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Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule 15 - Témoignages pour le 11 mars 1997


OTTAWA, le mardi 11 mars 1997

Le comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, qui a été saisi du projet de loi C-23, Loi constituant la Commission canadienne de sûreté nucléaire et modifiant d'autres lois en conséquence, se réunit aujourd'hui à 9 h 05 pour examiner le projet de loi.

Le sénateur Ron Ghitter (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Mesdames et messieurs, il y a longtemps que nous vous attendons. Certains diraient que nous attendons ce projet de loi depuis des années. Il est enfin devant nous. Nous vous souhaitons la bienvenue ici aujourd'hui et nous sommes impatients d'entendre vos remarques. Veuillez nous expliquer le projet de loi.

M. Peter Brown, directeur, Déchets radioactifs et radiation, Direction de l'uranium et de l'énergie nucléaire, Ressources naturelles Canada: Je suis accompagné aujourd'hui de Mme Anne-Marie Fortin, avocate, et de M. Mark Dallaire, conseiller en technologie nucléaire, de Ressources naturelles Canada. Sont aussi présents aujourd'hui, de la Commission de contrôle de l'énergie atomique, Mme Agnes Bishop, présidente, M. Pierre Marchildon, secrétaire général, et Mme Audrey Nowack, avocate.

Tout d'abord, je tiens à vous remercier de m'avoir invité ici aujourd'hui. J'aimerais commencer par faire quelques observations générales au sujet du projet de loi C-23, Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires, puis, après l'intervention de Mme Bishop, c'est avec plaisir que je répondrai aux questions que vous voudrez bien me poser.

Les Canadiens retirent un certain nombre d'avantages non négligeables de l'industrie nucléaire canadienne. J'aimerais prendre le temps de souligner quelques-uns de ces avantages parmi les plus importants.

Les centrales nucléaires fournissent environ 20 p. 100 de l'électricité au Canada. En Ontario, elles en produisent plus de 60 p. 100. En plus d'être une source d'électricité sécuritaire et fiable, l'énergie nucléaire se caractérise par des facteurs de rendement élevés et de faibles coûts unitaires en matière de combustible et d'exploitation, qui en font une source d'électricité économique. Les centrales nucléaires présentent également un grand avantage du point de vue de l'environnement en ce sens qu'elles ne produisent pas de gaz à effet de serre. Cet aspect est particulièrement important si l'on en juge par les préoccupations croissantes des Canadiens vis-à-vis du réchauffement de la planète et du changement climatique planétaire.

Le Canada est également le premier producteur mondial d'uranium. Il alimente des fournisseurs d'électricité dans de nombreux pays du monde. Chaque année, nous exportons pour quelque 500 millions de dollars d'uranium qui sert exclusivement à des fins pacifiques.

Ce ne sont pas les seuls avantages. Les technologies nucléaires sont très utilisées en médecine, pour le traitement du cancer et les diagnostics. En fait, un Canadien sur quatre qui se rend à l'hôpital reçoit un diagnostic basé sur la technologie nucléaire.

Comme vous vous en doutez, l'industrie nucléaire est une importante source d'emplois pour les Canadiens. On estime que l'industrie nucléaire canadienne emploie à elle seule plus de 26 000 personnes; ses fournisseurs d'équipement non nucléaire en emploient pour leur part environ 10 000. Il s'agit en grande partie d'emplois hautement spécialisés en fabrication, en construction et en services, qui découlent des commandes passées par des centrales nucléaires CANDU.

Ce ne sont là que quelques exemples des principaux avantages que les Canadiens retirent de l'industrie nucléaire. Il est juste que les Canadiens continuent de bénéficier de ces avantages. Le projet de loi C-23 dotera les Canadiens d'un instrument législatif moderne qui réglementera l'industrie nucléaire canadienne et qui, à l'aube du XXIe siècle, garantira aux Canadiens un organisme de réglementation de cet important secteur industriel qui soit à la fois solide et indépendant.

J'aimerais maintenant passer en revue quelques-uns des principaux aspects de la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires.

La Loi sur le contrôle de l'énergie atomique, la loi actuelle qui régit la Commission de contrôle de l'énergie atomique, est entrée en vigueur en 1946, il y a plus de 50 ans. Elle a été élaborée à un moment où le souvenir de la guerre nucléaire était encore frais et, partant, elle a été établie avant tout pour assurer la sécurité nationale. Aujourd'hui, comme chacun le sait, les activités et les responsabilités de la Commission de contrôle de l'énergie atomique dépassent de beaucoup les questions de sécurité nationale. La commission vise avant tout à faire en sorte que le développement et l'utilisation de l'énergie nucléaire ne posent pas de risque inacceptable pour les Canadiens ou pour l'environnement.

La Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires reflète ce changement de perspective. Le projet de loi C-23 établit clairement que l'une des responsabilités de l'organisme de réglementation nucléaire est de veiller à la santé et à la sécurité des travailleurs du secteur nucléaire et du public, ainsi que de protéger l'environnement. Pour refléter ce changement de mandat, la Commission de contrôle de l'énergie atomique sera rebaptisée Commission canadienne de sûreté nucléaire.

Je tiens à affirmer que la commission conservera son rôle dans les questions de sécurité nationale en ce qui a trait au nucléaire. La commission aura le pouvoir de délivrer des licences ou des permis autorisant l'importation et l'exportation de matières et de technologies nucléaires. Elle contrôlera la diffusion d'information concernant les technologies nucléaires et elle aura le pouvoir de mettre en place, au Canada, les mesures que le Canada a convenu d'adopter pour assurer le contrôle international de l'énergie nucléaire, particulièrement en ce qui touche la non-prolifération des armes nucléaires et des dispositifs nucléaires explosifs.

La réforme de la réglementation et son efficacité constituent l'une des priorités du gouvernement actuel. Le projet de loi C-23 s'inscrit dans un tel engagement, car il contient un grand nombre des outils qui caractérisent un régime de réglementation moderne. Ainsi, il réglemente de façon plus explicite l'industrie nucléaire, en clarifiant les pouvoirs de la commission en matière de délivrance de licences ou de permis, en précisant les vastes pouvoirs de réglementation de la commission et en clarifiant les pouvoirs des inspecteurs et des fonctionnaires désignés. Le projet de loi C-23 contient également des dispositions d'appel pour les décisions et les ordres des inspecteurs et des fonctionnaires désignés ainsi que pour les décisions de la commission.

La commission se verra aussi remettre les outils nécessaires pour administrer un régime de réglementation moderne. Par exemple, le nombre de commissaires sera porté de cinq à sept, ce qui permettra à la commission d'élargir ses compétences. Les membres de la commission pourront se réunir en groupes de travail et rendre des décisions devant le groupe de travail, au nom de la commission. Cette souplesse permettra à la commission de s'acquitter plus efficacement de ses fonctions.

Le projet de loi C-23 renferme aussi des dispositions qui touchent de graves lacunes relevées par le vérificateur général. Rappelez-vous l'automne dernier: le vérificateur général avait souligné que les deux tiers de ses recommandations de 1994 visant à améliorer le fonctionnement de la CCEA étaient liées en tout ou en partie à des dispositions du présent projet de loi. Une des dispositions les plus importantes stipule que la commission aura le pouvoir d'exiger, comme condition d'un permis, une forme de garantie financière pour les activités de déclassement, ce qui permettra d'éviter que des gouvernements ne deviennent propriétaires de dernière instance.

Deuxièmement, la commission aura le pouvoir d'exiger des frais pour ses services, notamment des droits de permis pour les activités réglementées.

Enfin, les amendes maximales pour infractions aux conditions d'un permis seront portées à un million de dollars, le maximum actuel de 10 000 $ ne constituant, comme les membres du comité en conviendront sans doute, qu'un coût vexatoire pour les grands détenteurs de permis.

Le projet de loi C-23 renferme des dispositions pour aider les gouvernements fédéral et provinciaux à réduire ou à éliminer les chevauchements et les doubles emplois dans la réglementation de l'industrie nucléaire. Le projet de loi C-23 permettra en particulier au gouvernement d'incorporer des règlements provinciaux dans la législation fédérale pour ensuite déléguer l'administration de cette réglementation à la province. Il permettra aussi à des responsables provinciaux d'être nommés inspecteurs et fonctionnaires désignés de la commission, et d'assumer des responsabilités fédérales en tant qu'agents de la commission.

Cette législation est en cours de préparation depuis plusieurs années, et autant la CCEA que le ministère des Ressources naturelles ont mené de vastes consultations auprès de l'industrie et des provinces pendant cette étape de préparation. Le gouvernement a été ouvert aux suggestions visant à améliorer le projet de loi et a en fait répondu à plusieurs questions soulevées par les différentes parties au cours de son examen par la Chambre des communes.

Premier exemple: pour répondre aux questions soulevées quant au fait que la commission n'est pas obligée de tenir des audiences publiques nous avons modifié le projet de loi pour rendre obligatoire la tenue d'audiences publiques, à moins d'indication contraire dans la réglementation. Deuxième exemple: en réponse aux questions soulevées quant au manque de consultation concernant les droits de permis, nous avons modifié le projet de loi pour rendre obligatoire la publication d'avance de tout règlement sur ces droits dans la Gazette du Canada et accorder un délai raisonnable à quiconque désire faire des commentaires.

Des modifications ont aussi été apportées à l'article 32, qui décrit les pouvoirs des inspecteurs, dans le but d'expliciter ces pouvoirs. Quatrième exemple: les dispositions concernant la délégation à une province de la responsabilité administrative de la réglementation fédérale ont été modifiées pour s'assurer que le consentement de la province a été obtenu, et éviter ainsi tout «délestage» sur le dos de la province. Enfin, une modification a été introduite pour assurer une défense basée sur le principe de «diligence raisonnable» en cas d'infraction à la LSRN ou à son règlement, sauf si l'infraction est associée au terrorisme ou aux armes nucléaires.

Pour conclure, j'aimerais faire quelques commentaires sur l'indépendance de la CCEA et sur son renforcement grâce à la présente législation. De par la loi et l'orientation stratégique du gouvernement, la CCEA est un organisme de réglementation indépendant. Même si le ministre des Ressources naturelles est chargé de définir les grandes orientations de la CCEA, il ne doit intervenir dans aucune question relevant de la compétence de la CCEA. La présente législation accroît l'indépendance de l'organisme de réglementation nucléaire sous de nombreux aspects mineurs, quoique importants.

Premièrement, contrairement aux membres de la CCEA, les membres de la commission ne seront pas nommés «à titre amovible», mais pour une période déterminée, et ils ne pourront être limogés que pour des motifs valables. Deuxièmement, le pouvoir du gouvernement de fixer des objectifs stratégiques généraux pour la commission sera conféré au gouverneur en conseil, et non pas au ministre. Enfin, les grandes orientations stratégiques de la commission devront être déposées devant le Parlement.

Monsieur le président, comme je l'ai fait remarquer au début, l'industrie nucléaire canadienne offre aux Canadiens de nombreux avantages, et les Canadiens méritent de pouvoir profiter encore de ces avantages. Cela dit, les Canadiens doivent pouvoir être confiants que l'énergie nucléaire est mise en valeur et utilisée d'une manière sûre. Le projet de loi C-23 vise à créer un organisme de réglementation fort et indépendant, doté de la structure et des caractéristiques d'un régime de réglementation moderne, qui ouvrira à l'industrie les portes du XXIe siècle.

Cette loi est attendue depuis longtemps. Il est temps que le Parlement offre aux Canadiens une loi renouvelée pour réglementer une importante industrie canadienne.

Je vous remercie de m'avoir permis aujourd'hui de m'adresser au comité au sujet de la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires. Après les remarques de Mme Bishop, je serai heureux de répondre à toutes vos questions concernant le projet de loi.

Mme Agnes J. Bishop, présidente, Commission de contrôle de l'énergie atomique: Monsieur le président, honorables sénateurs, je tiens, moi aussi, à vous remercier de la possibilité qui m'est offerte de m'adresser au comité et de répondre à toute question que les membres pourraient avoir à poser.

À l'approche du tournant du XXe siècle, les Canadiens reconnaissent que l'énergie nucléaire est une technologie utile et bien établie au Canada. Une partie importante de notre économie en dépend directement ou indirectement. Et l'investissement fédéral dans ce domaine est important, tout comme celui de plusieurs provinces.

L'application pacifique la plus connue de l'énergie nucléaire, soit la production d'électricité, fait partie des sources d'énergie au Nouveau-Brunswick, au Québec et en Ontario. Dans tout le Canada, on tient presque pour acquis les applications scientifiques, industrielles et médicales de l'énergie nucléaire, dont plusieurs ont des retombées importantes pour la sécurité et la survie des personnes.

