ministres de l'Environnement de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick. Ils ont dit très clairement que leur position concurrentielle sera menacée si on ne leur permet pas d'utiliser le MMT tandis que les Américains peuvent s'en servir.

Le sénateur Taylor: Ils en savent aussi long là-dessus que nous en savions avant le début de ces séances.

Le sénateur Buchanan: Je ne suis pas d'accord. Je pense que le ministre de l'Environnement de la Nouvelle-Écosse est un homme très intelligent.

Le président: Je pense que la question s'adresse aux témoins.

M. Wilson: Je vais essayer de vous répondre de mon mieux, sénateur. Les compagnies pétrolières sont celles qui doivent se pencher sur les facteurs économiques en jeu lors de l'utilisation de notre produit, et je pense qu'elles vous ont dit que l'interdiction du MMT nuirait à leur position concurrentielle vis-à-vis des raffineries américaines ou européennes qui ont accès au MMT. C'est la réponse qui viendrait rejoindre les préoccupations des gouvernements provinciaux dans ce cas-ci.

Le sénateur Buchanan: Revenons quelques instants sur le cas de la raffinerie de la Compagnie pétrolière impériale, qui m'inquiète beaucoup. Deux raffineries ont fermé leurs portes en Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Taylor: Elles avaient toutes les deux accès au MMT.

Le sénateur Buchanan: Ce sont tous des faits historiques. J'aimerais bien vous voir vous rendre à Dartmouth et dire aux gens là-bas, les centaines de travailleurs de la Compagnie pétrolière impériale, que cela ne change pas grand-chose, que si la raffinerie ferme ses portes, ce sera pour d'autres raisons. Si elle ferme ses portes, ce sera en partie pour cette raison.

Le sénateur Kenny: Ils ont dit qu'ils ne fermeraient pas.

Le sénateur Buchanan: Ils n'ont pas dit cela. Ils ont dit que les conséquences pour les coûts de la Compagnie pétrolière impériale sont indéterminés et que les réductions de coûts qu'ils ont eues au cours des dernières années, et j'en sais quelque chose...

Le président: Je regrette, mais vous devez vous en tenir à la question qui nous intéresse ici.

Le sénateur Buchanan: On m'apprend que s'adapter à un autre additif, tel que le MTBE, à la raffinerie de la Compagnie pétrolière impériale réduira les volumes produits par cette raffinerie de 10 à 15 p. 100 et augmentera donc le coût de production pour la raffinerie. Est-ce exact d'après vous?

M. Wilson: Je pense qu'ils disent que notre additif rajoutait quelque chose comme une fraction d'une goutte par litre.

Le sénateur Buchanan: C'est exact.

M. Wilson: Les agents de mélange du carburant comme l'éthanol ou le MTBE, sont ajoutés dans des proportions variant entre 5 et 10 p. 100. Cela déplace l'essence qui pourrait être fabriquée par cette raffinerie et réduit donc l'efficacité de l'équipement de raffinage.

Le sénateur Buchanan: Et augmente le coût de fonctionnement, plus les coûts d'immobilisations de la réfection.

M. Wilson: C'est exact.

Le sénateur Taylor: Et fait chuter les taxes remises au gouvernement provincial aussi.

Le sénateur Landry: Ma question est quelque peu différente. Question d'émissions, est-ce que ce serait préférable si on s'en servait pour le carburant diesel ou le mazout domestique?

M. Roos: À vrai dire, on s'en sert déjà pour le carburant diesel. Il y a un groupe d'additifs que l'on ajoute au carburant diesel qui contient déjà cet additif, parmi d'autres, et on le présente comme du carburant diesel super. Ce produit est avantageux, améliorant les qualités lubrifiantes du produit, par exemple, mais il y a aussi des avantages au niveau des émissions, puisqu'il sert à diminuer l'émission de particules dans les gaz d'échappement des moteurs diesel.

Le sénateur Landry: On s'en sert aussi dans le mazout domestique?

M. Roos: Oui, pour la même raison. Dans ce cas-ci, le produit aide à diminuer le coût d'entretien des brûleurs et des chaudières parce que le mazout brûle plus proprement.

M. Hicks: On s'en sert à la fois dans le carburant diesel et dans le mazout domestique surtout en Europe.

Le président: Fabriquez-vous d'autres genres d'additifs ou seulement du MMT?

M. Wilson: Nous fabriquons toute une gamme d'additifs pour carburant diesel ainsi que des additifs lubrifiants au Canada à notre usine de Corunna, comme je le disais à l'un des sénateurs. Nous fabriquons un remonteur de cétane à cette usine et nous y faisons le mélange de MMT et d'autres produits à cette raffinerie.

Le président: Pourriez-vous fabriquer des additifs autres que le MMT, mais qui produiraient les mêmes effets?

M. Wilson: Comme remonteur d'octane?

Le président: Oui.

M. Roos: À vrai dire, non. Historiquement -- et c'est fondé sur beaucoup d'années d'études -- le MMT est l'additif antidétonant le plus puissant qui ait jamais existé pour l'essence. C'est un produit unique. C'est très intéressant pour les raffineurs, puisqu'une quantité presque infime leur permet d'arriver à des niveaux dont ils ne peuvent habituellement pas se servir.

Le sénateur Taylor: Une question supplémentaire? Cette différence entre l'essence ordinaire et super est-elle due à l'amélioration que vous obtenez grâce au MMT, ou est-elle due en partie à un autre produit différent?

M. Wilson: Tout dépend du mélange qui se fait en raffinerie. Dans certains cas, on ajoute des composantes supérieures à l'essence super, ce qui diminue un tout petit peu la quantité de MMT contenue dans cette essence super, mais, en moyenne, il y a habituellement un peu plus de MMT dans l'essence super par rapport à l'ordinaire.

Le sénateur Taylor: Il s'en trouve dans les deux?

M. Wilson: Dans les trois catégories.

Le président: Fabriquez-vous du MTBE?

M. Wilson: Non. C'est un composé oxygéné qui ressemble à l'éthanol. Nous ne fabriquons pas ce produit.

Le président: Mais ce n'est pas exactement le produit le plus sécuritaire du monde en grosses quantités, non plus.

Le sénateur Taylor: Nous en fabriquons en Alberta.

Le président: Je comprends, mais on a intenté des poursuites en Californie à propos de ce produit.

M. Hicks: Dans certaines régions des États-Unis, on est obligé de commercialiser des carburants à composé oxygéné à certaines époques de l'année. Ce composé oxygéné peut s'obtenir de plus d'une façon. Il y a l'éthanol; il y a aussi le MTBE. La plupart se servent du MTBE. Ce produit n'a rien à voir avec le MMT. La plupart se servent du MTBE. Ce produit est soumis aux mêmes critères d'accréditation et aux mêmes critères de santé fixés par l'EPA dans tous les cas. Il y a cependant eu certaines plaintes en provenance de l'Alaska, du Wisconsin et de la Californie à propos d'essence contenant du MTBE. Certains ont dit qu'il y avait des odeurs désagréables, que cela les étourdissait ou leur donnait des haut-le-coeur. Mais cela tient de l'anecdote.

M. Roos: À propos du MTBE et des autres produits dont l'on se sert dans ces mélanges, on dit qu'il en faut de gros volumes. Il en faut beaucoup dans l'essence, cela peut aller jusqu'à 5 ou 10 p. 100 du volume, tandis qu'avec le MMT il en faut à peine une goutte par gallon pour atteindre le but cherché.

Le président: Monsieur Wilson, vous avez énoncé sept questions, dont un certain nombre relèvent du domaine juridique. Vous n'êtes peut-être pas en mesure de partager avec nous ces renseignements, mais avez-vous des avis juridiques concernant les questions trois et quatre par rapport aux questions constitutionnelles qui ont été soulevées? Vous dites que le projet de loi représente un empiétement indésirable sur la compétence des provinces. C'est là une question constitutionnelle qui m'intéresse. Il en va de même pour votre deuxième paragraphe, où vous laissez entendre que le projet de loi viole les engagements commerciaux du Canada. Avez-vous des avis juridiques à cet effet qu'il vous serait possible de nous montrer?

M. Wilson: Pour ce qui est du sujet soulevé au paragraphe numéro trois, sénateur, je crois que vous trouverez l'avis du professeur Frémont, de l'Université de Montréal, sur les questions constitutionnelles, annexé au mémoire de l'ICPP.

M. Hicks: L'avis d'intention que nous avons déposé auprès du gouvernement du Canada explique de façon assez détaillée quels sont les fondements juridiques de notre demande. Si le comité n'a pas ce document, nous le lui fournirons.

M. Wilson: Vous en voudriez un exemplaire?

Le président: Oui, certainement.

Merci de nous avoir consacré cet après-midi bien rempli. Nous apprécions à sa juste valeur votre présence ici. Vous nous avez fourni des renseignements très importants.

Nous recevons maintenant les représentants de la Consumers' Co-operative Refineries Limited.

À vous la parole.

M. Ed Klassen, président, Consumers' Cooperative Refineries Limited: Merci, monsieur le président. La Consumers' Cooperative Refineries Limited, ou CCRL, est heureuse d'avoir l'occasion de faire cet exposé au comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles.

La CCRL est une filiale à part entière de la Federated Cooperatives Limited, l'organisme central de commercialisation, de fabrication et d'administration de plus de 300 coopératives de vente au détail de l'Ouest du Canada.

La FCL et les coopératives de vente au détail qui en sont membres sont connues sous le vocable de Co-operative Retailing System, ou CRS. Lors de son incorporation le 1er avril 1934, la CCRL est devenue la première raffinerie coopérative dans le monde. Elle a commencé ses activités le 27 mai 1935 comme usine de fractionnement produisant 500 barils par jour. Depuis lors, elle n'a cessé de croître, et aujourd'hui nous sommes une raffinerie très avancée sur le plan technologique produisant 50 000 barils par jour, et nos activités sont intégrées à celles de l'usine de valorisation du pétrole lourd de NewGrade Energy Incorporated.

La CCRL et la Saskatchewan Co-operative Wholesale Society se sont fondues en 1944 pour devenir la Saskatchewan Federated Co-operatives Limited. À la suite de diverses fusions avec des coopératives de grossistes provinciales au Manitoba, en Alberta et en Colombie-Britannique, la FCL est devenue ce qu'elle est aujourd'hui. Les produits pétroliers fabriqués par la CCRL sont commercialisés par la FCL par l'intermédiaire des coopératives de vente au détail qui en sont membres et par d'autres clients. Les coopératives de vente au détail, à leur tour, vendent ces produits à leurs membres propriétaires individuels, qu'on évalue à 750 000.

En 1996, la FCL a dépassé les deux milliards de litres de production annuelle de produits pétroliers pour la première fois. Le CRS est un intervenant important au niveau de la vente au détail des produits pétroliers dans l'Ouest canadien, surtout au niveau de la vente des carburants à la ferme en Saskatchewan et au Manitoba.

La FCL est dotée d'une structure éminemment démocratique. Les quelque 750 000 membres des coopératives élisent les membres du conseil d'administration de chaque coopérative au niveau local. Chaque coopérative a ensuite la possibilité de nommer des délégués qui éliront le conseil de la FCL composé de 19 membres. Les coopératives de vente au détail font sentir leur influence sur la FCL en votant des résolutions et en entretenant un dialogue plus informel au niveau des élus et des opérations.

