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Délibérations du comité sénatorial permanent
des finances nationales

Fascicule 7 - Témoignages


Ottawa, le mercredi 8 mai 1996

Le comité sénatorial permanent des finances nationales, auquel a été renvoyé le projet de loi C-7, Loi constituant le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux et modifiant ou abrogeant certaines lois, se réunit en ce jour, à 17 h 15, pour examiner ledit projet de loi.

Le sénateur David Tkachuk (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Honorables sénateurs, ceci est la troisième réunion de notre comité portant sur le projet de loi C-7, Loi constituant le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux et modifiant ou abrogeant certaines lois.

Ce soir, nous entendrons trois groupes: l'Institut royal d'architecture du Canada, le Conseil canadien des techniciens et technologues et l'Association canadienne des entreprises de géomatique.

Je vous invite tous à prendre place à la table. Nous entendrons vos présentations l'une après l'autre. Nous avons prévu dix minutes pour chacune, après quoi nous passerons aux questions. Comme il semble que les sujets touchant le projet de loi soient assez bien définis, nous aurons ainsi plus de temps pour la discussion.

Le sénateur Nolin: Monsieur le président, avant d'entendre les témoins, je tiens à rappeler que la semaine dernière, lorsque nous avons entendu l'Association des ingénieurs-conseils du Canada, j'avais demandé à M. Pierre Franche de déposer un certain nombre de documents qu'il avait utilisés lors de sa présentation. Pour des raisons que j'oublie, ils n'avaient pas été déposés alors, et j'aimerais le faire maintenant.

Il y a d'abord plus de 125 lettres provenant de membres de l'association qui s'opposent au projet de loi. M. Franche avait parlé d'un très grand nombre de lettres provenant de leurs membres.

Il y a aussi deux documents de Travaux publics Canada, que M. Franche avait mentionnés lors de son témoignage. Le premier est une lettre de Travaux publics d'où il ressort clairement que le Ministère fait des études environnementales pour le compte de deux municipalités au Canada.

Il y a également une photocopie d'une publicité de Travaux publics, bureau d'Edmonton, publiée dans une brochure publicitaire à Rio de Janeiro.

J'aimerais déposer ces documents dans le contexte du témoignage de M. Franche, que nous avons entendu la semaine dernière.

Le président: Acceptez-vous qu'ils soient versés dans nos dossiers?

Des voix: D'accord.

M. Tony Griffiths, président, Association des architectes de l'Ontario, Institut royal d'architecture du Canada: Honorables sénateurs, je suis Canadien, architecte en Ontario, et je comparais ici en qualité de représentant de l'Institut royal d'architecture du Canada. Je suis accompagné de M. Tim Kehoe, directeur exécutif de l'Institut, de M. Brian Watkinson, architecte, directeur exécutif de l'Ordre des architectes de l'Ontario. Nous apprécions cette possibilité de vous présenter notre point de vue et nos inquiétudes concernant le projet de loi C-7, dont certains éléments, selon nous, auront une incidence marquée et négative sur les architectes canadiens, leurs employés, et les consultants et partenaires dans les professions connexes.

On compte actuellement au Canada 7 700 architectes agréés, dont la majorité sont principaux partenaires de cabinets d'architecture, des petites entreprises qui, à leur tour, emploient des milliers de professionnels, paraprofessionnels, stagiaires et employés de soutien. Notre profession fait régulièrement appel à d'autres professionnels, en qualité d'experts-conseils, et nos produits créent des emplois dans le secteur du båtiment. Les services, produits et équipements que nous choisissons et spécifions présentent un vaste marché pour les fabricants et fournisseurs.

Dans presque tout le Canada, notre profession s'efforce de se libérer des effets paralysants de la récession, qu'il conviendrait peut-être d'appeler une crise. Elle a décimé l'industrie du båtiment en général. Pour rester concurrentiels, les architectes se sont efforcés d'accroître leur expertise, de renforcer leurs atouts et leurs compétences face à un marché national qui rétrécit. Ces efforts ont par ailleurs permis à de nombreux architectes canadiens de se positionner fermement dans la nouvelle économie mondiale. Les architectes du secteur privé canadien ne craignent pas la concurrence. Mais ils ont de sérieux doutes quant à ce projet de loi, et plus particulièrement aux articles 10 et 17.

Le projet de loi C-7 permet au gouvernement fédéral de s'engager dans une concurrence directe avec le secteur privé tant sur le marché national qu'international, et il laisse à Travaux publics et Services gouvernementaux Canada la possibilité d'offrir des services, plus particulièrement en architecture et en génie, à des clients qui ne relèvent pas du fédéral, tant au Canada qu'à l'étranger. J'aimerais reprendre ces points un à un.

On peut dire du projet de loi C-7 qu'il permet à Travaux publics et Services gouvernementaux Canada de faire une concurrence inéquitable aux professionnels du domaine privé. En effet, dans ces articles 10 et 16, il donne clairement à TPSGC la possibilité d'entrer en concurrence avec le secteur privé sur les marchés national et international.

Quand ce projet a été présenté à la Chambre sous le numéro C-52, notre profession avait présenté des mémoires au ministre de l'époque, David Dingwall, en collaboration avec l'Association des ingénieurs-conseils du Canada, l'Association canadienne des industries de l'environnement, le Conseil canadien des ingénieurs, l'Association des exportateurs canadiens, le Conseil canadien des techniciens et technologues, l'Académie canadienne de génie, et avec le soutien de la Chambre de commerce du Canada, de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante et du Conseil du patronat du Québec. Depuis la présentation de notre mémoire au ministre, en décembre 1994, l'Association canadienne de la construction et l'Association canadienne des entreprises de géomatique nous ont également apporté leur soutien.

En réponse à nos représentations, nous avions reçu du ministre l'assurance que l'intention du gouvernement fédéral n'était pas de mettre le TPSGC en concurrence avec le secteur privé. Pourtant, les amendements apportés à l'alinéa 16b) du projet de loi après la deuxième lecture, n'empêchent pas vraiment, selon nous, TPSGC de faire concurrence au secteur privé.

Premièrement, le gouvernement a clairement énoncé une politique de rationalisation et de réduction de ses activités. Son expansion en concurrence directe avec le secteur privé va donc directement à l'encontre de cette politique.

Deuxièmement, la méthode de répartition bien peu précise des coûts réels, tant directs qu'indirects, pourrait donner à Travaux publics et Services gouvernementaux Canada un avantage injuste. Les coûts que doit assumer le secteur privé, y compris les frais généraux, représentent les véritables coûts de revient et ne peuvent être mis de côté, escomptés ou pris en charge ailleurs.

Troisièmement, toute subvention directe, indirecte, voulue ou non, de TPSGC dans ses activités en concurrence avec le secteur privé entraînerait une augmentation de la dette publique, d'abord en raison des coûts directs de la subvention, et deuxièmement par suite du manque à percevoir. Encore une fois, cela est de toute évidence contraire à la politique officielle de réduction du déficit.

Quatrièmement, dans l'offre de services professionnels, il y a deux types de risques: les risques habituels à toute entreprise, et le risque, très important, qui découle de la prestation des services professionnels au public.

Les architectes sont des petits entrepreneurs, et à ce titre ils acceptent les risques du métier et essaient de les gérer. S'ils les gèrent mal, ils font faillite. Quel est le risque comparable pour un ministère qui nous ferait concurrence? En dernier recours, il peut toujours compter sur le Trésor.

Nos professionnels sont personnellement responsables des services que nous offrons à nos clients. Si un client démontre que, par erreur ou omission, nous n'avons pas respecté une norme reconnue, c'est notre situation financière personnelle et celle de nos familles qui est en jeu, qui est menacée. Quel risque comparable Travaux publics et Services gouvernementaux Canada connaîtraient-ils?

Cinquièmement, on a dit, à la défense du projet de loi, qu'il permettrait au secteur privé de bénéficier des ressources et de l'expertise de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, et de former un «partenariat» quelconque, ce qui améliorerait notre position concurrentielle. L'idée est peut-être défendable, mais elle soulève d'autres problèmes. Premièrement, dans la pratique, si plus d'un architecte canadien soumissionne pour une commande donnée, TPSGC collaborera-t-il avec chacun d'entre eux? Sinon, comment décidera-t-on lequel des soumissionnaires canadiens bénéficiera de cette aide? Deuxièmement, il y a la question du partage du risque entre partenaire. On craint fort que le partenaire privé n'ait au bout du compte à assumer l'essentiel du risque. Même si TPSGC accepte un partage équitable du risque, il y a encore une fois la question du coût pour le Trésor.

Sixièmement, il y a un autre problème, peut-être très important, qui n'a pas encore été pleinement examiné. On peut donner au projet de loi C-7 une interprétation selon laquelle TPSGC pourrait offrir des services architecturaux à des clients canadiens qui ne relèvent pas de la compétence fédérale, notamment des municipalités, des commissions scolaires et des clients du secteur privé.

Au Canada, l'architecture est une profession autoréglementée, et régie par les provinces. Chacune d'entre elles crée, par un acte de l'assemblée législative, une association ou un institut chargé de réglementer l'exercice de l'architecture dans la province. Les groupes ou particuliers ne peuvent exercer l'architecture s'ils ne respectent pas les exigences prévues par la loi et les règlements afférents. La possibilité que TPSGC offre ce type de services au public semblerait contrevenir à ces lois.

De façon générale, si l'objet du C-7 semble clairement relever de l'autorité législative fédérale, l'effet des alinéas 10(2)c) et 16b) semble par contre toucher à des questions qui relèvent de la compétence législative des provinces.

Si cette analyse juridique est valable, les solutions que nous proposons plus loin sont d'autant mieux justifiées. C'est une question qu'il convient d'étudier attentivement et de résoudre avant que ce projet de loi ne soit adopté.

Nous nous permettons, humblement, de vous suggérer les solutions suivantes:

Tout d'abord, le détachement. Nous ne pensons pas qu'il soit nécessaire d'autoriser TPSGC à fournir des services professionnels à des clients ne relevant pas du secteur fédéral pour mettre à la disposition des architectes canadiens l'expertise des Travaux publics. Il serait beaucoup plus simple de faciliter le détachement, sur demande, d'employés ou d'équipes du TPSGC auprès de cabinets privés, avec toutes les dispositions contractuelles voulues.

Deuxièmement, modifier le projet de loi C-7. Les ajouts ou suppressions que nous proposons aux articles 10 et 16 permettront de régler tous les problèmes que nous avons cités.

Le paragraphe 10(2) porte que:

(2) Le ministre peut engager des dépenses ou assurer la prestation de services ou la réalisation de travaux portant:

alinéas a), b) et c).

L'alinéa 10(2)c) stipule:

c) ... sur des immeubles, ouvrages ou autres biens n'appartenant pas à Sa Majesté du Chef du Canada.

Nous proposons d'ajouter: «lors de l'achèvement de travaux publics»; autrement dit, seulement si le travail porte sur des immeubles publics.

Le deuxième problème découle de l'article 16, qui stipule que:

Le ministre peut exercer toute activité... pour le compte:

a) des autres ministères ou organismes fédéraux ou de sociétés d'État;

b) ... des gouvernements, des organisations ou des personnes, au Canada et à l'étranger, qui le lui demandent.

Et il est précisé que le ministre peut exercer cette activité relevant des attributions que la présente loi ou toute autre loi fédérale lui confère et qu'il peut l'exercer pour le compte des autres ministères ou organismes fédéraux. Nous proposons de supprimer «et à l'étranger».

Nous proposons un nouveau paragraphe 16(2) qui préciserait: «Rien dans l'alinéa 16(1)b) ne sera considéré comme accordant au ministre le pouvoir de fournir des services d'architecture ou de génie.»

Afin que la question de la collaboration entre le ministère et la profession soit bien claire, nous proposons l'exécution d'un protocole d'entente entre le gouvernement et l'Institut royal d'architecture du Canada, du même type que celui qui est prévu, à notre connaissance, entre le gouvernement et les ingénieurs. Ce protocole d'entente énoncerait les principes de notre collaboration professionnelle.

En conclusion, nous soulignons que les architectes canadiens ne craignent pas une concurrence équitable. Nous savons que c'est désormais un aspect incontournable du monde des affaires. Nous sommes tout à fait prêts à faire face à la concurrence, et nous croyons avoir amplement démontré que les architectes canadiens sont capables de réussir dans cet environnement.

M. C. Charles Brimley, directeur général, Conseil canadien des techniciens et technologues: Honorables sénateurs, le Conseil canadien des techniciens et technologues apprécie cette possibilité qui lui est donnée de faire entendre son point de vue sur cette question importante pour tous les Canadiens. Notre présence tient à notre sentiment du devoir envers nos membres dans le pays tout entier, c'est-à-dire envers plus des 37 000 ingénieurs et techniciens et technologues en sciences appliquées que représente notre association, ainsi qu'envers les plus de 160 000 professionnels et ingénieurs-conseils canadiens et les nombreux architectes, arpenteurs et autres professionnels avec lesquels nous travaillons quotidiennement dans la prestation de services d'architecture et de génie au Canada et à travers le monde.

Si le projet de loi C-7 est une loi utile et opportune, le Conseil canadien des techniciens et technologues, et le consortium que j'ai mentionné, c'est-à-dire les associations nationales qui représentent les professions de l'architecture et du génie, ont des inquiétudes concernant certains aspects de ce projet de loi. Ce sont les aspects qui mettent Travaux publics et Services gouvernementaux Canada en concurrence directe avec le secteur privé.

Nous sommes particulièrement inquiets des articles 10 et 16 qui, selon nous, auraient pour effet d'étendre l'influence et le pouvoir de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada. Nous estimons qu'ils vont directement à l'encontre de la directive du premier ministre qui enjoignait au gouvernement de ne plus être en affaires à la place du secteur privé, ainsi qu'au mandat déclaré de TPSGC, qui est de gérer les propriétés et les biens de la Couronne. Nous soutenons qu'une concurrence de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada avec le secteur privé est déloyale et, qui plus est, subventionnée par le contribuable.

