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Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule 13 - Témoignages


OTTAWA, le jeudi 20 février 1997

Le comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, auquel a été renvoyé le projet de loi C-29, Loi régissant le commerce interprovincial et l'importation à des fins commerciales de certaines substances à base de manganèse, se réunit aujourd'hui à 8 h 05 pour poursuivre son examen dudit projet de loi.

Le sénateur Ron Ghitter (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Bonjour, mesdames et messieurs. Nous reprenons nos travaux sur le projet de loi C-29. Nous accueillons aujourd'hui le ministre Marchi.

Nous vous remercions de votre présence. Vous avez la parole.

L'honorable Sergio Marchi, c.p., député, ministre de l'Environnement: Merci, monsieur le président. Je suis ravi d'avoir enfin l'occasion de vous donner quelques informations sur l'importance que le gouvernement attache au projet de loi C-29, la loi sur les additifs de l'essence à base de manganèse. Je suis accompagné aujourd'hui de deux de mes fonctionnaires, mon sous-ministre Ian Glen et le directeur de la Division des systèmes de transport, Frank Vena.

Permettez-moi d'abord de vous brosser un bref historique. Il y a sept ans, l'essence au plomb était interdite dans ce pays. Ce fut un combat épique. Il importait peu que le plomb soit toxique. Il importait peu que les Canadiens s'inquiètent des effets du plomb sur la santé de leurs enfants. De nombreuses grandes entreprises s'opposaient à l'interdiction du plomb, comme d'ailleurs certains politiciens. La société Ethyl a protesté plus que tout autre contre l'interdiction du plomb dans l'essence. Après une dure lutte, le plomb a été interdit.

Aujourd'hui, nous examinons le cas d'un autre métal lourd, le manganèse. Le gouvernement n'en veut plus dans l'essence et nous voilà de nouveau plongés dans un combat très âpre. Les organismes de santé réclament son interdiction. Les parents s'inquiètent de la santé de leurs enfants. Tous les principaux fabricants d'automobiles disent qu'il nuit aux dispositifs antipollution et pourtant, certaines choses ne changent pas. La société Ethyl et quelques politiciens veulent le maintien du statu quo.

Les Canadiens nous disent qu'ils ne veulent pas, dans sept ans, se retrouver obligés de démontrer au Parlement que les craintes qu'ils avaient en matière de santé se sont réalisées. Pour ma part, j'estime que ces Canadiens ont parfaitement raison.

Le projet de loi dont vous êtes saisis s'appuyait essentiellement sur trois arguments fondamentaux: d'abord, la santé des Canadiens et de leur environnement; ensuite, la question des carburants canadiens dans le contexte nord-américain et, enfin, la question des répercussions économiques.

En ma qualité de ministre de l'Environnement pour le Canada, j'estime que le principal argument en faveur du projet de loi C-29 c'est que tout additif de l'essence qui est susceptible de nuire au bon fonctionnement des dispositifs antipollution aura un effet nuisible indirect sur la santé des Canadiens. Je me refuse, comme il se doit, de courir de risques avec la santé des gens et la qualité de l'air qu'ils respirent.

Je me dois, à l'instar du gouvernement, d'agir avec prudence. Nous ne voulons pas d'enfants malades ou d'air vicié. Nous ne voulons pas des dispositifs antipollution encrassés, bloqués ou inefficaces. Si le produit risque de s'avérer dangereux, il faut l'éliminer, un point c'est tout.

Après tout, le secteur des transports et l'automobile en particulier sont les principales sources de pollution atmosphérique. Le Canada compte quelque 14 millions de véhicules, dont chacun crache dans l'atmosphère cinq tonnes de polluants par année.

Quand 21 fabricants d'automobiles -- les sociétés qui fabriquent chacune des voitures vendues au Canada -- sont convaincus que le MMT bloque leurs dispositifs antipollution, alors il est bien clair que le gouvernement doit agir.

Permettez-moi de poser à mes amis du Sénat une question bien simple que j'ai posée déjà à mes collègues de la Chambre des communes: voulez-vous courir un risque avec les dispositifs antipollution? J'espère bien que non, particulièrement quand la pollution de l'air est liée aux statistiques de mortalité.

Quant à l'additif MMT, nous avons analysé, comme vous l'avez fait, les témoignages d'un grand nombre d'organismes environnementaux, de parents ayant des enfants avec des difficultés d'apprentissage, du Sierra Club et du service d'hygiène publique de la ville de North York. Tous ces témoins et d'autres encore préconisent l'interdiction du MMT parce que les marges de sécurité sont tous simplement trop minces.

Pouvons-nous tout simplement faire la sourde oreille? Pourquoi réclamer des nouvelles technologies de construction automobile et de nouvelles normes pour les émissions polluantes pour les véhicules si, comme le disent les constructeurs avec une unanimité sans précédent, l'essence enrichie de MMT cause la défaillance de leurs dispositifs? Il est bien clair que si la santé est sérieusement menacée, le gouvernement doit prendre la menace au sérieux.

Permettez-moi de vous donner un exemple pour illustrer pourquoi je crois que le gouvernement et tous les Canadiens ont des raisons de s'inquiéter. À Toronto, ville que j'ai le privilège de représenter, en 1994, dernière année pour laquelle nous avons des résultats complets, il y a eu environ 40 jours où la qualité de l'air était moyenne ou pauvre. La plupart de ces données ont été enregistrées pour des journées d'été. Ces jours-là, les asthmatiques, particulièrement les enfants et les personnes âgées souffrant d'asthme, sont particulièrement vulnérables.

D'ailleurs, une étude réalisée récemment pour l'Ontario révélait que chaque jour, de mai à août, 5 p. 100 des personnes admises à l'hôpital pour troubles respiratoires en Ontario avaient des symptômes associés à l'ozone troposphérique.

Ce rapport décrivait les décès résultant d'insuffisance respiratoire. Il révélait que 15 p. 100 des admissions d'enfants ayant des troubles respiratoires étaient dues à la pollution troposphérique et à la pollution par les sulfates.

Sans vouloir exagérer, nous devons être conscients du fait que nous vivons à une époque où les polluants atmosphériques empoisonnent les enfants et imitent les hormones.

Si le MMT peut nuire au bon fonctionnement des dispositifs censés prévenir la pollution de l'air causée par l'une des principales sources de pollution dans nos grandes villes, je ne crois pas que nous puissions faire fi d'une telle menace.

Nous ne devons pas non plus oublier que les inquiétudes entourant le MMT n'ont rien de nouveau. Déjà il en était question en 1978 quand est apparue l'essence sans plomb. Dès le milieu des années 80, les entreprises de raffinage avaient été averties à plus reprises que le MMT inquiétait les fabricants d'automobiles.

Ce que j'essaie de faire valoir est très simple: ces deux industries sont conscientes du problème depuis de nombreuses années et n'ont pas réussi à trouver une solution.

Quand j'ai accepté ce portefeuille, au printemps de 1996, j'ai demandé aux raffineurs de fournir aux Canadiens un choix de carburants: de l'essence avec l'additif MMT et une pompe verte vendant de l'essence sans cet additif chimique. J'ai essuyé un refus catégorique. Il en est allé de même de mon prédécesseur et tous les efforts du ministère pendant deux ans, entre 1993 et 1994, n'ont pas non plus abouti.

D'ailleurs, j'ai lu le compte rendu des témoignages où le président de GM parlait d'un accord fait en 1994 avec l'ICPP qui n'a jamais été respecté.

Au bout du compte, il a bien fallu que le gouvernement tranche. Après tout, il a le devoir de décider.

Je tiens à dire clairement que la lutte contre la pollution atmosphérique est une priorité pour le gouvernement et pour mon ministère. Le projet de loi sur le MMT n'est après tout qu'un élément de notre stratégie. Nous avons déjà annoncé un resserrement des normes pour les émissions automobiles qui entreront en vigueur avec les modèles de voiture de 1998. Nous avons aussi fixé des normes et des seuils plus rigoureux pour les modèles qui seront vendus en l'an 2001. Nous avons déjà adopté des règlements imposant des seuils plus bas pour la teneur en soufre de carburant diesel pour les voitures. Nous avons l'intention, plus tard ce printemps, d'imposer un plafond à la teneur en benzène de l'essence. Enfin, nous avons annoncé notre intention de réglementer l'essence à faible teneur en soufre.

Honorables sénateurs, c'est le Conseil canadien des ministres de l'Environnement qui a publié un rapport sur les véhicules et les carburants moins polluants, par le ministre fédéral de l'Environnement. Le conseil préconise que les carburants et les dispositifs antipollution fassent partie d'une stratégie intégrée visant à réduire les émissions automobiles afin de préserver la santé des Canadiens et la qualité de leur environnement. Je crois que le projet de loi C-29 cadre parfaitement avec cette approche et avec les mesures préconisées par le CCME et, j'inviterais instamment les provinces à travailler avec nous en vue d'une harmonisation positive et progressive pour encourager la commercialisation et l'utilisation de carburants moins polluants et renouvelables.

Ce projet de loi s'inscrit dans le droit de la politique du gouvernement dont l'objectif est d'encourager le développement de carburants renouvelables comme l'éthanol et l'ETBE. En définitive, le gouvernement a pour politique et le pays a sûrement pour droit souverain d'encourager et de promouvoir la mise au point de carburants de remplacement renouvelables et, plus que tout, moins polluants.

Le deuxième argument concerne les carburants canadiens dans le contexte nord-américain. Je suis certain que chacun dans cette pièce est parfaitement conscient de l'importance que l'administration américaine accorde à la qualité de l'air et de l'environnement.

Carol Browner, directrice de la Environmental Protection Agency des États-Unis, dit qu'elle ne croit pas que la population américaine doit servir de laboratoire quand il s'agit du MMT. Je suis là pour vous dire que les Canadiens ne sont pas non plus des rats de laboratoire. Certains soutiennent que la loi canadienne relative au MMT doit être compatible avec la loi américaine et que les mêmes conditions doivent s'appliquer sur les deux territoires.

Il est éminemment sensé aux plans économique et commercial que les automobiles et les camions soient dotés de dispositifs antipollution et fonctionnent de la même façon sur tout le continent nord-américain. Ne nous y trompons pas: quand nous replaçons ce débat dans le contexte nord-américain, il est bien clair que la tendance en faveur de carburants moins polluants nous incite à interdire le MMT plutôt qu'à l'adopter.

Malgré une décision rendue par un tribunal américain qui s'appuyait sur des questions de procédure plutôt que sur des questions de fond, lequel ordonnait à la Environmental Protection Agency d'autoriser la commercialisation du MMT comme additif de l'essence, au moins 15 compagnies pétrolières ont indiqué leur intention de ne pas utiliser le MMT. Les compagnies pétrolières qui ont décidé de ne pas utiliser le MMT ne sont pas parmi les moindres: Amoco, Anchor, ARCO, B.P., Chevron, Conoco, Exxon, Hess, Marathon, Mobil, Penzoil, Philips, Shell, Sun et Texaco. Quand on fait le total, ces pétrolières représentent 85 p. 100 du marché américain de l'essence.

Depuis que le tribunal américain a rendu sa décision, personne ne s'empresse de mettre du MMT dans l'essence vendue aux États-Unis. D'ailleurs, le Canada est le seul pays du G-7 où le MMT est systématiquement ajouté à l'essence.