Au nom de nos 750 000 membres, nous vous faisons part de nos vives inquiétudes concernant les répercussions du projet de loi C-29, qui interdirait pratiquement l'usage du MMT dans l'essence vendue au Canada. Pour nous, la question du prix des produits pétroliers est déjà très délicate. Nous ne croyons pas que l'industrie du raffinage du pétrole et, au bout du compte, nos membres et nos autres clients devraient faire les frais de l'élimination du MMT, à moins qu'on ne puisse prouver hors de tout doute qu'il existe pour cela un besoin véritable.

Je demande maintenant à M. Bud Dahlstrom, notre vice-président principal, de vous exposer la suite de nos arguments.

M. Bud Dahlstrom, vice-président principal, Consumers' Cooperative Refineries Limited: Je tiens aussi à remercier votre comité pour l'occasion qu'il nous offre de faire connaître nos idées et nos inquiétudes concernant le projet de loi C-29.

M. Klassen vient de vous exposer un de nos arguments. Je suis aussi le gérant de la Consumers' Cooperative Refineries Limited.

La Consumers' Cooperative Refineries Limited est une raffinerie classique qui transforme 50 000 barils de pétrole léger par jour, soit environ 8 000 mètres cubes par jour, et qui fabrique une gamme complète de produits pétroliers. La raffinerie est complètement intégrée avec l'usine de valorisation du pétrole lourd de NewGrade Energy Inc. Le complexe de valorisation du pétrole lourd traite chaque jour environ 57 000 barils de pétrole lourd brut de la Saskatchewan.

La Co-op Refinery, comme on l'appelle depuis de nombreuses années, n'est pas membre de l'ICPP, l'Institut canadien des produits pétroliers. Même si nos opinions correspondent en général à celles de la plupart des raffineries que représente l'ICPP, nous croyons qu'il est important d'offrir le point de vue d'une raffinerie indépendante qui appartient à une coopérative. Je parle donc uniquement au nom de notre coopérative et de nos membres.

Je n'entrerai pas dans beaucoup de détails. Je sais que d'autres témoins vous ont déjà présenté des mémoires fort détaillés à l'appui de leur position. Mes commentaires seront d'ordre plus général.

Notre coopérative s'inquiète beaucoup de la façon dont le projet de loi C-29 a été présenté et adopté à la Chambre des communes, et aussi, ce qui est plus important, des répercussions importantes qu'il aura sur l'industrie du raffinage et nos clients maintenant et surtout dans l'avenir.

Le projet de loi C-29 ne semble pas s'inspirer de considérations de santé, telles que définies par le ministère de la Santé, ni de préoccupations environnementales, en ce sens qu'il ne concerne pas vraiment la détérioration de l'environnement. Cela explique sans doute le caractère unique de ce projet de loi, en vertu duquel on n'interdit pas vraiment le MMT. Le projet de loi nous empêche tout simplement de l'obtenir ou de l'utiliser de la façon normale dont nous, comme beaucoup d'autres secteurs industriels, vendons nos produits dans plus d'une province, c'est-à-dire en traversant les frontières provinciales.

Dans l'étude de ce projet de loi, on n'a pas tenu compte du point de vue de plusieurs joueurs importants dans le domaine de la réglementation environnementale, comme par exemple le Conseil canadien des ministres de l'Environnement, ainsi qu'un autre intervenant très important, soit l'industrie du raffinage du pétrole elle-même.

Nous estimons qu'on a clairement démontré que l'utilisation du MMT dans l'essence ne pose pas une menace directe à la santé, et il n'y a aucune preuve non plus qu'elle nuit directement à l'environnement. D'autres témoins ont déjà amplement expliqué ce point.

Nous savons fort bien qu'une autre composante de l'industrie des transports, soit les fabricants d'automobiles, se préoccupe de l'utilisation du MMT et de l'effet nuisible que certains fabricants croient qu'il pourrait avoir sur les dispositifs de diagnostic de certaines nouvelles voitures. Nous comprenons que l'objectif premier du projet de loi C-29, c'est d'enlever, le MMT de l'essence et, ce faisant, de résoudre le problème technique que les fabricants d'automobiles croient résulter de l'utilisation de cet additif dans l'essence canadienne.

Lorsque le comité permanent de l'environnement et du développement durable des Communes a étudié ce projet de loi en octobre 1995, le gouvernement semblait être d'avis que les règlements américains ne permettaient pas et ne permettraient pas dans l'avenir l'utilisation du MMT dans l'essence sans plomb. Il a toujours été permis de l'utiliser dans l'essence au plomb aux États-Unis. On estimait que la position du Canada n'était pas conforme à celle des États-Unis et qu'il fallait harmoniser les règlements concernant la qualité de l'essence. Dans le domaine des carburants, cela semble être toujours la politique générale du Canada concernant les règlements environnementaux.

Cependant, après un grand nombre de contestations judiciaires, les tribunaux américains ont finalement statué que les préoccupations des fabricants d'automobiles n'étaient pas fondées, et on permet donc maintenant aux États-Unis l'utilisation du MMT dans l'essence. D'ailleurs, nous exportons actuellement aux États-Unis des quantités modestes d'essence, qui depuis une année contiennent du MMT.

Si vous le permettez, j'aimerais réitérer les commentaires que j'ai faits au comité de la Chambre des communes il y a un peu plus d'un an:

Si le Canada décide de suivre l'exemple des États-Unis concernant la qualité de l'essence, ce qui semble être le cas, la CCRL croit qu'il faut tirer avantage du travail fait dans les deux pays et tenir compte des informations les plus fiables lorsque nous prenons des décisions pour répondre aux besoins canadiens.

La CCRL estime que ce serait une erreur de ne pas tenir compte des résultats éventuels des études plus larges effectuées aux États-Unis et d'adopter à toute vitesse le projet de loi C-29, ce qui aurait pour effet d'interdire l'utilisation du MMT au Canada alors qu'il pourrait être permis aux États-Unis.

Les arguments sur l'harmonisation des règlements en matière d'essence semblent avoir été complètement renversés. Puisqu'on fabrique et conduit essentiellement les mêmes autos au Canada et aux États-Unis, il semblerait raisonnable de tenir compte des résultats des études et enquêtes américaines sur l'effet du MMT sur les systèmes de diagnostic des automobiles. Il ressort des études américaines que le MMT n'a pas d'effet nuisible sur les dispositifs antipollution.

Si l'on examine les raisons de l'adoption du projet de loi C-29, elles ne semblent pas inclure des considérations de santé ni de protection de l'environnement. Le seul objectif du projet de loi, c'est d'apaiser les préoccupations des fabricants d'automobiles concernant les défaillances des systèmes de diagnostic installés dans les nouvelles voitures. L'industrie du raffinage, Ethyl Corporation, qui est le fournisseur du MMT, et, ce qui est encore plus concluant, la Cour d'appel ainsi que l'Agence de protection de l'environnement des États-Unis, ont toutes réitéré qu'il n'y a aucune preuve scientifique justifiant ces allégations.

Comme nous l'avons signalé dans notre mémoire précédent, nous croyons qu'il faut suspendre l'étude du projet de loi C-29 tant qu'on n'aura pas fourni des preuves découlant de tests sur le parc automobile qui démontrent que le MMT cause vraiment un problème. Les résultats des tests les plus récents, qu'ont présentés d'autres témoins devant ce comité, confirment clairement notre position, c'est-à-dire que l'essence contenant du MMT n'a pas eu d'incidence négative sur les dispositifs antipollution des automobiles.

Nous réitérons que si l'on peut prouver que le MMT nuit à la santé ou directement à l'environnement, nous serons prêts à en interdire l'utilisation dans l'essence.

On a fait des commentaires sur la quantité de MMT ajoutée à l'essence. Il y a un an nous avons réduit d'un peu plus de la moitié la quantité de MMT ajoutée, ce qui correspond au niveau permis aux États-Unis. Nous avons pris cette mesure en prévision de l'adoption éventuelle du projet de loi sur le MMT.

J'aimerais parler maintenant de façon plus précise des répercussions de ce projet de loi sur la CCRL et nos membres. L'interdiction de l'utilisation du MMT dans l'essence aurait pour effet d'augmenter directement de 500 000 $ à un million de dollars les frais d'exploitation de notre raffinerie. Cette augmentation des coûts résulterait de l'utilisation accrue du carburant et du pétrole brut et d'une diminution d'efficacité.

La teneur en benzène et en composés aromatiques de l'essence que nous produisons augmenterait directement, ainsi que les émissions de CO2 et de NOx de la raffinerie. Il va sans dire que l'avantage de réduire les émissions de NOx dans les voitures de nos membres qui résulterait directement de l'utilisation du MMT dans l'essence disparaîtrait.

Le benzène est une toxine reconnue qui sera bientôt réglementée. L'industrie du raffinage et le ministère fédéral de l'Environnement ont eu de longues consultations sur ces questions très importantes. Afin de se conformer au règlement sur le benzène, la CCRL dépensera plus de cinq millions de dollars, et probablement six millions de dollars, ainsi qu'environ 500 000 $ par an à titre de frais d'exploitation. Si l'on éliminait le MMT, il faudrait mettre en vigueur ce règlement environ un an plus tôt que prévu.

Cependant, ce qui inquiéterait la CCRL le plus si on interdisait le MMT, ce serait l'augmentation graduelle des composés aromatiques et l'augmentation indirecte d'autres émissions. Nous comprenons que pour des raisons environnementales il faut tenir compte de la pollution que créent les composés aromatiques et soufrés ainsi que d'autres émissions qui sortent du pot d'échappement d'une auto. Nous pensons qu'éliminer un additif qui a un effet positif sur les émissions connues, tant au niveau du fabricant qu'à celui du consommateur, lorsque l'additif en question n'a aucun effet nuisible connu, va à l'encontre de l'effet voulu.

Selon la sévérité des règlements futurs concernant la qualité de l'essence, la CCRL aura peut-être à payer des coûts d'immobilisations et par conséquent des coûts d'exploitation très élevés. À l'heure actuelle, on évalue ces coûts d'immobilisations à 70 ou 80 millions de dollars. Nous espérons sincèrement que tous les règlements seront adaptés aux besoins canadiens. La suppression du MMT à ce moment-ci va certainement aggraver ces préoccupations. De plus, la suppression du MMT augmentera les composés aromatiques dans l'essence, ce qui sera un facteur important pour ce qui est de sa qualité dans l'avenir.

Je tiens à faire une autre remarque. On a beaucoup discuté et conjecturé quant à l'incidence qu'aurait une interdiction du MMT, comme remonteur d'octane, sur l'utilisation de l'éthanol, qui peut également servir à rehausser les indices d'octane. À cause de nos antécédents, de nos propriétaires et de nos liens étroits avec la collectivité agricole, nous connaissons très bien tous les avantages et les désavantages qu'implique l'utilisation de l'éthanol dans l'essence. Nous pouvons affirmer catégoriquement qu'il n'y a pas de lien entre le MMT et l'éthanol.

