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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule 11 - Témoignages


OTTAWA, le mercredi 5 avril 2000

Le comité sénatorial permanent des affaires sociales, de la science et de la technologie, auquel a été renvoyé le projet de loi C-13, loi portant création des instituts de recherche en santé du Canada, abrogeant la Loi sur le Conseil de recherches médicales et modifiant d'autres lois en conséquence, se réunit ce jour à 15 h 45 pour examiner le projet de loi.

Le sénateur Michael Kirby (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Honorables sénateurs, nous remercions nos témoins et tous ceux qui ont collaboré à l'organisation de notre rencontre à si brève échéance, car un de nos témoins est même venu de Vancouver.

Le premier groupe se compose du Dr Henry Friesen, de M. Peter Glynn, de Mme Maria Knoppers, de Mme Janet Halliwell et de M. Ian Shugart. Soyez les bienvenus.

Dr Henry Friesen, président, Conseil d'administration provisoire des Instituts de recherche en santé du Canada; président, Conseil de recherches médicales du Canada: Honorables sénateurs, vous êtes saisis aujourd'hui d'un projet de loi majeur et important, le C-13. La recherche, particulièrement dans le domaine de la santé, a une incidence sur nos vies à tous et elle est le fondement du progrès. On peut prendre la mesure de ce progrès de bien des façons, surtout si on se place d'un point de vue historique.

Aujourd'hui, la Colombie-Britannique compte le même nombre de lits d'hôpitaux qu'il y a 30 ans. La gestion du système de soins de santé au Canada s'est grandement améliorée grâce aux progrès réalisés dans le domaine de la recherche. J'affirmerai même que sans ces progrès, le système de soins de santé au Canada serait en péril.

Le projet de loi C-13 représente un travail ardu, le résultat de discussions et d'un consensus réalisés depuis 18 mois par la communauté des chercheurs et bien d'autres milieux. C'est le résultat d'une démarche unique dont on a confié le prolongement au conseil d'administration provisoire. Les membres du conseil ont été nommés par le ministre de la Santé et parmi eux se trouvent des représentants de toute une gamme de communautés, notamment celles des chercheurs, des présidents, du secteur bénévole, des organismes fédéraux et provinciaux et du secteur privé. Nous avons préparé des recommandations qui constituent le fondement de ce projet de loi. Je dirais que cela a été une façon nouvelle de rédiger une loi.

Le projet de loi C-13 va profondément transformer la recherche en matière de santé au Canada. Il va moderniser le domaine de la recherche en matière de santé en prolongeant l'excellent travail réalisé pendant 40 ans par le Conseil de recherches médicales.

L'envergure et la portée du projet de loi sont inouïes et historiques. La transformation se fera sur plusieurs plans, comme par exemple sur le plan organisationnel. Pour la première fois, le projet de loi C-13 permettra l'apport systémique de toute une gamme de secteurs. Le secteur bénévole, y compris les groupes d'intérêt, les groupes communautaires et les groupes de consommateurs, contribuera à l'élaboration de la politique par le vecteur des divers instituts qui seront créés. Nous pourrons ainsi compter sur une voix puissante et sur une nouvelle force.

Ainsi, les représentants des organismes bénévoles, qui représentent des milliers, voire des millions de Canadiens dont les aspirations, les espoirs et les intérêts seront désormais pris en compte lorsqu'il s'agira de fixer et de façonner l'ordre prioritaire et l'échéancier de la nouvelle entité qui s'occupera de la recherche en matière de santé.

Le projet de loi C-13 donne des moyens et facilite les choses. Cela est important, car les connaissances et la compréhension scientifique évoluent. Il serait très difficile de décrire avec précision les projets de recherche qui seront nécessaires dans 20 ou 30 ans. Personne n'a idée de la magnitude des changements qui vont se produire.

L'objectif des instituts est clairement énoncé dans le projet de loi. Cet objectif est unique et minutieusement décrit -- exceller, selon les normes internationales reconnues de l'excellence scientifique dont la création de nouvelles connaissances -- mais cela est encore insuffisant en soi. À moins que les nouvelles connaissances ne servent à améliorer la santé de la population canadienne, à offrir de meilleurs produits et services de santé, ce ne serait pas suffisant. Le rendement des investissements publics dans ce cas-là correspond à une amélioration de la santé publique. C'est l'élément central de l'objectif. Par conséquent, la création de nouvelles connaissances, l'investissement dans la recherche, l'appui donné à nos meilleurs éléments et la création du climat qui permet de réaliser ce que le premier ministre a annoncé en réponse au discours du Trône, témoignent du fait que le Canada sera le siège de la création de nouvelles connaissances au cours du XXIe siècle. C'est l'objectif que ce projet de loi atteindra.

Autre dimension importante, outre l'amélioration des soins de santé, la création de débouchés économiques pour le Canada. Trop souvent on comprend mal cette notion. Ce projet de loi ne vise pas à offrir des investissements pour appuyer le secteur privé, mais plutôt à appuyer la recherche universitaire qui, inévitablement, produira de nouvelles idées et de nouveaux produits. La mise au point de ces derniers profitera à tous les Canadiens et à l'économie canadienne en créant de nouveaux emplois au pays.

Par exemple, il n'y a pas très longtemps, un brillant chercheur de l'Université de la Colombie-Britannique a reçu une petite subvention pour explorer de nouveaux produits chimiques qui permettraient de traiter la cataracte dégénérative, principale cause de cécité chez les gens de plus de 50 ans.

Aujourd'hui, la société qui fabrique ces produits a un capital de 6 milliards de dollars. C'est la plus grosse société de biotechnologie du Canada qui a permis la création d'emplois pour nos diplômés les plus brillants. En outre, cela touche directement notre santé. Dans la démarche, cette société va créer de la richesse, ce qui influera sur l'assiette fiscale qui alimentera les instituts.

Nous constatons déjà le changement de perspective qui est propre à la nature des instituts. Plusieurs cartes du Canada qui ont été préparées avant la création des instituts de recherche en santé indiquaient que nos entreprises de recherche étaient isolées, souvent concentrées dans certaines régions, sans véritable lien. Les instituts visent à créer une vision intégrée de la recherche en santé. Ainsi, on envisage l'interaction entre les meilleurs éléments en créant des réseaux de débouchés, en reliant les travailleurs communautaires et les chercheurs de sorte que le Canada puisse mobiliser et galvaniser ses plus brillants esprits pour appuyer la recherche qui modifiera la vie et la santé des Canadiens.

Dès nos premières tentatives, 1 500 chercheurs en liaison avec les collectivités et leurs intérêts -- conseils de district en matière de santé, groupes s'intéressant à la santé des femmes et divers autres groupes -- ont uni leurs efforts pour aider à élaborer le programme. Ensuite, des équipes interdisciplinaires de recherche en santé ont été constituées. En outre, plus de 1 500 scientifiques canadiens se sont regroupés de diverses façons pour préparer un programme axé sur la santé des Canadiens. Ce n'est qu'un début.

Les activités entreprises par les instituts permettront, une fois que ces derniers seront déployés, de transformer en profondeur le domaine de la recherche en santé au Canada. Ce projet de loi suscite l'enthousiasme et quant à moi, avec mes collègues, je suis impatient d'en discuter davantage avec vous et de répondre à vos questions.

M. Peter Glynn, membre, Conseil d'administration provisoire, Instituts de recherche en santé du Canada; président, comité des relations extérieures, Fondation des maladies du coeur du Canada: Honorables sénateurs, à titre de membre du conseil d'administration provisoire, c'est un honneur pour moi de comparaître devant vous pour appuyer le projet de loi C-13. Je suis également membre du conseil d'administration de la Fondation des maladies du coeur du Canada, l'entité qui injecte le plus d'argent dans le domaine de la recherche cardiovasculaire au pays. En outre, je suis le président-directeur général de l'hôpital général de Kingston, qui est l'un des grands hôpitaux universitaires affiliés à l'Université Queen's qui s'est donné une intense mission de recherche et où je constate quotidiennement l'incidence que la recherche peut avoir sur la santé.

Je vais aborder trois thèmes importants qui figurent dans le projet de loi: le partenariat, la commercialisation et la gestion des connaissances.

En 1998, le premier ministre a dit: «Si vous m'invitez de nouveau dans quatre ans, j'espère que je pourrai dire que notre gouvernement a contribué à la transition vers une économie axée sur le savoir et a pris les mesures nécessaires pour que les sujets les plus brillants restent au Canada». Ces défis exigent un partenariat entre tous les niveaux de gouvernement, le secteur privé, les syndicats, le secteur bénévole et les organisations non gouvernementales. Nous devons tous unir nos efforts.

Le partenariat est important pour les instituts, car le mandat législatif et la mission de ces derniers exigent qu'ils soient plus qu'un organisme subventionnaire. Les instituts doivent agir en tant que coordonnateur, initiateur de consensus, charnière de l'évolution, catalyseur, conseiller en éthique, centre de référence pour l'échange de renseignements et de résultats probants et voix vigoureuse pour le domaine de la recherche au Canada. Les partenariats sont la pierre angulaire qui permettra de relever ces défis. Ces partenariats vont aider les instituts à atteindre leurs objectifs en ce qui concerne le choix et l'appui de projets scientifiques de recherche fondamentale et appliquée en matière de santé, de projets de recherche clinique appliquée, de systèmes de soins de santé, et cela tout en tenant compte des dimensions sociales, culturelles et démographiques de la santé. Les instituts vont permettre de consolider et d'approfondir les efforts dans le domaine de la recherche, constituant ainsi une masse critique d'experts qui se concentreront sur des domaines vitaux de la recherche; les instituts vont accélérer la diffusion des connaissances vers les diverses communautés qui s'intéressent à la santé en général et à la prestation des soins de santé, ce qui aboutira à des politiques et des pratiques améliorées dans le domaine. Les instituts permettront de trouver plus rapidement des concrétisations possibles fondées sur le résultat de la recherche appuyée par les instituts grâce à des partenariats avec les professionnels de la santé et les gestionnaires des régimes de soins de santé. Ainsi, on jettera des ponts entre les secteurs public et privé pour encourager une application efficace des résultats de la recherche au profit des Canadiens. Comme M. Friesen l'a dit, les partenariats vont profiter des avantages économiques d'une recherche financée à même les deniers publics et contribuer à créer des emplois et de la richesse pour les Canadiens.

Ces partenariats peuvent être des alliances avec d'autres organismes, il peut s'agir de partager le financement des initiatives de recherche ou encore de canaliser le financement destiné à d'autres organismes vers les ICRS. On peut également élaborer en commun les programmes de recherche et les politiques, et travailler en collaboration pour mieux faire connaître au public certaines questions de santé importantes. Ces partenariats peuvent aussi être une coopération pour mettre en pratique de nouvelles découvertes et de nouvelles technologies. Il peut également s'agir d'encourager la collaboration des chercheurs canadiens de différents secteurs, la coopération nationale et internationale et la coopération entre les disciplines. Je suis certain que tous ces instituts de recherche auront ce genre de partenariats. Ils devront faire un rapport annuel au conseil d'administration des ICRS sur les résultats qu'ils auront obtenus et les fruits de leurs partenariats.

Le second thème est celui de la commercialisation. Les investissements du gouvernement fédéral dans le domaine de la santé sont destinés avant tout à améliorer la santé des Canadiens et à faire mieux fonctionner le système de santé au Canada et dans le reste du monde. Toutefois, les découvertes et les connaissances nouvelles qui découlent des projets de recherche financés par les ICRS peuvent ouvrir la voie à de nouveaux produits commerciaux, médicaments, diagnostics et méthodologies, et cela va continuer à être le cas. Les ICRS prodigueront des encouragements dans ce domaine pour que le Canada et les Canadiens profitent de la mise sur le marché de ces produits nouveaux. Ils encourageront l'exploitation des découvertes canadiennes à l'échelle mondiale. Cela sera conforme aux principes de la liberté universitaire, de l'examen par les pairs et de la publication opportune des résultats scientifiques.

En ce qui concerne la gestion des connaissances dont M. Friesen a parlé, on insiste dans les ICRS sur les applications pratiques de la recherche. C'est une caractéristique nouvelle.

La gestion des connaissances signifie que les résultats de la recherche sont à la disposition de tous les intéressés, des professionnels, du public et du gouvernement, car toutes ces entités font partie intégrante du processus de recherche. Autrement dit, les données sont partagées librement par les divers instituts dans le but de provoquer une synergie entre les chercheurs et la recherche. Autrement dit, on cherche à confirmer et à valider les connaissances des ICRS grâce à toutes les données qui peuvent venir de l'extérieur, et pour ce faire, on travaille en collaboration avec des groupes qui se chargent déjà de propager l'information médico-sanitaire dans divers auditoires.

L'objectif ultime de la recherche, c'est de traduire les découvertes en connaissances acquises, connaissances qui serviront à améliorer la santé des Canadiens et des êtres humains dans le monde entier.

Mme Bartha Maria Knoppers, membre, Conseil d'administration provisoire, Instituts canadiens de recherche en santé: Merci d'avoir accepté de m'écouter. Monsieur le président, honorables sénateurs, je vais essayer d'être très brève. Que je sache, c'est la première fois dans l'histoire qu'un tel projet de loi est présenté. Comme vous le voyez, non seulement le préambule exhorte les législateurs et les Canadiens à tenir compte des considérations éthiques, mais dans le corps même du projet de loi, il y a trois articles de fond sur l'éthique.

L'alinéa 4e) parle de la promotion et de l'exécution de projets de recherche qui satisfont aux normes internationales d'excellence et d'éthique les plus élevées. L'alinéa 4g) parle d'encourager la discussion des questions d'ordre éthique et l'application des principes de l'éthique à la recherche en matière de santé; enfin, l'alinéa 5d) parle de la nécessité de surveiller, d'analyser et d'évaluer les questions liées à la santé ou à la recherche en matière de santé, y compris celles d'ordre éthique.

C'est la première fois dans l'histoire, et ce sera également la toute première fois, qu'on mentionne des questions d'éthique, non seulement dans le préambule, mais également dans le fond du texte, celui qui a force de droit. Si le Parlement approuve ce projet de loi, comment cela se traduira-t-il dans les faits?

Les ICRS ont créé un sous-comité, que j'ai le plaisir de présider, et nous avons entrepris un processus de consultation avec des partenaires dans toutes sortes d'organisations qui existent déjà, comme le Conseil canadien de protection des animaux, le comité consultatif canadien de la biotechnologie et le Conseil national de la recherche chez les sujets humains, et également avec plusieurs instituts et chercheurs spécialisés dans la bioéthique un peu partout au Canada.

Pour faire face aux problèmes d'application de ce projet de loi, nous avons formulé la proposition suivante: premièrement, au lieu de créer un institut spécifique, nous avons pensé que les questions d'éthique étaient tellement cruciales qu'elles devaient faire partie intégrante des ICRS.

Comment entendons-nous procéder? On créerait au sein des IRSC eux-mêmes un comité chargé des politiques et des formalités. Dans tous les instituts, il se pose des questions de déontologie très importantes qui ont trait aux conflits d'intérêts, à la commercialisation, à l'intégrité et à la sécurité. Il nous faut une politique interne et cohérente qui guidera tous les chercheurs, peu importe leur domaine et peu importe où ils travaillent et avec qui. Cette politique devrait s'appliquer à l'échelle mondiale. Elle donnerait aux chercheurs les outils qu'il leur faut pour parler à d'autres chercheurs, négocier avec les entreprises et les universités et ainsi de suite.

Deuxièmement, nous voulons également établir un comité consultatif au sein des IRSC. Nous n'avons pas de comité consultatif sur la déontologie comme dans d'autres pays. Nous voulons créer un comité consultatif responsable des grandes questions déontologiques, dont certaines sont des questions plus philosophiques mais néanmoins très importantes et qui n'ont aucun rapport avec la recherche, les disciplines, et qui n'ont même pas de rapport non plus avec les animaux ou les humains. À titre d'exemple, on songe aux obligations envers les générations futures, à l'allocation des ressources et peut-être même à la bioéthique mondiale, si nous pensons un jour à reprendre notre rôle de chef de file à l'échelle mondiale pour ce qui est des obligations internationales.

Pour consolider ces deux structures -- à savoir le comité chargé des politiques et des formalités et le comité consultatif --, il nous faudrait une initiative stratégique chapeautée par le «bureau de la déontologie». Ce bureau servirait de centre à la fois d'échange et de diffusion de l'information, et ce serait aussi un lieu de contact pour tous les chercheurs du Canada, pas seulement au sein de leur propre institut mais à l'extérieur des IRSC eux-mêmes.

Le comité consultatif de chaque institut, ainsi que le conseil d'administration des IRSC eux-mêmes, auraient l'obligation de compter parmi leurs membres des personnes spécialisées en déontologie. En outre, les propositions soumises à l'examen confraternel devront prendre en compte les considérations et applications déontologiques, présentes et futures.

On réserverait également un budget pour la recherche déontologique. Il y a en ce moment au Canada un grand débat parmi les chercheurs en déontologie sur la question de savoir si la déontologie n'est qu'un complément aux divers projets de recherche ou si elle constitue une discipline à part entière. La recherche déontologique consiste à se demander s'il faut propulser la recherche ou alors la ralentir dans certains cas.

Voilà pourquoi nous proposons que le futur conseil d'administration réserve 5 p. 100 de son budget de recherche à la déontologie en matière de santé. Autrement dit, nous réserverions des crédits pour nous assurer que la recherche déontologique n'est pas un simple complément ou affaire d'habillage, mais devienne bel et bien une partie intégrante de la recherche au sein des IRSC.

Nous voulons que la recherche déontologique soit intégrée. Si notre comité consultatif vient au monde et fait son travail, la recherche déontologique doit être prospective. Elle ne doit pas être seulement réactive, comme on le voit toutes les semaines dans les journaux, et il faut qu'elle soit en fait à l'avant-garde et qu'elle prépare les avancées scientifiques; et il faut même qu'elle nous permette de discuter la question de savoir si nous devons faire des recherches dans certains domaines, et nous discuterons à partir de là de nos priorités dans l'attribution des subventions.

Enfin, je sais que l'actuel conseil d'administration provisoire a accordé une place très importante à la déontologie. Je me réjouis à l'idée de travailler avec un groupe de personnes qui croient en la déontologie. Quand les IRSC auront tenu des discussions vitales et intégrées sur les futures applications et ramifications déontologiques, nous pourrons respecter nos obligations à un autre niveau, à savoir au niveau international. J'ai la conviction que le Canada a beaucoup à offrir au monde en matière de bioéthique et que les IRSC constituent un point de départ.

Mme Janet Halliwell, directrice, Liaison et innovation, Conseil de recherches en sciences humaines du Canada: Honorables sénateurs, je suis heureuse de témoigner aujourd'hui en faveur du projet de loi C-13. C'est à double titre que je suis ici. Je représente Marc Renaud, le président du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada, et je suis aussi la coordonnatrice responsable de la conception et des activités créatives de l'institut, et je travaille donc en très étroite collaboration avec l'un des coprésidents du conseil d'administration provisoire et avec les membres de ce conseil eux-mêmes.

Je vais parler de deux choses: en premier lieu, du rôle des sciences humaines au sein des IRSC, et en second lieu, des instituts eux-mêmes.

Pour le CRSHC et les chercheurs que nous représentons, la création des IRSC présente une occasion des plus fascinantes et de la plus haute importance. Le projet de loi articule un programme visionnaire de recherche intégrée en matière de santé qui touche toutes les disciplines et inclut explicitement les sciences humaines ainsi que les systèmes et services chargés des soins de santé.

Combien de chercheurs vont investir leurs talents dans la recherche en santé? Au même moment, l'an dernier, nous n'aurions pas pu répondre à cette question. Nous savons maintenant qu'il y a plus de 100 instituts dont les recherches sont consacrées essentiellement aux sciences humaines ou aux systèmes et services chargés des soins de santé. Il y a plus de 2 000 chercheurs actifs aujourd'hui, ainsi que bien d'autres qui sont disposés à consacrer leurs talents à ce domaine de recherche.

Il y a des personnes et des groupes qui voient le potentiel qu'offre leur discipline à la recherche relative aux problèmes de santé, qu'il s'agisse de la sociologie ou de la théologie, du droit, de la psychologie, de la gestion ou de la linguistique, par exemple.

Un programme de recherche intégré n'est pas simplement un rêve pour l'avenir. Comme le Dr Friesen l'a dit, nous avons vu se tisser l'an dernier plusieurs partenariats et réseaux nouveaux au Canada entre les diverses disciplines de recherche. De nouveaux partenariats sont nés du développement des propositions des instituts, du développement d'une foule d'instituts, du développement de programmes qui permettent aux divers chercheurs de collaborer ainsi que des réactions à ces programmes.

Il ne s'agit pas simplement d'une collaboration qui s'est forgée parmi les chercheurs eux-mêmes. Des liens ont été créés entre le personnel du Conseil de recherches médicales du Canada et celui du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada. On voit ainsi des activités, traditions et approches intellectuelles très différentes jouir d'un respect mutuel, et l'on voit aussi ces chercheurs acquis aux objectifs des IRSC et aux principes d'une évaluation confraternelle rigoureuse.

Mais ce qui compte le plus pour les chercheurs, c'est le fait que les IRSC permettent d'étendre la recherche à un vaste ensemble de questions relatives à la santé: on pourra ainsi étudier des choses comme les liens qu'il y a entre l'état de santé, d'une part, et le comportement humain et les processus culturels et sociaux, d'autre part.

Je vais seulement vous donner un exemple qui montre pourquoi nous devons dépasser les grandes réussites de la recherche monodisciplinaire, qui vont cependant demeurer un élément dominant de nos activités. Bon nombre de problèmes de santé complexes sont reliés dans la mesure où ils sont influencés par des processus sociaux, comportementaux et biologiques. La recherche multidisciplinaire qui intègre divers niveaux d'analyse est un grand domaine d'avenir.

Par exemple, pour la prédiction de la coronaropathie, il est insuffisant de se fonder strictement sur un seul ensemble de facteurs de risque pour expliquer les variances de cette maladie. On sait maintenant qu'il faut prendre en compte des aspects comme le statut socio-économique, le soutien social, le comportement, ce qui comprend l'activité physique et la consommation de tabac, et l'état des organes, par exemple les lipoprotéines de basse densité et l'hypertension, pour expliquer les variances.

Cela m'amène à l'élément le plus important, à savoir comment créer un milieu où les chercheurs se côtoieront et profiteront de la sagesse et des perspectives des uns et des autres. Voilà bien sûr l'occasion que nous donnent les IRSC, cette communauté d'instituts et les structures qui en font partie.

Les instituts constituent certainement le vecteur qui nous permettra de dépasser la vision des conseils subventionnaires traditionnels. Vous avez accès aux documents du conseil d'administration provisoire sur la conception des instituts, je ne répéterai donc pas leur contenu et je me contenterai de souligner seulement le fait que ces instituts sont virtuels. Ils seront dotés d'un directeur scientifique et d'un conseil consultatif scientifique qui les orienteront et leur permettront de jeter des ponts avec d'autres partenaires de recherche et d'autres acteurs du système de santé.

Chose unique, ces instituts focaliseront la direction, la participation, la création de partenariat et l'établissement des priorités. Cependant, aucun institut n'agira isolément. Chacun fera plutôt partie d'un ensemble d'instituts qui constitueront un foyer idéal pour toute la recherche en matière de santé, ce qui permettra de bien équilibrer les activités relatives à la maladie et à la santé, à la prévention et à la guérison.

