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Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule 11 - Témoignages, le 19 février (12 h 25)


OTTAWA, le mercredi 19 février 1997

Le comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, auquel a été renvoyé le projet de loi C-29, Loi régissant le commerce interprovincial et l'importation à des fins commerciales de certaines substances à base de manganèse, se réunit aujourd'hui, à 12 h 25, pour en étudier la teneur.

Le sénateur Ron Ghitter (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Je déclare la séance ouverte et je souhaite la bienvenue aux représentants de la Ville de Montréal. Je vous remercie d'être ici aujourd'hui. Après votre exposé, mes collègues et moi-même aimerions discuter avec vous. La parole est à vous.

[Français]

Mme Johanne Lorrain, conseillère municipale et membre du comité exécutif, Ville de Montréal: Monsieur le président, je vous remercie d'avoir accepté d'entendre les représentations de la Ville Montréal relativement au projet de loi C-29 visant à interdire le transport interprovincial des MMT au Canada et, par extension, à en bannir l'usage. Le Sénat étant par excellence le lieu où les différentes régions canadiennes peuvent s'exprimer, je suis heureuse de pouvoir vous sensibiliser aux préoccupations de la Ville de Montréal.

Essentiellement, notre administration est inquiète des effets que le projet de loi C-29 aura sur l'industrie pétrochimique de l'Est de Montréal s'il franchit l'étape de son adoption par le Sénat.

Dans un premier temps, je dresserai, pour votre bénéfice, un portrait sommaire de l'industrie pétrochimique de Montréal en faisant un bref rappel de la période difficile que nous avons traversée au début des années 1980.

Dans un deuxième temps, je vous expliquerai pourquoi nous craignons que l'interdiction des MMT ait un effet déstructurant sur l'industrie du raffinage à Montréal.

Enfin, dans un troisième temps, je voudrais joindre ma voix à celle d'autres intervenants qui vous demandent de ne pas adopter le projet de loi C-29 avant que de nouvelles études scientifiques aient été réalisées pour établir si oui ou non le MMT endommage le système de contrôle antipollution des véhicules.

Parlons d'abord de l'industrie de la pétrochimie à Montréal. Quelques 27 000 personnes oeuvrent dans l'industrie de la pétrochimie et du plastique au Québec et une part très substantielle de ces emplois se retrouve dans la grande région de Montréal.

Comme vous le savez peut-être, l'industrie de la pétrochimie a connu des difficultés considérables à Montréal au début des années 1980. À cette époque, notre ville a vu coup sur coup quatre de ses raffineries fermer leur porte, soit Texaco en 1982, Esso Impériale et BP en 1983, puis Gulf en 1985. Il s'agissait de 2 000 emplois directs et plus de 14 000 emplois indirects qui furent ainsi perdus. Cependant, grâce à la ténacité de l'ensemble des intervenants publics et privés, une partie de l'industrie pétrochimique montréalaise a survécu.

Il y a présentement, à Montréal, deux raffineries soient celle de Petro-Canada située dans le quartier de Pointe-aux-Trembles et celle de Shell Canada située dans les limites de la Ville de Montréal-Est. Ces deux raffineries ont une capacité de 220 000 barils par jour et leur valeur de remplacement est de trois milliards de dollars. Elles emploient 1 000 personnes et selon Statistique Canada, elles créent 7 200 emplois indirects.

Compte tenu de ce que je viens de dire de la crise des années 1980, vous comprendrez que nous valorisons au plus haut point la présence des entreprises qui ont survécu à cette tourmente et que nous sommes sensibles à l'égard de mesures qui peuvent compromettre leur rentabilité.

Parlons maintenant du risque pour les raffineries de l'Est de Montréal. Selon les estimations de l'Institut canadien des produits pétroliers, l'interdiction des MMT représenterait pour l'industrie pétrolière canadienne des dépenses initiales en investissement de 115 millions de dollars, puis des dépenses annuelles d'au moins 65 millions. Pour les deux raffineries de Montréal, le coût annuel récurrent serait de 12 millions de dollars.

Certains pourraient argumenter qu'en regard du chiffre d'affaires de l'industrie pétrolière au Canada, ces coûts sont négligeables et que, de toute façon, la protection de l'environnement n'a pas de prix.

Je veux répondre à chacun de ces deux arguments.

