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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones

Fascicule 18 - Témoignages


OTTAWA, le mardi 9 février 1999

Le comité sénatorial permanent des peuples autochtones, auquel a été renvoyé le projet de loi S-14, Loi prévoyant l'autonomie gouvernementale des Premières nations du Canada, se réunit aujourd'hui à 9 h 05 pour l'étude du projet de loi.

Le sénateur Charlie Watt (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Sénateurs, ce matin, nous allons entendre le chef L'Hirondelle, de même que Mme Twinn et M. McKinney, tous deux conseillers juridiques. Je vais demander au sénateur Tkachuk de présenter nos témoins plus officiellement.

Le sénateur Tkachuk: Merci, monsieur le président. Je vais commencer par présenter le chef de la réserve Sawridge, le chef Bertha L'Hirondelle. M. Mike McKinney, conseiller juridique de la réserve Sawridge, va présenter l'exposé. Il sera secondé par Mme Catherine Twinn, conseillère juridique de la région du Lac de l'Esclave, et par M. James Ryan, rédacteur du projet de loi.

On considère M. Ryan comme l'un des rédacteurs législatifs les plus compétents au Canada. Il a été sous-ministre adjoint responsable de la législation au ministère de la Justice de 1973 à 1975. Il a été rédacteur principal de nombreuses lois fédérales, notamment la Loi sur la Corporation de développement du Canada, la Loi sur les transports nationaux, la Loi sur la Société d'assurance-dépôts du Canada, et la Loi canadienne sur les droits de la personne.

Nous accueillons également M. Martin Henderson, du cabinet d'avocats Aird & Berlis de Toronto.

Honorables sénateurs, nous sommes ravis de vous présenter aujourd'hui le projet de loi S-14. La route vers le Sénat a été longue, et il a fallu beaucoup de temps, mais nous sommes très persévérants. Permettez-moi de faire une brève introduction et de décrire le cheminement du projet de loi S-14. Cette version du projet de loi S-14 reprend le projet de loi S-10, déposé le 30 mars 1995 au Sénat, où il avait été adopté en première lecture. Un rappel au Règlement a été fait le 9 mai et de nouveau le 10 mai. Le Président a rendu sa décision et le projet de loi a été renvoyé au comité des peuples autochtones le 24 mai.

Le comité s'est réuni trois fois pour examiner le projet de loi, à savoir le 20 juin, le 18 octobre et le 1er novembre 1995. Au cours de ces réunions, les membres du comité ont entendu des témoins expliquer les dispositions du projet de loi, les contraintes de la Loi sur les Indiens, et les moyens proposés dans le projet de loi S-10 pour répondre aux besoins des collectivités. Les membres du comité ont également entendu un exposé détaillé sur la façon dont l'initiative du Petit lac de l'Esclave avait démarré et sur l'évolution du projet de loi. Tous ces témoignages ont été consignés au compte rendu.

Nous avons terminé le débat de deuxième lecture avec une explication sur la rupture des négociations entre les représentants de Sawridge et le gouvernement fédéral. On attribue cette rupture à la lenteur des négociations et à des complications dans le processus d'accès à l'autonomie gouvernementale à l'échelle communautaire tel qu'il avait été établi par le gouvernement. Au cours des dernières réunions de comité, des questions juridiques ont été abordées, et on a établi comment le projet de loi serait appliqué dans un cadre d'autonomie politique avalisé par le gouvernement fédéral. On a discuté notamment des négociations portant sur les attributions de compétences et sur les différences entre l'accord de principe sur l'autonomie gouvernementale de Sawridge et les dispositions du projet de loi S-10 proprement dites. La première session de la 35e Législature s'est terminée et le projet de loi est mort au Feuilleton.

Le 25 novembre 1996, le projet de loi S-12 a été déposé. Il s'agissait d'une version mise à jour du projet de loi S-10, comportant certaines modifications de forme mineure. Le projet de loi a été approuvé en deuxième lecture le 8 février 1997 et renvoyé au comité des peuples autochtones.

La première réunion a eu lieu le 15 avril 1997. Le comité a entendu des témoins, notamment certains qui comparaissent aujourd'hui, et la discussion a porté sur les aspects juridiques et constitutionnels du projet de loi S-12. Le 22 avril 1997, des représentants du ministère des Affaires indiennes et du Nord et du ministère de la Justice ont exposé les principaux éléments de l'autonomie gouvernementale tels que conçus par le gouvernement, y compris une reconnaissance du droit inhérent à l'autonomie gouvernementale. Ils ont expliqué certaines différences entre leur version et la version présentée dans le projet de loi S-12. Après cette réunion du comité, la deuxième session de la 35e Législature s'est terminée et le projet S-12 est mort au Feuilleton.

Si je ne m'abuse, nous avons demandé, par courrier électronique, que les sénateurs prennent connaissance du compte rendu de la séance du 15 avril 1997, qui portait sur le projet de loi S-12. A cette occasion, le projet de loi a été présenté dans ses grandes lignes, après quoi il y a eu discussion. A la réunion suivante, la discussion a porté pour l'essentiel sur l'exposé des représentants du ministère des Affaires indiennes et du Nord.

Le 25 mars 1998, j'ai déposé le projet de loi S-14. Ce projet de loi a été adopté en deuxième lecture le 31 mars 1998 avant d'être renvoyé à notre comité.

Le 2 avril 1998, le sénateur Watt a déposé une motion portant que tous les documents et témoignages reçus par le précédent comité des peuples autochtones dans le cadre de l'étude des projets de loi S-10 et S-12 soient présentés à notre comité pour son étude du projet de loi S-14. Voilà donc où nous en sommes, honorables sénateurs, sur le point de nous lancer dans une autre étude sur l'autonomie gouvernementale.

Vous allez trouver que la démarche adoptée dans le projet de loi S-14 est particulièrement intéressante. En fait, ce projet de loi établit un cadre qui peut être utilisé par d'autres bandes désireuses d'acquérir leur autonomie gouvernementale. Pourtant, cette loi ne contrevient absolument pas à la Loi sur les Indiens, ni à la Charte canadienne des droits et libertés ni à notre Constitution. Au contraire, elle établit une coopération qui ne peut que profiter à la collectivité autochtone.

C'est le sénateur Twinn, maintenant décédé, qui m'avait demandé de l'aider lorsqu'il a pris l'initiative de ce projet de loi, et ce fut pour moi un honneur. Maintenant qu'il n'est plus là, c'est encore un honneur pour moi de poursuivre le travail qu'il avait commencé.

Cet exercice, qui remonte à plusieurs années, a été intéressant, mais également une source de frustration. Toutefois, je ne veux pas regretter le passé, je préfère me tourner vers l'avenir, considérer les progrès que nous pouvons accomplir aujourd'hui et au cours des semaines qui viennent. Je tiens à respecter le calendrier que nous nous sommes fixé, ce qui devrait nous permettre de renvoyer ce projet de loi au Sénat pour le débat de troisième lecture et le vote.

M. Mike McKinney, conseiller juridique, bande de Sawridge (Alberta): Honorables sénateurs, je vais parcourir avec vous ce projet de loi, article par article, à l'intention des membres du comité que nous n'avons pas encore eu l'occasion de rencontrer. Nous allons expliquer le projet de loi et répondre à toutes vos questions. Notre principal objectif est de bien vous faire comprendre le projet de loi. Nous sommes convaincus qu'il s'agit d'une bonne mesure, et que son adoption permettra à un grand nombre de Premières nations de réaliser leur autonomie gouvernementale avec plus de facilité que par le passé.

Pour commencer, je vais vous parler de l'article 2, qui contient les définitions. On y explique que le terme «citoyen» signifie la collectivité constituant une Première nation. Le projet de loi s'applique à n'importe quelle Première nation qui souhaite amorcer le processus conduisant à son autonomie gouvernementale. Cette définition n'est pas exclusive. Une Première nation qui se réclame de ce projet de loi doit ensuite respecter les critères fixés par le projet de loi.

Le projet de loi s'applique à n'importe quelle collectivité. Le terme «collectivité» signifie un groupe autochtone, bande, tribu ou nation, reconnu comme tel. Avec ce projet de loi, nous n'essayons pas de reconnaître l'existence de nouveaux groupes ou organismes autochtones. Pour ce faire, il faudrait invoquer d'autres négociations ou d'autres accords.

Vous verrez plus tard dans le projet de loi qu'il s'applique uniquement aux groupes qui ont déjà une base territoriale. Ces dispositions ne pourraient pas s'appliquer à un groupe qui ne possède pas une base territoriale.

Le projet de loi définit le terme «Constitution» en précisant que chaque Première nation aura une Constitution. En annexe au projet de loi, vous trouverez l'Annexe 1 qui en fait une Constitution type, mais simplement à titre d'exemple. Chaque Première nation qui choisit de bénéficier des provisions de ce projet de loi pourrait rédiger sa propre Constitution. Il y a certains critères en ce qui concerne les modalités de cette Constitution, mais la façon d'aborder ces questions n'est pas imposée.

Le projet de loi précise que le terme «Première nation» est le terme à utiliser pour désigner les groupes qui se réclament du projet de loi. Par contre, dans la Loi sur les Indiens, on parle de «bande».

L'expression «terres d'une Première nation» désigne les terres qui sont déjà réservées à l'usage d'une Première nation ou qui seront réservées à cet usage par le gouvernement à une date ultérieure. Ce projet de loi ne veut pas créer de nouvelles terres ou de nouvelles réserves indiennes, mais si un tribunal ou un gouvernement attribue des terres à l'avenir, ces terres deviendront les terres d'une Première nation. Le concept est semblable au concept actuel de «réserve» mais dans le cadre de cette loi et non plus dans le cadre de la Loi sur les Indiens.

La définition du terme «lien territorial» se réfère à l'acception qui se trouve au paragraphe 14(2). Chaque Première nation a des liens avec une, et parfois plusieurs provinces. Une «province» peut signifier une province ou un territoire. C'est conforme à la Loi d'interprétation, et par conséquent, dans le projet de loi, nous nous dispensons de parler de «province ou territoire». Toutefois, le terme «province» est utilisé dans certains articles du projet de loi, par exemple lorsqu'il s'agit de l'application de lois provinciales et du domaine de compétence des tribunaux provinciaux, un sujet sur lequel nous reviendrons plus tard.

La définition du mot «réserves» est la même que dans la Loi sur les Indiens. Elle comprend les terres cédées, autrement dit les terres qui ont été cédées jadis par une Première nation, mais qui n'ont pas encore été reprises par Sa Majesté. Par exemple, il se peut qu'une Première nation ait jadis hypothéqué ses terres, mais depuis lors, ces terres n'ont été ni vendues ni transférées à une tierce partie.

Vous verrez plus tard que les intérêts des tierces parties sont protégés par ce projet de loi. Ces intérêts ne sont en aucun cas visés par le projet de loi.

L'article 3 fixe l'objet du projet de loi, c'est-à-dire permettre aux peuples autochtones qui habitent des terres réservées aux Indiens de réaliser leur autonomie gouvernementale. Je n'en dirai pas plus à ce sujet.

Les articles suivants expliquent la démarche qui permet à une Première nation de bénéficier des propositions de ce projet de loi. Les Premières nations qui souhaitent être régies par la présente loi doivent formuler ce qu'on appelle une «proposition». Une fois cette proposition formulée, elles doivent organiser un référendum. Cette proposition doit s'accompagner d'une Constitution. Les autres modalités de cette proposition figurent au paragraphe 4(3). Pour commencer, il faut désigner la collectivité et décider du nom qu'elle portera. Il faut également cataloguer toutes les terres détenues par la Première nation et donner des détails sur toutes les ententes et traités signés par cette Première nation, y compris toute entente avec le gouvernement du Canada ou tout autre organisme, ou toute entente comprenant des dispositions financières. La proposition doit contenir une description de tous les biens et de toutes les ressources de la tribu.

Cela ressemble donc à un plan d'affaires et on doit y trouver les avoirs de la Première nation, le nombre des électeurs habilités à voter, le nom de la personne qui fera office de directeur du scrutin et le nom des personnes qui appartiennent déjà à la bande ou à la tribu et qui feront partie du gouvernement.