Il ne faut pas non plus oublier que, malgré la décision du tribunal, la Environmental Protection Agency des États-Unis a ordonné que des tests soient faits pour déterminer les conséquences du MMT pour la santé. En outre, sur environ un tiers du marché américain, dans les centres exposés à des problèmes de pollution atmosphérique aiguë, on continuera d'utiliser ce qu'il est convenu d'appeler de l'essence reformulée. Comme vous le savez, la U.S. Clean Air Act interdit l'ajout du MMT à l'essence reformulée. D'ailleurs, l'État de la Californie, qui est à l'avant-garde pour ce qui est de la lutte contre la pollution, interdit expressément l'utilisation du MMT dans les carburants.

Cela signifie que le MMT subira le même sort que l'essence avec plomb. C'est une substance qui a peut-être déjà eu sa place dans nos carburants, mais plus maintenant. C'est une page de l'histoire qui a été tournée.

Le troisième et dernier argument concerne l'incidence économique pour l'emploi et pour le consommateur. Les constructeurs automobiles soutiennent que le MMT nuit au bon fonctionnement de leurs produits et les oblige à adopter des pratiques qui les obligeront à augmenter leurs prix. Et qui paiera? Les consommateurs, les hommes et les femmes qui conduisent ces véhicules.

Comme les concessionnaires automobiles vous l'ont dit, les systèmes de diagnostic intégrés font augmenter les coûts des garanties. Je suis certain que vous n'avez pas oublié le témoignage du concessionnaire qui vous a dit que le MMT était une bonne chose pour ses affaires parce que ses centres de service sont beaucoup plus achalandés que ceux du sud de la frontière, grâce au MMT. Par ailleurs, l'Association des concessionnaires automobiles a exprimé des préoccupations semblables à l'égard du MMT et des garanties automobiles.

Ce projet de loi fera en sorte que les dispositifs de surveillance et de contrôle des émissions automobiles les mieux conçus au monde fonctionnent comme ils sont censés le faire. Il empêchera aussi que des coûts plus élevés et injustifiés ne soient répercutés sur les propriétaires de véhicules automobiles.

Évidemment, cela aura des conséquences économiques pour les raffineurs, mais elles ne sont pas aussi catastrophiques qu'on pourrait l'imaginer ou qu'on l'a laissé entendre. Une étude recommandée par le Conseil canadien des ministres de l'Environnement a conclu que l'incidence d'une telle mesure sur les raffineries canadiennes ne serait pas excessive. Selon les calculs, il en coûterait au total 150 millions de dollars en dépenses en capital plus 50 millions de dollars par année en coûts supplémentaires de fonctionnement pour supprimer le MMT dans tout le Canada. Cela se traduirait effectivement par une augmentation du prix de l'essence. En termes de sous, cela représenterait une augmentation des coûts de fonctionnement de 0,2 cents le litre pour les raffineurs. Par ailleurs, les consommateurs savent bien que pratiquement tous les longs week-ends quand les gens veulent prendre leur voiture et se déplacer, le prix de l'essence grimpe d'au moins 0,2 cents. La plupart du temps, c'est même plus.

Soit dit en passant, une augmentation de 0,2 cents le litre représente environ 5 $ par an pour l'automobiliste moyen, ce qui est bien loin des centaines de dollars évoquées dans certains témoignages devant votre comité pour les réparations liées à des défaillances d'équipement.

Enfin, il faut intégrer à cette équation économique les avantages pécuniaires. À cet égard, il ne faudrait pas oublier l'étude de 1994, commandée elle aussi par le Conseil canadien des ministres de l'Environnement, qui a estimé que les avantages dans le domaine de la santé pourraient atteindre jusqu'à 31 milliards de dollars sur une période de 23 ans si des carburants plus propres existaient et si des normes d'émissions automobiles plus rigoureuses étaient en place sur le marché canadien.

Autrement dit, on réduirait de presque 1,5 milliard de dollars par année les coûts de santé supplémentaires que devraient autrement assumer les Canadiens. Sans compter la valeur incalculable que représente le fait d'éviter les souffrances humaines liées à la pollution dans l'air.

Si on additionnait tout cela pour calculer les répercussions économiques, si ce débat se limitait à un simple bilan, le fait de retirer le MMT de l'essence est un avantage économique, un atout, et c'est la raison d'être du projet de loi.

Monsieur le président, certains voudraient vous faire croire que cette mesure, ainsi que le débat qui l'entoure, se limitent à une colonne de chiffres, et au résultat d'un simple bilan. Ils souhaitent confiner cela à une bataille économique. Après tout, n'a-t-on pas dit que ce projet de loi avait provoqué un affrontement entre titans. À en croire tout le fla-fla et tous les articles dans les journaux, c'est comme si nous vivions un scénario hollywoodien: King Kong contre Godzilla, les géants de l'automobile contre les géants du pétrole.

Monsieur le président, vous et moi savons que cette mesure législative n'a rien d'hollywoodien et qu'elle ne se limite pas non plus à une question de gros sous. Plus que tout, plus qu'à toute autre chose, le projet de loi fait appel au bon sens, le bon sens qui consiste à prendre les devants plutôt qu'à suivre. Le simple bon sens veut que l'on se soucie de l'environnement du Canada et de la santé des Canadiens. Le simple bon sens exige que l'on écoute toutes les parties intéressées et, ensuite, que l'on fasse ce qui s'impose.

Au bout du compte, le simple bon sens nous amène à comprendre que les Canadiens ont le droit de respirer de l'air propre et que cela ne devrait pas être une question de choix.

Le président: Merci, monsieur le ministre.

Le sénateur Kinsella: Monsieur le ministre, j'ai trouvé très intéressant que vous nous disiez, au début de votre exposé, que vous étiez d'avis qu'il serait bon d'avoir des pompes à essence avec MMT et sans MMT. Si nous devions chercher une solution de compromis à ce problème, on pourrait peut-être s'orienter vers celle-là.

Ce commentaire m'a particulièrement intéressé car il me semble -- et j'invite vos commentaires là-dessus --, qu'avec ce projet de loi, c'est tout ou rien. En effet, il aurait pour effet d'interdire le MMT au Canada. Votre proposition antérieure n'aurait pas à interdire le MMT. Il y aurait eu des pompes à essence avec MMT, et d'autres sans MMT.

Quels sont les motifs scientifiques qui vous amené à abandonner ce compromis en faveur du projet de loi sous sa forme actuelle?

M. Marchi: Sénateur, cette offre, et celle de mon prédécesseur, avait été faite dans l'espoir de déboucher sur un accord non seulement entre les deux industries mais entre toutes les parties concernées par cette réduction par étapes généralisée. Nous voulions aussi déterminer si l'ICPP serait intéressée ou disposée à offrir ce choix aux Canadiens car, une fois ce choix sur la table, je suis convaincu que la décision aurait été très claire pour la plupart des Canadiens.

Très claire également a été la réponse que mon prédécesseur et moi-même avons obtenue, c'est-à-dire un non sans équivoque. C'est tout simplement un chapitre de la même histoire qui se répète depuis 20 ans. Face à cette préoccupation, exprimée à maintes reprises, l'industrie a refusé d'agir. Il y a eu des offres, il y a eu des ententes signées entre l'ICPP et les fabricants d'automobiles, mais il n'y a jamais eu de solution ou de compromis.

C'est vrai que le projet de loi est un ultimatum, tout comme la réponse que j'ai reçue de l'ICPP. Au bout du compte, en l'absence d'une solution issue du marché, il appartient au gouvernement de décider et d'intervenir. Et c'est précisément ce que nous faisons avec le projet de loi C-29.

Le sénateur Kinsella: Monsieur le ministre, vous êtes responsable de la politique gouvernementale. De quelle façon cette responsabilité se distingue-t-elle de l'industrie pétrolière, d'une part, et de l'industrie de l'automobile d'autre part? À titre de ministre responsable et de gardien de l'intérêt public, vous avez jugé qu'il était dans l'intérêt public d'avoir des pompes avec MMT et des pompes sans MMT. Avec ou sans l'assentiment de l'industrie pétrolière ou de l'industrie automobile, votre position était dictée par l'intérêt public. Manifestement, cette position n'était pas fondée sur toutes les données qui nous ont été soumises, selon lesquelles le MMT est mauvais; autrement, vous n'auriez pas adopté cette position.

Je ne comprends pas. Quelles sont les données scientifiques qui ont permis à votre ministère de dire que le MMT est acceptable alors qu'il y a aussi des pompes à essence disponibles sans MMT, ou encore, que le MMT est acceptable mais que le transport en sera interdit? Quel est le fondement scientifique ou de politique qui justifie un tel revirement? Ce n'est certainement pas simplement parce que les industries en question ne peuvent s'entendre. Quel est le rôle du gouvernement?

M. Marchi: Il n'y a pas eu de revirement. J'ai présenté une demande et j'ai fait cette offre pour déterminer d'entrée de jeu s'il y avait une autre voie ouverte au gouvernement, autre que celle que nous avons adoptée avec la présente mesure législative. Je voulais voir quelle serait la réaction des représentants de l'ICPP. Même s'ils avaient été d'accord pour qu'il y ait deux types de pompe, j'aurais quand même fait valoir que l'additif qu'est le MMT est mauvais. Je suis sûr que les Canadiens n'auraient pas choisi de faire le plein à la pompe à essence avec MMT. Le MMT aurait par osmose connu le même sort que le plomb.

Si l'ICPP avait proposé à mon prédécesseur ou à moi-même d'avoir deux pompes, je ne pense pas que cela aurait occasionné un changement de cap de la part du gouvernement du Canada. Nous aurions tout même fait campagne en faveur d'une essence sans MMT. Les consommateurs canadiens auraient choisi à la pompe, et les détaillants auraient aussi fait leur choix.

Lorsque vous dites que notre attitude est intransigeante, je vous signale que c'est l'ICPP qui s'est montré intransigeant. On ne peut pas tout avoir.

Le sénateur Kinsella: Notre comité a entendu des témoignages divergents. Nous avons entendu des opinions non seulement contraires mais, dans bien des cas, contradictoires, particulièrement pour ce qui est de savoir si le MMT encrasse les systèmes de diagnostic intégré.

Lorsque les représentants des gouvernements de l'Alberta et de la Nouvelle-Écosse ont comparu, nous leur avons fait la proposition suivante. Que penseraient-ils de confier les données et la recherche pertinentes à une tierce partie indépendante qui aurait tout naturellement été le ministère de l'Environnement dans le passé --, pour qu'elle tranche la question? Nous pourrions peut-être confier ce dossier à la Société royale du Canada et demander à ses experts d'évaluer les données. Sans vouloir manquer de respect à mes collègues du comité, nous ne sommes pas en mesure de juger le volet technique des arguments qui nous sont présentés. Cependant, la Société royale du Canada pourrait le faire en trois mois. Il en coûterait, semble-t-il, 50 000 $ environ. Il me semble qu'une telle étude serait très utile pour votre ministère. Que pensez-vous de cette idée?

Car les choses se résument à cela. On nous demande d'évaluer une mesure législative inspirée de la politique gouvernementale, mais nous en ignorons le fondement scientifique. C'est contradictoire. Le premier ministre a fait appel à la Société royale du Canada et à son expertise dans le domaine de l'amiante dans ces discussions avec le gouvernement français. Que pensez-vous de cette idée?

