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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule 13 - Témoignages du 3 mai 2000


OTTAWA, le mercredi 3 mai 2000

Le comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui à 15 h 45 pour examiner l'état du système de santé au Canada.

Le sénateur Marjory LeBreton (vice-présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente: C'est la sixième réunion que nous tenons pour étudier le système de santé. Nos témoins d'aujourd'hui sont des représentants de Santé Canada. Nous espérions recevoir également des membres de l'Institut canadien d'information sur la santé, mais cela n'a pas été possible aujourd'hui. Ils vont donc comparaître à une date ultérieure. La greffière a envoyé à vos bureaux un récent rapport de l'Institut intitulé «Les services de santé au Canada. Un premier rapport annuel», qui présente toute une série de faits concernant le financement des soins de santé.

Les représentants de Santé Canada discuteront avec nous de l'évolution du financement de la santé, y compris les dépenses privées et publiques, des tendances à long terme et de leurs répercussions ainsi que de la justification des changements dans les mécanismes de financement fédéraux. Nos témoins sont Abby Hoffman, conseillère principale en politique à Santé Canada; Cliff Halliwell, directeur général, Direction de la recherche appliquée et de l'analyse, Direction générale de l'information, de l'analyse et de la connectivité, et Frank Fedyk, directeur par intérim de la Division de la Loi canadienne sur la santé, Direction des affaires intergouvernementales, Direction générale des politiques et de la consultation. Madame Hoffman, je crois que vous serez la première à prendre la parole au nom de Santé Canada.

Mme Abby Hoffman, conseillère principale en politique, Santé Canada: En plus des deux sujets que vous avez mentionnés, nous avons cru comprendre qu'il pourrait être utile aux membres du comité que nous fassions également quelques observations sur le rôle que le gouvernement fédéral joue dans la santé, et surtout les soins de santé. Je commencerai par quelques remarques. Ce sont trois sujets assez vastes et je sais qu'on nous a accordé une dizaine de minutes pour notre déclaration liminaire. Je dois vous avertir tout de suite que je vais sans doute dépasser ce temps, alors n'hésitez pas à me couper la parole dès que vous le jugerez bon. Bien entendu, nous nous ferons un plaisir de répondre à vos questions après ces remarques préliminaires.

Je commencerai par quelques observations concernant le rôle que le gouvernement fédéral joue dans la santé. Je n'ai évidemment pas le temps de le décrire entièrement, mais j'aimerais aborder certains de ses principaux aspects. La mission qui est celle du gouvernement fédéral dans le domaine de la santé, consiste à aider les Canadiens à protéger et à améliorer leur santé. Nous le faisons en travaillant dans trois champs d'activité. Il y a d'abord la politique et les systèmes de santé nationaux, et particulièrement notre système de soins de santé financé par l'État. Il y a ensuite le travail que nous accomplissons sur le plan de la promotion de la protection de la santé, y compris la prévention des maladies et des accidents. Notre troisième champ d'action concerne les services de santé et de soins mis à la disposition des Premières nations et des Inuits.

Nos principales fonctions, qui sont aussi les plus visibles, dans le domaine des soins de santé sont les suivantes: nous apportons une contribution financière aux provinces et aux territoires pour soutenir leurs systèmes de soins de santé et, dans des proportions beaucoup plus modestes, aux particuliers, par l'entremise des mesures fiscales, comme la déduction des frais médicaux; nous interprétons et faisons appliquer les principes de la Loi canadienne sur la santé; nous assurons aux Premières nations et aux Inuits l'accès à des services de santé communautaire et nous travaillons en collaboration avec les provinces, les territoires et les principaux intervenants, tels que les groupes de fournisseurs de soins, pour consolider le système de soins de santé canadien et l'adapter aux changements actuels et prévus, y compris l'évolution des besoins associés à un phénomène comme le vieillissement de la population.

En plus de ces rôles assez explicites en ce qui concerne les soins de santé, une bonne partie du travail que nous accomplissons à Santé Canada contribue, de façon directe ou indirecte, au système de santé. Un grand nombre des principales fonctions que nous remplissons, sur le plan de la protection de la santé et de la réglementation, revêtent une grande importance. Par exemple, nous veillons à ce que les Canadiens puissent avoir accès à des médicaments et des produits sûrs et efficaces. Nous veillons également à ce qu'ils soient protégés contre les risques associés à certains éléments du système de santé ou qui s'y rapportent, tels que les produits pharmaceutiques, les produits sanguins, les dispositifs médicaux, etc.

Comme vous le savez, nous faisons, mais surtout, nous finançons de la recherche dans le domaine de la santé. En collaboration avec divers organismes du secteur non gouvernemental, nous consacrons beaucoup d'efforts à la mise en place d'une infrastructure d'information sur la santé.

Dans le cadre de notre coopération avec d'autres partenaires et de notre propre Laboratoire de lutte contre la maladie, nous assumons de nombreuses responsabilités de coordination et de direction pour la diffusion de données épidémiologiques et la surveillance médicale.

Nous sommes également chargés d'élaborer les stratégies nationales de lutte contre la maladie en collaboration avec les provinces et les territoires. Cela comprend des maladies comme le cancer, les maladies cardiaques, le VIH, le sida, etc.

Il y a très peu de chose que nous faisons à nous seuls. La collaboration avec les provinces et les territoires, pour tout un éventail de questions de santé, joue un très grand rôle dans le secteur de la santé, et certainement dans nos travaux.

[Français]

La reconnaissance du rôle du gouvernement fédéral en matière de santé et la collaboration intergouvernementale sur les questions de santé sont des caractéristiques distinctives et très anciennes du secteur de la santé. Même si les gouvernements provinciaux assument la responsabilité de la prestation des soins de santé, le domaine de la santé ne relève pas exclusivement de l'un ou l'autre des gouvernements.

[Traduction]

Il existe des mécanismes bien établis et bien conçus pour assurer une collaboration entre les gouvernements dans le domaine de la santé. Je ne m'attarderai pas sur le sujet, mais il suffit de dire que, comme vous le savez sans doute, les ministres de la Santé tiennent une conférence chaque année et parfois plus souvent, selon leurs programmes respectifs. Les sous-ministres se réunissent officiellement au moins deux fois par an, et ils tiennent également des réunions informelles plus fréquentes, au besoin.

Quatre comités d'experts très importants appuient cette interaction au niveau des sous-ministres et des ministres. L'un d'eux s'intéresse à la santé de la population, par exemple en ce qui concerne la surveillance médicale et la vaccination des enfants. Un autre s'occupe des services de santé. Parmi ces priorités figurent, par exemple, les ressources humaines, et notamment les médecins et les infirmières. Les deux autres comités se spécialisent dans l'infrastructure d'information sur la santé.

Sois dit en passant, ces comités comptent de nombreux représentants du secteur non gouvernemental, à la fois des ONG et du milieu universitaire. Peut-être ont-ils travaillé dans l'ombre, mais avec beaucoup de compétence et d'efficacité.

De toute évidence, le gouvernement canadien joue le rôle de facilitateur et de coordonnateur en ce qui concerne les questions de santé ayant une dimension pancanadienne. Parmi les exemples récents qui ont eu des répercussions sur le système de santé figurent la mise en place d'un meilleur système d'approvisionnement en sang et des initiatives comme le Fonds pour l'adaptation des services de santé, qui a obtenu, dans le budget de 1997, 200 millions de dollars pour financer les innovations provinciales, territoriales et nationales dans le domaine des soins à domicile, de l'assurance-médicaments, des soins primaires et des services de santé intégrés.

Le rôle que nous jouons dans les soins de santé ne date pas d'hier et est très important. Je tiens à souligner que nous le jouons, nécessairement, en collaboration avec les provinces et les territoires de même que les diverses parties prenantes et les citoyens.

Je voudrais maintenant passer à l'évolution du financement fédéral de la santé. Une bonne partie de ce que je vais vous dire figure dans deux documents que nous déposons aujourd'hui. Ces documents s'intitulent «Dépenses de santé au Canada. Principaux faits» et «Dépenses de santé au Canada. Sources de financement».

Je voudrais aborder plusieurs questions. C'est encore plus compliqué que les campagnes récemment lancées dans les médias voudraient nous le faire croire. Je vais essayer d'aborder certains des principaux points, et mes collègues pourront répondre à vos questions plus en détail lorsque j'aurai terminé.

Je dirai d'abord un mot ou deux au sujet de la croissance des dépenses au chapitre de la santé. Si l'on examine les changements survenus d'une décennie à l'autre, il ne fait aucun doute que la croissance des dépenses au titre de la santé a ralenti énormément depuis les années 70 et le début des années 80, tombant de plus de 10 p. 100 à moins de 5 p. 100 par an dans les années 90.

Il faut interpréter avec prudence la portée et l'importance de ce ralentissement étant donné que les chiffres peuvent être trompeurs. Il faut tenir compte du niveau d'inflation beaucoup plus élevé qui existait dans les années 70 et au début des années 80 par rapport à la fin des années 80 et aux années 90, ainsi que du niveau actuel qui est très bas.