L'affirmation qu'il serait possible que TPSGC devienne un partenaire du secteur privé est erronée, à notre avis, puisqu'elle laisse entendre que le gouvernement peut devenir un partenaire égal du secteur privé.

En outre, d'autres effritements, causés par des intrusions du secteur public dans le marché du secteur privé réduiront sans aucun doute les possibilités déjà rares pour les petites et moyennes entreprises de développer l'expertise dont elles ont besoin pour être concurrentielles tant au niveau national qu'international. De fait, ces mesures menacent les plans mêmes du gouvernement en matière de création d'emplois.

Nous sommes d'avis que le projet de loi C-7, tel qu'il est actuellement, met en péril le gagne-pain et l'avenir professionnel d'un grand nombre de nos membres. Pour vous montrer l'importance du risque, les ingénieurs-conseils de l'Ontario ont estimé que dans leur seule province, plus de 40 p. 100 des ingénieurs-conseils sont des techniciens et technologues. Cela représente 40 p. 100 d'une main-d'oeuvre estimée à 17 000 personnes en Ontario, et, à l'échelle nationale, à 50 000.

En tant que membres d'un consortium, nous avons fait des représentions lors de la rédaction du C-52, qui précédait le C-7. Aujourd'hui, nous répétons que le C-7 doit être amendé avant d'être adopté.

Dans notre mémoire, nous proposons des amendements par lesquels le C-7 pourrait être rendu conforme à la directive du premier ministre et qui, en outre, empêcheraient une intrusion injuste de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada dans les affaires du secteur privé.

À notre avis, les modifications proposées au projet de loi C-7 donneraient aux professionnels et aux cabinets canadiens qui offrent des services d'architecture et de génie au Canada et à l'étranger le sentiment que leur gouvernement appuie leurs efforts dans un environnement économique extrêmement compétitifs. En même temps, ces changements réduiraient les dépenses gouvernementales -- qui proviennent des impôts -- et qui pourraient être utilisées à d'autres buts productifs.

Le Conseil canadien des techniciens et technologues appuie les objectifs du gouvernement fédéral de réduire le déficit et de créer des emplois. Cependant, nous croyons que ces objectifs ne peuvent être atteints s'il y a concurrence entre le gouvernement et le secteur privé.

En conclusion, nous comptons sur votre sagesse pour faire inclure les modifications que nous proposons au projet de loi avant son adoption.

M. Ed A. Kennedy, président, Association canadienne des entreprises de géomatique: Honorables sénateurs, je tiens moi aussi à remercier votre comité d'avoir bien voulu nous entendre sur cette question si importante pour nous.

Je vais commencer par expliquer le terme géomatique, car il n'est pas vraiment courant. Beaucoup d'entre vous ne l'avaient probablement jamais entendu jusqu'ici. Je vais essayer de vous l'expliquer en termes compréhensibles.

Je représente des entreprises canadiennes qui produisent de l'information géographique, c'est-à-dire des cartes, des levés, des informations et des rapports de toutes sortes, principalement pour le secteur de l'exploitation des ressources, des services publics, pour les trois paliers de gouvernement, les entreprises de transport, les agences de surveillance de l'environnement et les propriétaires fonciers privés.

Environ 80 p. 100 des entreprises qui exportent sont membres de notre association. Elles créent de nouveaux emplois pour les Canadiens en augmentant constamment leurs exportations, actuellement au rythme de plus de 10 p. 100 par an.

En février dernier, l'Association des ingénieurs-conseils du Canada nous a invités à nous joindre à ce groupement d'organismes qui s'étaient unis pour s'opposer à certaines dispositions du projet de loi C-52, devenu le C-7. Nous avons accepté cette invitation parce que nous nous opposons par principe aux articles inacceptables du projet de loi et aussi parce que 30 p. 100 environ de nos membres offrent également des services de consultation en génie.

Vous avez entendu les préoccupations qu'ont exprimées mes prédécesseurs cet après-midi. Nous protestons contre certains articles du projet de loi C-7, en particulier les articles 10 et 16 qui, selon nous, permettraient au gouvernement de prendre une plus grande place dans les marchés national et international. Selon nous, le gouvernement n'a pas fait en sorte que Travaux publics et Services gouvernementaux Canada ne puissent offrir ce type de services à des gouvernements, institutions ou autres clients à l'extérieur de la sphère fédérale, tant au Canada qu'à l'étranger.

Comme le savent certainement les membres du comité, après la deuxième lecture, un amendement a été présenté au paragraphe 16b). Mais le nouveau libellé n'empêche pas, d'après nous, les représentants de TPSGC d'encourager d'éventuels clients canadiens ou étrangers à demander les services du ministère, auquel cas celui-ci respecterait parfaitement ces articles tels qu'ils paraissent actuellement.

Pourquoi nous opposons-nous à une concurrence du gouvernement? Nous estimons, comme d'autres membres de notre groupe, que dans ses défauts, ce projet de loi est contraire tant aux intentions publiquement déclarées du gouvernement de réduire et de rationaliser le service public qu'à la tendance mondiale à la privatisation des activités gouvernementales.

D'après nous, les services stratégiques, en géomatique, architecture et génie, entrent en jeu dans les premières étapes de travaux habituellement importants et capitalistiques. Les services de consultation que nous offrons dans ces secteurs ont un effet multiplicateur sur la création de nombreux autres emplois dans d'autres secteurs de l'économie, ainsi que dans la vente d'autres produits et services. Et pour être concurrentielles sur le marché mondial, nos entreprises doivent pouvoir compter sur un marché national solide et des règles du jeu équitables.

Nous constatons, avec une inquiétude croissante, que le gouvernement s'introduit sur le marché en créant des organismes de service spéciaux et autres mécanismes de ce type. Dans le secteur de la géomatique, nous avons eu pendant des années des relations d'étroites collaborations avec un organisme du ministère des Ressources naturelles. Il y a deux ans, il devait se transformer en organisme de service spécial. Dans certain cas, il était en concurrence direct avec le secteur privé. Nous avons négocié avec cet organisme une entente qui l'écartait de toute concurrence avec le secteur privé. Cet organisme n'avait cependant pas reçu mandat par voie législative de faire concurrence au secteur privé, comme c'est le cas pour les architectes et ingénieurs de TPSGC.

La volonté de générer des recettes non fiscales, qui sous-tend cette tendance du gouvernement à entrer de plus en plus en concurrence avec le secteur privé, va selon nous à l'encontre des efforts du gouvernement en vue de créer des emplois dans le secteur privé par des programmes et politiques visant à favoriser la croissance des petites et moyennes entreprises et à encourager l'exportation.

Quand des organismes gouvernementaux font concurrence sur le marché à des entreprises privées, la règle du jeu est faussée. En effet, outre l'affaiblissement de la position nationale des entreprises, il y a risque d'une baisse artificielle des prix sur le marché international, face à laquelle elles seraient plus difficilement concurrentielles à l'étranger.

Pour ce qui est d'une solution, je ne répéterai pas ce qui a déjà été dit. Nous recommandons essentiellement ce qui a déjà été recommandé par d'autres membres du groupe. Nous recommandons que l'on ajoute à la fin de l'alinéa 10(2)c) les mots «lors de l'achèvement de travaux publics»; et que l'on supprime de l'alinéa 16(1)b) les mots «et à l'étranger»; en outre, un nouveau paragraphe 16(2) se lirait ainsi: «Rien dans l'alinéa 16(1)b) ne sera considéré comme accordant au ministre le pouvoir de fournir les services d'architecture et de génie.»

En conclusion, l'Association canadienne des entreprises de géomatique et ses alliés appuient entièrement les objectifs de réduction de déficit, de création d'emplois, de rationalisation des activités gouvernementales et d'encouragement à l'innovation. Nous estimons que ces objectifs du gouvernement auront de meilleures chances d'être atteints si le secteur public se limite à gouverner et laisse les activités de production au secteur privé.

La compétitivité mondiale de nos membres doit s'appuyer sur une base solide et viable au Canada. Pour le secteur de la géomatique en particulier, où environ 70 p. 100 des contrats étrangers proviennent du secteur public, la première question que posent les clients du secteur privé est la suivante: Quels travaux avez-vous réalisés pour votre gouvernement au Canada? Il est absolument essentiel que le gouvernement du Canada nous donne la possibilité de faire la preuve de notre compétence au Canada d'abord, si nous voulons être acceptés sur les marchés internationaux.

Nous estimons que les dispositions du projet de loi C-7 contre lesquelles nous nous élevons ouvrent la porte à une concurrence accrue de la part du gouvernement dans le secteur privé. Nous savons que pour survivre nous devons être concurrentiels à l'échelle mondiale. Dans notre domaine, comme dans d'autres représentés ici, le marché national est relativement morne. Mais nous pensons que la concurrence d'organismes gouvernementaux subventionnés contrecarrera nos efforts sur les marchés internationaux, pour les raisons que nous avons expliquées.

Nous savons que le gouvernement considère ce projet de loi comme une mesure d'intendance dont le but est de fusionner les anciens ministères d'Approvisionnements et Services et de Travaux publics Canada, et il semble que nos préoccupations soient considérées comme une contrariété. Nous croyons cependant que les articles contre lesquels nous protestons, bien qu'en apparence inoffensifs, ont le potentiel de causer à nos industries de très graves problèmes, sous forme d'une concurrence déloyale de la part du secteur public.

Comme nos prédécesseurs, je vous demande respectueusement d'appuyer les modifications que nous avons suggérées au projet de loi C-7.

Le président: Je voudrais demander aux trois témoins combien de membres ils représentent. Je comprends dans ce chiffre les personnes qui gagnent leur vie gråce à leurs membres.

M. Kennedy: Notre association représente environ 120 compagnies, pour un total d'environ 8 000 employés.

M. Brimley: Notre organisme a des membres individuels plutôt que des entreprises. Actuellement nous représentons 37 000 membres agréés.

M. Griffiths: Il y a environ 7 800 architectes au Canada. Il y en a près de 9 000 dans la seule ville de Chicago. Il est difficile de dire avec précision combien de personnes travaillent dans leurs cabinets qui comptent aussi un grand nombre de technologues. Nous créons des emplois dans le secteur du båtiment. L'effet d'entraînement est donc très important.

Le président: Avez-vous essayé de traiter avec le ministre ou le ministère? Si oui, comment ont-ils réagi?

M. Griffiths: Non, je ne crois pas qu'il y ait eu des tentatives sur le projet de loi C-7. Mais il y a eu des approches. Je ne crois pas que mon prédécesseur ait obtenu une entrevue avec le ministre. Je sais qu'il y a eu un échange de correspondance.

M. Brimley: Je dois dire que nos efforts ont été dirigés par l'Association des ingénieurs-conseils du Canada, qui a pris l'initiative de constituer le consortium dont les membres partagent le même point de vue sur le projet de loi C-7.

M. Kennedy: Il en va de même pour moi, mais dans le cas que j'ai mentionné, nous avons rencontré le ministre des Ressources naturelles et il nous a entendus. Nous n'avons cependant pas rencontré le ministre des Travaux publics et Services gouvernementaux.

Le sénateur Lavoie-Roux: À la dernière page du mémoire de l'Association canadienne des entreprises de géomatique, vous dites que le gouvernement considère ce projet de loi comme une question d'intendance qui permet de fusionner les anciens ministères des Approvisionnements et Services et des Travaux publics.

Partons du principe que c'était l'objectif légitime, pensez-vous qu'il soit atteignable sans imposer de contraintes à ces trois associations?

M. Kennedy: Pour notre part, nous n'avons aucune objection au projet de loi hormis dans ces deux petits articles, contre lesquels nous protestons vivement. Le reste du projet de loi nous paraît tout à fait légitime. Nous estimons que le gouvernement peut très bien atteindre ses objectifs avec les modifications que nous recommandons.

Le sénateur Lavoie-Roux: J'ai eu à traiter avec le ministère des Travaux publics et je connais leurs ambitions qui, d'après eux, sont légitimes.

Monsieur le président, ce projet de loi a-t-il été élaboré par le ministère des Travaux publics?

Le président: Je le présume, mais je n'en suis pas certain. Il a été élaboré par quelqu'un au sein du gouvernement.

Le sénateur Lavoie-Roux: Dès que je vois «Travaux publics», je deviens un peu plus méfiante. Comme je le disais, le ministère n'a d'ambitions que pour lui-même. Est-ce votre avis?

M. Kennedy: Nous pensons qu'il a une volonté -- du moins au niveau des fonctionnaires, pas nécessairement au niveau politique -- de jouer un beaucoup plus grand rôle dans le secteur privé. Nous pensons qu'il y a une volonté de faire concurrence au secteur privé dans les services de génie et d'architecture.

Le sénateur Lavoie-Roux: Dans quel but le gouvernement le ferait-il? À notre époque, il n'est question que de privatiser et d'éliminer les règles qui entravent l'entreprise privée. Selon votre interprétation, ceci créerait de nouvelles entraves et augmenteraient les difficultés du secteur privé. Peut-être devrions-nous nous demander quel est l'objectif du gouvernement dans tout cela.

M. Griffiths: Monsieur le président, il ne fait aucun doute que nous sommes inquiets pour ces raisons-là. Toutefois, nous voyons la chose un peu différemment. J'ai l'impression que Travaux publics et Services gouvernementaux souhaitent venir en aide au secteur privé, en particulier à l'étranger. Le processus est extrêmement délicat. Le ministère a une expertise, des ressources et des contacts auxquels peuvent difficilement prétendre les membres plus modestes de nos professions. Les gros cabinets peuvent se débrouiller seuls.

Nous acceptons l'idée. Nous demandons que les règles soient justes, car nous ne voulons pas nous faire écraser par un éléphant.