Ce qui est tout aussi important, c'est que ces instituts sont un rouage seulement parmi d'autres dans le mécanisme des ICRS. Ils existent dans le cadre d'un système de programmes interactifs comprenant, entre autres, l'examen confraternel, des partenariats, des comités permanents des ICRS, et également des bureaux, qui, chacun, sont chargés d'un élément important du programme de recherche en santé et des modalités de la recherche.

Considérons rapidement ces deux structures; en ce qui concerne les bureaux, comme Mme Knoppers l'a mentionné, ils sont tout désignés pour les questions d'éthique. En effet, on peut leur confier des questions stratégiques précises, des priorités qui débordent du cadre de travail des instituts, des priorités qui doivent s'appliquer à tous les instituts.

Les comités permanents qui seront créés par le conseil seront chargés de nombreuses activités. Certaines seront les fonctions propres à un organe administratif central, d'autres porteront sur des initiatives de politique comme s'assurer que les principaux secteurs de la recherche en santé sont bien abordés dans chacun des instituts et qu'ils suscitent un intérêt soutenu. Par exemple, il pourrait s'agir d'élaborer des types de recherche dans des secteurs négligés et d'étoffer les propositions futures des instituts.

Je vais maintenant dire quelques mots au sujet de la création des instituts. À l'heure actuelle, le sous-comité sur la création des instituts s'interroge sur les conseils à donner aux conseils en ce qui concerne l'organisation générale du secteur institut à l'intérieur des ICRS. Le sous-comité a adopté une série de critères et de paramètres pour le fonctionnement de ces instituts. Entre autres, il ne devrait pas y en avoir plus de 10 à 15, et leurs mandats devraient être très vastes. De toute évidence, il ne sera pas possible d'avoir un institut séparé pour tous les problèmes de santé importants qui existent au Canada, et par conséquent, nous essayons de les regrouper.

Le sous-comité a commencé à consulter les Canadiens l'automne dernier et il a reçu plus de 80 mémoires importants. Ces mémoires ont révélé un intérêt considérable pour ces ICRS ainsi qu'une unanimité remarquable. La réaction a été renversante, à la fois par le nombre des interventions et par l'intérêt des suggestions et l'enthousiasme. De nombreuses réponses étaient le fruit de consultations avec des centaines de chercheurs et d'intéressés.

D'une façon générale, les gens étaient d'accord sur beaucoup de questions, y compris la nécessité d'assurer l'excellence fondamentale de la recherche dans ces instituts tout en gardant très présent à l'esprit les problèmes de santé des Canadiens et l'importance de créer des instituts qui soient flexibles, qui évoluent et qui communiquent les uns avec les autres, sans devenir des tours d'ivoire.

Le sous-comité travaille actuellement à la compilation et à l'évaluation de toute cette information. Certaines choses sont déjà claires, par exemple le fait qu'il ne sera pas possible d'adopter un cadre d'organisation unique pour tous les instituts, le fait que certaines démarches tout à fait valides existent déjà dans certains domaines, comme les recherches sur la morbidité, les questions de santé, la physiologie humaine et les différentes étapes de la vie humaine. Il est évident également que certaines initiatives stratégiques exigent une attention toute particulière de la part du conseil. Il s'agit en particulier de l'éthique, de la santé des autochtones, de la santé en milieu rural, qui concerne un tiers à un cinquième des Canadiens, et la santé des femmes.

En conclusion, je citerai la santé des femmes comme exemple de l'importance que le conseil provisoire accorde à la différence entre les sexes pour tout ce qui a trait à la recherche en santé. Pour que les ICRS atteignent leurs objectifs, il va falloir sérieusement tenir compte de ces différences, mais il reste à déterminer si, pour ce faire, on jugera bon de créer un institut consacré spécifiquement à la santé des femmes. Il s'agit certainement d'un mécanisme possible, mais à l'intérieur d'un institut, il serait nécessaire d'avoir des structures horizontales pour que ce domaine soit bien intégré dans tous les ICRS.

Avec un bureau solide et bien ancré dans la structure des instituts, on pourrait donner à ces efforts une impulsion stratégique et faciliter l'interaction quotidienne avec un système d'examen confraternel. La structure des programmes et des comités permanents pourrait s'intégrer dans un système très adaptable. Cela vaut pour tous les domaines particuliers qu'il faudra étudier. Le conseil provisoire cherchera à trouver un jute milieu et à déterminer comment tout cela peut s'intégrer dans un ICRS efficace. Il est certain que lorsqu'on cherchera plus tard à évaluer les résultats des ICRS, on tiendra compte des résultats dans ces domaines-là.

Je tiens à répéter à quel point le CRSH est en faveur de cette initiative et j'ajoute qu'au cours des années à venir, nous continuerons à nous associer aux activités des ICRS.

M. Ian Shugart, sous-ministre adjoint, Santé Canada: Honorables sénateurs, on admet aujourd'hui communément que la santé doit être abordée d'une façon intégrée si l'on veut préserver la santé des citoyens et des communautés. Pour accélérer les découvertes, nous devons élargir la gamme de nos connaissances et les appliquer plus efficacement, à la fois directement et indirectement, à la santé des Canadiens. On vous a expliqué cet après-midi que la recherche était nécessaire dans plusieurs domaines, et que très souvent elle était regroupée dans quatre domaines qui se rejoignent pour la première fois d'une façon systématique au Canada dans les ICRS: la recherche biomédicale, la recherche clinique, la recherche dans les services et les systèmes de santé qui cherche à mieux comprendre la façon dont les services et les systèmes de santé sont organisés et comment ils peuvent devenir plus efficaces, ce qui donne des résultats et ce qui ne marche pas, et enfin la recherche sur les déterminants de la santé à l'intérieur des communautés et dans la population.

Cet après-midi, je vais tenter de résumer ce que vous avez entendu et, en même temps, vous donner le point de vue du ministre de la Santé et de Santé Canada. Cette loi sur les ICRS, sous sa forme actuelle, porte sur toute la gamme des activités en matière de santé qui sont nécessaires pour améliorer la santé des Canadiens puisqu'en réalité, c'est ce qui constitue notre principale préoccupation.

Vous devez savoir que Santé Canada, tout comme d'autres ministères, est appelé à devenir un partenaire clé et même un client des ICRS. Nous sommes là pour nous assurer que les fruits de la recherche sont bien utilisés lors des discussions politiques sur les questions de santé, et je sais que c'est un aspect qui intéressera particulièrement ce comité au cours des prochains jours. De la même façon, nous voulons nous assurer que l'on identifie tous les domaines où les connaissances et les informations sont incomplètes, et qu'on confie leur exploration au mécanisme de recherche approprié.

Je ne vous parle pas d'une activité scientifique rigoureusement contrôlée, je parle seulement d'identifier les problèmes. En effet, avant toute entreprise de recherche, il est fondamental de déterminer ce qui est important. Santé Canada considère que son rôle est, entre autres, d'identifier les questions, de les énoncer. Par conséquent, nous abordons sous un angle tout particulier les possibilités offertes par les ICRS.

[Français]

Bref, la recherche en santé aborde de nos jours toute une gamme de questions affectant la santé de la population. Elle se fonde sur les contributions intellectuelles de gens qui travaillent dans maintes disciplines des sciences, du génie, des sciences sociales et des sciences humaines.

Comme c'est souvent le cas en matière de santé, s'il est important d'allouer plus de fonds, ce n'est toutefois qu'une partie de la solution globale, ce qui m'amène au projet de loi C-13. Ce dernier expose une toute nouvelle vision de la recherche en santé par la création de ces instituts.

Il décrit une conception moderne qui harmonisera, de manière beaucoup plus étroite et stratégique, la recherche en santé et les priorités en santé de la population canadienne.

Nous espérons voir une nouvelle opportunité pour les Canadiens et les Canadiennes de s'identifier avec la recherche en santé.

[Traduction]

Il est important de profiter de cette occasion pour nous assurer que les Canadiens comprennent ce qui se passe et comprennent qu'ils ont un rôle à jouer dans cette entreprise de recherche. Cela a toujours été le cas, en particulier dans les activités du secteur bénévole en matière de recherche, mais nous pensons que les instituts offrent une occasion extraordinaire d'élargir ces possibilités, de faire valoir sans relâche à quel point la recherche est fondamentale pour la santé humaine.

Le projet de loi prévoit une entreprise de recherche qui permettra à des gens ayant des formations différentes de travailler en collaboration dans un but commun. Le projet de loi est axé sur les priorités des Canadiens en matière de santé. Troisièmement, il ne s'agira pas seulement d'encourager la recherche, mais également de faire parvenir les résultats de cette recherche aux professionnels de la santé, aux autres chercheurs, aux responsables gouvernementaux des politiques et des programmes et à tout le système de santé, y compris notre ministère, et enfin, aux Canadiens eux-mêmes.

Santé Canada se prépare à participer à cette entreprise future. Nous sommes déterminés à travailler en étroite collaboration avec les ICRS, nous voulons les épauler pour transposer les connaissances acquises grâce à la recherche et les appliquer directement à l'amélioration de la santé des Canadiens. Nous nous intéressons particulièrement à certains domaines comme l'information en matière de santé, les systèmes d'information, la gestion et la circulation des connaissances, le remaniement des soins de santé et les données scientifiques en matière de santé et de sécurité du public.

L'objectif donné aux ICRS insiste sur les résultats que ces instituts sont censés produire grâce à la revitalisation de toutes les entreprises dans le domaine de la recherche en matière de santé, une action qui se répercutera dans tout le XXIe siècle: une vision renouvelée du rôle central de la recherche en ce qui concerne les décisions de santé; les mécanismes qui mettent en présence les chercheurs et les perspectives nouvelles, sur la scène provinciale, nationale, internationale, ainsi que les problématiques qui nous interpellent. Étant donné la diversité géographique et culturelle du Canada, il est important, dans cette entreprise, de reconnaître les effets de cette diversité sur les différentes composantes de la santé et de la morbidité.

En résumé, les ICRS offrent une occasion sans précédent d'orienter la recherche médico-sanitaire sur les priorités nationales et provinciales en matière de santé et de transposer efficacement le fruit de ces recherches dans des politiques et des programmes mieux conçus. Ces partenariats entre les instituts, cette interaction entre de nombreux partenaires dans le domaine de la recherche, tout cela permettra de créer des synergies et d'orienter les efforts pour le plus grand bien des Canadiens. Comme vous l'avez entendu, un des éléments les plus importants pour le succès de cette entreprise, c'est qu'elle permettra à de nombreux Canadiens de participer, de manifester leur intérêt et de faire connaître leurs préoccupations.

Nous prévoyons que les Instituts canadiens de recherche en santé deviendront des organismes flexibles, adaptables, des organismes qui se réinventeront sans cesse grâce au processus évolutif de la science, grâce aussi à des partenariats avec la vaste gamme des chercheurs dans le domaine de la santé.

Le sénateur LeBreton: À propos de ces partenariats -- et M. Glynn dans ses observations a mentionné tous les paliers de gouvernement -- est-ce que certains organismes provinciaux communautaires auront une place au sein des ICRS? Est-ce que le conseil provisoire a demandé l'opinion de ces organismes? D'autre part, est-ce que certains d'entre eux siégeront au futur conseil d'administration?

M. Friesen: Je peux vous répondre oui sur le plan de la représentation et de la consultation. Plusieurs provinces ont des organismes de recherche importants, comme l'Alberta et le Québec. Les présidents de ces deux organismes ont siégé au conseil d'administration provisoire pendant toute l'année dernière, ils ont participé activement aux travaux. Pendant tout ce temps-là, nous avons profité d'une excellente collaboration avec ces deux organismes, mais également collaboré avec des organismes plus petits, comme la Fondation pour la recherche en Nouvelle-Écosse, la Fondation pour la recherche en matière de santé de la Colombie-Britannique et le Conseil de recherches en santé du Manitoba. Au niveau opérationnel, tous ces organismes ont été très actifs. D'autre part, le sous-ministre de l'Ontario a participé de près aux travaux du conseil provisoire.

Il est certain que cette complémentarité va continuer, cet esprit de collaboration extrêmement positif, à mon sens tout cela ne peut que s'élargir.

En ce qui concerne les nominations, le ministre a déclaré officiellement que toutes les provinces seraient représentées au conseil d'administration.

M. Shugart: Je tiens à ajouter que c'est à la demande du collègue du sous-ministre de l'Ontario, un sous-ministre provincial, que celui-ci a siégé au conseil provisoire.

Au cours des dernières années, les ministres de la Santé du Canada se sont de plus en plus intéressés aux activités de recherche, et je prévois que cette tendance va continuer. Par le passé, les sous-ministres et les ministres de la Santé, lorsqu'ils se rencontraient -- fréquemment -- ne se préoccupaient pas toujours très activement de la recherche. À mon avis, cela est en train de changer car on comprend de mieux en mieux le rôle de la recherche dans la santé en général.

Le sénateur LeBreton: Est-ce que le travail de recherche très précieux qui se fait dans divers organismes dans les provinces et les communautés sera également intégré dans le système? Est-ce que cela fera partie du nouvel organisme? Je ne sais pas comment on peut faire.

M. Friesen: Je vais essayer de vous en donner une idée: dans un portefeuille intégré de la recherche au Canada, par ordre d'importance, c'est le gouvernement fédéral qui est le plus important. L'ensemble des organismes du secteur bénévole viennent au deuxième rang et, si on les considère tous ensemble, ils ont presque le même niveau d'investissement que le gouvernement fédéral. Les organismes provinciaux sont assez loin derrière.

Il n'est pas très probable que l'intégration soit vraiment structurée et il s'agira plutôt d'une collaboration, à la fois entre les divers instituts, et entre les chercheurs de ces institutions qui feront connaître aux ICRS les résultats de leurs travaux financés par les autorités provinciales. Il faudra qu'ils énoncent des projets de recherche d'une façon stratégique pour éviter les doubles emplois que personne ne souhaite.

Le sénateur LeBreton: Avez-vous regardé ce qui se passait dans d'autres pays? Est-ce qu'il y a des instituts de ce genre dans d'autres pays, et si oui, est-ce que, lors de vos consultations, vous avez pris contact avec ces pays-là pour voir comment ces instituts fonctionnent? Est-ce que nous sommes les seuls à faire ce genre de chose?

M. Friesen: Nous avons en effet mené des consultations, à grande échelle. Nous avons visité le National Institutes of Health, l'équivalent américain. Sa structure est différente, mais il compte nombre de similitudes. Sa création remonte à bien longtemps, à plus d'un siècle. On le considère comme une norme mondiale pour ce qui est de l'importance des investissements.

Les discussions que nous y avons eues nous ont bien renseignés sur ce qui marchait. Nous avons parlé avec ces gens de ce qu'ils feraient s'ils avaient la possibilité de recommencer à zéro ce qui serait différent quels changements ils apporteraient. Le dialogue était très intéressant. Ils avaient le même enthousiasme que nous, que nous encouragions mutuellement. Ils ont imaginé ce qu'ils feraient, s'ils avaient à recommencer à zéro.

Le NIH est une immense fondation privée qui dispose d'environ 14 milliards de dollars mais est différente. Il s'agit d'un réseau. Là encore, on pourrait tirer des leçons valables. Il était vraiment édifiant de voir l'importance du réseautage et des mécanismes permettant de rassembler des scientifiques ayant des points de vue différents. Ces entretiens ont produit plusieurs orientations nouvelles.

L'architecte britannique nous a aussi parlé du volet recherche du National Health Service est également venu nous parler. Sous son égide, le gouvernement britannique a consacré 1 p. 100 de l'ensemble de son budget de la santé au portefeuille de recherche du National Health Service. On nous a donné un bon exemple de cette idée, avec un programme extrêmement intéressant doté d'un acronyme évocateur en anglais, le GRIP, Get Research into Practice.

Il y a des possibilités d'apprendre. Dans le projet de loi C-13, on donne aux ICRS le mandat important de rechercher et d'exploiter la collaboration au niveau international. Plus que tout autre chose, la science est internationale. Le Canada produit environ 4 p. 100 du savoir mondial. Cela veut dire que nous pouvons profiter de l'autre 96 p. 100 restants. Voilà donc l'ampleur de cette potentialité.

Le sénateur Callbeck: J'aimerais poser une question au sujet des provinces. On a déjà posé une question au sujet de la relation entre les ICRS et les provinces. J'aimerais l'approfondir un peu, monsieur Friesen, parce qu'en y répondant, je crois que vous avez parlé de la Nouvelle-Écosse, de la Colombie-Britannique, de l'Ontario et du Québec.

J'ai entendu des critiques selon lesquelles on n'avait pas suffisamment consulté les provinces. Pensez-vous que ces critiques soient fondées? Toutes les provinces ont-elles été consultées? Le cas échéant, comment?

M. Shugart: La principale tribune, pour ainsi dire, à laquelle a pu être exprimé le point de vue officiel des gouvernements provinciaux, c'est la Conférence des ministres de la Santé et des sous-ministres de la Santé. D'ailleurs, on y avait explicitement parlé des ICRS. Il était possible de poser des questions, et on en a posé.

Comme je l'ai dit, M. Lauzon représentait officiellement au CAP ses collègues provinciaux de toutes les provinces et territoires. On peut dire sans se tromper qu'il a déployé des efforts pour obtenir le point de vue et la participation de ses collègues.

Voilà comment les provinces peuvent s'exprimer officiellement. D'après ce que nous avons pu voir, les provinces ont réagi très positivement, estimant qu'il s'agissait là d'une excellent occasion pour l'ensemble du pays.

On peut dire, et c'est compréhensible, que certaines petites provinces, particulièrement celles dotées de facultés de médecine, tiennent à ce que les chercheurs de leurs collectivités ne soient pas exclus des activités de recherche des ICRS. C'est dans la nature même des ICRS de rassembler des chercheurs de diverses disciplines. Par le fait même, d'excellentes occasions sont présentées à ces instances qui n'ont peut-être pas beaucoup participé à la recherche en santé. L'activité ne se limitera pas aux chercheurs des facultés de médecine.

En réalité, il n'y a jamais eu de limites. Mais il reste que beaucoup de fonds de recherche ont été affectés, on le comprendra, là où il y avait des facultés de médecine. Il y a là d'excellentes occasions pour les chercheurs des sciences sociales, pour ceux qui travaillent sur d'autres aspects des sciences de la vie, par exemple, les sciences environnementales, qui pourront ainsi apporter leur contribution et participer à l'ensemble de la recherche.

M. Friesen: Au cours de mes déplacements, j'ai vu tous les ministères de la Santé et du Développement économique du pays, y compris dans les provinces de l'Atlantique, comme la vôtre.

Nous nous sommes rendu compte que si nous croyons vraiment que la recherche est importante pour la santé des Canadiens, chaque province doit développer localement sa capacité de recherche. Nous l'avons montré en leur donnant un encouragement de départ. Certaines provinces, dont M. Shugart a parlé, ne se sont pas autant développées, notamment l'Île-du-Prince-Édouard et le Nouveau-Brunswick. Nous avons proposé une initiative de partenariat régional pour qu'elles profitent davantage de l'occasion. Elles lui ont fait un très bon accueil.

Dans le cas de l'île-du-Prince-Édouard, le président était ravi de cet investissement. Nous avons maintenant des initiatives de ce genre en Saskatchewan, au Manitoba, au Nouveau-Brunswick, en Nouvelle-écosse et à l'île-du-Prince-Édouard. Elles nous aideront à faire croître la capacité de recherche. Dans le cas de la Saskatchewan, la réaction initiale a fait doubler l'investissement en recherche par l'intermédiaire du Conseil de recherches médicales. Avec l'ICRS, sans aucun doute, l'effet sera encore plus marqué.

Mme Halliwell: Il y avait un autre sujet de consultation auprès des provinces: la création d'instituts. Plusieurs lettres ont été adressées au sous-ministre de la Santé et de l'Éducation de chaque des provinces et des territoires pour s'assurer qu'ils sachent bien qu'ils pouvaient nous présenter leurs points de vue et de participer au processus.

Nous avons reçu d'assez bonnes réponses de la moitié des provinces environ.

Le sénateur Callbeck: J'ai une question au sujet des centres d'excellence. Comment s'insèrent-ils dans ce projet et quel sera le rôle des ICRS?

M. Friesen: Le réseau des Centres d'excellence est un programme ayant le mandat précis de créer des liens scientifiques afin de produire des découvertes dans un but lucratif. La taille et la portée de ce réseau est bien modeste en comparaison de celles d'un institut. Je crois que les réseaux pourraient faire partie des portefeuilles des ICSR. Par exemple, s'il y avait un institut de génétique, le réseau des centres d'excellence s'insérerait très bien dans sa structure et l'appuierait. D'ailleurs, j'ai pu constater que ces réseaux avaient déjà permis de faire naître des vocations de leadership. Ces talents pourraient être intégrés dans la structure d'un institut.

Les Centres d'excellence font partie du paysage canadien. Ils ont des mandats très précis et compléteront bien les instituts.

[Français]

Le sénateur Gill: J'aimerais connaître la représentation à laquelle on a songé et savoir si cela est couvert par le projet de loi, et ce, pas uniquement concernant des disciplines scientifiques ou des provinces, mais surtout en ce qui a trait à la représentation des groupes sociaux. Vous avez parlé des femmes et des autochtones dans les différentes disciplines, mais y a-t-il quelque chose de prévu pour s'assurer d'une représentation adéquate?

[Traduction]

M. Friesen: Dans le projet de loi, on parle de la nomination d'hommes et de femmes qui représentent toute la diversité des points de vue qui devrait se retrouver dans un institut. Il y a diverses façons de voir la représentativité au sein de la structure des ICRS. Il y a tout d'abord le conseil d'administration. Ces nominations se feront dans le cadre de la procédure de nomination du conseil d'administration.

Il est intéressant de voir ce qui s'est produit à la première étape de la création des ICRS, dans le cadre de la procédure de nomination qui a reçu l'appui du gouvernement. Son ouverture est sans précédent. Il y a eu un appel d'offres, avec des publicités demandant des candidatures pour le poste de président et de membres du conseil d'administration. Ensuite, le gouvernement a constitué des comités de sélection composés de gens présentant divers points de vue. On y trouvait des présidents d'universités et des sommités étrangères. Ils ont examiné les candidatures au poste de président et conseillé le cabinet du premier ministre en ramenant la liste à une longueur plus raisonnable, mais dont tous les membres, selon le comité de sélection auraient été dignes de diriger l'ICRS.

Dans le cas du conseil d'administration, plus de 400 éminents Canadiens issus de tous les secteurs, ont été proposés. Un comité de sélection a été créé pour raccourcir cette liste. On a confié cette tâche au comité de sélection pour qu'il veille à ce que les objectifs de l'ICRS soient bien représentés par la diversité des points de vue que feraient valoir les candidats susceptibles d'être proposés ou recommandés pour siéger au conseil d'administration. On a ainsi tenu compte des provinces d'origine, de l'équilibre entre les sexes, des exigences linguistiques -- tous les facteurs habituels au Canada.

Il y a aussi une toute nouvelle forme de représentation qu'il faut bien connaître, les conseils consultatifs. Par exemple, s'il y avait 10 instituts, chacun doté d'un conseil consultatif de huit ou dix membres, ce serait une excellente façon de représenter l'ensemble des associés qui font partie intégrante des IRSC. Ces associés feraient partie du mandat des instituts.

Par exemple, s'il y avait un institut chargé des hormones, du diabète et de l'alimentation, je ne conçois pas que les personnes atteintes par la maladie ne soient pas représentées au conseil, soit par l'intermédiaire d'une Fondation du diabète soit par l'Association canadienne du diabète.

Dans le cas des partenariats, je vais inviter M. Glynn à vous en dire davantage au sujet de la représentation.