Le paragraphe suivant porte sur les éléments qui doivent figurer dans la Constitution. Ces dispositions ressemblent beaucoup à ce qu'il y avait dans les anciennes lois sur l'autonomie gouvernementale, par exemple la Loi sur l'autonomie gouvernementale de la bande indienne sechelte. De plus, ce projet de loi exige que la Constitution contienne certaines dispositions qui n'avaient pas été jugées nécessaires dans l'entente avec les Sechelts. Les dispositions relatives aux amendements constitutionnels et aux assemblées générales annuelles sont également prévues.

La Constitution doit contenir un code de la citoyenneté et préciser comment l'organe exécutif sera élu, nommé ou choisi. Elle doit préciser comment les lois seront adoptées et prévoir également un système de reddition des comptes et les modalités de la responsabilité financière. Il doit également y avoir un processus d'amendement de la Constitution par les citoyens ainsi que des procédures relatives à une assemblée générale annuelle.

La Constitution type contient des dispositions permettant aux citoyens de convoquer l'assemblée générale annuelle, et également des règles en ce qui concerne l'aliénation des terres. La Constitution est destinée à contrôler les activités du gouvernement de la Première nation, c'est une forme de contrôle du pouvoir de ce gouvernement.

Le paragraphe 4(5) prévoit que de simples vices de forme dans la proposition ne seront pas suffisants pour l'invalider. Par contre, il est évident qu'une proposition sérieuse qui ne serait pas accompagnée d'une Constitution ne serait pas valide.

L'article 5 explique les modalités du vote sur les propositions. Une proposition doit être approuvée par plus de 50 p. 100 des électeurs habilités à voter, ce qui devrait donner une proportion nettement plus élevée que 50 p. 100 des votants. Les personnes habilitées à voter sont les mêmes que celles visées par le paragraphe 4(2), c'est-à-dire les personnes qui sont habilitées à élire l'organe exécutif avant que celui-ci ne soit régi par la présente loi. Autrement dit, les personnes qui ont déjà le droit d'élire le conseil auront la possibilité de voter sur la proposition.

Le sénateur St. Germain: Pouvez-vous répéter ce que vous venez de dire au sujet des 50 p. 100?

M. McKinney: Oui. Le paragraphe 4(5) prévoit que plus de 50 p. 100 de ceux qui ont droit de voter doivent voter en faveur d'une proposition pour que celle-ci soit approuvée.

Le sénateur St. Germain: Est-ce que c'est la majorité simple?

M. McKinney: C'est la majorité simple de ceux qui ont le droit de vote. Dans la plupart des élections ou des référendums, la participation au vote n'est pas de 100 p. 100, et par conséquent, cela finit par faire plus que la majorité simple de ceux qui veulent vraiment voter. Autrement dit, si 50 p. 100 seulement des gens qui ont le droit de vote se présentent, tout le monde doit voter pour la proposition. En fait, il faut que plus de 50 p. 100 d'entre eux se présente puisqu'on a besoin de plus de 50 p. 100 des voix.

Le sénateur St. Germain: Merci.

M. McKinney: L'article 6 porte sur la capacité de la Première nation. À l'heure actuelle, il y a une certaine controverse sur la signification d'une bande indienne, pour savoir si elle a la capacité d'une personne, si elle peut intenter des poursuites ou faire l'objet de poursuites, si elle peut signer un contrat. Grâce à cet article, la Première nation a la même capacité qu'une personne physique. De plus, tout comme dans le cas d'une société, cette capacité se perpétue. Si on n'avait pas précisé cela, cette transmission à perpétuité n'aurait peut-être pas eu lieu. Avec cette disposition, la Première nation continue à exister après que les auteurs de la proposition n'existent plus. Aux termes du droit commun, il ne s'agissait pas d'une disposition de fiducie et d'autres entités n'étaient pas autorisées à se perpétuer. Grâce à cette disposition, la succession des Premières nations à perpétuité est assurée.

L'article suivant porte sur les dispositions transitoires qui permettent à la collectivité actuelle de continuer à constituer une Première nation. L'organisme qui régit une Première nation la gouvernera après qu'elle sera assujettie à cette loi. Cet organisme est réputé avoir été élu pour un mandat de cinq ans. La Constitution peut modifier cette disposition, elle peut fixer un mandat plus court et elle peut également exiger des élections avant que les cinq années ne soient écoulées. La Constitution peut amorcer une procédure de rappel. Il est possible de limiter cette disposition en prévoyant certaines procédures dans la Constitution.

On a pensé qu'une collectivité assujettie à cette loi aura besoin d'un certain temps pour que son gouvernement devienne pleinement fonctionnel. À l'heure actuelle, pour les gouvernements au Canada, le délai prévu est le plus souvent de cinq ans. La Constitution type prévoit que l'organe exécutif organisera des élections dans les cinq qui suivent son élection. Évidemment, cette disposition peut être modifiée selon les besoins de chaque Première nation. Les responsables et les employés des Premières nations, ou encore les bandes telles qu'elles sont organisées actuellement, continueront à être employés par la Première nation.

L'article 8 porte sur les pouvoirs législatifs de la Première nation. Pour bien comprendre cet article, il faut le lire à la lumière des autres dispositions du projet de loi. Il s'agit d'une déclaration d'ordre général, mais le pouvoir législatif de la Première nation est limité par un grand nombre d'autres dispositions du projet de loi.

La Première nation a le pouvoir de légiférer pour la paix et l'ordre sur son territoire. À l'Annexe 2, on énonce certains pouvoirs particuliers, mais ceci n'est pas considéré comme une restriction de ces pouvoirs.

Il y a d'autres articles qui limitent ces pouvoirs et je vais vous les signaler rapidement. L'article 10, à quelques exceptions près, limite la portée territoriale de ces pouvoirs. Le pouvoir fondamental de légiférer s'applique uniquement sur le territoire de la Première nation. Par conséquent, les lois qu'elle adopte ne peuvent avoir qu'une portée locale.

Il y a des exceptions lorsqu'une Première nation détient déjà des pouvoirs à l'extérieur de ses frontières ou de sa région ou dans des cas où les tribunaux, en vertu des règles normales relatives aux conflits, pourraient considérer la compétence d'une Première nation en matière légale. Par exemple, en matière de succession, pour décider quelle est la loi qui s'applique, les tribunaux considèrent toujours les lois de l'endroit où une personne était domiciliée au moment de son décès. Nous conservons cette notion. Cela s'applique uniquement aux biens personnels. En ce qui concerne les terres, c'est toujours les lois de l'endroit où une terre est située qui s'appliquent.

Parmi les autres questions où la portée des lois peut dépasser les limites du territoire de la Première nation, mentionnons l'adoption d'enfants, la garde et le placement d'enfants, les biens de citoyens mineurs ou d'adultes qui sont des personnes à charge, l'éducation des citoyens, les lois successorales et les biens détenus en fiducie pour les citoyens.

Les pouvoirs sont limités également en matière d'amende maximale, ce qui est prévu à l'article 11. La Constitution de la Première nation peut également limiter les pouvoirs de celle-ci. L'article 34 limite aussi les pouvoirs de la Première nation du fait qu'elle prévoit que les lois d'application générale s'appliqueront à la Première nation, à ses citoyens et à ses terres, sous réserve de certaines exceptions.

Des restrictions s'appliquent également dans quelques autres domaines. Dans celui de l'environnement, la Première nation ne peut adopter une norme inférieure à celle de la loi fédérale ou de la loi provinciale ayant un lien territorial avec elle. C'est ce qui est prévu dans l'article 38.

À l'article 32, il est précisé que les lois en matière de succession visant les adultes à charge et les enfants mineurs ne peuvent être moins favorables à ces derniers que ne le sont les lois actuellement en vigueur conformément à la Loi sur les Indiens. Cette disposition impose certaines limites au pouvoir de la Première nation.

Le sénateur Adams: Il y a un grand nombre de Premières nations dans notre pays. Qui est le chef de votre nation? Parlez-vous de votre propre organisation, ou parlez-vous d'autres Premières nations?

M. McKinney: Me demandez-vous quels sont les membres de la Première nation qui seraient responsables d'édicter les lois?

Le sénateur Adams: Oui.

M. McKinney: Cela est prévu dans la Constitution. C'est un aspect qui doit être prévu dans une Constitution. À cet effet, permettez-moi de citer l'alinéa pertinent du paragraphe 4(4):

c) le mode d'édiction et de publication des lois de la Première nation;

Divers modes d'édiction des lois pourraient être prévus dans la Constitution. On pourrait demander aux citoyens à la base de voter sur certaines questions, ou confier les décisions à un organe exécutif; il pourrait s'agir d'un système semblable au système canadien, ou bien d'une situation où le conseil adopterait des lois qui seraient ensuite promulguées par le chef. Il revient à chaque Première nation de choisir et de prévoir les modalités pertinentes dans sa Constitution.

Le sénateur Adams: Ce serait tout d'abord le conseil qui adopterait la mesure, laquelle serait ensuite promulguée comme loi par la Première nation. Ai-je bien compris? Dans le cas contraire, pourriez-vous m'expliquer?

Mme Catherine Twinn, conseillère juridique, bande Sawridge (Alberta): La Constitution est un élément crucial de cet ensemble législatif du fait qu'elle représente un système de freins et de contrepoids et qu'elle attribue le pouvoir au peuple. La Constitution est issue du peuple et existe dans l'intérêt du peuple.

Chaque Première nation a des structures et des institutions qui lui sont propres. La loi habilitante à l'étude ne crée rien et n'impose rien. Elle vise à reconnaître et à respecter ce qui existe.

Si ce que nous appelons aujourd'hui le conseil de bande d'une Première nation exerce des fonctions législatives, la Constitution peut imposer des limites à l'exercice du pouvoir législatif ainsi que certaines modalités visant l'exercice d'un tel pouvoir. Par exemple, le consentement du conseil des anciens peut être exigé. Pour certains sujets, on pourrait exclure de la loi certaines dispositions. Les gens du milieu auront des décisions à prendre à cet égard et il me semble que le processus aura des effets constructifs sur les collectivités.

Vous demandez qui sont ceux qui exerceront la fonction législative dans les diverses collectivités. Les Premières nations pourront légiférer pour la paix, l'ordre et le bon gouvernement. Je signale au passage que les expressions «paix, ordre et bon gouvernement» ont été proposées par le Canada. L'accord de principe en fait état. L'expression a une portée assez vaste, mais elle est d'application locale.

Il faut dire que l'organe de la collectivité qui exercera le pouvoir législatif le fera en conformité de la Constitution, laquelle servira de système de freins et de contrepoids.

Est-ce que cela répond à votre question?

Le sénateur Adams: Oui, merci.

Le sénateur St. Germain: Le projet de loi prévoit-il un recours quelconque si la bande n'observe pas la Constitution?

M. McKinney: La Constitution pourrait certainement prévoir un mécanisme de règlement des différends, mais le dernier recours se trouve au sein de la Constitution qui, conformément à cette loi, a préséance sur toute initiative émanant d'un organisme administratif d'une Première nation et sur toute loi d'une Première nation. La Première nation outrepasserait son autorité si elle enfreignait sa Constitution.

Les tribunaux constitueraient le dernier recours.

Le sénateur St. Germain: Est-ce que la Constitution pour des Premières nations prévoit un système judiciaire, ou les tribunaux canadiens seraient-ils compétents?

M. McKinney: En vertu de ce projet de loi, la compétence judiciaire est attribuée aux tribunaux provinciaux qui ont un lien territorial avec les Premières nations. Les tribunaux fédéraux auront compétence parce que les Premières nations sont assimilées à un conseil, un comité ou un tribunal au sens de la Loi sur la Cour fédérale et elles ont donc qualité pour en appeler aux tribunaux fédéraux. De plus, une Première nation peut établir son propre système judiciaire, mais seulement pour faire respecter ses propres lois et non sa Constitution. On pourrait en appeler aux tribunaux fédéraux ou provinciaux.

M. Martin Henderson, Aird & Berlis: En vertu de l'article 15 de ce projet de loi, qui reconnaît la compétence des tribunaux provinciaux là où il existe un lien territorial, il faut le dire, cette disposition prévoit une procédure de révision judiciaire, tout comme pour les gouvernements locaux au Canada qui sont assujettis à des procédures de révision judiciaire ou municipale, sans pour autant dire qu'il s'agit d'un modèle municipal précisément, car ce n'est pas le cas. Il n'y a pas de vacance à ce niveau-là. Je voulais que cela soit parfaitement clair.