Le président: Travaux publics ne le faisait-il pas avant le projet de loi? Je croyais qu'il aidait déjà le secteur privé dans les contrats étrangers, avant d'avoir ses pouvoirs.

M. Griffiths: D'une façon indirecte, oui.

Le président: Comment le faisait-il?

M. Griffiths: Le sous-ministre pourrait sans doute mieux vous répondre.

Le président: Nous l'entendrons plus tard, et je lui poserai la question.

Le sénateur Taylor: En tant qu'ancien ingénieur-conseil, je comprends votre comparaison avec l'éléphant. Le gouvernement n'a-t-il pas un rôle à jouer dans les soumissions pour les contrats étrangers? Dans bien des pays, on pense qu'un cabinet d'ingénieurs allié à un gouvernement sera plus efficace qu'un autre, surtout s'il est de taille modeste.

Je peux comprendre que les grands cabinets d'architectes et d'ingénieurs appuient votre position, mais je me demande si les cabinets plus modestes ne seraient pas prêts à se coucher avec un éléphant, au moins pendant quelques nuits, en attendant de faire connaissance avec le client. La consultation en génie est le deuxième plus vieux métier du monde.

M. Griffiths: Cela peut être acceptable, à condition que le processus de sélection soit tout à fait équitable.

Le sénateur Taylor: Vous voulez que le gouvernement se retire après quelques jours.

Le sénateur Griffiths: Non, pas tout à fait, mais pourquoi Travaux publics me choisirait-il comme partenaire plutôt qu'un autre cabinet d'architectes? Nous payons tous des impôts. C'est là le problème; cela ne fait aucun doute.

Le sénateur Taylor: Ce pourrait-il que Travaux publics ait des compétences dans certains secteurs du génie que les entreprises privées n'ont pas? Dans le bris de la glace, par exemple.

M. Griffiths: C'est peut-être le cas en génie. La Commission de la capitale nationale a peut-être une expertise particulière dans l'organisation des capitales. Si quelqu'un veut construire une nouvelle capitale, la CCN pourrait contribuer une expertise utile à un nouveau pays.

Si nous sommes en concurrence directe, il serait extrêmement difficile à un cabinet privé de faire face à cette concurrence. Ma société serait donc enchantée d'envisager un partenariat. Mais il faut qu'il y ait un mécanisme pour que tout le monde ait des chances égales.

M. Kennedy: De notre point de vue, les représentants du gouvernement ont un rôle légitime à jouer pour aider le secteur privé à obtenir des contrats pour le Canada. Pour notre part, nous collaborons étroitement avec des partenaires de plusieurs ministères. Le gouvernement détache des employés auprès d'entreprises privées. Nous avons créé un consortium dont le gouvernement faisait partie. Les représentants du gouvernement ont un rôle légitime à jouer. Ils ont, dans certains secteurs, une expertise que n'a pas le secteur privé, notamment dans les domaines de la réglementation.

Nous ne sommes pas convaincus qu'il soit nécessaire d'adopter une disposition législative pour cela. Il existe actuellement des mécanismes qui permettent des détachements. Et, d'après notre expérience, ils donnent toute satisfaction. Les gens avec lesquels nous travaillons au sein du gouvernement n'ont pas de mandat législatif pour faire ce que nous voyons ici.

Il ne s'agit pas de savoir si le gouvernement peut collaborer avec l'industrie et appuyer celle-ci. C'est entendu. Simplement, les dispositions contre lesquelles nous nous élevons vont au-delà de ce qui est nécessaire.

M. Brimley: La capacité de nos sociétés de génie et d'architecture à remplir des contrats n'importe où dans le monde ne fait aucun doute. Actuellement, nous occupons le quatrième rang des exportateurs mondiaux de services de génie et d'architecture. Ces entreprises se débrouillent très bien et n'ont pas besoin d'un autre intervenant qui leur ferait une concurrence déloyale parce que ses frais sont subventionnés, comme c'est le cas du gouvernement. Ce dont nos entreprises ont besoin, c'est d'un gouvernement qui crée un environnement plus propice pour qu'elles puissent être plus concurrentielles avec le reste du monde. Il ne fait aucun doute que s'il y a de plus en plus de travail, les sociétés actuelles seront parfaitement capables de répondre à la demande sans qu'il y ait de nouveaux intervenants.

Le sénateur Nolin: Monsieur Griffiths, êtes-vous propriétaire d'un cabinet?

M. Griffiths: Oui.

Le sénateur Nolin: Petit, moyen ou grand?

M. Griffiths: Nous avons 20 personnes.

Le sénateur Nolin: Votre objectif ultime est sans doute de rester en affaires.

Savez-vous si votre cabinet ou d'autres qui sont membres de l'association sont en concurrence avec Travaux publics?

M. Griffiths: Non, je n'ai aucune preuve en ce sens. Travaux publics s'est très bien comporté avec nous. Le processus est équitable et transparent. Le système actuel des cahiers des charges fonctionne très bien. Nous n'avons pas obtenu beaucoup de contrats de Travaux publics, mais nous en avons eu un certain nombre du ministère de la Défense nationale. La concurrence joue sur le travail disponible. En ce qui concerne ma société, je n'ai pas eu connaissance que Travaux publics ait sollicité des contrats d'architecture en ce sens.

Le sénateur Nolin: Vous en avez eu connaissance?

M. Griffiths: Non. À ma connaissance, Travaux publics offre des services à ses clients. Nous avons de nombreux avantages avec ce système. Par exemple, l'expérience fait que le cahier des charges du client est mieux préparé. Les contrats qu'on nous demande de signer sont généralement uniformes, ce qui est à notre avantage. Il y a à Travaux publics une base de clientèle bien informée.

Le sénateur Nolin: Dans votre mémoire, vous mentionnez que Travaux publics n'est pas un architecte agréé. C'est un argument de poids.

L'association du génie nous a fait savoir la semaine dernière que certains ingénieurs de Travaux publics ne sont pas en fait ingénieurs. Avez-vous le même problème?

M. Griffiths: Oui, effectivement. De fait, j'essaie de voir comment on pourrait permettre à des gens qui ont une formation d'architecte, qui travaillent à Travaux publics et qui, de ce fait, ne peuvent avoir d'expérience dans le secteur privé, pourraient utiliser le titre d'architecte. Ce serait une bonne chose pour la profession. Ils sont en quelque sorte des collègues perdus. En réalité, c'est un peu exagéré.

Le sénateur Nolin: Vous savez certainement que l'opéra de Paris est l'oeuvre d'un architecte canadien.

M. Griffiths: Carlos Ott, bien entendu.

Le sénateur Nolin: Mon collègue, le sénateur de Bané, disait que le Canada ouvre la voie et invite des entreprises privées à participer à la conception et à la construction. En ce qui concerne l'opéra de Paris, savez-vous si M. Ott a reçu une aide de Travaux publics?

M. Griffiths: Je l'ignore. À ma connaissance, il y a eu un concours international ouvert. Nous avons demandé le cahier de charges, qui nous a coûté dans les 200 $. Après cela, vous vous torturez les méninges et vous envoyez votre projet. C'est un concours ouvert.

Le sénateur Nolin: Le ministère des Travaux publics vous a-t-il invité à participer à ce projet? Vous a-t-il offert son aide?

M. Griffiths: Non. Je ne pense pas que ce soit leur rôle. Les concours internationaux sont des concours de haute volée. Les architectes y participent et ils gagnent si leur projet le mérite. La sélection est anonyme.

Carlos Ott est un architecte brillant. Il a été choisi. Il a remporté le concours et il a fait les plans. Mais je ne sais pas si dans les étapes ultérieures il a bénéficié de l'appui du gouvernement canadien par l'entremise de Travaux publics. Je ne le crois pas, mais c'est possible.

Le gouvernement pourrait aider les architectes à participer à des concours internationaux en leur apportant un soutien financier.

Par exemple, une firme canadienne qui a une grande expérience dans le domaine des aéroports était récemment parmi les cinq firmes préselectionnées pour la construction d'un grand aéroport aux Philippines. Elle a dû se retirer parce que les architectes britanniques et français étaient lourdement subventionnés par leurs gouvernements. Ils ont pu consacrer davantage d'efforts et de personnel au projet.

Le sénateur Nolin: Nous n'avons pas ce genre de chose au Canada?

M. Griffiths: Pas à ma connaissance.

Le sénateur Stratton: Pas dans la même mesure.

M. Griffiths: On peut aller à la recherche d'opportunités. Si je vous disais qu'il y a la possibilité de construire un nouvel édifice du Parlement à Kuala Lumpur, il faudrait que je me débrouille. Je serais seul face à mes concurrents qui bénéficieront peut-être d'importantes subventions de leurs gouvernements. Je crois que c'est bien cela.

Le sénateur Stratton: Ce que nous avons entendu la semaine dernière a été réitéré dans une certaine mesure aujourd'hui. Il semble qu'il n'y ait pas une très grande confiance entre les professionnels du secteur privé et les fonctionnaires de Travaux publics Canada, simplement parce que cela risquerait d'ouvrir la porte d'une concurrence directe. Pourquoi est-ce le cas? Pourquoi ce manque de confiance? Est-ce en raison de l'expérience -- non pas tant sur les marchés internationaux, mais sur le marché national -- du travail fait pour les autres ministères, d'un travail qui pourrait ou devrait légitimement aller au secteur privé, mais qu'on préfère faire à l'interne? Est-ce cela ou vais-je plus loin que votre pensée?

M. Griffiths: Il y a un peu de cela. Il y a toujours un peu d'inquiétude. Si Travaux publics décidait de construire un musée de l'aéronautique, par exemple, ce serait un excellent contrat et tout le monde voudrait l'obtenir. Mais nous devons accepter que le gouvernement doit, pour des raisons tout à fait légitimes, garder un noyau de gens compétents, et il faut bien de temps en temps leur donner un travail intéressant.

Nous avons aussi quelques inquiétudes parce qu'une fois la loi adoptée, les ministres changent, les administrations changent, les idées aussi, mais nous demeurons. Et c'est pourquoi nous sommes inquiets. Ce n'est pas que nous n'ayons pas confiance dans les personnes.

Le sénateur Stratton: Quelqu'un d'autre voudrait-il ajouter quelque chose?

M. Brimley: Le marché des services d'architecture et de génie est actuellement très serré. À cause du ralentissement économique, il y a beaucoup moins d'argent et beaucoup moins de travail. Nous sommes en présence d'un géant qui a la capacité -- qu'il l'exerce ou non -- de faire preuve d'imagination dans le calcul des frais généraux et les méthodes de comptabilité, et pourrait ainsi faire une concurrence déloyale. Mais si nous étions certains que la concurrence soit loyale et les règles du jeu égales pour tous, je ne doute pas que tous les cabinets d'architecture ou de génie seraient concurrentiels. Le problème vient du doute persistant quant à l'équité de la concurrence.

M. Griffiths: Ma société aurait beaucoup de mal à l'emporter contre le gouvernement fédéral dans un contrat car celui-ci bénéficie d'une certaine crédibilité, que lui donne le drapeau canadien, l'expérience, et toutes ces notions importantes. Ce serait très agréable d'entrer dans un partenariat avec le gouvernement canadien -- je le répète -- à condition que tout le monde ait une chance. C'est là qu'est la difficulté.

Le président: Si on devait y revenir plus tard, comment le gouvernement fédéral pourrait-il choisir votre compagnie parmi une dizaine qui seraient intéressées au même contrat? Pourrait-il entrer en partenariat avec chacune d'entre elles?

M. Griffiths: À part le fait que nous sommes les meilleurs, ce ne serait pas facile.

Le sénateur Stratton: À ce sujet, vous avez dit très clairement, et le sénateur De Bané abonde dans le même sens, que les professionnels qui travaillent à Travaux publics devraient avoir la possibilité de travailler sur des projets importants, comme un musée de l'air, par exemple. En ces temps austères, et compte tenu des compressions que nous subissons actuellement, je ne crains pas seulement pour les projets de musées. Avec la multiplication du nombre de cabinets en architecture et en design d'intérieur qui n'ont qu'un ou deux joueurs, un projet de 300 000 $ ou 500 000 $ est déjà important.

M. Griffiths: C'est certain.

Le sénateur Stratton: Ayant tacitement autorisé les Travaux publics à choisir soigneusement leurs projets parce qu'ils doivent maintenir leur expertise à la fine pointe, je crains que nous ne les autorisions à faire exactement ce que vous redoutez. Êtes-vous de mon avis, ou vais-je, encore une fois, au-delà de votre pensée?

M. Griffiths: Oui, dans une certaine mesure, et c'est très malsain. En mettant les choses brutalement, je dirais que tout cela devrait rester dans le secteur public. Je comprends l'importance de la mémoire de l'organisation et de la capacité à retenir des employés de talent. On ne peut pas indéfiniment les nourrir de déchets.

Le président: Pourquoi la fonction publique aurait-elle besoin d'un architecte? Pourquoi serait-il nécessaire d'avoir des architectes au ministère des Travaux publics?

M. Griffiths: Les architectes apportent des compétences variées et utiles dans la résolution des problèmes.

Le président: Par exemple? Pourquoi est-il nécessaire d'avoir un architecte au ministère des Travaux publics?

M. Griffiths: Selon moi, le ministère des Travaux publics traite du construit. Il traite de questions complexes, d'esthétique, du tissu de la nation et des matériaux qui constituent le pays. L'architecture est un élément essentiel de la culture d'un pays. Cette culture peut s'acheter sur le marché. Mais il est important qu'il y ait au sein de Travaux publics un équilibre favorable. Il ne doit pas y avoir que des comptables et des ouvriers manuels qui vont faire ceci ou cela. Il doit y avoir des gens qui donnent l'impulsion et font prendre conscience au gouvernement de ce qui est important pour la culture.