M. Marchi: Si vous voulez savoir si le gouvernement peut trancher, je pense que nous le faisons par le biais de cette mesure. Le problème ne date pas d'hier. En fait, c'est l'issue d'une longue histoire qui remonte à une vingtaine d'années. Pendant ces 20 ans, nous avons été incapables de résoudre le problème, en dépit du fait que l'inquiétude à ce sujet a augmenté, et non diminué, et en dépit du fait qu'à l'échelle internationale, le MMT n'est pas un produit très populaire. Le Canada est le seul pays du G-7 -- et certains iraient même jusqu'à dire de l'OCDE --, où l'usage du MMT est répandu. Et pendant que l'inquiétude montait, la solution, elle, se faisait attendre.

La semaine dernière, avant que je comparaisse devant le comité, l'ICPP m'a envoyé une lettre pour me demander d'attendre pour que soit menée une étude indépendante qui ne prendrait que trois ou quatre mois. Or, les fonctionnaires du ministère des Transports qui ont comparu devant vous ont précisé qu'il faudrait compter au moins un an.

Sénateur, je crains que le fait de faire une étude de plus et de temporiser encore ne nous rapproche pas d'une solution. Au bout du compte, le ministre de l'Environnement est chargé de protéger la santé des citoyens et, il va de soi, leur environnement. Dans mon esprit, la santé et l'environnement vont de pair. On ne saurait dissocier les deux.

Je pense que les inquiétudes sont suffisamment vives et les preuves suffisamment solides pour que le gouvernement et le ministre réagissent. J'ai également mentionné le principe de prudence auquel nous avons adhéré en 1992 à la Conférence des Nations à Rio.

La nouvelle mesure sur la protection de l'environnement, qui n'a pas encore été adoptée par la Chambre des communes, consacre le principe de prudence. La politique environnementale moderne adhère à ce principe en ce sens qu'il ne faut pas attendre qu'un tuyau éclate. Si nous constatons qu'il y a un bouchon et qu'il semble sur le point de crever, mieux vaut prendre les devants plutôt que de réparer après coup les préjudices causés à la santé de l'environnement. Et c'est précisément ce que fait le projet de loi C-29.

À notre avis, il y a suffisamment d'éléments de preuve et de témoignages qui montrent que le MMT encrasse les systèmes de diagnostic intégré qui contrôlent et surveillent les dispositifs antipollution que les gouvernements ont incité l'industrie automobile à installer dans les véhicules par voie de réglementation. En n'agissant pas, on va à l'encontre de cette technologie, de ces progrès et on abolit la protection contre les polluants qui s'échappent des voitures.

Dans le modèle de 1998, nous serons en mesure d'éliminer 60 p. 100 de plus d'oxydes d'azote et 30 p. 100 de plus d'hydrocarbures que dans l'état actuel des choses. Si nous voulons y parvenir, il faut que les dispositifs fonctionnent. S'il y a un risque que le MMT nuise à cette technologie -- et nous pensons que les témoignages indiquent qu'il y a un risque suffisant -- c'est au ministre de l'Environnement, appuyé par le ministre de la Santé, de faire quelque chose. Voilà ce que représente pour nous le projet de loi C-29.

Le sénateur Kinsella: Monsieur le ministre, ne pensez-vous pas que tous vos homologues provinciaux, qui se sont opposés à ce projet de loi, ont le même souci de l'intérêt public que vous? Un grand nombre d'entre eux sont contre le projet de loi. D'après les témoignages que nous avons entendus, il serait possible de faire une étude dans un court lapse de temps. Ne pensez-vous pas qu'il faille le faire?

M. Marchi: Sénateur, je suis aussi perplexe que vous quant aux raisons pour lesquelles huit provinces sur dix semblent s'opposer au projet de loi C-29. C'est le même nombre qui s'opposait au rapatriement de la Constitution il y a quelque temps.

Je ne dis pas que nous avons le monopole de la vertu mais tout simplement que ces mêmes personnes, à titre de membres du Conseil canadien des ministres de l'Environnement, ont préconisé des carburants plus propres et de remplacement. Elles ont lutté pour que l'on améliore les dispositifs antipollution dans les automobiles. Le projet de loi C-29 montre que nous ne tenons pas des propos en l'air. Nous sommes vraiment sérieux.

Il convient aussi de noter que les deux provinces qui ont appuyé le gouvernement du Canada sont responsables d'environ 40 p. 100 du problème que nous essayons de régler. Le sud de l'Ontario et la Vallée du Fraser, en Colombie-Britannique, ont les pires problèmes de smog du pays, et ces deux provinces appuient cette mesure législative. On trouve en Ontario les géants de l'industrie automobile et de l'industrie du raffinage ainsi que la société Ethyl. L'Ontario a pris une décision très importante.

Nous travaillons en très étroite collaboration avec nos homologues provinciaux. En fait, mon sous-ministre vient de rentrer hier de Winnipeg, où il a assisté à une réunion de sous-ministres sur la question de l'harmonisation environnementale. Nous ne voulons ménager aucun effort pour l'environnement.

Selon le principe de prudence, le projet de loi C-29 concrétise une politique environnementale saine qui privilégie des normes élevées plutôt que médiocres.

Le sénateur Taylor: Savez-vous que l'Alberta ne s'oppose plus à la mesure pour des raisons de santé, mais uniquement parce qu'elle nuit au commerce intérieur?

M. Marchi: C'est certes un des arguments qu'ont fait valoir vigoureusement les représentants du gouvernement de l'Alberta. Je crois savoir qu'hier soir, votre comité a entendu des témoignages intéressants sur la constitutionnalité de cette mesure, eu égard au commerce intérieur. Il ne fait aucun doute que la loi est en notre faveur.

D'aucuns ont mis en doute l'opportunité politique d'adopter un projet de loi qui ne rallie pas une majorité de provinces. C'est là un argument raisonnable. Cependant, la politique est une chose et la lettre de la loi en est une autre.

Le président: Pour être juste, sénateur Taylor, les représentants du gouvernement de l'Alberta, se sont dit préoccupés de ce qu'on s'éloigne du protocole établi par les ministres de l'Environnement du pays. Ils estiment ne pas avoir été consultés. Ils nous ont également fourni des renseignements sur les protocoles établis. Selon des informations qu'ils nous ont communiquées, le MMT n'a jamais été une question prioritaire lors de leurs réunions. Ils nous ont que, pour une raison quelconque, le gouvernement fédéral avait décidé de court-circuiter le processus et de ne pas collaborer avec eux dans ce dossier. À leur avis, cela était mal venu compte tenu de la collaboration et de l'harmonie qui régnaient jusqu'alors.

Pourriez-vous commenter cela, monsieur le ministre?

M. Marchi: C'est à l'été ou à l'automne de 1993 que mon prédécesseur a annoncé que le gouvernement avait l'intention d'agir dans le dossier du MMT. Le groupe de travail des ministres fédéral-provinciaux et leurs fonctionnaires sur les carburants propres et les carburants de remplacement a commencé ses travaux à l'automne de 1994. Le fait que le ministre fédéral ait exprimé la conviction du gouvernement fédéral avant la constitution du groupe de travail a pu susciter certains malentendus. Cependant, cela est dû au fait que nous croyons en ce que nous faisons.

Pour être juste à l'égard du ministre de l'Environnement de l'Alberta, si ma mémoire est bonne, c'est le seul ministre de l'Environnement qui se soit personnellement entretenu avec moi du problème du MMT. Les autres l'ont fait, bien sûr, par correspondance. Néanmoins, si c'était là une question qui les préoccupait énormément, j'aurais cru qu'au moins l'un d'entre eux m'en aurait parlé à un moment ou à un autre au cours de nos nombreuses réunions sur l'harmonisation.

Le sénateur Nolin: Peut-être devrions-nous faire prêter serment à nos témoins. Nous entendons des témoignages contradictoires. Les représentants de la Nouvelle-Écosse et de l'Alberta nous ont dit qu'ils avaient demandé à maintes reprises, aux réunions du CCME, que le MMT soit inscrit sur la liste prioritaire et que cette demande a été refusée par votre ministère.

M. Marchi: Étaient-ils sous serment quand ils ont dit cela?

Le sénateur Nolin: Non, mais peut-être que nous devrions faire prêter serment à nos témoins, puisque nous entendons des témoignages contradictoires de la part de ministres et de hauts fonctionnaires de leur ministère respectif.

Qui dit la vérité? Est-il vrai qu'ils en ont fait la demande et que vous avez refusé?

M. Marchi: Sénateur, je vais laisser mes collaborateurs répondre. Vous avez dit «ministère». J'ai dit au comité que le seul ministre qui, à ma connaissance, ait abordé la question avec moi personnellement, c'était le ministre de l'Alberta. Je ne me rappelle pas que le ministre de l'Environnement de Nouvelle-Écosse m'en ait jamais parlé.

Je vais demander à mon sous-ministre de répondre pour ce qui est de ce qui s'est passé entre les fonctionnaires des divers ministères.

M. Frank Vena, directeur, Division des systèmes de transport, Direction générale de la prévention de la pollution atmosphérique, Environnement Canada: Comme on l'a dit au comité, nous avons reçu des lettres des ministres de l'Environnement au sujet du MMT; ces ministres réclamaient une étude indépendante et demandaient que le dossier du MMT soit intégré au mandat du groupe de travail du CCME sur les véhicules et les carburants. Les lettres des ministres de l'Environnement adressées aux ministres Copps et Marchi ont été déposées.

Je ne sais pas si la question a été discutée ouvertement ou personnellement par les ministres à leurs réunions du CCME. Je peux seulement vous dire qu'ils ont fait des demandes dans des lettres. C'est du domaine public et je crois que ces lettres ont été déposées devant le comité. Toutefois, je ne peux pas dire si la question a été abordée ouvertement ou lors de rencontres privées entre ministres à l'occasion des réunions du CCMI.

Le sénateur Nolin: Ont-ils demandé que le MMT soit inscrit sur une liste prioritaire pour faire l'objet d'un examen et d'une étude approfondie?

M. Vena: Leurs observations portaient sur un certain nombre de questions. Le ministre de l'Alberta a évoqué la préoccupation relative au commerce intérieur. Ils ont également fait savoir qu'il serait souhaitable de faire une étude plus poussée, étant donné les témoignages reçus jusqu'ici. Ils ont dit aussi que nous avons un mécanisme en place pour ce qui est des carburants, qu'il s'agisse d'étudier la présence du soufre dans l'essence, dans le gazole, ou de plafonner la quantité de benzène, et que le MMT devrait être ajouté au nombreux dossiers que nous envisageons d'étudier.

Comme le ministre l'a dit, la question du MMT date d'avant la création de ce groupe de travail. Des décisions et des conversations étaient déjà amorcées entre le ministre de l'époque et les deux industries.

Le sénateur Nolin: À l'été 1993, Mme Copps n'était pas ministre de l'Environnement.

M. Vena: Si, Mme Copps était ministre en 1993. Elle a amorcé les pourparlers avec l'ICCP et l'AFVA au sujet du MMT à la fin de l'été et pendant l'automne 1994.

Le président: Sénateur Nolin, je voudrais ajouter une dernière observation à cet échange: je me rappelle avoir vu une lettre du président du CCME. Je pense qu'elle émanait des Territoires du Nord-Ouest. Sauf erreur, elle était adressée au ministre et l'on y disait que le groupe des ministres de l'Environnement, collectivement, était grandement préoccupé. Je me rappelle cette lettre. Vous devez l'avoir reçue.