Même si la responsabilité première en matière de sûreté doit continuer d'être assumée par l'industrie nucléaire, l'industrie a sans cesse reconnu l'importance et la nécessité de pouvoir compter sur un organisme de réglementation solide, crédible et indépendant pour contribuer à la réalisation d'objectifs de sûreté acceptables. De plus, les exigences et les attentes du grand public en matière de normes pour réglementer les activités nucléaires sont très élevées, plus élevées encore que pour la plupart des domaines technologiques. Il s'attend également à ce que l'organisme fédéral chargé de la réglementation nucléaire soit en mesure de veiller à ses intérêts en matière de santé, de sûreté, de sécurité matérielle et de protection de l'environnement.

Toutefois, l'industrie nucléaire canadienne, une industrie à haute technologie et tout à fait moderne, est régie par une loi qui date de 50 ans. La législation actuelle n'est pas restée à la hauteur de la croissance et de la maturation de l'industrie nucléaire. La Loi sur le contrôle de l'énergie atomique a été proclamée peu de temps après la Seconde Guerre mondiale. À part une modification apportée en 1954 pour permettre la création de l'Énergie atomique du Canada, limitée, la loi est demeurée essentiellement inchangée pendant cinq décennies.

Le tribunal administratif créé par la loi, la Commission de contrôle de l'énergie atomique, ou CCEA, est le plus vieil organisme indépendant de réglementation nucléaire au monde. Au fil des ans, la CCEA a atteint un niveau de succès élevé dans ses travaux. Mais depuis 1946 il y a eu des changements marqués dans la portée et la nature des activités nucléaires au Canada et à l'étranger, ainsi que dans les attentes de la société face à la réglementation gouvernementale. La CCEA, qui, dans l'exercice de son mandat de réglementation, s'attachait principalement à la sécurité, a évolué pour s'intéresser très fortement au contrôle des incidences des activités nucléaires sur la santé, la sûreté et l'environnement. Les tribunaux, les médias, les groupes d'intérêts particuliers, le vérificateur général et les comités parlementaires, de même que la CCEA elle-même, ont tour à tour relevé les lacunes de la Loi sur le contrôle de l'énergie atomique.

Ces lacunes comprennent le manque de pouvoirs formels pour les inspecteurs de la CCEA, le plafond nettement insuffisant de 10 000 $ pour les amendes, l'absence de dispositions pour la tenue d'audiences publiques, le manque de pouvoirs explicites pour le recouvrement des coûts de la réglementation auprès des usagers et l'inaptitude de la CCEA à pouvoir tenir les pollueurs financièrement responsables de leurs actions ou à pouvoir prendre des mesures correctrices.

Afin de pallier une loi inadéquate, le gouvernement a présenté au Parlement le projet de loi C-23, Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires. En vertu de la nouvelle loi, la CCEA deviendrait la Commission canadienne de sûreté nucléaire, un nom plus caractéristique. Même si ce changement semble mineur, il n'en constitue pas moins un signal clair que les fonctions de promotion et de réglementation du nucléaire sont entièrement distinctes dans notre pays, comme elles l'ont été d'ailleurs dans la réalité depuis 1954. De plus, la nouvelle désignation anglaise de l'organisme fédéral de réglementation nucléaire, soit «Canadian Nuclear Safety Commission», ou CNSC, ne pourrait plus être confondue avec la désignation anglaise de l'organisme national de recherche et de développement nucléaire, «Atomic Energy of Canada Limited», ou AECL. Cette confusion entre AECL et AECB («Atomic Energy Control Board»), qui demeure courante encore, n'existe pas en français.

Dans le cours de débats, et dans des remarques antérieures au comité, vous avez pu prendre connaissance de plusieurs des avantages de ce projet de loi. J'aimerais donc simplement aborder quelques-uns d'entre eux.

Le projet de loi C-23 fait référence directement à l'environnement comme secteur de préoccupation de l'organisme de réglementation, ce que la loi actuelle ne fait pas. Il ne s'agit pas de faire en sorte que la commission chevauche les responsabilités des autorités fédérales et provinciales en matière d'environnement. Cette référence reflète plutôt une préoccupation publique et politique de tenir compte de l'environnement, de même que des personnes, dans les activités réglementaires de la commission.

Les dispositions de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, notamment, continueront, comme il se doit, de faire partie des éléments que la commission prendra en considération dans son processus de prise de décisions. L'adoption du projet de loi C-23 donnerait à la commission les pouvoirs nécessaires pour obtenir les assurances financières garanties de la part des titulaires de permis pour le déclassement de leurs installations, ce qui supprimerait la responsabilité actuellement assumée par les contribuables lorsqu'un titulaire de permis devient insolvable ou cesse d'exister en tant qu'entité pouvant être poursuivie pour des actions ou le remboursement de frais. Je crois que la question des garanties financières est un élément important de ce projet de loi. Cette disposition constitue un outil de poids pour s'assurer que l'État n'aura pas à assumer la charge d'«orphelins» nucléaires.

La nouvelle législation exigerait que les parties responsables assument les frais de décontamination et d'autres mesures correctrices. Elle permettrait aussi à la commission d'ordonner que des mesures soient prises dans les situations dangereuses. L'amende maximale qu'un tribunal pourrait imposer en cas de violation de la loi ou d'un règlement d'application serait 100 fois plus élevée et atteindrait un million de dollars, ce qui correspond aux peines actuelles fixées en vertu d'autres lois réglementaires.

La nouvelle législation va permettre une plus grande coopération entre l'organisme fédéral de réglementation et les ministères et organismes provinciaux. La Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires donnera à la commission de nouveaux outils pour réduire la duplication et les chevauchements et pour négocier de nouveaux programmes de réglementation conjoints avec les provinces. La loi donnerait à la commission un cadre général pour lui permettre d'établir des mécanismes de coopération avec les provinces, non seulement informels, mais aussi légaux, en adoptant ou en prescrivant des références aux lois provinciales, par exemple, et en rémunérant les organismes provinciaux pour le travail exécuté suivant les ententes ainsi conclues. Nous avons déjà expérimenté des mécanismes de coopération, et nous aimerions pouvoir continuer à tirer profit de ces arrangements sur une base plus élargie et fondée en droit.

Un élément clé du projet de loi est l'article traitant des pouvoirs des inspecteurs. Les inspecteurs sont, pour ainsi dire, les yeux et les oreilles de la commission en ce qu'ils veillent à la conformité à la loi et aux permis que nous délivrons. Ils jouent divers rôles, qui vont de conseiller à agent de police, et ils sont notre lien le plus fréquent avec bon nombre de nos milliers de titulaires de permis.

Sur les quelque 400 employés de la commission, nous comptons actuellement 130 inspecteurs accrédités. Nous devons leur procurer une assise juridique plus solide pour leur permettre de s'acquitter de leurs fonctions. Le projet de loi C-23 prévoit les dispositions nécessaires à cette fin. Il faut cependant noter que les pouvoirs des inspecteurs s'accompagnent aussi de contraintes qui reconnaissent les droits de ceux qui sont soumis aux inspections.

En matière de droits, le projet de loi C-23 prévoit aussi de manière claire et officielle que l'on puisse en appeler des actions et des décisions de la commission et de ses agents. Il est rare que nous recevions des demandes d'appel, et nous n'avons jamais refusé de les entendre, mais actuellement il existe peu de garanties juridiques dans ce domaine pour ceux qui sont soumis à la réglementation et aux conditions de permis.

Enfin, le projet de loi C-23 contient des dispositions juridiques permettant à la commission de tenir des audiences publiques, qui, en matière de protection environnementale et autre, sont devenues des instruments de base pour assurer la consultation et la participation du public à la prise de décisions. Depuis 1988, la CCEA a déployé des efforts importants pour ouvrir ses réunions au public et pour visiter les collectivités qui sont situées près d'installations nucléaires, initiatives qui ont permis à plusieurs personnes de se faire entendre. Toutefois, la commission actuelle n'a pas les pouvoirs nécessaires pour tenir des audiences publiques, dans le sens formel du terme. En vertu du projet de loi, la commission disposerait de pouvoirs similaires à ceux d'une cour d'archives et devrait tenir des audiences publiques sur certaines questions. Elle serait, en outre, apte à tenir une audience publique si elle jugeait que cela est dans l'intérêt public.

Afin de remplir son mandat en vertu de la nouvelle législation, la commission devra élaborer une série de règlements pour préciser les exigences détaillées qui s'appliqueront aux diverses activités de l'industrie nucléaire. On procédera à une consultation des titulaires de permis et du public pour faire en sorte que les exigences particulières sont appropriées et équitables.

La loi actuelle, soit la Loi sur le contrôle de l'énergie atomique, a été établie peu après la guerre, vers le milieu du présent siècle, pour régir une technologie prometteuse, mais fondamentalement dangereuse. Le développement actuel de la technologie et ses multiples applications pacifiques surprendraient vraisemblablement même les plus visionnaires des parlementaires qui ont adopté la première loi.

La législation proposée guidera l'organisme de réglementation nucléaire du Canada pour qu'il puisse amorcer le nouveau siècle avec un cadre législatif amélioré et plus à jour, et avec les pleins pouvoirs pour veiller à la santé et à la sécurité des travailleurs et du public, à la sécurité nationale et à la protection de l'environnement.

La CCEA a célébré l'année dernière son 50e anniversaire. Nous croyons que les défis que le Canada et le monde devront relever au cours des 50 prochaines années en matière de sûreté nucléaire, de gestion des déchets radioactifs et de non-prolifération des armes nucléaires accentuent l'importance pour le Parlement de continuer d'exercer un contrôle réglementaire ferme sur cette technologie comme il le fait depuis cinq décennies.

Je vous remercie, monsieur le président. Je suis à votre disposition pour répondre aux questions des membres du comité.

Le sénateur Spivak: Sauf erreur, à l'heure actuelle, la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale ne contient aucune disposition de réglementation visant les sociétés de la Couronne. Est-ce que cette nouvelle commission sera une société de la Couronne?

Il est possible de prévoir une réglementation, mais pour le moment il n'y en a pas. D'ailleurs, c'est la raison invoquée par le gouvernement pour expliquer que la dernière vente de réacteurs CANDU n'ait pas été assujettie à une évaluation environnementale. Qu'en est-il exactement?

Mme Bishop: La Commission de contrôle de l'énergie atomique et la nouvelle commission proposée dans ce projet de loi doivent tenir compte des dispositions de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale chaque fois qu'elles prennent des décisions.

Le sénateur Spivak: Cela veut-il dire qu'il y aura des règlements?

Mme Bishop: Absolument. Il y aura des règlements, plus la LCEE.

Mme Audrey Nowack, avocate, Services juridiques, Commission de contrôle de l'énergie atomique: La commission sera un agent de la Couronne, mais non pas une société de la Couronne au sens auquel vous pensez, sénateur. Elle ne sera pas considérée comme une société commerciale, comme l'EACL.

Mais vous avez raison, sénateur. Actuellement, les sociétés telles que EACL, qui commercialisent les réacteurs CANDU, ne sont pas directement couvertes par cette loi. Cependant, la CCEA et la commission sont des administrations de réglementation qui sont couvertes actuellement par la LCEE parce que le genre de décisions qu'elles prennent déclenchent des évaluations environnementales. Ce sont des organismes d'un genre différent.

Le sénateur Spivak: Vous avez 130 inspecteurs accrédités. Pourtant, un article récent dans les journaux citait des centaines de violations des règlements de sûreté en Ontario. Vous avez tous lu ces histoires d'employés qui se servent de leurs écrans d'ordinateur pour jouer ou qu'on trouve endormis à leur poste, et cetera. Est-ce que ce projet de loi vous donne des armes supplémentaires pour faire respecter les règlements? Pourriez-vous nous dire ce que vous pensez de ces dernières révélations faites grâce à la Loi sur l'accès à l'information?

Mme Bishop: Je suppose que vous parlez d'Ontario Hydro.

Le sénateur Spivak: Oui.

Mme Bishop: Vous devez savoir que nous avons du personnel sur place dans toutes les installations nucléaires. Il y travaille tous les jours.

Si vous aviez lu notre rapport annuel, vous auriez constaté que nombre des incidents relatés dans cet article avaient déjà été signalés et admis. En fait, en 1995, Ontario Hydro, qui ne s'en cache pas, avait déjà reçu de solides admonestations de la CCEA. Cependant, il est possible que cela ne change en rien le genre d'inspections auxquelles nous soumettons ces installations particulières.

Pour nos nombreux titulaires de licences, cette nouvelle loi aide grandement nos inspecteurs, puisque dorénavant leurs responsabilités seront protégées par la loi. Je répondrai quand même oui à votre question, car si une loi ne peut en soi améliorer les normes elle est indispensable pour les faire respecter.

Le sénateur Carney: J'aimerais poser deux autres questions à propos de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale. J'ai trouvé votre explication de la différence de statut entre une société de la Couronne et la commission fort instructive.

Nos documents de travail indiquent que, comme le veut la pratique actuelle, la commission étudiera les recommandations du comité d'examen de la LCEE dans le cadre de sa procédure d'octroi de licences et réglementera toutes les phases du projet, allant de la construction à l'exploitation des installations nucléaires en collaboration avec d'autres administrations de réglementation. Étudier ne veut pas dire obtempérer. Dans quelle catégorie se trouvera la commission? Sera-t-elle assujettie à l'examen exhaustif et rigoureux de la LCEE, ou sera-ce une simple formalité?