Le sénateur Chalifoux: J'aimerais avoir des précisions sur le Lesser Slave Lake Indian Regional Council. Ce conseil regroupe combien de réserves? Représentez-vous chaque collectivité?

Mme Twinn: Je peux répondre à votre deuxième question.

Des résolutions ont été adoptées -- et on les a communiquées au Sénat, je crois -- par les neuf collectivités qui appartenaient au conseil à l'époque. Je ne peux pas parler de sa structure actuelle. Je ne sais pas si le chef L'Hirondelle veut en parler.

Quant à l'appui, deux sommets des chefs de l'Alberta ont eu lieu et des résolutions en faveur de ce projet de loi ont été adoptées.

La semaine dernière j'ai également reçu un appel de Robert Breaker, l'ancien chef des Pieds-Noirs. Je crois comprendre que 12 collectivités ont été consultées par l'État sur la question de l'autonomie gouvernementale. Dix se sont retirées du processus. Elles en ont assez et elles sont mécontentes. Elles ont l'impression de participer à un processus bidon dont les résultats ont déjà été déterminés, ce qui est inacceptable à leurs yeux. Elles s'intéressent maintenant à ce projet de loi.

Nous ne recevons pas beaucoup d'argent de l'État pour organiser des ateliers qui auraient pour effet de sensibiliser nos gens. Contrairement aux groupes d'intérêts spéciaux financés par Ottawa, nous travaillons à partir de nos réserves et de nos collectivités.

Je crois que ce projet de loi a suscité de l'intérêt et qu'il reçoit l'appui des gens. Ce qui est bien dans ce projet de loi, c'est qu'il n'impose aucune obligation aux collectivités. Il s'agit simplement d'une option pour chacune. Pour s'inscrire dans le cadre de ce projet de loi, les collectivités doivent faire plusieurs choses.

Quant aux collectivités qui manquent de temps, d'énergie et de ressources, le projet de loi peut servir de modèle.

Je signale que l'élaboration de la loi pour le Yukon a coûté plus de 90 millions de dollars. Lorsqu'elle a été adoptée à toute vapeur par le Parlement en trois jours ouvrables, il restait environ 70 millions de dollars en honoraires à payer.

Le sénateur Chalifoux: Vous représentez qui en ce moment? Parlez-vous au nom du Lesser Slave Lake Indian Regional Council ou du conseil de Sawridge?

Mme Twinn: Les bandes qui sont membres du Lesser Slave Indian Regional Council ont adopté des résolutions qui ont été communiquées au comité, je crois. Je ne connais pas la date de ces résolutions, mais je pourrais l'obtenir pendant la pause.

Le sénateur Chalifoux: Est-ce qu'on a procédé à un référendum sur chaque réserve membre du Conseil régional afin que les gens puissent se faire entendre, ou a-t-on sondé seulement les conseils?

Mme Twinn: Des ateliers ont eu lieu dans les collectivités. J'ai assisté à certains d'entre eux. Encore là, on manquait d'argent. Chaque collectivité a tenu sa propre assemblée et ses propres discussions. Je sais qu'il y a eu un grand atelier à Edmonton, où il y a eu pas mal de monde et où la discussion a été franche.

M. Henderson: Il y avait là plusieurs centaines de personnes.

Le sénateur Chalifoux: Est-ce que les gens qui n'habitent pas les réserves ont eu la possibilité de participer aux ateliers, et étaient-ils présents?

M. Henderson: Bon nombre des ateliers ont eu lieu dans les villes. Le plus grand a eu lieu à Edmonton.

Mme Twinn: Personne n'était exclu. On n'a pas tenu de registre, et on n'a pas demandé non plus aux participants s'ils vivaient sur une réserve ou hors de la réserve. Les ateliers étaient ouverts à tous.

M. McKinney: Les résolutions des bandes membres du Lesser Slave Lake Indian Regional Council ne portait pas l'adhésion immédiate à l'autonomie gouvernementale conformément à ce projet de loi. Ces Premières nations veulent que ce projet de loi soit adopté afin d'avoir la possibilité d'assumer l'autonomie gouvernementale. Elles admettent que le fait d'assumer l'autonomie gouvernementale est une décision importante pour toutes les Premières nations, et que cela exigera mûre réflexion. Toutes les Premières nations considèrent que c'est une question très sérieuse. Elles ont adopté ces résolutions en appui au projet de loi uniquement afin de conserver cette option. Une fois que cette option sera claire, elles pourront procéder à une consultation plus détaillée auprès de leurs gens.

Il y a au moins une des résolutions du Sommet des chefs de l'Alberta dans la documentation qui se trouve dans les relieurs blancs qui vous ont été remis.

Le sénateur St. Germain: Il s'agit strictement d'une loi habilitante. Ai-je raison de dire que, si ce projet de loi entre en vigueur, il aura seulement pour effet de donner aux bandes autochtones la possibilité de s'en servir comme modèle pour l'autonomie gouvernementale?

M. Henderson: C'est exact. En outre, il y a des dispositions précises dans le projet de loi qui portent que, si l'autonomie gouvernementale se réalise, toutes les bandes qui voudront adhérer à ce modèle demeureront assujetties à touts les autres lois qui s'appliquent au Canada aujourd'hui. L'adhésion au modèle d'autonomie gouvernementale n'annule pas ni ne modifie non plus la Constitution du Canada. Toutes les lois qui existent aujourd'hui, y compris le projet de loi C-31 par exemple, sont acceptées comme tel. Il y a une disposition précise dans chaque cas qui confirme qu'il ne s'agit que d'une loi habilitante, que l'adhésion au modèle est facultative, et que cela ne change rien à l'état des lois.

Le président: Je tiens à bien comprendre ce que vous entendez par «lien territorial». Je sais qu'il y a certains éléments dans votre loi habilitante qui feront intervenir des lois provinciales et fédérales. Les services municipaux et les politiques qui les régissent seraient également touchés.

Ai-je raison de dire que, s'il y a conflit entre le gouvernement provincial et votre structure gouvernementale, vous n'en appellerez qu'aux tribunaux provinciaux pour le résoudre?

M. Henderson: Et le droit d'appel aux cours supérieures subsisterait, comme dans n'importe quel autre cas.

Le président: Si la collectivité adopte une loi dans son intérêt et qu'elle entre en conflit avec une loi provinciale ou fédérale, qu'allez-vous faire? Établiriez-vous un délai raisonnable, 60 jours par exemple, pour permettre à l'autorité visée de se prononcer sur la loi, après quoi, s'il n'y a pas eu de réponse, la loi entrerait en vigueur? À partir de quel moment jugerez-vous que votre position n'est pas négociable, si vous croyez qu'il faut procéder par voie de négociation?

Le sénateur Tkachuk: Vous voulez dire après que l'autonomie gouvernementale sera devenue un fait accompli ou avant?

Le président: Après que ce projet de loi aura force de loi et que les Premières nations auront leur propre structure gouvernementale. Qu'allez-vous faire lorsque vous allez apprendre que la loi que vous venez d'adopter entre en conflit avec une loi fédérale ou provinciale?

M. Henderson: Comme on l'a dit, il s'agit d'une loi habilitante. Étant donné que son effet sera générique et que chaque collectivité pourra se doter de sa propre Constitution en vertu de cette loi, on ne peut pas prédire ce qui va arriver; nous ne voulons pas non plus toucher au statu quo parce qu'il faut que les négociations, les litiges ou les médiations se poursuivent. Ce projet de loi vise expressément à protéger intégralement les droits de chacun. Ce qui ne veut pas dire qu'il n'y aura jamais de conflit dont il faudra tenir compte dans la négociation des structures gouvernementales ou dans les décisions judiciaires, par exemple, mais on réglera cela exactement de la même manière que maintenant. Si quelqu'un dit qu'un droit autochtone ou un droit issu d'un traité prime la loi provinciale, il y a des moyens d'arbitrer cela.

Rappelez-vous que cette loi ne s'appliquerait pas à une Première nation qui n'a pas de territoire et qui fait valoir des revendications territoriales. Cela doit se faire séparément et de manière différente. Cette loi ne compromettra pas ces processus ou les négociations existantes. Cette loi crée seulement une structure qui permet aux deux parties de négocier sans vacance juridique, sur une base plus équitable. Les droits de chacun seront protégés comme ils l'étaient avant l'adoption du modèle d'autonomie gouvernementale; ces droits ne seront ni diminués ni élargis.

Le président: Je ne crois pas qu'on se comprenne très bien sur cette question en particulier. Je vais tâcher de reformuler ma question pour bien me faire comprendre.

Cette loi habilitante vous permettra d'adopter vos propres lois. Vous exigez cette loi parce que vous pensez que votre collectivité a besoin de cet outil pour adopter des lois qui combleront les besoins de vos gens et de votre collectivité.

Il existe déjà deux ordres de gouvernement, le provincial et le fédéral. Le fédéral adopte des lois qui sont d'intérêt national, et ces lois s'appliquent à tous, sans égard à la couleur ou à la race de chacun. De telles lois pourraient, de temps à autre, entrer en conflit avec les intérêts des peuples autochtones. Nous le savons. Prenez par exemple la loi sur le contrôle des armes à feu qui a été adoptée. Bon nombre d'entre nous ont dit que cette loi était mauvaise pour nos gens parce qu'elle a un effet négatif sur notre vie économique et sociale.

Si vous adoptez une loi, en vertu de cette loi habilitante, allez-vous au préalable négocier la création d'un mécanisme avec les gouvernements provinciaux et fédéral qui leur donneraient un certain délai pour répondre aux lois que vous avez adoptées? Je vous demande si, par exemple, vous allez leur donner 60 jours pour répondre à une loi que vous avez adoptée, si la loi que vous avez adoptée entre en conflit avec le gouvernement provincial. Est-ce que cela fera alors l'objet d'une négociation? Comment allez-vous faire ici? La même chose s'applique au gouvernement fédéral. Et quel mécanisme prévoyez-vous pour éviter d'avoir à vous adresser aux tribunaux tout le temps? S'adresser aux tribunaux, ça coûte très cher. Et ce sont des tribunaux blancs. Ces tribunaux ne comprendront pas vos besoins. Il vous faut un mécanisme ou un recours quelconque autre que les tribunaux.

M. McKinney: Il n'y a rien dans le projet de loi qui exige une consultation ou qui donne au gouvernement, fédéral ou provincial, un droit de veto sur les lois d'une Première nation. Cela dit, j'aimerais vous donner une réponse plus complète.

À l'heure actuelle, en vertu de la Loi sur les Indiens, une bande peut adopter des règlements qui priment les lois provinciales, et rien n'oblige la bande à consulter la province. En vertu de l'article 91(24), le gouvernement fédéral dispose d'une compétence exclusive à l'égard des Indiens et des terres réservées aux Indiens. Seul le fédéral peut adopter des lois à l'égard des Indiens et des terres réservées aux Indiens. Il n'existe pas de compétence provinciale résiduaire.

Le président: Me permettez-vous de vous arrêter ici? Vous partez de l'hypothèse que vous pourrez déroger à toutes les autres lois; en conséquence, il n'y a aucune souplesse.

M. McKinney: Ce n'est pas tout à fait vrai. En vertu de ce projet de loi, toutes les lois provinciales vont s'appliquer à moins qu'elles entrent en conflit avec les lois d'une Première nation.

Le président: C'est vous où la province qui dispose de cette autorité? Qui a plus d'autorité que qui?

M. McKinney: Essentiellement, les lois provinciales s'appliquent au territoire de la Première nation. À l'heure actuelle, c'est ce que dit la Loi sur les Indiens. Si ce n'était pas le cas, les lois provinciales ne s'appliqueraient pas à ces terres parce qu'elles relèvent entièrement de la compétence fédérale. La Loi sur les Indiens porte que, s'il n'existe aucune autre disposition juridique, dans la Loi sur les Indiens ou dans un règlement de bande, la loi provinciale s'applique aux Indiens -- pas aux terres, seulement aux Indiens -- sur les réserves. Notre projet de loi va plus loin dans la mesure où toutes les lois provinciales s'appliquent à moins qu'il y ait conflit, mais l'on permettrait aussi à la Première nation de déroger à cette disposition.

