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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule 20 - Témoignages


OTTAWA, le jeudi 21 septembre 2000

Le comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui à 11 h 04 afin d'examiner l'état du système de santé au Canada.

Le sénateur Marjory LeBreton (vice-présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La vice-présidente: Honorables sénateurs, notre témoin ce matin est M. Graham Scott, que bon nombre d'entre nous, dont moi-même, connaissons à divers titres. J'ai travaillé sous sa direction au bureau de l'honorable Robert Stanfield. M. Scott est ici aujourd'hui pour ajouter des éléments à notre étude du système de santé au Canada. Il témoigne, à cette occasion, à titre d'ancien sous-ministre provincial de la Santé.

Monsieur Scott, je vous laisse la parole.

M. Graham Scott, ancien sous-ministre de la Santé, Ontario: Merci, honorables sénateurs. Je suis heureux d'avoir cette occasion de vous faire part de certaines de mes opinions au sujet de l'état du système de santé du Canada. J'ai eu le privilège de lire certains des témoignages d'invités distingués de votre comité et j'aimerais signaler mon appui à l'ensemble de la déclaration préliminaire de M. Tom Kent. J'ai trouvé cette déclaration réfléchie et directe. Les idées qu'il exprimait reflétaient en grande partie mes points de vue.

De toute évidence, beaucoup de choses sont survenues depuis l'exposé que je vous ai fait en juin. Ceci dit, je ne crois pas que ces événements aient modifié grand-chose à la teneur de cet exposé. D'après l'expérience que j'ai de l'administration fédérale et provinciale, les deux compétences ont décidément un rôle légitime à jouer dans la politique des soins de santé, et il est essentiel qu'elles collaborent efficacement.

Je ne tiens pas à parler des bons et des mauvais côtés de l'entente conclue entre les gouvernements fédéral et provinciaux ce mois-ci, mais il serait bon de réfléchir aux effets que pourrait avoir cette entente sur la recherche d'une solution aux plus grands problèmes que connaît le système de santé au Canada. L'entente permettra aux provinces de recevoir des fonds dont elles ont grand besoin pour s'occuper des problèmes qui se sont accumulés depuis le milieu des années 90. Ma crainte, cependant, est que l'argent abondera vers les points de pressions politiques immédiates dans le système, sans que rien ne soit fait relativement aux problèmes à plus long terme en vue de rebâtir la confiance du public et de faire en sorte à ce que le système reste axé sur ses objectifs. Pour mieux comprendre ceci, il suffit de regarder les médias d'aujourd'hui pour voir que des pressions importantes ont déjà été exercées par des fournisseurs de services, qui exigent de recevoir une attention immédiate à la suite de ce transfert de fonds.

Les fournisseurs eux-mêmes sont tout à fait capables d'engloutir tout cet argent en un rien de temps si les précautions appropriées ne sont pas prises. Dans mes moments les plus optimistes, je me dis que les provinces prendront au moins une partie de cet argent pour faire accélérer des réformes visant à améliorer le système dans des domaines comme la technologie et les autres modes de paiement. Je ne crois pas, cependant, que l'entente puisse faire quoi que ce soit pour améliorer l'état des relations fédérales-provincales, à part la courte période d'accalmie qu'elle suscitera. Je crois que la seule solution est de lier les gouvernements fédéral et provinciaux dans leur engagement, pour qu'ils aient un intérêt commun envers le succès du système et qu'ils puissent convenir de veiller ensemble au progrès de certaines réformes. Si l'engagement fédéral était lié aux coûts et au rendement du système, comme le suggère M. Kent, il se peut alors qu'ils aient assez en commun pour collaborer à la réalisation de réformes. Tant qu'il n'y aura pas d'incitatifs mutuels pour la résolution des problèmes, le plus difficile ne sera pas abordé.

Le problème le plus important du système de santé, celui dont le public n'est pas vraiment conscient, est le manque de ressources humaines et professionnelles. Tout l'argent du globe ne pourra pas produire des médecins en un, deux ou trois ans, ne fera pas apparaître plus d'infirmières en un, deux ou trois ans, et ne créera pas la technologie de radiothérapie nécessaire à la résolution du problème. Je prévois que les provinces se trouveront en très grande difficulté, qu'elles aient de l'argent ou non, à très court terme.