Mme Bishop: Les décisions prises par la commission sont régies par les dispositions de la LCEE, dans la mesure où nombre des décisions prises par la CCEA conformément aux pouvoirs que lui confèrent les règlements relèvent de la catégorie établie par la LCEE. Dans un tel cas, il doit être déterminé si l'activité particulière réglementée correspond au projet défini par la LCEE et exige automatiquement une évaluation. À ce niveau, la procédure suivie restera la même.

Lorsqu'il y a évaluation par un comité d'examen -- ce qui n'est pas toujours le cas, puisque certaines demandes sont traitées sur simple étude du dossier -- alors, oui, les dispositions de la LCEE, telles qu'elles ont été modifiées à la suite de l'entrée en vigueur de la LCEE, requièrent que les recommandations du comité et les réponses à ces recommandations soient envoyées pour approbation au gouverneur en conseil. La décision en résultant doit se conformer à l'approbation du gouverneur en conseil. En cas d'évaluation par un comité d'examen, la commission, dans ce cas, sera elle aussi assujettie à cette procédure.

Le sénateur Carney: C'est un décret du conseil?

Le sénateur Spivak: J'ai du mal à comprendre.

Le sénateur Carney: Le problème, c'est le caractère vraiment obligatoire de ces examens. S'il y a des exceptions, et je crois que c'est là que le sénateur Spivak veut en venir, ou s'il peut y avoir ratification par décret du conseil, il y a alors multiplication des occasions d'éviter la procédure de la LCEE. Vous voudrez peut-être dire un mot ou deux à ce sujet.

Ma deuxième question concerne le chevauchement avec les provinces. Une disposition de la Loi sur l'examen des évaluations environnementales donne la préférence aux systèmes d'examen provinciaux plutôt qu'au système fédéral. Comment est-ce perçu par le Québec, qui nous a posé quelques problèmes à propos de cette mesure législative qui conteste la compétence du gouvernement fédéral dans ce domaine? Quelle est la situation dans les autres provinces? Devriez-vous commencer par le caractère obligatoire de ces examens? L'application de la LCEE offre-t-elle certaines latitudes?

Mme Nowack: Ni dans ce projet de loi ni dans les règlements qui l'accompagnent. La procédure de la LCEE qui s'applique à la commission est entièrement contenue dans la LCEE et dans ses règlements. Cette nouvelle loi n'y change rien.

Le sénateur Carney: Pour ce qui est de son application dans des provinces comme l'Ontario et le Québec, avez-vous changé quoi que ce soit?

Mme Nowack: Non. La LCEE prévoit le remplacement des audiences d'un organisme comme la commission par les audiences d'un comité d'examen de la LCEE. Il sera toujours possible d'envisager cette possibilité. Pour avoir une réponse plus détaillée à votre question, vous devriez la poser à un des membres de ce comité.

Mme Bishop: Pour certains de ces comités environnementaux -- par exemple, pour l'exploitation minière de l'uranium en Saskatchewan -- les représentants provinciaux et fédéraux ont décidé de se réunir ensemble pour joindre leurs efforts. Il s'est passé la même chose au Québec.

M. Pierre Marchildon, Secrétariat du directeur général, Commission de contrôle de l'énergie atomique: Je pourrais peut-être ajouter quelques mots sur la situation au Québec. À la suite des consultations qui ont eu lieu l'année dernière, les représentants du Québec nous ont écrit pour nous dire que cette loi ne provoquait aucune polémique au Québec.

Hydro-Québec a aussi été consultée et approuve cette loi. Certaines des questions abordées avec Hydro-Québec incluaient celle de la conformité avec les Chartes des droits et libertés canadienne et québécoise, la question des analyses coûts-avantages ainsi que la question des garanties financières et du fardeau réglementaire. Toutes ces questions ont été réglées à la satisfaction des représentants provinciaux et d'Hydro-Québec.

Mme Bishop: Mais votre question concernait plus précisément l'environnement.

Le sénateur Carney: Cette réponse me satisfait entièrement.

Mme Bishop: Un autre exemple de collaboration étroite des gouvernements provincial et fédéral a concerné la centrale de Gentilly, pour laquelle un règlement environnemental provincial exigeait l'examen par un comité. La loi fédérale ne l'aurait pas exigé, mais la commission a tenu compte des considérations provinciales. Il y a énormément de coopération.

Le sénateur Carney: Je ne connais pas bien cet aspect du projet de loi, mais quelle est l'amélioration au niveau de la réglementation de la gestion des déchets par rapport à ce qui existait déjà? Il est stupéfiant que ce soit la même loi qui s'applique dans ce domaine depuis 50 ans, compte tenu de tout ce qui s'est passé pendant cette période. À quel niveau voyez-vous des améliorations en matière de gestion des déchets dans ce projet de loi?

Mme Bishop: Pour commencer, grâce à ce projet de loi, désormais les titulaires de licences seront financièrement responsables du déclassement de leurs installations. C'est excessivement important, qu'il s'agisse de mines ou d'autres aspects des activités de l'industrie. Le déclassement inclut la gestion des déchets. C'est primordial si nous voulons gérer correctement cette question des déchets.

Deuxièmement, ce n'est pas la commission qui, par exemple, prend la décision d'enterrer des déchets de haute activité dans le Bouclier canadien. Ce n'est pas nous qui prenons cette décision, mais une fois que les paliers de gouvernement appropriés auront pris leurs décisions, c'est la commission qui jugera de la sûreté des méthodes choisies.

En matière de déclassement, cette loi donne aussi à la Couronne, l'obligation de fournir les fonds nécessaires à ces déclassements. C'est également important.

Le financement des déclassements sert aussi à la gestion des déchets. Encore une fois, nos pouvoirs d'inspection sont très importants au niveau du respect des règlements concernant les installations de gestion des déchets. Je ne sais pas si cela répond à votre question. M. Brown pourra peut-être ajouter quelque chose.

M. Brown: En gros, le gouvernement attaque le problème des déchets radioactifs des deux côtés à la fois. Comme Mme Bishop vient de nous le dire, la nouvelle loi requiert que des fonds soient prévus pour les déclassement et pour la conservation et la surveillance à long terme de ces déchets.

Le sénateur Carney: Cela inclut la production actuelle?

M. Brown: Oui. S'ils produisent des déchets, ils doivent mettre de côté l'argent pour s'en débarrasser. Ce n'était pas une habitude généralisée auparavant, et le problème a été reconnu par le gouvernement.

Le 10 juillet de l'année dernière, le ministre des Ressources naturelles a proposé une politique de gestion des déchets radioactifs au Canada. Cette politique comprenait trois éléments majeurs. Le premier était que le gouvernement devait s'assurer que cette gestion des déchets au Canada était efficace, globale et sans danger pour l'environnement. Deuxièmement, le gouvernement a la responsabilité de réglementer, d'administrer la politique et également de veiller à ce que les producteurs de déchets fassent correctement leur travail. Troisièmement, les producteurs de déchets ont eux-mêmes la responsabilité, pour commencer, de prendre les mesures financières nécessaires et, deuxièmement, de prendre les mesures institutionnelles nécessaires pour se charger de ces déchets et de leur évacuation.

Il est désormais clair qu'au Canada ce sont les propriétaires des déchets qui ont la responsabilité de se charger de leur gestion future et de prévoir les mesures et le financement nécessaires afin que ce ne soit pas les contribuables qui finissent par en payer la facture. Ce projet de loi exige que ces dispositions financières soient prises.

Le président: Jusqu'à présent quelle était la durée des licences que vous accordiez?

Mme Bishop: Cela varie d'une licence à l'autre. Par exemple, pour la majorité des réacteurs nucléaires c'est une licence de deux ans. En revanche, s'il s'agit d'un accélérateur médical, la licence est plus longue, en fonction du type d'accélérateur. Pour la grande majorité des licences, la période est de deux ans.

Le président: Conformément à cette nouvelle loi, compte tenu de ces garanties dont nous discutons et du financement de la gestion des déchets, comment ferez-vous pour obtenir de vos titulaires de licences des garanties financières supplémentaires? Avez-vous le pouvoir de demander ces garanties supplémentaires?

Mme Bishop: Le financement approuvé pour une activité particulière sera réexaminé périodiquement pour tenir compte de l'évolution des besoins financiers.

Le président: Quel est votre champ d'intervention? Va-t-il jusqu'aux hôpitaux, ou relève-t-il des provinces?

Mme Bishop: À l'heure actuelle, les hôpitaux et les universités n'ont pas à régler ces coûts. Il n'y a pas de recouvrement des coûts à leur niveau. En revanche, si les titulaires de licences sont des sociétés provinciales ou de la Couronne, la Couronne a aussi l'obligation de prévoir le financement de la gestion des déchets.

Le président: À propos des déchets, je suis convaincu que nous voulons tous éviter la répétition des incidents qui ont accompagné le convoi de déchets la semaine dernière en Allemagne. Que ces déchets nucléaires soient enfouis dans cette région semblait ne pas plaire du tout aux manifestants. C'est une question très controversée. Quel contrôle exercez-vous sur la destination des déchets? Est-ce un problème provincial, ou cela relèvera-t-il de votre compétence?

Mme Bishop: Pour commencer, il ne faut pas oublier qu'il y a trois niveaux différents de déchets: les déchets faiblement radioactifs, moyennement radioactifs et fortement radioactifs. Ce n'est pas la commission qui décide de leur destination. Cependant, lorsque le gouvernement fédéral, ou toute autre instance, propose un centre d'enfouissement ou de gestion des déchets, c'est à la commission de décider d'accorder ou non une licence. Mais ce n'est pas nous qui décidons de la destination. M. Brown peut peut-être ajouter quelque chose.

M. Brown: En gros, pour les déchets fortement radioactifs, pour les combustibles nucléaires, en ce moment un comité d'examen de l'évaluation environnementale étudie un concept d'enfouissement de ces déchets à 500 ou 1 000 mètres de profondeur dans la roche cristalline du Bouclier canadien. La fin des audiences de ce comité est prévue pour le mois de mars. Quand il aura terminé ses audiences, il fera son rapport aux ministres des Ressources naturelles et de l'Environnement, vraisemblablement aux environs du mois de septembre. C'est au gouvernement qu'il reviendra alors de donner ou non le feu vert à ce concept. Est-ce sans danger? Est-ce acceptable?

Une fois la décision prise, et une fois décidé qui s'occupera de la mise en oeuvre, on passe à celle-ci.

Une fois la mise en oeuvre décidée, il faut trouver un lieu d'enfouissement. Dès lors que le site d'enfouissement répond à certains critères, l'agent de réglementation doit décider si ce lieu d'enfouissement est sûr et acceptable du point de vue de la réglementation. C'est en tout cas ce que l'on se demande dans le cas des déchets à radioactivité élevée.

Il existe actuellement certains résidus miniers d'uranium qui sont en voie d'être déclassés. Un comité d'évaluation environnementale vient tout juste de faire son rapport, et l'on s'attend à ce que le gouvernement réagisse d'ici peu.

Le déclassement se fait en trois étapes. D'abord, les résidus sont endigués derrière un barrage. Cet endiguement doit se faire convenablement et selon certaines règles. Ensuite, il faut surveiller ces barrages à long terme pour s'assurer que tout va bien. Enfin, dès lors que tout fonctionne selon les règles, l'exploitant peut alors décider de s'en remettre au gouvernement. Toutefois, il existe déjà un protocole d'entente entre l'Ontario et le gouvernement fédéral prévoyant le partage des responsabilités à long terme.

Le président: Monsieur Brown, que se passe-t-il si une province, voire une municipalité, n'accepte pas la façon dont un lieu d'enfouissement a été choisi? Est-ce vous qui avez le mot de la fin, ou comment cela se passe-t-il?

M. Brown: Cela dépend des déchets. Dans le cas des résidus miniers d'uranium, puisqu'il s'agit de très gros volumes, ceux-ci sont enfouis sur place. Par contre, les déchets à faible radioactivité peuvent être déplacés, et on peut les enfouir ailleurs, si on choisit de le faire. En fait, cela fait huit ans que le gouvernement a mis sur pied un groupe d'études chargé de trouver un site d'enfouissement pour les déchets à faible radioactivité au Canada, et plus particulièrement en Ontario. Vous savez peut-être que la municipalité de Deep River songe à accepter une partie de ces déchets. Il s'agit des déchets de la région de Port Hope. Seul le temps nous dira si la démarche réussira ou pas, mais le choix d'un site d'enfouissement se fait de façon ouverte, dans la collaboration.

Dès lors qu'il aura été déterminé que l'enfouissement des combustibles nucléaires irradiés dans les roches cristallines du Bouclier canadien est un processus sûr et acceptable, il reviendra à l'agence de mise en oeuvre de déterminer le lieu exact, et ce, de façon coopérative.

Le président: Mais en bout de piste avez-vous le pouvoir d'imposer votre décision si vous constatez un manque de coopération?