Dans un secteur industriel où le Canada fait face à une forte concurrence internationale, il n'y a pas de coût négligeable et la ligne de démarcation entre une raffinerie rentable et une raffinerie déficitaire est très mince. Il est important par ailleurs de tenir compte de la situation particulièrement difficile qui prévaut présentement à Montréal sur le plan économique. Le plus récent rapport de Statistique Canada indique que le taux de chômage sur l'Île de Montréal est de 15,1 p. 100 ce qui représente une hausse de 2,5 p. 100 par rapport à l'an passé. Ce taux de chômage est intolérable et chaque emploi compte.

En ce qui concerne la protection de l'environnement, la Ville de Montréal est d'accord pour dire qu'elle n'a pas de prix. Notre ville est reconnue pour les efforts qu'elle déploie pour protéger l'environnement. Nous avons implanté dans les 51 districts de Montréal des écos-quartiers destinés à appuyer les initiatives des groupes communautaires en faveur de l'environnement. Le nom de notre ville est associée au protocole de Montréal pour la protection de la couche d'ozone. Comme administration municipale, nous avons réussi entre 1990 et 1996 à réduire de plus de 60 p. 100 les émissions de CO2 dont nous étions directement responsables.

Fort de ce bilan, vous comprendrez que nous serions les premiers à réclamer l'interdiction du MMT s'il était démontré qu'il était nuisible à l'environnement. Or ce n'est pas le cas. Les allégations à l'effet que le MMT endommagerait le système de contrôle des dispositifs antipollution des véhicules n'ont jamais été prouvées, l'Agence de protection de l'environnement des États-Unis a même admis que le MMT ne causait pas la défaillance de ces systèmes. Qui plus est, il faut reconnaître que le MMT a contribué de façon significative à diminuer le smog urbain au Canada.

Nous estimons parfaitement raisonnable la suggestion faite à plusieurs reprises par l'Institut canadien des produits pétroliers de faire réaliser une étude indépendante sur cette question sour l'égide du Conseil canadien des ministres de l'Environnement. À l'inverse, il serait déraisonnable que l'on compromette des centaines d'emplois à Montréal alors qu'il n'existe aucune preuve scientifique probante pour justifier l'adoption d'un tel projet de loi.

Le Sénat a un grand rôle à jouer pour assurer l'harmonie nationale au Canada et pour faire en sorte que des arbitrages interviennent entre les différents secteurs industriels. L'industrie automobile n'a pu étayer ses allégations au sujet du MMT. L'industrie pétrolière canadienne nous prévient que la loi C-29 lui nuira considérablement. Huit provinces canadiennes et deux territoires s'opposent au projet de loi C-29. L'Assemblée nationale du Québec a demandé unanimement à deux reprises au gouvernement du Canada de surseoir à l'adoption de cette législation.

Comme administration municipale représentant plus d'un million de Montréalais et Montréalaises, la Ville de Montréal vous demande aujourd'hui de retarder l'adoption de cette législation jusqu'à ce que des études scientifiques soient réalisées pour clarifier la situation.

Il s'agit de la seule approche vraiment respectueuse des équilibres qui doivent être respectés au sein de la fédération canadienne.

[Traduction]

Le président: Voulez-vous dire que l'adoption de cette mesure législative risque d'entraîner la fermeture de raffineries à Montréal? Avez-vous des informations à cet effet?

[Français]

Mme Lorrain: Je peux dire que les raffineries de Montréal, effectivement dans les années 1980, dans un souci de rationalisation, ont été fermées par les grandes pétrolières. C'est le stock de raffinerie de Montréal qui a écopé. Je n'ai pas d'information précise à l'effet que ce serait ces deux raffineries qui pourraient fermer. Mais effectivement, je suis assez persuadée que le stock de raffinerie à Montréal demanderait peut-être plus d'investissements pour se conformer. C'est un stock qui est plus vieux. Effectivement cela peut causer des difficultés à Montréal.

Le sénateur Robichaud: Je pourrais demander une question. Vous voulez que nous retardions la mise en oeuvre du projet de loi C-29 jusqu'à ce que des nouvelles découvertes aient été faites. Mais quand est-ce que cela va arriver? Quand allez-vous donner la permission au gouvernement d'adopter le projet de loi C-29?

Mme Lorrain: Il s'agit de s'assurer qu'effectivement, le MMT est un produit nocif pour l'environnement, ce qui n'a pas été démontré à l'heure actuelle et cela cause des difficultés. Je sais que des études sont en cours. On n'a pas encore démontré que le MMT causait des problèmes à l'environnement. On vous dit d'attendre ces études. Il faut faire attention. Il y a probablement des emplois en jeu dans l'Est de Montréal.

