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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule 17 - Témoignages


OTTAWA, le mercredi 7 juin 2000

Le comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui à 15 h 33 pour examiner l'état du système de santé au Canada.

Le sénateur Michael Kirby (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Nous accueillons aujourd'hui des représentants du ministère des Finances. Ils sont là pour nous aider à comprendre le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux (TCSPS). Ils expliqueront pourquoi le gouvernement fédéral ne connaît pas le montant exact de sa contribution au système de santé.

Monsieur Bissonnette et madame Anderson, M. Lalonde a discuté avec nous des origines du FPE. Au cas où vous n'auriez pas lu son témoignage, je vous signale qu'il portait sur la nature du marché politique qui a été conclu et sur les raisons pour lesquelles il a été conclu. L'autre changement important en matière de financement est, bien entendu, le TCSPS. Nous espérons que vous consacrerez quelques minutes à nous expliquer la raison d'être de cette politique et comment le transfert est calculé. En troisième lieu, étant donné que l'objet de notre attention est l'état du système de santé au Canada, nous voudrions que vous expliquiez pourquoi le gouvernement ignore le montant de son investissement dans ce système.

Je crois que les hauts fonctionnaires fédéraux, peut-être même le ministre, ont indiqué que, du fait qu'il s'agit d'un montant forfaitaire, il est difficile de déterminer avec précision le montant que le gouvernement fédéral investit dans le système de santé. Nous voudrions savoir si c'est exact et dans ce cas, nous voudrions savoir pour quelles raisons.

Allez-y, monsieur Bissonnette.

M. Guillaume Bissonnette, directeur général, Direction des relations fédérales-provinciales et de la politique sociale, ministère des Finances: Monsieur le président, j'ai quelques observations préliminaires à faire. J'ai remis à la greffière un document de référence qui retrace l'historique du TCSPS.

Le gouvernement fédéral apporte l'essentiel de son aide aux gouvernements provinciaux et territoriaux au moyen de trois grands programmes: le TCSPS, dont nous allons discuter, le Programme de péréquation et la Formule de financement des territoires.

Le TCSPS contribue au financement des soins de santé, de l'enseignement postsecondaire, ainsi que de l'aide sociale et des services sociaux pour environ 31 milliards de dollars par an. Sa création a été annoncée dans le budget de 1995. En effet, le gouvernement y annonçait la création d'un mécanisme de financement global pour contribuer au financement des systèmes provinciaux de soins de santé, d'enseignement postsecondaire, d'aide sociale et de services sociaux. Étant donné qu'il s'agit d'un transfert social, le TCSPS exige des provinces qu'elles se conforment à la Loi canadienne sur la santé et leur interdit d'imposer une période minimale de résidence comme facteur d'admissibilité à leurs programmes d'aide sociale.

Le TCSPS est entré en vigueur le 1er avril 1996 et a conféré aux provinces et aux territoires une latitude accrue pour concevoir et administrer leurs programmes sociaux, et pour répartir leurs paiements entre ces programmes, conformément à leurs priorités.

Il est important de comprendre que le TCSPS a remplacé deux programmes. Il a remplacé le Régime d'assistance publique du Canada, un programme de transfert à frais partagés qui aidait à financer les programmes provinciaux d'aide sociale et de services sociaux. Il a également remplacé le Financement des programmes établis, un mécanisme de financement global qui contribuait à financer les soins de santé et l'enseignement postsecondaire.

Le TCSPS a des points communs avec le FPE, puisqu'il procède sous forme de versements en espèces et de transferts de points d'impôt.

Qu'est-ce qu'un transfert de points d'impôt? Il y a transfert de points d'impôt quand le gouvernement fédéral accepte de réduire ses taux d'imposition sur les particuliers et les sociétés pour permettre aux provinces et aux territoires de majorer parallèlement d'autant les leurs. Le total des impôts à payer est rigoureusement le même pour les contribuables. Par contre, pour les gouvernements, il y a une grosse différence. Des recettes qui auraient dû normalement alimenter les coffres du fédéral commencent à être versées directement dans ceux des provinces et des territoires.

Nous avons assisté à un important transfert de points d'impôt en 1977 avec la création du FPE. Ce transfert de points d'impôt a été en fait reconduit avec le TCSPS. Les gouvernements des provinces et des territoires continuent donc à bénéficier de ce transfert. Son montant est passé de 2,7 milliards de dollars en 1977 à plus de 15 milliards de dollars aujourd'hui.

Aujourd'hui comme en 1977, durant les derniers jours du FPE, les transferts du TCSPS se répartissent également entre les versements en espèces et les transferts de points d'impôt.

Dans son budget de 1996, le gouvernement fédéral a décidé d'intégrer au TCSPS un *plancher en espèces+ de 11 milliards de dollars pour s'assurer que la croissance du montant des transferts de points d'impôt ne puisse affaiblir la valeur des versements en espèces. En 1998, alors qu'un budget équilibré était à portée de la main, le gouvernement fédéral a porté la composante en espèces du TCSPS à 12,5 milliards de dollars.

[Français]

La situation budgétaire de 1999 a permis au gouvernement fédéral d'investir encore plus en soins de santé en augmentant les versements du TCSPS aux provinces et aux territoires de 11,5 milliards de dollars sur cinq ans.

De ce montant, consacré en totalité aux soins de santé, 8 milliards de dollars correspondaient à des augmentations du transfert canadien récurrent durant les années à venir et 3,5 milliards de dollars correspondaient à un supplément ponctuel, versé au titre du transfert canadien à partir des liquidités disponibles durant l'exercice 1998-1999.

Les provinces avaient toute latitude pour décider quand encaisser ce supplément selon leurs besoins et selon le profil temporel de leurs besoins de façon à répondre le mieux possible aux besoins de leurs systèmes de santé.

Si on fait l'hypothèse que les provinces étalent l'utilisation de ce supplément sur les trois ans à venir, cela augmente l'aide totale pour les soins de santé de 2 milliards de dollars en 1999-2000, et de 2,5 milliards au cours des trois années subséquentes.

Les disparités dans la façon dont le transfert canadien était réparti entre les provinces, lors du budget de 1999 -- juste avant ce budget -- auraient été réduites de moitié d'ici 2002-2003. Le budget de 1999, lui, éliminera complètement ces disparités per capita dans la répartition dans ce transfert d'ici 2001-2002, donc d'ici l'an prochain. L'an prochain toutes les provinces recevront des droits par l'entremise du transfert canadien qui seront identiques par habitant de façon à ce qu'elles bénéficient de la même aide par habitant dans le domaine de la santé et des autres services sociaux.

Le dernier chapitre de notre histoire, le budget fédéral de l'an 2000. Le budget de l'an 2000 a injecté un autre 2,5 milliards de dollars dans le transfert canadien. Les provinces, évidemment, disposeront de ces fonds une fois que le projet de loi C-32 aura reçu la sanction royale. Je crois qu'il fait l'objet d'une étude par le Sénat présentement.

[Traduction]

Les provinces et les territoires disposeront de toute latitude de choisir comment et quand utiliser ce montant global de 2,5 milliards de dollars. Elles pourront y faire appel immédiatement ou à n'importe quel moment pendant cette période de quatre ans, selon leurs besoins. Si l'on remonte en arrière, au début de notre histoire, c'est la quatrième amélioration fédérale consécutive apportée au TCSPS. Cette dernière amélioration injectera environ un milliard de dollars en plus en 2001 et 500 millions de dollars pour chacune des trois années suivantes.

Qu'est-ce que ça représente au total? Ça représente en tout des transferts en espèces de 15,5 milliards de dollars cette année -- soit près de 25 p. 100 de plus qu'en 1998-1999. Cette année, le total des droits au TCSPS, quand on additionne les versements en espèces et les transferts de points d'impôt, dépassera le sommet précédent. L'an prochain, le total des transferts en espèces du TCSPS sera ramené à son plein montant. Le total des versements en espèces et des transferts de points d'impôt du TCSPS atteindra le record absolu de 31 milliards de dollars cette année.