L'interdiction du MMT ne fera pas en sorte que notre raffinerie et la plupart des raffineries que je connais au Canada utiliseront davantage l'éthanol. Il s'agit d'une question distincte.

Je pourrais ajouter que l'éthanol est un composé oxygéné qui est utilisé surtout aux États-Unis pour réduire les émissions d'oxydes de carbone. L'oxyde de carbone n'est pas un problème au Canada, et l'éthanol et le MTBE seraient utilisés dans les raffineries canadiennes pour résoudre d'autres problèmes. Cependant, les considérations économiques sont beaucoup moins intéressantes pour ces produits que pour le MMT.

Pour toutes ces raisons, la Consumers' Cooperative Refineries Limited, au nom de la Federated Cooperative et de ses membres, demande respectueusement que le comité examine avec soin le bien-fondé du projet de loi C-29. De plus, nous demandons au comité de recommander que le Sénat fasse preuve de jugement en ce qui concerne la politique environnementale et remette à plus tard son approbation du projet de loi C-29. Il existe beaucoup d'obstacles éventuels à sa mise en oeuvre si jamais il est adopté, par exemple les questions commerciales intérieures et internationales. De plus, on n'a toujours pas de preuves scientifiques qui démontrent la nécessité du projet de loi.

Dans notre mémoire actuel et précédent, et dans les différents exposés que nous avons faits, nous avons eu l'appui complet du gouvernement de la Saskatchewan, et surtout des ministères provinciaux de l'Environnement et de l'Énergie et des Mines.

Le sénateur Kenny: Merci de votre mémoire concis et clair. Il nous est utile.

Ma première question porte sur les coûts. Vous avez décrit les coûts supplémentaires que votre coopérative aura à payer si le projet de loi est adopté.

D'autres témoins nous ont dit que les coûts sont d'environ un dixième de cent le litre, ou 7 $ par client par an. Je ne sais pas si votre raffinerie aura à payer ces coûts, mais je suppose que toutes les raffineries auront des coûts supplémentaires à payer si le MMT est supprimé. On nous a dit que les 7 $ par an se comparent avantageusement aux centaines de dollars que les consommateurs auraient à payer en réparations si le MMT n'était pas supprimé. Je comprends votre argument selon lequel ce sera plus coûteux pour votre raffinerie. Cependant, les raffineries vont simplement refiler cette augmentation de 7 $ au consommateur. On nous a également dit que si le MMT n'est pas supprimé, les consommateurs auront à payer des centaines de dollars en réparations coûteuses.

Que répondez-vous à cet argument?

M. Dahlstrom: Comme nous le savons tous, refiler les coûts aux consommateurs marche dans certains cas et pas dans d'autres. Nous espérons que cela marchera à long terme. Il va sans dire que je vous parle en tant que représentant des raffineries. Je suis d'accord pour dire que, quel que soit le coût, à long terme il sera refilé au consommateur.

Je remets en question la validité du commentaire concernant les centaines de dollars. Depuis trois heures on discute de la validité de cette déclaration.

D'après ma propre expérience et d'après le grand nombre d'heures que j'ai passées à conduire, je n'ai pas fait l'expérience des problèmes qui ont été discutés. Je ne connais personne qui a eu les problèmes qui ont été soulevés. Cela ne veut pas dire que ces problèmes n'arrivent pas. Toutes sortes de choses arrivent, que ce soit à cause du froid ou autre chose. Nous avons certainement eu notre part de problèmes. Il est incroyable que tant de choses dans une automobile fonctionnent quand il fait 30 ou 40 degrés sous zéro. Ma réponse est simplement que je ne sais pas si ces coûts sont légitimes.

Le sénateur Kenny: Dans votre témoignage, vous avez parlé de risque direct. On ne discute pas de risque direct autour de cette table, mais plutôt de risque indirect. La question est de savoir si les dispositifs de diagnostic se détériorent et si cela entraîne une plus grande pollution.

Nous n'avons encore entendu personne dire que le MMT devrait être prohibé à cause des émissions de manganèse. C'est plutôt parce que cela peut nuire au système de diagnostic intégré-II. Cela veut dire qu'à la longue les automobilistes ne sauraient pas si leurs autos polluent ou non.

Le risque direct n'est pas la question; la question, est le risque indirect de la détérioration des dispositifs à cause de l'utilisation cumulative du MMT.

M. Dahlstrom: C'est un commentaire juste. Le risque est indirect pour deux raisons. On est d'accord en général pour dire que l'utilisation du MMT n'a pas une incidence sur les dispositifs antipollution. Si les fabricants d'automobiles ont raison, il y aura une incidence sur les dispositifs de diagnostic, ce qui veut dire qu'à la longue les dispositifs antipollution ne fonctionneraient peut-être pas. En général, s'ils ont raison, le risque est indirect et se présentera un jour.

Le sénateur Kenny: Vous avez parlé de l'harmonisation avec les États-Unis. Vous avez dit que, afin d'harmoniser, vous avez abaissé votre pourcentage pour qu'il soit le même que celui qui est permis aux États-Unis.

Il est clair que les États-Unis formeront un ensemble hétérogène. On ne verra pas de MMT dans tous les États-Unis, quel que soit le désir de Ethyl. Il y aura des États dont les règlements ne refléteront pas les désirs du gouvernement fédéral et il y aura d'autres États dont les règlements refléteront ces désirs.

Étant donné que ce sera hétérogène aux États-Unis, le Canada ne devrait-il pas faire partie des régions propres plutôt que des régions polluées?

M. Dahlstrom: Je ne sais pas si c'est logique. Je ne pense pas que cet ensemble hétérogène se définira en fonction des États. Si on exclut la Californie, la plupart des autres États respecteront le règlement du gouvernement fédéral. Je serais surpris de voir des États hétérogènes. Il y aura plutôt des raffineurs hétérogènes, ceux qui fournissent le carburant aux États.

Ce sera le cas aussi au Canada si on se fonde sur l'économie actuelle. Il y a des raffineurs aux États-Unis qui ne savent que faire avec tout l'octane qu'ils ont. Ils n'ont pas besoin de remonter davantage leur octane. D'autres, bien sûr, ne satisferont pas à ces critères. C'est vrai du Canada aussi. Il y a des raffineurs qui sont en meilleure santé que d'autres, et c'est cela qui déterminera si tel ou tel raffineur utilisera le MMT. Le fait qu'on peut l'employer ne veut pas dire qu'un raffineur va le faire.

Je ne devrais pas dire ceci devant Ethyl Corporation, mais nous ne nous servons pas toujours du MMT. Pendant certaines périodes de l'année, nous ne nous servons pas du MMT parce qu'il n'est pas rentable de le faire. Pendant d'autres périodes de l'année, il est important que nous puissions le faire parce que c'est la chose la plus rentable à faire.

J'ai parlé «d'augmentation graduelle». Les augmentations dont nous parlons ne sont pas très grandes. Si le MMT disparaît, il n'y aura pas de grand bouleversement parmi les raffineries. Cependant, les augmentations graduelles sont importantes. On s'inquiète des composés aromatiques -- et le benzène fait partie de la famille des composés aromatiques -- en ce qui a trait aux règlements environnementaux. D'après ce que je vois, tout ce que nous faisons qui augmente graduellement ces composés aromatiques est un problème sérieux. Cela nous rend la tâche beaucoup plus difficile et beaucoup plus coûteuse à la longue.

Nul doute que tout le monde, comme on l'a vu tout à l'heure, aimerait que le carburant soit un composé pur qui ne nuit à rien ni personne. Malheureusement, ce n'est pas le cas. Il s'agit d'un mélange de plusieurs substances, et les composés aromatiques seront toujours un élément suspect. Le plus grand problème, en ce qui nous concerne, c'est l'augmentation graduelle des composés aromatiques. Elle est de 1 à 2 p. 100 entre aucune utilisation du MMT et l'utilisation maximale du MMT. C'est sur à peu près 30 p. 100. Ce n'est pas la fin du monde pour une seule raffinerie; cependant, s'il y a des solutions de rechange, une augmentation dirigée ne devrait pas avoir lieu. À la longue nous devrons vivre avec cela, et cela deviendra plus coûteux.

Du point de vue de la rentabilité, si on n'avait pas d'autres préoccupations à l'égard du MMT, il serait dommage de le prohiber, parce que je pense que les conséquences constituent un problème légitime, c'est-à-dire les composés aromatiques.

Le sénateur Kenny: Au début de votre réponse, monsieur, vous avez parlé de la Californie et du reste du pays. Vous avez dit que la Californie est une exception et que le reste du pays tend à respecter les règlements fédéraux. C'est vrai.

D'un autre côté, ne reconnaîtriez-vous pas que la Californie tend à fixer les normes pour le reste du pays et tend à devancer le gouvernement fédéral? En fait, il y a beaucoup d'exemples qui démontrent que ce qui se passe en Californie tend à être adopté au moins par les États qui ont des niveaux plus élevés de pollution. Ils ont tendance à suivre l'exemple de la Californie.

M. Dahlstrom: Ils ont tendance à le faire, mais il n'y a aucun endroit aux États-Unis qui a les mêmes problèmes que la Californie. Quelques-uns des autres États ont des problèmes qui peuvent ressembler à ceux du Canada. C'est très différent. Vous pouvez certainement nommer trois endroits au Canada qui ont des problèmes, mais en grandeur ces problèmes ne ressemblent en rien problème de la Californie.

Je pense que les règlements et la loi au Canada doivent être faits en fonction de la situation canadienne au lieu de tout simplement copier la Californie. Le Nord-Est des États-Unis a décidé qu'il le ferait avec le carburant reformulé, et ils ont ensuite changé d'avis parce que ce n'était pas gratuit et parce que le carburant reformulé a des problèmes aussi.

Le sénateur Kenny: Pourriez-vous nous dire pourquoi les 21 détaillants et fabricants d'automobiles au pays refusent de se servir d'un produit qui selon vous pourrait améliorer les émissions des automobiles de façon importante? Pourquoi les 21 fabricants d'automobiles sont-ils opposés à cela?

M. Dahlstrom: Ils ne refusent pas de s'en servir. Aucun fabricant d'automobiles n'a dit qu'il refuserait de se servir des carburants produits par les raffineries canadiennes qui contiennent du MMT. Ils se plaignent du fait que le MMT va leur créer des problèmes. Les compagnies d'automobiles ne sont jamais venues nous dire, et je pense qu'elles ne viendront jamais nous dire: «Pourquoi ne pas changer la formulation de votre carburant?»

Pourquoi agissent-elles ensemble? Plusieurs compagnies agissent ensemble parce que les compagnies plus fortes peuvent avoir une influence sur le groupe ou le secteur. Je fais une hypothèse, et je ne devrais pas le faire, mais les trois compagnies nord-américaines les plus importantes sont certainement d'avis qu'il y a des problèmes. D'après ce que j'ai compris, un certain nombre de compagnies d'automobiles n'ont aucun problème et j'ai vu des articles qui disent qu'un certain nombre de ces compagnies n'ont pas de problème. Cependant, je suis d'accord pour dire qu'elles font partie du nombre que vous avez cité, et je ne peux pas vous dire pourquoi.