Pour ce qui est des dépenses publiques et privées, au milieu des années 70 et les années 80, elles ont augmenté à un rythme à peu près équivalent. Néanmoins, dans les années 90, le ralentissement des dépenses publiques au chapitre de la santé a été beaucoup plus marqué. La croissance a été faible ou il y a même eu un léger déclin au cours de certaines années.

Je souligne qu'il s'agit d'un «léger déclin». Dans les années 90, la valeur des dépenses publiques pour la santé n'a pas diminué énormément, comme on le prétend souvent. Leur croissance n'a tout simplement pas été aussi prononcée, et les documents que nous avons déposés vous fournissent plus de précision à ce sujet.

[Français]

Ainsi à la fin des années 90, alors que les gouvernements ont réussi à effacer une grande partie du déficit, les dépenses publiques ont recommencé à augmenter à un rythme semblable aux dépenses du secteur privé. On obtient comme résultat net une diminution des dépenses totales du secteur public en matière de santé au Canada dans les années 90.

Si on rajuste les dépenses en fonction de l'inflation en général et de l'augmentation de la population, le ralentissement des dépenses publiques et même leur baisse au milieu des années 90 apparaît plus clairement.

[Traduction]

Autrement dit, le milieu des années 90 est certainement une période où les dépenses publiques au chapitre de la santé n'ont pas suivi le même rythme que le taux d'inflation, même s'il a été faible ou que la croissance démographique. Toutefois, lorsque ces dépenses ont augmenté à la fin des années 90, elles ont regagné le sommet atteint au début des années 90 sur le plan des dépenses réelles par habitant, même si l'on tient compte de la croissance démographique et de l'augmentation générale des prix.

Ces dernières années, ce sont les dépenses consacrées aux médicaments qui ont augmenté le plus rapidement tandis que la croissance a été plus lente en ce qui concerne le coût des médecins et surtout des hôpitaux, qui représentait des dépenses les plus lourdes au début de l'assurance-maladie, dans les années 60. Une des raisons pour lesquelles les dépenses publiques ont diminué par rapport au total, est que les dépenses privées sont plus importantes au chapitre des médicaments, secteur où la croissance est la plus rapide.

J'aimerais maintenant parler des sources de financement, et surtout des transferts fédéraux aux provinces. Le gouvernement fédéral a toujours apporté une contribution importante aux recettes provinciales pour aider les provinces à fournir des services aux Canadiens dans des domaines comme la sécurité sociale, l'éducation, et la santé. Comme vous le savez, la péréquation a certainement été une source très importante de revenu pour les provinces moins bien nanties.

Voici, en quelques mots, quelle a été l'évolution des contributions fédérales. Avant 1977, nous partagions de moitié avec les provinces certaines dépenses reliées aux hôpitaux et aux services de médecin. Si une province dépensait davantage, le gouvernement fédéral payait la moitié du montant supplémentaire. En 1977, le gouvernement fédéral a remplacé le partage du coût des programmes sociaux par le FPE, le Financement des programmes établis. Le FPE se composait de paiements en espèces et d'un transfert de points fiscaux, ce qui permettait aux provinces d'accroître leurs sources de revenu. Cette évolution résultait du désir des provinces de disposer d'une plus grande marge de manoeuvre pour obtenir les revenus dont elles avaient besoin pour répondre à leurs propres priorités, et dépenser leurs revenus de la façon qui répondait le mieux à leurs besoins.

En 1996, le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux a remplacé le FPE et le Régime d'assistance publique du Canada, qui avaient financé jusque-là les programmes provinciaux de sécurité sociale. Encore une fois, cela a laissé une plus grande latitude aux provinces pour répartir les transferts entre la sécurité sociale, l'enseignement postsecondaire et la santé. Comme chacun sait, le TCSPS représentait une réduction des paiements en espèces au moment où le gouvernement fédéral réduisait ses dépenses pour résorber le déficit. Toutefois, la valeur des points fiscaux a continué de croître au fur et à mesure que l'économie a progressé.

La limitation des dépenses, associée à un meilleur rendement économique et à une réduction du déficit de l'État, a permis d'injecter des fonds supplémentaires dans le TCSPS.

En 1998, le gouvernement a relevé le plancher des transferts en espèces du TCSPS, renonçant à une réduction qui avait été prévue. Dans son budget de 1999, il a ajouté 11,5 milliards de dollars sur une période de quatre ans. Sur ce montant, 3,5 milliards ont été mis dans un fonds de fiducie où les provinces pouvaient puiser de l'argent, selon leurs besoins, au cours des quatre années suivantes. Elles pouvaient sortir tout l'argent d'un coup ou progressivement.

Dans le budget de l'an 2000, 2,5 milliards de plus ont été mis dans un fonds de fiducie pour les provinces, mais contrairement à ce qui avait été prévu en 1999, cet argent pouvait servir à l'un des trois domaines inclus dans le programme, et pas seulement à la santé.

Si les provinces puisent régulièrement de l'argent au cours de la période en question, en 2000-2001, les transferts en espèces fédéraux resteront quand même inférieurs d'environ 3 milliards de dollars, à leur niveau de 1995-1996, c'est-à-dire avant la mise en place du TCSPS. Telle est la situation que font constamment valoir les provinces à l'égard des transferts.

Par contre, si on tient compte de la valeur des points d'impôt, dont la croissance a suivi celle de l'économie pendant toutes les années 90, en 2000-2001, la valeur totale du TCSPS, c'est-à-dire à la fois les transferts en espèces et les points d'impôt, dépassera le niveau de 1995-1996. Telle est la position du gouvernement fédéral.

Avant de passer à un autre sujet, je tiens à dire qu'il est difficile, comme on l'a dit dans les médias, et récemment dans le document que vous avez reçu de l'Institut canadien d'information sur la santé, d'établir exactement combien le gouvernement fédéral consacre à la santé, étant donné que le TCSPS laisse une grande marge de manoeuvre. Lorsqu'on calcule la contribution fédérale à la santé en faisant la même répartition entre la santé, l'enseignement postsecondaire et la sécurité sociale que pour le FPE et le Régime d'assistance publique, avant l'entrée en vigueur du TCSPS, chaque fois que les gouvernements canadiens consacrent 3 $ à la santé, le gouvernement fédéral donne 1 $. C'est actuellement un sujet de discussion, mais il est indéniable que sa part correspond au tiers des dépenses publiques.

Nous répondrons plus tard à vos questions et à vos observations. Je vais maintenant continuer en passant au troisième sujet, à savoir l'évolution de la législation fédérale relative à l'assurance-santé.

La prestation et le financement des services de santé sur une base universelle fait l'objet d'études depuis des années. Plusieurs commissions se sont penchées sur la question dans les années 30 et 40. Je n'en retracerai pas l'historique, mais l'assurance-santé universelle financée par l'État, est entrée en vigueur en 1947, lorsque la Saskatchewan a mis sur pied un régime d'assurance publique pour les services hospitaliers. Environ neuf ans plus tard, le gouvernement fédéral a offert de défrayer la moitié des services d'hôpitaux et de diagnostic, comme ceux dont bénéficiaient les résidents de la Saskatchewan, afin d'inciter toutes les provinces à offrir le même genre de programmes d'assurance-hospitalisation. C'est ce qui a mené, en 1957, à la Loi fédérale sur l'assurance-hospitalisation et les services diagnostiques, qui exigeait que les provinces, désireuses de participer au programme et d'obtenir une contribution du fédéral, assurent une protection universelle pour une série de services hospitaliers définis par le gouvernement fédéral, à des conditions uniformes. Il a fallu environ quatre ans pour que toutes les provinces décident de respecter ces conditions et de participer au programme.

[Français]

En 1964, la Commission royale d'enquête sur les services de santé a recommandé au gouvernement fédéral de conclure avec les provinces des ententes sur le partage des coûts de services de santé complets et universels pour les citoyens, affirmant que l'accès sans frais aux soins de santé pour tous les Canadiens était équitable, rentable et responsable sur le plan social.

[Traduction]

La loi habilitante, la Loi sur les soins médicaux, a été proclamée en juillet 1968. Les principes que devaient respecter les régimes d'assurance-santé des provinces pour être admissibles au programme de partage des coûts étaient quatre des cinq principes qui sont aujourd'hui ceux de la Loi canadienne sur la santé: le Régime d'assurance-santé devait être géré sans but lucratif par une autorité publique; le régime devait couvrir tous les services de santé assurés; tous les résidents assurés d'une province devaient être couverts et la garantie devait être transférable dans les autres provinces. Certaines provinces avaient déjà respecté ces critères et adhéré immédiatement au programme tandis que d'autres ont mis plusieurs années à le faire. Toutefois, en 1972, toutes les provinces et territoires y participaient.

J'ai décrit tout à l'heure comment s'était fait le passage du partage des coûts au transfert par habitant et je ne vais donc pas m'étendre sur les mécanismes de financement correspondant pour l'assurance-santé.

[Français]

Après la révision du programme d'assurance-maladie en 1979, la juge Hall a conclu que les soins de santé dispensés au Canada étaient parmi les meilleurs au monde. Elle a toutefois fait une mise en garde concernant la surfacturation des médecins qui obligent les patients à payer une somme supplémentaire au montant que reçoit le médecin en vertu du régime provincial et les frais modérateurs demandés par les hôpitaux.