C'est tout ce que je voulais dire en guise d'introduction. Je voulais rester bref, étant donné que je vous ai remis un document de référence. C'est avec plaisir que nous répondrons à vos questions.

Le président: Aussi bien pour que ce soit consigné au compte rendu que pour d'autres raisons, je vous poserai quelques questions sur vos observations préliminaires pour obtenir des éclaircissements.

Vers le milieu de la page 4, vous dites que le TCSPS procède sous forme de versements en espèces et de transferts de points d'impôt, comme le FPE. À l'époque du TCSPS, y avait-il des points de transfert d'impôt supplémentaires ou ceux que vous mentionnez vers le milieu de la page 4 ont-ils été transférés en 1977 avec le FPE?

M. Bissonnette: Ce sont exactement les mêmes points. Ils ont été transférés.

Le président: Ce que je veux dire, c'est qu'en fait, les transferts de points d'impôt sont une vieille tradition et que, par conséquent, le TCSPS ne représente qu'un transfert global. En fait, le montant d'argent a changé mais le changement provient uniquement des versements en espèces et pas des points d'impôt. Est-ce bien cela?

M. Bissonnette: Pour être sûr que tout soit clair, le FPE était un programme comprenant à la fois des points d'impôt et des versements en espèces. Les points d'impôt du FPE ont simplement été rebaptisés et transférés dans un programme de plus grande envergure appelé le TCSPS.

Le président: C'est exact. Vers le bas de la page 5, vous parlez d'un «plancher en espèces». Je voudrais m'assurer que je comprends bien cette notion. On calcule d'abord la formule du TCSPS, puis la valeur des points d'impôt. Enfin, on calcule la différence entre les deux et cette différence est normalement en espèces. Par exemple, si la différence n'était que de 9 milliards de dollars, le plancher serait de toute façon de 11 milliards. Est-ce bien cela? En fait, ce plancher augmente la valeur totale du TCSPS. Est-ce bien cela?

M. Bissonnette: C'est tout à fait exact. À une certaine époque, le montant en espèces correspondait à la différence entre le montant total des droits et la valeur des transferts de points d'impôt.

Le président: C'est ainsi que l'on procédait depuis la création du FPE.

M. Bissonnette: Exactement.

Le président: Par conséquent, en ce qui concerne le plancher en espèces, si la différence est inférieure à ce plancher, le gouvernement fédéral donnera davantage d'argent aux provinces parce qu'il payera toujours selon ce plancher.

M. Bissonnette: C'est exact. Nous payons toujours l'équivalent du «plancher en espèces».

Le président: J'ai quelque difficulté à comprendre vos calculs en ce qui concerne le budget fédéral de 1999. Parlons des 11,5 milliards de dollars -- les 3,5 milliards de dollars initiaux et les 8 milliards de dollars étalés sur plusieurs années.

D'après votre mémoire, la somme de 11,5 milliards de dollars a été obtenue comme suit: 2 milliards de dollars par année pendant deux ans, ce qui fait 4 milliards de dollars, puis 2,5 milliards de dollars par année pour les trois années suivantes. Par conséquent, cette somme ne comprend pas le versement initial de 3,5 milliards de dollars. Est-ce bien cela?

M. Bissonnette: Si, elle le comprend. La façon la plus simple de répondre à votre question -- et je vous demande de me dire si c'est bien le cas -- consiste à examiner un tableau qui se trouve dans le document de référence que nous vous avons remis. Est-ce possible? Ce tableau se trouve à la page 9.

Le président: Le premier paragraphe de la page 7 du mémoire correspond à la deuxième ligne de ce tableau.

M. Bissonnette: Oui.

Le président: Les 3,5 milliards de dollars versés en 1988-1989 ne sont pas inclus dans les 11,5 milliards de dollars répartis sur cinq ans. Cette somme initiale vient s'y ajouter. Est-ce bien ça?

Mme Barbara Anderson, directrice, Division des relations fédérales-provinciales, ministère des Finances: Cette somme est incluse. Quand nous avons placé ces 3,5 milliards de dollars dans un fonds de fiducie, nous les avons répartis nominalement sur les trois années. La ventilation de cette somme est indiquée à la deuxième ligne en retrait.

Le président: C'est la somme des trois chiffres qui sont indiqués, 2 milliards de dollars, 1 milliard de dollar et 0,5 milliard de dollars.

Mme Anderson: C'est exact.

M. Bissonnette: Les troisième et quatrième lignes de ce tableau indiquent la répartition de ces 11,5 milliards de dollars en deux sommes, les 3,5 milliards de dollars et les 8 milliards de dollars. Ce sont les deux lignes en italiques.

Le président: Je voudrais que nous en discutions parce que cette question m'intrigue.

Il était spécifié dans le budget que cette somme devait couvrir les besoins en matière de soins de santé. Or, étant donné que vous accordez l'argent sous forme de transfert global, comment savez-vous si ces fonds sont bien consacrés à la santé? L'année dernière, vous vous êtes vantés des fonds considérables que vous investissiez dans la santé. Comment pouvez-vous être sûrs que ces fonds sont bien consacrés à la santé étant donné qu'ils sont versés en bloc?

M. Bissonnette: Ces fonds sont, bien entendu, fongibles.

Par le biais de ce transfert, le gouvernement fédéral verse à chaque province une contribution pour les soins de santé, l'enseignement postsecondaire et l'assistance sociale. Nous savons par exemple que les provinces dépensent plus que le fédéral dans le secteur des soins de santé. Bien entendu, on ne peut suivre à la trace chacune de ces dépenses mais, si une province dépense beaucoup plus que ce que nous lui versons, et c'est le cas, j'estime que c'est en quelque sorte une garantie que notre argent est effectivement dépensé dans le secteur des soins de santé.

Le président: En fait, vous concluez que ces fonds sont bien dépensés dans le secteur des soins de santé du seul fait que votre contribution est inférieure au total des dépenses des provinces dans ce secteur.

Je voudrais parler de l'époque qui a directement suivi la création du FPE. Au milieu des années 80, il était assez facile de prouver que plusieurs provinces, surtout celle dont le sénateur Robertson et moi sommes originaires, ne faisaient pratiquement aucune dépense dans le secteur de l'enseignement postsecondaire. À cette époque, le gouvernement répartissait de façon arbitraire le montant des dépenses entre l'enseignement postsecondaire et le secteur de la santé. Dans plusieurs petites provinces, et dans au moins une à ma connaissance, les dépenses dans l'enseignement postsecondaire étaient cependant inférieures au montant que le gouvernement fédéral prétendait accorder à ce titre. C'était peut-être le cas dans l'Ouest également.

À cette époque, l'argument du gouvernement fédéral était fallacieux. Est-ce exact? Je dirais que c'est «exact». Le compte rendu indiquera que vous n'avez pas fait de commentaires.

J'ai l'impression que l'on fait toutes sortes de suppositions qui relèvent de la pure fiction. En effet, nous transférons des fonds pour les soins de santé sans toutefois avoir la possibilité de vérifier s'ils sont effectivement consacrés à ce secteur. Nous supposons que si une province a dépensé 15 milliards de dollars dans ce secteur alors que nous ne lui en avions donné que 10, ça représente 10 milliards de dollars de fonds fédéraux et 5 milliards de dollars de fonds provinciaux. En fait, nous n'avons aucun moyen d'en être sûrs.

Permettez-moi de vous expliquer mon raisonnement d'une autre façon. Si nous augmentions le montant que nous accordons à chaque province pour accroître les dépenses dans le secteur des soins de santé, nous n'aurions aucun moyen de nous assurer de sa destination réelle. Quand nous transférons ces fonds aux provinces, ils sont fongibles, pour employer le même terme financier que vous. Ces fonds peuvent être dépensés de n'importe quelle façon. Nous n'avons absolument aucun contrôle. Est-ce bien cela?