M. Brown: L'objectif, c'est que la démarche soit ouverte et faite dans la collaboration. À une époque, le gouvernement décidait, annonçait sa décision et la défendait. Cette façon de faire fut un échec complet. Nous avons maintenant dépassé de loin cette façon de faire. Il s'agit, au fond, de voir si les collectivités sont disposées à accepter ces déchets. En Ontario, nous avons trouvé à ce jour une collectivité prête à le faire, ce qui représente une solution.

Le président: Vous confirmez que vous ne voudriez pas imposer votre décision.

M. Brown: Sous le régime actuel, aucune solution imposée ne saurait être envisagée.

Le sénateur Spivak: Monsieur Brown, n'est-il pas vrai que la question de savoir s'il faut enfouir ou brûler les déchets à faible, moyenne ou grande radioactivité est extrêmement controversée, non seulement dans la population, mais aussi dans les milieux scientifiques, car on ne s'entend pas sur la meilleure méthode à suivre? Regardez ce qui se passe aux États-Unis. Comment pouvez-vous parler de collaboration, alors que, en vérité, vous n'avez même pas les connaissances scientifiques voulues pour pouvoir affirmer que l'enfouissement dans la roche cristalline est un moyen d'évacuation sûr? Vous ne pouvez l'affirmer avec certitude.

M. Brown: S'il y a eu constitution d'une formation, c'était notamment pour examiner la sécurité de l'évacuation et déterminer si elle était acceptable. La formation devra de toute façon déposer ses recommandations. Je ne voudrais pas préjuger de celles-ci, mais je sais néanmoins qu'il existe nombre d'études nationales et internationales qui démontrent clairement que l'évacuation par enfouissement profond du combustible nucléaire irradié constitue une méthode sûre et acceptable et que cette détermination fait l'unanimité dans les milieux scientifiques. Il y a donc unanimité dans les milieux scientifiques, même si ce n'est peut-être pas le cas du point de vue socio-politique.

Le sénateur Spivak: Je me posais la question du point de vue scientifique.

M. Brown: Il y a unanimité.

Le président: Sénateur Spivak, je comprends que vous vouliez savoir ce qu'en pensent les milieux scientifiques, étant donné ce que nous venons de traverser lors de notre étude sur le MMT.

Le sénateur Spivak: C'est pour appliquer le principe de précaution.

Le président: Nous en discuterons plus tard.

Mme Bishop: La controverse ne vient pas de ce que cette solution est viable ou non du point de vue scientifique. Mais on doit faire appel à différents types de technologie ou à différents types d'enfouissement, et c'est ce qui explique la confusion. Ainsi, ce qui convient dans le Bouclier canadien ne convient peut-être pas pour l'enfouissement dans l'argile. D'ailleurs, il faut noter qu'il y a actuellement une controverse à l'échelle internationale autour de l'alternative évacuation ou gestion.

Le sénateur Taylor: Vous abordez l'alternative gestion ou évacuation. Au fil des siècles -- et on peut même remonter jusqu'aux mines de Salomon -- les populations ont continuellement cherché à retraiter leurs déchets pour les exploiter de plus en plus. L'exemple classique, c'est l'or. Certains résidus et dépôts d'or n'ont que 40 ans, et pourtant on les traite à nouveau.

Dans le cas des déchets d'uranium, avez-vous déjà songé à l'éventualité que vous voudrez peut-être un jour traiter à nouveau vos déchets? Après tout, on le fait avec bien des matières, du plomb au zinc. On ne se débarrasse pas de façon permanente des déchets, mais on cherche plutôt à les stocker, au cas où la technologie de demain permettrait de réutiliser les déchets, à la grande satisfaction de gens tels que le sénateur Spivak qui souhaiteraient voir recycler tous les déchets, au point qu'il n'en reste plus du tout.

M. Brown: Vous avez raison de dire qu'il reste toujours beaucoup de matières énergétiques dans le combustible nucléaire irradié et qu'il pourrait être traité et retraité à nouveau plusieurs fois.

Au Canada, on a choisi toutefois de ne pas retraiter ces combustibles, mais plutôt de les évacuer. Cela ne vous empêcherait toutefois pas de rouvrir éventuellement votre mine, d'en retirer votre combustible et de le réutiliser. Toutefois, il est prévu pour l'instant que l'on évacuera de façon permanente les déchets rétroactifs pour éviter d'avoir à les surveiller et à les conserver de façon perpétuelle. On veut éliminer les déchets, tout en reconnaissant qu'une technologie plus moderne ou plus poussée permettra éventuellement d'en retirer la quantité voulue, au besoin.

Le sénateur Taylor: Mais l'objectif de la nouvelle commission est de séparer le contrôle nucléaire, d'une part, de la promotion nucléaire, d'autre part. Si c'est le cas, pourquoi n'a-t-on pas songé à donner la responsabilité à deux ministres différents? Ne serait-ce pas la meilleure façon? Pourquoi ne demanderait-on pas au ministre de l'Environnement de se charger du contrôle nucléaire? Il me semble que ce serait tout à fait logique.

Mme Bishop: L'industrie nucléaire ne s'occupe plus de la réglementation depuis 1954.

Le sénateur Taylor: C'est en effet ce que reconnaît cette loi. J'essaie peut-être de sauter trop vite dans le XXIe siècle.

Mme Bishop: Il est important de se rappeler que l'industrie et l'organe de réglementation sont nettement distincts depuis 1954, année au cours de laquelle un amendement à la loi actuelle créait l'EACL.

Rappelez-vous aussi que la commission doit rendre des comptes au Parlement par le truchement d'un ministre; en ce qui concerne la commission, peu lui importe de quel ministre elle relève. Le ministre ne peut intervenir dans les décisions que nous prenons d'accorder ou non une licence. Toute politique de nature générale ou toute directive donnée à la commission doit passer par le gouverneur en conseil et être publiée. Notre fonctionnement ne changerait pas, que nous relevions d'un ministre ou d'un autre. Comme nous sommes une agence autonome, le ministre, quel qu'il soit, n'a aucun pouvoir discrétionnaire et ne peut intervenir dans nos prises de décisions.

Le sénateur Taylor: Cela m'amène à ma question suivante.

Le président: Dans le domaine international, vous dites que c'est conforme au cadre de votre autonomie; M. Brown y a fait allusion. Lorsque nous vendons un réacteur, ou quelque chose de ce genre, à un autre pays, quel est votre rôle? C'est le gouvernement qui décide, après quoi vous intervenez. Est-ce ainsi que les choses se passent?

Mme Bishop: Lorsque l'EACL, par exemple, vend des réacteurs à la Chine ou à la Roumanie, jusqu'à présent la Chine, la Roumanie, entre autres, ont demandé à notre organisme de réglementation de former les gens qui seront chargés de la réglementation des réacteurs CANDU dans ces pays-là. Par exemple, je reviens tout juste de Chine, où j'ai signé un accord qui confirme des arrangements spéciaux entre les autorités chargées de la réglementation là-bas et la commission. En ce moment même, la commission est en train de former ici même huit spécialistes chinois qui seront chargés de la réglementation. Nous sommes responsables devant les autorités réglementaires des pays auxquels nous vendons.

Le sénateur Spivak: C'est justement la question. Il n'y a pas de réglementation dans le cadre de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale pour l'exportation des technologies nucléaires. La loi prévoyait que des règlements seraient élaborés, mais cela n'a pas été fait. C'est resté entièrement à la discrétion du gouvernement. Votre question est justifiée. C'est précisément là que se situe le conflit d'intérêts, le fait qu'il n'y ait qu'un seul ministre.

Mme Bishop: Je vais vous donner l'opinion des autorités réglementaires. M. Brown vous répondra sur le plan de la politique gouvernementale. Il est virtuellement impossible pour les autorités réglementaires d'un pays de faire une évaluation environnementale d'un site donné dans un autre pays en l'absence d'ententes conclues à un niveau beaucoup plus élevé que celui des autorités réglementaires. Dans le monde actuel, ce genre de chose est extrêmement difficile en l'absence d'ententes internationales.

Le président: Est-ce que ce genre d'entente existe avec la Chine, par exemple, à l'heure actuelle?

Mme Bishop: Nous n'avons pas avec la Chine d'entente qui nous permettrait d'effectuer une inspection environnementale détaillée sur place.

M. Brown: J'aimerais revenir à la question de départ, l'idée d'une séparation entre le ministre responsable du développement de l'énergie nucléaire et le ministre responsable des organismes de réglementation.

Nous considérons que le ministre des Ressources naturelles est responsable des questions d'énergie et de ressources naturelles, lorsque c'est de la compétence fédérale, et par conséquent responsable de la sécurité dans ce domaine. Il est donc logique de confier les aspects réglementaires à ce portefeuille, car cela permet de développer l'ensemble du portefeuille de l'énergie d'une façon sécuritaire et efficace.

Quant à savoir si l'existence d'un autre ministre permettrait de mieux séparer réglementation et promotion, cela n'a vraiment pas d'importance. Comme Mme Bishop l'a signalé, la CCEA est effectivement un organisme de réglementation indépendant, et elle défend cette indépendance farouchement. Le Cabinet est là pour prendre des décisions sur la politique générale, et que ces questions soient soumises au Cabinet par deux ministres au lieu d'un seul, c'est tout de même le Cabinet qui prend la décision. Par conséquent, ce gouvernement considère qu'il n'est pas nécessaire de changer la situation actuelle et de confier la promotion et la réglementation à deux ministres différents. Nous pensons que le système fonctionne extrêmement bien à l'heure actuelle.

Mme Bishop: Je dois vous signaler que la loi prévoit la possibilité de nommer un autre ministre. Il n'est pas impératif de confier tout cela au ministère des Ressources naturelles.

Le président: J'aimerais revenir sur la question précédente; est-ce que j'ai bien compris? Lorsque le Canada expédie un réacteur, nous n'avons aucun contrôle sur ce qui se produit, sur la façon dont il est utilisé? Nous devons nous contenter d'employer la persuasion, d'agir sur le plan théorique? C'est bien cela?

Mme Bishop: On peut dire que la nouvelle commission n'a pas de pouvoir à l'étranger.

Le sénateur Taylor: Est-ce que nous ne conservons pas un certain contrôle, dans la mesure où c'est nous qui fournissons le combustible pour les réacteurs CANDU?

Mme Bishop: Il s'agit de deux questions distinctes.

Le sénateur Taylor: Je pensais à l'aspect politique; en effet, un réacteur ne peut fonctionner sans combustible, et jadis nous étions la seule source de combustible.

Mme Bishop: Il faudrait peut-être faire une distinction entre l'aspect réglementation et les aspects commerciaux et la construction.

Le sénateur Spivak: En ce qui concerne la réglementation, le préambule de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale prévoit qu'un examen environnemental doit être effectué. Le problème, c'est que les règlements n'ont pas été élaborés, et cela en dépit du fait qu'un groupe de travail a étudié la question, formulé des recommandations, et tenté de trouver des réponses aux questions très difficiles que vous soulevez dans le domaine international.

La question de savoir s'il n'y a vraiment rien à faire au sujet de l'évaluation environnementale lorsque nous exportons notre technologie est loin d'être réglée. Vous considérez, entre autres, que la politique nucléaire est une politique à l'échelle de la planète. On ne peut pas en dissocier les différents éléments. Ce qui pourrait se produire en Chine aurait de grandes chances de nous affecter. Sur le plan de la politique, les intentions étaient claires, elles étaient clairement exprimées, mais on n'y a pas donné suite.

Mme Bishop: Il y a deux autres aspects, dont les contrôles internationaux. Le traité de non-prolifération prévoit l'adoption de sauvegardes internationales. C'est un système de contrôle important en ce qui concerne les matières produites par les réacteurs.

Mme Bishop: Deuxièmement, il faut se souvenir également que le Canada a non seulement ouvert la voie dans ce domaine, mais a aussi l'année dernière ratifié la Convention internationale de sûreté nucléaire, qui traite spécifiquement des réacteurs générateurs d'électricité. Cela doit être inspecté par l'AIEA au cours de l'année qui vient. Cela devient important sur le plan des normes internationales pour la sécurité nucléaire également. Plus de 60 pays ont maintenant ratifié cet accord.

Le sénateur Taylor: Qu'est-ce qui déclenche les audiences publiques? Il semble que l'organisme de réglementation soit libre de décider s'il y aura ou non des audiences publiques. Avez-vous pensé à mettre quelque chose dans la loi qui autorise le ministre à demander des audiences publiques ou qui lui permettre d'amorcer des audiences dans le cadre d'une intervention politique quelconque? Vous dites que les audiences publiques ne seront pas mentionnées, mais apparemment l'organisme de réglementation est entièrement libre de décider de la tenue de ces audiences.

Mme Bishop: Des règlements sur les audiences publiques seront élaborés.

Le sénateur Taylor: Oui, mais quel sera le système de déclenchement?

Mme Bishop: Le public peut toujours intervenir pendant les séances de la commission. De plus, il y aura des audiences devant des groupes nommés par la commission, parfois dans les formes, parfois à l'amiable.