Je peux vous dire qu'entre 1981 et 1991, l'Est de Montréal a perdu près de 16 000 emplois. C'est essentiellement dû à la fermeture de certaines raffineries. C'est important l'emploi pour notre municipalité. Ce que l'on dit, ne prenons pas de chance non plus. Ne risquons pas les emplois pour peut-être avoir une étude dans un an qui nous démontrera que le MMT ne présente pas de problème pour l'environnement et pour la santé.

La Ville de Montréal dit que dès que les études le démontreront, nous serons les premiers à appuyer une telle mesure, soit l'interdiction des MMT. Je pourrais vous déposer des documents pour démontrer l'intérêt que porte la Ville de Montréal à l'environnement. Nous avons mis en place toutes sortes de mesures pour nous assurer que l'environnement est une préoccupation non seulement des administrations mais aussi des citoyens montréalais et montéalaises pour les impliquer et nous assurer de la qualité de l'environnement dans une grrande ville. C'est une préoccupation de tous les jours pour notre administration. Je vous déposerai des documents à cet effet. S'il s'avère que oui, le MMT est effectivement nocif, si les études le démontrent, nous serons les premiers à appuyer un tel projet de loi visant à l'interdire définitivement. Pour le moment, il y a un enjeu important au niveau des emplois.

Le sénateur Robichaud: Vous parlez d'une étude.

Mme Lorrain: Je n'ai aucune idée. Je ne suis pas spécialiste à ce niveau. Je sais qu'il y a des études en cours.

M. Letendre: On sait qu'il y a des études en cours aux États-Unis. On sait aussi que l'Institut canadien des produits pétroliers avait proposé de faire des études et de les financer en partie avec l'industrie automobile. À Montréal, ce sont des milliers d'emplois; pourquoi ne pas attendre d'avoir des preuves scientifiques avant de faire des gestes qui vont nous coûter très cher?

Si le chômage sur l'Île de Montréal est à 15,1 p. 100, cela veut dire que dans l'Est de Montréal, il est à 20 p. 100. Il faut ajouter à peu près 16 p. 100 de prestataires de sécurité du revenu. On parle d'un taux de chômage incroyable. Un projet de loi comme cela risque de faire très mal à Montréal. On demande que vous en teniez compte.

Le Sénateur Spivak: Est-ce vrai que les raffineries montréalaises produisent déjà du pétrole sans MMT?

Mme Lorrain: Non, le MMT est un additif.

Le sénateur Spivak: Pour le marché américain, on nous a dit que c'est un fait.

Mme Lorrain: Le MMT est un additif. Il faut bien comprendre que je ne suis pas une spécialiste. Je ne suis pas venu ici en voulant argumenter sur le produit. Pour notre municipalité, l'industrie pétrolière dans l'Est de Montréal est une d'une importance capitale. On a connu des difficultés.

Le sénateur Spivak: Je comprends, mais on nous a dit que chaque auto qui sort de l'usine doit être remplie avec du pétrole sans MMT. Donc les raffineries produisent le pétrole sans MMT pour le marché américain.

Mme Lorrain: Je n'ai pas la réponse à votre question.

[Traduction]

Le sénateur Taylor: Les témoins savent-ils que des représentants de Petro-Canada et de Shell ont dit à ce comité qu'aucune raffinerie ne serait fermée au Canada? Cela bien sûr se rapporte à la Nouvelle-Écosse.

Savez-vous qu'il se produit de l'essence sans manganèse de Come By Chance à Montréal et qu'on en exporte aux États-Unis, même si on ne parle pas ici de grandes quantités?

Les témoins savent-ils que le pipeline de brut qui allait de Toronto à Montréal est maintenant inversé de sorte que les produits raffinés à Montréal peuvent envahir le Canada central? Ainsi, si le Canada central doit acheter ces produits, et le MMT est gratuit, vous élargiriez alors votre marché. Vous pourriez commercialiser en Ontario grâce à l'inversion du pipeline, alors que c'était impossible auparavant. Vous ne pouviez traverser la vallée de l'Outaouais.