[Traduction]

Par exemple, les frais d'enregistrement, la quote-part des frais journaliers, et cetera. La juge Hall a estimé que nous risquions de nous retrouver avec un système à deux niveaux qui compromettrait l'accès aux soins.

À la suite de ces préoccupations, le Parlement a adopté à l'unanimité, en 1984, la Loi canadienne sur la santé qui remplaçait la Loi sur l'assurance-hospitalisation et les services diagnostiques ainsi que la Loi sur les soins médicaux. Plusieurs dispositions importantes de la Loi canadienne sur la santé méritent d'être soulignées, notamment le principe de l'universalité pour les services hospitaliers et médicaux ainsi que le renforcement des principes de transférabilité, d'intégralité et de gestion publique. Un cinquième critère, l'accessibilité a été ajouté. Autrement dit, il faut permettre un accès raisonnable aux services assurés et médicaments nécessaires, à des conditions uniformes. De plus, et c'est peut-être le plus important, on a cherché à dissuader et d'imposer un ticket modérateur ou une surfacturation. La Loi canadienne sur la santé prévoyait que toute province qui autorisait l'imposition d'un ticket modérateur ou une surfacturation pour les services assurés se verrait déduire un montant équivalent de ces paiements de transfert.

Comme vous le savez, chaque province et territoire exploite et gère son propre régime de soins de santé conformément aux principes de la LCS avec l'aide financière du gouvernement fédéral, le résultat étant 13 régimes distincts mais imbriqués les uns aux autres. Pour obtenir la totalité des contributions en espèces, les provinces et les territoires doivent se conformer à la loi.

J'aborderai maintenant le dernier point, à savoir les services qui sont régis par les principes de la Loi canadienne sur la santé, et ceux qui ne le sont pas. Il y en a cinq.

Tout d'abord, les services assurés. En application du principe de l'intégralité de la LCS, les régimes d'assurance-maladie des provinces et des territoires doivent assurer tous les services de santé fournis par les hôpitaux, les médecins ou les dentistes, nécessaires sur le plan médical. Toutefois, la Loi ne définit pas ce que l'on entend par «nécessité médicale». Celle-ci est déterminée lors de négociations entre les associations provinciales de médecins et les ministères de la Santé. Dans la pratique, les praticiens décident souvent ce qu'est la nécessité médicale lors de leur interaction avec les malades et lorsqu'ils leur fournissent des soins et des traitements. Certains services, toutefois, sont plus clairement exclus de la nécessité médicale, la chirurgie plastique, par exemple. Il y a une certaine latitude.

Deuxièmement, les services complémentaires de santé englobent l'ensemble des programmes et services de proximité et en établissement, y compris les soins de longue durée et certains aspects des soins en résidence pour adultes et des soins ambulatoires, qui sont assujettis uniquement aux conditions de la Loi canadienne sur la santé, ce qui signifie que des renseignements doivent être fournis et que la contribution fédérale doit être reconnue. Toutefois, une quote-part, c'est-à-dire des frais supplémentaires, peut être, et est, exigée pour ces services.

Il y a ensuite les services de soins de santé complémentaires ou services additionnels. Il s'agit des services de santé que les provinces et les territoires offrent depuis longtemps, peut-être sur une base universelle, mais assortis de diverses modalités et conditions, ce qui en fait entame l'universalité. Je parle des programmes de médicaments sur ordonnance, les services de chiropractie, de physiothérapie, les services dentaires, etc. Puisque ces services ne sont pas visés par la LCS, seuls certains groupes de la population peuvent y avoir droit -- les personnes âgées ou les enfants, par exemple, ou les assistés sociaux -- et une quote-part ou une franchise peut aussi être imposée.

Quatrièmement, il y a les services non assurés. Je vous ai donné l'exemple tout à l'heure de la chirurgie plastique.

Ceux qui causent sans doute plus de problèmes sont les services jugés non assurés par une loi ou un règlement provincial. Par exemple, les conseils donnés au téléphone ne sont pas un service assuré, ce qui modifie tout à fait le mode de prestation des soins primaires. Si vous voulez obtenir des conseils de votre médecin et que celui-ci veut pouvoir facturer le régime d'assurance-maladie de la province, pour commenter les résultats de tests que vous pouvez avoir subis, il vous faudra vous rendre à son cabinet. Le médecin ne peut pas vous donner ces conseils au téléphone et facturer le service. N'allons pas en déduire que cela ne se passe pas; cela signifie seulement que ce n'est pas un service facturable.

Il y a enfin les services désassurés, une catégorie que l'on a souvent exagérée. Il arrive à l'occasion, lors des négociations entre les associations provinciales de médecins et les ministères de la Santé, que divers services, comme l'ablation d'une verrue ou l'extraction d'une dent de sagesse, soient supprimés de la liste des services assurés.

Nous sommes maintenant disposés à répondre à vos questions.

La présidente: Merci. Vous nous avez donné une explication complète et excellente de la Loi canadienne sur la santé.

Le sénateur Robertson: Madame Hoffman, j'aurais aimé recevoir certains de ces documents à l'avance pour les étudier. Cela nous aurait beaucoup aidés. Le fait de les avoir maintenant me complique la vie. Ils sont très importants, mais il est difficile de les analyser sans avoir un peu de temps à sa disposition. J'espère qu'après que nous aurons eu la chance d'en prendre connaissance, nous aurons une autre occasion de vous poser des questions. Pour être honnête, on ne peut pas faire d'observations réfléchies sur un texte que l'on reçoit cinq minutes avant le début de la séance.

Madame Hoffman, je vais commencer par le commencement. Ce qui m'a intéressée le plus dans votre exposé, c'est le principe de l'intégralité. Je sais que vous n'avez pas pu vous y attarder. À l'échelle nationale, pourriez-vous me dire quels soins de santé sont couverts par l'assurance-maladie? Qu'est-ce qui est visé par le principe de l'intégralité? Je vous demanderais de le répéter pour moi.

Mme Hoffman: Je pourrais peut-être revenir brièvement sur ce que j'ai dit, puis je demanderai à M. Fedyk, directeur intérimaire de la division responsable, de vous donner plus de précisions.

En résumé, en vertu des critères de l'intégralité de la LCS, les régimes provinciaux et territoriaux d'assurance-maladie doivent assurer tous les services de santé médicalement nécessaires fournis par les hôpitaux, les médecins ou les dentistes, aux personnes admissibles de la province ou du territoire. J'ai ajouté que la nécessité médicale n'est pas définie dans la loi et que c'est une question qui fait l'objet de négociations et qui peut susciter des divergences d'une province à l'autre.

M. Frank Fedyk, directeur intérimaire, Division conformité à la Loi canadienne sur la santé, Direction des affaires intergouvernementales, Direction générale des politiques et de la consultation, ministère de la Santé: La distinction importante ici, c'est qu'il ne s'agit que des services fournis par les hôpitaux et les médecins. La loi énumère tous les services internes et externes qui doivent être assurés en vertu de conditions uniformes. En ce qui concerne les services fournis par les médecins, comme Mme Hoffman l'a dit, ceux-ci font surtout l'objet de négociations entre les provinces et la profession médicale.

Cela a abouti à une liste très complète en constante mutation, au fur et à mesure que de nouvelles technologies ou services médicaux peuvent être utilisés. On a constaté qu'il était très avantageux de ne pas avoir de liste parce qu'elle devient périmée et qu'il est toujours difficile d'ajouter ou d'enlever quelque chose. Cela est donc laissé à la négociation, après quoi le médecin décide ce qui est médicalement nécessaire. La chirurgie esthétique est souvent donnée comme exemple de service qui peut être à la fois médicalement nécessaire et médicalement injustifié. Si vous êtes victime d'un accident de la route et que vous êtes défiguré, il pourra devenir médicalement nécessaire de remédier à votre défigurement à l'aide de chirurgie esthétique. Si, par contre, vous décidez de vous faire raccourcir ou rallonger le nez, il ne s'agit pas d'un service médicalement nécessaire, et celui-ci n'est donc pas assuré.

Le sénateur Robertson: J'aimerais être à la fois plus général et plus précis, si c'est possible.

Un des problèmes auxquels font face les provinces actuellement, c'est que les séjours à l'hôpital sont souvent abrégés et que le malade est renvoyé chez lui. La plupart des provinces ne couvrent pas les soins donnés à domicile. Les foyers de soins infirmiers et de soins spéciaux figurent dans des catégories différentes. Si vous n'aviez pas cette liste complète, qu'est-ce que vous définiriez comme soins de santé?

Ce qui me préoccupe, c'est que la définition actuelle des soins de santé est à ce point dépassée, que beaucoup sont exclus. Les ministres en ont-ils discuté? Ils doivent sûrement essayer de décider ce que sont les soins de santé dans la structure d'aujourd'hui. Nous semblons être bien en retard sur ce point. Nous en laissons la responsabilité aux provinces, mais beaucoup, comme la mienne, manquent de fonds. Où trouveront-elles l'argent pour fournir les services nécessaires? Pour moi, c'est là que se situe l'essentiel du problème, en plus des listes d'attente pour les soins hospitaliers et les méthodes invasives spéciales. Les citoyens sont furieux parce qu'on les expulse de l'hôpital et que les provinces n'ont pas d'argent pour s'occuper d'eux.