Avant d'arrêter les règlements en ce qui concerne les audiences dans les formes, ces règlements seront soumis au public, qui pourra les commenter, et devront ensuite être approuvés par le gouverneur en conseil.

J'hésiterais beaucoup à recommander quelque chose qui porterait atteinte à l'indépendance fonctionnelle de l'organisme de réglementation. On doit absolument s'assurer, dans l'intérêt du public, entre autres, que l'agence ou la commission ne se laissera pas influencer indûment par des considérations politiques avant de décider de la tenue d'audiences. C'est extrêmement important. D'un autre côté, il est très important également d'élaborer des règlements appropriés pour les cas où on déciderait d'avoir des audiences dans les formes et pour les cas où on déciderait de s'en dispenser.

On me rappelle qu'aux termes de l'article 40(5), et je cite:

Sous réserve des règlements administratifs pris en vertu de l'article 15 et des règlements pris en vertu de l'article 44, la Commission tient une audience [...]

Dans ces conditions, il y a des audiences dans les formes pour lesquelles nous n'aurons pas le choix.

Le sénateur Taylor: Dans ces règlements, est-ce que la mention «coûts» engloberait les frais des intervenants?

Mme Bishop: À l'heure actuelle, la commission ne défraie pas les intervenants. Évidemment, nous essayons de leur faciliter les choses dans toute la mesure du possible lorsqu'ils comparaissent. En même temps, nous nous sommes engagés à organiser nos réunions dans les localités où se trouvent les principales installations.

Il n'est pas normal que la commission décide quels intervenants seront défrayés. À notre avis, quiconque souhaite intervenir devrait avoir le droit de le faire. Nous ne voulons pas être appelés à décider quels intervenants seront défrayés.

Le sénateur Taylor: Le recouvrement des coûts est maintenant une réalité fort à la mode dans les sociétés occidentales. Tout comme sont également à la mode les organismes consultatifs. En agriculture, comme dans d'autres domaines, on instaure des mécanismes de recouvrement des coûts. En fait, on peut s'interroger sur la façon dont les coûts sont répartis, et aussi parfois sur la nécessité de ces coûts. Autrement dit, la réglementation pourrait devenir l'un des plus grands mécanismes de création d'emplois du XXIe siècle, puisqu'il faudra embaucher des gens pour voir à l'exécution des règlements.

Est-il possible aux sociétés minières, c'est-à-dire aux exploitants et aux entrepreneurs, de s'informer sur ces mécanismes de recouvrement des coûts?

Mme Bishop: Oui, et elles le font déjà. Ce sera également le cas des règlements sur le recouvrement des coûts. Oui, les sociétés peuvent déjà le faire. En outre, nous publions notre règlement sur le recouvrement des coûts. À l'heure actuelle, nous publions la liste des domaines dans lesquels s'applique le recouvrement des coûts. Les sociétés ont toute latitude de nous faire parvenir leurs commentaires.

Mme Nowack: Cette disposition se trouve à l'article 44 du projet de loi.

M. Marchildon: Après l'adoption du règlement sur le recouvrement des coûts, en 1990, les sociétés minières, qui sont l'un des secteurs de l'industrie nucléaire, nous ont demandé comment nous établissions les droits payables. Si vous posez la question aux sociétés minières, elles vous diront que nous avons pris tout le temps nécessaire pour leur expliquer comment les droits étaient établis, calculés, et cetera. Nous étions prêts à le faire, et nous le sommes encore d'ailleurs.

Comme Mme Bishop l'a dit, lorsque des modifications sont apportées aux droits, un avis en est publié dans la Gazette du Canada pendant toute une période de consultation.

Le sénateur Adams: A-t-on choisi un site d'entreposage, maintenant que le gouvernement a déposé le projet de loi C-29? J'ai vu un documentaire dans lequel on disait que le gouvernement cherchait un endroit où entreposer les déchets nucléaires. Cette question est-elle maintenant réglée?

M. Brown: Si j'ai bien compris la question, il y a en fait trois types de déchets. Il y a des déchets à haute activité, d'autres à faible activité, et enfin les déchets des mines d'uranium. À l'heure actuelle, tous ces déchets sont entreposés.

En 1995, le vérificateur général a examiné les méthodes d'élimination des déchets radioactifs au Canada. Il en a conclu que nous avions maintenant l'expérience nécessaire pour éliminer ces déchets au lieu de les entreposer, et c'est ce qu'il a fortement recommandé. C'est l'une des raisons pour lesquelles le ministre des Ressources naturelles avait produit une politique relative aux déchets radioactifs.

À l'heure actuelle, les déchets sont entreposés, mais ils devront être éliminés. Nous avons deux motifs de nous orienter vers l'élimination plutôt que vers l'entreposage. Les différents types de déchets nécessiteront des échéanciers différents. On a déjà commencé à éliminer certains déchets de mines d'uranium. La majeure partie des déchets à faible activité sont déjà entreposés, mais nous cherchons des sites d'élimination à leur égard.

Ce sont là des procédés volontaires qui se fondent sur la collaboration. Nous espérons trouver assez prochainement une localité prête à recevoir des installations d'élimination.

Pour ce qui est du combustible nucléaire usé, les audiences de l'ACEE ne sont pas encore terminées. Il faudra attendre à l'an prochain avant que le gouvernement puisse répondre aux recommandations de l'ACEE, déterminer quel concept est suffisamment sûr et acceptable et, si l'on décide de le mettre en oeuvre, qui le fera et d'où l'argent proviendra.

Encore une fois, nous nous orientons vers l'élimination. Au cours des deux dernières années, nous avons clairement reconnu qu'après avoir entreposé nos déchets pendant 40 ou 50 ans il était maintenant temps de les éliminer. Mais cela ne se fait pas du jour au lendemain. Il est néanmoins clair que c'est l'orientation adoptée. Dans cette mesure législative, on indique que des sommes peuvent être versées pour l'élimination de ces déchets.

J'espère avoir répondu à votre question, sénateur.

Le sénateur Adams: Oui.

Lors de sa tournée en Russie, on a demandé au premier ministre ce qu'il en était des installations d'entreposage au Canada et si le Canada pourrait accueillir les déchets d'autres pays, par exemple ceux des États-Unis. Ces installations sont-elles à l'usage exclusif du Canada?

M. Brown: Je suppose qu'il parlait de déchets à haute activité. À l'heure actuelle, la politique au Canada est de ne pas importer de déchets nucléaires.

Le sénateur Adams: Dieu sait depuis combien de temps les Français et les Russes déchargent leurs déchets nucléaires en mer, dans l'Extrême-Arctique. Existe-t-il maintenant une technologie pour retirer ces déchets de la mer, ou bien y resteront-ils à tout jamais?

M. Brown: Je ne saurais que conjecturer sur ce qui se fera dans l'avenir, mais je suppose que certains déchets seront récupérés, d'autres pas. Je ne sais pas grand-chose à ce sujet. Malgré tout ce que l'on peut entendre, il semble y avoir très peu de contamination dans les sédiments, les poissons et les animaux sauvages de cette région. D'après ce que je sais, la contamination est limitée à une zone assez restreinte.

Mais bien sûr on verra ce qu'il convient de faire dans l'avenir. Dans l'ex-Union soviétique, un certain nombre de sites importants devront être décontaminés prochainement. Contrairement à nous, il y a dans ce pays des sites où il faut intervenir immédiatement.

Je tiens à souligner qu'à l'heure actuelle tous nos déchets sont gérés de façon sûre.

Le président: Je tiens à remercier nos témoins d'aujourd'hui. Il s'agit d'une mesure législative très importante. C'est une mesure qui est pleine de bon sens, et je me demande pourquoi elle n'a pas été adoptée plus tôt. De toute façon, elle existe maintenant. Je sais que les membres de mon comité l'appuieront.

Sénateurs, notre témoin suivant est M. Murray Stewart, de l'Association nucléaire canadienne.

M. Murray Stewart, président, Association nucléaire canadienne: C'est avec grand plaisir que je viens devant vous aujourd'hui représenter l'Association nucléaire canadienne et vous transmettre ses commentaires sur le projet de loi C-23. Foncièrement, je tiens à manifester mon appui à ce projet de loi et je vous encourage à l'adopter le plus rapidement possible. C'est une mesure très importante pour tout le secteur du nucléaire au Canada.

Je m'appelle Murray Stewart. Je suis président-directeur général de l'Association nucléaire canadienne. Nous vous avons déjà envoyé un mémoire par écrit, mais mes observations de ce matin s'en écarteront quelque peu. J'ai avec moi des diapositives qui vous permettront de mieux comprendre pourquoi ce projet de loi est important pour nous.

Je suis également accompagné ce matin de M. Stan Frost, de la Cameco Corporation. C'est lui qui s'occupera des diapositives. Une fois que j'aurai terminé mes observations, M. Frost vous fera un exposé portant plus précisément sur le projet de loi C-23.

Mais d'abord, permettez-moi de vous parler un peu de l'Association nucléaire canadienne. L'association a été créée en 1960. Elle est composée de représentants de la plupart des secteurs et entreprises qui s'intéressent à la mise au point et à l'application de la technologie nucléaire à des fins pacifiques. Les organismes membres représentent tous les aspects du secteur nucléaire au Canada, des manufacturiers et des producteurs d'uranium jusqu'aux fournisseurs d'isotopes, en passant par les services publics, les principaux syndicats du secteur du nucléaire, les universités, les banques et les institutions financières. Notre association a donc une assise très vaste.

Précisons qu'il ne faut pas confondre l'Association nucléaire canadienne et la Société nucléaire canadienne, qui est, si l'on veut, une société savante plutôt qu'une association de différents membres. Les membres de notre association sont des sociétés et des organismes. Notre mission consiste à aider nos membres à atteindre leurs objectifs à l'égard d'activités relatives à la technologie nucléaire. Notre but est de promouvoir un secteur nucléaire fort, vivant et grandissant pour le plus grand profit de nos membres et de toute l'économie canadienne.

L'ANC vous a déjà présenté un mémoire contenant nos observations détaillées. Nous appuyons la mesure législative, plus particulièrement les modifications proposées par le comité permanent des richesses naturelles, de la Chambre des communes. Permettez-moi de résumer les raisons pour lesquelles nous appuyons la mesure législative et d'expliquer pourquoi cette mesure est essentielle à notre industrie.

Peter Brown a déjà mentionné certains de ces arguments. La technologie nucléaire, c'est bien plus que la production d'énergie nucléaire ou d'électricité dans des centrales comme celles de Pickering, Darlington et Pointe Lepreau. Le secteur nucléaire est très utile à la médecine. De 25 à 35 p. 100 de tous les patients hospitalisés profitent directement de la technologie nucléaire. Cette technologie contribue également directement à la conservation des aliments, au contrôle des ravageurs et à l'agriculture. Elle sert à une foule d'applications industrielles, de mesures et d'inspections. Le projet de loi C-23 doit tenir compte de toutes ces utilisations dans toutes ces industries.

Le secteur nucléaire est très important pour le Canada. Ce secteur a été créé il y a 50 ans, lorsque a été érigé le premier réacteur nucléaire, à Chalk River, et il rapporte actuellement 6 milliards de dollars dans l'économie canadienne. C'est un secteur dont je suis très fier, comme le sont, j'en suis sûr, tous les Canadiens.

Plus de 150 grandes sociétés du Canada comportent des composantes nucléaires importantes. Comme on vous l'a dit ce matin, le Canada est l'un des principaux exportateurs d'uranium. Nos exportations dépassent de un demi à un milliard de dollars par année. Le Canada est également un leader mondial pour ce qui est d'un certain nombre d'isotopes utilisés à des fins médicales. Le secteur est donc d'un rapport important pour ce qui est des recettes fiscales. Il offre également de nombreux avantages indirects à l'industrie, à des sociétés comme CAE, qui produit des simulateurs de vol de Boeing 747. Pour produire ces simulateurs, on s'est servi du modèle des simulateurs des génératrices nucléaires qui existent encore aujourd'hui. D'autres sociétés en profitent également, dont Spar Aerospace. Vous connaissez tous le bras canadien, mis au point à partir des mécanismes d'alimentation des réacteurs CANDU.

Grâce au travail réalisé au cours des 50 dernières années, le secteur nucléaire peut maintenant fournir 7 p. 100 de la demande mondiale en énergie. Quatre-vingt-dix pour cent de la consommation totale d'énergie dans le monde provient de combustibles fossiles. À l'heure actuelle, le secteur nucléaire représente environ 17 p. 100 de toute la production d'électricité dans le monde, et ce pourcentage s'applique également au Canada. C'est l'équivalent de la production hydroélectrique.

Le secteur nucléaire offre de nombreux avantages pour le Canada. Nous croyons que l'énergie nucléaire est la plus concurrentielle pour ce qui est des coûts. Si le coût de l'électricité au Canada fait partie des plus bas du monde, c'est dû en grande partie à la production d'électricité à partir du nucléaire. Tout cela a également des conséquences pour l'environnement. Pour ne citer qu'un chiffre, les réacteurs nucléaires de l'Ontario ont permis d'éviter qu'un milliard de tonnes de bioxyde de carbone ne soient libérées dans l'atmosphère.