M. Bissonnette: J'aurais plusieurs points à signaler à ce propos.

Le président: Je suppose que la réponse à ma question est affirmative mais j'écouterai bien volontiers ce que vous avez à dire.

M. Bissonnette: J'aurais donc plusieurs points à signaler. Le premier est que toutes les provinces ont réinvesti beaucoup dans leur système de soins de santé au cours des trois ou quatre dernières années. Après une période de fortes restrictions et de stagnation, elles réinvestissent toutes beaucoup dans ce secteur.

Le deuxième point est que, au moment où nous avons préparé le budget de 1999, et c'était spécifié dans le projet de loi autorisant l'augmentation du TCSPS, tous les premiers ministres des provinces se sont engagés, dans une lettre dûment signée, à consacrer cette augmentation aux soins de santé.

Le président: Pourquoi pas? Si nous ne leur donnions rien, le taux d'accroissement des dépenses consacrées aux soins de santé serait encore supérieur à ce que nous leur donnons. Il faudrait être fou pour refuser de signer une telle lettre.

Comment peut-on garantir que ce montant vient effectivement s'ajouter à celui qu'elles auraient dépensé de toute façon si elles n'avaient pas obtenu cette augmentation? C'est là où je veux en venir. Est-ce que les fonds supplémentaires que nous octroyons remplacent les sommes que les provinces auraient dépensées de toute façon?

M. Bissonnette: Je ne suis pas certain de pouvoir répondre à cette question, monsieur le président. Pour cela, il faudrait établir une comparaison purement fictive pour savoir ce que les provinces auraient fait dans d'autres circonstances.

Je pense que la notion de responsabilité financière a évolué. Alors qu'autrefois on essayait de retrouver la trace de la moindre dépense, on a progressivement opté pour une conception plus moderne de la responsabilité financière fondée sur l'évaluation des résultats.

On pourrait retracer l'histoire de ces transferts depuis la Seconde Guerre mondiale. En fait, on n'a jamais cessé d'essayer d'exiger des preuves de dépenses. Quand on suit l'évolution de la notion de responsabilité financière, on constate que, dans les années 40, le gouvernement fédéral faisait littéralement des inspections dans les hôpitaux provinciaux pour vérifier s'ils étaient conformes à des normes précises.

Dans les années 50, on a adopté une formule un peu plus souple, celle du partage des coûts, en vertu de laquelle nous avons convenu de partager les coûts en ce qui concerne un panier bien précis de services médicaux et hospitaliers.

Avec la création du FPE, nous avons modifié, une fois de plus, la notion de responsabilité financière qui cessait dès lors d'être fondée rigoureusement sur l'utilisation des intrants et leur comparaison. Cette nouvelle forme de responsabilité financière, fondée essentiellement sur un transfert global, s'appuyait sur quelques principes généraux; pour le reste, on comptait sur les provinces.

Depuis l'adoption du contrat social cadre, notre conception de la responsabilité financière est nettement plus axée sur les résultats que sur une justification rigoureuse des dépenses.

D'une certaine façon, on s'intéresse davantage aux extrants qu'aux intrants et notre conception de la responsabilité financière a complètement changé.

Le président: J'aimerais beaucoup en discuter avec vous mais j'y reviendrai à la fin de la séance.

Le sénateur Robertson: Monsieur le président, je reviens à la question des budgets et de la destination finale des fonds que vous avez abordée. La transparence est grande dans les provinces; il suffit d'examiner les budgets de la santé et de faire le calcul. Les budgets de la santé sont faciles à identifier mais je n'insisterai pas trop sur la question. Je voudrais commencer sur un ton différent.

Ce qui intéresse surtout les provinces, c'est un financement stable; c'est une de leurs préoccupations majeures. Sur quels principes fondez-vous la répartition des dépenses en matière de financement des soins de santé entre les deux paliers de gouvernement? Les provinces ont déjà proposé neuf principes de base pour accroître la stabilité. Quels principes proposeriez-vous à cette fin?

M. Bissonnette: Je dirais que nous essayons de concilier plusieurs notions contradictoires. Nous devons bien entendu, tenir compte de l'importante notion d'abordabilité. Nous devons également tenir compte de la notion qui en est en quelque sorte le corollaire. Combien est suffisant? Nous devons également tenir compte d'une notion dont on parle souvent dans le contexte de l'environnement et qui est également valable dans ce contexte; il s'agit du concept de durabilité dans le temps ou de stabilité.

Ces deux types de concepts sont, bien entendu, contradictoires. On ne peut pas prendre d'engagements en matière de stabilité. Un engagement est très sérieux et, lorsque la situation évolue dans le monde -- et personne ne peut contrôler ce qui se passe dans le monde --, on constate qu'il n'est plus possible de le tenir. On ne veut pas prendre d'engagements en ce qui concerne la «suffisance», par exemple, pour constater ensuite qu'on n'a pas les moyens de les respecter; cela est valable pour les deux paliers de gouvernement.

Par conséquent, on essaie en quelque sorte de faire un compromis entre toutes ces notions. Nous essayons également, je présume, de tenir compte du fait que d'autres priorités en matière de dépenses ont tout autant d'importance. La santé est importante pour l'avenir du pays mais l'enseignement secondaire, la recherche et l'innovation aussi. Ils sont essentiels au développement de notre pays.

Je crois que c'est une question de compromis et qu'il faut faire preuve de discernement.

Le sénateur Robertson: Les provinces sont-elles au courant des principes que vous venez de mentionner? Est-ce que vous en avez discuté avec elles?

M. Bissonnette: Mme Anderson préside de nombreuses réunions auxquelles elles participent.

Mme Anderson: Oui, nous discutons assez souvent des principes.

Le sénateur Robertson: C'est bien.

Mme Anderson: La plupart des fonctionnaires qui s'occupent des arrangements fiscaux au Canada approuvent ces principes. Nous avons une liste à laquelle nous nous référons continuellement. Toutes les parties concernées comprennent qu'il est nécessaire d'établir un compromis. Il n'est pas aussi facile de s'entendre sur le résultat de ce compromis. Nous sommes d'accord sur les principes et la priorité des principes. Cependant, quand on essaie, comme l'a dit M. Bissonnette, de faire un compromis entre l'abordabilité et la «suffisance», on est obligé de prendre des décisions courageuses.

Le sénateur Robertson: C'est bien. Il y a du progrès.

La position du gouvernement fédéral inclut des points d'impôt. La position des gouvernements provinciaux n'en inclut pas. C'est à ce niveau que les opinions diffèrent.

Si je comprends bien -- et vous pouvez me corriger si je me trompe -- en 1995-1996, tous les transferts aux provinces, qui comprenaient le FPE, le RAPC et le paiement de péréquation, représentaient environ un quart des programmes budgétisés. Sans le paiement de péréquation, ils auraient été d'environ 18 p. 100.

Examinons les chiffres. Entre 1994 et 1995, rien que pour le RAPC et le FPE, le montant se chiffrait à 19,3 milliards de dollars, si je ne me trompe. Est-ce bien cela?

Mme Anderson: Oui.

Le sénateur Robertson: En 1999, le TCSPS s'élevait à 12,5 milliards de dollars, soit une diminution de 35 p. 100; c'est beaucoup. Par contre, les dépenses fédérales affectées à tous les autres programmes n'ont diminué que de 7 p. 100.

Pourquoi voudrait-on diminuer cinq fois plus les dépenses dans le secteur de la santé, qui est très important pour les Canadiens, que les autres dépenses? C'est une question d'équité. Vous ne pouvez peut-être pas répondre parce que vous vous basez uniquement sur les montants. Je trouve la proportion de la diminution très étonnante. Une réduction de 35 p. 100 est une forte réduction alors qu'une de 7 p. 100 n'est pas trop grave.

Je voudrais savoir si vous trouvez que c'est équitable.