Quelle est votre définition idéale des soins de santé, si l'on oublie un instant cette intégralité?

M. Fedyk: Les soins dont les citoyens ont besoin sont les soins fournis par le médecin ou l'hôpital et les soins à domicile. Cela couvre tout. Beaucoup de provinces ont des programmes de soins à domicile ou de proximité, mais c'est très inégal. La loi en vertu de laquelle le gouvernement fédéral verse une contribution financière, englobe les services fournis par le médecin et l'hôpital, et une partie de notre contribution sert aux services complémentaires de santé va aux foyers de soins infirmiers, aux soins en résidence pour adultes et à certains soins à domicile et de proximité. Toutefois, le montant était de 20 $ par habitant en 1977. Après le regroupement en vertu de la Loi canadienne sur la santé en 1984, les critères relatifs aux soins en résidence pour adultes et le volet soins de santé des soins à domicile, étaient assujettis uniquement aux conditions de la loi portant sur la reconnaissance et la communication de renseignements.

M. Fedyk: Nous conviendrons tous, je pense, que cela englobe beaucoup de choses et comprend les soins de proximité.

Le sénateur Robertson: Il est tout à fait impossible pour les provinces de s'occuper de tout cela dans la situation financière actuelle. C'est une autre question.

À quel moment est entrée en vigueur la nouvelle formule, celle qui a remplacé le TCSPS?

Mme Hoffman: À quel moment le TCSPS a-t-il été instauré?

Le sénateur Robertson: Je crois comprendre qu'on l'a éliminé.

Mme Hoffman: Parlez-vous du passage au transfert égal par habitant en vertu du TCSPS?

Le sénateur Robertson: Oui.

Mme Hoffman: On l'a annoncé dans le budget de 1999.

Le sénateur Robertson: À mon avis, le calcul par habitant est foncièrement injuste et je ne comprends pas pourquoi les provinces, surtout les plus petites, seraient prêtes à y consentir. Il faut une certaine somme pour se doter d'une base minimale avant de pouvoir instaurer un système comme celui-là. Si la population est plus nombreuse, il sera plus facile de se doter d'une meilleure base. Sans cette base, la province sera en difficulté dès le début. Nous allons discuter de ce sujet.

[Français]

Le sénateur Gill: Je présume que vous avez des statistiques concernant les autochtones. Y a-t-il eu une augmentation des budgets durant les 5 ou 10 dernières années? Coûte-t-il plus cher de soigner un autochtone qu'un non-autochtone?

[Traduction]

Mme Hoffman: Je peux brièvement répondre à ces questions, quoiqu'il serait plus utile de demander aux représentants de la Direction générale des services médicaux de Santé Canada de donner plus de précision au comité.

Oui, il y a eu des augmentations de budgets pour les services de santé, à l'intention des Premières nations et des Inuits, financés par le gouvernement fédéral. Certains de ces budgets ont été plafonnés, mais c'est assez compliqué parce que les Premières nations, les Inuits et les autochtones qui vivent hors réserve reçoivent des services de sources diverses. Ils peuvent recevoir des services directement ou indirectement financés par le gouvernement fédéral. Comme citoyens du pays, ils reçoivent aussi des services dans leur province et leur localité.

Vous avez demandé s'il est plus coûteux de fournir des services aux autochtones qu'aux non-autochtones du Canada. Oui, sans doute pour deux raisons. La première est la dispersion régionale de la population autochtone. Il est évidemment très difficile de fournir des services dans les régions éloignées. Les coûts, de transport par exemple, sont énormes. Comme nous le savons tous, malheureusement, le niveau de santé de la population autochtone est en moyenne très inférieur à celui des Canadiens non autochtones, ce qui comprend une vulnérabilité à un certain nombre de maladies chroniques très débilitantes, comme le diabète. Je serais heureuse de demander au ministère de répondre à vos questions avec plus de précision.

Le sénateur Gill: J'aimerais savoir si l'état de santé des Autochtones s'améliore ou non. J'entends dire que beaucoup d'argent est investi dans ce secteur mais que le problème reste le même ou s'aggrave peut-être.

Mme Hoffman: En moyenne, l'état de santé des populations autochtones, par rapport au reste de la population, est en train de s'améliorer. Les disparités sont importantes et continuent d'exister. Il ne fait pas de doute qu'il reste beaucoup à faire. Il est certain aussi que des améliorations importantes ont été réalisées.

Le sénateur Carstairs: Comme d'autres, le Forum national sur la santé a recommandé la création d'un régime national d'assurance-médicaments. Votre propre étude montre que c'est le secteur de la santé où les coûts augmentent plus rapidement. Que fait le ministère de la Santé pour élaborer une stratégie d'assurance-médicaments au Canada?

Mme Hoffman: Nous traitons, depuis quelque temps déjà, avec les provinces de tout un ensemble de questions pharmaceutiques, qui ne portent pas exclusivement sur l'assurance-médicaments mais visent plutôt à faciliter l'accès et à alléger les contraintes financières. L'accès aux médicaments figure bien au programme de travail des ministres fédéral, provinciaux et territoriaux. Ces travaux progresseront lorsque les ministres conviendront qu'il s'agit d'un sujet prioritaire.

Le sénateur Carstairs: Il ne s'est pas fait grand-chose depuis que le Forum national sur la santé a réclamé un programme national d'assurance-médicaments.

Ma question suivante porte sur le fait qu'en général, et plus particulièrement dans ma province, 40 p. 100 des lits d'hôpitaux sont occupés par des malades qui pourraient être dans des lits de soins de longue durée, dans des foyers de soins personnels, ou même chez eux si c'était possible. Nous connaissons des exemples de gens qui attendent un lit pour soins intensifs, non pas parce qu'ils existent en nombre insuffisant, mais parce qu'ils servent à d'autres fins.

Quelle stratégie avons-nous pour augmenter le nombre de lits de soins prolongés ou pour mettre en place un programme de soins à domicile qui libérerait un nombre important de places de soins intensifs pour ceux qui en ont besoin?

Mme Hoffman: Je vais dire ceci en réponse à votre question concernant l'assurance-médicaments. Grâce à des programmes comme le Fonds pour l'adaptation des services de santé, une grande quantité d'excellent travail -- des projets pilotes novateurs coûteux et à grande échelle -- a été réalisé dans le domaine de l'amélioration de l'accès aux produits pharmaceutiques et aux soins à domicile. Il s'agissait là des deux domaines prioritaires cernés par le Forum national sur la santé et acceptés par les provinces, les territoires et le gouvernement fédéral. Beaucoup de travail a été fait pour créer ce que nous croyons être des modèles efficaces de solutions aux problèmes que vous avez relevés.

Toutefois, il est clair que la décision concernant l'adoption d'une formule nationale d'assurance-médicaments ou de soins à domicile sera prise en définitive par l'ensemble des ministres. Toutefois, nous en savons beaucoup plus sur les modèles qui pourraient être efficaces et sur leur efficacité.

Nous savons également que tout au long des années 90, nous avons pu réduire les dépenses par habitant pour les soins hospitaliers en faisant précisément ce que vous avez suggéré. Les malades qui avaient besoin de soins prolongés -- les malades chroniques --, soit à domicile ou en établissement, mais d'un type beaucoup moins coûteux que les soins intensifs en établissement hospitalier, ont pu être placés dans d'autres installations à domicile ou dans leur localité pour se rétablir. Il est évident qu'on ne l'a pas assez fait.

Le sénateur Carstairs: Le comité pourrait-il voir certaines des études réalisées et les résultats de certains de ces projets pilotes en ce qui concerne l'assurance-médicaments et les soins à domicile?

Mme Hoffman: Tout à fait. Je suis certaine que le personnel du Fonds pour l'adaptation des services de santé se fera un plaisir de venir vous parler de son travail et des rapports qu'il a reçus jusqu'à ce jour. Nous nous attendons à en recevoir beaucoup plus dans les 12 à 15 prochains mois.

Le sénateur Carstairs: Ma dernière question porte sur le fait qu'un certain nombre de témoins qui ont comparu jusqu'ici ont déclaré que les dépenses les plus efficaces dans le système de santé sont celles axées sur la prévention. Les programmes de prévention ne sont pas couverts par le principe de l'intégralité parce que, en ma qualité de politicienne provinciale, j'ai constaté une attitude de «balayer moi ça sous le tapis». Les politiciens provinciaux ne peuvent pas prouver l'efficacité de la médecine préventive. On hésite donc beaucoup à y consacrer des fonds parce que, tant que les malades frapperont aux portes des hôpitaux, c'est là qu'il faut mettre tout l'argent. On ne parle jamais des études qui montrent que la prévention a été efficace. On parle plutôt des 35 personnes qui font la queue à la salle d'urgence pour obtenir un lit aux soins intensifs.

C'est un phénomène que nous connaissons. Quelles initiatives le gouvernement prend-il pour financer la médecine préventive?