[Français]

M. André Murphy, directeur, Développement économique de l'Est de Montréal, Ville de Montréal: Ce qui nous inquiète d'une façon importante, c'est le fait que les raffineries à Montréal ne sont pas les plus modernes qui existent au Canada. Dans ce sens-là, un coût ajouté pourrait débalancer l'équilibre entre les différentes raffineries. Le nombre d'employés que l'on a dans cette partie de la cité est important. Ces gens vivent de génération en génération dans les pétrolières et si, du jour au lendemain, on devait subir un écart, pas nécessairement pour le rajout de 12 millions, c'est peut-être peu significatif, mais si ce choix fait en sorte que cela exige des investissements plus importants par rapport à un investissement, les compagnies vont toujours regarder quelle est la meilleure place où l'investir: est-ce qu'ils vont investir dans une raffinerie dite ancienne ou dans une raffinerie dite nouvelle? Cela nous inquiète à ce niveau, c'est important.

Quant à l'élément de preuve, on a de la difficulté avec cela. On n'a pas vu de gens qui ont pu nous dire si cela était un danger ou non pour la création d'emplois ou le maintien, on parle d'un maintien d'emplois aujourd'hui, c'est une priorité première pour tous les paliers gouvernementaux.

[Traduction]

Le sénateur Cochrane: Combien d'emplois l'adoption de ce projet de loi compromettrait-elle dans la région de Montréal?

M. Robert Letendre, Relations gouvernementales, Ville de Montréal: Nous croyons que l'adoption du projet de loi entraînera la fermeture d'au moins une raffinerie. Nous croyons que l'une d'entre elles est menacée.

Le sénateur Cochrane: Combien de personnes travaillent à cette raffinerie?

M. Letendre: Elle assure 500 emplois directs et 3 000 emplois indirects. Nous parlons donc d'environ 4 000 emplois.

Le président: Pouvez-vous nous donner des précisions sur la raffinerie qui fermerait selon vous? Avez-vous d'autres renseignements ou s'agit-il de renseignements confidentiels?

M. Letendre: Nous les considérions comme confidentiels. Nous ne voulions pas semer la panique. Je suis heureux d'entendre que le président de cette entreprise est venu vous dire le contraire, mais ce n'est assurément pas le message que nous avions à Montréal.

Le président: En toute justice, ils ont dit que pour l'instant ils n'avaient aucunement l'intention de fermer des raffineries. Je ne suis pas sûr de ce que cela veut dire pour l'avenir.

M. Letendre: En route vers Ottawa, Mme Lorrain m'a raconté une histoire concernant une raffinerie de Esso Impériale qui ne devait jamais fermer ses portes. Elle aimerait peut-être vous raconter cette histoire.

[Français]

Mme Lorrain: Peut-être que je pourrais vous raconter ce qui s'est passé dans les années 1980. Je suis conseillère municipale de mon district, j'y habite depuis les 15 dernières années, j'ai vécu les fermetures de raffineries en 1980. Dis-sept mill personnes y travaillaient à l'époque, c'étaient des emplois importants qui se donnaient de père en fils. Je peux vous dire que lorsque c'est arrivé, plusieurs membres de ma famille ont perdu leurs emplois. Et ces gens-là jamais n'auraient cru perdre leur emploi à l'époque, et même, je peux vous le dire, six mois avant les fermetures, personne n'aurait pensé imaginer que ces raffineries fermeraient les unes après les autres. Cela a été dramatique et épouvantable dans le secteur et aussi humainement pour les gens parce que les familles y travaillaient. Quand on entend que les raffineries ne fermeront pas, je peux vous affirmer qu'on l'a entendu aussi en 1980, les raffineries ne devaient pas fermer et six mois après, trois raffineries étaient fermées et cela fut dramatique.

Je peux difficilement croire ou avoir la garantie que les raffineries ne fermeront pas. Quand on connaît les marges de manoeuvres et l'importance de la concurrence, c'est évident que les compagnies, dès qu'elles ont des coûts supplémentaires, vont parler de rationalisation. C'est ce qui s'est passé en 1980 après la baisse du brut, elles ont dû rationaliser et ce sont les raffineries de l'Est de Montréal qui ont écopé. Humainement, cette période a été extrêmement difficile pour la région, on s'en remet tranquillement. Un autre dur coup comme cela serait dramatique.

[Traduction]

Le sénateur Kenny: Puis-je vous demander comment vous expliquez la logique de la situation? Lorsque les propriétaires des raffineries et les gestionnaires de ces dernières ont comparu ici, ils auraient pu facilement rejeter le blâme de la fermeture des raffineries de Montréal sur ce projet de loi. La chose la plus facile pour eux aurait été de dire: «Si vous adoptez cette mesure législative, nous mettrons ces gens au chômage.» Cela nous aurait tous effrayés. Tout le monde dans la salle aurait été nerveux. Ils ne l'ont pas fait, mais ils auraient pu le faire.

