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Délibérations du comité sénatorial permanent
des finances nationales

Fascicule 7 - Témoignages


OTTAWA, le mercredi 12 avril 2000

Le comité sénatorial permanent des finances nationales, qui a été saisi du projet de loi S-13, Loi visant à favoriser la prévention de conduites répréhensibles dans la fonction publique en établissant un cadre pour l'éducation en ce qui a trait aux pratiques conformes à l'éthique en milieu de travail, le traitement des allégations de conduites répréhensibles et la protection des dénonciateurs, se réunit aujourd'hui à 17 h 50 pour étudier le projet de loi.

Le sénateur Anne C. Cools (vice-présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La vice-présidente: Honorables sénateurs, notre président, le sénateur Murray, m'a demandé d'occuper le fauteuil. Nous devons examiner le projet de loi C-13, du sénateur Kinsella. Nos premiers témoins aujourd'hui sont M. Steve Hindle et Mme Sally Diehl.

Je vous laisse la parole.

M. Steve Hindle, président, Institut professionnel de la fonction publique du Canada: Honorables sénateurs, j'espère que vous serez heureux d'apprendre que nous sommes ici pour appuyer le projet de loi S-13. L'Institut a apprécié l'occasion qui lui est donnée de comparaître devant le comité pour dire son soutien à la Loi sur la dénonciation. Nous croyons que le gouvernement a trop tardé à se doter d'une loi visant à protéger les dénonciateurs. Le projet de loi S-13 permettrait aux employés d'exprimer leurs préoccupations sans crainte de représailles.

Bien que nous voulions, dans notre présentation, faire des recommandations en vue de renforcer le projet de loi, nous nous réjouissons que sa promulgation soit sérieusement envisagée.

Vous trouverez à la page 3 de notre mémoire la liste exhaustive de nos recommandations. Je compte néanmoins les énoncer une à une au cours de mon exposé.

Ces dernières années, l'institut s'est fait le porte-parole de ses membres qui ont publiquement dénoncé des conduites répréhensibles en milieu de travail. Notre organisme a le mandat et l'obligation d'être le porte-parole de ses membres, d'exercer des pressions et de négocier de meilleures conditions d'emploi pour ses membres, ainsi que de travailler en leur nom en tant que fonctionnaires engagés à servir l'intérêt public et à défendre le bien-être collectif. Ces activités ne peuvent toutefois se substituer aux fonctionnaires dotés d'une expérience pratique quotidienne dont l'appui ouvertement exprimé donne crédibilité et force aux informations qui sont divulguées.

Sans une loi qui peut les protéger, ces personnes ne peuvent parler et, surtout, elles ne voudront pas non plus le faire. La crainte de parler est encore plus grande chez les employés qui ont vu leurs collègues subir des représailles pour avoir fait des dénonciations dans l'intérêt public.

Les pages 5 à 7 de notre document comportent une description de certaines situations qu'ont vécu des membres de l'institut au cours de ces dernières années.

Les dénonciateurs sont parfois vus comme des héros, d'autant plus lorsqu'ils révèlent de sérieux dangers pour la santé et la sécurité du public. D'autres fois, ils sont plutôt considérés comme des employés sans aucune loyauté, ou ils sont vilipendés au même titre que des traîtres. Dans une relation d'emploi, les dénonciateurs qui ne peuvent compter sur la protection de la loi ou d'une convention collective n'ont aucun recours s'ils font l'objet de mesures disciplinaires après avoir critiqué leur employeur ou avoir divulgué des informations auxquelles le public n'a normalement pas accès.

À l'heure actuelle, les fonctionnaires fédéraux ne peuvent s'en remettre à aucun mécanisme de divulgation confidentiel. Devant les employés qui contestent des mesures disciplinaires imposées après avoir fait certaines allégations, l'arbitre doit tenir compte, dans chaque cas, des conséquences sur l'employeur des gestes posés et de la discorde ainsi créée dans le milieu de travail. La protection qu'offrent la législation du travail et les conventions collectives des fonctionnaires est loin d'être suffisante. Il nous faut donc une loi à cette fin.

Au cours des dernières années, en Europe, dans les pays du Commonwealth et aux États-Unis, de plus en plus, l'accent est mis sur l'éthique au sein du gouvernement. Dans notre environnement en évolution, où le public cherche à être mieux renseigné et exige plus avec des ressources s'amenuisant, les gouvernements cherchent de nouvelles manières de s'acquitter de leurs obligations, en faisant notamment un transfert des pouvoirs discrétionnaires de la direction, en adoptant une optique de commercialisation dans la prestation des services publics et en modifiant les procédures de reddition des comptes, pour n'en nommer que quelques-unes.

Pour contrer les effets potentiellement négatifs de ces changements sur l'éthique et les modèles de comportement, bon nombre de pays ont choisi d'entreprendre toute une gamme d'initiatives, dont la redéfinition des valeurs et des codes de conduite. L'adoption ou le renforcement de lois visant à protéger les dénonciateurs devient alors l'une des stratégies de la gestion de l'éthique. Le fait d'accorder protection aux dénonciateurs et de mettre en place des structures qui inciteront les employés à dénoncer les abus est maintenant perçu comme quelque chose de bénéfique, en ce sens que ces mesures favorisent l'intégrité et la bonne conduite de tout le monde et constituent un mécanisme de responsabilisation.

De nos jours, les employés inquiets n'ont de choix, s'ils veulent divulguer de l'information, même publiquement, que de se fier aux dispositions de la common law sur la «défense du dénonciateur». Le projet de loi S-13 mettrait en place des mécanismes et des mesures de protection qui leur permettraient de se prévaloir de ces dispositions. Bien que l'institut ne fait pas une croix sur d'autres méthodes de signalement des conduites répréhensibles, notamment le recours aux médias, il appuie fermement une protection juridique assurant la confidentialité des dénonciateurs et l'adoption de mesures appropriées. Le projet de loi S-13 contient bon nombre des exigences et mesures de protection qu'une loi se doit d'avoir pour être efficace.

Les éléments essentiels de la définition et de l'application d'une bonne loi sur la dénonciation, particulièrement s'ils s'appliquent aux employés de la fonction publique, sont les suivants: la divulgation de l'information, au sein d'un organisme ou en public, doit se faire de bonne foi; elle doit émaner d'un ancien employé ou d'un employé toujours en fonction ou, dans certains cas, d'une personne qui pose sa candidature à un poste; les informations portent sur un acte répréhensible réel ou prétendu de l'employeur englobant l'un ou plusieurs des éléments suivants: mauvaise gestion, gaspillage des fonds publics, abus de pouvoir, risque pour la santé ou la sécurité du public, violation d'une ou de plusieurs lois, d'un règlement ou de politiques; le dénonciateur doit avoir une raison suffisante de croire que les allégations faites sont fondées; et les mesures législatives prévoient des dispositions précises qui interdisent les représailles contre l'individu pour s'être conformé à la loi. Le projet de loi S-13 adhère à toutes ces conditions.

L'institut recommande cependant certaines modifications à la loi proposée qui, à notre avis, contribueront à souligner l'importance de travailler pour un gouvernement soucieux de l'éthique et fourniront une protection suffisante à ceux qui deviendront, en fait, les chiens de garde du grand public.

En ce qui concerne l'application, le projet de loi définit le terme «fonctionnaire» comme s'entendant «au sens de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique». Cette loi définit le fonctionnaire comme une «personne employée dans la fonction publique et dont la nomination à celle-ci relève exclusivement de la Commission». À notre avis, c'est trop limité. Cela porte exclusivement sur les ministères et autres organismes du secteur public dont le Conseil du Trésor est l'employeur et qui sont énumérés à la partie I de l'annexe 1 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique et à la partie II de l'annexe 1 de la même loi, qui sont également régis par la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. Une grande partie des fonctionnaires fédéraux qui fournissent les services au grand public est donc exclue.

La tendance de plus en plus marquée en faveur de la création d'agences distinctes comme l'Agence canadienne d'inspection des aliments et l'Agence des douanes et du revenu du Canada a pour conséquence d'exclure bon nombre d'employés de la définition restreinte que donne le projet de loi S-13 à l'expression «fonction publique». Les employés qui, il y a quelques années à peine, auraient été protégés par cette loi, ne jouiront pas de la protection de la nouvelle loi. Par exemple, les mesures de diversification des modes de prestation des services qui ont donné lieu à la création de l'Agence canadienne d'inspection des aliments, l'Agence Parcs Canada, l'Agence des douanes et du revenu du Canada et NAV CANADA, ont privé plus de 50 000 ex-fonctionnaires fédéraux de la protection que leur offrait la Loi sur l'emploi dans la fonction publique.

Toute loi sur les dénonciateurs doit partir de la prémisse que ceux qu'elle vise à protéger agissent en bons citoyens. Ils agissent dans l'intérêt public parce que la conduite répréhensible dénoncée est nuisible à des tiers. Les pratiques dénoncées sont sous le contrôle de l'employeur.

Les dénonciateurs n'ont ni le pouvoir, ni l'autorité d'apporter des changements et doivent s'en remettre à quelqu'un d'autre ou à un organisme qui les ont. Une loi qui vise le secteur public doit encourager les employés à ne pas craindre de représailles, et les employeurs à ne pas trahir la confiance du public. Une loi qui s'applique aux fonctionnaires fédéraux dont le travail contribue au bien-être collectif se doit d'avoir une portée aussi vaste que possible.

Notre première recommandation est que le projet de loi s'applique aux organismes suivants: toute société constituée pour se charger de toute fonction ou obligation au nom du gouvernement du Canada et régie par le Code canadien du travail, ce qui engloberait NAV CANADA; les organismes de la fonction publique du Canada désignés à la partie I de l'annexe 1 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique; les organismes de la fonction publique du Canada désignés à la partie II de l'annexe 1 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique; et tout autre organisme du secteur public, y compris le Parlement, les Forces armées canadiennes et la Gendarmerie royale du Canada.