L'argent soutiendra les systèmes actuels, mais il ne faut pas oublier que bon nombre d'entre eux ne fonctionnent pas bien. Le renforcement, par exemple, de certains des systèmes en rémunération des professionnels pourrait faire entrave à la réforme.

Le défi qui se pose est d'éviter les solutions apparemment simples que certains proposent, qui pourraient en fait beaucoup envenimer la situation. Je vous souhaite bonne chance dans l'élaboration d'un rapport qui viendra à bout du débat et, nous l'espérons, mènera à une solution constructive.

Le sénateur Robertson: Je vous remercie d'être ici ce matin, monsieur Scott. J'étais impatiente de vous entendre. J'ai lu et relu les commentaires que vous avez présentés sur papier. Dans l'examen que vous avez fait de la dernière entente conclue entre les gouvernements fédéral et provinciaux, vous laissez entendre que l'argent soutiendra le système actuel. À mon avis, vous vous trompez. Ce sont les petites provinces qui sont vraiment touchées. Dans ma province, le dernier accord financier nous octroie des fonds pour deux semaines de soins de santé, c'est tout. Le reste du temps, c'est la descente. Cela nous inquiète. Les autres petites provinces sont dans la même position. Nous n'avons pas l'argent nécessaire pour changer le système. À quoi donner la priorité? Il faut changer le système, mais il faut de l'argent pour continuer de fonctionner, et de l'argent pour changer le système. Les temps difficiles arrivent, en particulier pour les provinces de moindre envergure. Ce sera un désastre pour les petites provinces.

J'ai pris quelques notes pendant votre exposé. Je suis d'accord avec vous au sujet des médecins de famille. À la page 7 de votre document, vous parlez du problème du plus grand nombre de médecins de famille qui passent à la pratique en cabinet. Vous faites remarquer que cette tendance croissante a eu un effet négatif sur le travail en milieu hospitalier, à la fois dans les villes et dans les campagnes. Vous dites que cette tendance croissante compromet la qualité des soins primaires, en isolant de nombreux médecins de famille du milieu d'apprentissage que constitue l'hôpital.

On ne pourrait pas vous contredire là-dessus. Cependant, j'aimerais savoir ce que vous recommandez pour résoudre ce problème, étant donné qu'il y a pas mal de gens qui trouvent qu'il ne devrait y avoir de chambres dans les hôpitaux que pour ceux qui sont très malades et dont la vie est en danger en raison d'une procédure effractive. Ces gens-là trouvent que tout le reste des soins doit se donner dans la communauté ou au travail. C'est donc aussi là que doivent être les médecins de famille.

Avez-vous une solution à proposer à ce problème que nous reconnaissons tous? La réalité c'est que nos hôpitaux, tels que nous les connaissons, n'auront de plus en plus de place que pour les spécialistes.

M. Scott: On peut envisager ce problème à deux niveaux. Dans les centres urbains qui ont des hôpitaux d'enseignement, et particulièrement ceux qui offrent des soins secondaires et tertiaires plus complexes, il est bien vrai que la plupart des médecins qui y auront un poste permanent seront des spécialistes. Je ne crois pas que cela devrait empêcher les médecins de famille et les hôpitaux de conclure des contrats d'affiliation. Certains hôpitaux d'enseignement et les plus grands hôpitaux communautaires, dans les villes, sont dotés d'une unité de médecine familiale, qui est parfois assez importante et qui peut coordonner ses activités avec celle d'un service de soins spécialisés qui est fourni.

Le problème actuel n'est pas seulement une question de privilèges dans l'hôpital. Je ne dis pas qu'il faille accorder tous les privilèges. Il faut qu'il y ait une relation, une confiance, entre les praticiens du domaine et l'hôpital. Ces rapports sont indispensables. Pour moi, c'est l'une des solutions.

La situation est bien plus grave dans les plus petites communautés, celles de 10 000 ou 15 000 habitants. Dans les zones de croissance urbaine comme le sud de l'Ontario, il y a des médecins qui ne veulent plus rien avoir à faire avec les hôpitaux, un point c'est tout. Ils n'entretiennent pas de rapport avec l'hôpital, ni ne se tiennent au courant de ce qui s'y passe parce qu'ils estiment que le temps passé à l'hôpital leur coûte de l'argent. C'est là que le manque de personnel des hôpitaux se fait de plus en plus criant et que les médecins de famille qui travaillent volontairement dans ces hôpitaux subissent des pressions de plus en plus grandes. Et là, la qualité du service en souffre.