Le président: Je suis allé en Pologne. Je ne sais pas si vous y êtes déjà allé, ou dans un autre pays communiste, où tous les architectes travaillent pour le gouvernement. Sur le plan architectural, on peut difficilement imaginer pire que la période post-1945.

Le sénateur Taylor: Vous devriez voir Edmonton.

Le président: J'aime bien Edmonton. Mais peut-être qu'il y a là-bas trop d'architectes qui travaillent pour le gouvernement.

Je veux dire que selon votre logique, on devrait trouver en Pologne de magnifiques édifices construits après 1945, or ce n'est pas le cas. Les seuls beaux båtiments qu'on y trouve sont ceux qui ont été reconstruits sur le modèle de l'architecture d'avant-guerre. À part cela, il n'y a strictement rien à voir à Varsovie. Les nouvelles constructions en béton sont très laides.

S'il est bon que le gouvernement ait une dizaine d'architectes, serait-il encore mieux qu'il en ait 100? Ou 1 000? Peut-être en avons-nous déjà trop. Peut-être qu'il y aurait davantage de créativité dans le marché si aucun architecte ne travaillait pour le gouvernement.

Ma question est toute théorique. Pourquoi Varsovie n'est-elle pas plus belle?

M. Griffiths: C'est une question complexe. Ça n'a certainement rien à voir avec le talent des architectes polonais.

Le président: J'en suis conscient.

M. Griffiths: À Berlin, quand le mur existait, en le traversant on passait d'une économie libre et pétillante dans une grisaille morne. À Beijing, vous trouverez des restes de culture chinoise ici et là parmi des rangées de blocs de ciment, tous construits, j'imagine, par les architectes du régime.

J'espère que vous ne voulez pas dire par là que travailler pour notre gouvernement, c'est pareil.

Le président: Je ne veux rien dire du tout. Travailler pour le gouvernement, c'est travailler pour le gouvernement.

M. Griffiths: Oui, mais il y a au sein du gouvernement une place pour la créativité. Il est important qu'il y ait des lieux de créativité aux Travaux publics. C'est très important. Il n'y a pas suffisamment d'architectes à Travaux publics.

Et malgré ce qu'en dit Pierre Franche, il y a trop d'ingénieurs aux Travaux publics. Je ne plaisante pas. Au cours des dernières années, les architectes n'ont pas atteint des postes importants aux Travaux publics. Certains ne peuvent pas se faire agréer. Certains sont agréés mais comme ils doivent payer leurs propres cotisations aux associations professionnelles et que ce n'est pas obligatoire, ils ont tendance à s'en retirer. Cela représente quelques centaines de dollars par an. Petit à petit, ils se fondent dans le système. Le gouvernement aurait tout à gagner à employer davantage d'architectes. Quant au travail qu'il leur ferait faire, c'est autre chose.

Le sénateur De Bané: Messieurs, vous avez entendu les deux ministres, M. Dingwall et Madame Marleau, dire qu'il n'est pas dans leur intention de faire concurrence au secteur privé.

On nous a rappelé que l'article en question n'est pas nouveau. C'est essentiellement l'article 13 de l'ancienne loi qui régissait le ministère des Approvisionnements et Services.

Vous avez remarqué que, bien que le gouvernement fédéral soit le plus gros acheteur de biens et services au Canada, les seules professions qui se soient manifestées sont les ingénieurs et les architectes. Aucune autre catégorie professionnelle n'a exprimé les mêmes inquiétudes.

Vous avez bien cerné le problème -- c'est votre méfiance, votre manque de confiance. Franchement, cela ne justifie pas selon moi l'adoption de nouvelles politiques. Nous ne faisons rien de nouveau ici.

Nous reprenons très exactement un article qui existe déjà. Il y a des centaines de catégories de professionnels au Canada, et aucun d'entre eux n'a vu dans cet article ce que vous y voyez. Bien que les deux ministres nous aient assuré que le gouvernement n'a pas l'intention et n'aura jamais l'intention, de faire concurrence au secteur privé, vous dites que ce n'est pas suffisant, et qu'il y a un manque de confiance. Mais quand on vous interroge sur vos relations professionnelles avec le ministère, vous dites qu'elles sont marquées au coin du professionnalisme et de la déontologie.

Je ne veux pas reprendre tout le débat, mais nous avons les déclarations des ministres. Le ministère est prêt à dresser avec vous un protocole d'entente. Je vous demande simplement de faire davantage confiance au système.

L'une des caractéristiques de notre système, c'est que le gouvernement doit rester sensible à l'opinion publique. Vous savez très bien qu'aucun d'entre nous ne souhaite voir le gouvernement entrer en concurrence avec des entreprises dynamiques comme les vôtres qui, chaque jour, doivent gagner leur pain, prendre des risques et faire face à la concurrence mondiale.

Si nous nous aventurions sur un terrain inexploré, et si toutes les autres professions vous appuyaient, je dirais qu'il y aurait peut-être lieu de s'inquiéter. Mais le gouvernement offre des services de toutes sortes, et il n'y a que les ingénieurs et les architectes qui aient vu dans cet article un danger que personne d'autre ne perçoit.

La meilleure manière de juger la situation, c'est de considérer le passé. Cette clause existe depuis longtemps, et il n'y a pas eu d'abus. Le gouvernement du Canada, par le ministère, embauche chaque jour des professionnels. Il le fait sur une base compétitive, pour l'ACDI et d'autres ministères. Les professionnels de toutes catégories participent aux concours et le ministère a établi une grille d'évaluation. Personne ne met en doute l'équité du système. En ma qualité de membre du Parlement, je n'ai jamais reçu de plainte qu'un concours était truqué.

S'il vous plaît, ayons confiance. Il faut espérer qu'une fois le projet de loi adopté, vos associations professionnelles continueront d'entretenir avec le ministère des liens avantageux. Le ministère a besoin de vous, et vous devez travailler avec lui.

Le président: Souhaitez-vous répondre?

M. Brimley: Je sais que les ministres ont tous deux déclaré publiquement qu'il n'est pas dans leur intention de faire une concurrence directe. Mais, ils ont dit textuellement qu'ils n'entendent pas devenir des concurrents acharnés, ce qui peut porter à penser qu'ils entendent devenir des concurrents, sans devenir acharnés. Cela reste à définir. Quelle est la différence entre un concurrent acharné et un concurrent non acharné?

Le rôle traditionnel de Travaux publics et Services gouvernementaux a consisté à gérer les sociétés et les biens de l'État. C'est sur cette base qu'il opérait. Comme vous le savez, au fil des ans, les gouvernements ont de moins en moins construit. Il y a compression et réduction. Bien des édifices du gouvernement sont vides et on n'en construit pas de nouveau. Si le gouvernement voulait faire preuve de leadership, il pourrait s'inspirer de son propre exemple dans les compressions et envisager de sous-traiter au secteur privé tout ce qui a trait aux immeubles et aux travaux publics; il se déferait ainsi de son expertise en architecture et en génie. J'ai déjà dit que le marché privé canadien est en mesure de faire face à la demande.

Le sénateur De Bané: Vous rendez-vous compte que vous venez de contredire, de toute évidence, ce que disait votre collègue?

M. Brimley: Je ne le pense pas.

Le sénateur De Bané: Il a dit que le gouvernement devait avoir son propre noyau d'architectes au sein du ministère.

M. Brimley: S'il continue à faire son propre travail.

Le sénateur De Bané: Ne voyez-vous pas qu'en adoptant une position aussi extrême et en disant que le gouvernement ne devrait pas maintenir un noyau de compétence vous mettez en doute votre crédibilité? Il y a une limite à la méfiance qu'on peut avoir à l'égard du gouvernement. Vous ne contesterez pas que nous devons avoir dans ce ministère des professionnels compétents et doués. Quand le gouvernement autorise une construction, il est dans l'intérêt du ministère de pouvoir faire appel à des professionnels objectifs qui examinent le travail.

Monsieur le président, une prise de position aussi extrême est en contradiction avec ce que disait M. Griffiths en réponse à votre question. Il a été très éloquent lorsqu'il a expliqué pourquoi le Ministère devait avoir des architectes.

M. Griffiths: Très respectueusement, sénateur De Bané, j'ai une réponse. Notre association et les ingénieurs se sont opposés au projet de loi C-30 dès le début. Ce n'est vraiment pas une question de méfiance à l'égard du gouvernement.

Autrement dit, pourquoi le gouvernement adopte-t-il cette position? Pourquoi cette position ne nous inciterait-elle pas à la méfiance? Ne serions-nous pas naïfs de dire: «Nous vous faisons confiance»?

L'article 10 du projet de loi traite de biens immobiliers. C'est notre domaine. C'est notre gagne-pain, et celui de tous nos employés. Avec respect, je prétends que nous ferions preuve de négligence en n'exprimant pas notre opposition au projet de loi.

Le sénateur De Bané: Les articles 15 et 16 couvrent tous les services professionnels, et les autres associations ne semblent pas inquiètes.

M. Kennedy: Je tiens à placer nos objections dans le contexte de la réalité économique et financière qui est la nôtre. Nous ne réfutons certainement pas les commentaires du sénateur quant à l'historique de la loi et de l'organisme. Mais les temps ont changé. Nous vivons une époque d'extrême austérité financière et la tendance est à la génération de recettes non fiscales. Votre inquiétude n'est pas nécessairement fondée sur un manque de confiance, mais sur notre reconnaissance de la réalité financière actuelle et de la possibilité que la situation devienne compétitive, si le ministère sent des pressions à produire des recettes.

Le sénateur Nolin: Sauf le respect que je dois à mon collègue, le sénateur De Bané, je crois qu'il a induit le témoin en erreur. Il est faux de dire que cet article reproduit exactement ce qu'il y avait dans les deux lois précédentes. Nous avons entendu la semaine dernière un témoin nous dire le contraire.

J'ai une question pour M. Kennedy. Combien cela coûte-t-il de monter un cabinet de géomatique?

M. Kennedy: Il m'est difficile de vous répondre, car il y a toutes sortes de sociétés de géomatique. Il y a celles qui sont plutôt technologiques, et qui utilisent beaucoup l'informatique. Pour ouvrir une entreprise et offrir un service acceptable, il faut compter entre 250 000 $ et 500 000 $.

Le sénateur Nolin: Vous avez parlé de Ressources naturelles Canada, qui envisageait de vous faire concurrence. Comment cela s'est-il réglé?

M. Kennedy: Gråce à la négociation, nous avons pu nous entendre. Pendant une certaine période, nos relations de travail s'étaient détériorées à un point tel que certains services au sein de l'organisation cherchaient à nous concurrencer. Nous avons traité avec la ministre et avec le sous-ministre adjoint et nous avons fini par résoudre le problème. Depuis nous avons réussi à renforcer nos relations de travail. En fait, un protocole d'entente a été signé par nos deux groupes, et nous avons à l'heure actuelle de bons rapports coopératifs. Ils font partie de l'équipe industrielle qui cherche à décrocher de gros contrats internationaux. Nous avons établi de bonnes relations de travail, et ce, sans dispositions législatives leur permettant de dispenser des services à des organismes non gouvernementaux.

Le sénateur Nolin: Monsieur Brimley, je crois comprendre que votre organisation comprend un certain nombre d'arpenteurs- géomètres.

M. Brimley: Non, il s'agit de technologues en levés.

M. Griffiths: Monsieur le président, je voudrais saisir l'occasion pour vous rappeler que l'essentiel, c'est de maintenir un équilibre entre les secteurs public et privé. À mon avis, il faut surtout s'assurer de maintenir l'équilibre entre les architectes qui travaillent pour la fonction publique et ceux du secteur privé. Cela soulève diverses questions concernant la nécessité de bien informer le client, la préparation des mémoires, les contacts avec ceux qui travaillent au sein du gouvernement et inversement. Il s'agit en réalité de conserver une importante symbiose.

Nous souhaitons donc que la confiance dont parle le sénateur De Bané puisse être reflétée dans le projet de loi C-7. Si cette confiance est si solide, pourquoi ne pas tenir compte de nos préoccupations et modifier le texte du projet de loi en conséquence?

Le président: S'il n'y a plus de questions, nous passons au prochain témoin, soit le professeur Benoît Pelletier de la section de droit constitutionnel et administratif de la faculté de droit de l'Université d'Ottawa. Nous l'avons invité à comparaître pour répondre aux questions soulevées en comité par le sénateur Nolin. Ce dernier avait demandé que le comité convoque un certain nombre d'experts en droit administratif.

Monsieur Pelletier, je crois que vous avez déjà entendu une partie des témoignages et que vous êtes donc au courant de certaines de nos préoccupations. Je vous cède donc la parole.

[Français]

M. Pelletier, professeur, Loi constitutionnelle et administrative, Université d'Ottawa: Je vous remercie, monsieur le président, de me faire l'honneur de m'adresser à vous aujourd'hui concernant l'article 23 du projet de loi actuellement sous étude.

L'article 23 est une disposition que nous appelons en droit administratif une disposition habilitante, c'est-à-dire une disposition par laquelle est conférée au gouvernement un pouvoir réglementaire. C'est la source habilitante, la source formelle d'un pouvoir conféré au gouvernement d'adopter des règlements.

On m'a demandé d'examiner l'article 23 sous différents aspects. Premièrement, j'aborderai l'aspect de la légalité; deuxièmement, son impact tel que rédigé sur le pouvoir de surveillance et de contrôle des tribunaux supérieurs -- et j'entends ici plus particulièrement la Cour fédérale du Canada; troisièmement, l'opportunité du libellé choisi dans le cadre de l'article 23.

Je vais donc en faire l'examen paragraphe par paragraphe tout en tentant d'être bref, précis et par ailleurs objectif.

Il faut d'abord noter que le paragraphe 23(1) donne au gouvernement du Canada le pouvoir d'adopter les règlements qu'il juge nécessaires pour la gestion, l'entretien, le bon usage et la protection des immeubles fédéraux et des ouvrages publics dont le ministre a la gestion.