Pour ce qui est des réacteurs canadiens CANDU, nous reconnaissons qu'ils ont posé certains problèmes techniques et de gestion. Toutefois, il ne faudrait pas exagérer ces problèmes. Les services publics d'électricité prennent des mesures radicales et innovatrices pour les régler, avec l'appui de tout le secteur nucléaire du Canada.

Notre principal critère de mesure, ce n'est pas seulement la satisfaction des organismes de réglementation, mais aussi celle du grand public. Il importe de souligner que grâce à l'ouverture de notre secteur le public est tenu informé et a de nombreuses occasions de faire entendre son opinion. La perfection est l'objectif ultime du secteur nucléaire; on ne saurait en dire autant d'un grand nombre d'autres industries au Canada ou ailleurs dans le monde.

Permettez-moi d'ouvrir une parenthèse. Si vous considérez l'ensemble de la production d'électricité à partir du nucléaire dans le monde, vous constaterez que le Canada ne construit pas actuellement de nouvelles centrales nucléaires. En fait, c'est que le Canada n'a pas besoin d'accroître sa capacité de production. À l'heure actuelle, on construit dans d'autres pays de nouvelles centrales nucléaires représentant une capacité de 40 000 mégawatts. Cela équivaut à plus du double de tous les réacteurs nucléaires installés au Canada.

On dit souvent qu'il n'y a pas de nouvelles centrales en Amérique du Nord et qu'en Europe il y a des fermetures de centrales. Toutefois, les pays qui connaissent une forte croissance économique et qui ont des besoins en électricité aussi grands que ceux du Canada dans les années 50, 60 et 70 optent pour le nucléaire. C'est pour cette raison que l'on exporte la technologie CANDU. Le Canada est concurrentiel sur le marché international, et le réacteur CANDU est l'une des principales sources de production d'électricité dans les centrales de base.

Si nous nous intéressons autant à ce projet de loi et si nous avons produit des observations détaillées à son sujet, c'est surtout en raison de toutes les questions qui doivent y être traitées. Je n'en dresserai pas ici la liste, mais elles sont nombreuses. Il y a entre autres la question des nouvelles licences et des nouvelles initiatives. Ce matin, on nous a parlé de déchets à haute, faible et moyenne activité, et ainsi que de l'exportation de réacteurs CANDU en Chine.

Les honorables sénateurs n'ont peut-être pas pris connaissance des projets de loi d'initiative parlementaire dont la Chambre est actuellement saisie, dont certains ont été rejetés. Ces projets de loi visent certains aspects de tout le secteur nucléaire parce qu'il n'existe pas à l'heure actuelle de mesures en vigueur semblables au projet de loi C-23 et que les mesures existantes sont désuètes. Le projet de loi C-23 était à l'origine un projet de loi d'initiative parlementaire visant à interdire l'importation de déchets nucléaires au Canada.

Il faut également tenir compte du changement des institutions. Vous avez entendu parler de l'organisation financière et institutionnelle dans la politique du CNRC. Toute l'industrie subit une restructuration mettant l'accent sur un accès plus ouvert, et ces changements ont des répercussions sur des sociétés comme Ontario Hydro, Hydro-Québec et Énergie N.-B. Il y a aussi l'évolution des ressources au Canada, le recouvrement des coûts, les changements dans la réglementation, l'ACEE et l'harmonisation. La Chambre est même actuellement saisie d'un projet de loi d'initiative parlementaire sur le financement des intervenants.

À long terme, il y a les questions relatives au combustible MOx, c'est-à-dire la combustion de plutonium qui sert à l'armement. Il y a aussi la fusion, qui est une solution à long terme. Les organismes de réglementation doivent en outre s'occuper des autres techniques de pointe relatives aux réacteurs CANDU.

Dans notre mémoire, nous mentionnons un certain nombre de points dont nous vous demandons de tenir compte, soit dans la rédaction finale du projet de loi, soit dans l'élaboration des règlements habilitants. Je ne vais pas les passer en revue aujourd'hui, mais je suis prêt à répondre à vos questions. Le mémoire est plus détaillé.

Pour conclure, l'Association nucléaire canadienne considère que la loi proposée sur la sûreté nucléaire est fondamentalement saine. Nous estimons que ce projet de loi constitue une mise à jour utile et nécessaire de la Loi sur le contrôle de l'énergie atomique. Nous estimons qu'il ne nécessite aucune modification en ce qui concerne ses principes fondamentaux. Nous incitons le comité à l'étudier dans les détails, tout en tenant compte des propositions détaillées que nous avons faites, et nous exhortons le Sénat à l'adopter rapidement, de façon à ce que nous puissions passer ensuite aux questions réglementaires, qui sont essentielles au progrès de cette industrie et au bien-être de tous les Canadiens.

Le président: Que signifie le mot «dosimétrie»? Cela se trouve dans le projet de loi.

M. Stewart: Il s'agit d'une mesure du rayonnement que quelqu'un peut subir. C'est la dose de rayonnement. L'un des éléments importants du règlement porte sur la quantité de rayonnement que quelqu'un peut accumuler, soit de façon ponctuelle, soit pendant la durée de sa vie.

Le sénateur Taylor: Qu'est-ce que le combustible MOx?

M. Stewart: Les lettres MOx signifient qu'il s'agit d'un combustible à base d'oxydes mixtes. Dans ce procédé, on transforme le type de plutonium utilisé dans l'armement en carburant normal, si l'on veut, utilisable dans des réacteurs CANDU et d'autres réacteurs nucléaires. Il y a beaucoup d'acronymes dans notre secteur.

M. Stan E. Frost, vice-président, Cameco Corporation: Nous avons déjà présenté notre opinion sur le projet de loi devant le comité permanent des ressources naturelles de la Chambre des communes, en octobre dernier. Un certain nombre de modifications ont été apportées au projet de loi lors de l'examen article par article, ce qui a permis d'améliorer la mesure. Toutefois, nos principales inquiétudes existent toujours. C'est pour cette raison que je vous remettrai un exemplaire de notre mémoire initial.

Ce mémoire a été présenté au nom de trois sociétés, Cameco Corporation, Cogema Resources Inc. et Cigar Lake Mining Corporation, ainsi qu'au nom de la Saskatchewan Mining Association. Cameco, Cogema et Cigar Lake représentent diverses coentreprises et exploitent actuellement toutes les mines d'uranium existantes et prévues en Saskatchewan.

L'exploitation de l'uranium en Saskatchewan contribue de façon importante à l'économie canadienne. Ce secteur produit tout l'uranium du Canada et environ le tiers de tout l'uranium dans le monde. Nous produisons environ trois fois plus d'uranium que le pays qui est notre plus proche concurrent.

Les mines d'uranium en exploitation en Saskatchewan représentent des investissements totaux de 2,3 milliards de dollars réalisés de 1980 à 1995. Nous prévoyons des investissements supplémentaires d'un milliard de dollars au cours des prochaines années. Environ 2 500 personnes, dont un grand nombre d'Autochtones, travaillent dans ce secteur dans notre province. Dans nos mines du Nord de la province, environ 44 p. 100 des employés sont autochtones. En 1995, on a expédié pour plus de 500 millions de dollars d'uranium. La majeure partie était destinée à l'exportation, ce qui fait de l'uranium un élément important de la balance des paiements du Canada.

Pour l'industrie minière de l'uranium en Saskatchewan, il est important qu'il y ait un régime réglementaire fort, efficace et équitable auquel le public puisse faire confiance. L'industrie est donc satisfaite de ce que l'on remplace la Loi sur le contrôle de l'énergie atomique par une loi plus moderne. Toutefois, le régime réglementaire devrait être efficace, sûr, logique, équitable et conférer des pouvoirs administratifs relativement limités.

Un incident qui s'est produit à notre site de Rabbit Lake il y a quelques années est un exemple des lacunes actuelles. Après que le projet eut subi une évaluation environnementale assortie d'audiences publiques et après qu'une formation eut recommandé d'aller de l'avant, nous avons présenté une demande de licence de production auprès de la Commission de contrôle de l'énergie atomique. On nous a dit que le personnel de la commission était tenu de passer en revue notre demande de licence en vue de la renvoyer éventuellement à une autre formation. Heureusement, cet examen ultérieur, lui aussi assorti d'une audience, n'a pas eu lieu. Cependant, nous estimons que de tels cas de double emploi pourraient être évités si la nouvelle commission avait le pouvoir de mener ses propres audiences et d'assurer toutes les étapes du processus d'octroi de permis ou de licences en une seule audience.

Au sujet du chevauchement dans la réglementation, la province de la Saskatchewan s'intéresse de près au secteur de l'uranium. Les autorités réglementent l'industrie en délivrant des baux de surface qui obligent les opérateurs miniers à se conformer à certains règlements provinciaux. Par conséquent, deux permis sont nécessaires, un permis fédéral et un permis provincial. Divers organismes fédéraux et provinciaux ayant des champs d'intérêt qui se chevauchent procèdent à des inspections, ce qui est manifestement inefficace tant du point de vue du contribuable que du point de vue de l'opérateur minier.

Le projet de loi C-23 prévoit un système élaboré de règles de procédure multi-niveaux, de rapports, d'examens et d'appels. Pour faire en sorte que ce système fonctionne de façon expéditive, il est essentiel de limiter la durée de ces diverses étapes. C'est avec soulagement que nous avons constaté que la nouvelle version du projet de loi mentionne des périodes de temps prescrites, et nous attendons impatiemment de prendre connaissance de définitions claires à cet égard dans la réglementation.

Même si nous n'avons pas abordé ce sujet précisément dans notre mémoire, la durée des licences est une source de préoccupation pour les détenteurs. La CCEA délivre habituellement des licences pour des périodes de deux ans. Or, dans la plupart des autres pays gros producteurs d'uranium, les licences sont délivrées pour la durée du projet ou sont renouvelables pour des périodes de temps prolongées après une brève période où la preuve est faite qu'on est en présence d'une opération responsable.

Le non-renouvellement d'une licence de production d'une mine aurait des conséquences très graves pour l'opérateur. À l'occasion de chaque exercice de diligence raisonnable effectué avant une offre d'actions de Cameco, j'ai été interrogé de façon très serrée par les avocats des souscripteurs, qui s'inquiétaient de la durée de nos licences. Je ne doute pas que ce facteur puisse avoir un effet considérable sur le prix de nos actions et sur notre capacité de financer de nouvelles opérations. Compte tenu de tous les pouvoirs qu'aura la nouvelle commission aux termes du projet de loi C-23, il n'y a pas de raison de ne pas octroyer des licences pour la durée des projets.

La nécessité de recourir à une procédure équitable et d'imposer des limites raisonnables aux pouvoirs administratifs a dicté la position que nous adoptons dans notre mémoire au sujet des pouvoirs des inspecteurs occupant des postes de fonctionnaires désignés.

En ce qui a trait aux assurances financières, nous estimons qu'une garantie financière à l'égard d'une mine d'uranium devrait viser les obligations de déclassement. La commission ne devrait pas être habilitée à exiger de garanties financières dans les cas où une telle garantie a déjà été ou sera fournie à un gouvernement provincial. Ainsi, le gouvernement de la Saskatchewan a une loi exigeant des garanties financières pour le déclassement non seulement des mines d'uranium, mais de toutes les mines. Étant donné que l'extraction de l'uranium en Saskatchewan a lieu sur des terres de la Couronne qui, au bout du compte, reviendront à la province, une seule garantie financière satisfaisant aux exigences provinciales devrait être suffisante.

L'industrie de l'uranium de la Saskatchewan n'est pas contre le fait de payer des droits raisonnables, mais elle estime que le fait que ces derniers équivalent au coût total des activités de réglementation encourage un élargissement inutile du cadre réglementaire. Par conséquent, pour instituer une certaine discipline dans le système, la loi devrait limiter les droits qui peuvent être fixés par la commission au plus à la moitié des coûts des activités réglementaires pertinentes.

Nous pouvons nous attendre dans les décennies à venir, à une vive concurrence d'autres pays qui développent leurs mines d'uranium, en particulier l'Australie et les États-Unis. Si le Canada veut demeurer un joueur de premier plan, il faut que son environnement réglementaire soit raisonnable, juste et, à tous les points de vue, concurrentiel par rapport à celui d'autres pays. Il doit aussi susciter un climat de confiance publique.

Il est nécessaire d'apporter des changements au système de réglementation. Il faut éliminer le chevauchement entre les mesures fédérales et provinciales. Il faut réduire les chevauchements entre ministères fédéraux. Il faut trouver un juste équilibre entre les besoins en matière de réglementation, par exemple en ce qui concerne les pouvoirs de la nouvelle commission et de ses inspecteurs, et les besoins de l'industrie sur le plan de l'efficacité, de la certitude et de l'équité en matière de réglementation.