Mme Hoffman: Notre action suit deux grands axes. Comme vous le savez sans doute, nous appliquons de nombreuses stratégies de réduction du risque ou de prévention de la maladie. J'ai parlé des maladies cardiaques, du VIH, du sida, des campagnes anti-tabagisme dans ma déclaration liminaire. Dans tous les cas, il y a un large volet de prévention. C'est un des axes. L'autre, c'est la priorité que nous voulons accorder à la réforme des soins primaires.

À notre avis, une nouvelle conception de l'interaction médecin -- patient est absolument essentielle, si l'on veut que la prévention occupe la place qu'elle mérite dans le régime de santé. Il faudra absolument apporter certains changements à la prestation des soins primaires, et aux domaines que l'on juge importants et qui doivent être financés.

Certains éléments des soins préventifs sont facturables, mais beaucoup comme, par exemple, les conseils aux patients ou les services de counselling ne le sont pas. Ce qui ne veut pas dire que les médecins ne prodiguent pas ces conseils, mais ce domaine n'a pas la priorité que nous voulons tous lui accorder, à mon avis, et ce, dans le sens où les témoins précédents en ont parlé. Cela n'occupe pas une place importante, qu'il s'agisse de l'interaction médecin -- patient ou de l'interaction avec le grand public.

Nous sommes tout à fait d'accord avec cette priorité, et nos efforts portent sur ces deux axes. La premier, soit la prévention des maladies, est une grande stratégie nationale. Elle fait partie des activités de Santé Canada depuis un bon bout de temps déjà.

Le sénateur Carstairs: Il n'est peut-être pas juste de poser une telle question à un fonctionnaire, mais je vais vous la poser quand même, et vous y répondrez si vous pouvez. Pourquoi, par conséquent, ne dépensons-nous même pas les crédits que nous avons pour les programmes anti-tabagisme? L'argent est là. Il a été perçu à cette fin, mais nous ne le dépensons pas.

Mme Hoffman: Vous avez dit qu'il n'était pas juste de poser une telle question à un fonctionnaire, et je suis d'accord.

Le sénateur Carstairs: Comme vous voudrez.

Le sénateur Callbeck: Je veux poser quelques questions au sujet de la formule du TCSPS, qui se compose de versements en espèces et de points d'impôt. Quelle formule emploie-t-on pour déterminer le montant en espèces?

Mme Hoffman: Je vais demander à M. Halliwell de répondre à cette question, si vous le permettez.

M. Cliff Halliwell, directeur général, Direction de la recherche appliquée et de l'analyse, Santé Canada: Il n'existe pas actuellement de formule pour établir la partie en espèces. Le niveau du TCSPS est fonction du budget du gouvernement du Canada. Je crois que dans le budget de 1999, le gouvernement fédéral s'est engagé à établir un horizon de planification à plus long terme pour les transferts aux provinces. En vertu de l'Entente-cadre sur l'union sociale, le gouvernement fédéral a également accepté de donner un préavis aux provinces s'il modifie les montants versés en vertu du TCSPS, auxquels elles ont droit. Cependant, il n'existe pas de formule permettant de déterminer le niveau de financement du TCSPS.

Lors des deux derniers budgets, ceux de 1999 et 2000, le gouvernement fédéral, grâce à une planification financière prudente, s'est retrouvé avec un excédent budgétaire qui dépassait l'engagement qu'il avait pris relativement au remboursement de la dette. Cette «excédent de l'excédent», si vous voulez, a été versé dans un fond de fiducie qui doit aider les provinces à satisfaire leurs besoins en matière de santé en 1999, et leurs besoins en matière de santé et d'éducation en 2000. C'est grâce à ce mécanisme que «l'excédent de l'excédent» nous permettra d'aider les provinces pendant les années subséquentes, quatre ans dans le cas des montants de 1999 auxquels elles ont droit. Les ressources budgétaires du gouvernement fédéral pour l'année financière 1998-1999 ont été versées dans un fonds de fiducie d'où les provinces peuvent retirer des montants au rythme qu'elles jugent approprié. On a fait la même chose avec les 2,5 milliards de dollars du budget de l'an 2000. Mais il n'y a pas de formule qui dicte le niveau des montants en espèces.

Le sénateur Callbeck: Vous dites que la décision est prise chaque année dans le cadre du budget, sauf pour ces montants versés dans les fonds de fiducie qui ont été créés. Ainsi une province doit attendre le dépôt du budget fédéral avant de vraiment savoir combien elle touchera.

M. Halliwell: Les provinces savent à quel financement de base elles ont droit en vertu du TCSPS au cours des quelques prochaines années à venir. Ce qu'elles ne savaient pas, particulièrement au moment où le budget de 1999 a été déposé, c'était le montant des transferts ponctuels dans le cadre du Transfert -- et il s'est avéré qu'il y en a eu deux.

Néanmoins, on a pris des mesures pour leur donner une certaine marge de manoeuvre et d'éviter qu'elles ne s'empressent à dépenser ces fonds dont les montants étaient inconnus avant que le ministre des Finances ne dépose son budget. Elles peuvent alors planifier les ponctions qu'elles vont opérer dans ce fonds de fiducie. Elles ont donc une certaine certitude de ce côté-là.

Elles savent le minimum qu'elles vont toucher, mais les deux derniers budgets leur ont donné plus que cela. Elles ne savent pas, et on ne peut pas le leur dire non plus, s'il y aura une autre augmentation plus tard, et cela relèverait encore une fois d'une décision gouvernementale au moment du budget.

Le sénateur Callbeck: Vous dites qu'avant le dépôt du budget, elles savent qu'il y a un montant minimum du financement de base qu'elles recevront. Comment le savent-elles? Il existe de toute évidence une formule quelconque. Comment est-ce déterminé, et combien de temps à l'avance la province connaît-elle ce montant?

M. Halliwell: Le budget fédéral établit un barème pluriannuel pour le niveau du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux pour les provinces.

Le sénateur Callbeck: Pour le financement de base?

M. Halliwell: Oui.

Le sénateur Callbeck: Elles savent donc combien elles toucheront pour un certain nombre d'années.

M. Halliwell: J'ajoute que cela constitue le gros du transfert en espèces aux termes du TCSPS.

Le sénateur Callbeck: Combien de temps à l'avance connaissent-elles le niveau de ce financement de base?

M. Halliwell: Quatre ans.

[Français]

Le sénateur Pépin: Je siège à un autre comité également. Selon la province, souvent certains soins ou services semblent plus difficiles d'accès que d'autres. Les répartitions des ressources et des dépenses pour les soins de santé semblent varier d'une province à l'autre.

Comment les dépenses des soins de santé d'une province se comparent-elles vis-à-vis d'une autre province? Les dépenses plus élevées s'expliquent-elles par des salaires plus élevés dans les provinces plus riches? Les provinces riches se montrent-elles inclinées à dépenser davantage par habitant en soins de santé que les provinces plus pauvres? Est-ce que les provinces plus riches ont une population plus en santé? Les dépenses des provinces sont-elles liées aux besoins de santé de sa population? Les provinces où la situation socio-économique est plus faible et où les personnes sont plus âgées dépensent-elles plus d'argent par habitant?

Le sous-comité de mise à jour «De la vie et de la mort», en ce qui a trait aux soins palliatifs, a reçu certaines variantes. Lorsqu'on parlait du service de santé en général, on se demandait si sur ce sujet on pouvait trouver certaines réponses.

[Traduction]

Mme Hoffman: Je pourrais peut-être demander à M. Halliwell de répondre d'abord à la question sur les différences qu'il y a dans les dépenses entre les provinces, et après je répondrai à certains autres éléments de votre question.

[Français]

M. Halliwell: J'aimerais vous faire remarquer que lorsqu'on discute de la capacité d'une province à donner des services de santé, il ne faut pas oublier la péréquation. Nous avons des programmes qui aident les provinces moins nanties pour donner tous les services nécessaires à leurs citoyens.

Il ne faut pas l'oublier. Ces fonds ne sont pas disponibles pour les trois provinces les plus riches au Canada. Cependant, certaines provinces reçoivent de nombreux revenus du gouvernement fédéral. Souvent lorsqu'on discute du rôle du gouvernement fédéral dans le système de santé, on oublie la péréquation.

Aux pages 7, 8, 9 et 10 de notre mémoire, deux graphiques comparent les dépenses de la santé dans le secteur public pour toutes les provinces. Le premier graphique compare le niveau des dépenses publiques, le deuxième compare le niveau total des dépenses, soit le niveau public plus les dépenses privées.

Étant donné que nous avons comparé 1989 et 1999, nous avons utilisé des données ajustées pour les prix afin d'être capables de comparer ces deux années qui diffèrent de 10 ans. On constate qu'il y avait une augmentation assez importante dans les dépenses publiques dans certaines provinces de 1989 à 1999.

À Terre-Neuve et en Nouvelle-Écosse, en général, il y a eu une augmentation dans presque toutes les provinces dans les dépenses réelles et cela est per capita, pour comparer les niveaux pendant ces 10 ans.

Ces graphiques indiquent qu'il n'y a pas de très grandes différences entre les provinces dans les dépenses. Je ne peux pas dire avec certitude, mais je crois qu'il y a probablement moins de variation dans les dépenses de santé que dans le PIB per capita. C'est le rôle de notre système de péréquation de permettre aux provinces moins bien nanties d'offrir un niveau de service comparable.