M. Bissonnette: Je conteste votre premier commentaire sur les points d'impôt. Les points d'impôt sont des recettes réelles auxquelles nous renonçons pour les transférer aux provinces. Si vous calculiez la réduction en vous basant sur les versements en espèces et les points d'impôt, le pourcentage serait beaucoup moins élevé.

En fait, pour répondre à votre question, je dirais que nous avons été poussés par la population à en arriver à une proportion du TCSPS pour la santé qui soit fondée sur les vieilles notions de partage qu'incarnait le FPE. Si on fait le calcul, on constate qu'en fait les transferts en espèces de la composante santé du TCSPS ont atteint un sommet de 8,2 milliards de dollars en 1993-1994.

Cette année, grâce aux augmentations que nous avons prévues, les transferts en espèces se chiffrent à 8,1 milliards de dollars. L'année prochaine, le sommet précédent de 1993-1994 sera dépassé.

Il s'agit uniquement des transferts en espèces de la portion «santé» du TCSPS.

Le sénateur Robertson: Les provinces ne sont pas d'accord avec vous sur ce point, et vous le savez. Je voudrais toutefois revenir à la question des points d'impôt parce que je suis d'accord avec Mme Bégin qui a dit la semaine dernière qu'il fallait oublier les points d'impôt puisqu'ils vont disparaître.

Le sénateur LeBreton: Le témoin vient de dire que ce sont des recettes réelles auxquelles le gouvernement fédéral renonce. Il n'y a qu'un seul contribuable. Comment Mme Bégin peut-elle affirmer qu'il faut oublier les points d'impôt sous prétexte qu'ils sont appelés à disparaître?

Le sénateur Robertson: Comme vous le savez, l'origine de ces transferts fiscaux remonte loin dans le temps. Ils ont été établis à l'époque de la Seconde Guerre mondiale. Les provinces ont renoncé à leurs impôts sur les revenus des particuliers et des sociétés au profit du gouvernement fédéral, dans le cadre de l'effort de guerre. Il s'agissait toutefois d'une entente temporaire.

Le sénateur Banks: Comme l'impôt sur le revenu.

Le sénateur Robertson: Oui. Les provinces ont accepté cette mesure, à condition qu'elle soit temporaire et qu'elles récupèrent ces impôts à la fin de la guerre. Cependant, elles ne les ont jamais récupérés. Par conséquent, elles ont pris du retard. Pendant plusieurs années, elles n'ont pu profiter de ces impôts pour financer leurs programmes. Le transfert consenti aux provinces en 1977 n'était en fait que la récupération des impôts auxquels elles avaient renoncé pendant la guerre.

Il existe un lien entre le TCSPS et certains points d'impôt transférés aux provinces par le gouvernement fédéral dans les années qui ont précédé la création du FPE, en 1977. Les provinces n'ont fait que récupérer l'espace fiscal auquel elles avaient renoncé dans le cadre de l'effort de guerre. L'entente constitue un transfert provincial permanent.

Je suis sincèrement convaincue que le fait d'utiliser des points d'impôt donne une fausse impression de l'importance des coupures dans les transferts fédéraux en matière de santé et d'aide sociale. J'estime que ce n'est pas honnête. Je prends parti pour les provinces en ce qui concerne les points d'impôt. Il est terriblement important pour moi d'éclaircir cette question.

En 1977, les provinces n'ont en fait pas reçu d'argent supplémentaire. Elles ont eu de la difficulté après la guerre. Certains d'entre nous sont assez vieux pour se souvenir de tous les problèmes qu'elles ont connus. Leurs moyens financiers étaient plutôt maigres.

La première fois que j'ai participé aux élections, je me trouvais sur une colline à Riverview d'où je pouvais voir 42 milles de rues non asphaltées. On n'avait pas l'argent nécessaire. Vous savez d'où je viens.

M. Bissonnette: Vous citez beaucoup de faits historiques intéressants. Je ne me considère pas comme un expert en la matière mais les accords sur la location de domaines fiscaux auxquels vous faites allusion étaient en fait très différents des transferts de points d'impôt.

Le sénateur Robertson: Je ne suis pas d'accord, mais nous en reparlerons.

M. Bissonnette: Je voudrais faire un dernier commentaire. Nous comprenons très bien la position de ceux et celles qui estiment que les points d'impôt ne sont pas réels. C'est l'opinion de bien des gens. Cependant, si les points d'impôt n'étaient pas réels, pourquoi plusieurs provinces nous en réclameraient-elles davantage? Pourquoi en demanderaient-elles davantage si ça ne comptait pas? N'est-ce pas intriguant?

Le sénateur Robertson: L'énigme pourrait être raisonnablement résolue puisque nous avons maintenant trouvé un bon compromis. Si vous ne voulez pas donner plus d'argent aux provinces, il faut leur donner des points d'impôt supplémentaires pour compenser les sommes dont elles ont besoin.

Nous consacrons beaucoup de temps à en discuter, mais je sais que les provinces y accordent beaucoup d'importance. J'y accorde moi-même beaucoup d'importance, comme vous pouvez le constater. J'en reviens au commentaire qu'a fait Mme Bégin. Nous nous frappons à un mur avec cet argument.

Je reviendrai peut-être à cette question plus tard.

Mme Anderson: Je ne conteste pas l'interprétation des deux aspects de la question que fait l'honorable sénateur. Il ne faut pas oublier que les provinces approuvent la façon dont nous attribuons le TCSPS. Le système est basé sur l'acceptation des points d'impôt et leur valeur dans la province concernée.

Je ferai une distinction entre l'acceptation du concept de la somme totale que le gouvernement fédéral transfère et l'acceptation du concept des points d'impôt. Il est possible que les deux parties essaient de trouver une formule avantageuse.

J'étais dans l'autre camp en 1977. Je me souviens que les provinces avaient terriblement besoin de ces points d'impôt. J'affirme qu'elles les considèrent toujours comme un élément essentiel du système de répartition.

Le président: Je suppose que vous viviez dans une province riche en 1977, parce que ce n'était pas mon cas ni celui du sénateur Robertson. Nous comprenions également l'énorme faiblesse des points d'impôt. Étiez-vous en Colombie-Britannique, en Alberta ou en Ontario?

Mme Anderson: Je suis certaine que ce n'est pas une question à laquelle je suis tenue de répondre.

Le président: Je vous signale que si vous étiez d'ailleurs, vous auriez une opinion différente.

Le sénateur Robertson: Oui. En 1977, les provinces étaient heureuses qu'on leur remette ces points d'impôt, pour des raisons évidentes. Pendant la guerre, le gouvernement fédéral les a privées d'énormes sommes d'argent mais elles y renonçaient volontiers. J'ignore à quel point elles sont en faveur de l'octroi de points d'impôt supplémentaires. D'après un document qu'ils ont préparé conjointement, les premiers ministres des provinces et les ministres des Finances des territoires ne semblent pas être en faveur de l'octroi de points d'impôt supplémentaires. Ils veulent des transferts en espèces.

Le sénateur Fairbairn: Je voudrais parler encore un peu de cette question équivoque. Ce qui m'a frappée en ce qui concerne l'évolution des accords avec les provinces c'est que, lorsqu'on a introduit le TCSPS, la plupart des personnes qui ne passaient pas leur temps à éplucher ces questions l'ont considéré comme un transfert dans le secteur de la santé. Tout le reste se perdait dans la traduction. C'était peut-être voulu; je ne suis pas sûre.

Je ferai une observation qui a déjà été faite par le sénateur Robertson et par le président. On ne sait toujours pas quelle proportion du TCSPS est consacrée à la santé, à l'éducation et à l'assistance publique. Est-ce bien cela?

M. Bissonnette: Vous abordez un sujet épineux et très important. Ce n'est pas une simple question de responsabilité financière; la nature du fédéralisme est également en jeu. Je voudrais que vous me permettiez de donner des précisions à ce sujet.