M. Klassen: Pour répondre à la première partie de votre question à propos des prix, c'est une question délicate. J'ai une ferme dans le Sud du Manitoba depuis plus de 40 ans. Il y a 10 ans, les agriculteurs importaient leur carburant des États-Unis à cause d'une petite différence de prix. Le gouvernement provincial les laissait faire et a installé des stations de teinture à la frontière. Tout le carburant utilisé sur les fermes est coloré.

Nous avons fait des calculs. Nous pouvions de nouveau concurrencer le Dakota du Nord, malgré leurs puissantes coopératives. Nous en sommes satisfaits, mais il est important d'harmoniser les normes et les prix, puisque le moindre déséquilibre risque de nous faire perdre des clients au profit des États-Unis.

Le sénateur Kenny: J'accepte ce que vous dites, monsieur. Ma comparaison se fonde sur les chiffres tirés du rapport Kilborn, qui pourraient se traduire par une hausse de 7 $ par année pour les consommateurs, une hausse qui leur sera transmise. Il en coûte au moins 30 $ ou 50 $ pour faire vérifier sa voiture par un mécanicien. Cela dépend de l'endroit où on se trouve, mais il en coûte certainement plus que 7 $ lorsqu'on se rend au garage. Il me semble que le consommateur s'en tirerait beaucoup mieux en absorbant les 7 $ supplémentaires sans le MMT, plutôt que d'être obligé d'aller voir le mécanicien une fois, sinon plus souvent. C'est pour cela que j'ai soulevé la question du prix.

Le sénateur Cochrane: Je vous remercie tous les deux pour votre participation. Je dois vous signaler que nous avons reçu un grand nombre de représentations de l'Ouest canadien. Je crois que c'est notre première de la Saskatchewan, mais je vous prie de me corriger si je me trompe.

Le terme «coopérative de consommateurs» a une connotation positive pour moi, puisque j'appuie tout ce qui est coopératif, surtout en ce qui a trait aux consommateurs.

Vous représentez combien de raffineries?

M. Dahlstrom: Une.

Le sénateur Cochrane: Est-elle en Saskatchewan?

M. Dahlstrom: Nous fournissons directement des produits pour toute la Saskatchewan et presque tout le Manitoba, en partie directement de Regina et en partie par pipeline. Dans d'autres provinces, nous fournissons le produit par un échange. Nous fournissons des produits dans quatre provinces de l'Ouest, mais seulement dans deux de façon directe.

Le sénateur Cochrane: Ce matin, nous avons entendu les concessionnaires, l'Association canadienne des automobilistes, les gens qui vendent des voitures. Ils ont dit avec insistance que le MMT a un effet néfaste sur les voitures. Ils ont dit que les affaires vont bon train, puisqu'ils doivent réparer les bougies qui sont endommagées par le MMT. Ceux que vous représentez, les consommateurs, doivent payer. Ils seraient heureux si ce projet de loi était adopté.

M. Klassen: Nous avions autrefois une station-service dans chaque ville, et elles sont toutes disparues, puisqu'il n'y a plus de clientèle. Dans la plupart des villes, très peu de stations-service offrent un service de mécanicien, et c'est pour cela que les affaires vont bien. De plus, les nouvelles voitures n'ont pas besoin d'autant de service. Je n'ai eu aucun problème avec ma GM 1996. On se rend aux stations-service seulement pour faire vidanger l'huile et pour faire lubrifier la voiture.

M. Dahlstrom: Je ne suis pas certain de pouvoir répondre, sauf pour dire, comme l'a indiqué M. Klassen, que les automobiles modernes nécessitent moins de service. Notre organisation avait autrefois cinq stations-service à Regina. Nous avons encore plusieurs postes d'essence, mais seulement une station-service simplement parce qu'on a besoin de moins de service.

Pour la plupart des voitures modernes, on retourne chez les concessionnaires pour plusieurs raisons. La raison la plus importante, c'est qu'il faut une analyse informatisée pour détecter plusieurs problèmes. Même les garages qui ont de l'équipement très perfectionné ne peuvent pas faire ce travail, puisqu'ils n'ont pas accès à l'information, ni aux logiciels venant des grands fabricants. Si vous vous rendez chez un concessionnaire Ford avec une voiture GM pour la faire réparer, le concessionnaire vous dira qu'il ne peut pas faire le travail, bien souvent, s'il faut faire une analyse.

Je serais surpris d'apprendre qu'on a raison de s'inquiéter au sujet des bougies. J'achète une nouvelle voiture à intervalles réguliers. Je ne change pas les bougies aussi souvent que je le faisais il y a quatre, cinq, ou dix ans. Il n'y a aucun rapport. Le MMT existe depuis tout ce temps-là; donc, il s'agit peut-être de la comparaison avec les États-Unis.

Si vous comparez le Canada et les États-Unis, j'aurais tendance à croire que le climat, les démarrages à froid et toute une variété d'autres choses ont une bien plus grande influence que le MMT dans l'essence. J'ai cependant un parti pris.

Le sénateur Cochrane: On a comparé les taux de réparations du Canada et des États-Unis. Ne pensez-vous pas que dans l'intérêt des consommateurs, il vaudrait mieux comparer le Dakota du Nord et la Saskatchewan, puisque ce sont des climats comparables?

M. Dahlstrom: Si cette comparaison était possible, effectivement. Toutefois, l'essence est de meilleure qualité au Canada que dans certaines régions du Dakota du Nord ou du Montana. Cela est dû, non pas au MMT, mais à d'autres facteurs. S'il était possible de faire une telle comparaison, ce serait probablement utile.

Le sénateur Cochrane: Est-ce que cela ne vaudrait pas mieux que de comparer le Canada et les États-Unis?

M. Dahlstrom: Je ne pense pas qu'une comparaison aussi générale soit très révélatrice.

Le sénateur Cochrane: Plusieurs témoins ont cité des statistiques comparatives sur le Canada et les États-Unis. Vous avez parlé du Dakota du Nord, et vous êtes vous-même de la Saskatchewan. Ce sont deux régions où le climat est comparable.

M. Dahlstrom: Approximativement comparable.

Le sénateur Cochrane: Tout comme les témoins d'Ethyl Corporation, vous avez dit que le climat était un facteur.

M. Dahlstrom: Effectivement. Toutefois, pour ce type de comparaison, je ne sais pas si c'est vraiment un facteur.

Le sénateur Adams: Tout à l'heure, vous avez dit que les fabricants d'automobiles construisent différents types de moteurs, de puissance différente. Ces moteurs doivent fonctionner différemment sur le plan de la combustion de l'essence. Pour construire un moteur, il faut commencer par savoir quel type de carburant on va utiliser.

Lorsque je vais à la station-service, je ne sais pas quelle est la meilleure essence pour mon type de moteur; je ne sais pas non plus laquelle pollue le moins l'air quand je roule sur la route.

Au cours de ces derniers jours, nous avons entendu parler d'argent, et en particulier de ce que coûtent les garanties aux fabricants et aux vendeurs d'automobiles.

Vous avez 750 000 membres. Vous dites que vous avez moins de stations-services qui offrent toute la gamme des services. Cela n'a peut-être rien à voir avec l'essence, mais c'est peut-être lié au type de matériel.

Vous dites qu'il faut accuser quelqu'un lorsque les contrôles ne fonctionnent pas.

M. Dahlstrom: Je n'ai pas voulu vous donner l'impression que les deux secteurs ne se parlent pas, qu'il n'y a pas de contacts. Il y a certainement des contacts. Ce que j'ai dit, c'est qu'on ne nous a pas contactés directement, que personne n'est venu nous dire que nous devrions arrêter d'ajouter du MMT à l'essence que nous raffinons.

D'une façon générale, la qualité du carburant a beaucoup changé depuis quelques années. Les moteurs d'automobiles ont changé, et aujourd'hui ce ne sont plus les mêmes mélanges. Je ne sais pas s'il est utile de discuter de cette question, mais au cours des années c'est une situation qui a évolué. Aujourd'hui, un même indice d'octane ne veut plus dire la même chose qu'il y a 10 ou 15 ans. On parle maintenant d'octane selon les divers paliers d'ébullition de l'essence. Il y a beaucoup de facteurs qui changent au cours des années.

Pour simplifier à l'excès cette situation ou ce différend, pour nous dans l'Ouest, que personne ne vient jamais voir, il y a deux façons de résoudre les problèmes. La première, c'est une discussion fondée sur des preuves scientifiques. Tout le monde reconnaît que lorsqu'une chose est établie il n'y a plus de différend.

L'autre solution, c'est la solution politique. À mon avis, les fabricants d'automobiles ont choisi la solution politique, avant tout parce qu'ils voulaient obtenir quelque chose très rapidement. C'est peut-être injuste, mais si on se place de notre point de vue, c'est ce qui nous apparaît. Ayant choisi cette solution, il est difficile de résoudre les problèmes dans le cadre de discussions normales entre les deux secteurs.

On peut certainement dire qu'il n'y a pas suffisamment de discussions entre les deux secteurs. L'industrie pétrolière a fait de nombreuses propositions, mais l'industrie automobile n'a pas beaucoup réagi en disant qu'il faudrait procéder à des tests supplémentaires.

Le sénateur Adams: Hier, les fabricants d'automobiles nous ont montré des bougies qui, disaient-ils, étaient encrassées par du MMT. Aujourd'hui, Ethyl nous a dit quelque chose de tout à fait différent. Il est difficile de déterminer ce qui est vrai. Il est possible que la marque de la bougie fasse une différence. Personnellement, je trouve que certaines marques sont meilleures que d'autres.

M. Dahlstrom: Il est facile de trouver des problèmes qui pourraient être ou ne pas être liés au sujet qui nous occupe, sénateur. Nous le constatons parfois. Nous recevons des plaintes au sujet de nos carburants, et parfois nous reconnaissons qu'elles sont légitimes, mais il y a également des cas où nous savons qu'elles ne sont pas légitimes. Parfois nous acceptons les critiques, car c'est la réaction la plus sage. Je ne pense pas que ce matériel constitue une preuve.

Cela dit, les tests menés sur un parc de véhicules, la moitié utilisant du MMT, l'autre moitié n'en utilisant pas, donneront certainement de bien meilleurs résultats que les tests menés sur des véhicules isolés.

Le président: L'Ouest canadien est connu pour son gros bon sens; vous venez de nous en donner un exemple que nous apprécions.

Le sénateur Buchanan: Comme le sénateur Adams vient de le dire, les bougies et les convertisseurs catalytiques qui nous ont été montrés par les deux parties sont très différents.

Pensez-vous qu'une étude exhaustive, indépendante, permettrait de régler cette situation une bonne fois pour toutes?

M. Dahlstrom: C'est précisément ce que je voulais dire. Il est presque toujours possible de trouver un exemple qui confirme un argument.

Le sénateur Buchanan: Le fait que huit gouvernements provinciaux s'opposent actuellement au projet de loi me semble particulièrement intéressant. Ils veulent que le projet de loi soit mis de côté en attendant une étude concluante. Le premier ministre Romanow nous a écrit à au moins trois reprises pour dire à quel point la Saskatchewan s'inquiète de voir ce projet de loi interdire l'importation et le commerce interprovincial de l'additif MMT.