Il y a peut-être un peu plus de variation dans les dépenses privées. Ce n'est pas très évident dans le graphique à la page 9 et 10. Les provinces dans lesquelles les citoyens ont plus de revenu disponible peuvent acheter plus de services de santé privés. Les variations entre les provinces ne sont pas très grandes.

[Traduction]

Mme Hoffman: À mon avis, le problème tient au fait, premièrement, que nous n'avons pas un bon aperçu général de l'état de santé de toutes les populations du pays, ou même des provinces, même si nous savons beaucoup de choses. Cependant, des facteurs autres que l'état de santé de la population, et cela comprend particulièrement l'efficacité du système et les décisions que les gouvernements provinciaux peuvent avoir prises relativement aux services supplémentaires qu'elles assureront, vous influencer le niveau général des dépenses. Prenez cette variable qu'est le vieillissement, vous n'avons pas à trouver de lien entre cette variable et la dépense réelle. Il est néanmoins très important d'établir ce que sera ce rapport.

Nous savons que l'ensemble de la population canadienne, d'ici à peu près 40 ans, atteindra un point où entre 20 et 25 p. 100 d'entre nous aurons dépassé 65 ans, mais certaines provinces atteindront ce point dans un peu plus de 20 ans. Même si, par exemple, ces provinces où le vieillissement est plus rapide -- Terre-Neuve, la région de l'Atlantique en général, la Saskatchewan -- semblent avoir des niveaux raisonnablement comparables de dépenses maintenant, il est évident que certaines provinces seront mises à contribution davantage que d'autres. Nous savons avec certitude maintenant que l'élément le plus important dans la détermination du niveau de dépenses est le montant que chaque gouvernement décide de dépenser, et, non l'état de santé de la population, son profil d'âge, la répartition de la population selon les régions et ainsi de suite. À l'heure actuelle, ce ne sont pas là les facteurs les plus importants.

[Français]

Le sénateur Pépin: Vous avez parlé des frais qui peuvent être ajoutés lorsque quelqu'un va faire une visite chez un médecin. Il reçoit l'assurance-maladie mais il va demander au patient de payer 25 ou 50 dollars selon la consultation. J'ignorais que cela devenait, de façon courante, une pratique. C'est accepté dans toutes les provinces. Est-ce qu'on a un pourcentage? Quelqu'un m'a dit qu'il s'était fait examiner la vue. Le médecin lui dit qu'il avait toujours fait partie de l'assurance-maladie mais il lui a demandé 50 dollars en surplus de ce que l'assurance-maladie donne. Si quelqu'un dit qu'il n'a pas les moyens de payer 50 dollars, peut-il aller consulter un autre médecin?

[Traduction]

M. Fedyk: Je peux peut-être vous parler un peu plus de la différence qu'il y a entre les services médicaux qui sont assurés et ceux qui ne le sont pas. En vertu de la Loi canadienne sur la santé, la visite chez le médecin est gratuite alors que celle chez l'optométriste ne l'est pas. Pour de tels services, on autorise le paiement d'une quote-part et d'honoraires médicaux, comme c'est le cas pour les visites chez le chiropraticien ou le physiothérapeute à l'extérieur de l'hôpital. Les services du médecin désignent les services médicaux et chirurgicaux. La plupart des provinces ont retranché de l'assurance-maladie les visites chez l'optométriste, ou ont limité le remboursement à divers groupes d'âge. Si vous avez moins de 18 ans ou plus de 65 ans, le service est gratuit. Si vous vous situez entre ces deux âges, il s'agit alors d'un service supplémentaire assuré et pour lequel on peut exiger une quote-part.

[Français]

Le sénateur Pépin: On a parlé des visites à domicile. Je viens du Québec. Je me rappelle d'un débat, il y a peut-être un an ou deux, au sujet des médecins qui offraient des services à domicile. On a dit que l'assurance-maladie refusait de payer ces dépenses. Maintenant on a des malades qui reçoivent des soins palliatifs qui réclament les visites des médecins. Si j'ai bien compris, il y a un groupe de médecins qui est autorisé à faire des visites à domicile. Est-ce général au pays? Est-ce variable d'une province à l'autre? Qui est autorisé et qui ne l'est pas?

[Traduction]

M. Fedyk: Les programmes de soins palliatifs au Canada franchissent diverses étapes de développement, comme c'est le cas des autres services de santé à domicile. Certains sont très avancés et comprennent des visites à domicile du médecin, de l'infirmière et d'autres professionnels de la santé. Malheureusement cette évolution varie en effet d'une province à l'autre, et ces programmes ne sont pas visés par la loi fédérale. Par conséquent, on se retrouve avec une mosaïque, et il n'existe pas de normes nationales.

[Français]

Le sénateur Pépin: Revenons à notre population vieillissante. De plus en plus, on retourne les malades chez eux 24 heures après une chirurgie ou la même journée. On va leur demander peut-être de se diriger vers les CLSC. Mais si vous avez des malades qui après une chirurgie ont besoin de visites à domicile le lendemain, que ce soit pour la vésicule biliaire ou autre, est-ce qu'à ce moment on doit s'attendre à un service qui pourrait être donné à ces gens ou si ce sera laissé au choix des provinces?

[Traduction]

M. Fedyk: La conception, la prestation et le financement des services de santé constituent essentiellement une responsabilité de la province, et c'est elle qui établit les montants que son programme d'assurance-maladie remboursera.

Le sénateur Fairbairn: Je suis tentée de reprendre certaines questions que le sénateur Pépin a posées, surtout au sujet des différences dans les soins à domicile et de vos exigences. Étant donné qu'il y a là des dépenses que bien des gens ne peuvent pas se permettre, le patient et le fournisseur de soins à domicile seront exclus.

J'aimerais une précision sur un autre aspect de la question.

Je suis de l'Alberta. En ce moment, nous sommes plongés dans une controverse entourant un projet de loi qui est sur le point d'être adopté par l'assemblée législative provinciale. Le gouvernement fédéral a contesté certains aspects de ce projet de loi mais il semble attendre son adoption avant de prendre certaines décisions.

Ma question porte sur les dispositions de la Loi canadienne sur la santé concernant la participation aux frais, la surfacturation et les pénalités que l'on pourrait imposer en conséquence. Pouvez-vous nous expliquer comment cela fonctionne? Par exemple, en ce qui concerne le projet de loi de l'Alberta, comment établira-t-on les frais pour les services améliorés? On espérait que ces services ne seraient pas visés par ce projet de loi, qu'ils seraient formellement interdits, mais ce n'est pas le cas. On est dans le brouillard ici. Comment détermine-t-on qu'il y a eu infraction sur la foi d'un simple rapport? Comment détermine-t-on ce qui sera pénalisé? Comment va-t-on appliquer les pénalités financières? Cela a été fait en Alberta et ailleurs. S'agit-il d'une décision fondée sur des facteurs démographiques? Comment détermine-t-on les coûts ou les frais de ces services améliorés? J'imagine qu'il est plus facile de prouver qu'il y a eu surfacturation, mais même dans ce cas-là, pouvez-vous m'expliquer comment l'on procède?

M. Fedyk: Je serais plus qu'heureux de le faire. Les produits et services améliorés ne sont pas visés par les critères et conditions de la Loi canadienne sur la santé, laquelle englobe les services médicaux et hospitaliers assurés. Le ministre a exprimé ses réserves au sujet des produits ou services médicaux améliorés dans le cadre d'un service assuré, et il a dit que de l'avis de la Saskatchewan ou de l'Ontario, ces biens ou services devraient être fournis gratuitement à chaque citoyen. Telle est l'approche que le ministre Rock a proposée.

Le sénateur Fairbairn: On pourrait donc fournir ces services améliorés sans frais supplémentaires.

M. Fedyk: Sans frais supplémentaires. Pour ce qui est de l'accès à ces services assurés, personne ne pourrait resquiller en achetant un bien ou un service médical amélioré. C'est ce que le ministre a dit clairement dans son échange de lettres avec le ministre Johnson.

Notre loi vise la surfacturation qui se produit lorsque le médecin demande plus que ce que la province lui rembourse, ou lorsqu'un particulier entre à l'hôpital et doit payer des frais pour les biens ou services médicaux. La loi énonce le processus qui s'applique alors.

Tout citoyen peut adresser une plainte au ministre ou lui faire part d'une préoccupation par lettre, appel téléphonique ou étude. La loi précise qu'une enquête est faite dans la province concernée. L'administration fédérale demandera des précisions et des informations supplémentaires à la province. Une fois que nous avons reçu ces informations, si l'on juge que l'on a contrevenu à l'un des critères, on constate habituellement que l'on a contrevenu au critère relatif à l'accès.

Le critère relatif à l'accès dit que la province doit assurer l'accès à une gamme complète de soins de santé assurés, lesquels comprennent les services hospitaliers et médicaux, sans le moindre obstacle financier. Les obstacles financiers sont la surfacturation ou la participation de l'usager aux frais.