Ce transfert laisse actuellement aux provinces la liberté de décider quel pourcentage elles veulent consacrer à la santé, à l'enseignement postsecondaire et à l'assistance sociale. Bien entendu, la décision variera d'une province à l'autre. Les provinces feront des choix différents pour plusieurs raisons, que ce soit parce qu'elles ont des valeurs ou des besoins différents ou parce qu'elles estiment que tel système est suffisamment développé alors qu'un autre, l'enseignement par exemple, ne l'est pas. Elles ont toute la latitude voulue pour faire ces choix.

Cette formule présente probablement des inconvénients sur le plan de la reddition de comptes. Allan Blakeney, qui était une éminence grise en matière de questions fiscales fédérales-provinciales, a expliqué que c'était un compromis fondamental. Si l'on croit dans l'égalisation des chances pour toutes les régions du Canada et si l'on est convaincu du bien-fondé du principe sur lequel repose le fédéralisme, à savoir que si les provinces ont certains secteurs de compétence, il faut les respecter, si l'on veut concilier ces exigences avec le principe de la qualité des chances et que l'on veut que la qualité des services hospitaliers et des services éducatifs ne varie pas trop d'une région à l'autre, si l'on veut respecter ces deux premiers principes et ces deux premiers objectifs, il faut faire preuve d'une certaine souplesse en matière de responsabilité financière. On ne peut pas concilier totalement les trois. Pour atteindre un degré de reddition de comptes supérieur et pouvoir suivre la trace des investissements fédéraux dans chaque province et en mesurer le rendement, il faudrait administrer les écoles et les hôpitaux à leur place.

Je crois que c'est un commentaire important. Il y a trois principes en jeu ou plutôt trois objectifs, et si l'on veut en atteindre deux, il faut faire un compromis pour le troisième. On ne peut pas concilier totalement les trois. C'est mathématiquement impossible en quelque sorte. Si l'on veut atteindre deux des objectifs, il faut faire quelques concessions en ce qui concerne le troisième.

Le sénateur Fairbairn: Je comprends les trois objectifs. Cependant, si je ne me trompe, deux de ces objectifs sont assujettis à des pénalités. Les paiements de transfert dans le domaine de la santé sont assujettis aux cinq principes et les transferts en matière d'assistance publique sont assujettis aux critères de résidence. Entre les deux, il y a l'enseignement qui n'est pas assujetti à des règles aussi strictes, à moins qu'il n'en soit ainsi dans les discussions sur les lignes directrices. Dans ce domaine, il ne faut pas jouer au gendarme mais dans les deux autres, si.

J'étais présente lorsque le TCSPS a été créé et il y a une certaine symétrie entre deux de ces secteurs alors que ce n'est pas le cas pour le troisième. On ne peut vraiment pas dire que c'est une association parfaite ou défendable sur le plan de la logique. Notre examen porte sur le secteur de la santé mais il nous amène à discuter du problème le plus frustrant pour les Canadiens après celui de la santé, celui de l'enseignement postsecondaire. Je voudrais entendre vos commentaires à ce sujet.

Mme Anderson: Il faut remonter aux origines de l'aide que le gouvernement fédéral a accordée pour chacun de ces trois secteurs. L'aide fédérale en matière d'enseignement postsecondaire n'a jamais été fondée sur le principe du partage des coûts. Elle a toujours été accordée sous forme de transfert global.

Lorsque l'aide fédérale en matière de santé et celle en matière d'enseignement postsecondaire ont été mises sur pied, elles venaient toutes deux de deux univers différents. Ce fut la même chose quand on y a incorporé l'assistance sociale. On a élaboré un mécanisme extrêmement complexe de partage précis des coûts où la moindre dépense devait être justifiée. Par conséquent, les trois secteurs ont suivi un cheminement différent.

Ce qui les a réunis, c'est la prise de conscience du fait que la relation entre les gouvernements avait évolué, qu'elle avait mûri et que le financement global, puisque ces programmes étaient établis, accorderait aux provinces la latitude voulue pour répartir elles-mêmes les fonds entre ces trois secteurs. Il ne faut pas oublier que, lorsque le TCSPS a été créé, on était en pleine réforme du système de sécurité sociale. On voulait que les provinces aient la latitude voulue pour concevoir des programmes mieux adaptés à leurs besoins. C'est pourquoi on a commencé à leur donner plus de latitude.

Ce sont les raisons pour lesquelles il est difficile de comprendre pourquoi ces trois secteurs n'ont pas les mêmes antécédents. Leurs origines ne sont pas les mêmes.

Le sénateur Fairbairn: J'admets que l'on applique ce genre de formule à deux d'entre eux. Cependant, je me demande parfois si l'investissement dans l'enseignement se justifie au sein de ce trio ou si le secteur de l'éducation ne devrait pas être géré à part.

Je crois qu'une certaine discipline est associée au TCSPS, et je voudrais que vous le confirmiez. Nous ne sommes plus à l'époque où les fonds fédéraux qui avaient une destination précise pouvaient être utilisés à d'autres fins, notamment pour la construction de routes ou autres travaux publics. Ça ne pourrait plus se produire sous le régime du TCSPS. Est-ce exact?

Mme Anderson: Je suppose qu'une province pourrait cesser d'investir dans l'enseignement postsecondaire. On pourrait donc dire que les fonds accordés dans le cadre du TCSPS ne sont en réalité pas investis dans l'enseignement postsecondaire. Les provinces ont la latitude de décider si l'enseignement postsecondaire doit avoir la priorité sur la santé, et les pressions exercées par les citoyens les aident à établir un certain équilibre entre ces deux secteurs.

Le sénateur Fairbairn: Il est toujours possible que l'argent soit utilisé à d'autres fins que la santé, l'assistance publique ou l'éducation. C'est toujours possible.

Mme Anderson: Lorsque nos calculs sont terminés, les fonds sont transférés dans les caisses des provinces. Nous ne suivons pas la moindre dépense à la trace. Il faudrait qu'il n'y ait aucune dépense dans un secteur donné pour pouvoir dire qu'aucun des fonds du TCSPS n'a été consacré à ce secteur.

Le sénateur Banks: Je pousserai le raisonnement du sénateur Fairbairn un peu plus loin. J'ai toujours supposé que cette enveloppe était consacrée à la santé et aux affaires sociales dans les provinces. Si l'on donnait 10 $ à une province et qu'elle dépensait 3,33 $ dans chacun des trois secteurs, à savoir les services sociaux, l'éducation et les soins de santé, j'ai toujours supposé que si elle réduisait ses dépenses en matière d'assistance sociale de 2,33 $ pour les ramener à 1 $, ces 2,33 $ retranchés devaient nécessairement être consacrés au secteur de l'enseignement postsecondaire ou à celui de la santé. Cependant, vous dites qu'elle pourrait investir dans l'infrastructure avec cet argent. Est-ce bien cela?

Mme Anderson: Je suppose que ce serait légal.

Le sénateur Banks: Les provinces bénéficient donc d'une latitude totale.

M. Bissonnette: Oui.

M. Bissonnette: Elles bénéficient d'une latitude totale. Les trésoriers des provinces reçoivent un chèque. On n'envoie pas de chèque aux ministres de l'Éducation ni aux ministres des Services sociaux ou aux ministres de la Santé. En fait, les lois sur la gestion des finances publiques de tous les gouvernements excluent le recours à cette formule. Tous les fonds doivent être versés au Trésor. Il faudrait une loi portant affectation de crédits pour faire la répartition de ces fonds.

Tous les gouvernements provinciaux sont confrontés à ce genre de décision; ils doivent se charger de l'affectation des fonds fédéraux qu'ils reçoivent.

Le sénateur Banks: Autrement dit, nous n'avons aucun contrôle. Est-ce bien cela?

Mme Anderson: Nous n'avons aucun contrôle sur l'affectation des fonds. Par contre, les autorités provinciales sont soumises à des pressions politiques considérables et elles doivent rendre des comptes à leurs citoyens. Les gouvernements provinciaux savent combien ils ont reçu du gouvernement fédéral et ils savent qu'ils doivent justifier leurs dépenses dans ces trois secteurs.