Conjointement à notre recommandation d'étendre la portée du projet de loi S-13, l'Institut recommande également qu'un agent indépendant soit mandaté pour faire enquête sur les allégations de conduite répréhensible au sein d'un bureau dont la compétence serait élargie. La fraction de la fonction publique sur laquelle la Commission de la fonction publique exerce des pouvoirs conférés par la loi diminue, alors que de plus en plus de fonctions sont confiées à des organismes distincts et à des sociétés d'État.

Notre deuxième recommandation est la suivante: l'Institut recommande qu'un protecteur de l'intérêt public soit nommé au sein du Bureau du vérificateur général du Canada afin qu'il puisse faire enquête sur de telles allégations. Nous ne croyons pas nécessaire de créer un organisme distinct. Le Bureau du vérificateur général effectue déjà, en toute indépendance, des missions de vérification et des examens qui fournissent information, assurance et avis objectifs au Parlement. Il encourage également l'adoption de pratiques redditionnelles dans l'administration publique. Il nous semble alors tout indiqué qu'un protecteur indépendant de l'intérêt public, qui aurait le pouvoir d'enquêter les cas de dénonciation, soit nommé au sein du Bureau du vérificateur général, lui-même investit de pouvoirs d'enquête.

La loi sur la dénonciation devrait viser deux objectifs fondamentaux: protéger le dénonciateur contre toute mesure de représailles, et voir à ce que la conduite répréhensible soit corrigée. Le projet de loi S-13, avec quelques modifications, répond au premier objectif. Il prévoit la mise en place d'un mécanisme de divulgation et confère à un agent spécial indépendant le pouvoir de préparer un rapport et, si des actes criminels ont été commis, d'en informer le procureur général du Canada.

Notre troisième recommandation est la suivante: le protecteur de l'intérêt public devrait jouir de vastes pouvoirs qui lui permettent d'ordonner à l'employeur de répondre à de sérieuses allégations de conduite répréhensible, voire même de corriger, si nécessaire, la situation et d'en faire rapport au public.

Si on décide de permettre à un ministère ou à une agence d'enquêter sur ces propres agissements, on devrait alors le contraindre de publier un rapport pour l'inciter à corriger la situation.

Règle générale, nous recommandons que les articles qui traitent des pouvoirs et des responsabilités du commissaire soient modifiés de manière à y substituer le mot «protecteur». Nous recommandons enfin de modifier le libellé de la loi à deux endroits précis. Le paragraphe 17(1), qui prévoit qu'un relevé des activités soit inclus dans le rapport annuel de la CFP, devrait disposer que ce relevé doit être inclus dans le rapport annuel du vérificateur général au Parlement. Le paragraphe 16(1), qui précise que le Conseil du Trésor peut être tenu de déposer devant le Parlement un rapport d'urgence si le commissaire le juge dans l'intérêt public, doit être élargi de manière à couvrir tous les employés qui seront régis par cette loi.

L'Institut professionnel est d'avis que des conditions bien précises doivent être réunies si l'on veut protéger adéquatement les personnes qui dénoncent une conduite répréhensible. Le projet de loi S-13 en définit de nombreuses. Nous incitons toutefois le comité à envisager d'autres éléments tout aussi importants.

Le paragraphe 19(2) définit comme suit toute mesure disciplinaire prise à l'encontre du dénonciateur:

[...] toute mesure négative concernant le fonctionnaire ou ses conditions de travail, notamment:

a) le harcèlement;

b) une sanction pécuniaire;

c) des mesures touchant l'ancienneté

d) la suspension ou le congédiement;

e) le refus du travail utile ou la rétrogradation;

f) le refus d'avantages sociaux;

g) toute autre mesure au désavantage du fonctionnaire.

Nous recommandons que des mesures supplémentaires susceptibles d'être prises soient clairement mentionnées: l'intimidation, y compris l'intimidation physique; les poursuites au civil; les mutations punitives; le refus de confier des tâches essentielles à l'avancement professionnel; l'attribution de tâches moins importantes et la surcharge de travail, ou toute menace en ce sens.

En ce qui a trait au lien de causalité qui existe entre la dénonciation et les représailles, la loi devrait présumer que toute mesure défavorable prise dans un délai précis suivant la dénonciation constitue en fait des représailles. Le paragraphe 19(3) tient compte d'une telle situation en disposant ce qui suit: quiconque impose à un fonctionnaire une mesure disciplinaire dans les deux ans suivant la présentation d'une dénonciation est réputé, sauf preuve contraire faite par prépondérance des probabilités, avoir imposé cette mesure disciplinaire au fonctionnaire. Le projet de loi S-13 prévoit également, au paragraphe 22(3), que le fonctionnaire peut se prévaloir de la présomption prévue au paragraphe 19(3) dans tout recours prévu par une règle de droit. L'institut félicite le rédacteur du projet de loi d'avoir reconnu la difficulté pour un employé de prouver que son employeur lui a imposé une punition en exerçant ses droits de direction, et compte tenu de tous les pouvoirs dont il dispose. Il faut toutefois se demander ce qu'est une preuve faite par prépondérance des probabilités.

Les recours en cas de victimisation -- c'est-à-dire, si des représailles sont prouvées -- devraient être décrits, notamment les dommages, les honoraires d'avocat et, dans le cas de dénonciateurs encore au service de l'employeur, la réintégration dans le poste avec arrérages de salaire ou encore l'annulation de la mesure punitive prise.

L'article 21 du projet de loi S-13 prévoit que quiconque contrevient au paragraphe 19(1) encourt une amende. Toutefois, l'Institut est d'avis que l'article 22, «Recours du fonctionnaire», ne définit pas clairement les droits du dénonciateur.

L'article 22 dispose que l'employé peut intenter tout recours prévu par une règle de droit, y compris les procédures de grief. Ce libellé ne décrit pas les recours possibles. Nous ne croyons pas non plus que la législation du travail permet à l'employé de se prévaloir des procédures de grief ni, plus important encore, de demander un examen par un tiers. Nous estimons que, en cas de dénonciation, les employés devraient avoir accès à toutes les mesures correctives dont disposent les arbitres aux termes de la loi habilitante.

L'institut recommande que la législation du travail soit modifiée de manière à y inclure la dénonciation avec présomption en tant que motif de grief, et l'accès aux mesures de redressement dont disposent les arbitres, ou encore qu'on modifie le projet de loi en ce sens.

Toute cette question nous fait craindre pour ceux qui sont déjà au pied du mur en raison des dénonciations qu'ils ont faites. Le paragraphe 22(4) précise que les griefs en instance à la date d'entrée en vigueur de la présente loi sont entendus et tranchés comme si la présente loi n'avait pas été adoptée. Nous sommes convaincus que les membres de l'Institut, encouragés par un milieu en évolution au sein d'un gouvernement soucieux d'adhérer à des fondements moraux et de paver la voie à des mécanismes de recours appropriés, ainsi que les conseillers ou le protecteur des employés qui estiment qu'eux-mêmes ou d'autres pourraient se trouver dans une situation de conflit d'intérêts ou faire face à des difficultés d'ordre déontologique et qui ont agi en conséquence, devraient pouvoir se prévaloir de la protection du projet de loi S-13.

Notre huitième recommandation est la suivante: l'Institut recommande que la négation prévue au paragraphe 22(4) soit supprimée.

Les employeurs doivent être tenus d'afficher, dans des endroits facilement accessibles, les droits des employés et la protection que leur accorde la loi lorsqu'ils dénoncent toute conduite répréhensible, ainsi que les procédures détaillées pour déposer des plaintes. Le projet de loi S-13 se définit en partie comme une «loi visant à favoriser la prévention de conduites répréhensibles dans la fonction publique en établissant un cadre pour l'éducation en ce qui a trait aux pratiques conformes à l'éthique en milieu de travail...» Le but visé est bien d'éduquer et de promouvoir le respect de pratiques conformes à l'éthique. L'institut est tout à fait d'accord avec cette prémisse et celle de l'article 8, qui préconise l'adoption de pratiques conformes à l'éthique par la diffusion d'information relative à la présente loi et à son objet.

L'Institut recommande donc que la loi prévoit l'affichage, dans des endroits facilement accessibles, des informations relatives à la loi et aux droits des employés. Les employeurs seraient ainsi au fait des obligations qui leur incombent et la loi en serait d'autant renforcée.

Le responsable ou l'organisme concerné auprès duquel une plainte a été déposée devrait faire des suivis ou des rapports périodiques auprès du plaignant. À cet égard, l'institut recommande que la personne ou l'organisme qui reçoit la plainte assure le suivi ou présente un rapport à intervalles réguliers au plaignant; ce rapport devrait préciser l'état de l'enquête, les conclusions, les mesures prises ou proposées, et les motifs de la décision si aucune mesure n'est prise.

Un des principaux soucis des employeurs, bien légitime d'ailleurs, et qui explique l'opposition que suscite la loi sur la protection des dénonciateurs, est la crainte d'être confronté à des employés mécontents ou malicieux qui utiliseront la loi sans vergogne. Il faut dire dans un premier temps que les employeurs ne sont pas à l'abri d'une telle éventualité. D'autant plus que les mesures disciplinaires prises par l'employeur sont habituellement maintenues par les conseils d'arbitrage et les tribunaux, toutes les fois que les allégations faites ne servent pas des «fins plus précises». Il est évident qu'on n'est pas davantage à l'abri des accusations sans preuves.

Le projet de loi S-13 doit tout de même voir à ce que, dans les limites de sa portée, les plaintes vexatoires, frivoles ou de mauvaise foi ne reçoivent aucune crédibilité. Les employeurs doivent s'assurer que les dénonciations faites dans le cadre de la loi sont fondées en confiant à une tierce partie le mandat d'évaluer les allégations et en refusant toute poursuite s'il n'y a aucun élément de preuve.