M. Dahlstrom: Comme j'ai essayé de l'expliquer -- je n'ai peut-être pas été très subtil -- c'est un projet de loi unique et une démarche unique. S'il y a un problème sur le plan de l'environnement, il devrait être possible d'aborder le problème directement. On a l'impression que les divers ministres provinciaux de l'Environnement cherchent à aborder le problème par des voies détournées. Lorsque le projet de loi a été introduit, ils ont fait marche arrière. Les discussions qui auraient dû avoir lieu, qui devraient être en cours, ne se sont pas produites. Comme vous l'avez dit, tout s'est fait par des lettres s'opposant au projet de loi, et cetera. Cette absence de discussions nous inquiète; ce n'est pas une bonne chose lorsqu'il s'agit d'un projet de loi.

La loi sur le benzène a fait l'objet de discussions approfondies. Dans ce cas-là, je suis loin d'être mécontent de ce qui se passe. J'ai peut-être l'impression -- et c'est souvent l'impression que nous avons dans le secteur des raffineries -- que la loi adoptée en définitive est un peu trop sévère. Peut-être que oui, peut-être que non. Toutefois, on ne peut pas dire qu'on n'a pas eu l'occasion d'en parler. Cette fois-ci, c'est différent, et cela inquiète beaucoup de gens dans le secteur.

Le sénateur Whelan: Monsieur le président, je dois faire attention à ce que je dis à ces gens-là, car j'ai depuis longtemps des contacts avec le mouvement coopératif.

Le président de l'Association canadienne des vendeurs d'automobiles a comparu aujourd'hui devant le comité. Il s'appelle Ted Knight et il est de Regina. Il nous a dit qu'il apprécie beaucoup tout le matériel d'ordinateur, les détecteurs, les convertisseurs catalytiques, et cetera, qu'il doit remplacer.

M. Dahlstrom: Il faudra que je lui parle quand je rentrerai.

Le sénateur Whelan: Vous avez parlé de l'aspect santé. Je m'occupe d'une émission de radio qui est diffusée le samedi matin, et un jour le Dr Labella, de l'Université du Manitoba, était à l'antenne. Monsieur Klassen, vous êtes vous-même du Manitoba; avez-vous eu l'occasion d'en discuter avec lui? Il tient absolument à ce qu'on n'utilise pas cette substance.

M. Klassen: Je ne suis pas au courant. Je suis en Saskatchewan depuis seulement un an environ.

Le sénateur Whelan: Il y a 15 ans qu'il fait des recherches dans ce domaine.

Vous avez dit que parfois vous n'utilisez pas de MMT. Pourquoi?

M. Dahlstrom: Cela dépend des circonstances économiques. Cela dépend d'autres facteurs à la raffinerie, et il n'est pas toujours rentable d'utiliser du MMT.

Je précise aussi que nous vendons beaucoup de carburant diesel. Nous ne vendons pas autant d'essence que nous le voudrions, et nous ne vendons pas non plus autant d'essence que certains autres raffineurs, parce que nous desservons principalement un marché agricole.

Vous ne m'avez pas entendu dire que nous dépensons tout pour éliminer le MMT. Nous n'avons pas besoin de dépenser d'argent à ce moment-ci si le MMT est éliminé, car notre raffinerie a la capacité de produire l'octane d'une autre façon, sans le MMT. Cependant, il est plus économique d'utiliser le MMT.

Il y a des moments de l'année, par exemple en été, où nous utilisons le MMT pour le super carburant. Cela varie. Notre décision est fondée uniquement sur un critère économique.

Le sénateur Whelan: Je ne comprends pas très bien. Vous vous fondez sur des critères économiques tandis que d'autres personnes fondent leurs décisions sur le rendement.

M. Dahlstrom: Oui, c'est exact. Il y a des moments où nous n'utilisons pas le MMT. Dans ces circonstances, nos clients ne peuvent profiter du MMT en ce qui concerne les oxydes d'azote. C'est un point valable.

Le sénateur Whelan: En d'autres termes, ils n'en ont pas autant pour leur argent.

M. Klassen dit qu'il est propriétaire de cinq véhicules GM. Nous avons trois véhicules dans notre famille. Notre gendre est né à Regina, en Saskatchewan. Son père était le médecin responsable de l'hôpital là-bas. Sa grand-mère vit à Saint-Lazare, au Manitoba; son père et sa mère se sont maintenant retirés à Abbottsfort, en Colombie-Britannique; et l'autre grand-mère vit à Québec. Il est maître technicien chez General Motors. Il a dit: «Je vais comparaître devant le comité et vous montrer tout ce que je dois remplacer.»

Pensez-vous qu'on ajoute trop de MMT à l'essence dans le Sud-Ouest de l'Ontario et que cela leur cause davantage de problèmes?

M. Dahlstrom: Je ne pense pas. La question qui a été posée précédemment était la suivante: si vous réduisez le MMT de moitié -- si en fait le MMT crée un problème au départ -- est-ce que cela va réduire l'ampleur du problème? Je suppose que la réponse évidente est oui. Si on réduit le MMT à un dixième, le problème est sans doute toujours plus important.

Vous ne devez pas oublier qu'on a effectué tous les essais -- et je tiens à en tenir compte -- tous les essais sur le parc automobile, et cetera, en utilisant de l'essence qui contenait une quantité de MMT qui se rapprochait raisonnablement de la limite permise. Pourtant, au cours de tous les essais qui ont été effectués, on n'a pu déceler de différence entre la condition de l'automobile qui utilisait du MMT et la condition de celle qui n'en utilisait pas, et aucune différence dans les émissions, à part le fait que les émissions d'oxydes d'azote étaient moins élevées dans les cas de véhicules dont l'essence contenait du MMT.

Pour ce qui est de savoir si on en utilise trop, si le gouvernement du jour légiférerait afin d'obliger les raffineurs canadiens à utiliser la même quantité de MMT que celle qui est permise à l'heure actuelle aux États-Unis, c'est exactement ce qui arriverait. Cela pourrait être un compromis. En fait, c'est un compromis que l'industrie pétrolière a proposé de faire. Comme je l'ai déjà dit, nous avons déjà offert un tel compromis.

Je ne réponds pas à votre question directement, mais je ne sais pas de quelle autre façon je pourrais y répondre.

Le sénateur Whelan: Est-ce que «nous» n'avons pas travaillé en étroite collaboration lorsque «nous» avons construit les raffineries à Regina?

M. Dahlstrom: Dans quel contexte dites-vous «nous»?

Le sénateur Whelan: Avez-vous reçu une aide gouvernementale?

M. Dahlstrom: Pas en ce qui concerne la raffinerie; mais nous en avons reçu effectivement pour ce qui est de l'usine de traitement.

M. Klassen: Nous avons cinq véhicules GM, et l'image que nous projetons est celle de pauvres agriculteurs. Je ne voudrais pas dissiper cette image, mais trois de nos véhicules sont en réserve. Sur la ferme, on a besoin d'un certain nombre de camions pour le grain, et cetera. J'ai deux véhicules que nous utilisons toute l'année, un pour ma femme et un pour moi-même. Le plus vieux est un modèle 1974 et le plus récent un modèle 1996. Je n'ai jamais encore fait démonter un moteur, et j'utilise exclusivement le carburant de la coopérative. En tant que président, il ne faudrait pas que je me fasse prendre à acheter un autre type d'essence.

Le sénateur Anderson: Ma question est en quelque sorte reliée à celle du sénateur Whelan. Monsieur Dahlstrom, est-ce que votre raffinerie a un service de recherche? Avez-vous effectué des études ou des tests pour démontrer que l'industrie de l'automobile se trompe lorsqu'elle dit que le MMT cause des problèmes au niveau des bougies d'allumage et des dispositifs antipollution?

M. Dahlstrom: La réponse à votre première question en ce qui concerne un service de recherche est non. Nous faisons cependant un tout petit peu de recherche dans notre usine relativement à certains aspects. Nous avons fait une étude, il y a quelques années, concernant l'utilisation de l'huile de canola dans le carburant diesel et d'autres choses de cette nature. Nous avons effectué des projets avec l'Université de la Saskatchewan et avec le conseil de recherche de la Saskatchewan, mais nous n'avons pas de service de recherche comme tel.

En ce qui concerne le MMT dans l'essence, encore une fois la réponse est non. Nous dirions presque que si nous faisions de la recherche sur les carburants, étant donné la nature de nos clients et la nature de notre raffinerie, nous serions plutôt préoccupés par le carburant diesel et les avantages des mélanges de carburant diesel, surtout en ce qui a trait à nos clients agriculteurs.

Je ne voudrais pas laisser entendre que nous ne nous intéressons pas à l'essence; nous nous y intéressons beaucoup. Cependant, nous ne sommes pas en mesure de faire le genre de choses dont vous parlez. Par conséquent, nous ne l'avons pas fait.

Le président: J'aimerais avoir des éclaircissements sur l'une des observations que vous faites dans votre document. Vous dites qu'à l'heure actuelle vous exportez régulièrement vers les États-Unis une quantité modeste d'essence qui contient du MMT. Est-ce quelque chose de récent pour votre raffinerie, monsieur Dahlstrom?

M. Dahlstrom: Nous avons un genre d'entente d'échange bizarre. Nous n'exportons pas habituellement beaucoup de produits.

Un condensé, qui est une essence naturelle, une essence légère, peu importe comment on l'appelle, provient des installations de séparation du gaz au sud de la frontière. Ce produit est transporté par camion jusqu'à notre raffinerie. En théorie, nous le traitons et nous le renvoyons. Il s'agit d'une entente d'échange avec les États-Unis. C'est quelque chose que nous faisons depuis plusieurs années, mais c'est seulement au cours des dernières années que nous avons ajouté du MMT.

Le règlement concernant la qualité de cette essence oblige nos installations à répondre aux exigences de l'essence américaine, à ce moment-ci. Cela changera bientôt, lorsque le règlement canadien changera. L'utilisation du MMT dans cette essence en particulier est assez importante pour nous à l'heure actuelle, car le règlement vient tout juste de changer, il y a 18 mois environ. Si nous ne pouvions utiliser le MMT, nous devrions alors probablement renoncer à cette entente. Nous nous trouvons juste à la limite, car il y a un certain nombre de choses différentes dans cette essence par rapport à la nôtre.

Le président: Ce marché pourrait-il s'élargir pour vous, ou est-ce qu'il est très limité pour l'avenir?

M. Dahlstrom: Non.

Le sénateur Landry: Ajoutez-vous du MMT au carburant diesel?

M. Dahlstrom: Non.

Le sénateur Landry: Est-ce que certaines raffineries le font?

M. Dahlstrom: Nous vendons ce que nous appelons un super diesel. Ce super diesel, nous le produisons à cause des éléments. Il y a une préoccupation au sujet de certains chiffres, de sorte que nous ajoutons une série d'additifs. C'est également le résultat de la qualité du carburant lorsqu'il est mélangé. Le MMT n'est pas l'un de ces éléments.