M. Glynn: Une des choses sur lesquelles j'ai insisté, c'est la possibilité d'un partenariat avec diverses associations, les gouvernementaux provinciaux, les organismes de bienfaisance dans le domaine de la santé ainsi que les associations nationales de bénévoles pour atteindre des objectifs communs. Une association comme un organisme de bienfaisance de la santé pourrait s'associer au IRSC dans un domaine qui la touche particulièrement. Le partenariat auquel je pense ici n'est pas forcément financier. Je parle d'un partenariat d'idées, d'influence, d'implication de la recherche dans la pratique, et cetera.

Cela me semble particulièrement important, comme Mme Halliwell l'a dit, lorsqu'il est question des déterminants sociaux de la santé par opposition aux sciences biologiques. Il y a beaucoup de collectivités, la collectivité autochtone en est une importante, où le partenariat peut créer des liens permettant d'appliquer les résultats de la recherche et d'en tirer des enseignements.

[Français]

Le sénateur Gill: Il y a des médecins, des infirmières, des psychiatres et des psychologues, mais prévoyez-vous une représentation autochtone dans certains instituts?

[Traduction]

M. Friesen: Mme Halliwell a parlé de la question de la santé des autochtones et dit que cela a beaucoup d'importance pour le pays et l'ensemble des citoyens. Je ne peux pas concevoir que l'un ou l'autre des mécanismes esquissés par Mme Halliwell n'arriverait pas à faire participer les membres de la collectivité autochtone, notamment pour l'établissement des priorités, l'application et les possibilités de recherche. Après tout, ce sont peut-être les chercheurs en santé autochtone qui connaissent le mieux les préoccupations de leurs collectivités.

La santé des autochtones est un élément essentiel que le gouvernement voudrait voir étudier. Un conseil d'administration éclairé le reconnaîtra et cherchera à le traduire dans les faits le plus tôt que possible au niveau le plus élevé qui soit. Pour moi, cela suppose un partenariat avec des membres de la collectivité autochtone et la représentation de ses membres.

Le sénateur Cohen: Madame Knoppers, vous avez parlé du paragraphe 4e) où il est question de l'exécution de projets de recherche qui satisfont aux normes internationales les plus élevées en matière d'excellence et d'éthique scientifiques.

Y a-t-il actuellement des normes internationales qui soient acceptées?

Mme Knoppers: Oui. Comme vous le savez sans doute, c'est parce que c'est maintenant entré dans la culture du Code de Nuremberg, qui était davantage une réaction contre les abus qu'un code de normes d'éthique. Cela a été suivi par la Déclaration d'Helsinki en 1964, qui a été modifié depuis. Depuis lors, l'UNESCO, l'OMS, le Conseil de l'Europe et la Communauté européenne ont élaboré diverses normes pour divers types de recherche, comme la biomédecine, l'épidémiologie, la génomique, la pédiatrie et le domaine plus controversé de la génésique. Ils sont très actifs et font entendre leurs voix dans ces initiatives internationales. Le Canada n'a pas été aussi productif ou visible. Nous espérons que les IRSC nous le permettront.

Le sénateur Cohen: Les changements sont immenses et il est parfois difficile de comprendre l'ampleur des questions. Votre enthousiasme est contagieux.

Le président: Voulez-vous dire qu'il y a une série internationale de normes en matière de génésique?

Mme Knoppers: Non.

Le président: Vous n'avez pas parlé du clonage. Y a-t-il une série de normes pour cet acte?

Mme Knoppers: Il y a diverses initiatives nationales. L'article 18 de la Convention européenne de 1997 sur la biomédecine affirme expressément que la recherche sur l'embryon doit être limité en fonction des lois de chaque pays parce qu'il avait été impossible de dégager un consensus avec l'Allemagne et le Royaume-Uni.

En outre, la Déclaration universelle des droits de l'homme et du génome humain stipule à l'article 24 stipule que le clonage est une des activités jugées contraires à la dignité humaine. Il s'agit d'une déclaration et non d'une interdiction.

Le président: J'imagine qu'il y aura un jour une loi concernant la génésique.

Le sénateur Robertson: La question des normes sera-t-elle abordée et de quelle manière? Allez-vous élaborer des normes d'excellence? Allez-vous envisager certaines normes internationales? Qui sera chargé de l'élaboration de ces normes d'excellence pour toutes les phases de la recherche et comment cela se fera-t-il?

Mme Knoppers: Je vais commencer par la question de l'éthique. Une façon de s'assurer que nous ne devenons pas insulaires ou trop à l'aise avec la question nous-mêmes comme universitaires et chercheurs qui travaillons en partenariat avec les collectivités et les divers groupes d'intérêt, c'est l'examen critique par des confrères. Les projets, propositions, plans d'instituts, et cetera, sont soumis à l'examen de spécialistes de l'extérieur. Souvent ces experts ont un point de vue différent, proviennent d'une culture autre ou d'une autre discipline et apportent donc un éclairage nouveau aux évaluations. C'est un processus enrichissant parce que vous ne savez jamais à quelle hauteur la barre sera placée. Le continent européen est extrêmement riche en traditions philosophiques et éthiques, beaucoup plus que l'Amérique du Nord. Cela ne signifie pas que nous ne sommes pas au courant, mais nous n'avons pas les mêmes traditions éthiques et philosophiques dans notre culture. C'est la raison pour laquelle le moment est si opportun.

M. Friesen: La règle d'or pour juger l'excellence, c'est l'examen critique par des confrères et ce processus est utilisé à l'échelle internationale. C'est un effort incessant vers la perfection, mais c'est aussi une activité humaine. Par conséquent, elle est à l'occasion parsemée d'échecs et de manquements. Néanmoins, c'est la formule employée.

Pour veiller à ce que les critères internationaux d'excellence correspondant à l'examen confraternel critique soient respectés, il faut disposer d'une riche mine de talents chez ces confrères. Actuellement, dans tous les conseils subventionnaires, les mécanismes, même s'ils ne sont pas identiques, se ressemblent beaucoup. Dans le secteur de la recherche médico-sanitaire, nous demandons aux confrères de tous les grands pays de participer à l'examen critique, soit par écrit soit parfois en personne. La vérité, c'est qu'il y a beaucoup plus de bonnes idées que ne peut en financer un organisme, même avec les fonds supplémentaires que l'on envisage d'accorder aux IRSC. Un bon exemple est la réaction au programme provisoire dont j'ai parlé. Nous avons reçu 180 propositions et j'imagine que nous aurons du mal à en financer 20. Pour déterminer lesquelles sont les plus productives et les meilleures, un processus rigoureux d'examen critique par des confrères désignera les meilleurs possibilités et le plus haut degré d'excellence.

Le sénateur Robertson: Cela va-t-il aussi englober le secteur de la recherche médico-sanitaire commerciale? Y aura-t-il un lien entre le commerce ou cela se fera-t-il tout seul? Lorsque vous recevez un produit, par exemple, comment allez-vous en faire la commercialisation?

M. Glynn: Tout d'abord, nous n'envisageons pas que les IRSC détiennent une propriété intellectuelle. Les universités ont des politiques en la matière. Toutefois, les IRSC peuvent encourager les contacts et les transferts de technologie. Certaines universités ont d'excellents programmes de transferts technologiques et, dans notre rapport sur la commercialisation, il est question de renforcer ces opérations et la capacité des chercheurs de comprendre la façon de mettre en pratique leurs idées lumineuses. Il y a aussi de nombreux bons programmes comme le programme partenariat-technologie du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada, qui est un exemple de partenariat qui permet de faire passer une idée à l'étape suivante. Un autre bon exemple est le Fonds de découvertes médicales canadiennes, en partenariat avec le CRM, qui permet d'obtenir des fonds du secteur privé et du capital risque pour la commercialisation de ces idées.

Le sénateur Roche: En ce qui concerne les normes internationales, je pense tout à fait comme vous qu'il serait bon que la Dre Knoppers revienne séparément pour discuter de la question éthique pour le long terme.

Je sais que les normes acceptées à l'échelle internationale sont le parapluie qui permet de faire beaucoup de ce qui est énuméré au paragraphe 4.

Je crois savoir que ces normes acceptées internationalement sont les normes qui régissent la façon dont la recherche s'effectue, par opposition aux règles éthiques sur les questions qui ont fait l'objet de recherches. C'est bien ça?

Mme Knoppers: La plupart des lignes directrices, normes, règles et déclarations internationales, à moins qu'elles soient de nature juridique, sont rédigées sous forme de principes parce qu'elles sont censées guider les législateurs nationaux dans l'expression de ces principes dans leur pays. Ces déclarations et conventions sont donc au niveau des objectifs, fixent l'objet, le secteur d'activité où les priorités doivent être fixées, comme la solidarité et la collaboration entre les pays, le respect de la dignité et de la diversité, et cetera.

Si les membres qui font partie de ces divers organes internationaux, ou même des observateurs, comme c'est le cas du Canada à l'occasion, les respectent, alors la législation nationale de ces pays européens qui signent et ratifient doit être conforme aux principes.

Toutefois, l'autre catégorie de directives ou lignes directrices internationales est davantage axée sur le processus sous forme de recherche épidémiologique ou d'essais cliniques. Il y a des directives internationales extrêmement détaillées, les essais d'harmonisation cliniques internationale, pour les essais cliniques qui nous permettent de faire des essais en France, en Allemagne, au Canada et aux États-Unis, qui suivent tous les mêmes règles, dont vous venez de parler, mais ces règles de fonctionnement sont guidées par des principes communs. Cela se fait de pair.

Le sénateur Roche: Je pense le comprendre. En ce qui concerne ce qui va être fait dans la réalité, en vertu de l'alinéa 4e), il y a une vaste gamme de travaux de recherche. J'aimerais me concentrer pour un instant sur ce qu'on pourrait appeler les questions de vie. Comment cette recherche sera-t-elle effectuée par les instituts de recherche en santé du Canada? Au niveau auquel nous fonctionnons au Canada, en fonction de quels critères cet organisme déterminera-t-il les aspects éthiques des questions de vie?

Mme Knoppers: Ce sera déterminé à deux niveaux. D'abord, les universitaires canadiens de tout le pays, en particulier dans les sciences sociales et humaines -- théologie, analyse des systèmes de soins de santé, économie -- avanceront leur propre position. Il y a des connaissances partout au pays. Il n'est pas nécessaire d'être dans un institut de bioéthique ou même dans un cadre de recherche pour participer à l'élaboration de points d'éthique de la conception jusqu'à la mort, y compris un grand nombre des questions reliées à l'écosystème, l'environnement et les services de santé énumérées à l'alinéa 4e). Les talents sont les chercheurs de la base, et c'est de là que provient d'ordinaire l'originalité.

Parallèlement, nous voulons une approche systémique aux IRSC, une infrastructure pour guider nos chercheurs, pour que ceux dont les propositions répondent aux normes d'excellence soient liés par les mêmes politiques et procédures d'éthique.

De plus, nous voulons encourager la recherche autonome en éthique, pas seulement dans les éthiques de service. Je n'aime pas cette expression parce que travailler avec des collègues dans divers domaines et disciplines ce n'est pas seulement un service; c'est travailler ensemble de façon intégrée.

Le sénateur Roche: Est-ce que cela fera partie du mandat des IRSC de se prononcer sur l'éthique de certaines questions comme les bébés éprouvettes, les soins palliatifs, l'avortement, le moment de la conception? Ces questions sont très d'actualité au pays. Je dirais que beaucoup de Canadiens aimeraient entendre des avis sur l'aspect moral de ces questions.

Mme Knoppers: Une des structures que nous avons proposées est un comité consultatif, en plus des politiques et procédures d'éthique, pour passer en revue ces questions très importantes qui préoccupent les Canadiens. En l'absence d'un comité national d'éthique, nous avons jugé opportun de créer une structure qui examinerait les questions éthiques et philosophiques plus larges que vous avez mentionnées.

Je pense qu'un comité comme celui-là aurait une vocation consultative. Le gouvernement pourrait lui soumettre les questions qu'il souhaite voir examiner. Ce sont des questions compliquées et tout à fait d'actualité. Toutefois, elles sont reliées à des valeurs auxquelles la population est très attachée.

Le sénateur Roche: Envisagez-vous que les IRSC donnent des conseils sur l'éthique des questions de vie?

Mme Knoppers: Oui.

Le sénateur Roche: Je ne suis pas certain que cela me satisfasse, mais je suis sans doute à cours de temps. J'aimerais en savoir davantage, monsieur le président, à propos de l'identité de ceux qui vont exprimer ces avis.

Le président: Le jour où nous aurons un institut qui s'occupera de ces questions, je serai heureux de réinviter les témoins, comme je le disais.

M. Friesen: Mme Knoppers n'a pas précisé que trois conseils ont déjà créé au Canada un précédent mondial: l'Énoncé de politique des trois conseils: éthique de la recherche avec des êtres humains. Cela englobe toute la recherche, quel que soit le domaine dans lequel elle se fait. Sur le plan opérationnel, c'est le cadre de l'éthique qui régit les travaux de recherche.

L'instance qui statue sur le respect de ces énoncés d'éthique dans le cadre d'orientation sont les comités d'éthique pour la recherche de chaque établissement, comme l'hôpital de Kingston, celui de Queen's ou n'importe quel autre. Chaque projet de recherche doit être passé au crible par ces comités dont la composition est définie dans l'énoncé de politique. C'est le mécanisme de protection éthique qu'adopteront les IRSC. De plus, comme Mme Knoppers l'a dit, les travaux relatifs aux importantes questions que vous avez soulevées pourraient être entrepris sous les auspices des IRSC.

Le sénateur Fairbairn: Les questions sur lesquelles je voulais avoir votre avis sont reliées à ce que vous avez dit à propos de l'éthique et de la commercialisation. Dans vos réponses, madame Knoppers, vous avez jeté de la lumière sur la question de l'éthique.

Ma question porte sur ce point et peut-être sur d'autres également. Quels mécanismes de communication y aura-t-il? Je sens votre fébrilité et je la comprends. J'espère que cet enthousiasme et une meilleure connaissance du sujet gagneront nos citoyens par l'intermédiaire des scientifiques.

Ma collègue, le sénateur Cohen, a dit ne pas se sentir suffisamment préparée ne serait-ce que pour discuter de ces questions qui assaillent les législateurs. Nous n'avons pas non plus les compétences pour donner des avis, des réponses ou même bien comprendre la question nous-mêmes.

Dans tout ce domaine, surtout en biotechnologie et en génonique, nous sommes, comme vous l'avez dit, assaillis tous les jours dans les médias par des réactions en sens divers. Que pouvons-nous faire pour que les Canadiens comprennent mieux ces questions et fassent ainsi contrepoids à ces réactions de gens mal renseignés?

Cela touche la santé de l'humain et aussi celle des animaux, ainsi que le développement et la commercialisation de divers produits. Dernièrement, au comité sénatorial de l'agriculture, nous avons passé plusieurs mois fort intéressants à étudier la question de l'hormone de croissance bovine qui a suscité énormément de controverse par la faute de la population. Les gens ne comprenaient pas. Comme cela touchait le lait, les gens ont mal réagi plutôt que d'essayer de comprendre.

J'aimerais connaître votre stratégie de communication, parce que le travail magnifique que vous faites doit finir par être compris par la population.

Mme Knoppers: Pour nous, le bureau d'éthique -- je parle du conseil d'administration provisoire lorsque je dis «nous» -- fournira enfin aux Canadiens un centre de référence pour la dissémination et la communication de l'information et permettra d'aborder pragmatiquement le travail qui se fait déjà au pays, à l'étranger et dans certains organismes internationaux. Quand les gens nous demandent ce qui se passe, les idées des autres pays et ce qui se passe au Canada, nous pourrons nous adresser à cet endroit pour obtenir des renseignements afin de faciliter les discussions sur ces questions.

Je voudrais aussi revenir sur l'énoncé de politique des trois conseils. Au cas où vous croiriez qu'à mon avis le Canada a du retard sur le plan de l'éthique, je vous dirai que cet énoncé de politique sert de filtre éthique, scientifique et social pour les travaux de recherche autorisés par les comités d'éthique pour la recherche qui s'en servent pour examiner les protocoles.

C'est une première mondiale, mais pas parce qu'il s'agit de lignes directrices en matière d'éthique; il y en a beaucoup de ce genre. C'est un précédent mondial parce qu'il tient compte de toutes les disciplines où il se fait de la recherche sur la personne humaine. Par le passé, le chercheur serait envoyé à un comité chargé de la psychologie sociale, puis à un autre sur le génie, et ainsi de suite. Or, ces lignes directrices s'appliquent à tous les travaux sur les humains, que ce soit en musique, en gymnastique ou en biomédecine. C'est unique en son genre.

Tout est axé sur la personne. Les représentants des disciplines doivent s'associer et mettre en commun leurs filtres éthiques. En ce sens, le Canada n'est pas du tout à la remorque. Pour les questions les plus importantes, il faut qu'un organisme comme les IRSC recueillent une partie de l'information. Il y a le comité consultatif national de la biotechnologie et le Conseil canadien de la protection des animaux. Dans mon exposé liminaire, j'ai parlé du Conseil national de la recherche chez les sujets humains. Tous ces groupes travaillent ensemble pour que l'information et les politiques soient d'actualité.

Le président: Il nous faudra consacrer beaucoup de temps à la question de l'éthique dans les autres séances consacrées aux soins de santé.

Je vais terminer par trois brèves questions.

Dans votre réponse au sénateur Gill, monsieur Friesen, je crois vous avoir entendu parler des problèmes particuliers des autochtones. Dans son exposé, Mme Halliwell a elle aussi évoqué les problèmes particuliers de ceux qui, si je me souviens bien de ses mots, vivent dans des régions rurales et éloignées. Pourriez-vous nous en dire davantage sur ce sujet? J'imagine que le problème de santé pourrait survenir n'importe où. La question est de savoir comment offrir le service dans ces régions. Est-ce à cela que vous pensez?

Mme Halliwell: Le sous-comité s'est débattu avec les problèmes qui frappent les groupes qui, pour une raison ou pour une autre, sont marginalisés au Canada. Cette marginalisation peut avoir des conséquences très différentes sur l'état de santé et la prestation des soins. En région rurale, on peut examiner non seulement la prestation des soins mais aussi l'état de santé.

Le problème de l'accès est évidemment un des plus importants. Lors des débats en sous-comités, on a dit que c'est un secteur où le Canada pourrait devenir un chef de file mondial. Nous occupons une place particulière vu notre géographie, notre population autochtone, la santé en région rurale -- la télémédecine est un bon exemple de ce qu'on pourrait examiner -- pour les communautés multiculturelles et leur état de santé.

Le président: J'ai deux autres questions pour M. Friesen. Tout d'abord, je n'essaie pas de vous mettre sur la sellette quant à la nature des instituts; ne considérez donc pas ce que vous allez dire comme une annonce. Pourriez-vous toutefois me donner trois ou quatre exemples du nom ou du domaine d'activité de ces instituts?

M. Friesen: Laissez-moi élargir la portée de votre question. Le conseil d'administration provisoire était d'avis que la vocation d'un institut devait être perçu comme approprié et raisonnable pour les citoyens, en conformité avec ce qu'ils savent des besoins et de la situation en matière de santé. J'ai toujours dit qu'il serait renversant pour la population s'il n'y avait pas un institut consacré à la lutte contre le cancer, à la cardiologie ou à un des grands problèmes de santé ou de développement du jeune enfant.

Vu en particulier l'inquiétude des Canadiens pour leur système de santé, il devrait y avoir un institut qui se penche sur la question de façon éclairée. De fait, un institut adaptable pourrait saisir l'occasion pour devenir l'instrument grâce auquel les citoyens viendraient jeter un défi au comité de recherche.

Ce devrait être un défi lancé aux meilleurs cerveaux du pays pour qu'ils se demandent quelles idées novatrices pourraient être exploitées par la recherche pour aider les Canadiens à comprendre que leur système de santé peut être amélioré. Ce sont toutes les questions concernant les services de santé à la population ainsi que des problèmes reliés à des maladies particulières qui inquiètent énormément les Canadiens. Voilà le genre de questions qui devraient se retrouver dans la structure d'un institut.

Le président: J'ai une dernière question à vous poser et je vais un peu me faire l'avocat du diable. Ancien universitaire moi-même, mes travaux ont à plusieurs reprises fait l'objet de l'examen critique de mes confrères. Il y a une chose qui m'a toujours ennuyé: la difficulté de faire accepter des idées différentes et nouvelles. L'exemple que je donne toujours est que si le projet de recherche de celui qui a le premier avancé que la terre était ronde avait été soumis à l'examen de ses confrères, le projet n'aurait jamais abouti. C'est une blague, bien sûr, mais j'ai toujours été troublé par le fait que ce genre d'examen sonne le glas des idées non orthodoxes. Qu'en pensez-vous?

M. Friesen: C'est tout à fait vrai, et l'histoire des sciences regorge d'exemples de ce genre. Beaucoup de lauréats du prix Nobel ont commencé leur discours d'acceptation en rappelant qu'ils avaient été rejetés par leurs confrères ou par un comité de lecture.

Le président: Je soulève la question parce que vous avez fait l'éloge de ce mécanisme.

M. Friesen: C'est comme la démocratie: c'est imparfait mais c'est le meilleur système que nous ayons.

Le président: Je vais maintenant inviter le prochain groupe de témoins à s'installer à la table. Nous recevons Mme Sholzberg-Gray, présidente et PDG de l'Association canadienne de soins de santé. Nous accueillons à nouveau la Dre Mary Ellen Jeans, présidente de l'Association des infirmières et infirmiers du Canada ainsi que M. Charles Pitts, directeur administratif de la Coalition pour la recherche biomédicale et en santé.

Nous saluons le fait qu'hier, la Chambre des communes a adopté le projet de loi C-6 avec l'amendement que le comité a proposé et conçu en très grande partie grâce à vous. Nous vous en sommes très reconnaissants.

Mme Sharon Sholzberg-Gray, présidente et PDG, Association canadienne de soins de santé: Mesdames et messieurs les sénateurs, je vous remercie beaucoup de m'avoir permis de comparaître devant vous au sujet du projet de loi C-13. Comme vous le savez, il y a un lien direct entre le C-6 et le C-13. Si vous n'aviez pas modifié le C-6, il est tout à fait possible que le travail que sont appelés à faire les IRSC ne pourrait pas être entrepris. Il va sans dire que l'information en matière de santé est très importante à cet égard.

Quoi qu'il en soit, j'ignore s'il y a lieu pour moi de vous présenter à nouveau l'Association canadienne des soins de santé. Je vous dirai brièvement que l'ACS est la fédération des organisations de santé et hospitalières provinciales et territoriales qui s'est engagée à préserver et à renforcer le système de santé du Canada. Par l'intermédiaire de ses membres, l'ACS représente un vaste éventail de services de santé et d'établissements de soins. Tous nos membres profitent de la recherche en santé, y compris de la recherche biomédicale, de la recherche clinique appliquée, de la recherche sur les systèmes de santé et de la recherche sur la santé de la population.

Dans l'ensemble, l'ACS est tout à fait en faveur de l'établissement des instituts canadiens de recherche en santé conformément au projet de loi C-13. Cette loi constitue une assise importante pour la nécessaire transformation de la recherche en santé au Canada. Bien que l'ACS appuie dans l'ensemble l'objet du projet de loi C-13, nous avons relevé certains sujets d'inquiétude.