M. Vena: Cette lettre émanait des ministres de l'Énergie, sénateur Ghitter. Ces derniers s'étaient réunis dans les Territoires du Nord-Ouest à l'automne. Une lettre a été envoyée à la ministre McLellan avec copie, je crois, au premier ministre et aux ministres Marchi, Eggleton et Manley. Elle était signée du président de ce comité des ministres de l'Énergie, en leur nom collectif.

Dans cette lettre, on citait un certain nombre de ministres de l'Énergie, je crois qu'il y en avait huit en tout. Il y avait aussi des sous-ministres. Elle émanait des ministres de l'Énergie, pas des ministres de l'Environnement.

Le président: Le ministre fédéral de l'Énergie a refusé de comparaître devant notre comité. Le ministre qui comparaît aujourd'hui est le seul que nous entendrons et je crois qu'il est légitime que nous lui posions ces questions.

Le sénateur Buchanan: J'ai envoyé quelqu'un chercher mon cartable de pour me rafraîchir la mémoire, mais je me souviens très bien que Wayne Adams et Vaughn Blaney, par exemple, ainsi qu'au moins trois autres ministres provinciaux de l'environnement ont écrit au ministre de l'Environnement -- peut-être pas à vous, monsieur --, mais à l'ancien ministre de l'Environnement, de même qu'au premier ministre.

Vous dites que vous n'avez pas communiqué avec eux. Si les lettres sont là, elles étaient sûrement à votre disposition en tant que nouveau ministre.

M. Marchi: Ne vous donnez même pas la peine d'envoyer chercher votre cartable, sénateur, parce que vous avez raison. Je ne nie pas que des lettres ont été envoyées à mon prédécesseur ainsi qu'à moi-même.

Le seul commentaire que j'ai fait au sujet des rencontres ministérielles au CCME a été de dire que dans la mesure où je m'en souviens, le seul ministre qui ait soulevé la question en personne avec moi a été l'honorable Ty Lund, ministre de l'Alberta. Je ne me souviens d'aucun autre ministre qui m'aurait présenté en personne des arguments sur la question du MMT, à part les instances qui nous ont été présentées par lettre. C'est le seul commentaire que j'ai fait.

Le sénateur Buchanan: Très bien. Je sais que Wayne Adams, de la Nouvelle-Écosse, a écrit au moins deux lettres. Je crois que Vaughn Blaney, du Nouveau-Brunswick, a écrit au moins deux lettres.

Le président: Pouvons-nous continuer?

Le sénateur Spivak: Monsieur le ministre, l'une des critiques formulées par des opposants à ce projet de loi provient du fait qu'il a été présenté comme un projet de loi sur le commerce, et non comme un projet de loi interdisant le MMT pour des raisons de santé et d'environnement. Je pense en comprendre les raisons.

M. Appleton, un spécialiste des lois concernant l'Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA), a témoigné devant le comité. Il a mentionné une chose que le Conseil des Canadiens discute depuis longtemps -- la violation de notre souveraineté. Il a mentionné que le traitement national accordé aux investissements n'est pas, aux termes de l'ALÉNA, le même que celui qu'on accorde au commerce de marchandises.

Le traitement national accordé aux investissements signifie qu'un pays ne peut pas utiliser l'argument de sa souveraineté pour justifier l'adoption de lois destinées à protéger la santé. La seule question est le dédommagement et l'ampleur du dédommagement. Nous avons entendu dire que ce projet de loi entraînera des conséquences terribles, et notamment des poursuites judiciaires. Avez-vous quelque chose à nous apprendre à ce sujet? Que pensez-vous du traitement national accordé aux investissements? C'est l'une des questions qu'ont soulevée les juristes.

M. Marchi: Personnellement, comme je l'ai dit dans ma déclaration liminaire, je crois qu'il est légitime d'avoir aussi une politique nationale, évidemment, et d'utiliser notre souveraineté pour promouvoir des carburants de rechange plus propres, tout comme les États-Unis d'Amérique le font probablement.

L'ALÉNA et l'Organisation mondiale du commerce (OMC) ont des dispositions claires qui permettent aux gouvernements d'appliquer des règlements et d'adopter des lois en vue de protéger la santé de leur population et leur environnement. Dans le chapitre sur les investissements, les articles 1106.6 et 1114 parlent spécifiquement de la capacité des États d'adopter des mesures destinées à protéger l'environnement. Nous estimons que pour ces raisons, nous sommes amplement justifiés de poursuivre cette politique.

En ce qui concerne le traitement national, nous traiterions une société américaine -- en l'occurrence, Ethyl -- de la même manière qu'une société canadienne qui voudrait fabriquer aussi du MMT ou en faire le commerce. Le traitement national est protégé et sauvegardé.

Le sénateur Spivak: D'après ce que l'avocat m'a dit, les dispositions concernant les investissements ont été insérées plus tard dans l'ALÉNA. Avant 1994, le Canada devait présenter des instances ou prendre des mesures quelconques. Autrement, il y avait une erreur. Vous dites que cela ne s'applique pas.

Selon vous, d'après les avis juridiques que vous avez obtenus, le traitement national accordé aux investissements et le traitement national accordé au commerce de marchandises font l'objet de la même protection, et la position peut se défendre juridiquement?

M. Marchi: Il y a des dispositions relatives à l'environnement qui sont rattachées à l'ALÉNA. Nous avons conclu un accord parallèle sur l'environnement et il y a également des dispositions à l'intérieur même du chapitre sur les investissements. Je vais laisser à mes hauts fonctionnaires le soin de vous donner une réponse plus précise, technique et juridique, si vous le désirez, car je ne prétends pas être avocat.

Le sénateur Spivak: C'est bien. J'obtiendrai ces renseignements plus tard. Merci.

Le sénateur Nolin: Monsieur le ministre, vous avez fait allusion à la violation d'un accord entre les fabricants d'automobiles et l'ICPP. Pouvez-vous m'expliquer en quoi consistait l'accord, de quelle manière on l'a violé et quand?

M. Marchi: J'ai mentionné cela, sénateur, en parlant du contexte de cette histoire de 20 ans, une période pendant laquelle deux opposants dans une querelle à plusieurs facettes ont été incapables à une solution satisfaisante. J'ai mentionné les tentatives faites par les ministres et les ministères de l'Environnement, et j'ai seulement fait allusion au témoignage de la présidente de GM devant votre comité sénatorial, où elle a dit qu'à son avis, en 1994, la compagnie avait signé un accord avec l'ICPP en vertu duquel elle pourrait installer des dispositifs de contrôle des émissions sur les voitures sans que des substances comme le MMT ajoutées à l'essence puissent en entraver le fonctionnement.

J'en ai parlé pour expliquer les difficultés qui ont empêché de régler cette question pendant 20 ans. Elle a dit -- ce n'est pas moi qui l'ai dit -- qu'un accord écrit avec l'ICPP avait été rompu.

Le sénateur Nolin: J'ai posé cette question parce qu'hier soir le président d'Ultramar Canada et le premier vice-président de Sunoco nous ont dit qu'il y avait eu un accord en 1994, mais que les fabricants de voitures refusaient de le mettre en oeuvre. Cela me laisse perplexe.

M. Marchi: Votre question nous amène au coeur de l'affaire. Pendant 20 ans, si ce n'était pas la faute d'une compagnie, c'était la faute de l'autre. Si ce n'était pas l'une, c'était l'autre. C'était comme une partie de volley-ball. Le temps est venu d'abaisser les filets, de jeter le ballon et de se mettre au travail.

Le sénateur Nolin: L'ICPP a offert d'appuyer une étude indépendante supervisée par la Société royale. Nous pourrions discuter de la durée de l'étude, qui serait de trois ou quatre mois, c'est-à-dire qu'elle serait au moins courte. L'ICPP accepterait les conclusions de l'étude et appuierait même votre projet de loi si l'étude permettait de conclure qu'il faut interdire le MMT.

Vous ne nous avez pas dit si vous aviez reçu officiellement cette offre et quelle est votre position à ce sujet.

M. Marchi: J'ai bien dit que j'avais reçu cette offre. Je vous ai mentionné que j'ai reçu la lettre de l'Institut au début de la semaine, juste avant mon arrivée à votre comité ce matin.

Mon ministère est toujours prêt à recevoir les conseils, les études et les données scientifiques qui nous parviennent et qui nous aident évidemment beaucoup dans l'élaboration de nos mesures d'intérêt public. Si l'ICPP veut faire une étude, nous serons certainement tout yeux, tout oreilles.

Cependant, le gouvernement a décidé d'agir. Le projet de loi a été adopté à la Chambre des communes. Il est maintenant soumis à votre réflexion sereine. Notre position est que c'est la décision prise par le gouvernement du Canada, après 20 ans de discussions sur cette question.

Si quelqu'un veut faire d'autres études et s'il y a des études en cours sur le marché américain également, nous les examinerons certainement.

Nous proposons dans le projet de loi C-29 une politique d'intérêt public qui est bonne pour l'environnement, étant donné la situation qui perdure depuis 20 ans.

Le sénateur Nolin: Si nous nous concentrons sur les quatre dernières années, quelles études votre ministère a-t-il commandées ou effectuées pour vous aider à décider d'interdire l'importation du MMT au Canada.

M. Marchi: Je vais laisser Frank Vena vous répondre. Il s'occupe évidemment de cette question depuis beaucoup plus longtemps que le ministre. Qu'il suffise de dire, sénateur, que nous croyons avoir suffisamment de preuves fondées sur plusieurs études effectuées par les deux parties.

J'ai été impressionné par l'industrie pétrolière et j'étais au courant de sa position avant la comparution de ses représentants au comité. Les 21 fabricants d'automobiles ont comparu devant le comité d'une manière sans précédent, car la plupart du temps même les trois grands, et encore moins tous leurs concurrents étrangers, ne veulent pas se retrouver dans la même salle et ne sont pas sur la même longueur d'ondes. Les fabricants de toutes les voitures en circulation dans notre pays, en provenance de tous les coins du monde, estiment que toutes les recherches effectuées les ont convaincus que le MMT nuit à leurs systèmes de diagnostic intégré. C'est une chose dont nous ne devrions pas faire fi aussi rapidement ou aussi facilement que certains le préconisent.

Notre ministère a reçu également des informations et des études que nous n'avons pas encore rendues publiques à cause des lois protégeant les renseignements personnels, et le commissaire à l'information a confirmé que ces renseignements sont de nature commerciale et qu'ils ne doivent pas être divulgués.

Nous avons publié tous les autres renseignements et nous sommes convaincus d'avoir suffisamment de preuves pour interdire cet additif en invoquant le principe de la prudence, afin de ne pas regretter dans les années à venir de ne pas avoir agi.

Le sénateur Nolin: Avant que vos hauts fonctionnaires répondent, si je comprends bien, votre gouvernement fait sienne la teneur du principe 15 de la déclaration de Rio; est-ce exact?

M. Marchi: Le principe de prudence est un principe que nous utilisons.

Le sénateur Nolin: C'est écrit. Les pays ont convenu d'un principe.

M. Marchi: Il n'est pas appliqué en vase clos. On ne peut pas avoir un principe de prudence sans avoir un minimum de preuves démontrant clairement qu'on peut invoquer le principe et l'appliquer.