Essentiellement, ce seront des lois de nature locale. Ce seront des lois semblables à celles des municipalités. Elles ne s'appliqueront pas au-delà du territoire de la Première nation et n'entreront donc pas en conflit avec les lois provinciales. Évidemment, il appartiendra à la Première nation de traiter avec la province. Si la Première nation veut ouvrir une école sur son territoire, elle devra collaborer avec l'autorité provinciale étant donné que celle-ci dispose des ressources voulues; et chose certaine, il serait insensé que chaque Première nation crée son propre système scolaire. Nous avons reconnu cette réalité dans des domaines comme l'enregistrement foncier. Une Première nation peut décider d'utiliser le système provincial, sauf qu'elle doit négocier avec la province pour utiliser ce système parce que la province ne permettrait pas à une Première nation d'agir unilatéralement.

Nous admettons que des négociations seront nécessaires pour certains éléments, mais ce projet de loi n'oblige pas toute Première nation qui veut agir à consulter une autre autorité et lui donner un droit de veto. Les municipalités ne font pas ça. La province ne dispose d'aucun pouvoir de déroger face à une municipalité. Le gouvernement fédéral n'a pas le droit non plus de désavouer une loi provinciale s'il estime qu'elle contrevient à ces lois. Lorsqu'il y a chevauchement, il y a parfois consultation, et parfois non. Tel est le système que nous avons aujourd'hui.

Le président: Qu'allez-vous faire dans le cas d'une loi fédérale qui impose des normes nationales? Est-ce que cela va déroger à votre loi?

M. McKinney: Dans certains domaines, il y a des normes fédérales qui s'appliquent expressément, dans le cas de l'environnement par exemple. Dans d'autres domaines, si la loi fédérale répond à un intérêt national, c'est la loi fédérale qui va primer. La Première nation ne pourra pas, par exemple, se doter de son propre Code criminel, d'une Loi sur la défense nationale ou d'une Loi sur l'énergie atomique. Ce sont-là des domaines d'intérêt national où les lois fédérales priment toutes les autres.

Le président: Quand sera-t-il de la garde et de l'accès? S'il y a des normes nationales en matière de garde et d'accès, qu'allez-vous faire si elles entrent en conflit avec les activités quotidiennes de vos gens?

M. McKinney: La garde et l'accès relèvent de l'autorité provinciale. Je crois qu'il existe un précédent en vertu de la Loi sur le Yukon relativement à la garde et à l'accès. Au Yukon, on a donné aux Premières nations le pouvoir d'adopter des lois relativement à la garde et à l'accès.

Le président: C'est quand même le gouvernement fédéral qui adopte la loi.

Le sénateur Pearson: Cela émane de la Loi sur le divorce.

M. McKinney: Mais c'est une question provinciale.

Le président: En matière de législation, non; en matière d'aide alimentaire, oui.

Mme Twinn: Pendant que M. McKinney fait sa recherche, j'aimerais faire une observation d'ordre plus général.

Il faut envisager ces questions sous l'angle des relations personnelles. Si les relations personnelles sont fondées sur la crainte et le soupçon, elles seront nécessairement difficiles. Lorsque les pouvoirs ne sont pas équilibrés, comme on l'a vu avec la Loi sur les Indiens qui donnaient au ministère des Affaires indiennes le droit de prendre les collectivités en charge sans leur consentement, cela produit aussi des résultats insoutenables et complique les relations.

Ce projet de loi reconnaît les domaines de compétence tribale qui sont de nature territoriale, ce qui ne devrait pas susciter d'obstacles à mon avis. Il s'agit de terres indiennes. Ces terres indiennes, bon nombre d'entre elles sont assujetties à des traités. Les Indiens ont accepté de céder des territoires en échange de réserves qui appartiendraient à perpétuité aux collectivités futures.

Dans toute relation qui est importante, il faut prendre en compte, parce que le bon sens et la courtoisie l'exigent, les besoins, les intérêts et les préoccupations de l'autre partie, et il faut communiquer à partir de cela.

Je pense qu'il y a, dirait-on, un certain degré de racisme face aux réserves. On pense qu'une relation comme celle-là ne peut pas exister, n'existe pas ou n'existera jamais. À mon avis, c'est injuste. Je pense qu'il existe une sorte de préjugé dans l'esprit de certaines personnes, qui s'imaginent que tout cela ne se fera jamais. Ce sont ces soupçons, ces craintes, et cette absence de confiance qui compliquent énormément les choses.

Nous voulons être plus efficients et plus efficaces. Je ne pense pas que les réserves aient besoin d'un tas de gens qui regardent par-dessus leur épaule et qui leur disent comment mener leurs vies quotidiennes et combler leurs besoins locaux. Il s'agit de questions communautaires.

À mon avis, l'«apartheid» c'est le contrôle de l'extérieur et la gestion de l'extérieur. Nous tâchons de délaisser ce modèle et de privilégier la reconnaissance et le respect des collectivités qui possèdent ces terres. Il ne s'agit pas d'un titre en fief simple, qui est un titre dérivé. Ce titre existait avant même l'arrivée des Européens.

Le sénateur Tkachuk: Pour en revenir au projet de loi lui-même, il n'y a rien dans ce texte qui change l'état des choses. Ce projet de loi respecte l'équilibre actuel des pouvoirs, et il n'y a rien dans ce projet de loi qui va à l'encontre des lois qui existent aujourd'hui.

Sénateur, il est absurde de créer une autorité nationale qui réglera tous ces conflits parce que ce ne sera pas possible. Chaque réserve qui décidera de se gouverner devra régler elle-même ses différends. Autrement, nous allons passer toute notre vie à chercher cette autorité nationale qui réglera les différends de chacun. C'est impossible. Chaque collectivité peut se doter d'un système pour régler ses propres différends, comme c'est le cas maintenant.

Dans la ville de Saskatoon, on ne se demande pas si on va avoir des problèmes avec Corman Park, qui est juste à côté, ou avec le gouvernement provincial. Une loi habilitante a permis à la ville de Saskatoon de se former, et la ville de Saskatoon se gouverne toute seule. Chaque collectivité s'arrange pour vivre avec les autres collectivités. Je ne pense pas qu'une bande indienne ou une réserve fera les choses bien différemment, et c'est pourquoi ce projet de loi ne m'inspire aucune crainte.

Il se peut que l'on veuille créer un mécanisme obligeant une partie à donner avis si une loi porte atteinte à la compétence provinciale, par exemple. J'imagine qu'on pourrait amender le projet de loi en ce sens, mais nous ne voulons pas créer un processus qui interviendra chaque fois qu'il aura un différend parce que cela nous prendra une éternité. Ça ne se fera jamais.

Le président: Vous ayant écouté, étant moi-même Autochtone et disposant d'une certaine expérience dans la mise en oeuvre de l'autonomie gouvernementale depuis les vingt dernières années, j'incline à croire que vous voulez sortir du système qui existe aujourd'hui. Ce qui me préoccupe le plus, c'est que, pour faire ça, vous devez assumer les pouvoirs, les risques et la reddition de comptes.

En présentant une loi habilitante qui vous permettra de vous occuper de vos affaires et d'assumer le contrôle de votre propre destin, dans quelle mesure donnez-vous quelque chose en échange en adhérant aux liens territoriaux, en acceptant l'autorité des tribunaux provinciaux et ce genre de choses? À mon avis, donner à une collectivité locale toute l'autorité et tous les pouvoirs à l'intérieur d'un territoire défini, c'est une façon rapide de diviser pour conquérir. Cela m'inquiète.

Le sénateur Chalifoux: Je tiens à vous faire mes excuses. Je n'ai pas reçu le dossier avant hier, j'ai donc dû prendre la moitié la nuit et la matinée pour le lire.

On dirait que vous voulez créer un troisième ordre de gouvernement par voie de législation. Tout d'abord, en adoptant ce projet de loi, donnera-t-on au conseil régional -- et j'imagine que vous représentez le conseil régional -- le droit de se soustraire à la Loi sur les Indiens? Deuxièmement, si ce projet de loi entre en vigueur, vous attendez-vous à ce que le gouvernement fédéral finance l'autonomie gouvernementale dans vos collectivités? Allez-vous vous soustraire à la Loi sur les Indiens, et voulez-vous que le gouvernement fédéral finance cette démarche?

M. McKinney: Ce projet de loi ne permettra pas au Lesser Slave Lake Indian Regional Council de se soustraire à l'application de la Loi sur les Indiens. Il s'appliquera à chaque Première nation membre, si elle choisit d'opter pour le droit de retrait, et il y aura un certain processus que la collectivité devra observer. Nous envisageons un processus qui permettra à la base, aux membres et aux citoyens de cette collectivité, de prendre cette décision.

Ce projet de loi n'envisage aucun financement parce qu'il s'agit d'un projet de loi du Sénat.

Le sénateur Chalifoux: Je sais cela. Je demande si le gouvernement fédéral aura quand même une responsabilité financière.

M. McKinney: Le projet de loi ne crée aucune responsabilité financière. Les Premières nations qui souhaitent négocier avec le gouvernement le financement des programmes et des services sont libres de le faire.

Dans le cas du Lesser Slave Lake Indian Regional Council, ses membres ont déjà un accord avec le gouvernement portant sur l'administration et la prestation de services aux membres de leurs bandes. Ils offrent des services d'assistance sociale aux enfants, d'éducation, de police et quelques autres.

Le sénateur Chalifoux: Uniquement pour les membres résidant dans la réserve, toutefois.

M. McKinney: Je pense que cela n'est pas nécessairement vrai.

Le sénateur Chalifoux: Je sais, d'expérience personnelle, que l'enseignement post-secondaire est exclu.

Le projet de loi C-31 a prêté à la controverse. On a refusé à des femmes l'accès à leur réserve d'origine. La décision revient à la bande. Comment réglerez-vous les problèmes relatifs au projet de loi C-31? Je ne parle pas des autochtones de première ou de deuxième génération, je parle des hommes et des femmes auxquels on a refusé l'accès aux réserves après que le projet de loi C-31 a été adopté. Auraient-ils le moindre droit d'être admis dans leur réserve d'origine?

Par ailleurs, jouiront-ils du droit de vote en qualité de citoyen de cette Première nation?

Le sénateur Tkachuk: Avant de répondre à cette question, je voudrais en revenir à la première question que vous avez soulevée, sénateur. Après que M. McKinney a essayé d'expliquer les méthodes actuelles de financement dans la région du Petit lac des esclaves, vous avez dit: «Seulement pour les membres résidant dans les réserves, toutefois.» Qu'entendiez-vous au juste?

Le sénateur Chalifoux: Pour les services?

Le sénateur Tkachuk: Oui.

Le sénateur Chalifoux: En matière d'éducation, les enfants des Premières nations qui sont membres d'une bande ne bénéficient pas d'une aide financière à l'éducation tant qu'ils n'atteignent pas le niveau post-secondaire. Ma petite-fille me l'a dit.

Le sénateur Tkachuk: À condition qu'ils ne vivent pas dans la réserve.

Le sénateur Chalifoux: S'ils ne vivent pas dans la réserve.

Le sénateur Tkachuk: Ne peuvent-ils pas accéder aux services à Winnipeg, Calgary et Edmonton, où ils peuvent aller à l'école?

Le sénateur Chalifoux: Je ne parle pas des écoles; je parle des frais d'inscription et des livres.

Le sénateur Tkachuk: Il n'y a pas de frais d'inscription avant l'université.

Le sénateur Chalifoux: Ah, je vous demande pardon. Il y a les frais de location, qui sont pratiquement des frais d'inscription. Il y a les frais de location des livres, des fournitures scolaires et les frais pour les excursions scolaires.

Il est clairement établi que la plupart des gens qui quittent les réserves, partent en raison de l'absence de développement économique. Ils se retrouvent aux abords des zones urbaines, et ils ne peuvent pas obtenir de leur réserve d'origine d'aide financière aux fins d'éducation tant qu'ils ne parviennent pas au niveau post-secondaire. Corrigera-t-on cette situation?

Le sénateur Tkachuk: Vous expliquez le statu quo, n'est-ce pas?

Le sénateur Chalifoux: Oui, et je demande si cela va changer.

Le sénateur Tkachuk: Rien ne va changer. On ne peut rien y changer. C'est ainsi que sont les choses.