Si nous sommes convaincus que ce ne sont pas là des frais légitimes, qu'il y a bel et bien eu surfacturation, nous obligeons alors la province à nous fournir davantage d'information sur les frais qu'on a exigés. La loi prévoit une déduction automatique dollar pour dollar. Ainsi, si la surfacturation totalise un million de dollars, le paiement de transfert à cette province est réduit du même montant.

Si les informations démontrent qu'il s'agit de frais légitimes, par exemple, des produits et services améliorés que le particulier a acquittés, notre processus ne s'enclenche pas.

Le ministre a l'obligation de consulter la province en question et doit la notifier par courrier recommandé. La province a 30 jours pour répondre. Lorsque nous recevons sa réponse, le ministre doit répondre dans les 60 jours pour lui faire savoir si nous acceptons son explication ou si nous imposerons une pénalité. La loi est très explicite pour ce qui est de la façon dont l'administration et le ministre traitent avec leurs homologues.

Le sénateur Fairbairn: Dans le cas d'un paiement pour services améliorés, dois-je comprendre que cela pose problème selon le contexte où cela se fait et comment? Vous dites que si le service n'est pas assuré, alors il n'y a pas de problème.

M. Fedyk: Les produits et services médicaux améliorés dépassent, par définition, ce que l'on juge nécessaire sur le plan médical. Ces produits et services ne sont pas assurés et ne sont pas visés par la loi. Ce sont des services non assurés.

Le problème se pose lorsqu'ils sont conjugués avec un service assuré.

Le sénateur Fairbairn: C'est à cela que je veux en venir.

M. Fedyk: Je ne suis pas sûr d'avoir bien répondu à votre question, mais la Loi canadienne sur la santé ne prévoit aucune pénalité pour l'achat de produits et services améliorés.

Le sénateur Cohen: Ma question, qui s'adresse probablement à M. Halliwell, concerne les accords de partage des coûts comparativement au financement global. Quels sont les principaux avantages et inconvénients des accords sur le partage des coûts, et quels sont les points forts et les points faibles du financement global? C'est ma première question.

M. Halliwell: Franchement, l'inconvénient que présente un accord sur le partage des coûts tient au simple fait que l'on se retrouve dans une situation où les gens qui prennent les décisions relatives aux dépenses ne dépensent que la moitié du montant. Il est beaucoup plus facile de dépenser si quelqu'un d'autre en paie la moitié. Cette dépense est alors assumée non pas par une province en particulier, mais par tous les citoyens du Canada. À l'époque où le gouvernement fédéral avait davantage de difficultés budgétaires, à la fin des années 70 -- difficultés qui se sont amoindries évidemment par la suite -- le gouvernement fédéral était désavantagé du fait que les décisions relatives aux dépenses étaient prises par d'autres.

Le financement global, ou établi selon une formule, est avantageux dans la mesure où l'on a une plus grande certitude relativement au niveau des dépenses fédérales, et cela incite davantage les décideurs à limiter leurs coûts.

L'inconvénient que présentent les transferts aux provinces, rigoureusement «cloisonnés» -- la santé distincte de l'éducation, et aussi de la sécurité sociale -- c'est que, dans le passage au financement global, on ne tient pas compte des circonstances particulières d'une province. Comme Mme Hoffman l'a dit, au niveau du profil d'âge, il y a de grandes différences d'une province à l'autre. Une province dont la population est plus jeune voudra probablement consacrer une part plus grande des fonds du TCSPS à l'éducation, qu'une province dont la population est plus âgée, qui voudra consacrer plus d'argent à la santé. Un système souple offre de tels avantages.

Au bout du compte, l'évolution de ces transferts a été conditionnée par la décision du fédéral de se désengager des décisions provinciales en matière de dépenses, et ce, dans l'espoir que cela les inciterait davantage à limiter leurs coûts. Ces transferts donnent également aux provinces plus de souplesse dans l'utilisation de ces fonds, qu'elles peuvent dépenser selon leurs besoins les plus pressants, lesquels ne sont évidemment pas les mêmes d'une province à l'autre; il y a aussi des préférences diverses pour le genre de produits et de services que le secteur public doit fournir.

Le sénateur Cohen: Croyez-vous que ce changement a amélioré la prestation des services de santé?

Mme Hoffman: Question difficile. J'ajouterai autre chose à ce qui a déjà été dit, à savoir que la souplesse ne s'applique pas seulement aux décisions provinciales dans l'affectation des montants aux différents secteurs. Cette souplesse s'applique également à la manière dont les provinces dépensent leur argent au sein du système de santé lui-même. Cette souplesse a permis en fait à la plupart des provinces d'élargir, dans certaines conditions, la gamme des services assurés. On peut faire valoir que, étant donné toutes les sommes accordées au cours de ces décennies, les services assurés par les provinces pour les médicaments, les soins à domicile et divers autres services de santé n'auraient pas évolué, si l'on avait conservé la formule 50-50.

On peut, par ailleurs, signaler qu'il y aurait peut-être eu des pressions pour que le régime à frais partagés s'applique à une plus large gamme de services. C'est un peu difficile à dire. Nous sommes tous d'accord pour dire que les choses ont évolué de façon positive, même en tenant compte d'éléments tels que la franchise, la quote-part, les populations inadmissibles, etc. C'est une bonne chose que les provinces aient choisi d'élargir la gamme de services. Le problème c'est qu'elles ne l'ont fait de façon uniforme et que nous nous retrouvons maintenant avec un régime fragmenté, un ensemble de mesures disparates dans tout le pays.

Le sénateur Cohen: Pouvez-vous nous parler des points forts et des points faibles actuels du TCSPS? Ce dernier est-il en place depuis assez longtemps pour vous permettre de l'évaluer? Il n'est peut-être pas juste de vous poser une telle question.

M. Hoffman: Ce n'est pas tant qu'il est juste ou pas de poser la question. Le transfert n'a pas ajouté beaucoup plus de souplesse; par conséquent, ce qui importe en fin compte c'est le montant disponible. À mesure que l'on rétablit le niveau de financement du TCSPS, et avec les montants qui sont réinvestis, nous sommes déjà là et même au-delà, si l'on inclut cela et les impôts. Cependant, si on compare avec la situation qui existait avant le TCSPS, on peut dire que nous sommes revenus à peu près au même niveau sur le plan strictement financier.

De toute évidence, ce n'est pas strictement une question financière, loin de là. La question est la suivante: quel genre de régime, et avec quelle structure, est financé par les fonds disponibles? Je vais tout simplement m'arrêter ici.

Le sénateur Keon: Je tiens à vous féliciter pour cet exposé très clair et très critique de la situation depuis la Seconde Guerre mondiale. Je voudrais maintenant que vous tentiez de nous dire ce que l'avenir nous réserve.

Avant de passer à autre chose, j'aimerais cependant revenir à votre réponse à la question du sénateur Cohen. Je pense que la plupart des professionnels de la santé sont d'avis que le TCSPS est une très bonne chose car il répond aux préoccupations fondamentales en matière de santé, de santé de la population tout en tenant compte de la richesse, du bien-être, du statut social, et cetera. La plupart des gens avertis insistent pour avoir un plus grand impact en ce sens. Je pense que cela a été une bonne chose, mais ce que nous avons perdu, c'est l'obligation de rendre compte. Je ne pense pas qu'il y ait une façon de régler ce problème à l'heure actuelle. C'était relativement simple lorsque nous avions un régime à frais partagés. Cela m'amène à ce dont j'aimerais vraiment que vous nous parliez tous les trois.

À mon avis, ce qui nous manque, c'est un cadre structurel. Nous faisons d'excellents efforts en santé publique. Nous faisons d'excellents efforts en ce qui a trait aux programmes d'éducation. Nous avons un excellent régime de prestation des soins de santé, malgré les problèmes qu'il connaît à l'heure actuelle. Nous sommes à la veille d'avoir je pense un régime de recherche absolument superbe avec les Instituts canadiens de recherche en santé, et nous devrions pouvoir obtenir rapidement des réactions et apporter des modifications au besoin.

Même si vous êtes fonctionnaires, vous savez beaucoup de choses à ce sujet. Vous y travaillez depuis longtemps. Pourquoi ne vous lancez-vous pas dans les eaux politiques ou les politiciens élus n'oseraient même pas s'aventurer, en parlant d'un cadre structurel au Canada qui pourrait fonctionner et sans faire vibrer les sensibles chez les provinces et les territoires?

Mme Hoffman: Est-ce que vous posez la question parce qu'il est passé 17 heures?

M. Halliwell: J'allais faire remarquer que de nous trois, comme vous le savez, c'est Abby qui peut courir le plus vite.

Mme Hoffman: Nous pourrions dire beaucoup de choses, mais je ne sais pas s'il conviendrait de le faire. Permettez-moi de répondre à quelques points que vous avez soulevés, Dr Keon, lors de vos observations liminaires, avant de répondre à votre principale question.