Le sénateur Nolin: C'est ce que je dis. Avant que M. Vena commence sa réponse, nous direz-vous pourquoi votre ministère, votre prédécesseur et votre gouvernement utilisent le principe de prudence?

M. Marchi: Pour ce qui est des différentes raisons invoquées, notre principe fondamental veut que nous soyons convaincus qu'il existe suffisamment de preuves et de préoccupations, à partir des convictions des experts, suivant lesquelles cet additif qu'est le MMT entrave le fonctionnement des dispositifs antipollution.

Si tel est le cas, je ne peux pas pousser les fabricants de voitures à nous donner de meilleurs dispositifs antipollution. Je ne peux pas forcer les consommateurs à payer davantage en réparations. Je ne peux pas imposer quelque chose dont le résultat sera que les gaz d'échappement pollueront encore davantage l'air.

Le fait que le MMT nuit au fonctionnement de dispositifs installés sur les voitures entraîne des risques pour la santé et l'environnement et c'est pourquoi nous agissons comme nous le faisons.

M. Vena: En essayant d'évaluer l'ensemble des connaissances concernant le MMT et son impact sur les dispositifs antipollution, qu'il s'agisse de convertisseurs catalytiques ou même du revêtement des bougies d'allumage, et en tenant compte des nombreuses études effectuées depuis huit ou neuf ans, M. Hicks a mentionné, au sujet d'Ethyl et de sa demande de dérogation présentée à l'EPA, qu'il avait effectué des essais sur des véhicules de 1988 et des véhicules de 1992-1993. Cela fait partie de son témoignage. Ils ont effectué des essais sur des véhicules dans lesquels on utilisait de l'essence avec et sans MMT.

Il ne faut pas oublier tout de même, à propos de ces véhicules, que très peu -- à ma connaissance, probablement trois -- des modèles de 1992-1993 étaient munis de systèmes de diagnostic intégré opérationnel parce qu'ils ne faisaient pas partie de la technologie de l'époque. Les données présentées indiquaient qu'en ce qui concerne les convertisseurs catalytiques et le respect des normes d'émissions, le MMT satisfaisait à ces normes. Nous devons reconnaître qu'il s'agit des normes de 1988.

Le sénateur Nolin: Qu'est-ce que cela signifie?

M. Vena: D'après la demande de dérogation, si l'on veut ajouter au carburant un additif différent de ce que contient notre essence, il faut pouvoir démontrer qu'il n'a pas pour conséquence d'empêcher les dispositifs antipollution de satisfaire aux normes du jour. Du point de vue de l'EPA, ces essais ont réglé la question. Ils ont tout de même dit qu'ils n'avaient pas encore résolu la question des systèmes de diagnostic intégré et que les données n'étaient pas concluantes. C'est de là que nous avons commencé notre analyse.

Des données nous ont été fournies et ont été présentées au comité par les fabricants de voitures, en ce qui concerne les effets concrets du MMT sur les bougies d'allumage. Nous avons des données que nous a fournies l'ICPP à la suite d'un programme d'essais dans le cadre duquel on a examiné 206 véhicules sur des distances de 6,5 millions de kilomètres.

Les experts de l'Institut ont dit qu'ils ne pouvaient pas confirmer dans un sens ou dans l'autre l'impact sur les systèmes de diagnostic intégré. Cette question est importante pour nous, parce que nous envisageons un certain nombre de stratégies visant à réduire les émissions des véhicules, comme le ministre l'a souligné. On peut renforcer les normes. On peut abaisser les normes relatives aux gaz d'échappement. On peut améliorer la qualité du carburant, comme nous l'avons fait en éliminant le plomb et en faisant baisser la quantité de souffre dans le gasoil. Ce sont d'excellentes choses au niveau de la réglementation.

Un véhicule se dégrade à l'usage. Son rendement se dégrade avec le temps. L'élément de la stratégie de contrôle qui concerne les véhicules existants est très important. De fait le sud de la partie continentale de la Colombie-Britannique est le seul endroit du pays où il existe un programme d'inspection régulière des véhicules et s'ils ne satisfont pas à certains critères relatifs aux émissions, il faut faire réparer les véhicules en question. On y a constaté qu'en trois ans, le programme avait permis de réduire la pollution de plus de 166 tonnes dans cette région. J'ai ce rapport.

J'essaie de montrer que les systèmes de diagnostic intégré constituent un outil très important. Ils viennent de Californie. Nous connaissons certains des problèmes qu'ils ont présentés. Au début, en 1989, ils indiquaient essentiellement que les dispositifs fonctionnaient ou non. Maintenant, ils peuvent même vérifier le rendement de l'équipement sur une bande de rendement, ce qui permet de s'assurer que les véhicules en usage fonctionnent bien, ce qui est critique pour une stratégie de contrôle de la pollution. Je répète que dans le sud de la partie continentale de la Colombie-Britannique, on reconnaît que c'est la mesure la plus importante qu'on ait prise jusqu'à maintenant.

Nous devons prendre une décision. Nous avons examiné les données disponibles. À ce moment-là, il importait pour nous de faire savoir que le principe de prudence pouvait s'appliquer et que si nous commettions une erreur, nous pécherions plutôt par excès de prudence afin de protéger l'environnement et la santé des gens.

M. Marchi: J'ai également lu le témoignage des représentants d'Ethyl devant votre comité, où ils ont dit que les systèmes essayés en Californie présentaient des problèmes, et ils ont demandé comment ils pouvaient présenter des problèmes si la Californie interdisait le MMT. Je dis que cette affirmation des représentants d'Ethyl est inexacte. Nous avons un rapport que nous voulons vous remettre, si vous le désirez; c'est un rapport provenant de l'État de Californie daté d'octobre 1996. Il révèle que les systèmes de diagnostic intégré de deuxième génération se sont révélés très efficaces dans la détection des émissions liées à des problèmes survenant à l'usage. En outre, le même rapport californien indique que plusieurs fabricants ont reconnu que les systèmes ont aidé énormément à améliorer la qualité générale des véhicules.

De plus, Ethyl soutient que la Californie a donné aux fabricants d'automobiles le choix d'installer ces systèmes ou non. Encore là, c'est inexact. Nous avons un deuxième rapport de l'État de Californie daté d'août 1996 qui confirme que ce n'est pas le cas. On y dit clairement qu'il n'y a pas de dérogation pour les fabricants d'automobiles en ce qui concerne l'obligation d'installer des systèmes de diagnostic intégré de deuxième génération.

Pendant que vous examinez ces rapports et ces données scientifiques, je tenais à faire cette intervention, parce que ces affirmations ne sont tout simplement pas vrai, en ce qui concerne la Californie.

Le président: Puis-je avoir des exemplaires de ces rapports? Je ne les ai pas vus. Ils seraient très utiles.

Je crois comprendre que nous avons peut-être déjà ces rapports. Nous vérifierons nos dossiers pour nous en assurer.

Le sénateur Cochrane: Monsieur le ministre, nous vous remercions de comparaître devant le comité ce matin. Vous avez mentionné toutes les études que vous avez reçues ces dernières années. Environnement Canada a-t-il effectué ses propres études pour vérifier la validité de ces affirmations contradictoires des fabricants et des raffineurs? Avez-vous fait des études dans votre propre ministère?

M. Marchi: Je demanderais à M. Vena de répondre à cette question.

M. Vena: Nous nous sommes fiés principalement aux renseignements provenant des États-Unis, encore une fois parce qu'il s'y déroule déjà un processus en vue de comprendre l'incidence de cet additif. Nous avons dans notre pays des véhicules répondant à des normes harmonisées avec celles des États-Unis et nous pouvons donc utiliser les résultats des essais effectués là-bas pour connaître l'incidence des carburants par rapport à ces normes.

Nous avons obtenu des informations de presque toutes ces parties pendant que nous efforcions d'évaluer l'incidence du MMT.

Le sénateur Cochrane: Cela vous satisfait peut-être, mais je pense que le ministère aurait dû faire ses propres études, surtout étant donné que certains renseignements venant de Californie et que vient de mentionner le ministre, ne concordent pas avec d'autres que nous avons reçus. Pourquoi n'avez-vous pas fait vos propres études?

M. Vena: Je répète qu'à mon avis les connaissances nécessaires sont disponibles. Les études sont complexes. Elles coûtent assez cher. Il est avantageux pour nous de laisser le secteur privé ou d'autres organismes effectuer les essais, sénateur, et c'est ce que nous avons fait. En l'occurrence, c'est un jugement que nous avons porté au sujet de ce qui existait déjà. Les fabricants de véhicules effectuaient des essais. L'EPA évaluait certains de ces essais. On nous fournissait les informations et nous avons simplement utilisé les données qu'elles contenaient pour arriver à une décision.

Le président: Vous vous fiez à des sources de l'extérieur, comme Santé Canada l'a fait, vous avez renoncé à faire des études indépendantes, et vous devez donc vous fier à l'EPA, mais cet organisme a dit qu'en ce qui concerne les systèmes de diagnostic intégré, le MMT n'avait pas d'impact négatif. Qui devons nous croire?

M. Vena: L'EPA a dit qu'elles n'avaient pas de preuves concluantes au sujet des systèmes de diagnostic intégré.

Le président: On l'a permis, n'est-ce pas?

M. Marchi: Le tribunal a rendu un jugement sur une question de procédures. On est encore en droit de se demander si l'EPA croit qu'en substance le MMT est un bon additif pour l'essence. Et il n'y a pas que l'EPA. Et les 15 sociétés pétrolières? La question n'est pas encore définitivement réglée.

Le président: Je dois dire que ce jugement a quand même été rendu.

Le sénateur Nolin: D'après la réponse que vous avez donnée à ma collègue le sénateur Cochrane, il semble que ce soit le fondement de votre décision. C'est sur cela que vous avez fondé votre jugement. Quand avez-vous pris votre décision et avez-vous entrepris ou commander depuis même une seule étude pour être en mesure de tirer vos propres conclusions?

M. Vena: Nous avons réuni les représentants des deux industries pendant plusieurs années pour examiner cette question. Nous avons évalué les données que nous avions à l'époque. Nous avons consulté des experts indépendants qui nous ont aidés à examiner les données. L'un de ces experts s'appelait Steven Carter et les fabricants de véhicules de même que l'Institut canadien des produits pétroliers ont tous deux fait appel à ces services pour évaluer les connaissances disponibles.

Leur évaluation de la situation était très semblable à ce que nous avons entendu ici. La plupart des données étaient peu concluantes et elles étaient même parfois contradictoires. Cependant, comme il fallait porter un jugement de valeur sur ces informations ils nous ont dit qu'il serait probablement préférable d'enlever le MMT de l'essence, dans le contexte d'une politique d'intérêt public, pour assurer la qualité de l'air et protéger l'environnement. Nous avons retenu les services d'experts-conseils de l'extérieur pour examiner les données. L'un de ces experts a déjà travaillé pour les deux parties en cause.

Le sénateur Cochrane: La plupart des fabricants de véhicules automobiles soutiennent que l'utilisation de MMT nuit au fonctionnement des bougies d'allumage, des détecteurs d'oxygène et des systèmes de diagnostic intégré de deuxième génération. Monsieur le ministre, vous avez dit la même chose ce matin.