Dans ce contexte, l'institut recommande que le protecteur de l'intérêt public tienne confidentielle l'identité de celui qui fait une allégation -- donc ne le dévoile ni à l'employeur ni à qui que ce soit d'autre -- que cette plainte soit rejetée ou non pour cause de mauvaise foi. Si le dénonciateur respecte le processus de dénonciation prévu pour s'ouvrir au protecteur de l'intérêt public, nulle autre partie ne sera au fait de la nature de ces discussions jusqu'à ce que le protecteur de l'intérêt public ait rendu une décision enjoignant l'employeur de prendre les mesures qui s'imposent ou en faisant rapport au Parlement.

L'institut recommande que soit aboli le paragraphe 12(5), qui autorise le protecteur s'il conclut que la dénonciation a été faite en violation du paragraphe 9(4) ou qu'il n'a pas été fait de bonne foi, à aviser la personne qui en fait l'objet et le ministre responsable du fonctionnaire qui est en l'auteur.

L'institut recommande également que soit aboli le paragraphe 20(2), qui prive de la confidentialité tous ceux qui agissent en violation du paragraphe 9(4).

Pour terminer, sans compter les préoccupations qui sont les nôtres et les recommandations que nous vous présentons, l'institut professionnel accueille favorablement tout projet de loi, qui se veut une protection pour les dénonciateurs. Il vous demande avec instance d'adopter un projet de loi en ce sens.

Le sénateur Kinsella: C'est très utile. Nous essayons de bien faire les choses. Nous accueillons certes favorablement vos suggestions positives qui nous seront utiles dans le cadre de cet exercice. Pour nous aider à nous replacer dans le contexte, pourriez-vous nous dire à combien se chiffre approximativement le nombre de vos membres au sein de la fonction publique fédérale?

M. Hindle: Près de 30 000 devraient être protégés, selon nous, alors qu'environ 20 000 le seraient.

Le sénateur Kinsella: Combien de fonctionnaires sont membres de l'IPFPC à l'heure actuelle?

M. Hindle: Nous représentons 20 000 personnes.

Le sénateur Kinsella: Aux Douanes et dans d'autres secteurs, avez-vous d'autres membres?

M. Hindle: Dans d'autres secteurs de la fonction publique, nous en représentons quelque 10 000.

Le sénateur Kinsella: D'après votre expérience, avec les 20 000 employés qui seraient protégés par le projet de loi dans sa forme actuelle ou les 30 000 si la portée de la mesure législative était élargie, auriez-vous une idée du nombre de dénonciateurs possibles? De quelle envergure est le problème? Je suis convaincu que vous avez des données de référence en ce qui a trait à ceux qui se sont adressées à votre syndicat. Je n'ai pas besoin de données exactes. Je veux simplement que les sénateurs comprennent que nous parlons d'un véritable problème.

M. Hindle: Sur les 20 000 -- et je m'en tiendrai au libellé du projet de loi dans sa forme actuelle -- la probabilité de plaintes est très élevée. Cependant, peu de personnes s'adressent à l'institut. Nous recevons moins de 50 plaintes par année. La plupart de ces personnes se bornent à discuter de la question avec le ministère pour tenter de trouver une solution. Si jusqu'à 10 personnes par année faisaient une dénonciation, ce serait en fait pour nous une année très occupée. La tendance serait de moins de cinq. Il arrive qu'un problème incite plus d'une personne à être dénonciateur.

Le sénateur Kinsella: Dans les circonstances actuelles, vous avez des expériences concrètes avec les membres. Vous jouez un rôle de conciliateur et la plupart des cas se règlent.

M. Hindle: Nous avons pu le faire jusqu'à maintenant, mais il y a ces cas particuliers. Même s'il y en a peut-être peu, le tort fait aux personnes et l'atteinte portée à la réputation du gouvernement sont énormes.

Le sénateur Kinsella: J'estime qu'il est injuste et contraire à l'intérêt public de faire porter au fonctionnaire ce lourd fardeau et tous les problèmes qui pourraient s'ensuivre dans sa carrière. Cette situation ne fait l'affaire ni de la fonction publique ni de Canadiens et la personne ne rend pas service à l'unité au sein de laquelle elle travaille.

Je crois que vous avez raison en ce qui a trait aux secteurs auxquels la loi ne s'applique pas et je suis sûr que nous allons nous pencher là-dessus.

Qu'en est-il de la GRC? S'agit-il d'un cas particulier?

M. Hindle: Il s'agirait d'un cas particulier. La mesure législative ne s'y applique pas dans sa forme actuelle. Il vaudrait peut-être la peine d'envisager un examen distinct si le comité estime qu'il est prématuré de proposer d'inclure la GRC. Quant à nous ne voyons pas de problème à l'inclure. Je crois comprendre que le vérificateur général peut déjà vérifier ce qui se passe au sein de la GRC comme en témoigne cette semaine le rapport du vérificateur général déposé récemment au Parlement.

Le sénateur Kinsella: Et les Forces armées canadiennes?

M. Hindle: Il en va de même avec ce ministère. On y a bien mis sur pied un bureau de l'ombudsman, mais je ne suis pas sûr que l'on considère qu'il répond tout à fait aux besoins des Forces canadiennes.

La vice-présidente: Vous et le témoin soulevez des points très importants. Le projet de loi S-13, dans sa forme actuelle, ne protège que les employés au sens de Loi sur l'emploi dans la fonction publique. M. Hindle connaît peut-être la réponse à la prochaine question et éclairer un temps soit peu notre lanterne. Est-ce que les membres de la GRC et les militaires sont des employés au sens de ce projet de loi? C'est le problème que nous devons résoudre.

M. Hindle: Nous croyons que la mesure législative dans sa forme actuelle ne s'appliquerait pas à eux.

La vice-présidente: Je suis tout à fait certaine que ce serait le cas. Le comité devrait déterminer de quelle manière ces employés pourraient être protégés. Je propose que nous examinions la question.

Le sénateur Kinsella: Où vaudrait-il mieux nommer le commissaire de l'intérêt public? Nous avons pensé à la Commission de la fonction publique. Vous avez fait une excellente suggestion en proposant de le nommer au Bureau du vérificateur général. Pourquoi vous opposez-vous à ce que le commissaire de l'intérêt public soit nommé au sein de la Commission de la fonction publique?

M. Hindle: Nous craignons surtout que cela outrepasse de loin le mandat de la Commission de la fonction publique et les considérations qui ont mené à la création de la commission en 1918, si je ne m'abuse. On s'inquiétait alors du favoritisme à l'égard des nominations à la fonction publique. Nous estimons que le rôle de la commission se limite à celui de gardien du principe du mérite au sein de la fonction publique.

Nous entretenons déjà d'énormes craintes en ce qui a trait à l'élargissement du rôle de la commission dans des domaines autres que ce que nous croyons qu'il devrait être. Nous croyons qu'elle assume trop de responsabilités de gestion au sein de la fonction publique, de fonctions et de responsabilités qui appartiennent à plus juste titre au Conseil du Trésor à titre d'employeur. S'il en est, la commission devrait redevenir uniquement le gardien du principe du mérite et ne devrait pas assumer d'autres fonctions transgressant ce mandat et la protection du mérite.

Le sénateur Kinsella: L'institut croit que le mandat de la Commission de la fonction publique devrait se limiter au processus de dotation un point c'est tout.

M. Hindle: Oui. En fait comme le lien entre l'employeur et les employés a suffisamment évolué depuis 1918, nous sommes d'avis que la dotation doit maintenant être un sujet approprié de négociations. Cependant, reconnaissant que cela pose énormément de problèmes, nous estimons que le rôle de la commission se limite au principe du mérite et à son application au processus de la dotation.

Le sénateur Stratton: Dans toutes vos recommandations, qu'est-ce qui encourage, dans votre exposé, l'employeur à souscrire à ce projet de loi? En réalité, vous devez vendre convaincre l'employeur et les employés.

M. Hindle: L'aspect le plus encourageant de ce projet de loi c'est que l'employeur se verrait donner l'occasion et serait tenu d'essayer de résoudre une question à l'intérieur de la fonction publique, que ce soit par l'entremise la Commission de la fonction publique ou du procureur de l'intérêt public avant qu'un employé s'adresse aux médias. Le projet de loi garantirait à l'employeur que sa cause sera entendue équitablement tout comme l'employé obtiendrait l'assurance d'être écouté et de voir ses allégations prises au sérieux. Quant à savoir si elles finiraient par être rendues publiques, c'est une autre question. Ce projet de loi offre davantage la possibilité de résoudre les problèmes au sein de la fonction publique sans attirer l'attention des médias ou du public sur les dérapages. Il permet de discuter d'une question sans que les partis campent sur leur position, ce qui arrive tellement souvent dès qu'une question est étalée sur la place publique.

Le sénateur Stratton: Nous sommes au courant de cela.

Dans le projet de loi, pouvez-vous nous indiquer ce qui va procurer un sentiment de sécurité à l'employeur?

M. Hindle: Les dispositions sur les plaintes frivoles ou vexatoires devraient fournir une certaine assurance. C'est ce qui a tendance à poser le plus de problèmes aux employeurs. Ils n'ont aucune protection à ce sujet actuellement, sauf engager des poursuites contre l'auteur de la plainte. Le projet de loi prévoit que les plaintes doivent d'abord être assujetties à un mécanisme. J'espère que nous aurons l'assurance que le protecteur de l'intérêt public agit de façon indépendante du ministère qui fait l'objet d'une enquête ou d'un examen. On risque moins de divulguer des informations qui pourraient nuire au ministère si le protecteur de l'intérêt public peut affirmer qu'il a étudié la plainte dont il a été saisi et qu'il a jugé qu'elle n'était pas justifiée. En fait, le protecteur de l'intérêt public pourrait appuyer ce qu'ils font.