Le sénateur Banks: Comme l'ont signalé mes collègues, on n'arrive pas à savoir où vont ces fonds parce que les versions des faits varient.

En vertu de quel mécanisme gouvernemental ces fonds sont-ils distribués aux provinces? Existe-t-il un accord fédéral-provincial qui stipule le montant des transferts et les modalités? Dans ce cas, le gouvernement du Canada n'aurait-il pas la possibilité d'augmenter les sommes consacrées au TCSPS sans l'approbation des parties signataires de l'accord?

Mme Anderson: La Loi sur les arrangements fiscaux est une loi fédérale. Nous consultons les provinces régulièrement mais aucune entente fédérale-provinciale n'a été signée. Le transfert se fait en vertu des dispositions d'une loi fédérale.

Le sénateur Banks: C'est de la largesse. Je sais que ça peut sembler absurde, mais ce système n'a fait l'objet d'aucune entente conjointe. Le gouvernement du Canada pourrait-il décider unilatéralement de modifier le montant de ses transferts?

Mme Anderson: Il pourrait faire ce qu'il veut.

Le président: C'est ce qu'il a fait en réalité. C'était un des problèmes pendant la période de compressions budgétaires.

Le sénateur LeBreton: Je poursuivrai l'interrogatoire du sénateur Banks. Je reviens au point où il a été question de Mme Bégin qui a dit que les points d'impôt étaient en voie de disparition et qu'il ne fallait plus en parler. J'ai une difficulté fondamentale à accepter cette affirmation. Comme vous le signalez, les points d'impôt sont des recettes réelles auxquelles le gouvernement fédéral renonce. Il n'est pas étonnant que ça sème la confusion dans les esprits.

Estimez-vous que ce système de points d'impôt a accentué la confusion quant au niveau de contribution du gouvernement fédéral par rapport à celui des gouvernements provinciaux? Comment pourrait-on simplifier cette discussion de façon à ce que les Canadiens comprennent, à votre avis?

Les points d'impôt sont des points d'impôt. Il n'y a qu'un contribuable. Que les recettes des provinces proviennent de la perception directe d'impôt ou de taxes ou d'un transfert du gouvernement fédéral, c'est toujours le même contribuable qui paie. Y a-t-il moyen d'aider les Canadiens à comprendre cela? Pour revenir à la question initiale du président, comment sait-on à quoi ces fonds sont consacrés? Y a-t-il moyen de rendre davantage de comptes sans recruter une armée de comptables?

M. Bissonnette: Vous posez deux questions qui sont à la fois dures et pertinentes. Je répondrai d'abord à la deuxième, parce que c'est un peu plus facile, puis je répondrai à la première.

Plus je réfléchis à la question de la reddition de comptes, et moins je suis convaincu que ce soit une bonne solution de suivre de près toutes les dépenses. Je me demande si les principes comptables modernes ne doivent pas reposer désormais sur une évaluation des résultats plutôt que sur le dépistage des dépenses et des intrants. Dans le secteur des soins de santé, tous les gouvernements ont tendance à faire état plus souvent et de façon plus précise à leurs électeurs des résultats obtenus grâce à leurs investissements. Au lieu d'essayer de suivre à la trace les fonds fédéraux octroyés aux provinces et de savoir ce qu'elles en font, nous essayons tous ensemble d'informer de mieux en mieux les Canadiens sur les résultats obtenus et les progrès réalisés, d'après des indicateurs concrets. C'est peut-être une formule plus prometteuse pour ce qui est d'assouplir le système; j'avoue que je réfléchis à haute voix.

Pour en revenir à votre première question, nous nous sommes tous interrogés à ce sujet. Nous vivons dans un régime démocratique et il est toujours troublant d'avoir affaire à une formule que les Canadiens ne peuvent pas comprendre facilement et par conséquent sur laquelle ils ne peuvent pas se faire une opinion personnelle. Nous nous efforçons depuis longtemps de trouver un moyen d'expliquer ces points d'impôt et de les rendre plus concrets. Nous n'avons toutefois pas réalisé beaucoup de progrès à cet égard.

Mme Anderson: En tout cas, dans tous les documents publics, nous avons essayé d'indiquer très clairement la ventilation des transferts en espèces, des points d'impôt et le total. C'est une notion qu'il est toutefois difficile de présenter sous une forme concrète au citoyen moyen, à l'instar de la plupart des notions liées aux arrangements fiscaux.

Cette année, au cours de la période postbudgétaire, lorsque la province où nous nous trouvons actuellement faisait l'objet de beaucoup d'attention et que l'on se préoccupait beaucoup de points d'impôt, j'ai expliqué ce concept à maintes reprises à de nombreux journalistes de toutes les régions du pays, probablement sans beaucoup de succès.

En 1977, nous avons octroyé environ 6 milliards de dollars aux provinces pour financer ces deux secteurs. À un certain moment, nous leur avons donné 3 milliards de dollars en espèces et 3 milliards de dollars en points d'impôt. Par exemple, si au lieu d'accorder une allocation de 100 $ par mois à votre enfant vous lui proposez une voiture et 50 $ par mois, vous appliquez le même principe que celui sur lequel reposent les points d'impôt.

Avec le temps, cette formule devient très difficile à expliquer et les deux parties ont chacune leur point de vue. Cependant, il s'agissait d'une façon différente de transférer exactement le même montant d'argent parce qu'on estimait que ce serait peut-être plus durable pour une des parties et plus avantageux pour l'autre.

Les perceptions diffèrent d'une personne à l'autre. C'était un moyen mécanique de fournir exactement le même soutien.

Le sénateur LeBreton: Les Canadiens savent que nous avons un excellent système de soins de santé. Ce qui sape leur confiance dans le système, c'est qu'ils le considèrent comme un jeu politique dans le cadre duquel un palier de gouvernement essaie de gagner des points au détriment de l'autre. Il devrait y avoir moyen de calmer les esprits et d'expliquer ce système aux Canadiens. Je sais que c'est un défi de taille que d'expliquer les points d'impôt à monsieur et madame tout-le-monde. Mais il faudrait que les Canadiens comprennent ce système; ça relâcherait la tension. La plupart des Canadiens sont incapables de citer un cas où ils ont eu des problèmes personnels avec le système des soins de santé mais ils ne comprennent pas qui finance le système.

Ça rejoint le commentaire du président. Comment peut-on démontrer aux Canadiens que ces fonds sont bel et bien injectés dans le système des soins de santé?

Des personnes plus compétentes que nous en la matière se sont penchées sur la question. C'est un raisonnement plutôt simpliste que de dire qu'il ne faut plus parler de points d'impôt; ils représentent de l'argent.

Le sénateur Robertson: Ils sont équilibrés.

Le sénateur LeBreton: Éviter d'en parler revient à affirmer qu'il n'y a pas d'oxygène dans l'air.

M. Bissonnette: C'est une question à laquelle nous attachons beaucoup d'importance, madame LeBreton. Dernièrement, j'ai tenu une séance d'information de deux heures devant les journalistes à ce sujet. Nous avons préparé une brochure qui retrace l'historique de ces arrangements et des points d'impôt. Ce document d'information est accessible sur le site Web du ministère des Finances.

J'ai eu l'impression que les journalistes sont ressortis de cette séance d'information convaincus qu'il y avait en général deux opinions légitimes en ce qui concerne la même réalité, que ces deux opinions étaient légitimes mais quelque peu différentes et que l'une ne pouvait pas supplanter l'autre.

Le sénateur Banks: Vous avez dit que notre conception de la responsabilité financière était maintenant axée sur les résultats. C'est peut-être une vue simpliste, mais c'est précisément cette conception qui est la source des problèmes actuels. Autrefois, on ne fermait pas des salles d'hôpital parce que l'on n'avait pas les fonds de fonctionnement nécessaires. Une personne âgée de 75 ans ne devait pas attendre cinq mois pour une arthroplastie de la hanche. Actuellement, il y a des périodes d'attente. C'est une évaluation basée sur les résultats qui est faite par les Canadiens. Ils comprennent ça. Il est difficile d'expliquer les causes de cette situation.