Quant aux règlements que le gouvernement juge nécessaires, cette petite expression fait en sorte que l'article 23(1) a une portée fort large. Dès le départ, si nous enlevions les mots « qu'il juge nécessaires », nous nous retrouverions devant un pouvoir habilitant qui serait de portée plus restreinte et plus limitée.

Les mots «qu'il juge nécessaires» donnent donc à l'article 23(1) une portée fort large. Tout en étant large, cette disposition est néanmoins à mon avis parfaitement légale.

Il faut cependant se demander pourquoi le législateur peut adopter une telle expression. Pourquoi le législateur dans une loi indiquerait-il que le gouvernement peut adopter « les règlements qu'il juge nécessaires ». Le but est évident. Nous retrouvons de telles dispositions dans un certain nombre d'autres lois, plus particulièrement, La Loi sur les mesures d'urgence au Canada et la Loi sur les mesures de guerre.

Le législateur adopte de telles mesures justement parce qu'il veut limiter le pouvoir de surveillance et de contrôle des tribunaux supérieurs. Je m'explique. Il est bien certain que si l'on confère un pouvoir réglementaire en des termes très larges qui offrent beaucoup de discrétion au gouvernement, il est beaucoup plus difficile aux tribunaux d'intervenir pour invalider des règlements justement parce que le législateur a pris le soin de donner au gouvernement toute la discrétion et toute la marge de manoeuvre voulues pour adopter la réglementation qu'il juge pertinente ou qu'il juge nécessaire.

En d'autres termes, plus le pouvoir habilitant est large et général, plus il est difficile aux tribunaux d'en cerner la portée. Plus il est difficile aux tribunaux d'en cerner la portée et plus il leur est difficile de contrôler la légalité des règlements. Dans le cas présent, les mots «qu'il juge nécessaires» sont une disposition qui vise essentiellement à rendre beaucoup plus difficile l'intervention des tribunaux supérieurs dans le contrôle de la légalité des règlements.

Je tiens déjà à préciser ce qui suit par acquit de conscience. Le fait que cela rende plus difficile l'exercice du pouvoir de contrôle et de surveillance ne veut pas dire que cela le rend impossible. Cela indique tout simplement que les tribunaux vont être beaucoup plus réticents à intervenir pour contrôler la légalité de la réglementation qu'il ne le serait, n'eut été de l'usage des mots «qu'il juge nécessaires», dans un premier temps.

Dans un deuxième temps, je vous dirais bien entendu que si nous sommes en présence d'une règlement qui est de mauvaise foi de façon évidente, les tribunaux vont intervenir. Je peux même dire dans le contexte qui nous concerne -- nous ne sommes pas en présence de mesures d'urgence -- que les tribunaux interviendraient malgré tout et contrôleraient la légalité de règlements qui ne seraient pas conformes à l'esprit de la loi habilitante qui nous intéresse ici. Il y a donc des motifs en vertu desquels les tribunaux feraient néanmoins des interventions et contrôleraient des actes réglementaires.

Une marge de manoeuvre est encore laissée aux tribunaux pour intervenir, par exemple, dans des cas de mauvaise foi évidente ou encore lorsqu'une législation est non conforme à l'esprit de la loi habilitante, d'où les mots «qu'il juge nécessaires».

C'est peut-être l'élément le plus important que je puisse vous souligner dans le but de vous conseiller dans votre démarche d'adoption des projets de loi. Si vous retenez les mots «qu'il juge nécessaires», sachez que le but premier d'une telle disposition est de limiter ultimement le pouvoir de contrôle et de surveillance. Si vous enlevez du projet de loi ces mots, vous augmentez de façon plus ou moins significative -- le tout est une question de nuances -- la marge de manoeuvres des tribunaux supérieurs dans le contrôle de la légalité.

Nous sommes ici en présence d'une clause subjective telle que rédigée actuellement qui donne une discrétion au gouvernement pour adopter les règlements qu'il estime appropriés. Cet article tel que rédigé avec les mots «qu'il juge nécessaires» vient limiter le contrôle de la légalité des règlements mais ne l'empêche pas toutefois pas complètement.

Si vous enlevez ces mots de l'article 23(1) et que l'on se limite à dire que l'article 23(1) permet au gouvernement de prendre des règlements pour la gestion, l'entretien, le bon usage et la protection des immeubles fédéraux, nous sommes en présence d'un pouvoir réglementaire qui, comparé aux autres, se situe parfaitement dans la norme, c'est-à-dire ni trop précis, ni trop général.

Tout simplement, si nous enlevons les mots «qu'il juge nécessaires», nous sommes en présence d'un pouvoir réglementaire qui porte sur des matières déterminées et qui est relativement vulnérable au contrôle judiciaire. Finalement, il laisse plus de marge de manoeuvre aux tribunaux supérieurs pour assurer leur contrôle de la légalité des textes réglementaire. Voilà donc pour l'aticle 23(1).

L'article 23(2) permet au gouvernement d'imposer des amendes pour toute contravention au règlement s'il juge cette mesure nécessaire.

Permettez-moi d'abord que de dire que les mots «s'il juge cette mesure nécessaire» ne pose pas les mêmes problèmes que dans le premier paragraphe. Cela veut dire que le gouvernement peut adopter des règlements prévoyant des amendes pour la sanction des règlements s'il le juge opportun. S'il en adopte, évidemment les juges et les tribunaux vont devoir s'y plier et vont devoir s'assurer du respect de telles dispositions. S'il en n'adopte pas, les tribunaux devront en prendre acte.

Je veux tout simplement vous dire qu'une telle disposition, a priori, est parfaitement légale. Nous retrouvons dans plusieurs lois des pouvoirs comme celui-ci, c'est-à-dire des pouvoirs conférés au gouvernement de prescrire des sanctions qui vont donc accompagner la violation de tel ou tel règlement, par exemple, ou même, dans certains cas, la violation de la loi elle-même.

Je vais simplement vous dire ceci. Ce n'est quand même pas une formulation idéale; elle est légale et nous la retrouvons ailleurs. On a même précisé ici les limites maximales des amendes qui pourraient être imposées par le gouvernement. Cela est régulier. Ce n'est pas idéal parce que l'on prévoit le pouvoir de créer des amendes, mais on ne prévoit pas l'infraction. On ne prévoit pas le pouvoir même de créer l'infraction.

Ce qui me semblerait être beaucoup plus régulier serait tout simplement une disposition dans la loi qui prévoierait que toute contravention aux dispositions de la loi ou des règlements adoptés sous son autorité constitue une infraction qui encourt telle ou telle pénalité. Ladite pénalité est précisée dans la loi ou dans les règlements.

Je suggère l'addition d'une autre disposition par laquelle serait créée l'infraction, quitte à ce que les amendes qui accompagnent la condition de l'infraction soient prévues par règlement. Il me semble en soit irrégulier que l'on accorde un pouvoir de sanctionner, sans même prévoir le pouvoir de créer l'infraction ou sans même créer l'infraction qui va amener l'application de l'amende en cause ici.

Alors une précision dans la loi créant l'infraction, laissant au gouvernement le soin de fixer les amendes s'il le juge approprié, me semblerait quelque chose de beaucoup plus régulier en droit, d'autant plus qu'en matière pénale, les textes législatifs s'interprêtent de façon restrictive. Il n'est que normal que l'on demande au législateur d'être le plus clair possible lorsqu'il veut déléguer au gouvernement des responsabilités ou des pouvoirs en matière pénale.

L'article 23(2) et l'article 23 (3) traite aussi d'un certain nombre de règlements qui peuvent être adoptés en matière de saisie, de rétention et de droit de passage. On prévoit dans ces deux dispositions 23(2) et 23(3) la possibilité d'adopter des règlements pour interdire le passage sur des propriétés de juridiction fédérale, pour prévoir la saisie ou la rétention des biens aux risques du propriétaire. On prévoit également la possibilité de vendre les biens retenus ou saisis, et évidemment pour le gouvernement, de se payer à même la vente et de laisser le résidu au propriétaire en cause.

La question du droit de passage ne pose pas de problème particulier. La saisie et la vente des biens sont des sujets plus délicats.

Ces sujets sont un peu plus délicats parce qu'évidemment, il faut être bien conscient que dans notre société aujourd'hui, nous sommes en présence de pouvoirs singuliers qui sont extrêmement importants: le pouvoir de saisir et de se payer et évidemment le pouvoir de se faire justice.

Je dois dire que cela va très loin tel que c'est rédigé présentement. Lorsque nous disons au gouvernement de décider des modalités de la saisie, de la rétention ainsi que de la vente des biens afin qu'il se paie avec ces argents et que le reste ira au propriétaire du bien, sans le définir plus avant dans la loi, tout cela par la voie réglementaire, j'avoue que c'est allé très loin. Je dois dire cependant que ce n'est pas illégal en soi; c'est un pouvoir légal.

J'ai également examiné si de nos jours le fait de donner de tels pouvoirs dicrétionnaires au gouvernement en matière de saisie et en matière de rétention des biens pourrait aller contre la Charte canadienne des droits et libertés. Je conclus que dans l'état actuel, cela ne va pas non plus à l'encontre de la Charte des droits et liberté. L'article 7 de la Charte reconnaît le droit à la sécurité de la personne et ne vise pas les droits de nature économique comme ceux qui sont en cause dans la législation qui nous intéresse.

Cela va donc très loin. Ce n'est pas illégal ou inconstitutionnel, je le répète, s'il faut en croire l'état actuel de la jurisprudence de la Cour suprême du Canada. Encore une fois, l'idéal serait que la loi prévoit les modalités de la saisie et non pas les règlements. L'idéal serait que la loi prévoit les modalités de la rétention. Par exemple, on pourrait dire qu'il y a obligation de donner avis au propriétaire du bien avant la saisie et après la saisie, de lui donner des mécanismes pour faire valoir son point de vue, de lui donner des mécanismes pour faire entendre sa cause. Tout cela pourra être évidemment idéalement prévu par la loi elle-même.

Une certaine justice fondamentale de nos jours commanderait que la loi soit un peu plus précise sur des sujets aussi importants que la saisie et la rétention des biens.

Tel que rédigé, le Parlement confie au gouvernement, ni plus ni moins, la responsabilité de faire certains de ces choix législatifs, de faire certains choix en matière de politique législative. Je le répète ce sont des sujets aussi importants que la saisie et la rétention des biens.

Ce n'est pas illégal. La loi pourrait être beaucoup plus précise en la matière. L'article 23 du projet de loi est correct au niveau de la légalité. Nous avons déjà vu cette terminologie dans le passé, dans d'autres lois.

Est-ce qu'une telle terminologie a soulevé des problèmes gigantesques devant les tribunaux? Non. Mais, de nos jours, l'on peut s'attendre à ce que certaines questions soient mieux précisées tant par le législateur lui-même que par le gouvernement, surtout lorsqu'elles touchent aux droits et libertés de la personne, comme la saisie des biens ou la rétention des biens. Encore une fois, au nom d'une justice fondamentale, ce principe est mieux reconnu en droit aujourd'hui qu'il ne l'était dans le passé.

Par ailleurs, en ce qui concerne les mots « qu'il juge nécessaires » que nous retrouvons au paragraphe 1, je répète que le but premier d'une telle disposition subjective, discrétionnaire, était, dans le passé, de limiter le pouvoir de surveillance et de contrôle des tribunaux supérieurs.

Les auteurs ont exprimé que de telles dispositions ont assez bien joué leur rôle. Effectivement, lorsque les tribunaux les ont retrouvées sur leur route, ils ont été beaucoup plus réticents à intervenir dans le contrôle de la légalité qu'ils ne l'auraient été, n'eut été de telles dispositions.

Le sénateur Nolin: M. Pelletier, pourriez-vous nous expliquer l'opportunité du pouvoir de contrôle des tribunaux supérieurs; à quoi cela sert-il?

M. Pelletier: Le pouvoir de contrôle et de surveillance vise essentiellement à s'assurer que la réglementation adoptée est conforme à la loi. Lorsque le Parlement du Canada, dont le Sénat fait partie, adopte une loi, nous sommes en présence d'une norme qui est l'expression de la souveraineté de l'État.

Nous sommes en présence d'une norme autonome, première, sous réserve évidemment de la Constitution qui est dessus de tout. Nous sommes en présence d'une norme qui, finalement, a pleine autorité dans l'État.

Lorsque le législateur dit qu'il ne veut pas prendre telle ou telle décision et qu'il laisse plutôt le soin au gouvernement d'adopter des règlements, cela veut dire que le Parlement délègue ses responsabilités au gouvernement. Mais il peut toutefois retirer la délégation si bon lui semble. Un pouvoir délégué, contrairement à un pouvoir législatif, est un pouvoir subordonné.

Le pouvoir législatif est un pouvoir souverain et autonome. Le pouvoir délégué -- le pouvoir réglementaire en est un -- est subordonné et soumis.

Le contrôle judiciaire permet aux tribunaux de toujours s'assurer que la réglementation adoptée est conforme à la loi en vertu de laquelle elle est adoptée. Le contrôle judiciaire va permettre aux tribunaux d'intervenir s'il y a non-respect des chartes constitutionnelles, s'il y a non-respect des droits acquis des citoyens. Il va leur permettre d'intervenir si le règlement n'est pas conforme à la loi habilitante, n'a pas été autorisé par la loi habilitante. Bref, il va permettre aux tribunaux d'intervenir à chaque fois où le gouvernement va s'arroger un pouvoir que le législateur lui-même n'a pas voulu lui confier. C'est le but du pouvoir de contrôle et de surveillance.