Le sénateur Whelan: Vous avez mentionné l'ALÉNA indirectement dans votre exposé. Vos membres sont surtout des agriculteurs. J'imagine que vous avez suivi les décisions rendues dans le cadre de l'ALÉNA. Il est rare que les Américains accordent de l'attention à une décision qui n'est pas en leur faveur. Ils harcèlent l'Ouest canadien encore une fois au sujet du blé. Ils harcèlent l'Est du Canada au sujet des pommes de terre, bien que je ne pense pas que cela inquiète beaucoup la Nouvelle-Écosse. Ils ne semblent pas accorder beaucoup d'attention aux décisions rendues dans le cadre de l'ALÉNA.

Avez-vous une opinion à ce sujet?

M. Dahlstrom: Je ne suis pas en désaccord avec ce que vous venez de dire, sénateur. Ma seule préoccupation concernant l'ALÉNA, c'est qu'il serait malheureux que cette situation donne lieu à une contestation dans le cadre de l'ALÉNA. Je pense qu'il y a une meilleure façon de régler la question. Il n'est pas dans la nature de notre organisation de participer directement à des contestations de ce genre.

Le président: Merci, monsieur Dahlstrom et monsieur Klassen. Nous vous remercions de votre présence. Vous nous avez prouvé qu'il est possible de faire valoir des arguments valables tout en restant calme et courtois, et nous vous en savons gré.

Notre témoin suivant représente le Sierra Club du Canada.

Mme Elizabeth May, directrice générale, Sierra Club du Canada: Monsieur le président, le Sierra Club du Canada vous remercie de lui offrir l'occasion de présenter ses opinions au sujet de cet important projet de loi.

Nous sommes fortement en faveur de l'adoption du projet de loi C-29 et nous aimerions vous expliquer nos raisons.

Quelques mots à notre sujet: nous sommes un organisme national sans but lucratif dont les membres poursuivent des objectifs et des intérêts d'ordre environnemental. Nous sommes peut-être davantage connus pour nos initiatives de protection de la nature, et nous avons également des programmes de recherche et d'information publique qui portent sur la biodiversité, le changement climatique, qu'on appelle parfois réchauffement de la planète, la pollution de l'air, les produits chimiques et toxiques, l'énergie durable et la transition vers une économie durable.

En toute franchise, c'est la première fois de ma vie que je vois un responsable politique prendre les devants sur le mouvement environnemental dans un dossier quelconque. La question du MMT nous a pris par surprise. Lorsque Sheila Copps a proposé le projet de loi visant à interdire le MMT, je me suis demandé de quoi il s'agissait, car nous ne nous étions pas penchés sur cette question et nous n'étions pas au courant. Après avoir examiné le dossier, je suis devenue une fervente partisane des objectifs que cherchaient à atteindre le ministre de l'Environnement actuel et ses prédécesseurs.

Pour ma part, j'ai été sensibilisée à cette question, en dehors de nos recherches, par un exposé du Dr Philip Landrigan, éminent médecin de la Mount Sinai Medical School, à New York. Il serait formidable que vous puissiez entendre son témoignage, car il est extrêmement compétent.

Je l'ai entendu parler du MMT et convaincre un auditoire américain de s'opposer à son utilisation dans l'essence aux États-Unis. Il a présenté des preuves flagrantes des dangers du MMT, qui est une neurotoxine, soit un poison pour le cerveau. Il a fait état des nombreuses inconnues dans ce domaine, mais nous a également rappelé les faits. Nous savons que le manganèse est une neurotoxine. En situation d'exposition professionnelle, ce produit a causé des tremblements semblables à ceux de la maladie de Parkinson. Nous savons également qu'il provoque des troubles cérébraux chez les humains. M. Landrigan a expliqué également ce que nous a enseigné l'expérience de l'essence au plomb. Si l'on veut introduire une neurotoxine puissante dans le sang et le cerveau des gens, en particulier des enfants, l'addition de ce métal neurotoxique à l'essence est un excellent moyen d'y arriver.

Lors de cette conférence aux États-Unis, j'ai appris également que le fabricant américain du MMT, Ethyl Corporation, avait tiré parti de l'expérience canadienne du MMT dans sa publicité, affirmant que son utilisation pendant 17 ans au Canada était bien la preuve de la sécurité du produit. Paradoxalement, les groupes et les spécialistes américains, tels que M. Landrigan, ne savaient pas que, au moment où Ethyl faisait la promotion de l'expérience canadienne avec le MMT, la ministre Copps avait déjà proposé une loi visant à l'interdire au Canada.

La question des annonces publicitaires est intéressante. Aux États-Unis l'an dernier, Ethyl annonçait dans sa publicité que le MMT était «l'additif pour essence le plus mis à l'essai de notre histoire». J'ai également une autre publicité pour la même société, tirée d'une revue américaine, où il est dit que des essais intensifs ont été effectués qui ont prouvé l'innocuité du produit s'il est utilisé convenablement.

J'aimerais vous distribuer cette annonce que la société a fait paraître pour justifier sa position en 1924. De toute évidence, depuis cette époque elle n'a pas changé d'agence publicitaire. Les responsables se hâtent d'annoncer qu'ils ont fait la preuve de l'innocuité du produit.

Entre-temps, au Canada, Ethyl Corp. prétendait que l'EPA américaine avait laissé tomber son argumentation contre le MMT. La réalité était pourtant tout autre. À la suite d'un jugement du tribunal rendu par une très faible majorité, l'Environmental Protection Agency a été forcée d'enregistrer le MMT et d'en permettre l'utilisation. L'administratrice de l'EPA, Mme Carol Browner, a déclaré à l'époque qu'elle le faisait «sous toutes réserves». Elle a ajouté que, à son avis, la population américaine ne devait pas servir de cobaye pour tester l'innocuité du MMT. La grande majorité des raffineries d'essence ayant leur siège social aux États-Unis se sont publiquement engagées à ne pas utiliser le MMT dans leur essence. Bon nombre de responsables de sociétés mères ont comparu devant votre comité pour s'opposer à ce projet de loi.

De plus, un des plus grands états consommateurs d'essence, au sud de la frontière, en Californie, maintient son propre interdit contre le MMT. Essentiellement, les représentations désespérées d'Ethyl Corporation en faveur de son produit ont cherché à tirer partie des expériences canadiennes et américaines, se servant de la prétendue «approbation» aux États-Unis pour obtenir l'approbation au Canada et de la prétendue «approbation» au Canada pour obtenir son acceptation aux États-Unis. Or, cette stratégie ne peut avoir de succès que si Ethyl Corp. assume que les groupes environnementaux n'ont pas accès au téléphone. Le groupe de protection de l'environnement du Canada et des États-Unis ont joint leurs efforts pour faire savoir que ce produit n'a absolument rien à faire dans notre air ambiant.

Il est donc trompeur de prétendre que les mesures réglementaires canadiennes ne concordent pas avec l'approche nord-américaine face au MMT. En réalité, les ministres de l'environnement des deux pays préféreraient interdire le MMT. Les mesures prises par certains États américains garantissent que son utilisation sera limitée et l'engagement volontaire des raffineries américaines à éviter le MMT signifie que, même si son usage est techniquement légal au sud de la frontière, le MMT ne sera pas utilisé dans la plupart des essences américaines.

Les fortes pressions politiques des gros canons de l'industrie au sujet de ce projet de loi devraient être étudiées à la lumière de ce vaste contexte réglementaire. Ethyl Corp. risque de perdre son marché, non seulement au Canada, mais aussi ses possibilités de vente aux États-Unis. L'interdiction canadienne éliminera le seul argument dont dispose la société pour défendre l'innocuité de son produit. En vérité, l'absence de preuve des torts qu'il peut causer n'est pas une preuve d'innocuité du produit puisque aucune étude n'a été faite à ce sujet. Il n'y a eu aucune étude sur l'étendue des répercussions sur la santé et l'environnement de l'utilisation du MMT au Canada. Il est donc tout simplement irresponsable de continuer à l'utiliser.

[Français]

Entre-temps, le MMT menace la qualité de l'atmosphère en raison de l'augmentation du risque de la pollution des voitures. Puisque le MMT entrave l'équipement diagnostique des mécanismes du contrôle de pollution des automobiles, l'utilisation du MMT risque d'augmenter la pollution atmosphérique. En tant que facteur contribuant aux toxiques, le MMT est une menace environnementale.

[Traduction]

Les fabricants d'automobiles sont convaincus que le MMT encrasse le système de diagnostic de leurs produits, et cela a été dit à maintes reprises aujourd'hui. Ethyl Corp. affirme que son produit n'a pas eu cet effet au cours des études qu'elle a effectuées. Face à cet affrontement de spécialistes et d'études, il convient de se demander ce que les parties ont à perdre ou à gagner dans ce conflit. De toute évidence, les fabricants d'automobiles n'ont pas lieu de s'inquiéter du MMT à moins, comme ils le disent, qu'ils nuisent à l'efficacité des systèmes de diagnostic de bord, y compris les mécanismes antipollution. Par ailleurs, l'intérêt d'Ethyl pour la promotion des études qui prouvent le contraire est évident. Les fabricants d'automobiles craignent à juste titre que la défaillance des systèmes de diagnostic de bord ne leur crée d'importants problèmes financiers compte tenu de leur politique de garantie, outre l'accroissement de la pollution atmosphérique. Les véhicules de construction récente sont dotés de ces mécanismes qui permettent de réduire la pollution atmosphérique.

Je signale en passant que c'est peut-être la seule et unique fois que le Sierra Club du Canada et les fabricants d'automobiles du Canada défendent la même position. Il va sans dire que nous sommes de leur côté dans ce dossier.

Environnement Canada est également fermement persuadé que l'utilisation du MMT va accroître la pollution atmosphérique par les gaz d'échappement. La pollution atmosphérique, surtout celle qui est attribuable aux gaz d'échappement, est à l'origine de graves problèmes de santé et d'environnement, causant des milliers de décès chaque année et des coûts importants pour le système de santé. La pollution causée par les automobiles accroît le niveau d'ozone des basses couches de l'atmosphère et les pluies acides dont les répercussions se font sentir bien au-delà de nos centres urbains, dans les lacs, les cours d'eau et les forêts.

En tant que groupe de défense de l'environnement, le Sierra Club se préoccupe également d'une autre sorte de système de diagnostic, le système de diagnostic de bord que nous avons entre les oreilles, le cerveau humain. Le MMT est particulièrement inquiétant à cause des risques d'empoisonnement généralisé du cerveau à un faible niveau chez l'homme. Le fait que les Canadiens aient été exposés à cette substance depuis près de 18 ans, sans preuve de son acceptabilité du point de vue de la santé et de l'environnement est très inquiétant. Dès 1978, Santé Canada avait cerné les lacunes importantes de l'information pour la compréhension du MMT. Je vais citer une évaluation du MMT faite en 1978 par Santé Canada, où il est dit ceci:

On ne connaît rien sur les effets de l'exposition chronique à de basses concentrations de manganèse sur des groupes particuliers comme les femmes enceintes, les enfants et ceux qui souffrent de troubles respiratoires mineurs.

[Français]

Malheureusement, presque vingt ans plus tard, il n'y a encore eu ni étude épidémiologique ni autre recensement sur l'exposition environnementale commanditée par le gouvernement fédéral. Le docteur Donna Mergler de l'Université du Québec à Montréal a entrepris, par contre, une étude de premier plan sur les effets du MMT sur la santé humaine. Son étude est commanditée non pas par Santé Canada, mais par l'Agence pour la protection environnementale des États Unis.