Vous avez signalé tout à l'heure que les dépenses dans le secteur des soins de santé atteindraient bientôt 8,1 milliards de dollars alors qu'autrefois elles avaient atteint un sommet de 8,2 milliards de dollars. Je voudrais connaître les raisons pour lesquelles ont a peint ces dollars en rose. Je vous serais très reconnaissant de m'expliquer plus tard, sur un morceau de papier que l'on pourrait distribuer, comment on a calculé que l'année prochaine, on dépensera 8,1 milliards de dollars dans le secteur de la santé.

Mme Anderson: Nous pouvons expliquer la façon dont nous faisons ce calcul. Ce n'est pas un problème, mais je tiens à signaler que les dispositions de la loi ne parlent pas de répartition entre les secteurs de la santé, de l'enseignement postsecondaire et de l'assistance sociale.

Les chiffres ne donnent en fait aucune précision. Il s'agit d'un transfert global et ce sont les provinces qui décident comment elles dépensent leur TCSPS.

Le sénateur Banks: Vous avez dit qu'il y a plusieurs années, les dépenses consacrées au secteur de la santé avaient atteint 8,2 milliards de dollars et que l'année prochaine, elles atteindront à nouveau 8,1 milliards de dollars. Comment le sait-on?

Mme Anderson: Je tiens à rectifier. M. Bissonnette parlait du transfert.

Sous le régime du FPE, jusqu'en 1995-1996, nous faisions ce que nous appelions une répartition théorique. Nous disions que tel pourcentage du FPE était destiné à la santé et tel pourcentage à l'enseignement postsecondaire. Même sous le régime du FPE, de 1977 à 1995, les provinces n'étaient soumises à aucune contrainte légale; elles n'étaient pas obligées de dépenser le montant prévu dans chacun de ces deux secteurs. Ce principe a été repris dans le TCSPS mais on a cessé de faire une répartition théorique.

À la suite d'une campagne médiatique menée par une province ce printemps, nous avons réparti théoriquement les fonds en ce qui concerne le secteur de la santé pour expliquer les chiffres de la province et les nôtres. Nous pouvons le faire. C'est un calcul facile à faire, qui est basé sur le montant consacré à la santé et à l'enseignement postsecondaire sous le régime du FPE. La loi fédérale n'imposait aucune obligation aux provinces.

Le président: Je suppose que la brochure que vous avez mentionnée contient des explications au sujet de cette répartition théorique. Notre greffière nous en préparera plusieurs exemplaires. Cette brochure nous sera utile.

Le sénateur Callbeck: Je m'excuse d'être arrivée en retard aujourd'hui. Si on a déjà parlé du sujet que je vais aborder, j'attendrai et je lirai le compte rendu des délibérations. Ce qui me préoccupe, c'est la tendance à opter pour des montants égaux par habitant.

Lorsque le TCSPS a été créé, il s'inspirait quelque peu du FPE. Il y avait une clause d'indexation dont on retranchait un certain pourcentage. Il y avait une formule.

Je crois que c'est dans le projet de loi C-71 qu'il est indiqué qu'il allait être basé sur un certain montant par habitant. Pourquoi le gouvernement fédéral a-t-il pris cette décision?

Mme Anderson: Le FPE a toujours été basé sur un montant par habitant. Le RAPC comprenait divers types d'attributions.

Le président: Je signale pour le compte rendu que RAPC désigne le Régime d'assistance publique du Canada.

Mme Anderson: Le Régime d'assistance publique du Canada comportait un type d'attribution différent parce qu'il s'agissait d'un programme de financement à parts égales.

Au cours de la première année où les deux systèmes ont été jumelés, nous avons pris les parts provinciales de l'année précédente de ces deux programmes et nous les avons réunies pour calculer les parts provinciales de la première année du TCSPS. Les montants variaient automatiquement d'une province à l'autre. Le montant du transfert au titre du RAPC était devenu inégal parce qu'un plafond avait été imposé. Certaines provinces recevaient davantage que d'autres. Le TCSPS était donc fondé sur un système inégal. En l'espace d'un an, et après avoir consulté les provinces, le gouvernement fédéral a commencé à égaliser le système en se basant sur les allocations par habitant. Ce mouvement s'est accéléré en 1999. Ces explications vous aident-elles à comprendre?

Le sénateur Callbeck: Toutes les provinces étaient-elles d'accord?

Mme Anderson: Au sujet de l'attribution d'un montant égal par habitant?

Le sénateur Callbeck: Au sujet d'un système d'octroi d'un montant par habitant?

Mme Anderson: Si je comprends bien, les opinions varient d'une province à l'autre. Certaines provinces veulent un transfert en espèces d'un montant égal par habitant et d'autres veulent des droits égaux par habitant, qui constituent une combinaison des transferts en espèces et des transferts de points d'impôt. Par conséquent, je ne dirais pas qu'il y ait un consensus, mais elles ont accepté le changement. Nous n'avons plus entendu de doléances à ce sujet depuis deux ans.

Le sénateur Callbeck: À la lumière de vos connaissances, estimez-vous que le système par habitant sera désavantageux pour les petites provinces?

Mme Anderson: Non, il ne le sera pas. Dans le contexte de l'attribution en fonction de droits égaux par habitant, nous tenons compte de divers points forts de la capacité de la province. La valeur de ses points d'impôt est prise en considération, ce qui signifie qu'en ce qui concerne les provinces prospères, les points d'impôt ont plus de valeur et que les transferts en espèces sont moins élevés. Les provinces moins prospères reçoivent un montant en espèces plus élevé par habitant.

Le sénateur Callbeck: Je ne comprends pas. Je pensais qu'en 2001, le système de calcul par habitant serait en vigueur, peu importe la valeur des points d'impôt. Si j'ai bien compris, en Ontario, le point d'impôt vaut beaucoup plus qu'un point d'impôt à l'Île-du-Prince-Édouard alors que par habitant, la valeur serait la même pour les deux provinces. Est-ce bien cela?

Mme Anderson: Le calcul pour chaque province est basé sur les droits et, par conséquent, le montant total du TCSPS -- c'est-à-dire le transfert en espèces et le transfert de points d'impôt -- est exactement le même pour chaque province. Il ne s'agit pas d'allocations en espèces par habitant mais plutôt de droits par habitant.

Le sénateur Callbeck: J'ai examiné un document préparé par la Direction de la recherche parlementaire de la Bibliothèque du Parlement où il est question du montant par habitant. Je ne pensais pas que les points d'impôt intervenaient mais c'est le cas.

Le sénateur Robertson: Monsieur le président, je voudrais citer un exemple à propos des points d'impôt. Si vous me donnez 100 $ par mois pendant 10 ans et que je devais rembourser les 100 $ par mois pendant 10 ans, ça reviendrait pratiquement au même, sauf en ce qui concerne l'intérêt. Est-ce bien cela?

Le président: C'est exact.

Le sénateur Robertson: Merci. Le TCSPS ne suit pas la même progression que l'économie de la province concernée, si j'ai bien compris. Je n'en suis pas sûre mais je pensais qu'il n'augmentait pas.

M. Bissonnette: Il ne faut pas oublier que ce transfert comporte deux volets. Il comporte un transfert en espèces et un transfert de points d'impôt. En ce qui concerne les points d'impôt, l'accroissement est pour ainsi dire égal au taux d'expansion économique. En fait, il peut même parfois lui être supérieur. Quant au transfert en espèces, il est fixé pour cinq ans dans la loi pour l'ensemble du pays. Les paramètres sont établis pour chaque année.