Nous avons fait part de ces questions au comité permanent de la santé de la Chambre des communes le 2 décembre 1999. Même si des amendements ont été apportés au texte, ils ne répondent pas aux réserves de l'ACS. Pour être honnête, j'hésite un peu à me présenter à nouveau devant un comité sénatorial pour présenter des amendements; je suis toutefois convaincue qu'il s'agit de suggestions importantes. Elles ont trait aux structures de gouvernance et de gestion proposées pour les IRSC, à la commercialisation de la recherche sur la santé au Canada et à la nécessité de la transparence et de la reddition de comptes.

Je parlerai d'abord de la structure de gestion et de gouvernance proposée. Comme le stipule le texte, le président des ICRS préside le conseil d'administration; la même personne s'acquitte des deux rôles. Cela va à l'encontre d'un grand nombre de modèles de gouvernance et de gestion qui insistent sur la transparence et la reddition de comptes. L'ACS recommande que le libellé de la loi soit modifié du manière à indiquer qu'immédiatement ou à la suite du mandat initial de cinq ans, les deux fonctions soient assumées par des personnes différentes.

Relativement à la durée du mandat du président, l'ACS est d'accord pour que le président puisse être nommé de nouveau après un mandat initial de cinq ans, afin de permettre la continuité et la stabilité, mais l'association croit qu'après un mandat de 10 ans, il serait avantageux qu'une autre personne dirige l'organisme. Par conséquent, l'ACS recommande que le président soit nommé pour un maximum de deux mandats consécutifs de cinq ans.

D'après les critères de nomination au conseil d'administration, les hommes et les femmes représentent les divers milieux des disciplines visées. L'ACS recommande que ces critères soient plus précis et qu'on y inclue la représentation proportionnelle des divers domaines de la recherche sur la santé, que je ne vais pas énumérer ici. Ainsi, les décisions et les activités des ICRS tiendront compte d'une vaste gamme de besoins, d'enjeux et de perspectives. En outre, l'ACS recommande que soit représenté le consommateur ou le public au sein du conseil d'administration et d'autres organes décisionnels ou d'établissement des priorités des ICRS.

Relativement à la question de commercialisation de la recherche sur la santé au Canada, l'ACS reconnaît les avantages importants que rend possible la commercialisation de la recherche sur la santé au Canada à l'échelle nationale et mondiale, autant pour le secteur privé que pour le secteur public. Toutefois, nous croyons fermement qu'une mise en garde est nécessaire à l'alinéa 4i) pour souligner que les partenariats privés-publics dans le domaine de la recherche reliés à la santé des Canadiens et la structure et la gestion de notre système de santé doivent en bout de ligne servir l'intérêt public et qu'ils ne doivent pas compromettre l'objectivité de la recherche, la prestation de traitements et de soins appropriés ni l'élaboration des politiques gouvernementales nécessaires. L'ACS recommande qu'un libellé soit ajouté au projet de loi pour reconnaître l'esprit de cette mise en garde.

Relativement à la nécessité de transparence et de reddition de comptes, l'ACS voit d'un bon oeil l'exigence de la présentation d'un rapport public annuel par les ICRS et de l'examen quinquennal du mandat et du rendement des divers instituts de recherche sur la santé. Pour insister davantage sur la transparence et la reddition de comptes, l'ACS recommande que le projet de loi C-13 exige un suivi parlementaire tous les cinq ans. Compte tenu de ce qui est en jeu relativement à l'innovation, à la concurrence à l'échelle mondiale, à la santé des Canadiens, à l'efficacité du système de santé et aux sommes d'argent qui seront investies, il semble qu'un suivi parlementaire soit nécessaire et justifié.

En conclusion, l'ACS est prudemment optimiste relativement à l'établissement des ICRS. Cette mise en garde est fondée sur la notion que la recherche biomédicale et clinique, si importante soit-elle, continuera d'éclipser d'autres secteurs vitaux de la recherche sur la santé au Canada, et notamment les recherches sur les systèmes de santé et sur la santé de la population. L'ACS et ses membres seront heureux de travailler avec d'autres parties prenantes pour mettre en oeuvre et appuyer les instituts canadiens de recherche en santé. Notre association, de concert avec les autres participants à un partenariat appelé le Réseau pour l'avancement de la recherche sur les services de santé, utilisera le cadre d'évaluation élaboré par ce réseau pour s'assurer que les ICRS atteignent les objectifs visés.

Nous avons remis au greffier des copies de ce cadre. Nous vous remercions de nous avoir invités à comparaître aujourd'hui.

Mme Mary Ellen Jeans, présidente, Association des infirmières et infirmiers du Canada: Je suis heureuse de comparaître aujourd'hui pour présenter les opinions de l'Association des infirmières et infirmiers du Canada. Nous sommes une fédération d'associations professionnelles et d'organismes de réglementation provinciaux dans le domaine des soins infirmiers, qui représente plus de 110 000 infirmières et infirmiers au Canada. Nous avons également une trentaine de membres associés et affiliés qui représentent diverses spécialités dans le domaine des soins infirmiers, et notamment un groupe national de chercheurs infirmiers.

À l'instar de bien d'autres personnes, j'appuie le principe d'une approche intégrée et pluridisciplinaire pour la recherche sur la santé au Canada. En tant qu'infirmière spécialiste de la recherche, je comprends l'importance énorme que peuvent jouer des recherches de qualité, diffusées sur une large échelle et intégrées dans les pratiques, pour améliorer la santé des Canadiens. Nous sommes également tous conscients de la nécessité d'accroître notre capacité de recherche au Canada. Dans le contexte d'un environnement mondial concurrentiel, il nous faut un système de recherche sur la santé qui soit bien structuré, suffisamment financé et intégré pour attirer et conserver nos cerveaux les plus brillants.

Le projet d'instituts canadiens de recherche sur la santé offre une vision novatrice pour créer une infrastructure nationale efficace de recherche sur la santé. À notre avis, le projet de loi à l'étude fournit le cadre général nécessaire pour concrétiser cette vision.

Nous aimerions faire ressortir plusieurs points et faire quelques recommandations précises qui, à notre avis, renforceront le projet de loi. Tout d'abord, il faut insister sur le fait que l'objectif des ICRS, tel que défini, doit être l'amélioration de la santé des Canadiens. Les instituts devraient être là pour répondre en priorité aux besoins des Canadiens, et non à ceux des chercheurs, même si ces derniers sont de toute évidence importants également. Il faudra donc que les instituts trouvent et maintiennent un juste équilibre entre les services biomédicaux, cliniques et de santé et la santé de la population ou les facteurs déterminants de la recherche sur la santé. Il faut également faire la part des choses entre les besoins immédiats de recueillir des preuves ou d'accumuler des connaissances et la recherche permanente afin d'examiner des questions à long terme. Comme vous le savez, il peut falloir des années avant de trouver un traitement pour une maladie donnée, mais on pourrait résoudre certains problèmes immédiats liés au système des soins de santé dans un délai beaucoup plus court. Il faut trouver ce juste équilibre.

Par le passé, le manque d'équilibre dans l'appui et le financement de la recherche a suscité les plus vives préoccupations au sujet de ce projet. Par exemple, même si les infirmières et infirmiers comptent pour 75 p. 100 des professionnels de la santé, la recherche sur les soins infirmiers a par le passé reçu moins de 1 p. 100 de tous les fonds alloués à la recherche. Même si le corps infirmier s'est réjoui de la création du Fonds de recherche sur les soins infirmiers, dans le budget fédéral de 1999, ce petit fonds visait à répondre à des besoins très précis en matière de recherche, et surtout ceux liés à des questions comme les ressources humaines dans ce domaine. À notre avis, les ICRS ne sont pas exemptés du financement de la recherche en soins infirmiers, et surtout celle qui se fonde sur des essais cliniques, en raison de l'existence du fonds de recherche sur les soins infirmiers créé l'an dernier. En fait, les chercheurs en soins infirmiers comptent bien être des participants actifs à un programme de recherche plus vaste, pluridisciplinaire et équilibré pour notre pays.

Même si le projet de loi propose cette approche équilibrée, nous estimons qu'il faut mettre sur pied un mécanisme pour s'assurer que ce soit le cas. Quand on va créer un cadre pour les instituts, nous recommandons également que le processus d'examen par les pairs qui servira au choix des recherches sur la santé tienne compte de toute la gamme des méthodes et intérêts divers en matière de recherche.

Nous souhaitons également insister sur le fait qu'il faut favoriser une vaste participation publique aux ICRS. Les Canadiens et les membres des groupes intéressés, en dehors des milieux de chercheurs, peuvent faire un apport précieux à la création et à la conception des programmes de recherche. La population doit participer au processus et à la régie des instituts, et notamment siéger au conseil consultatif qu'il est prévu d'instaurer.

Si l'on veut que ce projet de loi représente vraiment un changement et continue de traduire les attentes des législateurs actuels ainsi que des collectivités en cause, il faut absolument s'attaquer à la question de la reddition de comptes. À notre avis, les critères de sélection des instituts proposés, aux fins d'évaluation et de contrôle, devraient être énoncés clairement. Nous vous invitons à prévoir un processus d'examen parlementaire pour garantir une véritable obligation de rendre des comptes aux Canadiens, comme l'a déjà recommandé ma collègue Mme Sholzberg-Gray.

En conclusion, les infirmiers et infirmières du Canada voient cette initiative d'un bon oeil. Le projet de loi dont le comité est saisi marque un tournant vraiment historique dans l'évolution de la recherche sur la santé au Canada. Les Instituts canadiens de recherche sur la santé auront une énorme incidence sur la qualité de vie des Canadiens. Le gouvernement va nommer sous peu le premier conseil d'administration de cet important organe. Nous estimons que les dirigeants, le président et le conseil d'administration des ICRS doivent refléter cette vision plus générale et mieux équilibrée de la recherche sur la santé. Les chefs de file dans le domaine des soins infirmiers peuvent apporter aux ICRS un point de vue d'un intérêt précieux. La recherche sur les soins infirmiers a contribué de manière inestimable à la qualité de vie des Canadiens et les chercheurs dans ce domaine sont bien placés pour nous engager dans une nouvelle ère de la recherche sur la santé au Canada. Nous nous réjouissons de participer à ce changement.

[Français]

M. Charles Pitts, directeur exécutif, Coalition pour la recherche biomédicale et en santé: Monsieur le président, en mon nom personnel et en celui du Dr Barry McLennan, qui n'a pas pu assister aujourd'hui à cette séance, je tiens à vous remercier d'avoir invité la Coalition pour la recherche biomédicale et en santé à comparaître devant votre comité.

[Traduction]

Notre coalition est une société sans but lucratif qui représente 16 facultés de médecine, quatre écoles de médecine vétérinaire, des chercheurs cliniques, des médecins universitaires par le biais de l'Association des facultés de médecine du Canada, la Confédération des facultés d'agriculture et de médecine vétérinaire du Canada, des médecins spécialistes, des médecins de famille, des laboratoires de recherche pharmaceutique de la Fondation pour la recherche en sciences de la santé et le secteur bénévole, par la présence d'office de représentants des Canadiens pour la recherche en santé. En leur nom, je vous remercie de nous avoir invités à comparaître aujourd'hui. Encore une fois, le docteur Barry McLennan vous demande d'excuser son absence.

Grâce à la création des Instituts canadiens de recherche en santé, le Canada va entreprendre une aventure passionnante. En fait, la création des instituts constitue à notre avis un élément clé de la stratégie fédérale visant à faire en sorte que le Canada se porte et reste à l'avant-garde de l'économie axée sur les connaissances.

À notre avis, les Instituts de recherches en santé jouissent de l'appui enthousiaste d'un grand nombre de partenaires dans les milieux canadiens de la recherche sur la santé. Les gens souhaitent que ce projet de loi soit adopté rapidement pour permettre aux instituts de commencer leurs activités au plus tôt. Rappelant l'intérêt général du principe des instituts, le journaliste spécialiste de la santé publique du Globe and Mail, André Picard, a intitulé son article du 22 mars sur la création des Instituts canadiens de recherche en santé pour remplacer le Conseil de recherches médicales du Canada: «No tears at the wake for the research council» (Personne ne pleure la disparition du Conseil de recherches). Cet article est paru après une discussion avec un grand nombre de chercheurs canadiens. Je peux vous dire d'après nos contacts avec les chercheurs dans le domaine social et biomédical de tout le pays que cette initiative est accueillie avec beaucoup d'enthousiasme et va sans doute susciter des relations de collaboration plus harmonieuses.

J'aimerais faire un peu plus tard une seule recommandation au comité. Le Dr Barry McLennan a été un membre actif du groupe de travail et du conseil d'administration provisoire lors de l'étape préparatoire des ICRS. Il a pu indiquer à ces deux groupes les opinions de la communauté biomédicale. En tant que représentant de la Coalition pour la recherche biomédicale et en santé, nous souhaitons exprimer nos sincères remerciements au conseil d'administration provisoire des ICRS qui a su transformer la vision d'une nouvelle communauté de recherche en santé au Canada en ce que nous considérons comme une structure très efficace.

Notre coalition est convaincue que le projet de loi portant la création des Instituts de recherche en santé mènera le Canada à l'aube de l'ère la plus passionnante de la recherche en santé de notre histoire, histoire qui a été marquée par certaines importantes découvertes médicales ici, au Canada, et qui nous apportera sans nul doute toute une nouvelle série de percées extraordinaires. De toute évidence, le Canada est sur le point d'adopter une toute nouvelle approche de la recherche en santé qui contribuera à faire reconnaître à l'échelle internationale qu'il est un chef de file en matière d'innovation dans le domaine de la recherche. Cette nouvelle approche exigera de nouveaux investissements publics importants dans la recherche en santé. Cela devrait également favoriser des investissements plus importants de la part des secteurs bénévole, privé et public dans tout le pays.

À notre avis, les instituts de recherche en santé permettront aux chercheurs de travailler de manière plus efficace en partenariat avec le secteur privé. En outre, ces partenariat sont organisés sous les auspices des ICRS pour garantir la protection de l'intérêt public, l'amélioration de la santé des Canadiens et la promotion des systèmes de santé dans notre pays. Les instituts de recherche en santé présenteront à notre avis un autre avantage, dans la mesure où ils permettront la mise en commun des ressources intellectuelles et des synergies entre les divers secteurs de recherche, évitant ainsi les effets de silo sur le plan intellectuel et financier, problème qui est assez courant dans bon nombre d'institutions, dans les domaines de la santé et de l'éducation.

Les instituts proposés créeront des possibilités pour inciter les jeunes chercheurs à se lancer dans la recherche sur la santé grâce à la formation, à des stages et au maillage, tout en soutenant les chercheurs actuels qui poursuivent leur carrière. Les instituts contribueront à faire en sorte que le Canada mette un terme à l'exode des cerveaux en conservant dans notre pays les chercheurs compétents que nous avons formés. Nous constatons déjà des signes encourageants, en partie dus à cette initiative, que les chercheurs canadiens reviennent dans notre pays et que ceux d'autres pays envisagent le Canada comme un pays d'opportunité en innovation.

La création des instituts de recherche en santé sera bénéfique à tous les Canadiens: aux chercheurs déjà établis, aux organismes de financement de la recherche, des secteurs privé, public et bénévole; à la santé humaine et animale, tant dans notre pays que dans le reste du monde, puisque nous partageons notre technologie et notre propriété intellectuelle avec les autres pays; aux contribuables canadiens à court, moyen et long terme et à nos jeunes dont la soif de connaissance et d'expérience sera satisfaite grâce à des possibilités et ressources nouvelles.

En conséquence, notre coalition demande donc à votre comité de recommander à vos éminents collègues du Sénat d'adopter rapidement ce projet de loi.

Le sénateur LeBreton: Nous avons eu de nombreuses réunions avec ces témoins. Je tiens encore une fois à vous remercier, docteure Jeans, Mme Sholzberg-Gray et M. Pitts. Vos exposés précis et clairs nous ont déjà été très utiles lors de l'étude du projet de loi C-6.

En ce qui concerne le conseil d'administration et la question de la représentation proportionnelle, je mets en doute la composition du conseil. J'ai demandé à des témoins avant vous s'ils avaient tenu compte des organismes communautaires ou provinciaux. Après avoir entendu votre témoignage, il semble que le secteur de la recherche en santé ne connaisse aucune frontière. Il ne faudrait peut-être pas établir des critères à l'échelle provinciale mais plutôt, comme vous le dites, en fonction de la représentation proportionnelle des divers secteurs de la recherche en santé. Avez-vous formulé cette recommandation lors de vos consultations avec les responsables de Santé Canada et d'autres groupes? Que pensent-ils de s'en remettre davantage aux experts de ce domaine, au lieu de se préoccuper de la représentation au niveau géographique?

Mme Jeans: Nous avons soumis ce projet au comité de la santé de la Chambre des communes. Nous faisons partie également du réseau pour la promotion de la recherche sur les services de santé. En fait, le conseil d'administration provisoire des ICRS et le secrétariat ont consulté toutes les parties prenantes. Par parties prenantes, je parle de l'ensemble des disciplines qui participent à la recherche sur la santé. Ils ont demandé à ces groupes de recommander d'éventuels candidats pour siéger au conseil d'administration. Cette initiative visait, je pense, à répondre à notre préoccupation constante de maintenir un juste équilibre. Les noms n'ont pas encore été annoncés. Il reste à voir si le conseil sera vraiment équilibré. En tout cas, nous avons été consultés.

Mme Sholzberg-Gray: Dans une lettre adressée à Alan Rock en date du 4 novembre et envoyée par le président de notre réseau de recherche en santé, qui s'intéresse à toute une gamme de travaux de recherche sur la santé et notamment le secteur des recherches biomédicales, cliniques et sur la santé ainsi que la santé des populations, nous avons demandé que certains principes soient respectés. Nous avons dit également qu'à l'avenir, nous utiliserions le cadre d'évaluation que nous avons envoyé. Nous avons présenté des arguments solides à l'appui d'une structure de régie qui se fonde sur la représentation de ces quatre secteurs généraux, de façon à ce que le conseil puisse aborder les questions sous des angles nouveaux grâce à la participation de personnes de l'extérieur. Nous avons parlé des questions comme l'examen par les pairs et la participation au processus de gens qui ne représentent pas seulement un des quatre secteurs, mais l'ensemble de ces derniers. Nous avons fait valoir ces arguments et selon toute vraisemblance, c'est ainsi que les choses vont se passer à l'avenir.

Nous avons dit qu'il serait utile d'intégrer cette orientation dans la loi pour qu'elle soit plus officielle. De toute évidence, il faut tenir compte de nombreuses autres questions pour désigner les membres du conseil d'administration et des comités consultatifs. Notre pays recouvre un vaste territoire et nous ne pouvons pas feindre de l'ignorer. Il faut nous assurer que les différents groupes démographiques participent également au processus. Néanmoins, il faut en même temps penser à ces quatre grandes catégories. Tenir compte de tout cela en même temps sera un défi, mais c'est faisable.

Le sénateur LeBreton: J'appuie votre recommandation selon laquelle il faut renouveler le mandat au bout de cinq ans, et c'est une bonne idée de souhaiter un apport de sang neuf au bout de 10 ans.

Le projet de loi recommande des mandats de trois ans pour les membres du conseil d'administration. Est-ce une durée raisonnable pour les gens qui travaillent dans le secteur de la recherche en santé? Dans des organismes et conseils de ce genre, trois ans suffisent à peine pour se pencher sur des questions aussi complexes et délicates que la recherche en santé. Lorsque le projet de loi était en cours de rédaction, avez-vous entendu parler de l'échelonnement des nominations pour éviter que tous les membres du conseil d'administration ne soient renouvelées exactement trois ans plus tard, sans aucune continuité? L'échelonnement des nominations a du bon, car cela éviterait que tout le monde termine son mandat en même temps. En fait, un mandat de trois ans suffit-il?

Mme Jeans: Pour autant que je sache, même si je n'ai pas le texte devant moi, je dirais que la plupart des conseils échelonnent les mandats. Le CRM et la CRSH fonctionnaient de cette façon aussi.

Un mandat de trois ans est-il suffisant? Les chercheurs actifs hésitent beaucoup à siéger au sein des instances administratives parce que cela les prive de temps qu'ils pourraient consacrer à leurs recherches intellectuelles. Au même moment, l'on veut que certains chercheurs très actifs siègent à ces conseils parce qu'ils voient dans le quotidien les effets des politiques et décisions qui sont arrêtées par ces conseils. Il est difficile de faire participer ces personnes sans leur imposer trop d'obstacles qui pourraient entraver leurs recherches. Mais cela a marché par le passé au CRM, au CRSH, au CRSNG et ailleurs. À mon avis, les IRSC seront également dotés de conseils consultatifs et d'une structure différente qui encourageront la continuité. Je dirais par conséquent qu'un mandat de trois ans est probablement suffisant.

Certaines questions que vous posez illustrent dans une certaine mesure la nécessité, à notre avis, d'une révision au bout de cinq ans. Si la loi n'est pas bien faite, qu'on nous donne à tout le moins la possibilité de la perfectionner.

Le sénateur LeBreton: Pour mémoire seulement, le sénateur Cook note que l'on échelonne les mandats. C'est dans le projet de loi.

Mme Sholzberg-Gray: J'allais seulement ajouter que l'échelonnement sur trois ans figure dans le projet de loi. L'on pourrait avoir deux mandats consécutifs, mais nous ne savons pas si les gens veulent deux mandats consécutifs.

Vous avez bien dit que vous êtes d'accord avec nous pour séparer la présidence du conseil d'administration de la présidence générale. Nous avons examiné divers modèles comme celui de l'Institut canadien d'information sur la santé, où le PDG ne préside pas le conseil d'administration. Un certain nombre d'organismes gouvernementaux sont dotés de la même structure, de telle sorte que le président directeur général rend des comptes à un président et à un conseil au lieu de rendre des comptes à une présidence formée de lui-même et du conseil. Voilà pourquoi nous étions favorables à cette idée. Nous avons pensé que cela favoriserait la reddition de compte et la transparence.

Nous craignons aussi que des membres ne restent trop longtemps, pour ainsi dire. Nous avons pensé que 10 ans dans un poste, c'est très long.

Le sénateur LeBreton: Et elle dit ça à des sénateurs!

Mme Sholzberg-Gray: Je crois que pour un législateur, la sagesse et l'expérience sont très importantes. Cependant, il me semble que si l'on est le PDG d'un groupe de recherche novateur, dix ans, c'est long.

Le sénateur Carstairs: Vous dites que nous ne sommes pas novateurs?

Mme Sholzberg-Gray: Je préfère m'arrêter là.

Le sénateur LeBreton: Nous voyons bien dans quelle mesure votre groupe est distinct du nôtre. Vouliez-vous ajouter quelque chose, monsieur Pitts?

M. Pitts: On essaie en ce moment même de convaincre certains membres de l'ancien conseil d'administration du CRM de prolonger leur mandat. Ce serait une forme d'échelonnement, et je pense que c'est un aspect important qui doit rester.

Le sénateur Fairbairn: Vous accepterez mes excuses à titre de préface à mes questions étant donné que je dois m'en aller après les avoir posées, non pas parce que la question ne m'intéresse pas mais parce que mon conjoint est malade à la maison. J'aimerais que la Dre Jeans m'accompagne pour me donner un coup de main.

La Dre Jeans et Mme Sholzberg-Gray ont toutes deux soulevé la question de la reddition de compte. Je suis tout à fait d'accord avec vous pour dire que, aussi fascinant que soit ce projet, il est également extrêmement important non seulement pour la recherche et la santé mais aussi pour les citoyens. Si l'on veut que cette initiative devienne la réussite que tout le monde souhaite, j'espère qu'à tout le moins, l'on s'engagera publiquement et fermement à tenir un examen parlementaire. Cet examen parlementaire doit faire intervenir non seulement la Chambre des communes mais aussi le Sénat parce que c'est ce que nous avons fait en plusieurs autres occasions. À tout le moins, j'espère que l'on s'engagera publiquement et fermement en ce sens.