Mme Twinn: Je reconnais que le statu quo a posé des problèmes. Là où vous et moi ne sommes peut-être pas d'accord, c'est sur la question de savoir où cette difficulté a été créée et qui l'a créée. Je tiens à souligner que, au début des années 70, les réserves ont forcé le gouvernement fédéral à offrir des services aux non-Indiens vivant dans les réserves, parce que ces gens se retrouvaient dans un vide juridictionnel. La province affirmait que, puisqu'ils vivaient dans les réserves, ils ne relevaient pas d'elle. Le gouvernement fédéral disait que, même s'ils vivaient dans les réserves, ce n'était pas des Indiens et ne relevaient donc pas de lui. Personne ne voulait payer la note. Ce sont les collectivités qui ont forcé le gouvernement fédéral à s'assurer que les services et les programmes étaient offerts à tous ceux qui vivaient dans les réserves.

Je sais qu'aujourd'hui, lorsque les gens s'amusent à dénigrer les réserves, ils n'aiment pas parler de cet aspect.

Permettez-moi de raconter un souvenir personnel. Lorsque ma mère se mourait du diabète, elle vivait à Edmonton et payait des impôts. Je vivais dans la réserve. J'ai amené ma mère chez moi, pour prendre soin d'elle. Je me suis rendu au service de santé d'Athabasca, une agence provinciale, pour obtenir un bassin de malade, parce qu'il n'existait aucun programme fédéral qui me permettrait d'obtenir ce dont j'avais besoin pour prendre soin d'elle. On m'a dit, à ce service de santé, qu'on ne lui fournirait aucun service. On refusait de me prêter un bassin de malade. C'est l'infirmière, à l'hôpital local, qui m'en a prêté un, ainsi que d'autres objets dont j'avais besoin.

Qui résoudra ces problèmes? Ce seront les gens qui connaissent ces problèmes et doivent les supporter. Cela doit se faire directement. S'il faut passer par une bureaucratie complexe, on n'avance à rien.

Le sénateur Chalifoux: Comment ce projet de loi résoudra-t-il ces problèmes? J'ai connu des problèmes très semblables. Je les comprends, mais comment l'adoption de ce projet de loi résoudra-t-il ces difficultés?

M. Henderson: Nous reconnaissons qu'il s'agit d'un vaste problème. Ce projet de loi ne peut pas résoudre les centaines et les milliers de problèmes qui existent dans 600 localités au Canada. Soyons réalistes, une loi habilitante ne peut pas régler tous ces problèmes. Toutefois, elle permet à une collectivité d'assurer son autonomie gouvernementale, de combler les lacunes qui deviennent des excuses pour ne rien faire. Ce projet de loi octroie certains pouvoirs réels. Lorsque la collectivité aura décidé ce qu'elle veut faire, elle disposera d'un mécanisme juridique pour se présenter devant les responsables et réclamer que le problème soit résolu, plutôt que de se faire dire que, du fait d'une lacune, ce n'est pas le problème des autorités. C'est à cela que sert ce projet de loi.

J'aimerais bien que les problèmes puissent tous être résolus par cette mesure législative. Je conviens de tout ce que vous avez dit à ce sujet, mais, malheureusement, il nous faut d'abord donner aux gens les pouvoirs pour qu'ils puissent interpeller les gens qui devraient les traiter de façon équitable. C'est de cela qu'il s'agit.

Le sénateur Chalifoux: Merci.

Le sénateur Pearson: Je voudrais soulever une question que j'ai déjà soulevée, celle de l'âge de voter. D'après votre Constitution, un électeur est une personne âgée de 21 ans ou plus. Étant donné qu'il y a tant de jeunes dans ces collectivités, pourquoi l'âge de voter est-il si élevé? Cela ne me paraît pas logique.

M. McKinney: Cette Constitution n'est qu'une matrice. Chaque Première nation peut apporter des modifications à des questions telles que l'âge de voter. Ce projet de loi a été rédigé en se fondant sur un accord conclu avec le gouvernement, et c'était l'âge de voter prévu dans cet accord. On a laissé les choses en état. Cela ne doit être contraignant pour aucune collectivité. La collectivité peut choisir un âge différent.

Le sénateur Pearson: Il est important que les jeunes se sentent partie prenante à ce processus. Je n'aimerais même pas qu'ils voient l'âge que vous proposez. Vous devez amener les jeunes autant que possible à participer à votre processus décisionnel. Un bon nombre de vos lois porteront sur l'ordre public et la bonne administration gouvernementale; les jeunes devraient participer à la solution de ces problèmes.

Ma question suivante porte sur la garde et l'accès. Depuis la dernière fois que je vous ai rencontrés, j'ai participé aux travaux d'un comité qui s'intéresse à ces questions et j'ai de nombreuses questions à ce sujet.

M. Henderson: J'ai une observation à faire en réponse à votre première question. J'y réponds essentiellement de la même façon que j'y ai répondu un peu plus tôt à la question du sénateur Watt. Autrement dit, l'âge n'est peut-être pas bon. Cela mérite d'être discuté. Rien n'est inscrit dans le marbre.

Cela s'applique également à l'avis. Nous ne voulons pas inclure un veto, mais il serait peut-être intelligent de prévoir un avis si l'on anticipe un conflit.

Les deux sont des suggestions intelligentes.

Le président: Voulez-vous dire que c'est une question qu'il faudrait peut-être examiner de près?

M. Henderson: Ces suggestions me semblent raisonnables.

M. McKinney: En ce qui concerne la garde et le placement d'enfants, cela figure à l'annexe II de ce projet de loi. Comme je l'ai dit, il y a des précédents. La loi concernant les Premières nations du Yukon contient des dispositions sur la tutelle, la garde, la prise en charge et le placement des enfants des citoyens de la Première nation, sauf l'agrément et la réglementation des services offerts à partir d'installations situées à l'extérieur des terres désignées.

La loi sur le Yukon est passablement complexe, comme vous vous en souvenez peut-être. Une Première nation dont le nom figure à l'annexe II -- qui énumère les Premières nations qui ont rempli les conditions de l'autonomie gouvernementale -- conformément à l'accord conclu -- il faut donc tenir compte de l'accord qui s'applique à chaque Première nation -- peut adopter des lois dont l'application se limite au Territoire du Yukon -- pas seulement à son propre territoire, mais au Territoire du Yukon dans son ensemble -- en toute matière figurant à la partie II de l'annexe III -- où se trouve justement cette partie.

Il existe aussi un précédent dans la Loi sur l'autonomie gouvernementale de la bande indienne sechelte.

Le sénateur Pearson: Je m'intéresse à la garde partagée des enfants en cas de divorce. Les questions de garde n'ont souvent rien à voir avec le divorce.

M. McKinney: Cela comprend toutes les questions reliées à la garde et au placement, que ce soit le divorce, la séparation ou le décès d'un parent. C'est une disposition non limitative.

Le langage utilisé dans la loi sur le Yukon est très général. Il ne limite pas la garde et le placement à des cas où il s'agit d'un enfant de parents divorcés.

On retrouve le même libellé dans la loi concernant la bande sechelte. On ne retrouve pas de restriction territoriale explicite dans cette loi. Presque toutes les compétences législatives se limitent au territoire des Sechelts. Dans la Loi sur l'autonomie gouvernementale de la bande indienne sechelte, on parle des services sociaux et des services de bien-être relativement aux membres de la bande, y compris mais non de façon limitative, la garde et le placement des enfants des membres de la bande. En fait, cela s'applique aux membres de la bande peu importe où ils habitent, parce qu'on ne précise pas qu'ils doivent résider sur les terres de la Première nation sechelte, comme le font plusieurs autres articles.

Le sénateur Pearson: Il serait intéressant d'en voir l'application, dans le cas d'un divorce contesté. Les membres de notre comité se sentaient frustrés parce que nous ne pouvions pas obtenir assez d'information sur les questions, et nous ne nous sentions pas capables de faire des recommandations sérieuses parce que nous n'avions pas suffisamment de temps pour étudier le sujet dans son ensemble. Plusieurs personnes ont mentionné les conflits qui peuvent surgir dans une question de garde impliquant un parent autochtone et un parent non autochtone en particulier. Mais parfois même entre deux parents autochtones. C'est pourquoi j'ai posé la question. Toute la question de la législation familiale reste à régler. Il serait intéressant de voir le résultat d'une affaire qui est assujettie à cet article.

M. McKinney: C'est la même situation que lorsque les deux parents résident dans deux provinces différentes. Chaque province a ses propres lois mais, en règle générale, les lignes de conduite sont édictées par le tribunal de toute façon. Généralement, les intérêts de l'enfant sont primordiaux.

Le président: Continuez, s'il vous plaît. Je m'excuse de vous avoir interrompu, mais ce sont des questions importantes qu'il faut soulever.

Mme Twinn: Il restait deux questions -- la première soulevée par le sénateur Chalifoux concernant le projet de loi C-31 auquel nous n'avons pas répondu, et la deuxième soulevée par vous-même relativement à la notion de «diviser pour régner». J'estime que la clause 29 répondra à votre question.

M. McKinney: L'article 9 prévoit que la Loi sur les textes réglementaires ne s'applique pas aux lois de la Première nation. Il n'y a pas d'obligation de les publier dans la Gazette du Canada. Cette disposition ressemble à d'autres arrangements portant sur l'autonomie gouvernementale.

Nous avons déjà discuté de l'article 10. Essentiellement, il limite la compétence législative générale au territoire de la Première nation, avec les exceptions que nous avons énumérées plus tôt.

L'article 11 limite les amendes et les peines d'emprisonnement à celles prévues au Code Criminel pour les infractions punissables sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire, donc ces pouvoirs législatifs sont circonscrits.

L'article 12 prévoit que les amendes appartiendront à la Première nation, ce qui leur permettra de procéder à des poursuites en vertu de l'article 13. Une Première nation a la compétence exclusive pour la poursuite des personnes qui contreviennent à ses lois.

Les articles 14 et 15 traitent de la compétence donnée aux tribunaux, ce que nous avons déjà examiné brièvement. Ils confèrent aux tribunaux d'une province ayant un lien territorial avec la Première nation la compétence pour les questions découlant des lois de la Première nation.

L'article 16 reconnaît que la propriété des terres de la Première nation appartient à celle-ci. Ce sont des terres qu'elle possède déjà. Cette disposition ne confère pas de nouvelle terre à une Première nation. Elle ne fait que reconnaître que les terres qui sont actuellement détenues en son nom constituent son territoire.

L'article 17 vise à protéger les intérêts des Premières nations dans les terres qui leur appartiennent déjà. Ce projet de loi ne vise pas à porter atteinte aux intérêts des tiers. Ces intérêts doivent être respectés de la même façon qu'ils l'étaient avant que la Première nation soit assujettie à cette loi.

Le sénateur Adams: L'article 16 porte sur les terres et les réserves. Je sais que certaines bandes des Premières nations essaient d'acheter des terres avoisinantes qui sont à l'extérieur de leur réserve. Certaines réserves ont acquis des terres des fermiers dans le but de les cultiver. On se préoccupe aussi des réserves de pétrole et de gaz. Selon cette disposition, les bandes peuvent-elles acheter des terres à l'extérieur de la réserve?

M. McKinney: Non, l'article 16 ne permet pas à la Première nation d'agrandir son territoire. L'article contenant les définitions décrit les terres qui peuvent être considérées comme terres d'une Première nation. Il y a quatre catégories. La première est constituée des terres qui sont transférées à la Première nation. En d'autres mots, il s'agit de réserves et d'autres terres qui sont réservées aux Indiens au sens de l'article 91(24), qui sont des terres déjà reconnues comme terres indiennes.

La définition inclut aussi des terres que la Première nation a acquises et que le gouverneur en conseil a déclarées siennes. Selon les dispositions actuelles de la Loi sur les Indiens, le gouverneur en conseil a le pouvoir de constituer de nouvelles terres en réserves par déclaration, et ce pouvoir est conservé par le gouverneur en conseil et le gouvernement. La Première nation ne peut pas le faire elle-même.

Le troisième groupe vise les revendications territoriales. Il est évident que, s'il y a un règlement d'une revendication territoriale par le tribunal ou par voie de négociations, les terres en question seront intégrées dans les terres de la Première nation.

La dernière catégorie vise des nouvelles terres acquises à titre d'indemnité d'expropriation. En d'autres mots, si les terres existantes d'une Première nation sont expropriées pour construire un chemin de fer ou une route, par exemple, et qu'on les remplace par d'autres terres, ces terres-là deviendront les terres de la Première nation.