Le sénateur Stratton: La recommandation 11 m'inquiète parce que voulez que le paragraphe 12(5) soit supprimé. Je pensais que cette disposition était rassurante pour l'employeur.

M. Hindle: Vous avez peut-être raison, sénateur. Si c'est la seule recommandation que vous ne voulez pas mettre en oeuvre, je peux l'accepter.

Le sénateur Bolduc: J'aimerais revenir à la discussion que vous avez eue avec le sénateur Kinsella au sujet du rôle de la Commission de la fonction publique et du vérificateur général. Nous discutons plus ou moins de problèmes liés à l'éthique ou à un comportement contraire à l'éthique. J'aurais pensé que le commissaire de la fonction publique, qui n'est pas gestionnaire, mais qui agit de façon indépendante de la gestion, serait mieux placé dans ces situations. Par le passé, du moins, c'est le genre de situation que la Commission a examinée. Je sais que le vérificateur général peut parfois faire enquête sur des mauvaises pratiques de gestion. Cependant, nous parlons plutôt d'abus ou d'omissions. Personnellement, je me demande si votre proposition sur le protecteur de l'intérêt publique est bien judicieuse.

M. Hindle: Je respecte votre opinion, monsieur le sénateur, mais je ne suis pas d'accord avec vous pour dire que la Commission de la fonction publique est indépendante de la gestion. Depuis quelques années, le rôle ou les activités de plus en plus vastes qu'elle assume pourraient facilement être associées à la gestion. Il est aussi intéressant d'examiner où on recrute habituellement le président de la Commission de la fonction publique. Le candidat retenu est habituellement un haut fonctionnaire qui occupe un poste au niveau de sous-ministre. Je ne veux pas critiquer l'actuel président de la commission, mais c'est un ancien sous-ministre qui entretient de liens avec la gestion de la fonction publique, alors que le vérificateur général est nommé de façon beaucoup plus indépendante et n'est habituellement pas un ancien haut fonctionnaire.

Le sénateur Bolduc: Vous reconnaissez que le projet de loi propose un mécanisme permettant au débat de se dérouler à l'interne avant d'être rendu public.

M. Hindle: Certainement.

Le sénateur Bolduc: Nous voulons régler le problème. L'objectif n'est pas de le divulguer. On le divulgue s'il n'y a pas de solution, mais nous nous attendons à ce qu'il soit réglé, dans 95 p. 100 des cas, au sein de l'administration.

M. Hindle: Oui. Si on nous demandait de choisir entre le projet de loi tel qu'il est rédigé et l'absence de protection, je choisirais le projet de loi dans sa forme actuelle. Nous formulons des recommandations que nous espérons utiles, et certaines d'entre elles vont alimenter les discussions entre les membres de votre comité, mais je choisirais la commission qui est proposée dans le projet de loi plutôt que l'absence de mesure législative. Je serais prêt à m'efforcer d'en faire une solution valable. L'expérience nous montrera peut-être qu'il y a une meilleure façon de faire.

Le sénateur Bolduc: Je dirais que c'est l'étape préalable au processus quasi judiciaire. C'est ce dont il est question ici. La commission a un peu plus d'expérience dans ce domaine que le vérificateur général. Même si le vérificateur général fait du bon travail, à mon avis, ce n'est pas le même domaine.

M. Hindle: Notre réflexion a évolué au fil du temps. En 1994, nous avons présenté un mémoire au Parlement intitulé «Rompre le silence». Dans ce mémoire, nous recommandions qu'il y ait un ombudsman dans la fonction publique.

Ce qui est encourageant au sujet du projet de loi et de la discussion qui l'entoure, c'est que la nécessité d'une mesure législative est maintenant une chose acquise, et que nous en sommes à discuter de sa mise en oeuvre et du meilleur mécanisme à adopter. C'est très encourageant.

La vice-présidente: Monsieur Hindle, pourriez-vous fournir au comité de la documentation au sujet de ce dont vous parlez à la page 5 de votre mémoire? Vous y donnez des exemples précis de personnes qui ont été lésées exactement par ce dont nous parlons. Il serait utile d'obtenir des renseignements clairs, comme le nom des personnes, le ministère touché et les traitements subis par ces personnes. Ces informations peuvent renforcer notre étude. Je comprends que vous n'avez peut-être pas ces renseignements avec vous aujourd'hui, mais pourriez-vous veiller à nous les fournir?

M. Hindle: Sûrement. Je peux vous dire tout de suite qui sont ces deux personnes.

La vice-présidente: Vous pourriez peut-être indiquer, pour les fins du compte rendu, de quelle page de votre mémoire il s'agit pour que ce soit bien clair pour tous les membres du comité.

M. Hindle: À la page 5 de notre mémoire, il est question de deux membres de l'institut qui ont perdu leur emploi. Le premier qui était médecin à Santé Canada s'appelle Pierre Blais. Il a dénoncé publiquement les dangers liés aux implants mammaires. Il a finalement réintégré son poste.

Le deuxième, qui était agent du développement économique au ministère des Affaires indiennes et du Nord, s'appelle Robert Laboucane. Il a critiqué ouvertement la façon dont le ministère traite la tribu Stoney, en Alberta, et ce n'est qu'après une longue bataille juridique qu'il a été disculpé.

Tous les deux ont connu des moments très difficiles et cette épreuve a eu des répercussions graves sur leur vie professionnelle. Madame la présidente, si vous voulez avoir plus d'informations, nous pouvons vous en faire parvenir.

La vice-présidente: Ces informations seraient très utiles au comité. Il y a un autre cas cité à la page 6.

Mme Sally Diehl, agente de recherche, Institut professionnel de la fonction publique du Canada: L'institut a comparu devant le comité des pêches et des océans de la Chambre des communes, à qui il a présenté un mémoire dans lequel il faisait part de ses inquiétudes sur la façon dont les conseils scientifiques étaient traités et, à notre avis, assujettis à un bâillon. Je pourrais vous en faire parvenir un exemplaire. Vous constaterez que toutes les citations du mémoire sont anonymes parce que nos membres n'étaient pas prêts à se faire connaître. Une personne avait déjà exprimé son opinion sur d'autres sujets. Je pense que je peux vous donner son nom, mais je ne sais pas s'il aimerait que son nom soit rendu public.

La vice-présidente: Nous comprenons cela.

Mme Diehl: Je peux vérifier. S'il est d'accord, je vous donnerai son nom.

La vice-présidente: Y a-t-il d'autres personnes?

Mme Diehl: Actuellement, non. Personne n'a même voulu parler, sauf cette personne. À l'époque, les choses peuvent avoir changé parce qu'il avait des problèmes avec le ministère. En fait, son nom figurait dans un courriel distribué à beaucoup de gens qu'on priait de ne pas comparaître devant le comité sans en informer le ministère. On l'identifiait clairement dans ce courriel. Tout le monde savait qu'il avait des problèmes et que le ministère essayait de se débarrasser de lui. Cela a fait peur à tout le monde. Après cet incident, je ne suis même pas sûre qu'il voudrait que son nom soit divulgué.

La vice-présidente: Pas aujourd'hui, mais peut-être plus tard, quand notre étude sera plus avancée, nous pourrions entendre le témoignage de certaines de ces personnes. Nous pourrions offrir la possibilité de siéger à huis clos. Il serait utile pour notre étude d'examiner cette question d'un peu plus près.

Le sénateur Kinsella: C'est une excellente suggestion.

Nous pouvons peut-être revenir à ce que vous avez dit sur la Commission de la fonction publique et la façon dont son rôle et son mandat ont évolué selon vous. Vous dites que la CFP semble remplir des fonctions de gestion qui, si je vous ai bien compris, devraient être exercées par le Conseil du Trésor. Pourriez-vous nous apporter des précisions à ce sujet, nous donner quelques exemples?

M. Hindle: Il y en a deux qui me viennent tout de suite à l'esprit. Le premier a trait à la formation des cadres. La commission joue un rôle à cet égard et s'occupe aussi de certains aspects de l'équité en matière d'emploi au sein de la fonction publique. Nous aimerions pouvoir traiter avec un employeur au nom de nos membres. Malheureusement, la commission et le Conseil du Trésor se partagent certaines des fonctions normalement exercées par un employeur. Ce n'est pas nouveau parce que nous l'avons déjà dit publiquement, mais je peux vous remettre des observations que nous avons formulées dans des notes d'allocution qui traitent de la Commission de la fonction publique et de ce problème en particulier, si cela peut vous être utile.

La vice-présidente: Tout peut servir.

Le sénateur Bolduc: Je connais un peu les antécédents de la Commission de la fonction publique. Bien sûr, elle assume deux responsabilités depuis longtemps. Elle s'occupe de faire respecter le principe du mérite dans le cadre du processus de dotation. Mais elle assume aussi d'autres responsabilités de gestion pour la fonction publique, qui ne sont pas liées à la gestion quotidienne, mais qui consistent à assurer des bonnes relations de travail et à s'occuper de la formation. Elle agit également à titre de tribunal dans les cas de congédiement et de manquement à l'éthique.

Nous ne devons pas oublier -- et c'est important pour tout le monde -- que ce n'est pas une bonne chose que toute la fonction publique dépende du Conseil du Trésor. Je ne suis pas d'accord avec cela. J'ai beaucoup d'expérience dans ce domaine. Les cadres supérieurs, en particulier, ne doivent surtout pas relever du Conseil du Trésor. Il doit y avoir un certain équilibre entre le gouvernement et l'intérêt public. C'est le rôle de la Commission.

A-t-elle fait du bon travail? C'est à chacun d'en décider. Cependant, c'est un concept très important de la fonction publique. Ce n'est pas une entreprise privée. Le gouvernement du moment est l'employeur, mais il faut voir plus loin. Il faut avoir une perspective plus large. La Commission de la fonction publique a précisément été créée pour cela. Depuis 1855, en Angleterre, 1923 aux États-Unis et ensuite au Canada, vous constaterez que c'est une notion fondamentale. Elle reste valable, même si nous avons des relations avec les syndicats dans la fonction publique. Je suis d'accord avec cela. Nous vivons dans un monde moderne, et je l'accepte. Cependant, il est très important que les cadres supérieurs et une partie des cadres intermédiaires aient la possibilité de discuter de leurs problèmes à l'extérieur de l'administration publique.