Le projet de loi C-23, dans son libellé actuel, propose des mesures initiales vers la réalisation de ces objectifs. Les représentants de l'industrie ont proposé un certain nombre de changements en vue d'améliorer le projet de loi dans l'intérêt du Canada. Bien que quelques-unes de nos propositions se soient concrétisées par des changements avant que le projet de loi parvienne au Sénat, le dialogue qui a suivi entre les représentants de l'industrie et les fonctionnaires du ministère des Ressources naturelles, ainsi que les représentants de la Commission de contrôle de l'énergie atomique, a permis de démêler les idées sur ces questions et devrait aider au moment de la rédaction de règlements pris en vertu de la loi.

Le président: Je déduis de vos recommandations que vous visez davantage la teneur des règlements et la coopération entre les gouvernements concernés. Vous ne formulez pas de recommandation visant à modifier le projet de loi même?

M. Frost: Si vous avez le temps de lire notre mémoire détaillé, vous verrez que nous recommandons des modifications au projet de loi, en ce qui concerne spécifiquement le transfert de responsabilités aux provinces en matière de réglementation. Nous aimerions voir plus de précision à cet égard. En ce qui concerne les droits assortis de limites quant aux garanties financières qui peuvent être exigées, nous aimerions savoir dans quels cas on doit fournir des garanties financières.

En ce qui concerne les audiences, nous ne voulons pas nous retrouver assujettis à des audiences multiples. Ces dernières années, la CCEA examinait toujours chaque décision qu'elle devait prendre, pour voir si elle devait faire l'objet d'une audience publique. Si nous devons déjà passer par des audiences publiques en vertu de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale ou d'un processus parallèle découlant de la nouvelle commission, nous voudrions éviter une seconde série d'audiences pour obtenir un permis de production pour le même projet. Nous aimerions que le pouvoir de tenir des audiences appartienne à une seule agence.

Le président: Je doute qu'il soit de la compétence fédérale de dire aux provinces comment et quand elles doivent tenir des audiences, si elles le jugent bon.

M. Frost: Nous sommes chanceux que la Saskatchewan et le Canada aient convenu dernièrement de créer une commission mixte fédérale-provinciale pour examiner le dernier groupe de mines d'uranium sur le point d'être exploitées. Nous sommes en faveur de toute mesure qui pourrait accroître ce type de coopération à l'avenir.

Le président: Je tiens à explorer un instant la question des souscripteurs et de votre désir d'obtenir des permis à perpétuité, comme vous les appelez. Je ne comprends pas très bien cette question. Je suppose que même si vous aviez un «permis à perpétuité» -- quoi que vous entendiez par là -- un seul permis serait assorti de tellement de conditions que vos souscripteurs seraient tout de même nerveux. Je ne vois pas comment cela résout votre problème.

M. Frost: Cela nous aiderait dans d'autres pays. Par l'entremise de l'Agence internationale de l'énergie atomique, j'ai dû traiter avec un certain nombre d'autres pays, où l'on exploite des gisements d'uranium. La plupart accordent des permis pour la durée de vie d'un projet.

Lorsque nous traitons avec des souscripteurs aux États-Unis, qui sont habitués à ce type de permis, ils hésitent beaucoup à recommander à leurs clients d'acheter nos actions, lorsqu'ils voient que nous avons un permis qui expirera dans 15 mois, pour l'un de nos principaux gisements. Ils veulent être rassurés quant au renouvellement du permis. Nous pouvons seulement leur dire que nous respectons les lois ainsi que les conditions du permis et que lorsque le moment viendra, nous devrons présenter une demande de renouvellement de permis en espérant fermement que la CCEA jugera bon de nous l'accorder.

La CCEA et la nouvelle commission auraient tellement de pouvoirs qu'il ne serait pas difficile d'accorder un permis pour la durée de vie d'un projet, parce qu'elles ont le pouvoir, stipulé dans la loi, d'exiger presque n'importe quoi du détenteur de permis. Si ces commissions faisaient enquête sur un incident qui représenterait une infraction à une condition d'un permis, elles pourraient par exemple suspendre nos activités, jusqu'à ce qu'elles soient convaincues que nous avons remédié à la situation.

Le président: Je suis persuadé que peu importe où se trouvent vos souscripteurs, les mêmes conditions s'appliquent. Il semble que c'est plus une question de communication que de modification.

M. Frost: J'ai été surpris. Ils semblent avoir attaché énormément d'importance à cette question.

M. Stewart: Je ne sais pas si vous avez suivi certains des processus récents de renouvellement de permis pour des réacteurs nucléaires, mais aux yeux d'un investisseur dans une société qui voit se dérouler le processus, il semble qu'il devient davantage un processus d'évaluation environnementale. Il y a beaucoup d'intervenants, ce qui est bien aux yeux de la population. Cependant, les intervenants remettent en question l'existence de l'installation, plutôt que le processus de renouvellement des permis, ce qui est essentiellement une évaluation de nature technique. Il s'agit de voir si l'installation respecte les exigences rattachées aux permis. Il y a une tendance ici qui nous préoccupe, dans le contexte du projet de loi C-23.

Le président: C'est une question d'importance si elle signifie que vous ne pouvez pas réunir les capitaux nécessaires pour faire votre travail et investir au Canada. Est-ce bien ce que vous nous dites, monsieur Frost? Êtes-vous en train de nous dire que des sociétés comme la vôtre sont incapables à cause de cela de réunir les capitaux nécessaires pour le marché?

M. Frost: Cela ne nous a pas empêchés de faire ce que nous devons faire, mais des souscripteurs m'ont personnellement posé énormément de questions à cause de cela, au moment de l'émission des actions. C'est manifestement une préoccupation dans les milieux financiers.

Le sénateur Taylor: Vous accorde-t-on ce permis pour deux ans, ou est-ce un permis de deux ans qui est renouvelable pour une autre période de deux ans? Est-ce comme dans le cas d'un bail d'exploitation pétrolière et gazière, un bail d'un an seulement, mais qui est renouvelable tant que la production continue?

Il y a plusieurs années, j'ai eu de la difficulté à réunir des capitaux. Lorsque les Américains se sont rendu compte de ces choses, ils sont devenus plutôt nerveux. Avez-vous un bail de deux ans qui expire après cette période, ou s'agit-il d'un bail de deux ans qui est renouvelable?

M. Frost: Ils ne sont pas automatiquement renouvelables. Nous devons présenter une demande. Le personnel de la commission recommande que nous présentions notre demande au moins six mois avant l'expiration d'un permis afin qu'on puisse amorcer le processus d'obtention d'un nouveau permis. Ce n'est certainement pas automatique. Nous devons consacrer énormément d'efforts au renouvellement du permis.

Le sénateur Taylor: J'ai posé une question au sujet des audiences ou de la possibilité que vous donniez votre opinion sur la récupération des coûts. Vous avez abordé dans votre mémoire la question de la récupération de coûts. Le groupe de témoins précédent a déclaré qu'il serait très ouvert et que vos sociétés auront la possibilité de participer aux débats, d'explorer et d'analyser les propositions concernant de nouveaux droits pour récupérer les coûts. Êtes-vous satisfaits de la réponse qu'on m'a donnée?

M. Frost: Nous avons exprimé notre opinion sur la récupération des coûts lorsque la question a été soulevée pour la première fois, il y a environ sept ans, et je pense que nous l'avons fait chaque fois que les règlements concernant la récupération des coûts ont été changés depuis pour augmenter les droits.

Nous contestons l'idée que nous sommes le seul client. Des organismes comme la CCEA et la nouvelle commission qui sera créée existent en partie pour assurer la population canadienne que nous exerçons nos activités de manière responsable. Je pense que notre société se conduirait de manière responsable sur le plan de l'environnement et de la sécurité même en l'absence de la CCEA. Nos employés vivent dans les collectivités où nous exerçons des activités. Nous utilisons l'environnement dans lequel nous exerçons nos activités.

Je pense que la population canadienne retire des avantages de l'existence des organismes de réglementation et des règlements. Je pense qu'elle devrait payer son écot.

Le sénateur Adams: J'ai été surpris de voir dans votre mémoire, monsieur Frost, que 44 p. 100 de vos employés sont des Autochtones. Cette exploitation minière se fait-elle dans la réserve ou en Saskatchewan même? Je vous dis en passant que vous avez fait un bon travail au niveau local.

M. Frost: Ces chiffres concernent les activités minières dans le nord de la Saskatchewan. Il ne s'agit pas seulement de Cameco; il y a aussi Cogema et Cigar Lake. Un peu plus de la moitié de nos employés dans les mines situées dans le nord sont des habitants du nord de la Saskatchewan. Il y a des non-Autochtones, qui vivent dans le nord de la Saskatchewan, mais environ 85 p. 100 de nos employés dans le Nord sont autochtones.

Sénateur Adams: Est-ce qu'ils habitent à proximité de vos mines?

M. Frost: Oui. La localité la plus proche de nos mines est à 35 km. Dans tous les cas, il y a des baraquements desservis par une navette aérienne. Nous les faisons venir d'une vingtaine de localités dans le nord de la Saskatchewan. Ils travaillent une semaine sur deux.

Le sénateur Adams: Sont-ils syndiqués?

M. Frost: Nous avons deux exploitations d'uranium: l'une est syndiquée, l'autre pas. Il n'y a pas grande différence de rendement entre les deux.

En général, les Autochtones du Nord ont beaucoup moins de chances de faire des études que les gens du Sud. Ils ne sont donc pas bien préparés à intégrer une économie de salaires. Dans notre effectif, la plupart des conducteurs de machinerie lourde viennent du Nord. Plus on monte dans la hiérarchie, on s'aperçoit qu'il y a moins d'habitants du Nord qui sont des professionnels ou des cadres. Nous avons mis beaucoup d'énergie au recrutement et à la formation pour les préparer à occuper ces emplois.

Nous avons obtenu une concession de la United Steel Workers à Key Lake. Les règles du syndicat relatives à l'ancienneté ne s'appliquent plus aux candidats qui veulent suivre la formation en apprentissage. Cela permet aux Autochtones du nord de la Saskatchewan qui ne répondent pas aux critères du syndicat d'apprendre un métier. Nous obtenons une certaine coopération du syndicat également pour ces cours.

Le sénateur Adams: Le gouvernement fédéral accorde-t-il des prestations pour cette formation? Vous avez parlé des manoeuvres et des conducteurs de machinerie lourde.

M. Frost: Il y a des programmes de formation d'envergure actuellement. Il y a un grand programme de formation échelonné sur cinq ans financé à parts égales par le gouvernement fédéral, le gouvernement provincial et l'industrie. Il y a un certain nombre d'activités de ce genre. La compagnie et l'industrie en général consacrent des sommes importantes à la formation.

Le président: Merci, messieurs Frost et Stewart. Nous vous sommes très reconnaissants de vos propos.

Sénateurs, il est arrivé des choses intéressantes à le sénateur Carney, qui voudrait nous en parler. Par la suite, nous invoquerons le huis clos pour discuter de notre rapport sur Banff.

Sénateur Carney, vous avez la parole.

Le sénateur Carney: La semaine dernière, je me suis rendue à Inuvik et à Yellowknife à la demande du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest pour discuter du rapport sénatorial sur les zones protégées, que nous avons rédigé l'an dernier. Vous vous souviendrez peut-être que j'étais invitée à communiquer les constatations de votre rapport en septembre à Camrose aux sous-ministres des Parcs et de l'Environnement. Par la suite, le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest m'a invitée à faire un exposé sur le rapport à l'occasion d'un atelier à Inuvik parce que le gouvernement est en train d'élaborer sa propre stratégie sur les zones à protéger.

Nous avons maintenant distribué plus de 9 000 exemplaires du rapport, ce qui en fait un best-seller. Cela montre combien grand est l'intérêt pour cette question.

Je tiens à remercier Mme Myers de l'excellente allocution qu'elle a préparée. J'ai écouté les débats et j'ai donné des réponses inspirées du rapport.

La principale conclusion que j'en dégage est la suivante. À cause des revendications territoriales et de la création du nouveau territoire, je crains qu'ils essaient d'élaborer toute une série différente de stratégies de protection de ces zones. Dans les Territoires du Nord-Ouest, comme le sait le sénateur Adams, tout le monde défend férocement sa revendication territoriale. J'ai objecté que les animaux se moquent de savoir à qui appartient le territoire. Leurs migrations traversent quantité de régions. J'ai donné en exemple la piste de l'ours brun, que l'on trouve dans le Sud du pays, et qui fait appel à la collaboration de deux pays, deux États américains et deux provinces.

Le rapport a été très bien accueilli et a suscité beaucoup d'intérêt.

Deuxièmement, le gouvernement et la population des Territoires du Nord-Ouest ont des inquiétudes à propos du projet de loi sur les espèces en péril actuellement aux communes et qui nous sera déféré sous peu. Ils trouvent inadmissible qu'après avoir géré pendant 35 ans les zones protégées, les territoires devraient rendre ce pouvoir à Ottawa. Puisque cela était couronné de succès, ils estiment que cela devrait continuer de relever des territoires. Ils ne comprennent pas pourquoi Ottawa veut empiéter dans le domaine de la gestion des espèces en péril. C'est peut-être quelque chose que nous voudrons étudier si le projet de loi n'est pas amendé à la Chambre.