Le sénateur Robertson: Je comprends; cependant, je ne parle pas de points d'impôt. Quel était le montant en espèces par personne en 1994-1995? Si vous n'avez pas ces chiffres sous la main, j'accepterai que vous me les communiquiez plus tard.

M. Bissonnette: Nous les avons peut-être tous ici. Je vérifierai.

Le sénateur Robertson: Pendant que vous vérifiez, je voudrais savoir quel est, présentement, le montant en espèces par habitant.

M. Bissonnette: Est-ce pour le TCSPS?

Le sénateur Robertson: Oui. En ce qui concerne le transfert en espèces et pas les points d'impôt. Je voudrais également savoir quel est le montant par habitant des versements qui ont été faits par les provinces pour les soins de santé en 1994-1995. Ne me donnez que le montant des versements en espèces.

M. Bissonnette: Est-ce pour les dépenses provinciales dans le secteur des soins de santé en 1994-1995? Je ne crois pas que nous ayons ces chiffres ici. Je crois qu'un des témoins, M. Cliff Halliwell, de Santé Canada, vous a remis deux brochures contenant des renseignements complets sur les dépenses provinciales.

Le président: Nous pourrons les obtenir.

Le sénateur Robertson: C'est très bien, pourvu que j'aie ce renseignement un jour ou l'autre. Je voudrais savoir si vous avez fait des prévisions sur le montant des dépenses que feront les provinces dans le secteur des soins de santé d'ici cinq et dix ans. Vos prévisions tiennent-elles compte du vieillissement de la population et autres considérations d'ordre démographique? Essayez-vous de prévoir, avec l'aide des provinces, à combien s'élèveront ces dépenses dans cinq ou dix ans?

Ma dernière question concerne les calculs. Si le gouvernement fédéral n'avait pas instauré le TCSPS, si les compressions imposées sur le FPE et le RAPC étaient venues à échéance, comme prévu, en 1995-1996, si l'ancienne formule avait été rétablie comme prévu au lieu d'être remplacée par le TCSPS et si le FPE et le RAPC existaient toujours, quel montant en espèces transféreriez-vous aux provinces en vertu de ces deux programmes?

M. Bissonnette: Pourrais-je vous demander de formuler à nouveau votre question? Elle est compliquée.

Le sénateur Robertson: Si le gouvernement fédéral n'avait pas instauré le TCSPS et si les restrictions imposées sur le FPE et le RAPC étaient venues à expiration dans les délais prévus -- c'est-à-dire si ces deux programmes avaient été maintenus et si les restrictions avaient été levées, comme prévu, en 1995-1996 -- l'ancienne formule aurait été rétablie. Quel montant en espèces transféreriez-vous maintenant aux provinces si la formule du FPE et du RAPC avait été maintenue? Autrement dit, je pars du principe que le TCSPS n'aurait pas été instauré entre-temps. En effet, il a été instauré au moment où la formule initiale était censée être rétablie pour le FPE et le RAPC. Je ne demande pas nécessairement une réponse immédiate, mais je voudrais avoir ce renseignement.

Mme Anderson: Nous ferons ces calculs. Le dernier sera très difficile parce que c'est une situation très hypothétique. Nous essayerons cependant.

Le président: Je ne suis pas sûr que ce soit plus hypothétique que la façon dont vous calculez le montant des dépenses dans le secteur des soins de santé. De toute façon, je ne tiens pas à insister là-dessus.

Le sénateur Robertson: Je tiens à obtenir ces chiffres.

Le président: Merci d'être venus. Vous nous avez donné des renseignements très utiles.

Monsieur Bissonnette, je crois que vous avez raison de dire qu'il y a deux points de vue légitimes sur la question des points d'impôt et qu'il est absolument impossible d'établir la vérité absolue, c'est-à-dire de prouver qu'un point de vue est plus valable que l'autre. C'est une belle preuve de la nature non sectaire de la plupart des comités sénatoriaux, et du nôtre en particulier. Le sénateur Robertson et le sénateur LeBreton ont exprimé par exemple des opinions contradictoires alors qu'elles appartiennent au même parti. Par ailleurs, M. Marc Lalonde et Mme Monique Bégin ont des opinions très divergentes en ce qui concerne la question des points d'impôt alors qu'ils sont membres du même parti.

Je suis étonné que l'on n'ait commencé que depuis peu à évaluer les résultats, et notamment le rendement des hôpitaux, dans le secteur des soins de santé. Le sénateur Banks a dit qu'on n'avait commencé à le faire que depuis peu. Au cours des deux dernières années, l'Ontario Hospital Association a essayé d'évaluer le rendement des hôpitaux. Il s'agissait d'une évaluation des intrants -- coûts, nombre d'infirmières, nombre de lits -- mais nous n'avons pas essayé d'évaluer les extrants.

Toute tentative de calcul des extrants représenterait une amélioration importante par rapport à ce que nous avons fait. C'était une opération extrêmement difficile mais, en fin de compte, l'évaluation du rendement en fonction des intrants n'est possible dans aucun autre secteur que celui des soins de santé. Ce raisonnement ne s'applique pas uniquement au gouvernement fédéral, mais à tout le système.

Vous pourriez peut-être y réfléchir. Si j'ai bien compris, il faut faire un certain compromis, comme vous l'avez si bien dit. Il faut faire des concessions quand on opte pour la formule de financement global plutôt que pour celle du financement conditionnel. On y gagne en latitude mais on a moins de contrôle sur la destination des fonds. Il y a des concessions à faire.

Dans les années 70 et au début des années 80, les transferts fédéraux-provinciaux étaient plus dirigés et moins souples que vers la fin des années 80 et au cours des années 90. J'ai l'impression que nous sommes peut-être allés un peu trop loin en matière de souplesse.

D'après les journaux, il y a beaucoup trop peu d'appareils d'imagerie par résonnance magnétique et d'appareils faisant appel à d'autres technologies dans nos établissements hospitaliers. Ai-je raison de penser que si le gouvernement fédéral voulait octroyer des fonds destinés spécifiquement à l'achat de tels appareils, ce serait impossible sans créer un nouveau programme? Est-il exact que si le gouvernement fédéral décidait d'investir 400 millions de dollars dans l'achat d'appareils IRM neufs, par exemple, il ne pourrait pas le faire dans le cadre des programmes actuels?

Mme Anderson: Monsieur le président, en 1999, nous avons donné une destination spécifique à certaines subventions en vertu de la législation sur la santé.

Le président: Nous nous permettons le droit de penser que c'était en grande partie de la frime.

Mme Anderson: Nous n'avons pas dit par exemple que nous récupérerions les fonds si la province n'achetait pas les appareils en question. La législation est assez souple pour inclure des dispositions de déclaration d'objet, appuyées par une entente avec la province concernée, qui nous permettent de donner une destination spécifique aux fonds que nous accordons, comme nous l'avons fait en 1999. La législation ne contient pas de disposition d'exclusion comme la Loi canadienne sur la santé à cet égard.

Le président: Par conséquent, la réponse à ma question est affirmative. Un marché que l'on ne peut obliger l'autre partie à respecter n'est pas un très bon marché. Si j'ai bien compris, le gouvernement fédéral pourrait seulement émettre le désir que l'argent soit consacré à l'achat d'appareils IRM et les provinces pourraient accepter l'argent sans toutefois l'utiliser à cette fin. Le gouvernement fédéral n'aurait aucun recours légal. Est-ce bien cela?

Le sénateur LeBreton: Ne pourriez-vous pas retenir ces fonds?

Mme Anderson: C'est une autre étape. Il faudrait modifier la loi pour pouvoir le faire.

Le président: En résumé, M. Marc Lalonde a très bien expliqué les raisons pour lesquelles nous étions trop stricts autrefois. Je dirais que nous sommes devenus trop laxistes. Nous en parlerons toutefois un autre jour.

Merci d'être venus. Nous apprécions le fait que vous nous ayez consacré une partie de votre temps. Vous nous avez beaucoup aidés.

La séance est levée.


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