On a parlé plus tôt de commercialisation. Dans ce domaine complexe, c'est une question que posent les médias dans divers dossiers. Étant donné qu'on en parle dans les médias, la plupart de ces dossiers sont controversés. Madame Sholzberg-Gray, auriez-vous l'obligeance de profiter de votre présence au comité pour préciser vos préoccupations, quelles qu'elles soient, si vous voulez? Il faut déterminer dans quelle mesure ce nouvel organisme veut pénétrer dans ce domaine très difficile où l'intérêt public s'oppose à la commercialisation et la perception.

Mme Sholzberg-Gray: Tout d'abord, j'attire votre attention sur la disposition 4(i), où il est question du rôle des IRSC. Au sujet de la commercialisation, on dit seulement qu'il s'agit de faciliter la commercialisation de la recherche en santé au Canada. On n'exprime aucune limite ou préoccupation pour ce qui est de savoir si cela sert l'intérêt public ou non. On ne dit pas du tout ce que cela peut vouloir dire.

J'imagine que le fait de faciliter la commercialisation de la recherche en santé au Canada ne serait pas un but en soit, et que d'autres buts y seraient attachés. Nous savons qu'il est important de commercialiser les innovations et d'opérer toutes ces transformations. Cependant, quand on considère toute la question de savoir qui paie la note, il faut se demander s'il est plus important de commercialiser un produit ou de combler les besoins des Canadiens en matière de santé. Il devrait y avoir une disposition définitoire qui dirait quelque chose comme: «à la condition qu'en tout temps, les besoins des Canadiens en matière de santé soient comblés en premier».

Il devrait peut-être aussi y avoir une mention du fait que l'objectivité est très importante en matière de recherche. On a grandement fait état d'un cas qui faisait intervenir la commercialisation ou le soutien commercial d'un projet de recherche, et l'on se demandait si ces considérations pouvaient compromettre les conclusions du projet.

Le sénateur Fairbairn: Vous songer à l'Université de Toronto?

Mme Sholzberg-Gray: Oui, ce cas en particulier.

Il y a d'autres aspects également, pour ce qui est de savoir ce qui compte le plus. Il s'agit de savoir si le souci de rentabilité va primer sur les bienfaits pour les Canadiens. Qui va en profiter? Je sais que les universités concluent ce genre d'accord tous les jours. Ces accords sont très bénéfiques la plupart du temps, tant du point de vue commercial que du point de vue de l'intérêt général de la population. Il faut comprendre qu'au Canada, notre système de santé et la recherche en santé sont financés à même les investissements importants du gouvernement dans les IRSC. Cette recherche doit ultimement servir l'intérêt public et non pas les intérêts particuliers d'une entreprise privée.

Nous pensons qu'il est bon de prendre part à la commercialisation, tant du point de vue de la consommation canadienne que de l'exportation. Par contre, il faut comprendre que nous sommes là pour servir le public canadien.

Nous n'avons pas de libellé particulier à vous recommander. Nous nous demandions seulement si un rédacteur compétent, étant donné que nous n'avons pas sollicité d'avis juridique à ce sujet, pouvait rédiger une disposition descriptive quelconque, pour qu'on ne se contente pas de «faciliter la commercialisation». Dans une autre définition, on expliquerait qu'il y aura facilitation de la commercialisation en établissant au départ, que conformément aux objectifs des IRSC, le but ultime est d'améliorer la santé des Canadiens. On pourrait peut-être mentionner que les retombées commerciales ne sont que des effets secondaires.

Mme Jeans: Encore une fois, il faut qu'il y ait un équilibre et certains critères. D'un côté, on ne veut pas que la queue commande à la tête. Autrement dit, on ne veut pas que l'industrie façonne les programmes de recherche des instituts de recherche en santé du Canada qui sont financés par l'État. D'un autre côté, il faut tenir compte des possibilités économiques. Je vais vous donner un exemple concret.

En 1975, je faisais des recherches à titre d'étudiante diplômée sous la direction du Dr Ronald Melzak de l'Université McGill. J'ai testé la toute première version, si vous voulez, de ce qu'on appelle aujourd'hui le neurostimulateur transcutané, pour le soulagement de la douleur chronique. Il n'y avait alors personne autour de moi pour me dire quel était le potentiel de cette petite machine. Aujourd'hui, il y a quelqu'un qui gagne des millions de dollars avec cette machine, et je vous assure que ce n'est pas moi, ni le Dr Melzak, ni l'Université McGill.

Il faut un juste équilibre. Nous avons inventé bien des choses au Canada qui n'ont pas été commercialisées dans l'intérêt de l'économie canadienne. Parallèlement, je conviens avec Mme Sholzberg-Gray qu'il faut tenir compte en priorité de l'intérêt public et adopter des critères relatifs à la commercialisation et à la participation des secteurs à but lucratif au financement de la recherche. On pourrait peut-être ajouter une disposition dans ce sens au projet de loi, ou donner des directives aux instituts canadiens pour qu'ils adoptent des principes et des critères fondés sur ces valeurs.

Le sénateur Carstairs: Je ne suis pas d'accord avec toute cette discussion parce que vous n'interprétez pas bien la disposition. On ne peut pas lire l'alinéa 4i) dans lire tout l'article 4. Celui-ci stipule très clairement:

[...] et leur application en vue d'améliorer la santé de la population canadienne [...]

Tout le reste en découle. Je ne comprends pas sur quoi se fonde votre argument. J'ai l'impression que vous coupez les cheveux en quatre, ce qui m'exaspère. Où est le problème? Voici le texte de l'article 4:

IRSC a pour mission d'exceller, selon les normes internationales reconnues de l'excellence scientifique, dans la création de nouvelles connaissances et leur application en vue d'améliorer la santé de la population canadienne, d'offrir de meilleurs produits et services de santé et de renforcer le système de santé au Canada [...]

Mme Sholzberg-Gray: Dans ma réponse, j'ai dit que le premier paragraphe pouvait fort bien s'appliquer à tout cela. En revanche, à l'alinéa 4i), la phrase «le soutien à la mise en marché» ne s'accompagne d'aucune précision. D'ailleurs, le paragraphe d'introduction n'exclut pas nécessairement la notion du but lucratif. On peut très bien améliorer la santé des Canadiens dans un but lucratif. La question portait sur la propriété et le juste équilibre. On peut l'interpréter ainsi, et c'est ce que j'ai dit dans ma réponse.

Le sénateur Carstairs: Je pense que c'est non seulement clair, mais en outre on ne peut pas lire l'alinéa 4i) sans lire le paragraphe dont il découle; c'est donc bien indiqué.

L'autre question qui me préoccupe c'est qu'il devient très à la mode de proposer des examens au bout de cinq ans. Tous les projets de loi prévoient un examen quinquennal et la mesure doit faire l'objet d'un examen par la Chambre des communes et par le Sénat du Canada au bout de cinq ans d'application. Je prévois le jour où la Chambre des communes et le Sénat n'auront rien d'autre à faire que d'examiner les lois parce que nous prévoyons ces dispositions d'examen automatiquement dans tous nos projets de loi.

Cet organisme doit déposer un rapport tous les ans. S'il y a des problèmes liés à ces rapports, je ne veux pas attendre quatre ans pour en être saisie; je veux en être informée sur le champs. Je suis très inquiète à l'idée que, si l'on prévoit de plus en plus d'examens au bout de cinq ans, tout le monde se dira: «Et bien, il suffit d'attendre, car il y aura un examen au bout de cinq ans», et je répondrai: «Non je ne veux pas attendre. Je veux examiner la question maintenant.» J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

Mme Jeans: Je ne sais pas si j'ai une réponse, mais j'ai une question à poser. Grâce à quel mécanisme pourriez-vous le faire?

Le sénateur Carstairs: L'organisme doit déposer un rapport annuel à la Chambre des communes.

Mme Jeans: Le conseil de recherche médical a déposé des rapports pendant des années.

Le sénateur Carstairs: Le CRM a été convoqué devant notre comité pour expliquer son rapport annuel. Le Dr Friesen et moi, qui nous connaissons depuis le Manitoba, sommes devenus très copains. Nous ne cessons de nous rencontrer à des séances de comités lorsque nous discutons du fonctionnement du Conseil de recherches médicales.

Je dois dire qu'en principe, cette disposition correspond à une mode qui me préoccupe quand je pense au rôle futur des parlementaires.

Mme Sholzberg-Gray: De temps à autre, que cette mesure soit incluse dans la loi ou non, le Sénat, et non la Chambre des communes, examine des questions de grande importance, comme l'examen actuel du système d'assurance-maladie. Il serait peut-être utile, plus tard, de se pencher sur l'état de la recherche sur la santé au Canada de façon générale, plutôt que de procéder à cet examen régulier.

Le président: Sur ce point, je suis tout à fait d'accord avec le sénateur Carstairs. Je partage également l'avis du sénateur LeBreton, même si ce n'est pas nécessairement pour les mêmes raisons, quant à l'idée de séparer le président du conseil d'administration et le président de l'organisme. Beaucoup d'études ont été effectuées sur la régie de toutes sortes d'organismes, que ce soit des sociétés privées ou du secteur bénévole, ou autre, et en général, les bons principes de régie exigent que ces postes soient occupés par deux personnes différentes. J'approuve idée, à savoir qu'au lieu de modifier le projet de loi et de le renvoyer à l'autre endroit où il risque d'être bloqué dans tout le fouillis, on pourrait facilement faire une recommandation selon laquelle, à la fin du premier mandat de cinq ans, on modifie cette situation.

J'ai beaucoup de mal à accepter votre paragraphe sur la représentation proportionnelle et celui qui traite de la représentation des consommateurs et du grand public -- c'est peut-être, parce que, pendant de nombreuses années, j'ai essayé de mettre sur pied toutes sortes d'organismes nationaux -- car plus on fixe de conditions en imposant une série de règles, plus il est difficile de constituer un organe vraiment bon. On peut regrouper 15 Canadiens qui remplissent tous les critères prévus et se retrouver avec un groupe de gens tout à fait inefficaces. À mon avis, avant toute chose, lorsqu'on recherche l'excellence, on la recherche sans se limiter à la représentation proportionnelle des quatre groupes de santé précis qui se considèrent comme des initiés, pour laisser le simple consommateur et le pauvre Canadien de l'Atlantique ou de l'Ouest sur la touche. Je m'oppose vivement à toute mesure susceptible de limiter la composition du conseil d'administration, autrement que par l'exigence de trouver des gens de qualité. Je pensais que c'était également dans votre intérêt.

Mme Sholzberg-Gray: Je sais que Mme Jeans voudra répondre à votre remarque. Les nouveaux Instituts canadiens de recherche en santé vont remplacer pour ainsi dire le Conseil de recherches médicales et il est tout à fait possible que les membres actuels de ce dernier soient nommés pour faire partie du premier conseil d'administration. Ce que nous avons essayé de dire, étant donné que la première vocation du CRM était dans le domaine de la recherche biomédicale et clinique, c'est que de nombreuses personnes sont très inquiètes à l'idée que, dans les ICRS, on n'accordera pas la même importance à la recherche sur les systèmes de santé et de la santé des populations qu'à la recherche biomédicale et clinique. C'est pourquoi ces personnes se sont regroupées en coalition et c'est pourquoi on a fait cette recommandation. Que cela doive être précisé ou non dans le projet de loi, c'est une autre affaire. Certains ont l'impression que ce conseil d'administration ne représentera pas de façon adéquate tous les volets des objectifs poursuivis.

Le président: Je comprends cette préoccupation. Toutefois, j'estime que ce serait catastrophique de faire le contraire et de prévoir dans la loi une formule mathématique précise pour que cela fonctionne. Vous nous dites en fait que vous souhaitez vous assurer que le conseil d'administration sera vraiment représentatif, sans privilégier un secteur ou un autre de la communauté de la recherche en santé. Je peux le comprendre. Je pense toutefois que d'essayer de régler ce problème dans la loi de façon trop stricte ne ferait sans doute qu'aggraver le problème.

Madame Jeans, vouliez-vous ajouter quelque chose à ce sujet? J'ai fait cette déclaration à titre d'observation, et non de question, mais j'écouterais volontiers votre réponse, le cas échéant.

Mme Jeans: Depuis toujours, certains groupes sont exclus du financement de la recherche. Ce qui nous tient à coeur, c'est de faire en sorte que la vision générale qui est définie dans cette mesure se concrétisera vraiment. Certaines de nos recommandations découlent de ce désir, et c'est l'une des raisons pour lesquelles nous avons recommandé un examen au bout de cinq ans.

Le président: Permettez-moi de faire suite à la remarque du sénateur Carstairs. En réalité, un rapport annuel sera soumis au Parlement et au moins deux d'entre vous semblent n'avoir aucune difficulté à avoir accès aux comités lorsque vous en avez besoin. Je pense que si vous avez quelque chose à redire à un de ces rapports, certains d'entre nous en entendront certainement parler et nous vous donnerons l'occasion de présenter vos arguments.

Franchement, ce mécanisme ad hoc, qui permet une réaction instantanée beaucoup plus souple, marche mieux. La seule raison pour laquelle dans certains cas un examen quinquennal ou une disposition de temporarisation comme pour la Loi des banques, existe, c'est justement pour forcer le gouvernement à aborder des questions qu'il éviterait autrement.

Dans ce cas, vous proposez un examen. Je pense qu'il est préférable d'avoir un système ad hoc. Si vous avez une mauvaise représentation dans la première phase, nous en entendrons parler. Étant donné qu'il y aura des mandats qui viendront à expiration la deuxième et la troisième année, ce serait une façon de régler cela rapidement plutôt que d'attendre cinq ans. Je vous invite instamment à nous signaler si vous êtes insatisfaits au début et nous nous efforcerons de voir ce que nous pouvons faire pour la deuxième et la troisième année.

Je vous remercie tous les trois d'être venus. Ça fait toujours plaisir de vous voir.

Sénateurs, nos prochains témoins sont M. Upshall, M. Reading et Mme DuBick.

M. Phil Upshall, président élu, Canadian Alliance for Mental Illness and Mental Health: Honorables sénateurs, c'est une première historique pour notre mouvement. Je suis heureux d'avoir l'honneur de me présenter comme consommateur et rescapé du système de santé mentale.

La Canadian Alliance on Mental Illness and Mental Health est un mouvement nouveau qui correspond exactement à ce que disait le président à propos d'un bon groupe national. Nous sommes un groupe qui fonctionne par consensus. Nous n'avons pas de règlements ni de statut. Nous nous mettons simplement d'accord.

Je suis également membre de la Mood Disorders Association of Ontario, où je suis l'agent des relations avec le gouvernement et le responsable du financement. J'ai également eu l'honneur d'être au comité d'examen par les pairs des organismes bénévoles nationaux de santé.

J'ai remis à la greffière quelques exemplaires de ce que fait la Canadian Alliance on Mental Illness and Mental Health. J'aimerais simplement revenir là-dessus rapidement afin que vous sachiez ce que nous vous laissons. Nous avons d'abord un document intitulé «A Call for Action: Building Consensus for a National Action Plan on Mental Illness and Mental Health». Cela vient d'être présenté au Réseau consultatif fédéral/provincial/territorial sur la santé mentale à Vancouver lundi. Certains de nos membres y sont donc restés pour la conférence sur les meilleures pratiques. Ce document explique très bien comment nous parvenons à dégager un consensus sur la façon de traiter la santé mentale.

J'ai également remis à la greffière notre entente avec le Laboratoire de lutte contre la maladie concernant l'établissement d'un système de surveillance. C'est un document de réflexion qui a été publié le 29 décembre 1999. Comme le savent les sénateurs, ce laboratoire fait partie de Santé Canada. Nous sommes très heureux de collaborer avec lui à ce projet.

Vous avez aussi un document d'information sur la Canadian Alliance on Mental Illness and Mental Health. On me dit de continuer à répéter le nom au long. La Canadian Alliance on Mental Illness and Mental Health se compose de l'Association canadienne pour la santé mentale, l'Association des psychiatres du Canada, la Société canadienne de schizophrénie, la Mood Disorders Association of Canada et le Réseau national pour la santé mentale.

Ces trois derniers groupes, la Société canadienne de schizophrénie, la Mood Disorders Association of Canada et le Réseau national pour la santé mentale sont ce que nous appelons des groupes de rescapés ou des groupes d'assistance à la famille. Ce sont des groupes dominants de la CAMIMH. Nous estimons ainsi que notre alliance reflète l'ensemble des besoins de ces différentes populations, de ceux qui ont des problèmes de santé mentale, de maladies et de désordres mentaux ou de leurs familles qui ont énormément besoin d'aide.

Nous nous sommes réunis il y a un an et demi pour essayer de trouver une façon de faire entendre nos voix sur la scène nationale. Beaucoup d'entre nous avaient travaillé seuls à essayer de nous faire entendre des diverses autorités responsables à Ottawa et, très franchement, nous n'étions pas du tout satisfaits des résultats.

La maladie mentale, comme le savent les sénateurs et j'y reviendrai dans un instant, est l'un des plus gros problèmes que nous ayons. Par le passé, c'était ce qui coûtait le plus cher aux services hospitaliers, puisque cela représentait plus de 15 p. 100 de leur budget. Au moins 2 millions de Canadiens seront touchés directement ou dans leur famille par la dépression, la schizophrénie et divers autres troubles.

Nous parlons de recherche aujourd'hui. Si 15 p. 100 des coûts de la santé sont liés à la maladie mentale et à la santé mentale, moins de 5 p. 100 des fonds de recherche y sont consacrés. Nous n'avons pas jusqu'ici de grande fondation nationale.

Tout ceci nous a appris qu'il était nécessaire d'avoir une présence nationale sur la scène nationale et de participer à des processus comme le nôtre pour essayer d'attaquer le problème le plus important, qui est la stigmatisation de la maladie mentale et de la santé mentale. Si nous pouvons obtenir que les instituts de recherche en santé du Canada mettent sur pied un institut de santé mentale pour la recherche, nous atteindrons deux objectifs. D'une part la recherche avancera à l'échelle nationale, ce qui n'est pas le cas actuellement et d'autre part, nous pourrons nous pencher sur le problème de la stigmatisation.

Personne ne veut parler de maladie mentale. Personne ne veut parler des problèmes qui sont importants pour nous. Notre population est très souvent négligée quand on parle de santé. Nous avons tout un éventail d'experts à notre disposition et nous voulons pourvoir les mettre à contribution au niveau de la santé nationale.

Je suppose que tous les sénateurs ont reçu notre document intitulé: «Canadian Institute of Mental Illness and Mental Health Research: A Working Model». Je vous demanderais de l'examiner attentivement parce qu'il donne un très bon aperçu de la question dans la lettre d'accompagnement. Ce sont les deux premiers points. Tous les membres de notre Canadian Alliance on Mental Illness and Mental Health ont signé cette lettre d'accompagnement. Elle présente de façon succincte la raison pour laquelle nous croyons qu'un institut canadien de recherche sur la maladie mentale et la santé mentale est important.

Le modèle proposé préconise une formule de recherche novatrice très large et intégrée sur les troubles mentaux, qui irait de la molécule au cerveau, en passant par les politiques et questions socio-culturelles. La diversité intrinsèque de cet institut se résume dans ses quatre thèmes: recherche biomédicale fondamentale; recherche clinique appliquée; réseaux de services de santé; et questions socio-culturelles et santé des populations.

J'attire votre attention également sur d'autres points parce qu'en tant que politiques, vous devez savoir qui participe à certaines des démarches. À la page 1, à l'onglet 3, vous trouverez la composition du groupe de travail national pour un institut canadien de recherche sur la maladie mentale et la santé mentale qui a préparé ce modèle à l'invitation du docteur Friesen il y a plus d'un an. Il s'agit d'un microcosme de ce que notre population peut offrir aux chercheurs en matière de santé et, comme vous le voyez, c'est un des rares modèles qui a intégré des consommateurs, des rescapés, des patients et des prestataires de soins dans son élaboration. Nous sommes réellement le seul modèle démocratique qui a fait participer toute la base ainsi que certains des chercheurs les plus brillants en psychiatrie, neurologie et épidémiologie psychiatrique. Il nous semble important de vous indiquer l'ampleur de notre champ d'action.

La justification, le fardeau de maladie que supporte le Canada est indiqué dans le modèle aux pages 3 et 4, onglet 3. Le fardeau de la santé au Canada, non seulement des coûts des soins de santé mais également des coûts des services correctionnels et des facteurs de qualité de vie, est absolument ahurissant. Bien que je ne puisse le quantifier précisément, je puis vous dire que c'est dix fois plus important que n'importe quel coût de santé auquel vous pouvez penser. Cela dépasse toute mesure et nous devons nous pencher là-dessus très sérieusement.

À l'onglet 5, je vous engage à regarder les lettres de soutien qui ont été adressées au conseil d'administration provisoire. Nous avons demandé la participation de tous avant de présenter notre proposition et nous sommes très heureux de la réaction jusqu'ici. Il y a un certain nombre d'autres organismes qui nous ont assurés de leur appui et nous vous en fournirons la liste en temps voulu.

Le sénateur LeBreton a demandé au Dr Friesen comment se passaient les choses dans d'autres pays. Le docteur a répondu que les États-Unis avaient des instituts nationaux de santé. Ils ont aussi l'Institut national de santé mentale mis sur pied il y a de nombreuses années essentiellement pour permettre aux consommateurs et à la population concernée de savoir que le gouvernement prenait leurs problèmes au sérieux. Merci de votre invitation.

Mme Linda DuBick, directrice, Centre d'excellence pour la santé des femmes des Prairies: C'est avec plaisir que je viens m'adresser aux membres de votre comité. Nous sommes tout à fait favorables au concept des IRSC et nous approuvons en général le projet de loi C-13. Nous sommes en particulier tout à fait pour l'identification des quatre secteurs de recherche de ces instituts, l'objectif de transformation et les démarches interdisciplinaires qu'entreprendront ces instituts. Toutefois, nous craignons que l'orientation générale des instituts et que le contenu du projet de loi n'aillent pas suffisamment loin pour confirmer l'engagement du gouvernement canadien face à la recherche sur la santé des femmes en général et aux genres d'activités de recherche entreprises par le programme des centres d'excellence pour la santé des femmes.

Il faut répéter qu'à la fois le Parti libéral et le gouvernement libéral se sont fermement engagés en la matière et en ce qui concerne les centres d'excellence. Par exemple, les centres correspondent à un engagement pris dans le Libre rouge. Plus récemment, ils ont été cités par le ministre de la Santé comme un des piliers importants de la Stratégie de Santé Canada en ce qui concerne la santé des femmes. Cette stratégie a été dévoilée au début de l'année. Nous espérons que les membres du comité comprennent que les centres d'excellence, comme concept et comme engagement, ont précédé la stratégie concernant la santé des femmes et les IRSC. Je ne pense pas qu'il soit exagéré de dire que les centres d'excellence ont été au centre de l'engagement du gouvernement concernant la recherche sur la santé des femmes et sont un pilier important dans l'évolution de la recherche en matière de santé au Canada.

Ces centres ont été créés en 1996. Il y en a maintenant cinq qui se trouvent en Colombie-Britannique, en Ontario -- c'est le centre national -- au Québec, aux Maritimes et, le mien, dans les Prairies, avec des activités à la fois au Manitoba et en Saskatchewan. Nous concentrons notre effort sur la recherche sur la santé des femmes en insistant sur le caractère féminin de cette recherche, la participation, l'action et l'orientation.