Une bonne partie des arguments est fondée sur des comparaisons entre les données relatives aux garanties au Canada, où le MMT a été utilisé, et les données provenant des États-Unis, où il était interdit jusqu'à dernièrement. On dit que les différences doivent résulter du fait que le MMT est utilisé au Canada.

Votre ministère a-t-il vérifié les effets de l'antigel pour conduit d'essence sur les bougies d'allumage, les détecteurs d'oxygène et les systèmes de diagnostic intégré de deuxième génération? À mon avis, monsieur le ministre, les conducteurs canadiens ont beaucoup plus l'occasion que les conducteurs américains, en particulier ceux des États du Sud, d'utiliser de l'antigel pour conduit d'essence dans leur carburant.

M. Marchi: Connaissez-vous une étude indiquant que l'antigel pour conduit d'essence nuit à cette technologie?

Le sénateur Cochrane: Votre ministère a-t-il vérifié les effets de l'antigel pour conduit d'essence?

M. Marchi: Je pensais que vous aviez des renseignements à ce sujet, puisque vous avez soulevé la question.

M. Vena: Nous avons fait des études sur les mélanges d'essence et d'éthanol. C'est parfois utilisé comme antigel pour conduit d'essence. Nous avons évalué ce mélange en particulier et l'incidence qu'il a sur les émissions. Lorsqu'on ajoute des composés oxygénés aux carburants, nous sommes curieux de voir ce qui se passe. En général, pour votre gouverne, je peux dire que les émissions d'hydrocarbures et de monoxyde de carbone sont réduites. Toutefois, notre évaluation n'a pas été assez précise pour nous permettre d'établir si cela avait une incidence sur les systèmes de diagnostic intégré.

Le sénateur Cochrane: Et les bougies d'allumage? Vous n'avez pas du tout examiné cette question.

M. Vena: Les essais étaient conçus en l'occurrence surtout pour déterminer les répercussions sur les émissions, et non pour savoir si cela avait un effet sur les bougies d'allumage.

Le sénateur Cochrane: Autrement dit, il n'y a eu aucun essai visant le MMT. Il n'y a eu aucun essai à l'égard de cet antigel. En fait, vous vous contentez de fonder vos hypothèses sur toutes les autres études de l'extérieur, n'est-ce pas, monsieur le ministre?

M. Marchi: Là encore, je ne sais pas où vous voulez en venir avec cette question d'antigel, que l'on choisisse ce produit en particulier ou d'autres substances. À ma connaissance, aucune étude ni aucun rapport scientifique sur l'antigel ne nous permet de conclure que ce produit nuit aux systèmes. Toutefois, d'après les renseignements qui nous proviennent des études et témoignages corroborés par les 21 fabricants d'automobiles du monde entier, je sais que le MMT inquiète bien des gens. Nous sommes le seul pays du G-7 à l'utiliser. Les responsables de Mercedes Benz ont parlé de toutes les automobiles qu'ils distribuent dans le monde entier. Les seules pour lesquelles ils ont eu des problèmes avec les systèmes de diagnostic, sont les 5 000 voitures vendues au Canada chaque année.

Ces preuves me suffisent, sénateur. Vous pouvez ne pas être d'accord et les contester, vous pouvez dire que ces études n'ont pas été réalisées par des Canadiens, mais par des Américains, et cetera. C'est votre droit. Toutefois, en ma qualité de ministre de l'Environnement, j'ai également le droit d'affirmer qu'il existe des preuves suffisantes pour justifier une réaction publique de la part des Canadiens. C'est ce que nous avons fait. Nous défendons cette position et nous en sommes fiers.

Le sénateur Cochrane: J'ai soulevé la question de l'antigel pour conduit d'essence car j'examine les autres substances qui pourraient nuire aux bougies d'allumage et aux détecteurs de SDI. Nous devrions examiner d'autres choses. Pourquoi est-ce qu'on ne parle que d'une substance, le MMT? Nous devrions tenir compte de tous les facteurs en cause.

M. Marchi: Pour les 21 fabricants d'automobiles qui ont comparu devant votre comité, il est dans leur intérêt que la technologie fonctionne. Ils dépensent des millions de dollars pour se conformer à la réglementation gouvernementale. Cela fait une vingtaine d'années qu'ils nous disent: «Écoutez, le MMT est un produit dangereux.» Si l'antigel pour conduit d'essence posait vraiment un problème, pourquoi les fabricants d'automobiles nord-américains et étrangers ne le diraient-ils pas haut et fort? Il est dans leur intérêt que tout marche bien.

Ils ne veulent pas que les acheteurs se plaignent ou fassent intervenir leurs garanties. Ils ne veulent pas que les gouvernements leur disent: «Écoutez, il faut réduire de 60 p. 100 vos émissions d'oxydes d'azote dans les modèles de 1998, et nous vous demandons de réduire de 30 p. 100 les émissions d'hydrocarbures». Ils disent au gouvernement du Canada qu'ils sont prêts à accepter ces restrictions pour les modèles d'automobiles de 1998, mais pas si cela nuit au bon fonctionnement des systèmes et du moteur. Puis nous leur disons: «Nous avons relevé le seuil, comme l'a fait la Californie, pour l'année 2001.» Les fabricants d'automobiles nous répondent qu'ils respecteront la nouvelle réglementation et réduiront encore les émissions des tuyaux d'échappement.

Nous avons réduit de plus de 92 p. 100 les émissions de produits toxiques provenant des automobiles. Le problème, c'est qu'il y a de plus en plus de voitures sur nos routes et il faut donc adopter des règlements plus stricts. Il est dans leur intérêt de respecter la réglementation gouvernementale, mais pas si cela nuit à leurs systèmes de diagnostic intégré.

En tant que ministre de l'Environnement, sénateur, je suppose que si d'autres substances nuisent au bon fonctionnement de la technologie automobile, j'en serais au courant et j'aurais reçu des instances aussi énergiques que pour le MMT. Cela n'a pas été le cas, et je ne vais pas obliger les fabricants à chercher des substances s'ils ont l'impression qu'il n'y a aucun problème, tant qu'il n'y aura aucune étude scientifique étayant ce fait.

Le sénateur Milne: Monsieur le ministre, je dois vous dire que c'est la première fois que je siège à ce comité. Je remplace aujourd'hui un sénateur qui a dû s'absenter. Je n'ai pas pris connaissance des témoignages déjà entendus par le comité.

Je dois vous dire que je me préoccupe avant tout de la santé des Canadiens. Pour ma part, je préfère respirer de l'air pur dans lequel ne se trouve aucune particule de métal lourd en suspension. Je préfère de loin que mes petits-enfants n'aient pas à respirer ce genre d'air dès qu'ils viennent au monde.

Je comprends que, en raison des différents additifs et de l'éthanol qu'on va utiliser dans l'essence pour remplacer le MMT, les émissions de NOx vont augmenter. Il s'agit je crois d'oxyde d'azote. Que prévoit faire le ministère si cela pose un problème? L'oxyde d'azote n'a évidemment rien à voir avec les métaux lourds, mais c'est une autre substance que nous émettons dans l'air que nous respirons.

M. Marchi: Je vais demander à M. Vena de répondre, mais je pense qu'on a également laissé entendre, parfois même avec rapports à l'appui, que la teneur en oxydes d'azote diminue si l'on utilise le MMT. Il importe de ne pas isoler les diverses substances qui sont émises par les tuyaux d'échappement. Nous pouvons le faire, et c'est normal, mais en ma qualité de ministre de l'Environnement, je pense qu'en dernier ressort, nous devons s'inquiéter des émissions totales qui menacent la santé de vos petits-enfants et d'autres.

Il n'y a pas que les émissions de NOx. Il y a également les émissions de monoxyde de carbone et d'hydrocarbure. Les fabricants d'automobiles qui ont témoigné devant le comité vous ont dit: «Oui, le niveau d'émissions de NOx diminue peut-être, mais que faire pour remédier aux augmentations des émissions de monoxyde de carbone et d'hydrocarbure?»

En fin de compte, le ministre de l'Environnement doit se pencher sur chacun de ces éléments et trouver la meilleure solution possible. Toutefois, on ne peut pas examiner les effets d'une de ces substances en l'isolant des autres comme on peut le faire en théorie, car en pratique, elles sortent toutes du tuyau d'échappement. Il peut y avoir une réduction d'émissions dans un cas, mais augmentation dans l'autre. En dernier ressort, il faut nous demander ce qui nous permettra de nous débarrasser des émanations les plus nocives, dans l'intérêt de notre santé et de l'environnement?

Je vais demander à M. Vena de répondre à la question concernant les émissions d'oxydes d'azote par rapport à l'éthanol et aux autres produits sur le point d'être mis en marché.

M. Vena: En ce qui concerne certains de ces autres additifs, un programme intitulé Auto-pétrole a été mis sur pied en collaboration entre les trois principaux fabricants de véhicules aux États-Unis et 14 sociétés pétrolières, sauf erreur. Ce groupe examine les divers composés des carburants et leur incidence sur les émissions et la qualité de l'air. L'éthanol en fait partie. Il ressort de leur analyse qu'il pourrait y avoir augmentation des émissions d'oxydes d'azote, une des substances qui contribuent au smog. Ils ont également constaté qu'il y a une diminution des émissions d'hydrocarbures, lesquelles sont également à l'origine du smog. Et surtout, ils ont découvert que les composés, autres que le méthane, de cet hydrocarbure, lesquels sont les substances les plus réactives qui forment le smog, diminuent également

Il n'existe aucune panacée dans le domaine des carburants. Nous examinons diverses options en fonction des avantages globaux qu'elles offrent. Pour ce qui est de l'éthanol et des autres additifs, d'autres facteurs entrent peut-être en ligne de compte, comme le fait de savoir s'il s'agit d'une énergie renouvelable ou qu'elles sont ses effets. Il serait formidable de pouvoir dire que nous disposons du carburant le plus propre et de meilleure qualité, mais la plupart du temps, il faut faire des compromis.

Le sénateur Milne: Sauf erreur, la société Ethyl menace le Canada de demander plus de 200 millions de dollars d'indemnisation aux termes de l'ALÉNA si ce projet de loi est adopté. Quelle est la réaction du gouvernement à cette menace?

M. Marchi: Le gouvernement estime que tout le monde a le droit d'invoquer tous les moyens de recours possibles aux termes de la législation. En fait, nous n'avons pas réagi officiellement. Si les responsables de cette société pensaient que, comme vous l'avez dit, cette menace nous inciterait à faire quelque chose, et bien cela nous a sans doute convaincus d'agir comme nous le faisons. Ils ont leurs droits, et nous affirmons que le gouvernement du Canada a le droit d'agir comme il le fait en proposant le projet de loi C-29 pour les raisons qui nous y incitent.

Le président: Je crois parler au nom de tous les membres du comité en disant que nous appuyons et respectons toutes les mesures que vous prenez en vue de protéger notre environnement. Votre ministère a fait des progrès très importants, comme vous nous l'avez indiqué, dans le domaine des émissions atmosphériques et de la collaboration avec les provinces.

Toutefois, ce qui m'inquiète, c'est que vous êtes ici aujourd'hui pour défendre un projet de loi commercial et non l'environnemental. Cela me porte à croire que vous n'êtes pas convaincu par ce que vous nous dites. J'aimerais mieux pour ma part que vous nous présentiez un projet de loi environnemental visant à tout simplement interdire cette substance, au lieu de présenter tout cela sous le couvert d'une mesure commerciale. Plusieurs sortes de lois pourraient être proposées si l'on avait suffisamment de preuves à l'appui.