La troisième chose, c'est qu'à Inuvik, où règne le marasme, on se préoccupe de la vente éventuelle de Molikpaq, la plate-forme de forage dont s'est beaucoup servie la Gulf dans la mer de Beaufort. Les Inuvialuit et les autres gens d'Inuvik soupçonnent que la Gulf cherche à vendre la plate-forme de forage à l'étranger. Elle en a donné avis au gouvernement. Si la plate-forme s'en va, ce sera la fin du forage dans la mer de Beaufort. Or, c'est le contribuable qui l'a payée; essentiellement grâce à des subventions du PESP, un programme adopté par un ancien gouvernement, par un gouvernement conservateur. Si cette énorme plate-forme de forage quitte la mer de Beaufort, il ne pourra plus y avoir d'activités de forage.

J'ai eu l'occasion de voyager en compagnie de Frank Hansen, ingénieur inuit. Nous avons descendu le fleuve Mackenzie sur la route de glace jusqu'à Reindeer Hills pour voir l'opération de forage où l'on fait des essais en vue d'approvisionner Inuvik en gaz naturel. Il s'agit d'un puits de surface de la Gulf. Il y a une petite plate-forme d'entretien sur le puits dans la toundra. Ils espéraient pouvoir entreprendre des essais échelonnés sur cinq jours à partir de vendredi. Ils connaissent approximativement l'importance des réserves parce que Gulf y a déjà fait un essai de 45 minutes. Et comme la compagnie n'était pas à la recherche de gaz naturel, elle a abandonné le site.

On espère qu'il y aura suffisamment de gaz naturel dans la région pour approvisionner Inuvik. La plate-forme est exploitée par la Inuvialuit Petroleum Association. C'est la seule activité minière ou gazière dont j'ai été témoin à la mer de Beaufort. Que nous puissions ou non faire quoi que ce soit, il ne faut pas oublier que cette plate-forme de forage financée par le contribuable pourrait quitter le pays. L'association pourrait toutefois se servir de plates-formes de forage mobiles.

Monsieur le président, je n'ai pas pu obtenir le résultat des essais. Ce n'est pas un secret dans la région parce que chacun sait que Gulf a découvert du gaz naturel à 1 123 mètres. Il serait intéressant de savoir si le projet peut aller de l'avant.

Le président: Que pouvons-nous faire? S'il ne se fait pas de forage dans la mer de Beaufort et si la plate-forme appartient à Gulf, que pouvons-nous faire?

Le sénateur Carney: J'ai demandé aux gens d'Inuvik ce qu'ils voudraient. Il s'agissait d'entretiens officieux. Ils parlaient de céder la plate-forme à la compagnie pétrolière d'Inuvialuit et de la mettre à l'abri ou de la mouiller dans la mer de Beaufort jusqu'à ce que l'activité minière reprenne.

Il s'agit d'une transaction privée entre Gulf et l'acheteur étranger. Toutefois, comme elle a été financée par le contribuable, certains ont dit qu'elle pourrait être transférée aux Inuvialuit. J'ignore si c'est possible. Quoi qu'il en soit, je voulais vous en informer.

On ne se bouscule pas au portillon pour acheter une plate-forme de forage dans la mer de Beaufort pour 20 millions de dollars. L'électricité coûte si cher à Inuvik que le conseil d'administration de l'hôpital d'Inuvialuit a décidé d'envoyer son linge sale à Whitehorse, par la route de Dempster, où il est lavé et renvoyé. Pourquoi? Parce que la buanderie d'Inuvik, à un pâté de maisons de l'hôpital, a fermé ses portes. On me dit que c'est à cause du coût de l'électricité. Il y a des choses là-dedans qui relèvent de la compétence fédérale.

Quatrièmement, il y a les travailleurs de la Saskatchewan que l'on fait venir par avion pour travailler à Yellowknife. Il y a beaucoup de mines et de travail dans ce domaine ainsi que dans celui des diamants à Yellowknife. L'optimisme ou le pessimisme, c'est selon, varie d'une mine ou l'autre. On se préoccupe beaucoup à Yellowknife des travailleurs de la construction que l'on fait venir par avion, ce qui exclut les travailleurs autochtones ou les habitants du Nord. Les gens vont à Rainbow à partir d'Inuvik et en repartent parce que rien ne se passe dans la mer de Beaufort. Il faut que vous sachiez que l'on s'inquiète à Yellowknife des travailleurs que l'on fait venir par avion parce que la ville en tire très peu d'avantages financiers. Or, on procède là aussi à des réductions de personnel, sans compter que le siège du gouvernement quittera la ville pour être établi à Nunavut.

Monsieur le président, j'ai également rencontré le capitaine Peter Foreman de l'Association canadienne des pilotes de ligne qui m'a demandé de remercier le comité d'avoir, et je cite, veillé au maintien du moratoire sur le AWOS. Il voulait savoir quand nous allions étudier la question de nouveau, chose que nous vous avons demandé de faire, comme vous le savez. Monsieur le président, je lui ai demandé de votre part de nous envoyer l'opinion des pilotes des Lignes aériennes canadiennes internationales, pour que nous puissions ensuite examiner la question du moratoire, des problèmes éventuels et des solutions.

Nous avions déjà accepté de publier un rapport intérimaire. Je crois que les sénateurs Ghitter et Kenny avaient proposé que nous n'ayons pas de rapport définitif, mais plutôt que nous continuions d'examiner la question jusqu'à ce qu'elle soit réglée. J'ai demandé ces renseignements et je les transmettrai au greffier.

Le président: Ce serait utile. Nous pouvons les rappeler pour voir quels progrès ont été réalisés.

Le sénateur Carney: Cela conclut mon rapport sur les territoires, monsieur le président.

Le sénateur Adams: Vous avez parlé de l'installation de forage et de son maintien. Avez-vous des renseignements concernant les coûts?

Le sénateur Carney: Je n'en sais rien, sénateur.

Le sénateur Adams: Je me demande si une petite société comme celle-ci est en mesure de s'en charger. Si je ne m'abuse, elle travaille actuellement en partenariat avec Gulf ou Esso.

Le sénateur Carney: Rien ne montre qu'elle est propriétaire d'installations de forage. Je ne dis pas que ce serait la solution. Je vous répète tout simplement les propos des gens d'Inuvik, y compris les membres de la corporation Inuvialuit. Ils craignent que si la plate-forme de forage est déplacée, on ne pourra plus poursuivre les travaux dans la mer de Beaufort.

Le sénateur Adams: La plate-forme actuelle est mobile.

Le sénateur Carney: Oui, celle à Reindeer Hills est sur des pneus de caoutchouc.

Le sénateur Taylor: Les Inuvialuit ont utilisé cette région comme tremplin. Ils ont fait de bonnes acquisitions en Saskatchewan. Il s'agit d'une société pétrolière qui est bien répandue.

Le sénateur Carney: Puisque la société achète de l'immobilier à Vancouver, elle doit sans doute avoir des sous.

Le sénateur Taylor: Avez-vous parlé à des représentants de la société? Je me demande s'ils ont besoin de l'aide du gouvernement ou pourquoi ils ne l'achèteraient pas eux-mêmes. J'ignore quels seraient les effets des lois sur l'impôt sur une société pétrolière détenue par les Premières nations, mais je crois qu'il y aurait certainement des avantages fiscaux. Même les lois fiscales portant sur les sociétés pétrolières sont assez généreuses. Je me demande pourquoi les Premières nations ne l'achèteraient pas elles-mêmes.

Le sénateur Carney: Elles n'ont peut-être pas eu la chance de le faire. Je l'ignore.

Le sénateur Taylor: L'installation est à vendre. J'ai reçu de la documentation à cet effet de Gulf. La société espère la vendre en Russie.

Le sénateur Carney: Oui, elle irait en Russie.

Le sénateur Taylor: Les Russes n'ont pas beaucoup d'argent.

Le sénateur Carney: C'est une question d'emplois dans le delta et à Yellowknife. Malgré les revendications territoriales, il existe encore des régions qui relèvent du gouvernement fédéral.

Le sénateur Adams: Vous avez parlé de transporter des travailleurs par avion pour les mines. Est-ce l'entente actuelle? Je croyais qu'il y avait une entente entre les chefs locaux concernant les sociétés qui embauchent tant ou tant de gens et d'Autochtones de la région.

Le sénateur Carney: Cela fait des années que l'on transporte des travailleurs par avion à Polaris, ce qui les inquiète. On m'a dit que le transport d'équipes par avion se fait pendant la période de construction et qu'il y a des ententes en place pour l'étape opérationnelle, mais les gens s'inquiètent que ce ne sera pas le cas. Les Lignes aériennes canadiennes internationales viennent juste de signer une entente pour transporter les travailleurs au nouveau camp, qui est situé à environ 300 milles de Yellowknife.

Les gens craignent de ne pas pouvoir profiter de l'exploitation du Nord et que l'économie locale va souffrir. Je voulais juste vous expliquer ce qui se passe dans le nord du pays.

Le président: Pour les fins du procès-verbal, et avant de passer à huis clos, le sénateur Kenny et moi nous sommes entendus que sous réserve de l'approbation du comité, lorsque nous aurons terminé notre étude du projet de loi sur les espèces en péril, s'il n'y a aucune nouvelle loi à étudier et si les élections n'ont pas été déclenchées, nous pourrions examiner la situation à l'Île de Sable. Vous savez peut-être que le Sénat est actuellement saisi d'une motion du sénateur Forrestall concernant une étude de ces questions. Nous nous sommes entendus avec le sénateur Forrestall, encore sous réserve de l'approbation de ce comité, qu'aucun débat sur la motion ne sera nécessaire et que nous l'étudierons. Ce comité examinerait les aspects entourant la situation à l'Île de Sable.

Le sénateur Carney: Aurons-nous le temps d'examiner la question du AWOS avant la prorogation de cette législature?

Le président: Oui. Aussitôt que nous aurons reçu la note de service dont vous parliez, nous essayerons de le faire.

Le sénateur Carney: La situation de l'AWOS a un impact sur les aéroports partout au pays.

Le président: Je suis heureux de voir que nous suivons le dossier de près. Je ne sais pas si nous pourrons l'étudier avant le déclenchement des élections. Sinon, nous l'examinerons en détails à l'automne.

Le sénateur Taylor: Ne serait-ce pas faire double emploi avec le travail effectué par l'Office national de l'énergie? Serait-ce une perte de temps? Il y aura des audiences sur la question de l'Île de Sable. Je suis un nouveau sénateur, mais je me demande si nous devrions étudier une question qui sera ensuite étudiée en séance publique?

Le sénateur Adams: L'Île de Sable est à l'ordre du jour du Sous-comité des transports. Le sénateur Buchanan siège à ce comité.

Le président: J'ignore ce que fait le comité des transports. Le sujet suscite beaucoup d'intérêt. Nous pouvons quand même étudier des questions qui sont à l'ordre du jour d'autres offices. Nous aurons peut-être une perspective beaucoup plus globale. Je suis certain que l'Office national de l'énergie traitera de la question à sa façon; toutefois, je dois ajouter que notre premier ministre a ses propres opinions, malgré ce que fait l'office, à en juger des commentaires faits par les journalistes.

Le sénateur Carney: Puisque certains d'entre nous connaissent moins la question que d'autres, plutôt que de s'engager dès maintenant, je me demande si on pourrait en parler à une réunion ultérieure lorsque nous examinons la question des espèces en péril pour voir si nous avons assez de temps.

Le président: Nous n'avons pas le temps en ce moment de nous pencher sur la question parce que nous devons nous occuper du dossier des espèces en péril. Cela nous occupera probablement tout le mois d'avril.

Le sénateur Hays: Nous devrions le renvoyer au Comité des transports. Ce ne serait pas bon d'avoir deux comités qui examinent la même question.

Le président: Nous le ferons, sénateur Hays. Il est peu probable que ce comité étudie la question avant les élections. C'est donc une question qui ne sera reprise qu'à l'automne.

Le sénateur Carney: Monsieur le président, avons-nous reçu beaucoup de documentation sur les espèces en péril? Si je comprends bien, tout dépend des amendements éventuels de la part du comité de la Chambre.

Le président: Si je comprends bien, les amendements ont été proposés et la Chambre en est saisie actuellement. Nous l'attendons d'ici peu, mais cela peut toujours changer.

Le sénateur Carney: À ce moment-ci, nous ignorons les préoccupations concernant le projet de loi tel que modifié, n'est-ce pas? Nous ne savons pas si nous y passerons un mois ou une semaine, n'est-ce pas?

Le président: Non.

Le sénateur Hays: La Canadian Cattlemen's Association m'a fait part de ses préoccupations concernant certains amendements. L'association préfère la version non modifiée plutôt que la version modifiée.

Le président: Je voudrais maintenant siéger quelques instants à huis clos pour discuter de l'ébauche du rapport sur Banff.

La séance du comité continue à huis clos.


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