M. Hindle: Je ne suis pas en désaccord avec vous, sénateur. Il est certain que la commission a une plus longue histoire que le Conseil du Trésor. Si la solution au problème consiste à confier toutes les fonctions de l'employeur à la Commission de la fonction publique, c'est quelque chose que nous pourrions envisager.

Le sénateur Bolduc: Non.

M. Hindle: Il est bien clair pour tous ceux qui s'occupent de relations de travail qu'il vaudrait mieux traiter avec une seule entité représentant l'employeur au nom du gouvernement, au nom du Parlement. C'est de plus en plus difficile de diviser les activités et de tenir compte des problèmes de chevauchement et des conflits qui existent entre la commission et le Conseil du Trésor.

Le sénateur Kinsella: Ce sera peut-être une des retombées indirectes de notre étude. Les relations entre le Conseil du Trésor et la Commission de la fonction publique, le rôle du commissaire de la fonction publique au XXIe siècle et ces questions d'éthique et de valeurs rejoignent, selon moi, le processus de dotation qui doit reposer sur un principe fondamental, celui du mérite. Pour moi, cela forme un tout.

En fait, si nous avions rédigé le projet de loi déposé au Sénat en prévoyant un poste de commissaire autonome, le projet de loi n'aurait peut-être pas été accepté parce qu'il aurait été considéré comme un projet de loi de finances. Voilà la situation. C'est pourquoi je pense que le régime mis en oeuvre au sein de la Commission de la fonction publique peut être très utile.

Si le gouvernement acceptait le projet de loi avec les modifications que nous allons y apporter avec l'aide que nous recevons de témoins comme vous, on pourrait proposer que le commissaire de l'intérêt public soit un haut fonctionnaire du Parlement. Que pensez-vous de cette suggestion?

M. Hindle: Cette idée nous plairait beaucoup.

Le sénateur Kinsella: Même plus que s'il relevait du vérificateur général?

M. Hindle: Oui.

Le sénateur Kinsella: Pour ce qui est du vérificateur général, c'est difficile avec le mandat actuel.

M. Hindle: Oui.

Le sénateur Kinsella: Cela nous aide.

La vice-présidente: Nous vous remercions tous les deux d'être venus témoigner devant nous aujourd'hui. Ce fut une rencontre très utile. Auriez-vous l'obligeance de demander à certaines des personnes dont nous avons parlé plus tôt si elles accepteraient de venir comparaître devant notre comité? Elles auront droit à toute la protection et toute la discrétion nécessaires. Tout au long de notre étude sur le projet de loi S-13, je suis certaine qu'on nous proposera encore de meilleurs moyens de donner suite à ces idées.

Honorables sénateurs, nous accueillons maintenant M. Walter Robinson.

M. Walter Robinson, directeur fédéral, Fédération des contribuables canadiens: En tant que directeur fédéral de la Fédération des contribuables canadiens, je suis très heureux de comparaître devant vous ce soir dans le cadre de votre étude sur le projet de loi S-13, affectueusement appelé Loi sur la dénonciation dans la fonction publique.

D'abord, la Fédération est un organisme de recherche et de défense des droits non partisan et sans but lucratif constitué sous le régime de la loi fédérale. En à peine dix ans, nous sommes devenus le groupe de défense des droits des contribuables le plus important au Canada et nous sommes fiers de regrouper 83 000 partisans dans tout le pays.

Ma déclaration sera brève pour que nous ayons le temps de discuter plus en détail de cette importante question d'intérêt public quand vous poserez vos questions que je suis impatient d'entendre.

Le projet de loi S-13 est pour nous une mesure législative attendue depuis très longtemps en vue de doter le Canada d'une structure gouvernementale plus ouverte, efficace, transparente et responsable. Cette mesure est devenue d'autant plus urgente au cours des derniers mois compte tenu du scandale survenu à DRHC, qui continue de prendre de l'ampleur chaque jour, des pratiques financières de la SEE ou encore des dernières observations rendues publiques hier par le vérificateur général du Canada. À cela s'ajoutent les problèmes qui ont cours à Pêches et Océans Canada, au Conseil du Trésor, à l'ancienne Commission de l'emploi et de l'immigration, qui fait maintenant partie de DRHC, ou encore aux Affaires indiennes et du Nord canadien, ainsi que tous les éléments de preuve qui figurent dans les décisions rendues par la Commission des relations de travail dans la fonction publique qui mettent en évidence un conflit entre l'intérêt public et les serments de discrétion et les serments d'allégeance à la Couronne. La nécessité d'une mesure législative sur la dénonciation n'est que trop évidente à tous ceux qui examinent la question.

Malheureusement, le Conseil du Trésor manifeste depuis des années une aversion tenace à l'égard de toute protection contre la dénonciation. Cela va à l'encontre des pratiques dans les autres démocraties postindustrielles, qu'elles soient de tradition parlementaire ou républicaine, ainsi que de faits patents qui existent ici même.

En toute objectivité, dans l'ensemble, les fonctionnaires s'acquittent de leurs obligations professionnelles à l'égard de la Couronne avec honnêteté. Effectivement, dans son rapport de 1995, le vérificateur général conclut qu'il y a une très grande intégrité au sein de la fonction publique. Cependant, dans ce même rapport, le vérificateur général fait remarquer ceci:

[...] il faudrait qu'il y ait d'autres manières possibles [...]

... pour l'employé ...

[...] de manifester ses préoccupations non seulement au sujet d'activités présumées illégales mais aussi à l'égard des manquements à l'éthique. Dans certains cas, il vaudra peut-être mieux aborder la question avec un superviseur. Cependant, il doit être possible de consulter quelqu'un d'autre -- un ombudsman indépendant ou un conseiller en éthique. Il est également important que la personne qui souhaite discuter d'un problème d'éthique ou le signaler puisse le faire sans crainte de représailles. Il y a plusieurs mécanismes à considérer, notamment des dispositions législatives du type «protection du dénonciateur» [...]

Même si divers actes obligent les fonctionnaires à signaler les cas de fraude ou les actes répréhensibles, le vérificateur général signale également ceci:

[...] Il arrive que les fonctionnaires ne se conforment pas à l'esprit de la politique du gouvernement sur les conflits d'intérêts parce qu'ils ne savent pas très bien ce que sont les conflits d'intérêts, parce qu'ils ont des réserves au sujet de l'administration de la politique et parce qu'ils craignent les conséquences qu'aurait le fait de signaler des conflits d'intérêts impliquant d'autres personnes.

Depuis la publication de ce rapport, le vérificateur général n'a pas fourni assez de nouvelles données pour indiquer que la situation a vraiment changé.

Maintenant, au sujet de ce qu'une mesure législative sur la dénonciation doit contenir, il est impérieux que les six principes directeurs qui suivent figurent dans toute loi visant à assurer une protection aux fonctionnaires qui veulent placer l'intérêt public au-dessus de leur allégeance à la Couronne.

D'abord et avant tout, le dénonciateur doit avoir un «motif raisonnable de croire» qu'il y a eu activité contraire à l'éthique ainsi que la preuve matérielle de l'existence d'une «grave erreur de gestion» par les superviseurs.

Deuxièmement, le dénonciateur doit pouvoir formuler sa plainte à un organisme d'enquête indépendant qui ne subit pas d'influence politique.

Troisièmement, la mesure législative doit accorder aux dénonciateurs une protection contre les mesures de représailles, comme la perte de son emploi, la discrimination liée à la mobilité de la main-d'oeuvre, à la récupération d'avantages ou au harcèlement en milieu de travail, et diverses autres mesures punitives que M. Hindle a déjà très bien expliquées.

Quatrièmement, la mesure législative doit prévoir une protection qui assure que l'enquête est effectuée conformément à un principe essentiel de notre système de justice pénale, à savoir que «tout accusé est présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable».

Cinquièmement, il faut prévoir prendre les sanctions ou les mesures disciplinaires voulues à l'égard des personnes qui utilisent la mesure législative simplement pour attaquer la politique du gouvernement ou dans l'intention de causer des préjudices à d'autres. Dans son exposé, l'AFPC a abordé cette question en parlant des dénonciations frivoles et vexatoires.

Enfin, il doit y avoir un mécanisme qui permette de rendre compte aux législateurs, et idéalement à un haut fonctionnaire du Parlement en particulier, des recommandations qui, le cas échéant, proposent de modifier des lois.

Diverses lois sur l'emploi obligent les fonctionnaires à signaler les erreurs de gestion ainsi que les cas de fraude ou d'abus. Effectivement, la Loi sur la gestion des finances publiques prévoit une amende ou une peine -- pouvant aller jusqu'à 5 000 $ -- pour ceux qui ont négligé de signaler les cas de fraude ou d'abus. Pourtant, on ne protège pas les personnes qui rendent ces cas publics.

À notre avis, le projet de loi S-13 représente une mesure très constructive en vue de protéger les dénonciateurs au Canada. Nous nous demandons vraiment si la Commission de la fonction publique pourra offrir cette protection ou s'il ne devrait pas être nécessaire de nommer un commissaire de l'intérêt public, un protecteur ou un gendarme qui agisse de façon indépendante, mais la première étape consiste à reconnaître la nécessité d'une loi à ce sujet. J'ai été très heureux d'entendre le sénateur Kinsella dire plus tôt, quand il a posé des questions à M. Hindle, que lui et ses collègues étaient conscients du rôle et des limites du Sénat en ce qui concerne la mise en oeuvre de mesures ayant trait aux projets de loi de finances.