Je vous dirai ceci concernant l'article qui nous intéresse. Lorsque l'on a retrouvé de tels mots, en matière de mesures d'urgence, « qu'il juge nécessaires », les tribunaux dans leur jurisprudence ont vraiment été très hésitants à déclarer des règlements illégaux. Ils ont dit: on permet au gouvernement d'adopter la réglementation qu'il juge nécessaire. Le gouvernement l'a fait, ce n'est pas à nous de revenir sur la question; le gouvernement avait une discrétion, il l'a exercée. Le législateur lui-même a indiqué, par ces expressions, sa volonté de conférer un vaste pouvoir de réglementation au gouvernement, donc nous n'interviendrons pas dans le processus.

Ceci se comprenait d'autant plus que nous étions en présence de règlements adoptés en vertu de mesures d'urgence; par exemple, la Loi sur les mesures de guerre. Alors, les tribunaux étaient parfaitement respectueux des choix gouvernementaux, des choix politiques. Ils se disaient, qu'en matière de pouvoir d'urgence, si le gouvernement adopte un règlement -- évidemment, le règlement doit quand même être conforme à l'esprit de la loi -- nous allons être très réticents à le déclarer illégal, à cause de la nature du sujet, nous croyons qu'il y a des choix qui sont mieux faits par le gouvernement que par les tribunaux eux-mêmes.

Lorsque nous ne sommes pas en présence de mesures d'urgence, comme c'est le cas ici, les tribunaux vont s'autoriser à intervenir un peu plus allègrement. Ils vont intervenir s'ils constatent que la réglementation adoptée n'a rien à voir avec la gestion des immeubles fédéraux. À ce moment-là, ils vont exprimer que la réglementation est non conforme à l'esprit de la loi habilitante.

Mais, ils vont être quand même très prudents avant de déclarer l'illégalité du règlement, plus prudents qu'ils ne le seraient autrement. J'avoue qu'en droit, la nuance est parfois mince entre un test un peu plus laxiste utilisé par les tribunaux et un autre test un peu plus strict qui est utilisé par eux, mais parfois cela fait toute la différence en droit. La légalité ou non d'une réglementation dépend parfois de l'approche libérale ou stricte des tribunaux. Est-ce que j'ai répondu à votre question, sénateur Nolin?

Le sénateur Nolin: Oui. Je comprends que vous recommandez au Parlement d'être beaucoup plus clair dans son intention?

M. Pelletier: Je dirais que plus de clarté serait sans doute une bonne chose. D'abord, cela ferait en sorte que le projet de loi soit plus moderne.

En ce qui me concerne, je pourrais vivre avec l'article 23 tel que rédigé, mais plus de précision en droit ne fait jamais de tort.

Le sénateur De Bané: Juste une observation, M. Pelletier, êtes-vous d'accord -- considérant que ce projet de loi est finalement la fusion des lois constitutives de deux ministères, l'un d'entre eux qui remonte au début de la Confédération, le ministère des Travaux publics -- que vos recommandations fort appropriées et fort sages pourraient faire l'objet d'une étude par le comité des affaires juridiques et constitutionnelles du Sénat afin de faire des recommandations qui touchent au droit des différents ministères?

M. Pelletier: Cela est fort possible. Je dois dire que je ne connais pas très bien la structure des comités du Sénat. Je veux simplement faire valoir que les changements que je suggère ne dénaturent en rien l'esprit de la loi. Ils ne sont que des précisions supplémentaires. Et je dois avouer que plusieurs de mes recommandations tiennent à la façon de rédiger la loi, au libellé de la loi beaucoup plus qu'à des problèmes de fond fondamentaux.

Le sénateur De Bané: Donc, la façon de rédiger ce projet de loi trahit l'åge du ministère?

M. Pelletier: L'åge du ministère et peut-être aussi son expérience.

Le sénateur De Bané: Merci.

[Traduction]

Le sénateur Cools: Je veux remercier M. Pelletier et dire au président que la question de la réglementation nous préoccupe beaucoup. Nous sommes bien au courant du terrain glissant dont vous parlez, monsieur.

J'aimerais dire au sénateur Nolin, qu'un comité mixte du Sénat et de la Chambre des communes examine les textes réglementaires et les règlements. Selon moi, nous pourrions d'abord saisir ce comité de la question après l'adoption du projet de loi. Ensuite, au cours de nos travaux actuels ou futurs, notre comité pourrait demander d'examiner tout le problème des pouvoirs discrétionnaires et de la législation par délégation. Comme vous le savez sûrement, il y a beaucoup de documentation sur ce sujet important.

Monsieur le président, nous pourrions peut-être songer à examiner la question plus en profondeur un moment donné dans l'avenir.

Le président: Ce sera dans un avenir lointain, sénateur.

Merci, monsieur Pelletier.

Monsieur Quail, vous avez la parole.

M. Ranald A. Quail, sous-ministre, ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux: Monsieur le président et sénateurs, un certain nombre de points ont été soulevés lors de ma dernière visite.

Je tiens à préciser d'entrée de jeu, vu les remarques de M. Griffiths, que je suis ingénieur.

On m'a posé trois questions précises quand j'ai comparu la dernière fois. Je vous fais remarquer à ce sujet que j'ai déposé auprès du greffier à l'intention des membres du comité un certain nombre de documents portant sur chaque élément.

Le premier concernait le nombre de personnes qui ont quitté l'organisation l'an dernier. Je suis maintenant en mesure de vous confirmer que le chiffre exact est de 2 658. Le nombre de personnes qui ont quitté l'organisation entre août 1993 et le 31 mars 1996 est de 4 335. Ce chiffre représente une réduction de 23 p. 100 par rapport au nombre d'employés au moment de notre création.

Le président: Est-ce que certains de ces employés étaient des contractuels, ou les avez-vous simplement mis à pied?

M. Quail: Ils ont été mis à pied. Un certain nombre d'entre eux étaient peut-être des employés engagés pour une période déterminée, alors que d'autres étaient sans doute des permanents. Certains ont pu se prévaloir des dispositions relatives au réaménagement des effectifs. Cela variait, selon le cas.

Le président: Est-ce que certain d'entre eux ont pu obtenir un contrat pour effectuer un autre type de travail?

M. Quail: Non, pas que je sache.

Vu le nombre de personnes qui quittaient le service, nous nous sommes efforcés de réduire au minimum ce chiffre et de trouver ensuite des gens pour combler les postes vacants.

Un sénateur m'a demandé combien avait coûté la réparation de l'escalier et du mur, c'est-à-dire du projet de la paroi est supérieure Vaux qui se trouve en face tout près de cet édifice. Les travaux de réparation ont été effectués par Plouffe Park au coût de 248 600 $.

Enfin, les sénateurs m'ont demandé de me prononcer sur l'article 23 du projet de loi. Eh bien, nous l'avons fait, puisque nous avons préparé un document à ce sujet.

On nous a également posé des questions concernant nos contrats à l'étranger et la façon de faire payer ces services. Depuis juin 1993, nous avons entrepris neuf projets sur la scène internationale. La valeur globale de ces projets est inférieure à 200 000 $. Normalement, il s'agissait d'une personne par projet.

Dans un cas, nous avons participé à un projet de conservation en Basse-Californie. La valeur de ce contrat était de 38 600 $. Nous avons fait des démonstrations d'enregistrement d'essai et dispensé des ateliers de formation internationaux sur un certain nombre de techniques d'enregistrement tout à fait unique. Nous avons facturé nos services en fonction du temps et des dépenses de la personne qui s'en est chargée, c'est-à-dire le salaire de cette dernière multiplié par deux, plus les dépenses.

Nous avons également détaché deux personnes auprès d'entreprises canadiennes travaillant à Oman.

Bien que le nombre puisse varier, nous avons entrepris neuf projets au cours de cette période. Cela vous donne une idée de notre participation.

Au cours de cette même période, soit 1995, nous avons accueilli sept délégations internationales. Dans la plupart des cas, nous organisions une rencontre d'une demi-journée ou d'une journée. La plupart de ces délégations ont été parrainées par le ministère des Affaires étrangères, évidemment. D'autres étaient parrainées par Ellis-Don Construction. Plusieurs délégations ont été parrainées par l'ACDI, et une autre par Deloitte & Touche. Nous avons discuté des responsabilités de notre organisation et de la façon dont les différentes activités sont organisées au Canada.

Nous avons commencé à inviter -- et nous avons l'intention de continuer à le faire -- l'AIIC et d'autres à se joindre à nous pour certaines séances d'information, si cela les intéresse.

Pour ce qui est de la concurrence, il a été question tout à l'heure de la possibilité que nous fassions des soumissions pour concurrencer telle ou telle compagnie. Je vous affirme qu'il s'agirait d'une démarche tout à fait déplacée et que si une telle chose devait se produire, nous ferions enquête. Si une enquête permettait d'établir que nous nous livrions à ce genre de chose, nous nous retirerions. J'espère que cela ne s'est pas produit jusqu'à présent.

D'autres exemples ont également été cités à différentes reprises. Nous sommes tout à fait disposés à en discuter si vous le souhaitez. Que je sache, nous n'avons pas eu d'indications récentes que cela se produit encore.

L'autre aspect de la concurrence dont nous avons discuté concerne plutôt la sous-traitance. Cela découle de la discussion que nous avons tenue précédemment au sujet du pourcentage de travail effectué à l'interne, par rapport aux travaux réalisés à l'externe. Nous sommes actuellement en train d'étudier la question. Les membres de divers syndicats et associations font partie de l'équipe d'étude. Nous avons également engagé un expert-conseil de l'extérieur, soit Arthur Anderson and Associates, pour mener cette recherche. Il s'agit essentiellement de déterminer quel pourcentage de travail doit s'effectuer à l'interne et quel pourcentage doit être réalisé à contrat.

En ce qui concerne la planification et la conception, la quantité de travaux impartis à des organismes externes est passée de 46 p. 100 à environ 60 p. 100 pour le moment. Nous espérons qu'aux termes de cette étude, nous aurons une meilleure idée du pourcentage de travail qu'il convient de faire faire à l'extérieur et à l'interne. Nous avons l'intention de prendre cette décision de la façon la plus transparente et consultative possible.

D'ailleurs, je crois pouvoir affirmer que nous avons déjà commencé à prendre des mesures en ce sens pour éviter les malentendus et faire renaître la confiance.

Quoi qu'il en soit, je persiste à croire qu'il est très important que nous travaillions en étroite collaboration, aux niveaux à la fois national et international. Je suis d'accord avec le monsieur qui disait que si vous n'êtes pas en mesure de prouver que vous avez atteint cet objectif chez vous, vous ne parviendrez jamais à en convaincre vos interlocuteurs étrangers. À mon avis, c'est tout à fait vrai. Il y a sans doute d'autres façons de concevoir la situation, mais à mon avis, c'est un facteur très important. Voilà pourquoi il me semble si indispensable d'établir des relations de travail plus étroites.

Un témoin s'est dit préoccupé par la possibilité que nous ne puissions plus assurer des services de base. Il va sans dire que le gouvernement doit maintenir cette capacité. En maintenant un noyau solide au sein du gouvernement, nous serons plus à même de travailler avec l'industrie pour réaliser des projets valables dont le Canada pourra s'enorgueillir. Quant à l'importance de ce noyau, le comité directeur est actuellement en train d'étudier la question en réponse aux préoccupations exprimées de part et d'autre pendant que le projet de loi passait par les différentes étapes de notre système législatif.

Les articles 16 et 10 ont suscité beaucoup de débats. Pourtant nous n'avions pas l'impression de demander des pouvoirs supplémentaires qui n'étaient pas déjà prévus dans l'ancienne loi sur le MAS ou la Loi sur le ministère des Travaux publics aux paragraphes 9(3) et 9(4), que nous avons repris à l'article 10 du projet de loi.

Pourquoi cela nous semble-t-il nécessaire? D'abord, nous estimons qu'il ne s'agit pas là de quelque chose de nouveau. Deuxièmement, les chiffres indiquent bien que nous n'allons pas prendre de l'expansion. Troisièmement, nous sommes actuellement en train d'examiner la question du degré d'impartition qui convient à notre ministère.

Cela dit, nous cherchons à mieux organiser nos activités. Quoi qu'on fasse, on se fait critiquer. Si la loi qui gouverne nos activités n'est pas claire et précise, on a tendance à remettre en question nos pouvoirs. Dans ce cas-ci, toutefois, je pense que notre autorité est clairement établie. Au sein du ministère, nous constatons que dès que nous tentons de conclure un accord pour détacher des employés ou encore si nous essayons d'établir des programmes d'approvisionnement en médicaments pour les provinces, les gens nous disent aussitôt: «En vertu de quel pouvoir faites-vous cela?» Et nous voilà lancés dans une longue discussion sur notre autorité de conclure une entente avec «X». Entre-temps, «X» est en train de nous dire: «J'ai horreur de travailler avec le gouvernement; vous n'êtes jamais capables de faire les choses comme il faut, vous êtes trop lents; vous êtes trop ci ou trop ça.»

Je pense que ma frustration est en train de faire surface. Excusez-moi.

J'ai un point d'information à soulever. Lorsque le projet de loi a été adopté dans l'autre endroit, deux amendements y avaient été apportés qui limitaient quelque peu nous pouvoirs. De l'avis de certaines associations, ces limites ne suffisent pas, mais comme les amendements adoptés limitent quelque peu nos pouvoirs quant à la possibilité d'un excès de zèle, c'est-à-dire que nous décidions tout d'un coup de concurrencer le marché privé, ce que je doute fort. À mon avis, cela ne fait pas du tout partie des projets d'avenir ni de notre ministère ni d'autres ministères.

Permettez-moi cependant de vous donner des exemples de secteurs où nous devrions logiquement être chargés de certaines activités et où ce projet de loi va justement nous faciliter la tåche à cet égard.