C'est très restreint. On n'y retrouve aucun pouvoir qui permettrait à la Première nation d'établir de nouvelles terres de façon unilatérale. Elle ne peut pas procéder à l'achat de dix quarts de sections et dire qu'elles font partie de ses terres.

Le président: À votre avis, le traité 8 est-il intact? A-t-il déjà été violé par des tiers de quelque façon dans le passé?

M. McKinney: Dire que le traité n'a jamais été violé serait une affirmation de très grande portée, et je ne pourrais pas le faire.

M. Henderson: Nous estimons que le gouvernement contrevient au traité 8 constamment.

Le président: Le traité 8 est-il intact en ce qui concerne la frontière et la superficie de votre réserve?

Mme Twinn: Il y a eu des cas de contravention dans le passé et il y en a encore aujourd'hui. Je dirais que, si on en dressait la liste, on constaterait un très grand nombre de violations de la part du Canada.

Le président: Est-ce une des raisons pour lesquelles votre porte-parole a déclaré que les intérêts des tiers seront protégés? Pourquoi serait-il nécessaire de le faire si les terres font partie de la réserve?

Mme Twinn: Par exemple, une autoroute a été construite sur les terres de la bande Sawridge. Certaines parcelles de terrain ont été prises à l'insu de la bande, sans son consentement. Aujourd'hui, de nombreuses personnes innocentes se déplacent sur ces routes ou ont besoin de ces routes pour gagner leur pain. Ce n'est pas parce que le Canada a fait preuve d'une conduite tyrannique en ne respectant ni l'esprit ni la lettre de la loi, que les gens innocents devraient en souffrir.

Nous ne voulons pas susciter de nouveaux conflits. Nous voulons aller au fond du problème.

M. McKinney: Je devrais apporter une précision. La protection des intérêts des tiers ne s'applique qu'aux droits et obligations légitimes relativement aux terres en cause. Il est évident que, si ces terres ont été acquises de façon illégitime, elles ne sont pas protégées, et elles ne le sont pas à l'heure actuelle. L'intention n'est pas de justifier ce qui a été fait en vertu du traité; c'est seulement de préserver les droits qui ont été acquis de façon légitime dans le passé.

La dernière partie de l'article 17 porte sur la possibilité de la Première nation de demander au gouvernement fédéral de lui fournir des comptes pour toutes les transactions portant sur les terres. Cela permettra à la Première nation de repartir du bon pied. Aussitôt qu'elle a obtenu des comptes du gouvernement, elle sera en mesure de gérer ses propres terres. À l'heure actuelle, ces terres sont gérées par le gouvernement, et la Première nation n'a pas nécessairement accès à tous les renseignements sur les transactions passées. Cela leur permet essentiellement de repartir sur des bases solides. De toute façon, le gouvernement doit fournir une comptabilité afin de respecter ses obligations.

L'article 18 prévoit qu'un citoyen d'une Première nation ne peut aliéner les droits sur les terres de celle-ci, ou faire toute autre transaction relativement à ces terres. Ce sont des terres communautaires qui appartiennent à la collectivité. Les transactions relatives à ces terres doivent se conformer à la Constitution de la Première nation, qui prévoit un mécanisme pour les transactions foncières. En vertu de la Loi sur les Indiens, un référendum doit être tenu et nous avons l'intention de maintenir cette obligation. La collectivité doit se prononcer sur l'aliénation de terres indiennes.

L'article 19 du projet de loi est une disposition apparentée. Il réaffirme que l'organe exécutif a pleins pouvoirs sur les terres de la Première nation, et que personne ne peut venir utiliser ces terres. Par le passé, certaines personnes l'ont fait sans autorisation, ce qui a causé des problèmes. Ce projet de loi précise que l'organe exécutif a le pouvoir de contrôler l'usage de ces terres.

L'article 20 porte sur l'enregistrement. La loi prévoit que la Première nation peut établir son propre régime d'enregistrement, en édictant sa propre loi. Cette option n'est pas nécessairement la meilleure pour elle. Elle pourrait décider de négocier une entente avec la province avec laquelle elle a un lien territorial, afin d'utiliser le système de cette province. Si elle décide de procéder ainsi, elle peut légiférer afin d'autoriser l'enregistrement dans la province.

Le projet de loi ne précise pas que la Première nation doit négocier. Cependant, si elle édicte une loi qui prévoit que l'enregistrement doit être fait dans la province, si cette dernière n'accepte pas l'enregistrement, la loi sera sans effet. Il est prévu que la Première nation arrivera à une entente avec la province.

D'après notre expérience, l'Alberta est prête à accepter l'enregistrement des terres indiennes, mais elle veut assurer l'application de certaines lois provinciales. Son régime a des caractéristiques particulières, et elle veut que ces caractéristiques s'appliquent à toutes les terres inscrites dans son système. Ce serait évidemment à négocier, ou elle n'accepterait pas l'enregistrement.

Le président: Vous voulez vous assurer que les Premières nations auront les moyens de faire appliquer la loi.

M. McKinney: C'est exact.

Le président: Que dites-vous de l'aspect communautaire de l'application?

M. McKinney: Le bon fonctionnement de la collectivité exige un régime quelconque d'enregistrement des terres, un régime qui peut être appliqué. Nous prévoyons de continuer la pratique actuelle d'enregistrement dans le Registre des terres indiennes jusqu'à l'établissement de notre régime, pour assurer la continuité. Nous voulons éviter toute interruption dans le processus d'enregistrement.

Le sénateur Adams: Si le projet de loi S-14 est adopté, les Premières nations auront-elles le droit de contrôler toute exploration sur leurs terres? Je pense plus précisément aux explorations pour le pétrole et le gaz. Qui a le pouvoir, la communauté ou la Première nation?

M. McKinney: Le pouvoir de contrôler ou de décider ce qui se passe sur les terres revient aux Premières nations.

Le président: Quand vous dites «Premières nations», vous voulez dire la Première nation locale, dans les limites de sa réserve.

Le sénateur Adams: Une communauté. Je crois comprendre.

M. McKinney: S'il s'agit d'un bail à long terme ou de l'aliénation d'un droit sur la terre, elle devrait se soumettre au processus du référendum comme c'est écrit dans la Constitution. La question serait posée aux membres. Voilà ce qu'exige la Constitution. Chaque Première nation pourrait adapter cette formule en fonction de ses propres caractéristiques, mais on ne s'attend pas à ce que son gouvernement puisse unilatéralement faire ce qu'il entend avec toutes les ressources d'un terrain donné sans consulter ses membres et comme c'est ce qui se passe aujourd'hui.

Il est aussi prévu que la Loi sur le pétrole et le gaz des terres indiennes continue de s'appliquer à moins que la Première nation ne la remplace par un autre régime. Il y a un statut quo pour ce qui est des terres.

Le sénateur Adams: Mon inquiétude, c'est qu'une réserve pourrait devenir plus riche qu'une autre. Peut-être vivrai-je dans une réserve qui ne tire aucun revenu du pétrole ou du gaz. Si je suis pauvre et que vous êtes riche, qui a le plus de pouvoir? Tout le monde en profitera-t-il?

M. McKinney: Chaque Première nation contrôle ses propres ressources et en est propriétaire. Certains ont des ressources différentes des autres. Il est visible que certains sont plus riches que d'autres et c'est déjà la situation à l'heure actuelle. Ce projet de loi n'oblige aucune Première nation à partager ses ressources ou à abandonner ses pouvoirs en la matière.

Mme Twinn: Qu'est-ce que la richesse? Vous pouvez disposer de 600 000 acres de marécage et l'on vous pensera riche, dépendant de comment l'on mesure la richesse, ou vous pourriez être propriétaire de 20 000 acres de pinèdes avec de l'air sain, de l'eau propre et de la terre propre. En fin de compte, je crois que la terre et les gens qui travaillent ensemble non seulement créent la richesse, mais entretiennent une relation saine avec le monde et humain et naturel. C'est là où se trouve la prospérité.

M. McKinney: Honorables sénateurs, l'article 21 du projet de loi dit clairement que les terres des Premières nations continuent d'être des terres telles que définies dans l'article 91.24 de la Loi constitutionnelle de 1867. Nous croyons que c'est le cas, de toutes façons, mais nous voulons qu'il soit clair que le but du projet de loi n'est pas de transformer ces terres en terres qui ne seraient pas réservées aux Indiens.

L'article 22 du projet de loi traite de l'argent qui est la propriété des Premières nations. Cet argent continue d'appartenir aux Premières nations à qui il appartient déjà. En d'autres termes, cet argent ne peut être donné à aucune autre Première nation.

De même, pour ce qui est des terres, la Première nation se voit imposer l'obligation d'exiger une reddition de comptes. Cela permettra au gouvernement, s'il rend ses comptes, de se décharger de son obligation fiduciaire et cela permettra à la Première nation d'avoir un bilan clair dès le départ. La vérification financière des comptes de la Première nation se trouve dans sa Constitution.

L'article 23 du projet de loi prolonge le statut quo au niveau de la fiscalité en vertu de la Loi sur les Indiens. Il prolonge l'application de l'article 87.

Le paragraphe 23(3) étend cette exemption d'impôts aux sociétés indiennes et on y définit ce qu'est une société indienne au paragraphe 23(4). Une société indienne est une personne morale appartenant à une Première nation, aux citoyens d'une Première nation, à des Indiens d'une autre bande, à une autre bande ou à un groupe formé par eux. Une société indienne ne peut avoir de sociétaire non Indien sinon, il ne s'agit plus d'une société indienne. De plus, la société indienne ne peut faire affaire que sur les terres de la Première nation.

Le président: Et cela ne vaut que pour les terres?

M. McKinney: Il est question des terres d'une Première nation ou d'une réserve. Donc, fondamentalement, il ne s'agit que de terres indiennes.

Le président: Cela veut dire qu'on ne peut pas faire affaire à l'extérieur de la réserve?

M. McKinney: Si vous le faites, vous n'êtes plus une société indienne. Si j'installe un magasin sur mon lopin de terre dans la réserve et qu'il appartient à une société, il s'agit d'une société indienne tant et aussi longtemps qu'il n'appartient qu'à des Indiens.

Le président: Et cela uniquement du point de vue fiscal?

M. McKinney: À certains endroits du projet de loi, il est question de «société indienne». L'une des raisons est la fiscalité; l'autre, est le processus juridique.

Le président: Et qu'en est-il du statut de membre?

M. McKinney: Non, les sociétés indiennes n'ont rien à voir avec le statut de membre. Le statut de membre revient à la personne physique.

C'est une chose qui a été négociée avec le gouvernement fédéral et cela se trouve aussi dans la loi sur l'autonomie gouvernementale du Yukon. Il ne s'agit pas d'une disposition nouvelle. Elle permet à un Indien de se servir d'une société comme les autres Canadiens, mais cela ne lui procure aucun avantage qu'il n'a pas déjà. À l'heure actuelle, si une Première nation ou l'un de ses membres veut fonder une société, il peut le faire, si cette société fait affaire exclusivement dans la réserve. La société devra payer des impôts puisqu'il n'y a pas d'exemption à l'heure actuelle. Le membre pourrait prendre tout l'argent de la société et se le verser à lui-même comme salaire sans payer d'impôt parce qu'il s'agit d'un salaire gagné dans la réserve et qu'on ne procure ainsi aucun nouvel avantage à qui que ce soit. Cela rend tout simplement les choses plus claires et on reconnaît que les Indiens devraient pouvoir constituer des sociétés comme tous les autres Canadiens. Ils devraient pouvoir se soustraire à toute obligation en constituant cette société et jouir de tous les autres avantages qui se rattachent à cela. Voilà notre intention. Il ne s'agit pas d'accorder un nouvel avantage à quiconque. Comme je l'ai dit, c'est déjà reconnu dans le projet de loi sur le Yukon. Si vous le voulez, je peux vous dire de quels articles il s'agit.

On trouve cela dans les ententes d'autonomie gouvernementale avec les Premières nations. Vous en trouverez un exemple au paragraphe 15.3 de l'entente d'autonomie gouvernementale Champagne et Aishihik qui fixe les dispositions concernant les sociétés indiennes.