Tout d'abord, il est vrai que le régime des frais partagés permettait la reddition de comptes dans une certaine mesure car on pouvait tout simplement évaluer ce que les provinces demandaient, dans chaque cas, pour recevoir leur contribution de 50 p. 100 du gouvernement fédéral. Cependant, comme nous avons tous fini par le comprendre, tout ce que cela permettait, c'était d'évaluer les extrants: Combien de lits il y avait, combien de types de services étaient offerts. Il reste vraiment à établir un lien entre ces extrants et les résultats pour la santé et à déterminer si ce sont les gens qui avaient le plus de besoin des services qui y avaient en fait accès et s'il s'agissait vraiment des meilleurs services pour les personnes concernées. Nous sommes certainement d'accord pour dire que toute cette question de la reddition de comptes, qui dépend énormément du caractère adéquat de l'information, et sur laquelle on travaille beaucoup à l'heure actuelle, est une question vraiment importante.

Sans vouloir donner l'impression que j'évite de répondre entièrement à la question que vous m'avez posée, il est vraiment essentiel pour nous d'avoir cette information si nous voulons songer sérieusement à des cadres de travail pour le régime de santé à l'avenir. L'une des questions qui a été posée précédemment allait vraiment au coeur de tout cadre de travail, et comme vous l'avez laissé entendre, je pense, nous devons tenir compte de l'aspect préventif en plus des soins et des traitements. Nous devons accorder davantage d'attention à la façon dont nous intégrons la prestation des services aux particuliers, cette interaction critique avec les fournisseurs de soins, avec la prestation des services, que ce soit par l'intermédiaire de ces derniers -- les infirmiers, infirmières et médecins -- ou des réseaux de santé publique, de campagnes de masse ou autres. Nous devons par ailleurs intégrer les approches axées sur les particuliers et sur la population. Cela se fait à un niveau très généralisé, mais il me semble que ce sont là les défis les plus importants.

Le sénateur Keon: Voyez-vous une évolution d'un cadre structurel? Je suis encouragé par l'interface que je constate à l'heure actuelle entre les ministres fédéral et provinciaux et les sous-ministres et les fonctionnaires à divers paliers, qui travaillent avec acharnement et échangent de l'information dans un assez bon climat. Croyez-vous que cela permettra d'établir un cadre structurel qui nous permettra d'examiner la grande question de la santé en général au Canada?

Mme Hoffman: Il est certain que tous les ministres et toutes les provinces ont déclaré que si l'on voulait éliminer certaines pressions sur le régime de soins de santé il était essentiel et crucial de faire collectivement un meilleur travail sur le plan de la prévention, de la promotion et de la protection. On cherche certainement à trouver une formule plus équilibrée pour l'ensemble du régime.

Naturellement, cela dépend dans quelle mesure il sera possible il sera possible de répondre aux préoccupations intenses de la population relativement à ce qui se passe sur le plan des soins et des traitements. Il est très clair que la plupart des citoyens, que ce soit nous fonctionnaires, les sénateurs ou d'autres, qu'ils connaissent ou non le régime de soins de santé, sont instinctivement d'avis qu'il est logique en fin de compte de faire de la prévention et de la promotion. Cependant, lorsque les gens ont l'impression que les soins de santé et les traitements sont vulnérables, ils hésitent un peu, avec raison, à ce que l'on consacre davantage d'efforts, peut-être même davantage de ressources, à la prévention et à la promotion de la santé, de la santé publique, de la santé de la population, à ce genre d'activités. Nous devons vraiment travailler sur les deux fronts à la fois, et je pense que vous avez déjà dit que c'était le genre de formule dont on parle à l'heure actuelle, et ce qui laisse croire que nous avons raison d'être optimistes quant aux résultats.

M. Halliwell: Si vous regardez ce qui s'est passé depuis un siècle, les gains importants sur le plan de l'espérance de vie pour les Canadiens sont sans doute attribuables surtout à la prévention des problèmes de santé, grâce à des mesures de santé publique générale évidentes qui ont été à l'origine des ministères de Santé publique, mais aussi dans d'autres domaines, notamment la réduction des accidents, etc. À certains égards, nous sommes peut-être victimes de nos propres succès dans ce domaine à l'heure actuelle, en ce sens que le travail qu'il reste à faire sera peut-être plus difficile. Un problème qui me vient immédiatement à l'esprit est celui du tabagisme chez les adolescents. Bien que je n'ai pas moi-même d'enfants, je comprends qu'il est difficile de dire quoi que ce soit aux adolescents. Nous vivons peut-être dans un monde où nous avons fait beaucoup de progrès et nous devons maintenant nous attaquer à des problèmes beaucoup plus difficiles qu'auparavant. Nous ne devrions pas perdre de vue les progrès que nous avons faits dans le domaine général de la prévention et en rendant les Canadiens plus conscients du rôle qu'ils peuvent jouer pour influencer leur état de santé tant par leur comportement personnel que leurs circonstances socio-économiques.

Le sénateur Robertson: Je m'intéresse à trois différentes questions qui n'ont pas été abordées cet après-midi. Si vous n'avez pas les réponses immédiatement, vous pourriez peut-être me les faire parvenir plus tard par l'intermédiaire de la greffière.

J'aimerais savoir si les niveaux de dotation en personnel et de soutien financier pour les services d'inspection et d'approbation des médicaments, pour la protection des aliments et les produits chimiques agricoles -- qui ne relèvent pas de votre responsabilité, même si ce devrait être le cas -- ont été augmentés de façon à améliorer le processus d'approbation et d'inspection.

La deuxième question porte sur le coût des produits pharmaceutiques. On entend beaucoup parler de ces coûts, mais nous savons par ailleurs que beaucoup de nouveaux médicaments permettent aux patients de ne pas occuper de coûteux lits d'hôpitaux. Avez-vous des données qui permettent de faire une comparaison nette des coûts de six ou huit nouveaux médicaments, les remèdes miracle, et du coût du traitement de patients à l'hôpital? D'après l'information que j'ai obtenue, certains de ces nouveaux médicaments entraînent des économies considérables, puisqu'il n'est plus nécessaire d'occuper un très coûteux lit d'hôpital. J'aimerais qu'on me fournisse ces données comparatives.

Troisièmement, à la page 11-12 du document intitulé «Dépenses de santé au Canada» -- et je suis convaincue que nous devrons les étudier avant que vous ne reveniez -- si vous examinez les transferts à la santé, et le tableau en haut de la page, vous constaterez que les dépenses ont beaucoup baissé depuis 1995-1996. Mais je crois vous avoir entendu dire que nous reviendrions à ce niveau-là, un jour. Dans le tableau, les chiffres baissent de près de 50 p. 100 depuis 1995-1996 et ça sème un doute dans mon esprit. Nous savons que le ministre fédéral a essayé de convaincre -- peut-être à juste titre -- les ministres provinciaux d'envisager un régime de soins de santé renouvelé qui comporterait de bien plus nombreux éléments que le régime actuel. Insiste-t-il là-dessus dans l'intérêt de la santé des Canadiens ou est-ce parce que, comme je le vois ici pour 2004-2005, votre contribution financière baissera de beaucoup?

Mme Hoffman: Je vais répondre aux deux premières questions.

D'abord, par l'intermédiaire de la présidence, nous vous fournirons de l'information sur les budgets et les niveaux de dotation en personnel à la Direction générale de la protection de la santé.

Au sujet du coût des médicaments, deux réponses sont possibles. Premièrement, nous savons qu'au niveau macro-économique, nous avons tous pu nous débrouiller avec une réduction des dépenses dans le secteur hospitalier grâce à la disponibilité de nouveaux médicaments qui, en effet, éliminaient la nécessité de l'hospitalisation, dans certaines conditions, ou accéléraient la récupération pour les patients, et cetera.

Il y a aussi bon nombre d'études à plus petite échelle, au sujet de médicaments particuliers, et qui vous donneraient les renseignements que vous cherchez pour arriver aux conclusions que vous avez tirées.

Il convient toutefois de signaler que d'autres médicaments, tout en améliorant la qualité de vie du patient -- je pense à certains nouveaux médicaments dont on a récemment entendu parler pour les personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer -- prolongeront la durée de la partie la plus grave de la maladie. Le résultat net, c'est que le patient aura besoin de soins pendant plus longtemps. Dans ces cas-là, le coût est plus élevé. Le gain pour la qualité de vie, en revanche, est extraordinaire.

Dans la majorité des cas, comme vous le disiez, les coûts sont plus faibles, mais il faut aussi tenir compte du revers de la médaille.

M. Halliwell: Au sujet de ce tableau, il indique simplement le niveau de dépenses projetées dans la mise à jour relative à la situation financière de 1999, du ministère des Finances. Il s'agit des transferts à d'autres ordres de gouvernement. La première ligne indique le total des transferts, y compris la péréquation, et la deuxième ligne, c'est le TCSPS. Autrefois, on aurait parlé du Financement des programmes établis.

À la dernière ligne, vous voyez notre évaluation de la répartition du TCSPS. Il est clair que dans le plan financier actuel, aucune augmentation importante du TCSPS n'est prévue. Le gouvernement du Canada a adopté la position suivante: si un accord est conclu sur des plans de réforme du régime de soins de santé, particulièrement pour un système mieux intégré, davantage de transferts seront consentis. D'après le gouvernement fédéral, il est clair qu'il faut d'abord s'entendre sur un plan, avant de s'entendre sur un niveau de financement.

La présidente: Je tiens à remercier sincèrement les témoins. Ces deux heures ont été très intéressantes.

La séance est levée.


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