Le pont Perley se trouve dans la région de Hawkesbury. Une entente a été conclue par la province de Québec, la province de l'Ontario et nous-mêmes. Nous avons assumé la responsabilité de gérer ce projet. En nous acquittant de cette tåche, nous allons faire un appel d'offres en vue de l'impartition de l'ensemble des travaux au secteur privé, mais c'est nous qui allons gérer le projet. Comme nous le disions tout à l'heure, c'est nous qui allons jouer le rôle du client averti. Nous allons essayer de coordonner toutes les activités différentes et ensuite nous adresser à des experts externes pour le travail de conception, l'évaluation environnementale, la construction, et cetera. Voilà un exemple du genre d'autorité très claire qu'il nous faut à l'article 16 pour nous permettre de réaliser notre travail.

Je peux vous citer d'autres exemples. J'ai parlé tout à l'heure du régime d'approvisionnement en médicament. Je pense que nous pouvons travailler plus efficacement si nous établissons des liens de confiance avec d'autres secteurs en vue d'un effort de commercialisation internationale. Si nous ne sommes pas à la hauteur, nous n'arriverons pas à percer sur le marché international.

Nous sommes censés nous occuper des affaires du gouvernement fédéral. Voilà ce que prévoit l'article 5. Cet article du projet de loi est fondamental pour nous, et concerne notre mission principale. Mais si nous pouvons aider et si nous en avons la capacité et le pouvoir, nous le ferons. Nous ne serons pas en première ligne, mais nous aiderons les autres. Nous y parviendrons peut-être, mais pour cela, il faut établir un climat de confiance.

Je crois que j'ai à peu près tout dit. Je voulais répondre à certaines des questions posées précédemment et répéter notre position sur l'article 16. Il va sans dire que nous sommes tout à fait disposés à envisager la signature d'un protocole d'entente avec l'Institut royal d'architecture du Canada -- et avec tout autre groupe, si besoin est -- si cela peut nous permettre de travailler plus efficacement.

Je vais m'en tenir là, monsieur le président.

Le sénateur Nolin: Vous avez parlé de personnes parmi ces 2 800 employés qui auraient été engagées pour une période déterminée. De qui s'agit-il au juste?

M. Quail: Il s'agit de personnes engagées pour une période de 60 ou 90 jours. Dans certains cas, nous les engageons pour une période d'un an, ce genre de chose.

Le sénateur Nolin: Donc elles n'occupent pas d'années- personnes.

M. Quail: Non. On nous a posé la question que voici: Combien d'employés salariés avez-vous tel jour et combien d'employés salariés tel autre jour? C'est donc à cette question-là que nous avons répondu.

Le sénateur Nolin: Donc, sur ces 2,800 personnes, il y en a qui pourront revenir.

M. Quail: Pour ce qui est des employés engagés pour une période déterminée, oui, si nous avions besoin de quelqu'un ayant une compétence particulière pour une période fixe.

Le sénateur Nolin: Vous avez entendu les observations de M. Pelletier concernant l'article 23. Pourquoi voulez-vous conserver ce pouvoir discrétionnaire?

M. Quail: J'accepte les conseils d'experts sur toutes sortes de questions, entre autres sur les questions juridiques. Au moment de préparer le document que nous avons déposé, nous avons demandé conseil au ministère de la Justice. Cette fois-là, nous nous sommes adressés à M. Keyes, avocat-conseil principal à la section de la législation du ministère de la Justice, pour obtenir des conseils au sujet de ce document. Il est d'ailleurs parmi nous aujourd'hui.

Sans vouloir me substituer à mes collègues du ministère de la Justice, si j'ai bien compris l'exposé du témoin, cette disposition est loin d'être idéale, mais elle est tout à fait légale. Il faut donc aller de l'avant. Voilà ce que je pense.

Le sénateur Nolin: Il n'a pas dit qu'il fallait aller de l'avant.

M. Quail: Non, c'est moi qui le dis.

[Français]

Le sénateur Nolin: Alors, est-ce que je dois comprendre que les commentaires du ministère de la Justice sont dans le document que vous avez remis à monsieur?

M. Pelletier: Oui, absolument.

Le Sénateur Nolin: Est-ce que vous avez pris connaissance des amendements proposés, entre autres, l'amendement proposé la semaine dernière par M. Franche; est-ce que vous avez des commentaires à faire sur cet amendement qui visait l'article 5?

[Traduction]

M. Quail: Je ne suis pas sûr de savoir de quoi vous parlez au juste.

Le sénateur Nolin: M. Franche a proposé qu'on ajoute à la fin de l'article 5 le bout de phrase que voici: «il est entendu que le ministère évitera de concurrencer directement le secteur privé».

M. Quail: Vous voulez savoir ce que j'en pense?

Le sénateur Nolin: Oui.

M. Quail: Je pense que le projet de loi, tel qu'il est actuellement rédigé, offre une protection suffisante.

Le sénateur Nolin: Vous êtes du même avis pour ce qui est des projets d'amendement déposés et expliqués aujourd'hui par trois témoins qui voudraient faire ajouter, après le paragraphe 10(2), «relatifs à la réalisation d'un ouvrage public»?

M. Quail: Oui.

Le sénateur Nolin: Le projet de loi laisse-t-il entendre que ces services visent la réalisation d'un ouvrage public?

M. Quail: Oui. Je comprends ce que vous voulez dire. En ce qui me concerne, les limites que prévoit l'article 16 sont suffisantes.

Le sénateur Nolin: Là je vous parle de l'article 10. Il a été proposé qu'on ajoute, après le paragraphe 10(2)c) les mots «relatifs à la réalisation d'un ouvrage public».

M. Quail: Disons que je n'aurais pas d'objection à ce que le libellé de ce paragraphe reste inchangé, sénateur.

[Français]

Le sénateur Nolin: Cela précise les dépenses que le ministre peut faire. La proposition s'assurer que ces dépenses s'appliquent à des travaux publics définis à l'article 2 du projet de loi. Sans ajouter ces mots, selon vous, on a toute la protection. On sait que c'est seulement pour des travaux publics, pas pour des travaux privés.

[Traduction]

M. Quail: Non, à moins qu'il soit prévu qu'on s'adresse à nous ou qu'un décret nous l'ordonne. Mais, en ce qui me concerne, le ministère n'a aucunement l'intention d'entreprendre des travaux municipaux. Si l'on s'inquiète de la possibilité que le ministère se lance dans ce domaine, je peux vous affirmer que nous n'allons pas le faire. La disposition d'exemption se trouve à l'article 5 du projet de loi, qui précise que la mission du ministère consistera surtout à fournir aux ministères et organismes fédéraux certains services. Voilà donc à mon sens notre principale mission.

[Français]

Le sénateur Nolin: Finalement, M. Franche a référé à des exemples. Est-ce que vous étiez présent lorsque ces exemples ont été mentionnés. Il a mentionné le « Davis Inlet relocation project ». Vous avez compétitionné et vous avez eu le contrat.

[Traduction]

M. Quail: Monsieur le président, peut-être pourrais-je demander à mon collègue, M. Nurse, de venir me rejoindre. Nous nous sommes penchés sur chacun des exemples dont il a été question. M. Nurse est sous-ministre adjoint chargé des services immobiliers, c'est-à-dire la section qui se charge des travaux d'architecture et de génie.

M. Michael Nurse, sous-ministre adjoint, Services immobiliers, Travaux publics et Services gouvernementaux: En ce qui concerne le projet du passage de Davis, nous avons fait des recherches. L'équipe de gestion du projet du passage de Davis s'est rendu compte que Travaux publics avait la capacité de faire ce genre de travail -- c'est-à-dire un système d'information géographique -- et a donc demandé à Travaux publics et Services gouvernementaux Canada de faire un exposé là-dessus. On nous a ensuite demandé de présenter une proposition, ce qu'ont fait les responsables régionaux. À notre insu, ce même responsable a demandé à une entreprise privée de faire une soumission, mais comme je vous le dis, nous n'étions pas au courant de cette demande de soumission. Nous avions cru comprendre qu'on nous demandait certains renseignements et qu'il était question de nous confier ce travail.

La proposition de TPSGC n'a jamais été étudiée, et on ne nous a pas confié ce travail. À notre connaissance, le travail en question n'a jamais été réalisé jusqu'à présent. On nous a pressentis et on nous a demandé de fournir certains renseignements. Ce n'est que par la suite que nous avons appris que l'individu en question avait aussitôt demandé à une entreprise privée de lui faire une proposition. Si nous l'avions su au départ, nous nous serions retirés tout de suite, comme il nous est arrivé de le faire précédemment. Si nous constatons qu'on nous demande de concurrencer le secteur privé, nous nous retirons immédiatement.

Le sénateur Nolin: Si vous avez fait des recherches au sujet de chacun des exemples soulevés par M. Franche, peut-être pourriez-vous nous dire ce que vous avez trouvé au sujet de chacun d'entre eux. Il y a seulement deux ou trois autres exemples.

M. Nurse: Oui. Il a été question de plusieurs projets. Si vous me permettez, je vais me fonder sur la référence, telle que je l'ai comprise.

Le projet de Gander faisait suite à une demande d'évaluation environnementale de la Société du logement de Terre-Neuve et du Labrador en 1994. Il s'agissait donc d'une demande transmise par la Société du logement. Le ministère des Travaux publics a soumis une proposition pour la préparation d'une évaluation environnementale de type particulier. Nous avons entendu dire, cependant, qu'une société du nom de BFL Consultants Limited s'intéressait à ce travail et nous avons donc retiré notre proposition. Voilà donc l'information la plus exacte que nous avons pu recueillir gråce à nos recherches.

La ville de Halifax nous a demandé d'effectuer une évaluation environnementale. Il s'agissait d'un projet en prévision du sommet des pays du Groupe des Sept. Les travaux associés au sommet du Groupe des Sept étaient hautement prioritaires et devaient s'accomplir dans un délai très court. On avait demandé qu'un quai soit construit à cette occasion. Les responsables municipaux ont demandé à Travaux publics Canada d'effectuer dans un délai très serré un examen préalable des répercussions environnementales. Encore une fois, on nous a demandé directement d'entreprendre cet examen, et nous faisions partie de l'équipe de travail chargée de préparer le sommet du G-7 et de soutenir le ministère des Affaires étrangères. Cet exemple concerne une situation où on nous a demandé de réaliser un travail très rapidement. C'était urgent et nous avons donc accédé à cette demande. Si les responsables de la ville de Halifax nous avaient demandé de faire une soumission, nous ne l'aurions pas fait.

En ce qui concerne l'aménagement du port de St. John's, on a affirmé que Travaux publics Canada a entrepris des travaux qui avaient d'abord été affermés au secteur privé. Cette question est assez complexe, mais je vais essayer de vous expliquer ce qui s'est passé. Le projet en question avait suscité certaines réactions de la part des groupes intéressés, comme c'est souvent le cas des évaluations environnementales. En fait, une entreprise privée avait été chargée de l'exécution de ce projet. Il y avait beaucoup de détails et ce qu'on appelait «des éléments à prix unitaire». Pour un projet typique, il peut y avoir deux éléments pour lesquels on prévoit un prix pour 10 unités, c'est-à-dire que le coût de l'article est établi en fonction d'une certaine quantité. Mais comme ce projet-ci avait suscité de vives réactions, dans certains cas, le prix avait été établi pour 80 articles. On nous a demandé des conseils concernant le projet dans son ensemble, et nous les avons fournis. Mais le cabinet d'experts-conseils n'était pas d'accord pour qu'on le fasse.

Par la suite, des audiences ont été tenues par un conseil de règlement des différends contractuels. Il s'agit-là d'une procédure qui permet aux experts-conseils de contester des décisions concernant leurs coûts. Le cabinet en question a eu gain de cause et a donc bénéficié d'un règlement en sa faveur, mais le fait est que ce cabinet a réalisé les travaux. Les responsables des travaux d'aménagement du port de St. John's nous ont demandé de ne pas en tenir compte à l'époque, mais par la suite un conseil de règlement des différends contractuels a statué en faveur de l'expert-conseil. Il s'agissait d'un projet complexe qui avait suscité certaines préoccupations, et notre intervention était de nature purement ponctuelle.

Il a également été question d'un projet d'amélioration des autoroutes au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle-Écosse. Certaines études environnementales devaient être réalisées TPSGC. Souvent les normes appliquées par le gouvernement fédéral et les administrations provinciales sont différentes et, dans des cas comme celui-ci, on nous demande parfois de dispenser des conseils concernant les éventuelles répercussions des travaux, l'information requise et l'éventuelle participation d'autres intéressés. Nous avons donc mené une brève étude de la situation à la demande de cette organisation. Cette dernière voulait connaître notre interprétation de la situation en ce qui concerne les différents niveaux de réglementation, et voilà donc ce que nous lui avons fourni. Transports Canada nous a demandé d'offrir nos conseils à ce sujet.

Le sixième exemple concernait un plan d'urgence intégré et multirisque municipal. Cela remonte assez loin, et c'est peut-être une bonne indication des changements importants qui se sont opérés dernièrement. Il s'agissait d'analyser la possibilité d'élaborer un programme national d'abri en prévision d'une catastrophe nucléaire. Cela remonte à 1986. On nous a pressentis pour entreprendre deux projets pilotes dans une petite ville et dans une grande ville et pour établir des normes qui pourraient éventuellement s'appliquer d'un bout à l'autre du pays. Nous avons réalisé certains travaux, et nous avons ouvert des négociations avec la province du Manitoba et la ville de Brandon, ainsi qu'avec la province de la Nouvelle-Écosse et les villes de Halifax et de Dartmouth. Nous avons réalisé la première étape d'une analyse des dangers. Un plan a été élaboré qui devait être mis à l'essai dans d'autres localités dans ces mêmes régions. Mais pour toutes sortes de raisons, les autres activités n'ont jamais été réalisées parce qu'on s'est rendu compte qu'on n'aurait pas besoin de ce genre de programme à long terme. On nous avait simplement demandé de donner une idée générale du genre de programme qu'on pourrait éventuellement établir à l'échelle nationale.