Nous regroupons des gens qui font de la recherche dans les universités et dans les collectivités et mettons sur pied des partenariats de travail entre les groupes féminins, des chercheurs, des décideurs, des prestataires de service et des particuliers. Nous avons des tas de formules de recherche. L'une est d'accorder des subventions de recherche. Afin que vous compreniez mieux qui nous sommes et ce que nous faisons, voici certains des sujets financés récemment par notre centre: la santé des femmes originaires du Salvador au Manitoba; les survivantes d'exploitation sexuelle pendant l'enfance; une analyse selon les sexes des déterminants de santé parmi les Premières nations du Manitoba, en partenariat avec l'Assemblée des premières nations, l'effet de l'isolation sociale et de la solitude sur la santé des femmes âgées; l'effet de la prestation de soins sur celles qui assurent officieusement ces soins dans la Saskatchewan rurale; et ce que souhaitent les femmes en fait de services de sage-femme.

Nous commandons également des travaux de recherche. Un des titres les plus récents est «Invisible Women» qui a montré que malgré les engagements fermes des gouvernements de la Saskatchewan et du Manitoba, il n'a pratiquement rien été fait pour s'assurer que l'on tient compte du sexe de l'individu dans l'évaluation des besoins en matière de santé et des régimes de santé administrés par les autorités régionales de santé. Lorsque nous avons présenté ce rapport aux deux gouvernements, ils nous ont demandé de travailler avec eux à l'amélioration de la situation.

D'autre part, nous participons à un projet national visant à examiner l'incidence de la privatisation des soins de santé sur les femmes. Bien que l'Alberta ne figure pas dans le mandat de notre centre, nous avons fait de notre mieux pour trouver des chercheurs de l'Alberta qui puissent participer à ce projet.

Santé Manitoba nous a également demandé de gérer un projet de recherche sur les services destinés aux femmes enceintes toxicomanes. C'est un problème qui s'est présenté dans l'affaire bien connue G qui a donné lieu à un jugement de la Cour suprême. Ces exemples montrent que les centres répondent aux attentes du programme et font un travail important.

Je crois qu'il faut insister sur le fait que nos projets sont des projets de recherche sur la base. C'est-à-dire que la population touchée par le problème a son mot à dire sur la planification, la direction et l'utilisation de ces recherches ainsi que sur l'examen par les pairs.

Le programme des Centres d'excellence a une caractéristique bien spéciale: toute notre recherche doit viser une politique, qui peut être locale, régionale, provinciale ou fédérale. D'autre part, tous nos travaux doivent être entrepris par des chercheurs qualifiés, utilisant des techniques et méthodes de recherche généralement acceptées, notamment l'examen par les pairs et nos équipes doivent également comprendre des décideurs.

Qu'est-ce que tout cela a à voir avec le projet de loi C-13? Les Centres d'excellence ont reçu chacun 2 millions de dollars à utiliser sur six ans. Aucun n'a reçu l'assurance précise que Santé Canada continuera à le financer au-delà du 31 mars 2002. Il ne nous reste que 24 mois de mandat et nous commençons maintenant à constater des résultats importants suite à tous nos efforts.

Qu'est-ce que les IRSH vont faire pour la recherche sur la santé des femmes? Si l'on examine les principaux documents disponibles sur Internet, on constate une seule référence à la santé des femmes. On y trouve par compte des engagements fermes vis-à-vis de la recherche biomédicale et la recherche clinique appliquée. Nous n'avons pas trouvé d'engagements clairs et inéquivoques vis-à-vis de la recherche sur la santé des femmes et sur les systèmes et services de santé qui leur sont destinés, ni d'engagement à relier la recherche sur la santé des femmes à la recherche sur la question de santé par rapport aux aspects socio-culturels et démographiques.

Nous avons vu qu'il y avait des engagements vagues de partenariats, en particulier avec des intérêts commerciaux. Nous n'avons pas trouvé d'engagement à protéger l'intérêt public lorsque l'on entreprend des recherches commercialisées. Pour la santé des femmes, ces questions sont extrêmement importantes.

Nous craignons qu'il y ait jusqu'ici dans les documents concernant ces centres de recherche un préjugé en faveur des milieux médical et universitaire. Nous avons l'impression nette que lorsque tous les aspects législatifs et organisationnels seront réglés, la recherche communautaire n'aura probablement pas beaucoup de place dans ces instituts. Si les IRSC deviennent les seules sources de financement fédéral pour la recherche sur la santé, nous craignons que les questions touchant la santé des femmes soient laissées de côté. D'autre part, ceux qui s'occupent de ces questions auront perdu l'avantage de la reconnaissance que leur donnait le gouvernement fédéral. La santé des femmes ne sera qu'un élément du programme des IRSC et ne sera plus une priorité du gouvernement canadien.

Nous ne voulons pas nous opposer aux IRSC. Nous reconnaissons qu'ils pourront apporter une contribution importante à la recherche en matière de santé au Canada et dans le monde. Ce qui nous inquiète c'est que cette initiative pourrait faire disparaître le bénéfice des progrès importants réalisés grâce aux programmes des centres d'excellence en ce qui concerne la reconnaissance, la visibilité et l'engagement direct du gouvernement fédéral en matière de recherche sur la santé des femmes.

Nous avons signalé au conseil d'administration provisoire que, dans ses forums internationaux et nationaux, le Canada est tenu de travailler à l'amélioration de la santé des femmes. Nous avons déclaré que les IRSC, qui font partie de l'appareil gouvernemental, sont également tenus par la politique fédérale d'intégrer la différence entre les sexes dans leurs considérations scientifiques et administratives. Ils doivent également intégrer les questions de santé des femmes dans leur programme de recherche. D'autre part, un institut de recherche sur la santé des femmes a été proposé aux IRSC en janvier dernier par le groupe de travail. La création d'un tel institut serait une preuve tangible de l'engagement du gouvernement dans ce secteur.

Je crois que la greffière a remis aux sénateurs notre exposé au comité permanent de la Chambre des communes. Il contient un certain nombre de recommandations qui se trouvent à la dernière page. Afin de gagner du temps et pour ne pas irriter le sénateur Carstairs au sujet de l'alinéa 4i) je ne reviendrai pas dessus. Toutefois, je tiens à m'assurer que mon collègue pourra prendre la parole.

Dr Jeff Reading, conseiller en recherche sur la santé, Assemblée des premières nations: Honorables sénateurs, merci de nous avoir invités à Ottawa au printemps. Je suis un Mohawk du sud de l'Ontario. Ma mère vient de St. John's à Terre-Neuve. Je travaille à l'Université du Manitoba. Je passe beaucoup de temps à Ottawa et je vis à Victoria. Je crois que je couvre assez bien le pays.

L'Assemblée des premières nations vous remercie de lui donner cette occasion de s'adresser à vous à propos de la recherche parmi les populations autochtones. Nous reconnaissons que le système d'IRSC est une occasion historique de réorienter la recherche dans notre pays et de nous concentrer sur l'amélioration de la santé des Canadiens.

Tout le monde sait que les Premières nations et les autres groupes autochtones du Canada sont les groupes les plus à risque en matière de santé. Il y a un écart de 8 à 15 ans dans l'espérance de vie des autochtones par rapport au reste de la population. C'est évidemment une mesure très brute du bien-être en général. On peut comprendre que la morbidité est bien pire, qu'il s'agisse de diabète, de suicide chez les adolescents et d'un certain nombre d'autres facteurs importants.

D'autre part, nous avons une population jeune et en expansion. Quelque 50 p. 100 de notre population a moins de 30 ans. Dans la société canadienne, environ un tiers seulement de la population se trouve dans cette catégorie d'âge. C'est une explosion des naissances dans une population ciblée où la santé est particulièrement mauvaise.

Nous avons entrepris récemment une étude qui nous a permis d'interviewer quelque 10 000 personnes des Premières nations dans leur milieu naturel. Nous avons d'autre part interviewé des Inuits du Labrador. Nous avons fait les constatations habituelles concernant leur mauvaise santé mais cette étude a été dirigée par des organisations politiques de tout le pays. C'était la première fois que les groupes autochtones entreprenaient une étude nationale et fournissait de tels résultats. Ce fut très encourageant pour les intéressés. Avant cela, nous avons parcouru le pays et demandé aux gens s'ils seraient prêts à participer. Ils ont beaucoup hésité.

Sur le terrain, les gens et les responsables des services de santé déclaraient que l'on faisait sans arrêt des études, qu'on les exploitait à force de recherches et que ça ne les servait absolument pas. Ils nous disaient: «On vient ici, on nous mesure, on fait des calculs, on prépare des rapports et puis on nous laisse et nous ne savons jamais ce qu'il en ressort». On nous posait sans cesse la question: «En quoi cela va-t-il améliorer notre santé?»

Ces gens-là ont déclaré qu'ils ne participeraient à une étude sur la santé que s'ils avaient leur mot à dire sur la façon dont elle serait menée, sur la destination des résultats et sur leur utilisation. C'est avec de telles opinions négatives sur la recherche que nous avons néanmoins vu poindre une petite lumière à la fin du tunnel. Nous pensons qu'il est extrêmement important que nous participions au programme de recherche sur la santé au palier national.

Comme nous le savons, les Premières nations en particulier ont une relation spéciale avec l'État fédéral qui date d'avant la Confédération. Les services de santé sont assurés à quelque 600 Premières nations du pays moyennant des dépenses de plus de 1 milliard de dollars. Si l'on considère la démographie et l'état de santé de la population concernée, ces coûts ne peuvent qu'augmenter si nous n'améliorons pas les choses. Autrement dit, comment peut-on améliorer la santé? La recherche est un point de départ naturel.

Nous avons participé à diverses conversations pour essayer d'obtenir que nos enjeux soient intégrés au programme des IRSC. Le CRSH a fait une demande de proposition au CRM et j'y ai participé avec mes collègues en tant que premiers enquêteurs. Nous avons présenté des exposés et rédigé des rapports expliquant les intérêts autochtones dans le contexte des IRSC. Nous pensons que les questions autochtones dans ce contexte peuvent mieux faire comprendre aux Canadiens dans leur ensemble les aspects transformateurs et novateurs de ce qu'essaient de faire ces instituts. Si nous voulons transformer l'incidence négative et la réputation de la recherche parmi les populations autochtones, nous devons leur donner un rôle significatif dans le processus de recherche.

Pour ce qui est de l'innovation, il y a des tas de domaines que nous n'avons pas encore pu examiner du point de vue de la recherche. Nous réussissons très bien à décrire les conséquences négatives de l'état de santé sur les autochtones. Les gens considèrent que c'est une caractéristique des autochtones en général. Quand on déclare que de toute façon c'est une situation désastreuse, on en arrive facilement à ce demander comment une telle population peut gérer ses propres affaires. Autrement dit, la recherche, de façon subtile, renforce l'inégalité dans les rapports de force. Cela ne renforce pas vraiment le concept selon lequel les Premières nations peuvent s'autoadministrer et devenir autonomes.

Voilà certaines de nos préoccupations. Nous sommes prêts à participer aux IRSC. Nous avons essayé de présenter nos points de vue et nous vous remercions de nous donner l'occasion de nous adresser à vous aujourd'hui.

Enfin, j'aimerais parler de la reconnaissance internationale. Le Canada est un des chefs de file en matière de santé autochtone. Nous avons été les hôtes du premier congrès international sur la santé circumpolaire à Yellowknife dans les années 70. La prochaine réunion aura lieu cet été en Norvège, au nord du cercle polaire et nous y aurons une délégation importante.

Les chercheurs au Canada ont obtenu des résultats dans leurs efforts contre le diabète chez les autochtones et le fruit de leurs recherches est maintenant utilisé en Nouvelle-Zélande, en Australie, aux États-Unis et en Afrique du Sud. Nous avons informé le monde des questions de santé autochtone. Je suis récemment allé à une réunion en Amérique du Sud et j'ai d'autres réunions prévues en Australie où nous examinerons certaines des choses que nous avons faites en matière de soins primaires.

Ce n'est pas vraiment une question de capacité. Nous avons une capacité en matière de chercheurs et nous l'avons dit de façon très explicite dans notre proposition. C'est donc une question de planification de la succession. Où est la nouvelle génération des chercheurs en matière de santé qui s'intéresseront à la santé des autochtones? D'où viendront-ils? Par le passé, le Programme national de recherche et de développement en matière de santé, le Conseil de recherches en sciences humaines et Conseil de recherches médicales du Canada réservaient tous des ressources importantes à la santé autochtone mais c'était souvent fragmenté. Nous pensons qu'il y a là une occasion de regrouper les budgets de recherche pour la santé autochtone et accroître notre réputation internationale.

Quand on leur demande s'ils ont jamais participé à de la recherche en matière de santé, beaucoup des chercheurs vous racontent qu'ils sont allés faire une étude auprès d'un groupe particulier ou qu'ils ont fait ceci ou cela. C'était en général au début de leur carrière et cela fait bien dans leur curriculum vitae. Ensuite ils passent à d'autres choses. Il faudrait aller au-delà de cette recherche descriptive et passer à une recherche fondée sur les solutions. Les Premières nations et les autochtones ont des intérêts qui touchent aux quatre dimensions de la recherche sur la santé qui doivent caractériser les IRSC.

Le président: Je suis étonné par le chiffre de 8 à 15 ans de différence d'espérance de vie que vous nous donnez. A-t-on fait des études comparables sur l'état de santé des Canadiens autochtones par rapport à celui d'autres groupes autochtones dans d'autres pays développés? Je pense par exemple aux États-Unis, à la Nouvelle-Zélande, à l'Australie, et cetera. Autrement dit, est-ce un problème mondial ou est-ce particulier au Canada et la situation est-elle ici pire ou moins grave que dans d'autres pays? J'exclus toutefois l'Afrique du Sud pour que nous ayons une comparaison légitime.

M. Reading: La situation des groupes autochtones au Canada est certainement bien meilleure que celle des populations autochtones des pays du tiers monde.

Le président: C'est pourquoi je prenais dans mon exemple les pays industrialisés.

M. Reading: La situation s'est certainement améliorée au Canada, mais il n'est pas vraiment juste de décrire la communauté autochtone au Canada comme un groupe homogène. Une des choses qui nous intéressent tout particulièrement c'est de comprendre pourquoi certaines communautés autochtones sont en santé et d'autres ne le sont pas. Cela vient en fait de l'ouvrage de Bob Evans intitulé: Why Are Some People Healthy and Others Not: The Determinants of Health of Populations.

Nous ne comprenons pas vraiment pourquoi certaines communautés sont en meilleure santé que d'autres, mais il nous faut étudier certains des aspects communautaires qui font de ces groupes des groupes en santé. Il est claire que lorsque vous mettez en commun les résultats et que vous obtenez des statistiques fort décourageantes, c'est comme si les attentes se concrétisaient: «Bien évidemment je ne peux pas être aussi en santé que les autres Canadiens», parce que nous sommes constamment bombardés par les médias et les rapports de recherches qui disent que nous devrions avoir toute une kyrielle de problèmes.

Nous nous sommes fait les chefs de file. Le Canada s'est toujours rendu dans le Nord pour essayer de rejoindre les collectivités éloignées. Mon propre beau-père était un médecin qui est venu d'Afrique et qui travaillait à la ligne de baie dans le nord du Manitoba. Il y a eu toute une transformation dans ces collectivités d'autour de la Baie d'Hudson au cours des 30 dernières années, il y a eu d'ailleurs une chute dramatique du taux de mortalité infantile dans le Nord pendant cette période.

Nous avons fait des progrès, mais nous sommes maintenant au niveau minimal quand on parle des maladies infectieuses et transmissibles. En fait, le diabète type 2 a atteint des proportions épidémiques. C'est ce que j'appelle «la peste moderne» des communautés autochtones. Une personne sur trois dans les réserves âgées de plus de 50 ans est diabétique. Le diabète entraîne la cécité, l'insuffisance rénale et l'amputation non traumatique de membres. Le diabète représente un important facteur de risques pour les maladies cardio-vasculaires, comme peut le confirmer le sénateur Keon.

Cette nouvelle vague de conditions chroniques qui commence à toucher les autochtones nous préoccupe énormément, non seulement pour la souffrance qu'elle cause, mais également en raison des coûts économiques qui y sont associés. Lorsque vous devez aller chercher une personne par avion ou hélicoptère dans une communauté éloignée en plein milieu d'une tempête de neige pour qu'elle reçoive des soins actifs dans un centre de soins tertiaires, cela coûte très cher.

Lorsque les IRSC seront mis sur pied et commenceront à poser des questions de recherche fort élégantes et complexes, nous voulons être de la partie et rencontrer les autres directeurs d'instituts et faire intégrer nos préoccupations à leurs travaux. Il n'est ni approprié ni possible pour les Premières nations d'essayer de créer ou de recréer tout ce que font les IRSC, mais nous voulons avoir une participation réelle à toutes les activités qui se déroulent.

Enfin, nous commençons à nous tourner vers la biologie génétique et moléculaire, un nouveau domaine dans le secteur de la recherche médicale. Encore une fois, nous devons être présents avec ceux qui se penchent sur ce secteur complexe de sorte que nous puissions assurer un point d'entrée pour leurs recherches dans nos collectivités et pour les mettre aux faits de nos processus. Nous croyons que dans ces situations, tout se gagne, et nous aurons l'avantage d'assurer l'intégration des facteurs entourant la santé des autochtones.

Le sénateur Carstairs: Je veux m'assurer que je saisis bien, parce que j'ai parlé au Sénat hier du projet de loi et j'ai soulevé justement la question de la santé des autochtones, en particulier le diabète. Croyez-vous que cette intégration se déroulera non pas dans un institut distinct sur la santé des autochtones, mais plutôt comme un volet qui se retrouvera dans chacun des instituts de santé qui seront mis sur pied?

M. Reading: Nous avons proposé un siège pour les autochtones au sein du conseil d'administration et un institut distinct sur la santé des autochtones. Nous sommes d'avis qu'il nous faut accroître encore plus notre réputation internationale. Le Canada peut être fier du fait que nous avons amélioré à l'échelle internationale la santé des nations autochtones. Je crois qu'en créant cet institut au sein des IRSC, nous communiquons un message très clair aux autres pays leur disant qu'ils peuvent venir établir des liens avec nous pour que nous puissions commencer à échanger des renseignements à l'échelle internationale. C'est un rôle très important que nous pouvons jouer à l'échelle internationale.

Le sénateur Carstairs: La formule d'un institut distinct ne me pose aucun problème particulier. Est-ce que vous craignez qu'avec un institut distinct, vos recherches doivent se limiter à cet institut, et que les autres vous disent qu'ils n'ont pas à étudier vos problèmes, puisque vous avez votre propre institut?

M. Reading: Les questions autochtones recoupent les domaines de compétence de tous les instituts, mais il existe une discipline et certaines questions entourant la culture, les spécificités géographiques et les façons de faire différentes, qui justifient l'existence d'un institut autochtone. Nous avons considéré les structures proposées et d'après ce que nous avons vu, nous n'étions pas représentés dans le conseil d'administration provisoire. Mais c'est un peu comme si on devait avancer à tâtons dans l'obscurité pour découvrir ce qu'il y a à l'intérieur de la pièce.

Nous estimons que si nous voulons véritablement participer aux IRSC, nous devons nous asseoir à la table avec notre directeur de recherche et avec les autres directeurs d'institut. C'est dans cet environnement collégial qu'on prendra les décisions sur la recherche. Ce sont les directeurs scientifiques qui en décideront.

Par exemple, il existe une stratégie autochtone du diabète au Canada, mais le diabète recoupe tous les secteurs des services biomédicaux, des services de santé publique, des services cliniques et médicaux. Tous ces secteurs doivent adopter une perspective spécifiquement autochtone. Il faut faire ce travail. On consacre beaucoup d'argent à la recherche autochtone, mais celle-ci reste fragmentaire et ne nous permet pas d'aller assez loin pour assurer une meilleure santé à notre population. On réussit à très bien décrire les problèmes. Nous avons des données à profusion, mais nous n'avons pas beaucoup d'information sur la façon de les utiliser pour améliorer la santé des Premières nations et pour répondre aux besoins des autres Canadiens.

Nous nous intéressons à toutes sortes de questions. Le gouvernement du Canada a investi beaucoup d'argent dans les services à la petite enfance, qui garantissent une meilleure santé dans les phases ultérieures de la vie. Pourtant, nous ne savons pas très bien comment tout cela fonctionne, ni ce qui fait que certains de ces programmes sont meilleurs que d'autres. Voilà donc un autre centre d'intérêt.

Il ne faut pas répéter toutes les dimensions de la recherche. Il faut travailler efficacement dans l'ensemble du pays pour préparer un programme de recherche à l'intérieur même des collectivités autochtones.

Le dernier aspect important de la question, c'est que nous n'avons pas obtenu beaucoup de crédits de recherche des ministres provinciaux de la Santé, parce que la recherche est considérée comme un domaine de compétence fédérale. Nous avons une relation particulière avec le gouvernement fédéral, et c'est là que nous allons devoir construire notre capacité de recherche. La prochaine génération d'étudiants, autochtones et non autochtones, va se consacrer à la recherche, et nous allons réussir à améliorer notre espérance de vie.

Le sénateur Carstairs: Madame DuBick, je ne sais pas si vous étiez là lorsque M. Friesen a parlé tout à l'heure de la façon dont les centres d'excellence allaient se fusionner avec les IRSC. Il ne considère pas que ces derniers doivent remplacer les centres d'excellence. C'est pour moi un motif d'espérance.

J'ai posé la même question à M. Reading: quelle est la meilleure façon d'aborder les questions concernant la santé des femmes? Est-ce par un institut distinct consacré exclusivement aux femmes, ou est-ce par une analyse comparative entre les sexes dans chacun des instituts qui seront créés?

Mme DuBick: Idéalement, il faudrait les deux. Je vais essayer d'approfondir la question. Historiquement, la recherche sur la santé des femmes au Canada a mis essentiellement l'accent sur des facteurs biologiques et cliniques. Par exemple, on a fait beaucoup de recherches sur des problèmes de santé spécifiques aux femmes, comme le cancer du col de l'utérus, ou sur des problèmes qui concernent plus souvent les femmes comme le cancer du sein et surtout, sur les problèmes liés aux fonctions reproductives et maternelles des femmes.

Une de mes amies, qui a une charmante fillette de trois ans, dit que lorsqu'on définit sa santé en fonction de son rôle de mère et par rapport à la santé de son enfant, on passe à côté de la plaque. Il existe aussi des facteurs sociaux, économiques et culturels qui ont une incidence sur la santé. C'est ce que nous apprennent les études de santé publique. Ce sont des déterminants de la santé dont les experts en santé publique nous parlent déjà depuis une centaine d'années.

La recherche sur la santé des femmes n'est pas aussi approfondie que celle des spécialistes en sciences sociales, qui opposent la recherche qualitative à la recherche quantitative. Les deux sont utiles en matière de santé des femmes, de même, à mon avis, que pour la santé des hommes et la santé de tout autre groupe défini.

Je tiens à être très prudente dans ce domaine, car je ne considère par les femmes comme un groupe de population au même titre que tout autre groupe. L'identification ou la classification des êtres humaines selon le sexe recoupe tous les autres groupes de population. C'est le facteur de définition le plus fondamental des êtres humaines du point de vue de leur rôle social et des conséquences politiques, culturelles et économiques qui ont une incidence sur cette distinction.

On peut dire qu'un institut spécialisé en santé des femmes serait véritablement susceptible d'amener des transformations -- pour reprendre le vocabulaire des IRSC -- dans les quatre secteurs de recherche envisagés. L'innovation doit faire appel à toutes les méthodologies disponibles. Il existe des sciences traditionnelles plus familières, et tout un secteur de recherches qui sont menées dans une optique qualitative, pour «entendre les voix des femmes», comme on dit souvent.