Je suis aussi d'accord avec M. Hindle pour dire que l'application de la loi doit s'appliquer de façon plus générale à l'employeur. Nous vous encourageons à approuver le principe du gouvernement ouvert qui est consacré dans le projet de loi S-13.

Il est aussi important de mentionner que les groupes de pression représentant les contribuables, les syndicats de fonctionnaires et autres groupes qui défendent les intérêts de la gestion publique et de l'obligation de rendre compte en démocratie sont tous d'accord et exigent haut et fort, depuis longtemps, une loi, sous une forme ou une autre, qui protège les dénonciateurs. Je sais que bon nombre d'entre vous n'ignorez pas combien il est rare que je sois d'accord avec l'Alliance de la fonction publique du Canada, l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada et d'autres groupes semblables. Cependant, à ce sujet, nos intérêts sont les même, c'est-à-dire que tout le monde ait foi en un gouvernement plus ouvert et plus responsable, ce à quoi contribuerait la protection des dénonciateurs.

J'ai prononcé, ce matin, une allocution devant des gens qui demandaient comment on pourrait améliorer le gouvernement du Canada. C'était au Club Kiwanis, dans l'ouest d'Ottawa. L'une des choses que je souligne toujours, c'est qu'avec les instruments démocratiques de rappel, l'initiative du public et une gamme de dispositions habilitantes, la Loi de protection des dénonciateurs au sein de la fonction publique du Canada permettra une ouverture du gouvernement. Tout cela vise à améliorer notre gouvernement. Je veux bien recevoir la fameuse enveloppe brune, ou encore l'enveloppe de papier bulle, parfois chaque semaine, ce qui me permet de m'acquitter de mes fonctions par l'entremise de la Loi sur l'accès à l'information et d'un éventail d'autres mécanismes, mais quelque chose cloche dans le système lorsqu'il n'existe pas de soupape de sûreté appropriée pour les fonctionnaires consciencieux qui souhaitent divulguer cette information et chercher à corriger une situation de mauvaise gestion des fonds publics. Tout cela, c'est pour améliorer notre gouvernement.

Nous avons fait diverses recherches -- et j'espère avoir l'occasion de vous faire part de leurs conclusions en répondant à vos questions -- au sujet des décisions rendues par la Commission des relations de travail dans la fonction publique. Même si elle reconnaît qu'un fonctionnaire agit dans l'intérêt du public, très souvent, elle se dit d'avis que le serment de discrétion ou d'allégeance a été violé. La commission, par conséquent, se prononce en faveur de l'employeur. Nous pensons que l'intérêt du public, quelle que soit la définition qu'on lui donne, si on le peut -- et, de toute évidence, cela se fait au cas par cas -- revêt une bien plus grande importance que le serment d'allégeance ou de discrétion.

Le sénateur Kinsella: Au sujet de la page 3 de votre document, monsieur Robinson, et du premier des six principes que vous avez établis, nous estimons que la disposition énoncée au paragraphe 9(3) du projet de loi, sous sa forme actuelle, respecte ce principe. Selon cette disposition:

La dénonciation présentée au commissaire conformément au paragraphe (1), si elle est faite de bonne foi et pour des motifs raisonnables, ne constitue pas une violation du serment professionnel ou du serment de secret souscrit [...]

Nous avons adhéré à ce principe et nous avons essayé de le démontrer dans cette disposition. Est-ce que c'est cela que vous voulez?

M. Robinson: Oui, monsieur le sénateur. Les six principes que nous avons décrits, relativement à une loi exhaustive sur la protection des dénonciateurs, sont tous concrétisés d'une façon ou d'une autre dans l'ébauche de projet de loi dont nous discutons en ce moment. C'est très positif.

Le sénateur Kinsella: Mes collègues et moi, à ce comité, tenons à faire une étude aussi exhaustive qu'il se peut du projet de loi et nous voulons y faire des changements, s'il le faut, en vue d'en faire le meilleur projet de loi possible avant de le déposer devant le Sénat. Y a-t-il d'autres questions particulières qu'à votre avis, nous devrions examiner? Quels sont les trois principaux éléments de ce projet de loi, sous sa forme actuelle, qui vous posent le plus de problèmes? Que pensez-vous du bureau, ou de l'agent à qui un fonctionnaire peut présenter sa plainte?

M. Robinson: Nous ne sommes pas convaincus que la Commission de la fonction publique soit l'endroit indiqué pour un tel bureau. Vous avez entendu ce soir l'aversion que nourrit le mouvement syndical à l'égard de la Commission. L'histoire lui donne quelque peu raison. D'un autre côté, le vérificateur général et le commissaire à la protection de la vie privée, je ne doute pas que vous l'ayez entendu dire par les voies officielles et moins officielles, ne tiennent pas à se voir attribuer le fardeau d'un bureau de protection des dénonciateurs de cette importance. J'ai apprécié vos commentaires, lorsque vous avez dit que nous ne sommes pas sûrs que cela engagerait une mise de fonds.

Notre organisation ne s'opposerait pas, je crois, à ce qu'on fasse les frais d'un bureau de la protection des dénonciateurs. Idéalement, celui-ci devrait être situé dans le Bureau du conseiller en éthique. Cependant, le conseiller en éthique n'est pas un agent indépendant du Parlement. M. Howard Wilson et son personnel sont tout juste un élément du Bureau du premier ministre, à toutes fins utiles. Si nous avions un véritable conseiller en éthique relevant du Parlement, c'est là que devrait être notre bureau.

Y a-t-il un autre bureau? Peut-être. Je ne suis pas sûr que nous pourrions avoir l'assentiment de tout le mouvement syndical, que ce soit au niveau de la direction ou des échelons inférieurs, si le bureau devait être au sein de la Commission de la fonction publique, comme vous le disaient M. Bean la semaine dernière et M. Hindle ce soir. Ce pendant, si vous relisez la transcription de son témoignage, il a bien dit que si le choix, c'est tout ou rien, il choisit la loi. Je pense que vous devriez tout de même envisager la possibilité de créer un bureau indépendant.

Pour ce qui est de la dépense -- je n'aime pas tellement diminuer l'ampleur de l'investissement -- ce serait de l'ordre de quelques millions de dollars par année, dans le contexte de la dépense globale de 121 milliards de dollars pour cette année d'exercice, ce qui semble un montant raisonnable pour assurer l'intégrité du système et la confiance du public et des électeurs dans ce système, et surtout dans vos ressources les plus importantes, vos ressources humaines -- vos employés de la fonction publique.

Le sénateur Kinsella: M. Hindle nous a dit, il y a quelques minutes seulement, comme d'autres d'ailleurs, que la plupart du temps, si quelqu'un peut se rendre jusqu'à l'Institut professionnel, à l'Alliance de la fonction publique ou à son organisation, très souvent, l'organisation de l'employé peut intervenir et résoudre le problème. Il me semble, d'après mon expérience en tant que commissaire aux droits de la personne, que plus de 95 p. 100 des plaintes sont réglées à l'amiable. Seuls les cas du sommet de l'iceberg se rendent jusqu'aux tribunaux des droits de la personne ou aux commissions d'enquête. Êtes-vous du même avis? Si nous avions un mécanisme tel que le conçoit ce projet de loi, qui soit autonome tout en faisant partie de la fonction publique, et où un fonctionnaire peut exprimer ses préoccupations en toute confiance, en toute confidentialité, si l'agent que nous appelons pour l'instant le protecteur de l'intérêt public se chargeait de ces cas, il me semble que 95 p. 100 des cas seraient résolus. Êtes-vous d'accord?

M. Robinson: Oui. Je crois bien que 95 p. 100 des plaintes, quelles qu'elles soient, n'atteindraient jamais ce bureau. L'expérience le démontre. Cela concerne les 5 p. 100 restants des cas. Ce sont ceux qui font les manchettes, qui causent l'embarras du gouvernement. Ce sont ceux qui ébranlent la confiance des Canadiens dans les institutions publiques.

Je peux vous donner l'exemple bien précis du scandale actuel des dépenses de DRHC. Notre organisation ne soutient pas l'existence du Fonds du Canada pour la création d'emplois. Michael Bliss, un historien canadien bien connu, a dit que cela a fait s'entrouvrir le couvercle des égouts de la politique canadienne. Un gouvernement a tous les droits de dépenser de l'argent ainsi. Cependant, la Loi sur la gestion des finances publiques dit, je crois, que si j'ai des raisons de croire qu'il dépense de façon irresponsable, il y a des règles et des procédures, des documents et une piste de vérification à vérifier. D'après moi, à la lumière de diverses preuves, ces procédures n'ont pas été suivies. Maintenant, nous voyons des syndicats de fonctionnaires faire de la publicité à la radio, à la télévision et dans les journaux pour défendre leurs intérêts. Nous voyons les chefs syndicaux qui tiennent des conférences de presse pour dire: «Oui, nos employés ont reçu pour directive d'éliminer les dossiers.» Si c'est cela la soupape de sûreté, il devrait y avoir moyen de faire autrement. C'est sûr que cela ébranle la confiance dans les institutions du gouvernement.

Il serait établi clairement dans les directives que le Bureau de la protection des dénonciateurs ou le commissaire à l'intérêt public existerait en tant que dernier recours. Par exemple, un autre sujet dont je peux parler en connaissance de cause est celui de la révocation des députés. Le fait de pouvoir révoquer un député est une mesure de dernier recours. Les initiatives des citoyens, les référendums et un éventail d'instruments positifs et démocratiques qui confèrent des pouvoirs -- devraient être les premières étapes à suivre dans notre système. C'est ainsi que je vois votre position, et l'esprit dans lequel je vois évoluer ce projet de loi. Ce bureau composerait avec les 5 p. 100 de situations qui font les manchettes. Ce sont celles qui ont beaucoup d'impact, car elles touchent les questions de santé, de dépense des fonds publics, de reddition des comptes et d'exercice de l'autorité.