À l'article 24 du projet de loi, il est question du processus juridique. Fondamentalement, il s'agit d'une copie du libellé de l'article 89 de la Loi sur les Indiens. On empêche que soit saisi tout bien personnel situé dans les terres indiennes. Il y a certaines exceptions. Nous avons permis aux Premières nations de consentir à certains accords. En d'autres termes, si une personne physique d'une Première nation désire accorder une hypothèque sur un bien personnel qui lui appartient et que la Première nation signe un accord à cet effet, la présente exemption se trouve annulée. À l'heure actuelle, le problème c'est que si un citoyen ou un membre de la bande désire obtenir un prêt en offrant des garanties, ce n'est pas possible, vu les dispositions de la Loi sur les Indiens, à moins qu'il ne s'agisse d'une vente conditionnelle. Cela s'applique seulement lorsque la personne achète le bien. Si le bien appartient déjà à la personne et qu'il est offert en garantie d'un emprunt contracté par la suite, le prêteur pourrait se voir dans l'incapacité de saisir le bien. Cet article prévoit donc une exception à l'exemption, mais seulement dans le cas où la personne physique et la Première nation y consentent.

L'article 25 est une exemption pour ce qui est des ventes conditionnelles. C'est la même chose que le paragraphe 89(2) de la Loi sur les Indiens. Si quelqu'un vend un bien à un citoyen d'une Première nation et conserve un droit de propriété sur ce bien jusqu'au paiement final, le vendeur peut saisir le bien en question. C'est le cas en vertu de la Loi sur les Indiens à l'heure actuelle et ce sera toujours le cas en vertu de ce présent projet de loi.

À l'article 26, on reprend ce qui existe déjà dans l'article 90 de la Loi sur les Indiens. Tout bien meuble donné à une Première nation ou acheté par le gouvernement du Canada avec l'argent d'une Première nation est réputé toujours situé sur les terres de cette Première nation. C'est la situation actuelle en vertu de la Loi sur les Indiens. En d'autres termes, si le gouvernement du Canada achète un véhicule pour une Première nation et le lui donne, puisque le véhicule est réputé toujours situé sur des terres réservées aux Indiens, il ne peut être saisi par des non-Indiens ou d'autres Premières nations et ce sera toujours le cas.

L'article 27, encore une fois, prolonge le statu quo qui existe en vertu de la Loi sur les Indiens. Il reprend le paragraphe 90(2) de la Loi sur les Indiens. Les droits qui existent en vertu de la Loi sur les Indiens se retrouvent dans le présent projet de loi et c'est là l'intention de cette partie du projet de loi.

L'article 28 permet à une communauté d'effectuer une scission ou une fusion. En vertu du présent projet de loi, une communauté ne peut fusionner qu'avec une autre communauté visée par ce projet de loi et une Première nation visée par le projet de loi peut effectuer une scission. Pour ce faire, elle doit avoir l'approbation des électeurs. Quatre-vingt pour cent des électeurs ayant droit de vote doivent approuver la chose. C'est un seuil très élevé. On ne croit pas que les Premières nations entreprendraient une scission ou une fusion à la légère. C'est quelque chose de très sérieux.

À l'article 29, il est question de la Confédération. On permet aux Premières nations de constituer une confédération où elles délégueraient une partie de leurs pouvoirs à une autre entité. Cela pourrait se faire si deux Premières nations voulaient coopérer et travailler ensemble à certains projets. Elles pourraient, par exemple, accorder certains pouvoirs à un gouvernement régional. Ce n'est pas quelque chose de nouveau. Les Sechelts ont déjà un tel système au niveau d'un gouvernement régional.

Le président: Le gouvernement régional ne signifie pas qu'on n'a plus besoin d'une autorité locale, n'est-ce pas?

M. McKinney: Cela enlève certains pouvoirs au gouvernement local pour les remettre entre les mains d'un gouvernement régional. Puisqu'il s'agit là d'un abandon de pouvoirs, cela doit se trouver dans la Constitution. Si cela se trouve dans la Constitution, il faudrait alors un amendement constitutionnel. Les Premières nations ne peuvent pas tout simplement décider d'accorder au gouvernement régional du petit lac des Esclaves le pouvoir d'adopter des lois au niveau de la police ou quelque chose du genre. Il devrait y avoir un amendement constitutionnel pour accorder ce pouvoir. L'amendement constitutionnel peut n'être valable que pour une période de temps limitée.

Mme Twinn: C'est une question importante et j'aimerais ajouter un mot. Lorsque la Indian Organization Act a été adoptée aux États-Unis, on a centralisé le gouvernement pour beaucoup de communautés, même si elles avaient peut-être des liens linguistiques ou territoriaux entre elles, étaient, en réalité, distinctes et autonomes. Aujourd'hui, il y a énormément de conflits internes. Par exemple, une bande de l'Arizona avait un problème avec le gouvernement central qui a vendu ses droits relatifs à l'eau sans leur approbation. Cela a été fait au grand désespoir de toute la communauté, des espoirs culturels autant qu'économiques, parce qu'il s'agit de fermiers qui dépendent de cette eau.

Le présent article empêche ce genre de chose. C'est un peu comme un yo-yo, à mes yeux. Les gens de la communauté ont le pouvoir. S'ils prêtent leur pouvoir, ils peuvent le faire conditionnellement. Ils peuvent reprendre en main ce pouvoir. On doit rendre des comptes aux gens. C'est très important si on veut que les gens ressentent le confort, la sécurité, la confiance, et si on veut qu'ils puissent s'accommoder de divers changements.

M. McKinney: À l'article 30, on retrouve la disposition interprétative. Il s'agit de principes qui sont tous très importants.

La présente loi n'a pas pour effet de porter atteinte aux droits existants, généraux, ancestraux ou issus de traités, de la Première nation, de ses citoyens ou d'autres peuples autochtones du Canada. Nous n'essayons pas d'abroger tout droit protégé par la Constitution ou quelque autre droit.

Rien dans cette loi ne porte atteinte aux revendications existantes ou futures des Premières nations. Nous ne demandons à aucune Première nation d'abandonner une revendication territoriale ou toute autre revendication qu'elle pourrait avoir. Il s'agit d'une transition pour passer de la Loi sur les Indiens à l'autonomie gouvernementale.

Cette loi lie Sa Majesté du chef du Canada ou d'une province. Si cela n'était pas précisé, la Couronne pourrait prétendre qu'elle n'est pas liée par la loi, et on pourrait invoquer la nécessité de reconnaître l'honneur de la Couronne.

Le paragraphe 4 est la prolongation du statu quo pour ce qui est de l'article 67 de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Dans cet article, il est précisé que rien dans la Loi canadienne sur les droits de la personne ne modifie quelque disposition que ce soit de la Loi sur les Indiens ou les actes accomplis sous le régime de cette loi. On maintient le statu quo.

L'article 31 porte sur la responsabilité des particuliers. Essentiellement, il stipule que les membres de l'organe exécutif, autrement dit, les conseillers, les chefs ou les présidents, peu importe leur titre, ne seront pas responsables des dettes, obligations ou autres engagements de la Première nation à moins d'avoir sciemment fait fi de la Constitution. Si l'organe exécutif d'une Première nation enfreint sciemment cette loi ou la Constitution, il pourrait être responsable des conséquences. C'est un autre frein sur l'organe exécutif d'une Première nation. L'organe exécutif doit respecter sa Constitution et cette loi.

De la même façon, les citoyens d'une Première nation ne sont pas responsables des dettes et des obligations de celle-ci. Il existe une disposition équivalente pour les municipalités, ainsi que les gouvernements fédéral et provinciaux. En tant que citoyen d'une province ou d'un pays, ou en tant que résident d'une communauté, nous ne sommes pas responsables des dettes et des obligations de la communauté en question.

L'article 32 porte sur les principes de base de la Loi sur les Indiens. La Loi sur les Indiens ne s'appliquera pas aux Premières nations qui seront assujettis à cette loi. Toutefois, il y aura quelques exceptions. Essentiellement, le but de ces exceptions est de faciliter la transition pour que les règles et les lois actuelles continuent à s'appliquer jusqu'à ce qu'elles soient remplacées. Toutefois, ce n'est pas le cas pour le statut d'Indien inscrit. Ces exceptions s'appliquent aux règlements sur les élections, aux règlements sur les référendums et sur le mode de procédure au Conseil de bande. La Première nation pourrait adopter ses propres lois dans ces domaines. Les dispositions sur l'éducation continueront à s'appliquer, tout comme les dispositions sur les successions et les biens des adultes à charge et des enfants mineurs. Les dispositions relatives à l'impôt sur le revenu continueront à s'appliquer. C'est déjà prévu dans la loi, mais pour dissiper tout doute, c'est également inclue dans cet article.

Le dernier paragraphe porte sur l'inscription des citoyens en qualité d'Indien. Essentiellement, ce projet de loi ne veut pas modifier le régime actuel pour l'inscription en qualité d'Indien. Le statu quo en vertu de la Loi sur les Indiens est maintenu. Nous avons inclus les articles 5 à 7 de la loi sur les Indiens, et ils continueront à s'appliquer. Il n'y aura aucun changement à l'inscription en qualité d'Indien. Nous ne créons aucun nouveau Indien, et nous ne retirons le statut d'Indien inscrit à personne. C'est le statu quo.

L'article 33 est ce que l'on appelle une clause de la nation la plus favorisée. Si une Première nation décide de se soumettre à cette loi et si par la suite le gouvernement négocie ou adopte de nouvelles lois donnant des pouvoirs supplémentaires aux Premières nations, la Première nation pourra adopter sa propre loi pour inclure ces dispositions. Elle ne peut pas les modifier, mais elle peut les adopter dans sa propre loi. Je crois qu'un précédent existe déjà dans les ententes d'autonomie gouvernementale du Yukon.

L'article 34 porte sur l'application des lois d'application générale. D'après la règle principale, qui se trouve au paragraphe 34(1), les lois d'application générale du Parlement canadien s'appliquent à la Première nation, à ces citoyens et à ces terres. Bien sûr, cette disposition est subordonnée aux ententes sur les revendications territoriales et les traités. Cette disposition est prévue dans la Constitution, et nous ne pouvons pas déroger à la Constitution.

Le paragraphe 34(2) est une exception qui dit que dans certaines circonstances, une Première nation peut adopter une loi qui aurait préséance. C'est une disposition assez restreinte. Tout d'abord, la loi de la Première nation doit être conforme à ce projet de loi, et par conséquent, elle ne peut pas déroger aux dispositions de ce projet de loi. La loi doit également être conforme à sa propre Constitution, et elle doit porter sur un domaine de compétence énumérée à l'article 91 ou à l'article 92 de la Constitution. Autrement dit, nous ne tentons aucunement de permettre à une Première nation d'adopter un pouvoir qui n'est pas énuméré. Certains prétendent qu'il existe des compétences non attribuées qui ne sont pas énumérées aux articles 91 et 92 de la Constitution. S'il s'agit d'une préoccupation nationale, d'une loi temporaire, d'une loi extraordinaire ou d'une loi destinée à faire face à une situation d'urgence, ou s'il s'agit d'une question qui aurait préséance sur une loi provinciale, la loi de la Première nation n'aura pas préséance. Autrement dit, cette disposition est limitée à des lois de nature locale. Nous n'essayons pas de déroger à des lois qui portent sur des questions nationales comme le Code criminel ou la Loi sur la défense nationale. Il existe de nombreuses lois qui sont de portée nationale et qui continueront à s'appliquer.

Le paragraphe 34(4) porte sur la même question, mais par rapport aux lois provinciales. Essentiellement, en vertu de ce paragraphe, la situation qui prévaut actuellement sous le régime de la Loi sur les Indiens continuera. Les règlements administratifs adoptés par une bande en vertu de la Loi sur les Indiens auront préséance sur les lois provinciales. Autrement, les lois provinciales s'appliqueront. Cette même situation existe ici.

L'article 35 stipule que les règlements administratifs existants d'une bande seront réputés être des lois de la Première nation une fois cette loi adoptée. Autrement dit, le cadre juridique actuel restera en place jusqu'à ce qu'il soit remplacé ou modifié.

Quant à l'article 36, il précise que la Loi sur le pétrole et le gaz des terres indiennes continuera à s'appliquer à moins que la Première nation ne légifère pour que cette loi ne s'applique plus.

De la même façon, l'article 37 stipule que la Loi sur l'arpentage des terres du Canada et ses règlements continueront à s'appliquer à la Première nation à moins qu'elle n'adopte une loi disant le contraire. On n'envisage pas la possibilité qu'une Première nation désire créer son propre système d'arpentage, mais elle pourrait vouloir suivre des normes provinciales à la place des normes fédérales. Il est souvent difficile de trouver un arpenteur fédéral, mais les arpenteurs provinciaux sont monnaie courante, car ils font la majorité de l'arpentage dans les provinces que nous connaissons.