Le gouvernement nous propose un projet de loi commercial et le ministre du Commerce extérieur refuse de comparaître devant notre comité. Je vous ai envoyé une lettre en vous demandant d'insister pour qu'il vienne témoigner, car cela me semblait important.

Je jette un coup d'oeil à la lettre que M. Eggleton vous a adressée le 23 février 1996. Je ne vais pas la lire, car je suis certain que vous en connaissez la teneur. Il dit que l'interdiction d'importer le MMT serait incompatible avec les obligations du Canada dans le cadre de l'OMC et de l'ALÉNA, et que cela constituerait une interdiction inacceptable visant les importations, surtout si l'on n'interdit pas parallèlement la production, la vente ou l'utilisation de ce produit sur le marché national.

La situation est assez inhabituelle: d'une part, vous nous dites qu'il s'agit d'un problème environnemental mais vous nous présentez un projet de loi commercial, et d'autre part, le ministre du Commerce extérieur conseille de ne pas adopter de projet de loi commercial car il s'inquiète de nos obligations aux termes de l'ALÉNA. Tout cela me rend très perplexe et j'aimerais que vous calmiez mes inquiétudes.

M. Marchi: Je ne suis pas aussi perplexe que vous l'êtes manifestement en ce qui a trait au commerce, à l'environnement et à l'économie. Il s'agit en fait de la nouvelle approche: il faut harmoniser les deux. C'est pourquoi nous avons conclu une entente auxiliaire touchant l'environnement lorsque nous avons signé l'ALÉNA avec les États-Unis et le Mexique. S'il s'agissait purement et simplement d'une question technique touchant au commerce extérieur, il serait inutile d'en faire état dans un accord sur l'environnement. Lorsque nous avons ratifié l'accord de libre-échange avec le Chili, nous avons là encore intégré toutes les questions environnementales dans le contexte commercial. D'après vous, on ne saurait faire la distinction entre les deux. Une bonne économie c'est également un bon environnement et un bon environnement ne doit pas nuire à une bonne économie.

À l'époque où le gouvernement a proposé ce projet de loi en 1995, la LCPE en vigueur ne renfermait pas les dispositions pertinentes. Nous l'avons modifiée, mais la loi ne renfermait toutefois pas les même dispositions que celles prévues dans le projet de loi C-29. Le gouvernement du Canada a choisi le meilleur moyen à sa disposition pour remédier au problème, et c'est pourquoi nous avons proposé le projet de loi C-29.

Quant au ministre du Commerce que vous avez invité à venir témoigner, c'est une question à régler entre vous et lui. En revanche, la tradition veut qu'un ministre qui témoigne devant un comité de la Chambre des communes le fasse également devant un comité du Sénat. Je représente le gouvernement et c'est moi qui pilote ce projet de loi au Parlement. Lorsque je prends la parole, sénateur, je le fais au nom de tout le gouvernement du Canada, en ma qualité de ministre de ce gouvernement.

Vous faites allusion à la lettre qui a fait l'objet de la fameuse fuite. Il n'y a là rien d'étonnant; c'est souvent le cas lorsque l'on présente un projet de loi ou un nouveau règlement. Beaucoup de dossiers, dont l'environnement, sont de nature horizontale. Bien des ministres écrivent de nombreuses lettres au sujet de nombreuses préoccupations que leurs collaborateurs leur ont signalées. Ces lettres sont ajoutées au dossier. Nous avons reçu des lettres à propos d'autres projets de loi dont les auteurs nous disaient «Êtes-vous sûr de ceci ou de cela?». J'en fait autant avec mes collègues le ministre du Commerce, le ministre des Ressources naturelles et le ministre de l'Agriculture pour ce qui a trait à la politique environnementale. En fin de compte, ce n'est que l'une des nombreuses lettres que l'on ajoute au dossier et dont on tient compte pour prendre la bonne décision pour les bonnes raisons.

Je ne nie pas l'existence de cette lettre. Je ne nie pas qu'il avait une préoccupation initialement. Cependant, en fin de compte, nous avons dissipé cette préoccupation, ainsi que d'autres, en expliquant les avantages du projet de loi. Dans l'ensemble, le gouvernement estime qu'il a fait de son mieux, en présentant ce projet de loi, pour protéger la santé et l'environnement, ce qui est l'intention primordiale de cette mesure législative.

Le président: Peut-être pourriez-vous insister de nouveau auprès de votre collègue le ministre Eggleton pour qu'il comparaisse.

M. Marchi: Je crois qu'il est actuellement en Israël, pour donner suite à l'Accord de libre-échange que nous avons signé.

Le président: Je peux vous assurer que nous serons ici à son retour.

Le sénateur Buchanan: J'ai ici une collection de lettres; je ne les lirai pas toutes, mais elles proviennent de huit provinces. À peu près la moitié d'entre elles sont signées par des ministres de l'Environnement. Il y a là des lettres adressées au premier ministre du Canada par des premiers ministres provinciaux et par des ministres de l'Environnement. Je voudrais déposer ces lettres, afin qu'elles figurent au compte rendu.

Le sénateur Spivak: Elles sont déjà au compte rendu.

Le président: Vous pouvez le faire, à moins que quelqu'un n'ait une objection.

M. Marchi: Sénateur, j'ai déjà reconnu l'existence de ces lettres et des billets doux. Tout ce que j'ai dit, c'est qu'à part le service de correspondance qui est fort occupé à correspondre avec les provinces et les ministres, si ma mémoire est fidèle, le seul ministre qui a pris la peine d'aborder la question avec moi personnellement, c'était Ty Lund. C'est tout ce que j'ai dit. Je n'ai pas nié l'existence de ces lettres.

Le sénateur Buchanan: Je ne laisse nullement entendre que ce que vous dites n'est pas exact, mais je crois qu'elles devraient être déposées.

Je trouve que la situation fédérale-provinciale est curieuse dans ce dossier. Aux termes de notre Constitution, dans bien des domaines, les gouvernements fédéral et provinciaux sont censés être traités comme des égaux dans notre système. J'en suis sincèrement convaincu. À cause de mes 30 années de vie politique, dont 24 comme politique provincial, peut-être que mon point de vue là-dessus est un peu trop tendancieux. Quoiqu'il en soit, pendant mes 13 années à titre de premier ministre provincial, je ne me rappelle pas beaucoup d'occasions où il y ait eu unanimité entre 10 premiers provinciaux, ou même des occasions où la majorité étaient d'accord sur quelque chose. Les rares fois où c'est arrivé, l'unanimité ou l'accord s'est buté ultérieurement sur un obstacle. En l'occurrence, nous avons huit gouvernements provinciaux sur dix, huit premiers ministres provinciaux sur dix, qui sont contre ce projet de loi à l'heure actuelle.

Le sénateur Taylor: N'avez-vous pas été à la tête d'un groupe de huit qui était assez célèbre?

Le sénateur Buchanan: J'ai fait partie du groupe des huit en 1981. Toutefois, cela n'est pas arrivé trop souvent. C'est arrivé quand je m'en suis mêlé.

Dans ce dossier, huit gouvernements sur 11, si l'on inclut le gouvernement fédéral, c'est-à-dire environ 70 ou 75 p. 100 des gouvernements, se prononcent contre ce projet de loi, essentiellement pour deux raisons. Premièrement, ils disent qu'il enfreint l'Accord sur le commerce intérieur; et deuxièmement, qu'on ne dispose pas de preuves suffisantes pour conclure que le MMT doit être interdit.

À titre de ministre, ne trouvez-vous pas préoccupant que huit gouvernements sur 11, environ 75 p. 100, contre cette mesure? Le gouvernement fédéral a pressé le pas dans ce dossier, alors même que, comme vous pouvez le lire dans les lettres, tous les ministres de l'Environnement et les premiers ministres provinciaux disent «Écoutez, pas si vite. Faisons une étude définitive; une fois que ce sera fait, avec notre participation, s'il en ressort que cette substance est dangereuse pour l'environnement et la santé, nous serons les premiers à dire qu'il faut l'éliminer». L'ICCP en a dit autant. Cela ne vous préoccupe-t-il pas, à titre de ministre?

Le sénateur Nolin: Respectez la procédure régulière.

M. Marchi: Vous avez parlé de premiers ministres provinciaux. Comme vous le savez, trois premiers provinciaux ont écrit: ceux de la Nouvelle-Écosse de la Saskatchewan et de l'Alberta. En fait, quatre ont écrit, si l'on inclut le premier ministre de l'Ontario qui appuie le projet de loi. Quand vous dites que les premiers ministres des provinces sont unanimes, seulement trois premiers ministres provinciaux, qui sont contre, en ont parlé directement au premier ministre du Canada. Le premier ministre Harris a écrit pour se prononcer en faveur. Il y a également eu des lettres de mes collègues les ministres de l'Environnement et des ministres de l'Énergie.

Vous me demandez si cela me préoccupe que tant de provinces n'appuient pas encore le projet de loi? Pour être franc, je dois répondre oui, mais pas au point que nous ne soyons pas sûrs de notre fait. J'espère que je ne donne pas l'impression d'être arrogant; je ne voudrais pas donner cette impression. Je trouve préoccupant qu'il ait fallu si longtemps pour mobiliser les ministres de l'Environnement et les amener à faire ce qu'il convient de faire pour l'environnement et accorder la priorité à l'environnement, le commerce interne venant au second rang, même si je crois que, constitutionnellement et légalement, le gouvernement du Canada n'est pas dans l'erreur dans ce dossier en ce qui concerne le commerce intérieur.

Je suis préoccupé parce que c'est contraire au mandat même que le CCME s'est fixé dans la lutte contre la pollution atmosphérique et à la décision d'exiger l'installation de systèmes de diagnostic intégré pour améliorer les dispositifs de contrôle à bord des voitures. Cela me préoccupe parce que je crois que si nous devons accorder nos violons, nous devrions le faire dans le sens de l'action plutôt que de l'inaction et la temporisation.

Le sénateur Buchanan: Il en est question depuis 1995. Pourquoi votre ministère n'a-t-il pas mené une étude indépendante, sa propre étude définitive sur les effets du MMT sur l'environnement? On nous dit qu'il n'y a pas eu d'étude définitive; pourtant, j'ai ici des lettres qui remontent à 1995 et qui démontrent que l'affaire était déjà à l'étude. Pourquoi votre ministère n'a-t-il pas entrepris ces études? Si c'est dangereux, je conviens qu'il faut s'en débarrasser, mais Santé Canada dit que ce n'est pas dangereux.

Nous avons parlé il y a un instant des automobiles et de ce que l'EPA a dit. L'EPA a conclu que le MMT ne cause ni ne contribue, à causer la défaillance des véhicules en ce qui concerne l'observation des normes relatives aux émissions, exigées par la Loi américaine dite la Clean Air Act. Ce n'est pas que cet organisme ne dispose pas eu d'études concluantes. Il dit bien qu'il n'y a pas de problème. C'est écrit noir sur blanc. Je viens de le lire. Je n'arrive tout simplement pas à comprendre pourquoi, après deux ans, il n'y a toujours pas eu d'étude définitive pour tirer les choses au clair une fois pour toutes et classer l'affaire en légiférant comme il convient.