Monenco-Agra Inc. a présenté une soumission pour l'éclairage des voies d'accès de l'aéroport de Fort Nelson. C'est nous qui avons agi à titre de superviseur contractuel. L'entreprise en question a été engagée pour préparer les dessins et assurer la surveillance continue du recåblage du balisage lumineux d'approche à haute intensité de l'aéroport de Fort Nelson. Le contrat en question prévoyait des honoraires de 42 000 $. Même si les dessins et les devis étaient tout à fait satisfaisants, Transports Canada a demandé qu'on apporte des changements fondamentaux à un élément du projet.

Les services d'architecture et de génie ont décidé, comme ils le font à l'occasion, de faire faire ce travail à l'interne. Ce sont eux qui ont pris la décision. Ils ont d'ailleurs cette capacité à l'interne. Ils ont décidé de faire faire ce travail à l'interne en raison des modifications apportées au projet global et de la nécessité de modifier le cahier des charges. Le coût imputé au client s'est monté à 26 000 $. Il s'agissait donc d'un petit projet à l'intérieur d'un autre projet. Dans ce cas-ci, nous n'avons pas cherché à concurrencer les entreprises privées en présentant une soumission. Nous avons simplement exploité notre capacité interne pour apporter une petite modification aux dessins.

Le dernier point concernait l'affirmation selon laquelle nous avions publié une brochure renfermant certaines informations. Cela concernait une conférence tenue à Rio de Janeiro. En 1992, nous avons été contactés par un groupe qui s'appelait Canadian Airport Certificate Services Group. Il s'agissait d'un consortium de cabinets privés d'architectes et d'ingénieurs désirant obtenir des contrats à l'étranger pour la réalisation de travaux dans les aéroports. Notre bureau régional avait une grande expérience des aéroports. Une bonne partie de cette expertise n'existe plus au sein du ministère. On nous avait donc demandé de recenser tous ces services dans notre brochure. Le bureau régional s'en est occupé, et quand un certain nombre de cabinets d'architectes et d'ingénieurs au Canada l'ont vue, ils ont cru qu'il s'agissait d'une offre de services.

À mon avis, nous n'aurions pas dû y inclure cette information, mais nous l'avons fait, et à ce moment-là, un consortium d'entreprises privées s'est mis en rapport avec nous. Nous ne savions pas qu'un autre cabinet avait été approché, et quand nous l'avons su, nous nous sommes retirés aussitôt. Évidemment, vu le nombre assez important de projets réalisés, en ce qui nous concerne, il ne s'agit pas là d'une tentative de concurrence, ni même d'une indication de notre désir de rivaliser avec le secteur privé. Tout au contraire.

Bon nombre de ces exemples remontent assez loin. Et dernièrement, nous avons opéré des changements encore plus radicaux en ce sens. Nous avons aussi indiqué très clairement aux associations que nous avons l'intention de prendre des mesures encore plus énergiques.

Le sénateur Nolin: Vous dites que c'était peut-être une «erreur» d'inclure cette information dans la publication préparée pour la conférence qui se tenait à Rio de Janeiro, mais pourquoi dans ce cas continuez-vous à faire de la publicité sur Internet?

M. Nurse: Je ne pense pas que nous fassions de publicité sur Internet.

Le sénateur Nolin: Je vais vous montrer la page qui indique les coordonnées du ministère.

M. Quail: Je sais de quelle page vous parlez.

Écoutez, nous devons tout de même fournir des services à d'autres ministères gouvernementaux. Nous avons préparé cette page pour donner aux autres ministères une idée générale de nos activités.

Le sénateur Nolin: Pourriez-vous me redire cela? Vous avez bien un site web qui vous permet de faire connaître vos activités aux autres ministères.

M. Quail: Oui.

Le sénateur Stratton: Au sein du gouvernement fédéral.

M. Quail: Oui, mais n'importe qui peut y accéder. Je ne peux pas prétendre qu'elle ne s'y retrouve pas. Je pourrais presque dire l'inverse. Si quelqu'un veut élaborer un page concernant TPSGC, je vois difficilement comment il pourrait le faire, sénateur, sans parler d'ingénieurs. Nous avons parmi nos employés des ingénieurs et des architectes. Par contre, si on me demandait de préparer quelque chose après la séance d'aujourd'hui, je ferai certainement plus attention en parlant d'ingénieurs et d'architectes.

Il n'en reste pas moins que cela ne pose pas de problème de concurrence, à mon avis. De toutes les préoccupations dont on m'a fait part jusqu'à présent, celle-ci me paraît la plus surprenante - à un point tel que je serais tenté de dire que nous avons encore beaucoup de chemin à faire pour faire renaître la confiance.

Le président: Mais au sein du ministère des Approvisionnements et Services, le gouvernement détenait déjà ce pouvoir. Le gouvernement a bien son propre service d'impression et y recourt dans bon nombre de cas, n'est-ce pas? Le gouvernement vend aussi ses services de traitement graphique à d'autres ministères, non?

M. Quail: Oui, mais il s'agit d'un service facultatif.

Le président: Il a le Groupe Communication Canada, qui fonctionne un peu comme une agence de publicité. J'ai vu des panneaux publicitaires au sujet de ce service dans d'autres édifices où sont abrités des ministères différents. Par le passé, une agence de publicité de Toronto, mettons, aurait été en concurrence avec le Groupe Communication Canada, non? D'ailleurs, c'est toujours le cas, n'est-ce?

M. Quail: Le Groupe Communication Canada offre un service facultatif au sein du gouvernement.

Le président: On peut recourir à ses services...

M. Quail: Ou on peut s'adresser à un organisme externe.

Le président: Donc, le GCC concurrence directement une agence de publicité de Toronto ou d'Ottawa pour entreprendre un projet particulier.

M. Quail: Il l'a fait pendant un certain temps, mais ce n'est plus le cas. Le GCC bénéficie cependant d'un accès privilégié. Si vous voulez passer un marché avec le Groupe Communication Canada, vous pouvez le faire sans faire d'appel d'offres. Mais en cas d'appel de soumissions, le GCC ne se met pas en concurrence avec d'autres fournisseurs.

Le président: Mais Approvisionnements et Services participe à toutes ces activités qui impliquent la concurrence avec le secteur privé. Maintenant nous envisageons d'adopter un petit projet de loi qui va permettre à Approvisionnements et Services de faire la même chose au sein du ministère des Travaux publics. Si cette possibilité n'existait pas précédemment à Travaux Publics, pourquoi faut-il la prévoir maintenant? Voilà une bonne question.

Jusqu'à présent, nous avons tourné autour de la question fondamentale sans jamais l'aborder directement. Travaux publics existait auparavant et ne détenait pas ce pouvoir. Quel est le problème qui justifierait à présent qu'on le lui accorde? Quelles sont les lacunes qui nécessiteraient ce changement?

M. Quail: À mon avis, le ministère visait surtout à s'organiser de façon optimale. Ce mode de fonctionnement nous paraissait justement optimal, surtout qu'il a donné de bons résultats au MAS avant la fusion de nos deux ministères. Il se trouve que lorsqu'on nous proposait d'entreprendre des travaux d'architecture et de génie -- bien que cela ne se soit pas produit très souvent -- un débat s'ouvrait aussi tôt au sein du ministère. Ce débat tournait autour de la question que voici: En vertu de quel pouvoir acceptez-vous d'entreprendre de tels travaux? Mettons que quelqu'un nous propose d'entreprendre un projet en coopération: à chaque fois le même débat reprenait. Dans notre optique, le monde évoluait. Nous étions d'avis -- et nous le sommes toujours -- que ce serait une bonne façon d'assurer la transition vers le XXIe siècle.

Le président: Vous dites donc que Travaux publics va faire comme le MAS.

M. Quail: Non. Si vous voulez dire par là qu'il va fonctionner comme le GCC, je peux vous dire que la réponse est un non catégorique.

Le président: Mais dans le cas du service d'impression, c'est possible.

M. Quail: Mais le GCC est le service d'impression.

Le président: Vous le faisiez déjà, avant la création du GCC. Vous exploitiez un service d'impression.

M. Quail: C'était obligatoire par le passé, mais la situation a évolué depuis. Comme vous l'a signalé la ministre l'autre jour quand elle était là, nous étudions à présent la possibilité de privatisation.

[Français]

Le sénateur Nolin: Les professionnels du ministère des Travaux publics ont été accusés de ne pas payer leur cotisation aux associations provinciales, soit l'ordre des ingénieurs ou des architectes. Est-ce vrai?

[Traduction]

M. Quail: C'est exact.

Le sénateur Nolin: Pourquoi?

M. Quail: C'est notre politique. C'est tout.

M. Nurse: Je crois comprendre qu'un règlement du Conseil du Trésor interdit le paiement de ce genre de choses. C'est un choix personnel. On craint que si c'est autorisé pour ces deux groupes professionnels, il faudra le faire pour tous les groupes professionnels. À ce moment-là, ce serait une charge pour le gouvernement fédéral. C'est du moins ce que j'ai cru comprendre. C'est aux employés individuels de couvrir les frais associés à leur accréditation professionnelle, car le gouvernement fédéral ne supporte pas ce coût. Par conséquent, il y a un certain nombre de professionnels qui exercent un métier sans être membres d'associations professionnelles. Voilà la politique que nous appliquons au gouvernement fédéral, politique qui explique notre ligne de conduite. À mon avis, cela ne met nullement en doute les capacités et le professionnalisme de nos employés. Il reste que telle est notre politique au ministère.

Le sénateur Cools: Je n'ai pas juste une question à poser. Le sénateur Nolin m'a un peu fatiguée.

Monsieur le président, il me semble que les fonctionnaires du ministère et la ministre nous ont déjà affirmé qu'ils n'ont pas l'intention de concurrencer le secteur privé. Le témoin précédent nous a dit par ailleurs que l'article 23 est suffisant. Tout le monde nous a dit qu'il faut à présent faire renaître la confiance. Notre comité a même offert son concours à cet égard.

Monsieur le président, je propose que nous fassions rapport du projet de loi sans amendement.

Le sénateur Nolin: Pourrais-je examiner le document déposé par le ministère avant que vous ne mettiez la question aux voix?

Le président: Nous sommes saisis d'une motion.

Le sénateur Cools: Vous pouvez vous prononcer sur la motion.

Le président: Nous n'avons pas besoin de comotionnaire. Quelqu'un veut-il débattre la question?

Le sénateur Stratton: Je voudrais proposer un amendement:

Que l'article 16 du projet de loi C-7 soit modifié:

a) à la page 5,

(i) en retranchant la ligne 28 et en la remplaçant par ce qui suit:

16.(1) Le ministre peut exercer toute activité

(ii) en retranchant les lignes 37 et 38 et en les remplaçant par ce qui suit:

tions ou des personnes au Canada qui le lui demandent. Et

b) à la page 6, en ajoutant, avant la ligne 1, ce qui suit:

(2) Le paragraphe 1b) ne confère nullement au ministre le pouvoir de fournir des services d'architecture ou de génie.

Le président: Y a-t-il des sénateurs qui veulent débattre l'amendement?

Le sénateur Cools: Monsieur le président, c'est peut-être moi qui suis mal, mais l'amendement du sénateur Stratton vise le projet de loi, et non ma motion. J'ai déposé une motion proposant que rapport soit fait du projet de loi sans amendement. Il n'a donc pas le droit d'amender ma motion de cette façon.

Le président: Nous allons d'abord discuter de l'amendement.

Le sénateur Cools: À condition que tout le monde comprenne qu'il s'agit de deux choses bien distinctes.

Le président: Nous sommes saisis d'une motion qui propose que rapport soit fait du projet de loi sans amendement, ainsi que d'un amendement visant le projet de loi qui est proposé par le sénateur Stratton.

Le sénateur Cools: Sa proposition vise à amender le projet de loi et non ma motion.

[Français]

Le sénateur Nolin: Lorsque le sénateur Stratton propose un amendement, implicitement, il veut dire que la motion du sénateur Cools à l'effet que le projet de loi soit rapporté non amendé, cette motion est amendée pour dire que le projet de loi sera rapporté avec amendement.

[Traduction]

Le sénateur Maheu: Pourquoi ne pas mettre aux voix la motion du sénateur Cools?

Le sénateur Stratton: Et j'ajouterais, pourquoi n'avez-vous pas le courage de voter sur l'amendement? Si le projet de loi vous satisfait, pourquoi ne voulez-vous pas voter sur l'amendement?

Le sénateur Maheu: Je demande au président de mettre la question aux voix.

Le président: Vous me demandez de mettre l'amendement aux voix? Nous sommes saisis d'un amendement visant le projet de loi.

Le sénateur Maheu: Je demandais qu'on mette la motion aux voix, à moins que d'autres sénateurs veuillent débattre l'amendement.

Le président: Nous sommes saisis d'un amendement, et par conséquent, nous ne pouvons pas mettre aux voix la motion originale tant que nous n'aurons pas réglé la question de l'amendement. Voilà donc ce que je propose de faire.

Tous ceux qui sont pour l'amendement, veuillez lever la main.

Tous ceux qui sont contre l'amendement?

Quel est le résultat?

M. John Desmarais, greffier du comité: L'amendement est rejeté par six voix contre deux.

Le président: La proposition d'amendement est donc rejetée.

Nous revenons à la motion principale. Tous ceux qui sont pour la motion, à savoir que le comité fasse rapport du projet de loi C-7 sans amendement, auraient-ils donc l'obligeance de lever la main?

Ceux qui sont contre?

Pourriez-vous nous donner le résultat, pour le compte rendu?

M. Desmarais: La motion est adoptée par six voix contre deux.

Le président: La motion est donc adoptée, à la majorité des voix.

Nous avons deux autres questions à étudier que nous reporterons à la séance de demain. Demain nous recevrons les représentants du Conseil du Trésor.

La séance est levée.


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