[Traduction]

Tandis que les travaux au Canada tirent de l'arrière, les données de recherche à l'échelle internationale continuent de montrer que le MMT pose des risques importants pour la population humaine.

Après avoir rédigé ce mémoire et l'avoir envoyé à votre greffière, j'ai mis la main sur une autre étude. Je tiens à vous la présenter. Il s'agit d'un article paru dans l'American Journal of Industrial Medicine, publié en janvier 1997. Il s'agit d'une étude sur les répercussions qu'aura pour la santé l'ajout du MMT à l'essence aux États-Unis. Quelles répercussions cela aura-t-il sur la population humaine de ce pays? C'est une étude très intéressante qui fait ressortir certains points sur lesquels j'aimerais insister.

Il s'agit d'un examen de dix études différentes effectuées sur les répercussions de l'exposition au MMT ou au manganèse. Nous savons que le manganèse est une neurotoxine. Il s'agit de savoir ce qui se passe lorsqu'on est exposé à de petites quantités de ce produit. Nous connaissons les répercussions lorsque la concentration est forte. Que se passe-t-il lorsque les gens sont exposés à une faible concentration de produits pendant longtemps? Dix études différentes, fondées sur une approche différente de la question, ont fait état d'effets neurotoxiques à faible niveau qui ne seraient pas aussi virulents et prononcés que les tremblements semblables à ceux de la maladie de Parkinson.

À la page 111 de l'étude que je viens de vous remettre, il est dit que presque tous les résultats indiquent que l'exposition au manganèse à des niveaux trop faibles pour provoquer une toxicité évidente sur le plan clinique a des répercussions sur la mobilité et la mémoire. Si vous avez un trou de mémoire, pensez au MMT car il y est peut-être pour quelque chose.

Nous disposons là d'une information importante selon laquelle l'exposition chronique à de basses concentrations du produit risque de poser problème. Santé Canada s'en était inquiété il y a déjà longtemps par rapport aux groupes les plus vulnérables de notre population.

À cet égard, le Sierra Club aimerait s'associer à l'exposé que vous entendrez demain de l'Association canadienne des troubles d'apprentissage. Nous savons que les additifs d'essence à base de manganèse auront fort probablement des répercussions semblables à celles du manganèse lui-même. On peut affirmer avec certitude que le manganèse est une neurotoxine. Les scientifiques comprennent maintenant que ses effets sur le cerveau sont dus à son influence sur la dopamine, un produit chimique important du cerveau. Le manganèse traverse facilement le placenta et est facilement absorbé dès les premiers stades de la vie.

En plus des préoccupations au sujet des répercussions sur les jeunes enfants, nous nous soucions également des effets sur nos aînés. Le manganèse a aussi été associé à un vieillissement prématuré du cerveau.

Le Sierra Club vous demande instamment d'adopter le projet de loi C-29 pour que le public et l'environnement canadien cessent le plus rapidement possible d'être exposés à cette neurotoxine. Nous recommandons également que votre comité demande au gouvernement de prendre des mesures aux termes de la LCPE pour interdire carrément le MMT.

À cet égard, j'ai lu l'article paru dans le Globe and Mail de ce matin et je ne suis pas d'accord avec sa conclusion, malgré le très grand respect que j'ai pour le sous-ministre adjoint d'Environnement Canada, M. Clark. À mon avis, le MMT est manifestement un produit toxique selon la définition de la LCPE. En plus de ce projet de loi, le fait d'interdire carrément le MMT aux termes de la LCPE permettrait sans nul doute de clarifier la situation. Cela aurait pour effet salutaire d'éliminer tout argument voulant que l'interdiction visant les importations soit de nature protectionniste.

Nous vous prions ardemment de ne pas vous laisser entraîner dans un processus de «polluer maintenant, se repentir plus tard». Cela vaut également pour toutes les lettres que vous avez reçues et dont les auteurs vous disent: «Étudions encore la question avant de prendre une décision».

Il nous faut en apprendre davantage au sujet du MMT. Il ne fait aucun doute qu'on ne connaît pas la totalité des répercussions du MMT sur le public et l'environnement canadien.

Toutefois, une chose est claire: le public canadien ne doit pas -- pour paraphraser l'administratrice de l'EPA des États-Unis, Carol Browner -- servir de laboratoire pour vérifier l'innocuité du MMT. Le public canadien sert de cobaye depuis maintenant 20 ans. Il vous incombe de mettre fin dès maintenant à l'utilisation irresponsable du MMT au Canada.

Le sénateur Buchanan: Je voudrais signaler que Mme May et ses parents sont de Nouvelle-Écosse et comptent parmi mes amis. Cette amitié s'arrête toutefois à la chose politique.

Mme May: Nous sommes généralement en désaccord.

Le sénateur Buchanan: Je m'intéresse à la politique du Club Sierra du Canada. Je retiens de vos propos qu'aucune étude ne permet de dire si le MMT est un danger au Canada.

Mme May: Il y a eu de bons travaux de recherche et il y en a encore, notamment par Mme Donna Murgler, qui est une neurotoxicologue du Québec. Sur la foi de nombreuses études, nous avons des raisons de penser que cela cause probablement certains dommages parmi la population. Quand personne ne fait d'études, il est difficile de préciser exactement l'ampleur des dommages.

Le sénateur Buchanan: C'est bien ce que je dis. Vous croyez que le MMT cause des problèmes environnementaux et des problèmes de santé pour les Canadiens.

Mme May: En effet.

Le sénateur Buchanan: L'étude de Santé Canada était assez approfondie. Sa conclusion était que l'utilisation du MMT dans l'essence ne constitue pas un risque pour la santé d'une partie quelconque de la population canadienne.

Mme May: L'étude de Santé Canada est mal faite. Elle ne concorde pas avec la plupart des travaux qui se font dans le monde. En fait, c'est un problème fondamental de la réglementation canadienne du MMT. Santé Canada a autorisé l'utilisation du MMT initialement en sachant que leurs données comportaient de graves lacunes. Ils n'ont jamais rien fait pour remédier à ces lacunes.

Malheureusement, mon expérience à titre d'environnementaliste dans mes contacts avec Santé Canada au fil des années m'apprend qu'une fois qu'ils ont pris position, permettant que le public canadien et l'environnement canadien soient exposés à un produit, ils ont tendance à se retrancher dans leurs positions et à défendre ce produit coûte que coûte.

Ils sont disposés à dire qu'il faut interdire l'utilisation du MMT au Canada à cause de son effet sur l'équipement de diagnostic à bord des véhicules automobiles. Ils ont commis une erreur en n'admettant pas que ce produit est également une neurotoxine qui pose un danger considérable pour la santé humaine.

Le sénateur Buchanan: Si vous dites cela, alors vous contredisez la politique du Club Sierra du Canada, d'après ce que je comprends. Vous dites que nous, au Canada, nous devrions nous fier aux rapports et études faits à l'étranger, plutôt que de faire nos propres recherches. Ce n'est pas conforme à la politique du Club Sierra. D'après votre politique, nous devons faire nos propres recherches au Canada pour cerner les effets des problèmes environnementaux au Canada.

Mme May: Je serais très heureuse que Santé Canada, une fois que le MMT aura été interdit, fasse une étude épidémiologique pour vérifier si l'on peut discerner dans diverses parties de la population canadienne, en comparaison de groupes témoins d'ailleurs qui n'ont pas été exposés au MMT, divers problèmes neurocomportementaux comme ceux mis au jour dans les études citées dans le rapport que j'ai distribué.

En l'absence de recherche pertinente au Canada, nous nous tournons vers les études sur la santé qui ont été faites ailleurs.

Le sénateur Buchanan: Je sais que vous savez qu'au Canada, le ministère n'a fait aucune étude environnementale exhaustive sur le MMT.

Mme May: Environnement Canada a fait une étude qui leur a donné l'assurance que les événements décrits par les fabricants d'automobiles étaient bien réels et que l'accroissement de la pollution atmosphérique était attribuable à l'utilisation du MMT.

Le sénateur Buchanan: Ce n'est pas ce qu'on nous a dit. On nous a dit qu'Environnement Canada n'avait pas fait d'évaluation environnementale de l'utilisation du MMT et qu'on ne lui avait pas demandé d'en faire.

Mme May: Ils n'ont pas fait une évaluation environnementale; c'est exact.

Le sénateur Buchanan: Croyez-vous qu'ils auraient dû le faire?

Mme May: Avant que le MMT ne soit introduit sur le marché, il aurait fallu faire une étude approfondie pour en évaluer les répercussions sur la santé de groupes vulnérables. En même temps, on aurait dû évaluer les répercussions environnementales. Rien de cela n'a été fait. Le gouvernement a réagi comme il le fallait en présentant le projet de loi C-29 pour interdire le MMT.

Le sénateur Buchanan: Vraiment, même en l'absence d'une étude environnementale?

Mme May: Je n'ai jamais vu un gouvernement se dépêcher d'interdire un produit chimique qui est appuyé par un groupe de pression.

Le sénateur Buchanan: Comment justifiez-vous cette position, compte tenu du fait que, dans le passé, le Club Sierra a préconisé fermement des évaluations environnementales? Encore le mois dernier, le Club Sierra a intenté une poursuite contre le gouvernement du Canada relativement à la vente de réacteurs CANDU à la Chine parce qu'aucune évaluation environnementale n'avait été faite. En fait, d'après le communiqué, vous espérez avoir gain de cause, de manière à obliger le gouvernement fédéral à entreprendre une évaluation environnementale complète dans ce dossier et dans d'autres projets semblables.

À n'en pas douter, votre position est que, dans tout le dossier mettant en cause l'environnement, il faut faire une évaluation environnementale complète avant d'adopter un projet de loi ou d'appliquer une politique.

Mme May: Je voudrais apporter une précision. La Loi canadienne sur l'évaluation environnementale ne s'applique et n'exige pas qu'une évaluation soit faite avant l'adoption du projet de loi C-29 et avant que la décision soit prise d'interdire le MMT. Nous intentons des poursuites parce que certains ministres n'ont pas fait certaines choses qu'ils étaient tenus de faire aux termes de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale. Dans le dossier du MMT, personne n'a enfreint la loi ni éviter de faire une évaluation environnementale qui aurait été ordinairement obligatoire aux termes de la Loi sur l'évaluation environnementale.

Le sénateur Buchanan: Vous avez parlé d'environnement et de santé. Pourquoi ce projet de loi est-il dans le domaine des échanges commerciaux, et non pas aux termes de la Loi sur l'environnement?

Mme May: Je pense que c'est parce que Santé Canada a très mal manoeuvré dans ce dossier. Je soupçonne qu'à un moment donné, la ministre Copps s'est rendu compte qu'il y avait d'importantes raisons environnementales d'interdire le MMT au Canada. Ce produit nuit à la qualité de l'air. Elle n'a pu obtenir l'appui du ministre de la Santé, à cause des mauvais conseils que les fonctionnaires de Santé Canada ont prodigués à ce dernier. Je suis convaincu de cela. Je crois qu'il eut été préférable d'invoquer la LCPE, mais vous êtes saisi du projet de loi qui a maintenant été adopté par la Chambre des communes.