Rien n'est immuable dans le monde. Nous sommes tous au courant des fluctuations du prix du pétrole. Les raffineries ouvrent et ferment. Cependant, les représentants de la Compagnie pétrolière impériale Ltée, de Shell, de Petro-Canada et d'autres raffineries, qui ne sont pas implantées à Montréal, ont comparu devant nous. Ils nous ont dit qu'ils ne prévoyaient pas la fermeture de leurs raffineries si nous adoptions cette mesure législative. Ils auraient pu le faire, mais ils ne l'ont pas fait. Si vous avez des renseignements qu'ils n'avaient pas ou si vous savez des choses au sujet des raffineries qu'ils ignoraient, nous serions heureux de vous entendre.

[Français]

M. Letendre: On ne peut pas interpréter ou comprendre cette stratégie. Dans ce sens, si le gouvernement est absolument convaincu qu'il n'y a aucun risque pour les raffineries, il pourrait très bien prendre l'engagement solennel, s'il y a des pertes d'emplois, de compenser par des fonds spéciaux les régions qui subissent ces pertes d'emplois. Le ministre de l'Environnement pourrait prendre l'engagement qu'il créera un fonds de 200 millions de dollars pour compenser la perte possible de ces emplois. Je pourrais vous retourner la question en disant: si le gouvernement est si sûr que cela qu'il n'y aura pas de perte d'emplois, il pourrait prendre l'engagement de prendre des mesures compensatoires.

Nous pourrions donc présumer que le gouvernement pense qu'il y aura des pertes d'emplois; ce serait la même logique.

[Traduction]

Le sénateur Kenny: Sans vouloir vous offenser, vous politisez la question et ce n'est pas acceptable. Les gestionnaires des entreprises disent qu'il n'y aura pas de pertes d'emplois. Le gouvernement n'a pas à offrir de garantie. Si les gestionnaires avaient dit le contraire, vous pourriez avoir raison de vous adresser à nous. Ce n'est pas du tout le cas.

M. Letendre: Comment interprétez-vous, monsieur, que huit...

Le sénateur Kenny: Je n'interprète rien du tout. Je n'ai pas terminé ma question.

Monsieur le président, je crois que j'ai le droit de terminer ma question.

Le président: Allez-y.

Le sénateur Kenny: Suggérer que le gouvernement doive garantir qu'une raffinerie ne fermera jamais ses portes n'a aucun sens.

Nous avons posé la même question. Nous nous préoccupons tout autant que vous du sort des travailleurs à Montréal. Nous ne voulons pas qu'ils soient licenciés ni à Darmouth ni ailleurs. Nous craignons tous que l'utilisation du MMT entraîne des pertes d'emplois.

Les propriétaires des raffineries et les gestionnaires de ces dernières étaient assis là où vous êtes. Les membres du comité leur ont demandé l'un après l'autre si ce projet de loi allait entraîner des licenciements et ils ont tous répondu par la négative.

Nous n'avons nul besoin d'un fonds spécial du genre de celui que vous proposez. Tout fonds que vous suggérez entre dans le jeu politique que vous jouez à Montréal. La fermeture des raffineries n'a rien à voir. Les propriétaires des raffineries disent que l'adoption du projet de loi n'entraînera pas de fermeture.

M. Letendre: C'est votre opinion, sénateur.

[Français]

Le sénateur Nolin: Je n'étais pas présent au moment de la présentation de votre exposé, mais j'ai lu rapidement votre mémoire. Vous êtes familier avec le Conseil canadien des ministres de l'Environnement?

Letendre: Oui.

Le sénateur Nolin: Je vous pose cette question, parce que mes questions vont prendre pour acquis que vous êtes familier avec tous les processus adoptés par ce collège des ministres de l'Environnement, tant fédéral que provinciaux.

Le CCME a créé, en 1994, un groupe de travail sur les véhicules et les carburants moins polluants. Vous nous l'avez bien expliqué tout à l'heure et cela est clair dans vos notes, Montréal est l'un des endroits au Canada où le raffinage est un élément de la structure industrielle et un des éléments importants. On n'a qu'à se rappeler les effets des fermetures qui ont eu lieu il y a une dizaine ou une quinzaine d'années.