Dans les secteurs sous-équipés, la situation est encore pire. Avec le manque de médecins, peut-être un sur quatre ou cinq médecins qui travaillent sur appel remet en question son obligation de le faire. Ils se disent qu'ils pourraient ouvrir un cabinet dans une autre communauté, ne pas être sur appel, et fonctionner selon formule de rémunération à l'acte. Cela met en péril le système tout entier.

Je vais présenter un dernier élément qui me préoccupe et auquel beaucoup de gens ne pensent pas, au sujet des médecins de famille qui travaillent seuls sans consulter leurs collègues du milieu hospitalier. Dans les régions du Nord qui manquent de services, les médecins se consultent effectivement, parce que la nature des problèmes qu'ils affrontent les oblige à se consulter entre eux. Par contre, la situation est pire dans les villes parce que les médecins sont de plus en plus les victimes de scénarios montés par des compagnies pharmaceutiques et autres. Ce sont ces compagnies qui dictent aux médecins comment pratiquer la médecine, parce qu'ils n'entretiennent pas de rapports avec leurs collègues. Sans ces échanges avec les collègues, il est impossible de maintenir ses compétences bien longtemps.

Le sénateur Robertson: Je comprends que les pressions sont toujours d'ordre financier et que les médecins de famille sont encouragés à garder leurs patients qui ont besoin des soins d'un médecin de famille. Je ne sais rien des coûts actuels; il y a plusieurs années, nous avions des chiffres clairs. Il en coûtait sept fois et demie plus si un patient consultait la clinique externe d'un hôpital plutôt que son médecin de famille. L'écart des coûts suscite des préoccupations.

Je conviens qu'il doit y avoir de la communication. Il faut créer l'occasion d'acquérir des connaissances. Cependant, je ne suis pas très sûre que la plupart des hôpitaux, même dans les plus petites communautés, seront encore là bien longtemps. Leurs services peuvent vraiment être fournis ailleurs dans la communauté. Le traitement des patients à l'hôpital est la méthode la plus coûteuse. Il y a moyen de traiter les gens ailleurs qu'à l'hôpital.

Les gens n'ont pas besoin de se rendre à l'hôpital pour recevoir des traitements. La plupart des médecins de famille et bien des spécialistes partagent mon avis. Les patients peuvent être traités hors de l'hôpital. Nous voudrions mettre fin à ce concept de «l'hôpital-hôtel».

Dans les provinces de l'Atlantique, on peut aller n'importe quand à l'hôpital pour constater que 30 ou 40 p. 100 des patients qui occupent des lits pourraient être traités ailleurs. Il nous faut changer cela.

Ceci m'amène à poser la question suivante: Que devraient faire les médecins? Comment peuvent-ils s'allier à leurs collègues spécialistes pour entretenir leur motivation à s'améliorer et à ne pas diriger leur cabinet en se fondant sur l'information que les trafiquants de drogue déposent à leur porte?

M. Scott: J'ajouterais qu'il y a plusieurs solutions. L'une serait que l'hôpital établisse une clinique de pratique en groupe qui fonctionnerait en conjonction avec l'hôpital. Une bonne partie des visiteurs «non urgents» des services d'urgence pourraient passer par ce système.

Une autre solution serait d'avoir de bonnes pratiques communautaires, qui ont de bonnes ententes d'affiliation avec l'hôpital. Cette approche pourrait englober aussi l'aspect éducatif. Cependant, il faudrait un autre mode de financement. Lorsque ce genre d'entente existe, on constate une différence remarquable.

D'après l'expérience que j'ai vécue dans le nord de l'Ontario et ses régions rurales, je préférerais encore consulter l'un de leurs médecins de famille surchargés qu'un médecin de Scarborough ou de Mississauga qui exerce seul. Les médecins des régions isolées collaborent bien ensemble. Ils comprennent que leurs patients ne tiennent pas à parcourir 250 milles parce que le médecin local n'a peut-être jamais vu un certain type de champignon. Par conséquent, les médecins ruraux font un effort supplémentaire pour se renseigner. Nous ne faisons pas assez, en tant que système, pour soutenir les médecins, particulièrement du côté des centres d'enseignement des sciences de la santé.