En revanche, il est important d'appliquer l'analyse selon les sexes dans tous les instituts qui seront créés. Dans le monde entier, cette analyse devient une pratique courante. Elle nous montre comment il faut organiser les politiques, les programmes et la recherche pour répondre aux besoins des êtres humains en fonction de leur sexe et de ce qu'ils signifient par rapport au rôle de chacun dans la société.

D'après la rumeur, il pourrait y avoir un bureau qui serait rattaché à la fonction administrative centrale des IRSC et qui aiderait les autres instituts en appliquant ce genre d'analyse selon les sexes dans les différents secteurs. Le comité sait sans doute qu'aux États-Unis, le Women's Health Research Institute a essayé cette formule. Le problème, c'est que le bureau en question n'avait pas de budget de recherche et n'a pas pu produire des connaissances ni combler les lacunes.

Il faut étudier très soigneusement le rôle de ce genre de bureau, car il peut souvent donner l'impression de remplir une fonction policière s'il contrôle l'application de l'analyse selon les sexes. Autrement dit, j'aimerais qu'il y ait une certaine forme d'application de l'analyse selon les sexes aux IRSC, mais je pense qu'un institut distinct de recherche sur la santé des femmes est également indispensable.

Le sénateur Carstairs: Monsieur Upshall, j'ai été frappée par les statistiques qui révèlent que les maladies mentales nécessitent 16 p. 100 du budget des soins de santé, mais qu'elles n'obtiennent que 5 p. 100 du budget de la recherche. Savez-vous pourquoi?

M. Upshall: C'est à cause de la stigmatisation. Les statistiques concernent le budget de la recherche publique. Comme vous le savez sans doute, il y a très peu d'établissements privés, en dehors des compagnies pharmaceutiques, qui font de la recherche, si bien que le chiffre global est sans doute encore inférieur à cela.

Le sénateur Carstairs: Est-ce uniquement un problème de stigmatisation?

M. Upshall: Oui. Jusqu'à maintenant, nous n'avons pas pu faire entendre notre voix. C'est notamment pour cela que nous demandons un institut de la santé mentale, de façon à pouvoir nous exprimer. C'est tout à fait incroyable. Je suis sûr que chacun d'entre vous connaît quelqu'un qui souffre d'une maladie mentale ou dont la famille a été frappée par l'actuelle épidémie de suicide. C'est très difficile de convaincre les gens d'en parler. Si quelqu'un qui travaille est confronté à la dépression, il ne voudrait surtout pas en parler.

Comme ce secteur de la santé n'est pas représenté dans le débat public, certaines personnes, parmi les plus faibles de la collectivité, restent dans l'ombre. Je ne prétends pas que certaines voix couvrent les autres, mais j'espère que l'attention prêtée par les IRSC à notre secteur fera en sorte qu'on accède à notre demande.

De ce point de vue, le conseil de direction provisoire des IRSC semble opter pour un nombre assez modeste d'instituts. Comme il s'agit d'instituts virtuels et que la grande majorité des décisions seront prises au niveau du conseil de direction provisoire, j'ai bien du mal à comprendre pourquoi il est si important de limiter le nombre des instituts.

À mon avis, il ne serait pas plus difficile de gérer une quinzaine d'instituts. On pourrait ainsi accueillir d'autres groupes, comme l'Alliance canadienne des maladies mentales et de la santé mentale. Nous pourrions nous faire représenter par un directeur exécutif ou par un administrateur. Cela ne remettrait nullement en cause le principe de l'examen par les pairs, et nous permettrait de participer non seulement aux discussions à tous les niveaux de la hiérarchie de l'institut, mais également aux discussions latérales.

Les questions de santé mentale sont aussi importantes pour le tissu social que les questions entourant le cancer ou les maladies cardio-vasculaires, et elles ont le droit d'être reconnues en tant que telles. On doit pouvoir crier sur les toits qu'il n'est pas infamant d'avoir une maladie mentale. Une telle condition ne saurait définir tout l'être humain. Voilà les questions qu'il faudrait régler dans notre société.

Le sénateur LeBreton: J'aimerais poursuivre l'intervention du sénateur Carstairs sur la base de données concernant les personnes souffrant de maladie mentale. Je suppose qu'il est difficile d'obtenir une bonne base de données à moins de demander aux médecins quels médicaments ils prescrivent. Comment peut-on obtenir une base de données qui reflète fidèlement l'ampleur du problème? Comme vous, je doute qu'il y ait ici une seule personne qui n'ait pas dans son entourage quelqu'un qui se fait soigner pour un problème de santé mentale. Comment constituer une telle base de données?

M. Upshall: Je ne suis pas chercheur, mais je suis consommateur et survivant. Je viens d'apprendre la création d'une base de données grâce aux activités des laboratoires de lutte contre la maladie. J'ai remis à la greffière un document de travail très complet à ce sujet.

Il faut revenir à cette notion de stigmatisation. L'automne dernier, j'ai participé à une réunion avec des fonctionnaires de Statistique Canada qui me parlaient des statistiques qu'ils avaient constituées. Je leur ai dit qu'à mon avis, leurs statistiques n'étaient pas exactes. Je ne les ai pas accusés de ne pas poser de questions, mais je ne pense pas que celles qu'ils posent soient les bonnes.

Ils m'ont fait l'honneur de me nommer au comité directeur de l'enquête canadienne sur la santé communautaire. La semaine dernière, nous nous sommes réunis pour parler du questionnaire qui a été envoyé à 120 000 Canadiens. On a relevé un problème de santé mentale ou de maladie mentale chez 30 000 Canadiens.

Nous avons parlé de la façon de convaincre les gens de répondre franchement aux questions concernant la santé mentale. Par exemple, on voit fréquemment des chiffres indiquant que la dépression concerne principalement les femmes, et qui donnent des taux inférieurs pour les hommes. Le problème, à mon avis, c'est que les hommes se sont toujours montrés réticents à parler de leur santé mentale, quand il ne sont pas dans l'incapacité de le faire. En posant de bonnes questions et en gagnant la confiance du répondant, on obtiendrait un ensemble de réponses totalement différent de celui qu'on obtient en demandant aux gens s'ils ont déjà été déprimés.

Les statistiques sont littéralement incroyables. Nous n'avons même pas de base de données fiable sur le suicide, parce qu'il est trop fortement stigmatisé et que lorsqu'un suicide se produit, la famille demande fréquemment au médecin de déclarer un décès pour une cause naturelle. Les données statistiques réelles concernant le suicide sont sensiblement -- et je n'exagère pas -- sensiblement supérieures aux chiffres annoncés. Comme vous le savez, le Canada a un taux de suicide peu enviable.

Le sénateur LeBreton: Dans notre étude sur les soins de santé, nous avons rencontré des sociétés qui font affaire avec des médecins. Elles définissent des tendances concernant les types de médicaments prescrits. J'aimerais savoir si les activités de ce genre permettent de déterminer plus précisément le nombre de personnes concernées.

M. Upshall: Le Valium, le Prozac, le Paxil et les autres médicaments qui traitent la dépression sont parmi ceux qui se vendent le plus. Les laboratoires qui les fabriquent sont parmi les plus rentables. Je peux certainement vous fournir les statistiques à ce sujet.

On n'est jamais parvenu à faire véritablement la corrélation entre toutes ces données. La difficulté consiste à franchir les obstacles interprovinciaux ou intersectoriels liés à la protection des renseignements personnels. Le Dr Keon est sans doute mieux renseigné que moi, mais l'utilisation des données pose des problèmes de protection des renseignements personnels ou de droits de propriété des autorités provinciales sur l'information, qui n'ont toujours pas été résolus. J'espère qu'ils le seront un jour. C'est tout à fait essentiel.

Au niveau provincial, souvent on ne donne pas nos médicaments les plus performants à ceux qui en ont vraiment besoin tant que ceux-ci n'ont pas suivi d'abord des pharmothérapies plus anciennes. Parlez aux gens de la rue. C'est notre opinion arrêtée que les rues sont les salles d'urgence d'un grand nombre de patients psychiatriques.

Le sénateur Robertson: Monsieur Upshall, j'ai une question supplémentaire qui découle de ce que vous avez dit. Retrouve-t-on dans d'autres pays industrialisés le même manque de recherche que vous déplorez au Canada?

M. Upshall: Oui. Toutefois, dans le descriptif du cadre d'action que nous venons de remettre au réseau consultatif fédéral-provincial-territorial en matière de santé mentale, on donne des résumés de ce qui se passe en Australie et en Nouvelle-Zélande. Très franchement, ces pays sont beaucoup plus avancés que nous. J'aimerais bien que mes collègues soient ici. Je crois qu'au Royaume-Uni, les propositions sont plus avancées aussi. Aux États-Unis, on est peut-être en avance sur nous sur le plan philosophique, mais en termes pratiques, rien ne porte à croire que l'on met à la disposition de ceux qui en ont désespérément besoin, les soins de santé ou la recherche dans ce domaine.

Le sénateur Robertson: Monsieur Reading, vous avez mentionné précédemment que votre recherche sur les autochtones était très fragmentaire, si j'ai bien compris. Pourquoi en est-il ainsi?

M. Reading: Je vais vous raconter une petite histoire. J'ai obtenu mon doctorat de l'Université de Toronto en 1994. Un nouveau diplômé sort d'un système où il y a peu de débouchés. En d'autres termes, il y a exode des cerveaux dans le domaine de la recherche.

Je pense que les diplômés de ma promotion et des promotions suivantes sont demeurés dans le domaine de la recherche parce qu'ils éprouvaient une passion réelle pour ce travail. Toutefois, cette recherche n'est pas bien financée. Maintenant que nous avons les IRSC qui vont investir dans la recherche, la situation va s'améliorer puisque nous allons pouvoir faire le lien entre différentes études qui dans l'ensemble sont fragmentées.

C'est particulièrement le cas pour la santé des autochtones où la recherche n'a jamais vraiment été financée. Il y a quelques centres universitaires avec lesquels nous avons travaillé. Plus particulièrement, il y a un centre à l'Université McGill qui examine la nutrition chez les autochtones. L'Université du Manitoba, l'Université de l'Alberta, l'Université de la Colombie-Britannique et quelques autres, y compris McMaster et Dalhousie, possèdent des centres qui examinent les questions de la santé des autochtones. Ces centres fonctionnent sans plan stratégique, mais on y travaille très fort et on y produit des résultats incroyables.

On peut exploiter ces résultats. Un étudiant aux études supérieures peut démontrer des différences profondes entre les autochtones et les non-autochtones sur le plan de la santé. Très bien. On obtient des résultats descriptifs. Toutefois, lorsque les étudiants ont fini leurs thèses, ils passent à un autre domaine de recherche.

Faute d'institutions, on n'accumule pas de capital social. Il n'y a aucune structure en place qui permette de réunir l'information sur la santé des autochtones et d'aller ensuite au-delà de la description, à quelques exceptions près, de certaines conditions.

Dans certaines études, on commence à examiner cet aspect. La recherche dans d'autres secteurs, tels que la santé des femmes, comportera une composante autochtone, mais ce ne sera qu'un élément discret de l'ensemble. Pourquoi ne peut-on pas prendre ces éléments qui portent sur la santé des autochtones dans les localités éloignées et urbaines, les extrapoler à toute une vie et commencer à faire un lien entre les deux afin de vraiment comprendre ce qui se passe.

Le sénateur Robertson: Pensez-vous qu'il sera possible de mettre en place un processus de coordination?

M. Reading: Tout à fait. Cela ferait comprendre clairement que le gouvernement du Canada s'intéresse vraiment aux préoccupations des autochtones.

Le sénateur Robertson: Sera-t-il difficile de regagner la confiance des autochtones qui, comme vous le dites, en ont marre d'être étudiés?

M. Reading: Il est frappant de constater à quel point la façon dont vous vous y prenez a de l'importance lorsque l'on traite avec les communautés autochtones. Si les gens constatent que l'on respecte leurs intérêts, ils participeront. Les choses peuvent se faire très rapidement, avec enthousiasme, parce que par le passé, on avait l'impression de ne pas faire partie du processus. Le processus était très paternaliste.

On crée actuellement de nombreuses instituts où les autochtones commencent à gérer leurs propres affaires. Toutefois, il y aurait toujours un vide si le processus ne comprenait pas l'accumulation de connaissances approfondies. Cela me semble un préalable essentiel afin que les autochtones jouissent d'une plus grande autonomie.

[Français]

Le sénateur Gill: Mes questions s'adressent au docteur Reading. D'une part, croyez-vous que la santé mentale des autochtones se détériore? D'autre part, est-ce que le projet de loi C-13 vous aiderait à atteindre vos buts tel que, par exemple, créer un institut pour la communauté autochtone si cela constituait votre objectif? Enfin, est-ce que vous rencontrez l'appui de l'Assemblée nationale quant à ces objectifs que vous poursuivez?

[Traduction]

M. Reading: Votre première question portait sur la santé mentale dans les communautés autochtones. Le programme des services de santé non assurés paie pour les médicaments et les autres services non assurés des Premières nations sur les réserves.

Les médicaments du groupe psychoactif, c'est-à-dire les psychotropes sont l'élément le plus coûteux de ce système. Je ne suis pas psychologue, je suis spécialisé en santé communautaire, mais je sais que la santé mentale comporte des états et des caractéristiques. Certaines conditions environnementales, telles que le chômage, le manque d'avenir, le logement insalubre, le manque de moyens pour subvenir à vos besoins et à ceux de votre famille, entraînent tout naturellement quelqu'un sur la voie de la dépression. Dans les communautés autochtones, il y a de très nombreuses conditions qui provoquent la dépression.

Je ne saurais dire si l'origine est organique, ou s'il s'agit de psychose ou de schizophrénie. Toutefois, on sent avoir perdu tout contrôle. On voit des enfants de huit ans qui se suicident. Je vais dans de nombreuses localités partout au pays où c'est un très grave problème. Ces localités sont paralysées.

L'un des problèmes dans la recherche sur la santé mentale et la dépression, c'est qu'il faut faire très attention comment on aborde la question. On doit s'assurer que l'on suit la méthode appropriée de recommandations lorsqu'une personne a révélé un problème. Par exemple, s'il s'agit d'agression sexuelle, de violence physique ou d'idées de suicide, il faut pouvoir s'adresser aux professionnels de la santé compétents afin de s'assurer que l'entrevue ne provoque pas plus de problèmes pour le patient.

Comprendre l'ampleur et la nature de la maladie suppose un travail approfondi. C'est un des domaines que nous et nos collègues d'IRSC avons convenu d'approfondir.

Votre deuxième question visait à savoir si l'institut se pencherait sur ces questions dans les communautés autochtones. Nous sommes disposés à travailler avec nos collègues chercheurs afin de former et d'éduquer dans les communautés autochtones ceux qui sont prêts à y travailler pour examiner toute la gamme des graves problèmes de santé qui se présentent.

La recherche n'est pas une panacée. Elle ne réglera pas les problèmes socio-économiques dans les localités isolées et le manque d'emplois, mais cela nous donnera un modèle pour répondre aux préoccupations au sein des communautés autochtones. Sans recherche, le gouvernement se trouvera tout simplement à jeter l'argent par les fenêtres.

Nous voulons déterminer pourquoi certaines localités sont en santé et d'autres ne le sont pas. Nous essaierons alors de partager le fruit de nos recherches avec le réseau des communautés. Cela s'insère dans un mouvement plus vaste qui vise à créer une infrastructure autochtone de la santé. Il faudra à cette fin examiner les services de santé, leur prestation, mener des sondages dans les communautés, mais il faudra aussi poser des questions plus approfondies et pour y arriver il faudra des spécialistes dans diverses disciplines très spécialisées. C'est une question d'innovation, ouvrir des horizons nouveaux, de trouver des solutions à des problèmes urgents que nous ne comprenons pas pleinement.

Si nous voulons afficher des bons résultats ou des réussites dans les IRSC, dès le début, nous pouvons mettre l'accent sur la communauté autochtone et obtenir de bons résultats dans des projets qui changeront les choses très rapidement. Les possibilités de changement sont énormes au sein de ce groupe.

Le sénateur Gill: Obtenez-vous du financement du ministère de la Santé?

M. Reading: Nous travaillons en étroite collaboration avec le ministère. En fait, l'un de mes collègues ici vient de la Direction générale des services médicaux de Santé Canada. Nous travaillons très étroitement avec le ministère de la Santé et nous avons également l'appui de Phil Fontaine, le grand chef de l'Assemblée des premières nations.

Le sénateur Gill: Je n'ai pas de questions sur l'appui que vous donne Phil Fontaine, je m'interroge tout simplement sur le fait que vous voulez un institut. Avez-vous des appuis à ce niveau?

M. Reading: Je crois savoir qu'ils l'appuient et y voit une utilité. Nous espérons que le conseil d'administration provisoire et le président considéreront aussi que c'est utile.

Le sénateur Keon: Vous entendre tous les trois m'a beaucoup intéressé. Votre vision des IRSC consiste en plusieurs instituts -- sur la santé mentale, la santé des femmes, la santé des autochtones. Comment intégrer tous ces éléments dans le concept fondamental des IRSC?

Nous critiquons souvent notre régime de soins de santé, mais le problème fondamental dans le domaine des soins de santé vient de la rupture entre notre recherche sur la santé et les résultats que nous connaissons, la rupture entre la santé de la population et ce que nous en savons, la rupture entre la santé publique et ce que nous en savons et la rupture entre ces trois premiers et notre régime de soins de santé.

Ainsi, nous avons quatre foyers d'information différents et isolés. L'exemple le plus criant est celui des autochtones. La situation est terrible. Par exemple, il y a des endroits dans le Nord où 30 p. 100 des enfants sont sourds à l'âge de 12 ans. C'est honteux, tout ce qu'il leur faudrait, ce sont des antibiotiques. Nous ne transmettons pas l'information que nous avons sur la santé de la population au système de prestation de soins de santé.

Je veux que chacun de vous me dise comment nous devrions bâtir les IRSC pour arriver à surmonter ces problèmes.

Mme DuBick: L'expression «rupture» trouve un écho lorsque l'on songe à nos centres d'excellence. Plus particulièrement, lorsque nous parlons des secteurs qui ont trait à la santé de la population, aux régimes de santé et aux services, je pense que les centres d'excellence font oeuvre de pionniers. On y exige que la recherche porte sur les questions de santé de la population, des régimes et services de santé afin que la recherche soit conçue de façon à permettre que l'on formule des recommandations en matière de politique. Ainsi, nous pouvons nous assurer que les décideurs obtiendront l'information dont ils ont besoin pour concevoir des politiques, des programmes et des services qui amélioreront la situation, dans notre cas, dans le domaine de la santé des femmes.

Au fil des ans pendant notre mandat, nous avons élaboré une infrastructure de chercheurs, de décideurs, de défenseurs de la santé, de groupes communautaires et de fournisseurs de services qui travaillent dans le domaine de la santé des femmes et qui ont travaillé fort pour réparer la «rupture». Ils ont tenté de faire un pont entre le discours des chercheurs universitaires et le discours des organisations communautaires, car ce sont en fait des langues différents et pour trouver une façon de mettre en équilibre les intérêts des chercheurs, des groupes communautaires et des décideurs afin de concevoir un produit qui profite à tous. Je ne dis pas que nous avons atteint la perfection, mais je pense que notre expérience mérite d'être retenue et peut offrir peut-être une certaine sagesse aux IRSC sur le plan de l'équilibre à maintenir entre les groupes d'intérêts et pour trouver des méthodes qui favorisent le changement et qui soient innovatrices.

M. Upshall: Je partage en grande partie l'avis de Mme DuBick. Les secteurs de la maladie mentale et de la santé mentale regroupent un pourcentage élevé de la population. Ce seul fait justifie votre présence à la table. Le projet de loi portant création des instituts de recherche en santé du Canada a été conçu de façon à tenir compte de vos préoccupations en ce sens que c'est au niveau du conseil d'administration que se prendront la grande majorité des décisions. Quatre-vingts pour cent des subventions de recherche seront accordées dans le cadre d'un processus d'examen par les pairs qui ne fait pas partie de l'institut, et le chercheur aura l'occasion de choisir l'institut avec lequel il souhaite s'affilier.

C'est une question de confiance, nous voulons avoir la possibilité d'être à la table de façon à ce que nous puissions comprendre et accepter le processus. Jusqu'à présent, notre participation au processus a été négligeable. Donc, nous n'avons pas confiance dans ce qui a été fait par le passé. Il s'agit d'un nouveau processus et nous aimerions penser que nous pouvons avoir confiance dans ce qui sera fait. La meilleure façon de s'y prendre, c'est de nous inclure. Alors que d'autres groupes de chercheurs ne sont pas intéressés à participer, nous avons des chercheurs très connus qui sont disposés à le faire, des chercheurs qui peuvent influencer les modèles de recherche retenus.

Je ne pense pas que l'on retrouve 15 ou 20 instituts à l'intérieur d'une structure qui en compte de 80 à 20. Plus il y a d'instituts, sans dépasser des limites, plus le directeur ou les membres du conseil consultatif auront la possibilité de s'occuper de choses telles que la contestation de subventions et l'élaboration d'une liste de questions telles que la santé mentale chez les autochtones, la santé des autochtones, la santé des femmes et, dans notre cas, les maladies mentales et la santé mentale.

L'autre aspect, particulièrement en ce qui concerne les maladies mentales et la santé mentale, c'est que non seulement nous sommes dans une catégorie propre, mais nous participons également à de nombreuses activités transsectorielles. Nous prévoyons que la collégialité sera à l'ordre du jour et nos chercheurs tiendront à travailler avec les chercheurs des autres disciplines. Je pense que la possibilité existe de s'unir et d'élaborer des programmes transsectoriels et peut-être conjoints. Il y a plus de chances qu'existent ces efforts collaboratifs entre deux instituts que si nous avons un conseil d'administration énorme qui regroupe quatre ou cinq instituts virtuels qui tentent de gérer toute la recherche dans le domaine des soins de santé au Canada. J'espère avoir aidé votre réflexion.

M. Reading: C'est une question très intéressante, mais à laquelle il est un peu difficile de répondre. En fait, c'est une question de politique de santé publique.

J'ai travaillé dans des hôpitaux, dans des organisations politiques, dans des centres de santé dans le Nord et j'ai travaillé comme chercheur universitaire dans de nombreux milieux. Ainsi, j'ai vu le dilemme -- tous les petits empires où l'on ne se parle pas les uns aux autres. Je pense que le modèle des IRSC, tel que présenté, vise à créer un réseau national où les chercheurs collaboreront par groupes de peut-être 500 chercheurs qualifiés afin de s'attaquer à diverses questions qui touchent à la santé. Lorsqu'on retrouve ce genre de volonté commune, on produit des solutions incroyablement innovatrices à des problèmes très compliqués qu'on ne saurait trouver avec un seul lauréat du prix Nobel assis dans un laboratoire ou un bureau. Tout le processus des instituts est un exemple de collaboration transsectorielle.