Même si je crois que l'on a emprunté un chemin tortueux pour faire ce qu'il fallait, vous devez à votre tour emprunter le même chemin et veiller à faire ce qu'il faut en adoptant le projet de loi C-29.

Le sénateur Buchanan: Si le gouvernement fédéral est sincère quand il dit que le MMT est problématique pour l'environnement et pour la santé, n'aurait-on pas dû présenter cette mesure sous forme de projet de loi environnemental, en invoquant la Loi sur l'environnement, plutôt que comme un projet de loi commercial?

Mme May: Je suis d'accord avec vous là-dessus. Si vous pouviez tout recommander du début, c'est ce qu'il faudrait faire, mais je vous exhorte à ne pas tout recommencer du début. À mes yeux, cela tombe dans la catégorie du dicton «Polluons maintenant, repentons-nous plus tard». Nous ne voulons pas que l'on continue de rejeter du MMT dans l'atmosphère.

Le sénateur Buchanan: Si je vous disais qu'une étude approfondie, à supposer que les deux parties en présence donnent leur accord, serait faite sous les auspices d'Environnement, qu'elle serait faite le plus vite possible et que l'ICPP a convenu d'accepter cette décision, donneriez-vous votre accord pour que l'on fasse une évaluation environnementale avant d'adopter ce projet de loi?

Mme May: Non, et je vais vous dire pourquoi. On ajoute un poison à notre essence. Nos enfants sont exposés à un poison tous les jours. Le processus législatif de notre pays est très lourd. Je veux que le MMT soit retiré de l'essence le plus vite possible.

Le sénateur Buchanan: C'est votre opinion, mais Santé Canada dit que ce n'est pas dangereux pour la santé. Tirons cela au clair.

Mme May: Environnement Canada et Santé Canada sont d'accord pour dire que c'est dangereux pour l'environnement. Il n'y aucun doute là-dessus l'appareil fédéral. Si l'on a décidé d'agir, c'est à cause de l'effet du MMT sur les dispositifs de diagnostics à bord des voitures.

Le sénateur Buchanan: Pourquoi, à votre avis, huit ministres provinciaux de l'environnement sur dix s'opposent à l'adoption de ce projet de loi tant que l'on n'aura pas effectué une évaluation environnementale complète?

Mme May: Je suppose qu'ils ne sont pas au courant des faits qui donnent à penser que ce produit cause d'importants problèmes sur le plan de la santé et de l'environnement.

Le sénateur Buchanan: On leur a remis tous les faits.

Le sénateur Adams: Madame May, combien de membres compte le Club Sierra du Canada?

Mme May: À l'heure actuelle, nous avons 4 000 membres d'un bout à l'autre du Canada, dans des sections et des groupes situés aux quatre coins du pays.

Le sénateur Adams: Votre siège social est-il à Ottawa?

Mme May: Oui.

Le sénateur Adams: Avez-vous des renseignements sur les mammifères qui sont affectés par le MMT?

Mme May: Je ne me rappelle pas ce passage de mon témoignage, mais si le MMT agit comme neurotoxine chez l'humain, il en fait de même chez tout mammifère ou animal. La chimie du cerveau est la même. La principale répercussion environnementale ne se fait pas sentir tellement sur la faune, mais plutôt sous forme d'une augmentation de la pollution atmosphérique attribuable au fait que les voitures polluent plus qu'elle ne le feraient autrement.

Le sénateur Adams: Ces derniers jours, nous avons entendu des témoins dire que nous n'avons aucune preuve nous permettant d'affirmer que le MMT nuit à la santé. Les distributeurs pétroliers et les fabricants de voitures, disent que c'est uniquement un problème d'équipement. Pourtant vous vous inquiétez de l'effet environnemental du MMT?

Mme May: Les études montrent qu'il y a augmentation des émissions de monoxyde de carbone et d'autres émissions quand l'équipement de diagnostic tombe en panne. Il en résulte que les dispositifs antipollution ne peuvent plus fonctionner normalement. Il est clair que l'utilisation du MMT pose un risque pour l'environnement.

Nous trouvons difficile de nous faire dire qu'il faut prouver catégoriquement, sans l'ombre d'un doute, qu'une substance est dangereuse. La société Ethyl a ajouté du plomb dans l'essence pendant 60 ans ou plus, alors même que les preuves s'accumulaient que cela compromettait la vie des enfants. Le plomb qui s'est retrouvé dans le cerveau des enfants les a empêchés de bien apprendre. Leurs capacités intellectuelles en ont été diminuées pour le reste de leur vie. Pendant que les preuves s'accumulaient, on nous répétait le même argument: rien ne prouve que le plomb dans l'essence soit tellement dangereux ou que le fait de supprimer le plomb de l'essence ferait une grande différence pour les enfants.

Depuis que l'on a retiré le plomb de l'essence, le niveau de plomb dans le sang des enfants a baissé. Cela a eu d'importantes répercussions sur le plan de la capacité des enfants à réaliser pleinement leur potentiel intellectuel.

Avec le MMT, nous sommes dans la même situation. Nous savons que c'est une neurotoxine. Nous savons que ce produit a des effets graves sur les animaux de laboratoire. Nous savons qu'il a des effets sur des groupes professionnels. Nous savons que les études portant sur une exposition chronique de faible niveau nous donne des raisons de nous inquiéter.

Devons-nous fermer les yeux sur ces études et dire «comme nous ne sommes pas sûrs, il n'y a probablement pas de problème», ou bien devons-nous plutôt dire «tous les éléments de preuve tendent vers un effet neurotoxique important, nous devons donc être prudents et ne pas exposer toute la population, et particulièrement des groupes vulnérables comme les femmes enceintes, les jeunes enfants, les vieillards, les asthmatiques, les gens qui ont des maladies respiratoires, à cette substance particulière, surtout quand il existe des produits de remplacement»?

Le sénateur Whelan: Le mémoire est très bref et instructif et je félicite Elisabeth May de son exposé.

Combien de vos membres disposent des mêmes renseignements que vous nous avez donnés aujourd'hui?

Mme May: Tous. Notre information est disponible sur Internet, de sorte que nous gardons le contact avec nos membres.

Le sénateur Whelan: Cela comprend-il ma nièce, au Manitoba?

Mme May: Votre nièce, au Manitoba, siège au conseil d'administration. Elle est ma patronne.

Le sénateur Whelan: J'ai une autre question. Avez-vous fait des démarches auprès de la société Ethyl au sujet de la publicité diffusée par cette compagnie aux États-Unis?

Mme May: Non.

Le sénateur Whelan: Vous ne l'avez pas fait. Quand avez-vous pris connaissance de cela?

Mme May: L'Environmental Defence Fund des États-Unis est le groupe principal avec lequel nous travaillons dans ce dossier. C'est une organisation basée à Washington et elle a eu des entretiens avec les représentants de cette compagnie.

La société Ethyl joue sur les deux tableaux. Elle dit aux Canadiens qu'ils devraient utiliser le MMT parce que ce produit a maintenant été déclaré sûr et sans danger aux États-Unis, et elle dit aux Américains que tout le monde au Canada adore ce produit. Dans les deux cas, la réalité n'est pas telle qu'elle la présente. Dans les deux pays, on est sur le point de garantir que ce produit ne sera plus jamais utilisé.

Le sénateur Whelan: M. Landrigan est passé à mon émission de radio. C'est un expert en la matière. Avec qui d'autre avez-vous communiqué?

Mme May: Nous avons été en contact avec M. Landrigan et avec le bureau de M. Needleman. J'ai oublié de dire que j'ai photocopié l'article du New York Times dans lequel MM. Landrigan et Needleman ont exprimé leur opinion là-dessus.

M. Landrigan dit qu'il a une impression de déjà vu dans ce dossier. Le plomb et le MMT sont tous deux des neurotoxines. Ceux qui ont livré le combat pour interdire le plomb dans l'essence il y a des années ont l'impression de revenir en arrière.

Le sénateur Whelan: Les documents que Mme May nous a remis aujourd'hui seront-ils annexés à notre compte rendu?

Le président: Nous pouvons assurément les faire annexer à notre compte rendu. Le greffier en a copie.

Le sénateur Whelan: Il est de la plus haute importance de le faire. On disait exactement la même chose dans cette annonce publiée en 1924, à savoir que cette substance ne fera pas de tort aux gens.

Le président: Sénateur Whelan, si nous le faisons, nous devrions dire que tout ce qui nous a été remis fera partie du compte rendu, pas seulement un document. En toute justice, si nous avons des motions proposant d'ajouter certains documents au compte rendu, il faudrait que tout ce qui nous est remis fasse partie du compte rendu. Si vous voulez présenter une motion en ce sens, cela irait.

Le sénateur Whelan: J'en fais la proposition, oui.

Le sénateur Kenny: Monsieur le président, cela fait des tonnes de documents.

Le président: Je veux que le comité soit impartial. Je ne veux pas un seul bout de papier qui soit laissé de côté.

Le sénateur Kenny: Je comprends le principe et il est valable.

Le président: Nous y reviendrons dans un instant.

Le sénateur Cochrane: Vous avez porté de graves accusations quant à l'effet nuisible de ce produit sur les femmes enceintes et les enfants. Vous avez dit que cela causera des dommages au cerveau, et cetera.

Au Canada, nous faisons confiance à Santé Canada et à Environnement Canada pour nous éclairer dans ces dossiers. Les spécialistes de ces ministères analysent tous les facteurs et tirent des conclusions.

Santé Canada dit que le MMT n'a aucun effet délétère sur la population canadienne. Environnement Canada dit que le MMT est une substance non toxique.

Mme May: La définition de «substances toxiques» aux termes de la LCPE est que la substance peut constituer un danger pour la vie ou la santé humaine. Étant donné les études médicales et l'opinion des experts du monde entier, je pense que le MMT correspond à cette définition.

Je ne veux pas donner l'impression que je suis entièrement négative à l'endroit de notre gouvernement. Environnement Canada et Santé Canada appuient tous deux cette mesure, tout comme le Club Sierra. Nous vous exhortons à l'adopter le plus rapidement possible. Toutefois, pour ce qui est de savoir si c'est sûr, l'étude de Santé Canada ne dit pas que le produit n'a pas eu d'incidences sur la population canadienne, parce que l'on n'a pas fait d'enquête épidémiologique.

Le sénateur Cochrane: Je suis sûr qu'Environnement Canada doit utiliser la même définition que vous du mot «toxique».

Mme May: Aux termes de la Loi sur la protection de l'environnement, le ministre de l'Environnement et le ministre de la Santé sont tous deux collectivement responsables du dossier. Si cela relevait exclusivement du ministre de l'Environnement, une définition différente aurait pu être appliquée.

Le sénateur Buchanan: Vous avez contribué à l'élaboration de cette loi.

Mme May: J'aime à le croire.

Le président: Je vous remercie beaucoup de votre témoignage.

Mme May: Je vous suis reconnaissante de votre indulgence et j'espère que vous adopterez rapidement ce projet de loi.

Le président: Sénateur Whelan, afin de réduire les coûts, accepteriez-vous, au lieu d'imprimer tout cela, que nous le conservions tout simplement aux archives?

Le sénateur Whelan: Oui, c'est très bien.

La séance est levée.


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