Est-ce que vous avez été consultés, soit par le ministre québécois de l'Environnement ou les fonctionnaires tant fédéraux que provinciaux de l'Environnement? Est-ce que vous avez participé à l'évolution de ce groupe de travail sur les carburants moins polluants?

M. Letendre: Je ne sais pas si cela va répondre à votre question. Nous faisons partie d'un programme volontaire du ministère de l'Environnement du Québec, pour réduire les émissions de gaz. Nous avons donc beaucoup collaboré avec le ministère de l'Environnement du Québec à développer ces outils. Comme Mme Lorrain l'a mentionné, Montréal connaît des résultats spectaculaires en ce qui concerne la réduction des CO2. Nos propres rejets ont été réduits de 60 p. 100 en 6 ans, notamment avec la fermeture des incinérateurs. Nous avons cette préoccupation.

Mais, si on revient à la question des ministres de l'Environnement, je crois qu'ils avaient demandé au gouvernement du Canada de faire des études additionnelles sur le MMT.

Le sénateur Nolin: Je ne suis pas rendu là. On va y aller étape par étape. Il y a un groupe de travail qui a été créé pour examiner les carburants moins polluants. Il s'agit d'une priorité reconnue par les différents ministres; la semaine dernière on a entendu un témoin de l'Alberta nous expliquer comment ce processus fonctionne. Je comprends que de façon volontaire, la Ville de Montréal, travaille avec les fonctionnaires et les autorités politiques du ministère québécois de l'Environnement pour élaborer ces stratégies. Vous êtes donc mis à contribution dans l'élaboration de la position du gouvernement du Québec dans ce groupe de travail?

Letendre: Éventuellement, oui.

Le sénateur Nolin: Vous avez un peu devancé ma question. Est-ce qu'il a été question des MMT au Québec, dans votre groupe volontaire, avec le gouvernement du Québec.

M. Letendre: Nous avons eu, ces dernières semaines, des contacts avec le cabinet du ministre de l'Énergie du Québec. Je peux vous dire qu'il y a eu des contacts.

Le sénateur Nolin: Dans le cadre des travaux de ce groupe de travail volontaire?

M. Letendre: Non.

Le sénateur Nolin: Cela n'a pas été soulevé? Il ne s'agit pas d'une question prioritaire?

M. Letendre: Je ne peux répondre avec certitude à cette question. Je sais que nous avons des gens sur ces comités, qui travaillent avec le gouvernement du Québec à trouver des façons plus écologiques, plus respectueuses de l'environnement. J'ignore s'il a été spécifiquement question des MMT au niveau de ce comité. Je sais qu'il y a eu un dialogue politique entre la Ville de Montréal et le gouvernement du Québec sur cette question.

Le sénateur Nolin: Est-ce qu'il y en a eu un entre la Ville de Montréal et le gouvernement fédéral?

M. Letendre: C'est-à-dire que...

Le sénateur Nolin: Échanges de lettres ou...?

M. Letendre: Je dois dire que la Ville de Montréal basait tous ses espoirs sur l'opposition du Sénat. Il n'y a donc pas eu de correspondance vis-à-vis le gouvernement. Il y a eu de la correspondance avec le leader de l'opposition au Sénat, le sénateur Lynch-Staunton.

Il nous semble que, dans le fond, le débat sur le MMT n'est pas un vrai débat environnemental, c'est un débat entre deux secteurs de l'industrie: l'industrie automobile et l'industrie du pétrole. Si on regarde juste l'alignement, l'Ontario, les représentants élus et les sénateurs de l'Ontario appuient cette législation parce que l'industrie est basée dans leur province. Les autres provinces, qui n'ont pas d'industrie automobile, sont inquiètes pour les emplois dans l'industrie pétrolière. Il me semble que, justement, le Sénat est le lieu d'arbitrage, le lieu qui maintient la Fédération canadienne ensemble. Il ne doit pas embarquer dans le jeu du gouvernement, qui va favoriser une province contre huit autres provinces et deux autres territoires. Cela devient une question d'unité nationale. Est-ce qu'un emploi à Montréal est aussi important qu'un emploi en Ontario? Je suis sûr que vous pensez que oui, c'est aussi important et que vous allez bloquer cette législation.

[Traduction]

Le président: Je vous remercie d'être venus aujourd'hui et d'avoir partagé vos points de vue avec nous.

La séance est levée.


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