Une fois que le modèle aura fait ses preuves -- pour l'innovation et la transformation --, il se transposera au niveau de gouvernance des ministères avec pour résultat des politiques efficaces de santé publique. Les valeurs fondamentales des Canadiens sont l'équité et la justice. Si ce n'était qu'une question d'argent, de bonne volonté ou de statistiques sur la santé pour arriver à améliorer le bien-être des autochtones, alors ce serait chose faite. Il s'agit plutôt de relier les gens dans un réseau national et de créer des politiques de santé publique qui améliorent la qualité de vie dans les localités -- facile à dire, mais difficile à faire. C'est une question de la réaction du ministère des Affaires indiennes à certaines des conditions de logement sur les réserves et c'est une question de comprendre qu'il est dans l'intérêt de tous d'améliorer ces facteurs déterminants de la santé. En bout de ligne, il y aura des économies, et c'est la même chose dans les domaines tels que la nutrition et les programmes d'activités pour les enfants -- les occuper avec des activités saines de façon à ce qu'ils soient moins tentés de participer à des délits mineurs. Les jeunes s'ennuient beaucoup dans certaines localités. Par conséquent, il serait sage d'identifier les facteurs déterminants du modèle de la santé pour ensuite transmettre les résultats à divers groupes de formulation de politique publique afin de susciter des changements.

La plupart des communautés autochtones au Canada ont un taux de chômage de 90 p. 100. Qu'importe le nombre de médecins ou d'infirmières que l'on installe dans ces localités, la santé ne s'améliorera pas dans ces conditions. Combien de preuves nous faut-il avant de convaincre les décideurs qu'il faut améliorer ces conditions? Je n'essaie pas de tout peindre en noir, on fait déjà de nombreux investissements stratégiques, dans des domaines comme l'éducation de la petite enfance, mais il nous faut construire à partir de ces réussites. Si nous ne pouvons participer sur un pied d'égalité dans ce milieu collégial des instituts nationaux, il nous faudra nous présenter chapeau bas et demander aux chercheurs, aux directeurs scientifiques et aux membres des conseils d'administration: «Comment allez-vous répondre à nos multiples préoccupations, de la tuberculose au diabète, et à tous les autres problèmes de santé?»

Enfin, les Nations Unies, sept années d'affilée, ont déclaré que le Canada était le meilleur lieu où vivre sur la planète. Si cela s'était produit une fois ou deux, nous pourrions dire que c'est un hasard. Mais cela s'est produit sept années d'affilée.

Or, cette population n'est pas difficile à trouver; nous savons exactement où elle vit, nous pouvons intervenir et faire savoir clairement que nous nous préoccupons de sa santé. Toutefois, si cela ne se produit pas, nous allons peut-être perdre un peu de terrain et considérer que nous ne sommes pas bien représentés, que l'on ne tient pas compte de nos préoccupations.

Le président: Honorables sénateurs, je vais maintenant inviter notre dernier groupe de témoins à prendre place à la table. Il s'agit du Dr Henry Dinsdale et de M. Richard Carpentier du Conseil national d'éthique en recherche chez l'humain.

Dr Henry Dinsdale, président sortant, Conseil national d'éthique en recherche chez l'humain: Honorables sénateurs, je vais essayer de résumer quelques-uns des points saillants du document que j'ai distribué.

Je suis neurologue, professeur émérite à l'Université Queen's et président sortant du Conseil national d'éthique en recherche chez l'humain. J'ai également été membre du conseil d'administration et vice-président du CMR et président du Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada, tous des groupes qui manifestement s'intéressent énormément à ce projet de loi.

M. Richard Carpentier, directeur exécutif du Conseil national d'éthique en recherche chez l'humain, détient un doctorat en philosophie et outre ses fonctions administratives, possède une vaste expérience pratique grâce à sa participation à des commissions de recherche en éthique.

Le CNERH appuie complètement le projet de loi C-13. Son objet englobe une gamme étendue de disciplines qui, ensemble, contribueront à mieux comprendre les facteurs déterminants de la santé ainsi que les causes et les remèdes de la maladie chez les Canadiens.

La recherche en santé est un domaine passionnant qui offre de nombreuses possibilités. Des progrès impressionnants au niveau de la prévention et du traitement de la maladie nous sont venus des programmes de recherche dans les universités, les hôpitaux et dans le secteur privé. En même temps, nous avons vu la confiance du public dans les sciences et les conseils des scientifiques au gouvernement ébranlées au Royaume-Uni par des événements tels que la maladie de la vache folle et sa transmission apparente à l'humain. Il y a aussi l'incertitude de la population face aux applications de la biotechnologie et de la thérapeutique génétique. Les rares exemples d'inconduite scientifique dans les laboratoires et dans les essais cliniques sont étalés au grand jour par les médias nationaux toujours plus avides de tels faits.

L'intérêt de la population dans les sciences augmente, mais la confiance de la population dans les sciences exige des procédures transparentes et crédibles dans de nombreux domaines dont le plus important, la protection des sujets humains de la recherche. La politique fédérale doit préserver les avantages de la recherche tout en protégeant les sujets de recherche de tout éventuel abus ou tort indu. Le conseil note avec intérêt que les amendements au projet de loi incluent le renforcement de l'application de principes d'éthique. Les trois conseils de recherche ont fixé des normes élevées dans leurs énoncés de politiques, mais il faut une surveillance efficace si l'on veut assurer le respect de ces normes.

Je n'ai que quelques mots à dire au sujet du Conseil national d'éthique en recherche chez l'humain. Le principe est simple: faciliter la protection et la promotion du bien-être des sujets humains dans la recherche et favoriser des normes d'éthique élevées dans la recherche à laquelle participent des humains.

Le conseil national a été créé au début des années 80 lorsque le docteur Pierre Bois, alors président du Conseil de recherches médicales, a considéré souhaitable de créer un organisme autonome, sans liens de dépendance, afin d'aider les comités d'éthique pour la recherche dans leur travail. À la demande du Conseil de recherches médicales, et avec un appui financier supplémentaire de Santé Canada, le Collège royal des médecins et des chirurgiens a accepté d'assumer ce rôle. Le CNERH se trouve au Collège royal depuis lors, et bénéficie d'un appui en nature de ce dernier.

Le CRSNGC et le CRSHC se sont joints au groupe qui finance le CNERH en 1995, et le Conseil national de la bioéthique en recherche sur les sujets humains a changé son nom pour devenir le Conseil national d'éthique en recherche chez l'humain afin de refléter son mandat élargi.

Le conseil d'administration du CNERH inclut maintenant des représentants des localités autochtones et non autochtones et d'une grande variété de disciplines, y compris l'éthique, le droit, la sociologie, les sciences infirmières, la médecine, la philosophie, la sociologie et le journalisme. Il vous faut comprendre à quel point les comités d'éthique pour la recherche sont importants. Le code de Nuremberg, la déclaration de Helsinki et l'énoncé de politique des trois conseils prévoient tous que la conception et l'utilisation de procédures expérimentales soient approuvées par un comité d'éthique indépendant du chercheur et de ses commanditaires.

Le premier devoir d'un comité d'éthique consiste à protéger les intérêts des sujets humains qui participent à la recherche. Il s'agit de petits comités constitués de représentants de plusieurs disciplines -- on en parle dans les notes -- et, en général, un tel comité est un élément sous-doté et sous-financé de l'institution.

Je ne vais pas examiner en détail les divers mandats du CNERH. Qu'il suffise de dire que ceux qui sont énumérés ici montrent comment le conseil tente d'aider et d'appuyer les comités d'éthique pour la recherche et leur travail partout au pays. Nous procédons par ateliers régionaux, visites de sites et publications et en faisant souvent appel à une liste bien précise.

IRSC prévoit tout une gamme de recherches captivantes en santé, mais les instituts ne financeront pas la grande majorité de la recherche en santé au Canada. L'industrie, les organismes bénévoles, des sources étrangères et même la recherche en financement extérieur constitueront toujours la grande partie de la recherche biomédicale au Canada. Le mandat du CNERH est de protéger tous les sujets humains qui participent à la recherche, quel que soit le commanditaire de cette recherche.

Au Canada, la plupart de ces comités d'éthique pour la recherche sont affiliés à des institutions telles que des universités ou des hôpitaux. Toutefois, l'expansion récente des essais cliniques parrainés par l'industrie a été accompagnée par la croissance rapide d'organismes de recherche autonomes, à but lucratif, à contrat. Ces organisations offrent des services d'essai de médicaments aux industries pharmaceutiques, aux producteurs génériques et au secteur de la biotechnologie. Ces organisations de recherche à contrat font de plus en plus appel à des comité d'éthique pour la recherche privée, à but lucratif, organisée pour un examen rapide des protocoles. Il n'y a aucun mécanisme au Canada, à l'heure actuelle, qui permette de déterminer l'ampleur et l'incidence des comités d'éthique pour la recherche à but lucratif.

Aux États-Unis, la Office for the Protection From Research Risks a en vertu de la loi le pouvoir de faire enquête sur les comités d'éthique pour la recherche et leur processus d'examen, que ces comités se trouvent dans les universités, les hôpitaux d'enseignement ou le secteur privé. La vigilance de ce bureau a en fait entraîner l'arrêt des recherches dans plusieurs universités américaines prestigieuses au cours de la dernière année à cause des lacunes constatées dans la procédure de révision déontologique.

Le CNERH a un programme volontaire de visites sur place qui offre des conseils aux comités d'éthique pour la recherche sur leurs procédures d'examen déontologique. Toutefois, au Canada, à l'heure actuelle, il n'y a aucun processus de certification, d'accréditation ou d'inspection régulière des procédures d'examen déontologique dans les universités, les hôpitaux ou le secteur privé. Le CNERH estime que nous devons mettre en place une procédure d'évaluation régulière. Si nous voulons qu'une telle procédure gagne la confiance du public, elle doit être transparente, et sans lien avec les commanditaires de la recherche. Le CNERH a examiné les modèles qui existent déjà de telles procédures d'examen. Si nous obtenons les ressources nécessaires, nous sommes disposés à mettre en place le modèle le plus approprié.

Le CRM a créé un comité permanent sur l'éthique il y a plusieurs années. Ce comité et son personnel ont stimulé la discussion sur les questions d'éthique au CRM et ont lancé des initiatives telles que les énoncés de politique des trois conseils. Ce comité a transmis des propositions en vue de continuer ces activités au sein des IRSC. D'autres groupes ont présenté des opinions sur les activités dans le domaine de l'éthique aux IRSC. Quelle que soit la formule retenue, il est essentiel pour les IRSC et le CNERH de maintenir une communication efficace de façon à ce que leurs rôles distincts et complémentaires puissent servir les intérêts des sujets humains de la recherche.

En conclusion, le CNERH appuie fermement le projet de loi C-13. Toutefois, on doit prévoir une augmentation des ressources consacrées à alléger le lourd fardeau du processus d'examen déontologique qui est associé aux commanditaires de la recherche sans en dépendre. Il est grand temps de créer un mécanisme efficace, efficient et indépendant de surveillance du processus d'examen déontologique, non seulement dans le cas des projets financés par les IRSC, mais dans le cas de la majorité de la recherche parrainée par d'autres.

Le conseil se réjouit de collaborer avec les IRSC et Santé Canada à l'examen de ces questions importantes parce que l'objectif ultime est de protéger les sujets qui participent aux recherches.

Le président: Je vous remercie, docteur Dinsdale. Vous n'étiez pas ici hier, mais nous avons eu un échange intéressant avec la docteure Bartha Marie Knoppers de l'Université de Montréal. Nous avons conclu à l'issue de cette discussion que nous devions consacrer plus de temps à l'étude de la question de l'éthique et que nous ne pouvions pas le faire dans le cadre de l'examen de ce projet de loi.

J'aimerais vous poser la question suivante, et je ne le fais pas pour susciter un débat, mais parce que je m'interroge sincèrement sur le sujet: le monde médical fait-il une distinction entre des décisions éthiques et des décisions morales? Je ne veux pas soulever la question de l'avortement, même si c'est un exemple intéressant. Un grand nombre de gens estiment que leur position sur l'avortement est un jugement moral. Vos comités d'éthique estiment-ils que l'avortement soulève une question éthique ou une question morale? Est-ce une question à laquelle réfléchissent les comités d'éthique? Dans quelle mesure la morale et l'éthique diffèrent-elles?

Comment faire une distinction entre les questions morales, qui font intervenir des valeurs subjectives, et les questions éthiques qui, en théorie du moins, d'après ce que vous nous avez dit, comportent un élément d'objectivité?

M. Dinsdale: Les comités d'éthique pour la recherche dont je vous ai parlé s'intéressent d'abord à la recherche. Ils établissent simplement la crédibilité éthique d'un projet de recherche. Dans un établissement comme un hôpital, un autre comité d'éthique se penche sur les questions morales.

Le président: Par conséquent, une décision pourrait être éthique mais immorale, n'est-ce pas?

M. Dinsdale: Je m'engage sur un terrain glissant, monsieur le président.

Le président: Je n'essaie pas de susciter un débat. J'essaie simplement de comprendre si une décision qui peut vous paraître éthique me paraîtra non éthique à moi. Autrement dit, dans quelle mesure l'éthique est-elle objective puisqu'on considère que la recherche se fonde sur des critères objectifs par opposition au jugement subjectif collectif des membres du comité? Voilà ce que j'essaie de comprendre.

M. Dinsdale: J'aimerais revenir à la distinction entre les deux types de discussion éthique parce que cette distinction m'apparaît importante. Ainsi, dans un hôpital confessionnel, si le conseil d'éthique estime que l'avortement est immoral, aucun avortement ne sera permis dans cet hôpital.

Dans un établissement laïque, où l'avortement est considéré comme un service médical admis, il se peut qu'un obstétricien souhaite étudier les conséquences psychologiques des avortements pour les jeunes femmes non mariées. Le comité d'éthique pour la recherche examinera ce projet de recherche. Il se demandera si la question qu'on se pose est une bonne question scientifique et si on peut y répondre par l'étude proposée. Autrement dit, le comité portera un jugement scientifique. La question se posera ensuite de savoir comment protéger la vie privée des sujets de l'étude.

On peut dire que les questions morales et les questions éthiques sont distinctes. Le comité d'éthique pour la recherche ne se penche pas sur les questions morales plus vastes.

Le président: On peut donc dire que les décisions éthiques comportent un élément d'objectivité, n'est-ce pas?

M. Dinsdale: Oui. Les milieux de recherche consciencieux comprennent bien les principes éthiques fondamentaux qui sous-tendent des recherches légitimes. Ces principes découlent de sources évidentes.

Le président: Même pour les gens qui ne partagent pas les mêmes valeurs morales?

M. Dinsdale: Tout à fait. Il a été établi lors du procès de Nuremberg que la participation d'êtres humains à des projets de recherche doit être volontaire.

Le sénateur Carstairs: Je vous remercie, docteur Dinsdale, d'avoir soulevé une question que personne d'autre n'a soulevée, à savoir que les travaux des chercheurs ne valent que ce que valent l'examen par les pairs et l'examen éthique qui en est fait. J'en déduis que le nouvel institut devra réserver des fonds pour les examens éthiques que vous recommandez dans votre mémoire.

Permettez-moi d'aller un peu plus loin. Cette année, des chercheurs ont sérieusement remis en question pour des raisons éthiques un contrat conclu avec une certaine société pharmaceutique. Faut-il aller plus loin? Faut-il prévoir dans la loi un mécanisme qui permettra aux chercheurs de régler le dilemme éthique auquel ils peuvent faire face? Ils peuvent avoir conclu un contrat avec une société donnée, mais ils ont aussi conclu un contrat avec la race humaine. À mon avis, un contrat conclu avec la race humaine prime sur un contrat conclu avec une société de recherche. Faut-il aller plus loin?

M. Dinsdale: Cette question comporte deux ou trois éléments très importants. Quant à savoir s'il est nécessaire d'adopter une loi, je trouve qu'il est très difficile au Canada de trouver un mécanisme permettant d'évaluer le caractère éthique de la recherche.

J'ai fait allusion à certains problèmes qui se sont posés dans des universités américaines. Les problèmes qui se sont posés découlent du fait que les comités d'éthique pour la recherche ne disposent pas du personnel voulu, qu'ils sont surchargés, qu'on leur demande de trop faire en trop peu de temps et qu'ils ne peuvent pas aller au fond des choses. On leur reproche aussi de ne pas justifier leurs décisions, c'est-à-dire de ne pas respecter les formalités bureaucratiques, et de ne pas exercer une surveillance suffisante. Voilà les principaux problèmes qui ont été décelés.

M. le juge Krever a fait remarquer que la valeur de la réglementation d'un groupe dépend des ressources qu'on affecte à cette activité et que dans un monde idéal, ces ressources ne suffiront jamais.

Je peux vous donner un exemple de modèle unique et très intéressant en Alberta. On cherche dans cette province à évaluer les recherches qui sont effectuées dans les bureaux des médecins qui sont affiliés à un établissement médical. Si une société pharmaceutique dit qu'elle veut mener une étude, elle peut demander à un médecin d'y faire participer un certain nombre de ses patients. Où est le comité d'éthique pour la recherche? Existe-t-il un comité d'éthique pour la recherche indépendant qui examine la qualité de cette recherche et qui l'évalue?

L'Alberta College of Physicians and Surgeons a offert de créer son propre comité d'éthique pour la recherche. Tous les médecins autorisés à exercer leur profession en Alberta qui participent à un essai clinique qui n'a pas lieu dans une université ou un établissement de recherche doté d'un comité d'éthique pour la recherche doivent faire approuver leurs projets par le comité d'éthique pour la recherche du collège. L'Alberta est actuellement la seule province où il existe un mécanisme de surveillance de ce genre.

Faudrait-il légiférer dans ce domaine? Je suppose que le collège a été établi par voie législative et que ses pouvoirs lui permettent d'exercer une surveillance sur les projets de recherche. Nous n'avons peut-être pas besoin d'une loi spéciale. Comment créer des comités d'éthique pour la recherche indépendants?

Les gens finissent par accepter de participer à des projets de recherche qui ont été avalisés par le Collège royal et les hôpitaux accrédités de la province. Les universités acceptent que le Collège royal évalue leurs programmes et l'approuve. Les hôpitaux font de même. Nous aimons croire qu'au Canada les mécanismes volontaires peuvent être efficaces. Aux États-Unis, on préfère légiférer dans ces domaines. D'aucuns pensent que cela entraîne un rabaissement des normes.

Nous avons beaucoup discuté de cette question et on semble espérer que des mécanismes crédibles pourront être mis en place sans qu'il soit nécessaire d'adopter une loi. Cette position est peut-être un peu naïve compte tenu des énormes besoins financiers ainsi que des autres aspects de la question.

Le sénateur Carstairs: Ma dernière question porte sur les enfants. Nous faisons à juste titre beaucoup de recherche en vue d'aider les enfants. Il y a le cas dont on a beaucoup entendu parler d'un garçon au Manitoba qui a été castré par erreur par un médecin et qui a été élevé comme une fille alors que son frère jumeau a été élevé comme un garçon. Il semblerait que les garçons voulaient cesser de participer au projet de recherche bien avant que leurs parents leur permettent de le faire. À partir de quand doit-on demander aux enfants s'ils consentent de participer à un projet de recherche?

M. Dinsdale: C'est une question qui a fait l'objet d'un long débat. Le Conseil national de bioéthique a tenu de nombreux ateliers sur le sujet et adopté des énoncés de position qui ont fait en sorte que le CRM a modifié certaines de ses règles dans ce domaine.

Les avis sont partagés sur cette question. Il y a d'abord la question de l'âge requis pour consentir et les études démontrent clairement que les enfants de 12 ou de 13 ans peuvent porter de très bons jugements dans de nombreux domaines. Un comité d'éthique pour la recherche étudierait le bien-fondé de chaque cas. La semaine dernière, nous discutions d'un cas à Minneapolis où un chercheur voulait donner à des élèves du niveau secondaire âgés de 12 à 14 ans un questionnaire visant à établir leurs pratiques sexuelles, leurs connaissances sur le sida et la mesure dans laquelle ces incidences influent sur leur comportement sexuel. L'enquêteur allait envoyer une lettre aux parents leur demandant d'accepter que leur enfant remplisse le questionnaire.

Un projet comme celui-là soulève d'innombrables questions. Par exemple, quel était le nombre de parents dont l'anglais était la langue maternelle et qui pouvaient lire la lettre qu'on leur envoyait? Comment les questions auxquelles on demandait à l'enfant de répondre étaient-elles formulées? Si l'enfant répondait non à beaucoup de questions, aurait-il l'impression de se comporter autrement que ses compagnons de classe? Ainsi de suite.

On a estimé que dans l'ensemble, un enfant de 13 ans pouvait répondre à ce questionnaire, mais à y regarder de plus près, on a constaté que de nombreux problèmes se posaient. Quelle était la position du conseil scolaire?

Chaque cas doit être évalué sur le fond. Je ne suis certainement pas un spécialiste de la jurisprudence dans ce domaine.

Le président: En réponse au sénateur Carstairs, vous avez dit que vous préféreriez l'adoption de pratiques volontaires à une loi. Des rumeurs circulent selon lesquelles les travaux de la Commission royale d'enquête sur les techniques de reproduction pourraient aboutir à l'adoption d'une loi. Ai-je raison de penser que vous préféreriez qu'il n'y ait pas de loi dans ce domaine?

M. Dinsdale: Je n'étais pas membre de la commission royale d'enquête, mais je pense qu'elle s'est penchée sur des questions quelque peu différentes. C'est un exemple de cas où les attitudes du public et celles des professionnels peuvent évoluer. Si l'on examine les procès-verbaux des réunions de la commission royale d'enquête et les recommandations qu'elle a formulées notamment en ce qui concerne les modifications apportées au Code criminel, on voit bien que les commissaires ont changé d'opinion. Le public suit la tendance.

Il faut peut-être adopter une loi visant l'accréditation des médecins qui veulent ouvrir une clinique offrant des services de reproduction. Je ne sais pas quelle sorte de mécanisme d'accréditation il faudrait mettre en place, mais comme les techniques évoluent très rapidement, il faudrait que la loi soit d'application très vaste.

Le sénateur Keon: Lorsque les IRSC auront été mis sur pied, pensez-vous qu'un centre national sur l'éthique dans le domaine de la recherche sur les humains pourra continuer de relever du Collège royal?

M. Dinsdale: Le Collège royal a offert une aide en nature, des locaux et tout le reste. Il est prêt à continuer de le faire. À titre de chercheur clinique, je me permets de faire remarquer que les mandats du Collège royal, du CNERH et des IRSC ne sont pas les mêmes, ce qu'on n'a pas tout à fait compris. Personnellement, j'espère que le Collège royal jouera un rôle plus actif dans ce domaine. En effet, le collège réglemente les responsabilités des chercheurs cliniques en ce qui touche notamment les essais cliniques.

Nous sommes évidemment tenus de nous assurer que les meilleures questions sont posées et que les patients qui acceptent d'être des sujets de recherche participent aux meilleurs projets de recherche possible étant donné qu'il y a toujours un nombre limité de patients qui peuvent participer aux essais cliniques. À mon avis, ni le CRM ni le collège professionnel ni aucun autre groupe -- même si le CRM a notamment créé un prix d'excellence -- n'a suggéré que les neurologues ou les cardiologues et les sous-comités scientifiques auxquels ils appartiennent disent à l'industrie: «Montrez-nous les cinq meilleurs médicaments sur lesquels vous travaillez à l'heure actuelle et notre comité scientifique décidera celui qui mérite le plus d'être évalué.» Comme les principaux centres de recherche du pays accepteraient de travailler avec ce consortium, notre crédibilité serait rehaussée. Personne ne l'a encore fait.

Si j'attire votre attention sur cela, c'est que la question comporte un élément éthique et que la formation qui serait nécessaire exigerait la participation du Collège royal. Cela revient à la question des normes appliquées par les conseils subventionnaires. Il existe un genre de réseau.

J'estime que le CNERH peut continuer pour l'instant de relever du Collège royal.

Le président: Je vous remercie beaucoup, docteur Dinsdale.

Nous reprendrons nos travaux demain à 11 heures.

La séance est levée.


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