Comme l'a si bien dit M. Hindle, nous entrons dans une ère nouvelle avec l'émergence de divers organismes de service spéciaux et d'organismes de services alternatifs, qu'il s'agisse de l'ACIA, de l'Agence des douanes et du revenu du Canada, de tribunaux et de commissions. Concernant la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, la CRTFP a rendu à son sujet de nombreuses décisions clés en matière de dénonciation au cours des 15 dernières années. Elle a même rendu des décisions sur les partenariats entre les secteurs public et privé. Prenons l'exemple du MDN et des services alternatifs qu'il offre, comme la fait de conclure des contrats avec des fournisseurs du secteur privé, tout en veillant à ce que les droits syndicaux des employés visés soient respectés et à ce que ces derniers continuent de bénéficier des mêmes avantages dont jouissent leurs collègues au sein de la fonction publique. Il s'agit là d'un facteur très important, car la création de tels organismes donnera lieu à des situations de conflit d'intérêts. Ils ne sont plus de simples fournisseurs de services. Ils ont un mandat. La loi habilitante prévoit qu'ils doivent devenir financièrement autonomes dans un délai bien précis, et être en mesure de diriger et de financer leurs opérations à même les frais et les droits qu'ils imposent. Nous nous retrouvons donc avec un organisme quasi gouvernemental qui non seulement fait office d'organisme de réglementation, mais qui est également présent sur le marché. Nous serons donc constamment confrontés à des questions de conflit d'intérêts.

Pour ce qui est du bureau que prévoit créer le projet de loi, qu'il soit distinct ou qu'il fasse partie de la Commission de la fonction publique, nous pourrons trancher bon nombre de ces questions à l'avance, en nous fondant sur une quantité toujours croissante de données. Il s'agit-là d'un facteur très positif, puisque la ligne de démarcation qui sépare le secteur public du secteur privé est de plus en plus floue.

Le sénateur Bolduc: Les employés du Parlement, les membres des Forces canadiennes et de la GRC entre autres, ne sont pas visés par ce projet de loi. Il serait peut-être préférable qu'ils le soient. Devrions-nous, dans un premier temps, adopter le projet de loi, et ensuite procéder à un examen de la loi dans cinq ans, de manière à y inclure ces groupes? Nous pourrons ainsi voir comment les choses se passent dans la fonction publique. Si le processus fonctionne bien, nous pourrons assujettir d'autres fonctionnaires à la loi.

Les Forces canadiennes représentent une immense organisation qui regroupe 65 000 employés répartis dans toutes les régions du monde. L'armée dispose, par définition, d'une hiérarchie assez rigide. Le milieu est différent.

En ce qui concerne la Gendarmerie royale, je sais qu'il s'agit d'un corps policier, mais nous ne savons pas si les procédés internes de la GRC respectent en tout point les règles établies. Personne ne le sait. Ils ont sans doute déjà fait l'objet de critiques. On a entendu dire qu'elle peut parfois être dure avec les gens. Elle est présente dans diverses municipalités et provinces. Elle assume un rôle provincial, municipal et fédéral. Pour ce qui est de savoir si elle doit être visée par le projet de loi, je ne sais pas s'il faut se prononcer là-dessus tout de suite. Je pense qu'elle devrait l'être. J'aimerais avoir votre opinion là-dessus.

M. Robinson: Il est vrai que la question de la portée de la loi est très importante. Pour ce qui est des corps policiers, il existe, dans diverses provinces, un comité de surveillance composé de civils qui est chargé de faire enquête sur les actions des policiers, et parfois de la GRC. Par exemple, on a créé une commission pour faire enquête sur la conduite de la GRC lors de la réunion de l'APEC. Il existe d'autres mécanismes pour s'occuper des questions touchant le personnel, par exemple quand des officiers subalternes dénoncent la conduite d'officiers supérieurs à l'enquête de l'APEC.

Pour ce qui est des pratiques qui ne sont pas conformes à l'éthique dans le contexte de la fonction publique, le SRCS se livre à certaines activités d'espionnage ou de contre-intelligence dans certains pays concurrents, activités sur lesquelles nous préférons ne rien savoir. Là encore, il existe ce que nous appelons le comité de surveillance des activités du renseignement de sécurité. Les Forces canadiennes, elles, sont dotées d'une structure de commandement et de contrôle. Certaines de ces choses vont évoluer au fil des ans, selon les événements qui se produiront à l'échelle internationale.

Postes Canada, à ses débuts, engageait beaucoup de militaires, hommes et femmes, qui avaient servi pendant la Deuxième Guerre mondiale. À ce moment-là, la structure hiérarchique de l'organisation était très rigide et très disciplinée, ce qui facilitait le passage de la vie militaire à la vie publique. Postes Canada est une société d'État à but lucratif, qui exerce un monopole -- et nous en reparlerons une autre fois -- et qui a aussi des intérêts variés dans des services de messageries qui tirent parti de la situation quand il y a une grève. Elle se débrouille fort bien, qu'elle assure ou non la livraison du courrier. La société a évolué au fil des ans, et le principe pourrait peut-être s'appliquer dans ce cas-ci.

La situation est plus complexe dans le cas des organismes chargés d'assurer le respect de la loi. Des mécanismes ont déjà été mis en place pour traiter les plaintes du personnel, les cas d'abus de pouvoir et de mandat public, au sein de la structure de commandement et de contrôle des milieux policier et militaire, qui sont chargés de servir et de protéger le public. Il est difficile de savoir où tracer la limite. Les soldats, par exemple, sont avant tout des combattants, un rôle qu'ils assument même lors d'opérations de maintien de la paix. Or, certains comportements seraient mal perçus au sein de la fonction publique traditionnelle, en temps de paix. Il existe des distinctions dont il faut tenir compte. Je pense que la situation va évoluer. Si on arrive à élaborer une loi qui est efficace, les principes qui s'en dégagent, comme la protection des dénonciateurs, pourront être adaptés et appliqués aux diverses fonctions de surveillance qui existent à l'heure actuelle.

Le sénateur Bolduc: Il faut prévoir une période durant laquelle on pourra surveiller la mise en application de la loi et apporter les améliorations nécessaires, en nous inspirant des leçons tirées du passé. Il y a d'autres situations très délicates qui me viennent à l'esprit. Je pense, par exemple, aux établissements de recherche. Supposons que vous travaillez pour le Bureau des brevets et que quelqu'un trouve une idée qui pourrait rapporter des milliards de dollars en cinq ans. Tous les jours, des jeunes sont recrutés par des entreprises comme Newbridge et Nortel. Ils trouvent une idée pour un marché à créneaux et la vendent le lendemain pour 200 millions de dollars. Les gens qui travaillent au Bureau des brevets se trouvent dans une situation très délicate. Les problèmes d'éthique au sein de cette industrie doivent être nombreux. Il en va de même pour le Conseil national de recherches du Canada et tous les autres établissements de recherche. Il y a une telle variété de situations qu'il faut s'attaquer d'abord à celles qui sont les plus évidentes, et ensuite passer aux plus difficiles.

M. Robinson: Je suis d'accord avec vous, sénateur.

Je voudrais revenir à votre première question. Vous avez parlé de l'examen législatif périodique. Je pense que tous les projets de loi, que ce soit la Loi canadienne sur la santé, le projet de loi S-13 ou le projet de loi C-2, prévoient un tel examen. Par exemple, est-ce que cette loi atteint toujours l'objectif visé? Devrait-on adopter une loi de temporarisation, ou devrait-on la remplacer par quelque chose d'autre? Ce projet de loi n'est pas différent des autres sur ce point.

J'aimerais vous parler brièvement du CRSNG, et aussi du CNRC, des recherches qui sont effectuées dans les domaines médical et de la santé au Canada. Il existe déjà, au sein des conseils subventionnaires, un processus d'examen par les pairs très rigoureux et efficace qui s'occupe des questions d'éthique déjà connues. Or, l'émergence de la biotechnologie risque de soulever des questions d'éthique qui ne seront connues que lorsque nous aurons fait des découvertes.

Encore une fois, le projet de loi évoluera en conséquence. C'est comme les décisions que la CRTFP a rendues pendant des années. Cet ensemble de lois est toujours en évolution. Or, nous ne pouvons pas prévoir des mesures pour toutes les situations hypothétiques. Ce n'est pas comme la Loi de l'impôt sur le revenu qui, aussi complexe soit-elle, prévoit des règles. Nous aimerions qu'elle soit simplifiée, mais nous pouvons justifier bon nombre des chiffres et calculs qui s'appliquent au traitement des transferts d'avoirs, ainsi de suite. Si le projet de loi est efficace, nous disposerons de principes qui pourront être adaptés à diverses situations, et nous pourrons préparer des bulletins d'interprétation, comme nous le faisons avec de nombreuses lois qui traitent de questions d'intérêt public complexes. Le défi est de taille, mais cela ne veut pas dire que nous ne sommes prêts à le relever.

La vice-présidente: Monsieur Robinson, vous soulevez un point intéressant pour ce qui est de l'équilibre qui doit exister entre l'intérêt public et le serment professionnel. Je suis très impressionné par le fait que vous ayez souscrit à ce principe.

Le sénateur Kinsella vous a dit à quel point il est difficile de produire un projet de loi qui est conforme à l'article 53 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, qui dispose que tout projet de loi ayant pour but de lever des crédits doit émaner de ministres de la Couronne à la Chambre des communes. Toutefois, vous semblez privilégier l'idée d'un poste plus indépendant, comme celui d'un agent du Parlement.

Je vous ai écouté, ainsi que les témoins antérieurs, et je me demande comment nous parviendrons à introduire cette notion d'intérêt public dans le projet de loi. Je ne sais pas comment nous arriverons à le faire. Vous avez soulevé la question et je vous en remercie, car, comme vous le savez, je m'y intéresse beaucoup.