L'article 38 porte sur l'environnement. Il permettra à une Première nation d'adopter des lois sur l'environnement dans son territoire. Ces lois doivent être aussi strictes que les lois de la province ou des lois du gouvernement fédéral, laquelle est la moins stricte. La majorité des Premières nations imposeraient probablement des exigences plus sévères, nous ne considérons donc pas cette disposition comme un inconvénient.

L'article 39 est semblable au paragraphe 4(2) de la Loi sur les Indiens. Cet article permettra au gouverneur en conseil de déclarer que certains articles de ce projet de loi, qui sont énumérés dans cet article, ne s'appliqueront pas à une Première nation. Il permet certaines modifications. L'article qui restreint les sanctions pour certaines infractions en est un exemple. À l'heure actuelle, si une personne enfreint une loi fédérale sur l'environnement, elle se voit imposer des amendes très considérables. Si elle enfreint une loi d'une Première nation, l'amende ne peut pas dépasser les amendes imposées en vertu du Code criminel sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire. Ces amendes sont négligeables. Cette disposition permettrait au gouverneur en conseil d'exempter une Première nation de cette limitation pour une loi en particulier si un problème se pose. Essentiellement, elle permet d'ajuster la loi sans faire adopter tout un projet de loi nouveau, mais c'est une disposition assez mineure vu qu'elle est limitée à très peu d'articles de ce projet de loi.

L'article 40 porte sur les membres d'une bande. Le statu quo est maintenu relativement à l'article 10 de la Loi sur les Indiens. Si une bande prend le contrôle de ses listes de membres, elle ne peut pas priver quelqu'un de son droit d'appartenir à la bande en raison d'une situation qui existait ou des mesures qui ont été prises avant que la bande ne prenne le contrôle. C'est encore exactement la même chose ici. Cette disposition est tirée de la Loi sur les Indiens. Le but de cette disposition est de maintenir le statu quo et de ne pas apporter aucune modification aux règles actuelles sur les membres.

Le sénateur Tkachuk: Je crois que c'est tout, monsieur le président, nous sommes donc prêts à répondre aux questions.

Le sénateur Adams: Comme vous le savez, presque tous les magasins du Nord étaient des magasins de la baie d'Hudson. Maintenant nous avons beaucoup de magasins, dont certains appartiennent entièrement à des autochtones, tandis que d'autres appartiennent à des gens de l'extérieur. La situation a changé depuis que les nouveaux magasins ont vu le jour. Certaines personnes qui font des demandes d'emploi à ces magasins veulent la garantie qu'ils seront actionnaires du magasin en question. Selon vous, tout commerce qui fera affaire sur des terres d'une Première nation devra être détenu à 100 p. 100 par des autochtones. À l'heure actuelle, quelle est la situation dans ces six ou sept collectivités?

M. McKinney: La majorité de ces Premières nations ont des magasins sur leurs terres ainsi que d'autres commerces. Il y a toute une gamme d'arrangements à l'égard des commerces sur ces terres de Premières nations, et le but de ce projet de loi n'est pas de s'appliquer uniquement à ces sept Premières nations. Par le passé, toutes les initiatives d'autonomie gouvernementale étaient modestes. Elles portaient sur une seule bande ou sur un seul groupe de bandes. À l'époque, on s'est dit qu'il était inutile de soumettre les Premières nations à un processus long et coûteux si l'on pouvait obtenir le même résultat en tenant compte de leurs besoins. Nous espérions créer un train de mesures qui serait utile pour toute Première nation qui voulait l'adopter. S'il ne fonctionne pas pour une Première nation en particulier, elle peut négocier sa propre entente sur l'autonomie gouvernementale. Nous ne voulons pas exclure cette possibilité.

Il y a évidemment des entreprises qui sont détenues en propriété exclusive par les Premières nations ou par des membres des bandes et il y a des coentreprises. À l'heure actuelle, si un non-Autochtone participe à une des ces coentreprises, celle-ci n'est pas exonérée d'impôts. Il n'y a pas d'exonération d'impôts ni d'avantages, et ce n'est pas ce qui est visé par ce projet de loi.

Mme Twinn: L'outil administratif sert à stimuler l'activité économique et la création de partenariats. Permettez-moi de vous donner un exemple. Une femme a breveté une technique pour tricoter la fourrure et elle l'a enseignée à certaines femmes d'une collectivité du Grand Nord. Disons que j'ai des peaux, mais que je ne connais pas la technique et que ces femmes la connaissent. Nous pouvons nous associer -- elles se trouvent dans la réserve et moi aussi -- et nous pouvons travailler ensemble. C'est ce qui se passe à l'heure actuelle. Une femme Haida de Vancouver fait des manteaux qui coûtent très cher. Elle envoie les manteaux à une Crie en Saskatchewan qui ajoute une finition en broderie perlée. Si je travaille seule, je n'ai aucun pouvoir. Si nous nous regroupons et mettons nos ressources en commun, nous pourrons peut-être créer quelque chose. C'est l'objectif ici.

Le sénateur Adams: Au Nunavut, par le passé les sociétés qui travaillaient dans le secteur minier, le secteur du pétrole et le secteur de l'exploration devaient obtenir des permis d'Ottawa. Maintenant, elles doivent négocier avec les gens au sein des collectivités. Si vous contrôler quelque chose à 100 p. 100, qu'est-ce qui se passe si vous n'avez pas assez d'argent pour faire tout ce que vous voulez dans la collectivité? Une fois que vous contrôler tout, avez-vous assez d'argent pour aider ces gens? Au Nunavut, même une fois que nous aurons réglé nos revendications territoriales, nous nous attendons à ce que des sociétés viennent s'installer dans notre région. J'ai peur que si le projet de loi S-14 est adopté, il créera un obstacle et personne ne pourra s'y installer.

M. McKinney: Ce projet de loi ne modifie pas vraiment le statu quo quant au contrôle, à part d'éliminer le recours au ministre comme deuxième mesure de contrôle. Actuellement, si une Première nation veut émettre un permis pour l'exploitation forestière dans sa réserve, elle peut le faire, mais la demande doit ensuite être approuvée par le ministre. Cette disposition élimine le besoin de correspondre avec le bureau régional du ministère des Affaires indiennes pour obtenir son aval pour des activités quotidiennes. En pratique, le ministère se fie à la Première nation, sauf en cas de litige ou de problème. Sous ce régime, en cas de litige, il y aurait un recours normal, tout comme le recours qui existe hors réserve. Si une personne dépose une demande de permis qui est rejetée, elle pourrait en appeler de la décision. Cette situation existe.

Mme Twinn: On a préparé une vidéo pour rendre hommage à Walter Twinn lorsqu'il a été nommé au Sénat. Cette vidéo comprend beaucoup d'entrevues portant sur les obstacles au développement économique. Lorsque Walter est devenu jeune chef, il a été entouré de pauvreté. Il avait une vision et il voyait les occasions. Elles ne se trouvaient pas dans les réserves, d'où la création d'entreprises.

En même temps, le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien a déclaré que les Indiens ne pouvaient pas quitter les réserves pour développer leur économie. Le premier hôtel à Slave Lake, qui existe toujours, assure un emploi à bien des gens, autochtones et non-autochtones. La bande indienne de Sawridge est le contribuable le plus important de Slave Lake. Walter a eu énormément de mal à contourner cette politique. Ce cas est allé jusqu'au ministre, qui était à l'époque Jean Chrétien. En fin de compte, il a passé outre ses bureaucrates et a accordé son autorisation, mais sa décision comprenait des milliers de conditions.

Dans la vidéo, un comptable parle de la véritable farce qu'ont causée les bureaucrates lorsqu'ils ont dit que seul le comptable pouvait signer les chèques. Évidemment, le comptable se tournait toujours vers Walter pour lui demander s'il devrait signer les chèques. Les bureaucrates ne faisaient pas confiance à Walter en tant que chef indien. Walter voulait que le travail soit fait, donc il faisait ce qui était nécessaire.

Vous avez demandé comment nous créons une économie locale. Il faut respecter les connaissances, l'intelligence et le savoir-faire de la région. Il faut nous accorder ce climat de liberté, de confiance et de respect, et nous permettre d'aller de l'avant. C'est possible.

Le président: Comme nous devons quitter cette salle bientôt, je demanderais à nos témoins s'ils peuvent revenir demain à l'ajournement du Sénat, disons un peu après 15 heures. Il nous reste beaucoup de questions à poser.

Mme Twinn: Personnellement, j'aurai du mal à revenir demain.

Le sénateur Tkachuk: Nous avons tous modifié nos horaires. Certaines choses sont plus urgentes que d'autres.

Le sénateur St. Germain: Monsieur le président, ce projet de loi est assez complexe et il y a beaucoup de questions à poser. Si nous avons l'intention de faire venir des gens de partout au pays à grands frais, il nous faut un plan stratégique pour nous aider à répartir notre temps afin de terminer notre étude convenablement. Je suis très déçu que nous n'avions que deux heures pour étudier ce projet de loi ce matin.

Le président: Je vais essayer de trouver un moyen d'obtenir plus de temps.

Le sénateur St. Germain: Avec tout le respect que je vous dois, il faudrait prévoir d'avance et non pas à cette étape-ci.

Monsieur le président, je vous encourage fortement à mettre sur papier vos idées quant au temps qu'il nous faut. S'il faut faire revenir ces personnes, il faudrait nous assurer que nous aurons assez de temps pour leur poser toutes nos questions, au lieu de leur demander de revenir un autre jour.

Le président: Vous pourriez peut-être nous faire des suggestions concrètes.

Le sénateur St. Germain: Je vais le faire. Donnons-leur un horaire et demandons ensuite combien de temps il leur faut. Il faudrait demander aux sénateurs combien de temps il leur faut pour traiter de ce projet de loi. Lorsque nous convoquerons ces témoins de nouveau, il faudrait prévoir quatre, six ou huit heures pour entendre leurs témoignages correctement. C'est tout ce que je dis. Je ne me plains pas. Je veux tout simplement respecter le fait que ces gens viennent de partout au pays, et ils le font à leurs frais, je crois.

Mme Twinn: Je vous encouragerais à entendre des représentants du ministère des Affaires indiennes. Je sais qu'ils exercent énormément de pressions et qu'ils sont contre ce projet de loi. Peut-être qu'à la fin de ce processus, nous pourrions revenir pour parler du projet de loi. D'ici là, vous verrez que vos préoccupations, vos craintes et vos questions s'inscriront dans différentes catégories.

Le sénateur Chalifoux a fait référence à un sujet qui, en soi, est très vaste. Socrate a dit que rien n'est plus dangereux que l'ignorance au travail. Une fois que vous aurez convoqué le ministère, vous pourriez organiser vos questions. Je serais prête à préparer une bibliographie qui porterait, par exemple, sur les normes d'égalité et les droits des Indiens en guise de contexte, ainsi que de la documentation.

Je serais ravie si l'on pouvait tenir un véritable échange ici au lieu de se lancer des pointes. Comme le Sénat n'est pas élu, je crois qu'il est important que cela se passe.

Le sénateur Johnson: Je suis d'accord. Nous devrions mettre l'accent sur tout nouvel aspect qui en découle, au lieu de rédiger de nouveau les témoignages que nous avons déjà entendus. Nous saurons d'ici là combien de temps il nous faudra. Ainsi, personne ne se retrouvera dans cette position. Les fonctionnaires du ministère comparaîtront, et ensuite vous pourriez revenir afin de nous aider et, espérons-le, nous pourrons terminer notre étude.

Le président: Madame Twinn, l'une des raisons pour lesquelles nous avons décidé d'organiser une table ronde sur l'exercice des pouvoirs, c'est que nous manquons souvent de temps lors des audiences publiques. Nous vous inviterions à participer aussi à cette table ronde.

Il faudrait que vous passiez par l'Assemblée des Premières nations, parce que je sais que vous êtes membre de cette organisation.

Le sénateur Tkachuk: Cette étude est-elle reliée à ce projet de loi?

Le président: Elle est reliée à l'étude que nous entreprenons.

Le sénateur Johnson: Nous pouvons fournir les renseignements aux témoins. S'ils le veulent, ils peuvent participer.

La séance est levée.


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