Vous dites que cette affaire préoccupe tellement les Canadiens. Je suis Canadien, comme le sont tous les Néo-Écossais. Nous pourrions construire une usine de MMT aussitôt après l'adoption de ce projet de loi. Ce n'est pas interdit. Nous pourrions l'utiliser en Nouvelle-Écosse. N'importe quelle province pourrait le faire. Ce ne serait peut-être pas logique économiquement de le faire, mais ce n'est pas interdit. Je trouve difficile à croire que l'on soit vraiment en présence d'un projet de loi environnemental ou d'un projet de loi qui traite de la santé. C'est un projet de loi commercial qui n'interdit pas le produit où que ce soit au Canada. On interdit simplement de le transporter d'une province à l'autre.

M. Marchi: Vous dites qu'il en est question depuis 1995 et vous m'avez demandé pourquoi nous n'avons pas fait ceci ou cela. Cette question remonte à une vingtaine d'années. Vous me direz qu'à plus forte raison, le Canada aurait dû faire quelque chose. Nous estimons que la preuve est suffisamment solide. Vous devriez peut-être en avoir plus. Vous voudriez peut-être une étude canadienne.

Le sénateur Buchanan: Pas moi, mais huit provinces du Canada le veulent.

M. Marchi: Nous disons que le gouvernement du Canada est suffisamment préoccupé par les preuves et les études accumulées au cours des 20 dernières années pour intervenir.

Le sénateur Buchanan: Dans ce cas, pourquoi ne pas l'interdire?

M. Marchi: Vous avez dit aussi que selon Santé Canada, le MMT n'est pas toxique, que c'est un produit sûr. Le représentant de Santé Canada qui a comparu devant vous a dit que son ministère appuie le projet de loi C-29. Il a reconnu que les études faites par le ministère n'ont pas tenu compte de la possibilité que le MMT encrasse les dispositifs antipollution des voitures et mette ainsi en péril la santé des Canadiens. Ils ont dit clairement que leur étude n'en tenait pas compte.

Par ailleurs, un autre fonctionnaire qui a témoigné antérieurement a dit que oui, le MMT ou le manganèse ne figure pas parmi les 25 substances déclarées toxiques aux termes de la LCPE, mais qu'il s'agit bel et bien d'une neurotoxine et qu'elle est dangereuse en elle-même, comme 23 000 autres produits chimiques. Ce n'est pas l'une des 25 substances inscrites sur la liste aux termes de la LCPE, mais cela ne veut pas dire qu'elle ne pose pas de risque pour la santé, surtout s'il est possible qu'elle encrasse les systèmes de diagnostic intégré des voitures. Il faut bien nuancer nos propos quant à ce que Santé Canada a dit et n'a pas dit.

Le sénateur Buchanan: Tout ce que je sais, c'est ce qu'ils ont dit.

Dans l'État de Californie, la compagnie Ethyl n'a pas demandé de dérogation et on n'utilise donc pas ce produit en Californie. Il est très curieux qu'en Californie, les compagnies d'automobiles aient demandé un délai jusqu'en l'an 2003 à cause de problèmes qu'ils éprouvent avec leurs systèmes OBD-II. Ces problèmes n'ont peut-être absolument rien à voir avec le MMT, parce qu'on ne s'en sert pas là-bas. Pourtant, l'industrie de l'automobile de Californie a dit «Écoutez, nous avons énormément de problèmes avec nos systèmes OBD-II. Par conséquent, veuillez nous donner un délai jusqu'à l'année automobile 2003 pour remédier à des lacunes de nos véhicules, non pas à cause du MMT, mais à cause d'autres problèmes que nous éprouvons avec les systèmes OBD-II».

M. Marchi: Sénateur, au début de mon témoignage, j'ai fait allusion à des rapports émanant de Californie. C'est à ce moment-là que quelqu'un a mentionné que des rapports avaient été déposés. J'en ai parlé et j'ai d'ailleurs apporté des copies du rapport émanant de Californie et datant d'octobre 1996, dans lequel on dit que ces systèmes n'ont pas mal fonctionné comme on l'avait prétendu. Il y a aussi un rapport daté d'août 1996 dans lequel on confirme qu'aucune dérogation ne sera accordée aux fabricants d'automobiles et que ce n'est pas une question de choix. J'ai offert de déposer ces rapports. On me dit que vous les avez peut-être déjà. La situation exposée dans ces rapports est à coup sûr très différente de celle que vous laissez entendre.

Le sénateur Buchanan: Le document que j'ai sous les yeux date de deux mois, du 12 décembre 1996.

M. Marchi: J'en ai un qui est daté d'août 1996 et l'autre d'octobre 1996.

Le sénateur Buchanan: Le rapport de la California Air Resource Board est daté du 12 décembre 1996.

M. Marchi: Nous avons deux rapports, nous aussi.

Le sénateur Buchanan: Vous n'avez pas celui-ci.

M. Marchi: J'ai cité le rapport d'octobre qui porte sur le fonctionnement des systèmes OBD-II et le rapport du mois d'août qui porte sur la question de savoir si les fabricants d'automobiles bénéficieront d'une dérogation leur permettant de ne pas doter leurs voitures de ces systèmes de diagnostic intégré.

Le président: Je vous invite à en faire parvenir copie au ministre; peut-être que son ministère pourrait l'examiner.

Le sénateur Kenny: Monsieur le ministre, vous avez répondu à une question de le sénateur Milne sur la santé des Canadiens. Pourriez-vous éclairer le comité et nous dire si vous disposez d'études sur les coûts que les Canadiens devront assumer au cas où ce projet de loi serait adopté? Plus précisément, je voudrais savoir si vous pourriez donner au comité des renseignements sur le coût supplémentaire probable que devront assumer les Canadiens en un an dans l'éventualité où le MMT serait interdit; je parle du coût supplémentaire à la pompe, en faisant le plein, et aussi en cas de réparations faisait suite au mauvais fonctionnement des dispositifs.

M. Marchi: Je voudrais apporter une précision. M. Vena me dit que le rapport de décembre fait partie intégrante des mêmes rapports que j'ai cités, mais je vais vous laisser le soin de déchiffrer ces rapports.

Pour ce qui est du coût, il en coûterait beaucoup plus cher de ne pas éliminer le MMT, sur le plan social, de la salubrité environnementale et économique et ce sont les propriétaires et exploitants de véhicules automobiles qui en assumeraient le coût.

Nous avons également examiné le rapport du CCME dans lequel on évoque les sommes incroyables que coûte actuellement ou que continuerait de coûter l'hospitalisation des gens souffrant de troubles respiratoires causés par le niveau de smog et d'ozone troposphérique.

Par conséquent, nous estimons que s'il fallait se prononcer essentiellement en se fondant sur le coût social et économique, la preuve penche clairement en faveur de l'élimination du MMT, plutôt que de continuer d'assumer ces énormes coûts sociaux et économiques, causés par la présente de cet additif.

Le sénateur Nolin: Monsieur le ministre, le sénateur Buchanan a soulevé la question des gouvernements provinciaux, des fonctionnaires et des homologues qui essaient de vous convaincre, vous et le gouvernement fédéral, d'attendre. Savez-vous qu'au Québec, ce n'est pas seulement le gouvernement provincial, mais aussi l'Assemblée nationale du Québec qui, en mai 1996, a adopté à l'unanimité une motion réclamant que l'on attende les résultats d'une étude plus poussée et crédible? Quelle est votre réaction à cela? Le ministre du Québec n'en a-t-il pas discuté avec vous?

M. Marchi: D'après ce que je me rappelle, il n'a jamais abordé la question avec moi.

Quant à la résolution, ma réaction a évidemment été d'accepter le verdict de l'Assemblée législative du Québec, dans la mesure où c'est son droit d'adopter une résolution. J'ai lu des parties de la résolution et nous y avons répondu. J'estime que nous avions réponse aux arguments fondamentaux de la résolution, qui n'apportait rien de neuf. C'était l'expression d'un souhait de l'assemblée législative. Je respecte cela. Toutefois, les arguments présentés dans la résolution ne m'ont nullement convaincu de modifier fondamentalement le projet de loi C-29.

Le sénateur Nolin: Ils vous suppliaient de faire faire une étude indépendante et crédible.

M. Marchi: Je ne suis pas sûr qu'ils nous suppliaient. Ils affirmaient la volonté de l'assemblée législative à ce moment précis. Je me rappelle également que l'Assemblée législative du Québec a adopté trois ou quatre autres résolutions sur d'autres questions. Je ne suis pas certain que ces autres résolutions aient eu plus d'effet dans les autres dossiers visés. Il arrive de temps à autre qu'une assemblée législative adopte une résolution.

Le sénateur Nolin: Il est toujours avisé, sur le plan politique, de ne pas semer la discorde avec les provinces.

Le sénateur Cools: En réponse au sénateur Nolin, je voudrais dire que les ministres sont toujours sous serment, en tout temps, quand ils assument leurs fonctions de ministre. Un ministre est donc constamment sous serment quand il témoigne devant un comité ou se livre à ses fonctions de parlementaire. Il n'est pas nécessaire de faire prêter un serment quelconque à un ministre. Je dis cela parce que cette question des privilèges du Parlement me préoccupe de temps à autre.

En toute déférence pour M. Marchi, je voudrais dire que nous voyons beaucoup de ministres venir témoigner devant nos comités et que le ministre Marchi est régulièrement et constamment courtois et respectueux.

M. Marchi: Je remercie officiellement le sénateur de sa générosité.

En réponse au sénateur Nolin, je sais qu'il ne parlait pas sérieusement quand il a laissé entendre que nous cherchions la discorde avec les provinces. Il faut dire une chose: les législateurs du Québec ont peut-être adopté une résolution à un moment donné dans ce débat, mais le Québec a joué un rôle extraordinairement utile pour ce qui est de l'harmonisation fédérale-provinciale dans le dossier de l'environnement. À un moment donné, le Québec a été absent des réunions fédérales-provinciales sur l'environnement pendant près de deux ans.

Non seulement le Québec est-il représenté aujourd'hui, mais il l'est de façon très compétente en la personne de David Cliche qui, par-dessus tout est un bon environnementaliste. Le rôle que M. Cliche a joué dans les réunions fédérales-provinciales, que ce soit sur la LCPE, les espèces menacées de disparition ou l'ALÉNA, a été très sain et c'est probablement l'une des grandes réussites méconnues, quand on parle de gouvernements qui travaillent ensemble harmonieusement et font les choses comme il faut. Ce rôle n'est pas bien connu et il mérite de l'être.

Le sénateur Nolin: Si vous respectez tellement vos partenaires, pourquoi n'avez-vous pas abordé le dossier du MMT avec eux dans le cadre de la procédure régulière du CCME?

M. Marchi: Je ne suis pas certain que l'on ait demandé d'aborder la question au CCME.

Le sénateur Nolin: On l'a demandé.

M. Marchi: Je réagissais à vos propos, quand vous avez laissé entendre que nous essayons de provoquer la confrontation avec la province de Québec, alors qu'en vérité, il y a plus de coopération que de désaccord sur l'environnement.

Le sénateur Nolin: Le gouvernement dont je faisais partie a créé le CCME.

Le président: Monsieur le ministre, je vous remercie d'être généreux de votre temps et d'avoir bien voulu venir nous rencontrer. Nous allons faire une pause de 10 minutes, après quoi nous reprendrons la séance à huis clos.

La séance se poursuit à huis clos.


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