Sénateur Kinsella, le comité pourrait peut-être convoquer la ministre afin de lui demander si elle appuie ce projet de loi, ou si elle serait prête à adopter les principes qui sous-tendent le projet de loi et à prendre les mesures qui s'imposent pour répondre à ces préoccupations.

Votre idée est excellente, monsieur Robinson. Je pense que ce concept -- un agent du Parlement -- est fort intéressant. Cela veut dire que le Parlement conservera toujours son rôle de tribunal de dernière instance. C'est une idée fort intéressante.

Le sénateur Mahovlich: Croyez-vous que ce projet de loi pourrait être utilisé à mauvais escient? Y aurait-il plus de dénonciateurs?

M. Robinson: Je ne le crois pas, mais la question est fort pertinente. Cela dépendra de la façon dont le projet de loi est libellé et si cette...

Le sénateur Mahovlich: Il y a des personnes innocentes qui risquent d'être visées.

M. Robinson: Absolument. Si aucune protection n'est assurée, des personnes innocentes continueront de travailler dans l'ombre et de se dire, tous les soirs: «J'aimerais dénoncer les gestes de ce gouvernement, mais je ne peux pas le faire, parce que j'ai une hypothèque à payer et des enfants à élever.» Nous devons prévoir dès le départ des mesures pour nous protéger contre les plaintes vexatoires et frivoles.

Le principal argument invoqué contre ce projet de loi, c'est qu'on pourrait s'en servir pour attaquer les politiques du gouvernement. Or, il existe de nombreuses façons, au sein de notre régime multipartite et pluraliste, d'attaquer les politiques gouvernementales dans l'anonymat. Mentionnons les fameuses enveloppes brunes qui sont déposées à votre bureau, méthode qui continuera sans doute d'être utilisée. Il n'y a aucun doute là-dessus. Mentionnons aussi les sanctions pécuniaires, les peines, la confidentialité.

J'ai parlé, dans mon mémoire, des motifs raisonnables. Ce principe découle des lois en vigueur aux États-Unis et dans d'autres démocraties parlementaires, notamment en Nouvelle-Zélande et en Australie. Ces lois ne portent pas sur la dénonciation en tant que telle, mais mettent l'accent sur l'existence de motifs raisonnables, d'éléments de preuve faisant état de conduite répréhensible. Ces preuves peuvent prendre la forme de dossiers financiers ou médicaux, de décisions touchant les pêches et autres questions au sein de la Direction générale de la protection de la santé, lesquelles ont déjà été portées à l'attention du public, ou de dossiers d'emploi dans lesquels ont été versées des transcriptions de courrier électronique qui relève du harcèlement. Il doit y avoir des motifs raisonnables et des preuves. Ce sont là les deux tests sur lequel tout repose.

Il y a également la présomption d'innocence jusqu'à preuve du contraire. Je ne suis pas d'accord, dans une certaine mesure, avec l'idée de passer outre à l'accusation de conduite répréhensible, mais il existe des mesures de représailles au sein de la fonction publique. On a évoqué la possibilité d'inverser le fardeau de la preuve. Il faudrait prouver que toute mesure prise par un employeur dans les deux ans suivant la présentation d'une dénonciation ne constitue pas une mesure disciplinaire. J'ai des réserves au sujet du délai prévu et du libellé même de cet article.

Pour revenir à votre première question, je pense qu'on peut libeller le projet de loi de manière à tenir compte de ce facteur. Le défi, ici, est de nommer cet agent indépendant. Et plus important encore, de convoquer la ministre.

J'ai de la correspondance du ministre Massé qui date de 1997. Je lui avais indiqué que les ministères et les institutions étaient contre ce type de législation, mais qu'il existait à ce sujet une confluence d'intérêts à l'extérieur du système extraparlementaire. Les acteurs extraparlementaires estiment qu'une telle loi est nécessaire.

On trouve aussi une foule d'interventions à ce sujet dans le Hansard. Sergio Marchi, à la fin des années 80, de même que le groupe de députés libéraux connu sous le nom de «rat pack» réclamaient une loi sur la dénonciation. Ce parti n'était pas le seul à l'exiger. Il est parfois nécessaire de créer des situations embarrassantes et d'exercer des pressions. Notre groupe utilise ce genre de tactiques pour faire passer le message et inciter le gouvernement à agir. Cela nuit, à long terme, au bon fonctionnement de la fonction publique. Il s'agit d'un dernier recours. Je pense que ce projet de loi ne peut qu'améliorer le fonctionnement de l'administration publique.

La vice-présidente: Monsieur Robinson, vous avez dit, si je ne m'abuse, que vous aviez une série de lettres ou de la correspondance.

M. Robinson: Une foule de renvois tirés du hansard.

La vice-présidente: Pourriez-vous nous fournir ces renseignements? Les avez-vous avec vous?

M. Robinson: Non, je ne sais pas combien de fois les parlementaires ont tenu un débat sur la question au cours des vingt dernières années. Je peux toutefois vous fournir les renvois.

La vice-présidente: Nous aimerions bien les avoir.

Vous avez également fait allusion à la correspondance du ministre. Si vous voulez bien nous la remettre, n'importe quel membre du comité pourra la déposer.

M. Robinson: Je ne voulais pas le faire sans qu'on me le demande.

La vice-présidente: Si vous voulez bien nous la fournir, nous nous en occuperons.

M. Robinson: La correspondance de 1997 et la réponse du ministre de l'époque, M. Massé.

La vice-présidente: Honorables sénateurs, j'ai ici une lettre que le ministre Marcel Massé a adressée à M. Robinson le 9 octobre 1997. Nous pourrions l'ajouter au compte rendu d'aujourd'hui. Êtes-vous d'accord?

Des voix: Oui.

La vice-présidente: Il y a une autre lettre datée du vendredi 22 août 1997. Il y a une troisième page.

M. Robinson: Elle fait environ huit pages.

La vice-présidente: J'ai ici une lettre de M. Robinson adressée à l'honorable Marcel Massé et datée du vendredi 22 août 1997. Il y a donc deux lettres. Si les membres du comité sont d'accord, nous les annexerons au compte rendu de la réunion d'aujourd'hui. Nous allons juger qu'elles ont été reçues par le comité, et elles seront imprimées pour que les membres du comité et le public puissent les consulter. Êtes-vous d'accord?

Des voix: Oui.

La vice-présidente: Monsieur Robinson, y a-t-il d'autres documents que vous souhaitez déposer? Nous aimons beaucoup lire dans ce comité-ci.

M. Robinson: Ce que j'ai surtout, ce sont des coupures de presse. J'aimerais que le greffier me remette une copie de la lettre du ministre Massé.

La vice-présidente: Le greffier en fera une copie pour vos dossiers.

M. Robinson: La seule autre chose que j'ai, c'est un article du Ottawa Citizen daté du 7 juillet 1998. Un journaliste entreprenant a présenté une demande d'accès à l'information sur tous les groupes qui avaient communiqué avec le Conseil du Trésor au sujet de la loi sur la dénonciation. Il avait aussi des notes d'information du Cabinet du premier ministre qui indiquaient que le Parlement était contre l'adoption d'une loi générale sur la protection des dénonciateurs.

La vice-présidente: L'article mentionné par M. Robinson est tiré du Ottawa Citizen et daté du mardi 7 juillet 1998. Il est rédigé par Jim Bronskill et s'intitule: «Senior Officials Block Whistle-blowing Laws». Nous en ferons des copies, que nous distribuerons aux membres du comité. Il n'est pas nécessaire que l'article soit annexé au compte rendu.

Y a-t-il autre chose, monsieur Robinson?

M. Robinson: J'ai reçu de la correspondance confidentielle de divers fonctionnaires et de présumées taupes au sein des ministères.

La vice-présidente: Vous êtes nombreux à en parler. Je trouve cela inquiétant.

M. Robinson: J'ai une lettre importante que je garde à mon bureau tout le temps. Elle m'a été envoyée par courrier électronique d'un serveur du gouvernement. L'auteur me dit grosso modo que le fait de dénoncer les cas de mauvaise gestion peut nuire beaucoup à l'employé et à sa famille. Non seulement votre carrière est-elle en jeu, mais vous constatez soudainement que vos collègues gardent leur distance. Tout ceci pour un contribuable qui ne comprendra ou n'appréciera jamais les sacrifices personnels que vous faites. De plus, selon le type de documents que vous divulguez, vous vous demandez si la GRC va trouver le temps de venir frapper à votre porte, que ce soit au bureau ou à la maison. À mon avis, quiconque prend de tels risques dans l'intérêt du contribuable mérite une promotion, voire une prime généreuse. Les primes à l'initiative, c'est bien beau, mais quand vous remettez en question la façon dont la haute direction manipule les fonds publics, c'est une tout autre affaire.

Cette crainte, on la retrouve chez les gens qui viennent nous voir, les gens qui pensent qu'il y a quelque chose qui ne tourne pas rond. Ils vont peut-être dire: «J'aime bien mon emploi et je travaille pour le gouvernement, mais ceci, à mon avis, n'est pas correct.» Toute mesure que nous pouvons prendre pour venir à bout de cette crainte, en tenant compte des risques d'abus que le sénateur Mahovlich a soulevés, constitue un pas dans la bonne voie puisqu'elle ouvre la voie à un gouvernement plus transparent et rétablit la confiance du public à l'égard des institutions de ce pays.

La vice-présidente: Merci d'avoir soulevé ce point, car c'est une question qui soulève beaucoup d'inquiétude à l'échelle nationale -- je fais allusion ici à la confiance à l'égard du gouvernement et des institutions publiques. Même le mot «politicien» commence à avoir une connotation très négative.

Je trouve inquiétant de voir à quel point on a recours aux enveloppes brunes pour refiler des renseignements. Cette question est très sérieuse. Je suis content que vous en ayez parlé, car je suis certain que vous recevez de très nombreuses enveloppes brunes.

Au nom du comité, je tiens à vous remercier, monsieur Robinson, de cet excellent témoignage.

La séance est levée.


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