Je suis tout à fait convaincu que la rémunération à l'acte ne devrait pas être abolie. À mon avis, la réponse se trouve dans les ententes solides d'exercice collectif de la médecine.

Le sénateur Michael Kirby (président) occupe le fauteuil.

Le président: Monsieur Scott, je vous fais mes excuses pour mon retard.

Le sénateur Keon: Je suis revenu au Canada lorsque le Régime d'assurance-maladie a été créé, et j'ai eu une vie bien remplie d'exercice de la médecine dans le cadre de ce régime. Il est idéal pour un médecin; personne n'oserait dire le contraire. J'ai eu l'immense plaisir de travailler pour un salaire et je ne me suis jamais inquiété de savoir combien j'avais gagné une journée quelconque. Mes décisions n'étaient pas influencées par ce genre de préoccupation.

Cependant, quand j'étais jeune, j'ai dit à maintes reprises devant le Conseil de recherches médicales et partout ailleurs où j'ai pontifié que le Canada avait besoin d'un directeur de la santé qui rende compte une fois par année de l'état de la santé de notre nation -- quelles sont les lacunes, ce que nous ne faisons pas bien et où il faut apporter des corrections -- pour qu'on puisse réagir rapidement et corriger les problèmes de nos peuples autochtones et ces «zones» de très mauvais services de santé. J'ai appris que cela n'arriverait jamais sur la scène canadienne parce que c'est politiquement inacceptable.

Alors que je parlais avec notre président, lorsque l'idée a été lancée pour ce comité, j'ai demandé s'il pensait que nous arriverions jamais au stade où nous pourrions fournir un rapport annuel sur la santé de la nation -- ses forces et ses faiblesses et où se trouvent les problèmes -- et si ce serait un jour politiquement acceptable. Je ne suis pas sûr qu'il m'a répondu; je pense qu'il est trop malin pour ça. Cependant, j'apprécierais recevoir une réponse à cette question si vous voulez bien vous risquer.

M. Scott: La réponse que j'ai à vous donner est plutôt positive, parce que je suis un ferme partisan des rapports annuels. Par exemple, je crois que les organismes publics -- les organismes indépendants -- devraient présenter des rapports sur la situation de leur organisation. Des attentes devraient être formulées à cet égard. Dans ce cas-ci, je crois que ce serait utile et positif dans une certaine mesure, mais je ne pense pas que cela aiderait particulièrement les relations fédérales-provinciales, parce que tant le gouvernement fédéral que les provinces peuvent interpréter les rapports comme bon leur semble, et poursuivre la bataille.

Je pense donc que ces rapports pourraient être valables, mais pas qu'ils régleraient vraiment les problèmes entre les gouvernements fédéral et provinciaux à moins qu'une telle mesure soit soutenue par autre chose.

Le sénateur Keon: Je suis d'accord avec les problèmes que vous et le sénateur Robertson avez présentés. L'un des espoirs de solution à l'intégration de nos ressources, de façon raisonnable, réside dans le monde électronique. Si nous pouvons atteindre le point où un patient subit un électrocardiogramme chaque année plutôt que dix ou une radiographie par année plutôt que dix, et si nous pouvions arriver à créer un bon registre électronique, dont les dossiers appartiennent aux patients et les suivent, cela contribuerait vraiment à régler les questions de protection de la vie privée. Je pense que bon nombre des problèmes que nous avons connus en essayant d'intégrer les soins primaires aux soins secondaires, tertiaires et quaternaires disparaîtraient. Pourriez-vous donner votre avis là-dessus? J'ai passé beaucoup de temps avec les divers organismes, et aussi avec le comité du ministre, à essayer de concevoir et de mettre en marche l'autoroute de la santé. Les obstacles bureaucratiques ne devraient pas y avoir de place.

M. Scott: Je suis un grand défenseur de la technologie de l'information sur la santé, mais l'information sur la santé est en si mauvaise posture qu'il est difficile de prendre une décision judicieuse. Lorsque les gens soutiennent que nous n'avons plus les moyens de nous permettre ce système, ils ont peut-être raison s'ils voient l'avenir avec ce système tel qu'il est actuellement.

Ce que je pense, c'est qu'avant de rejeter les principes de ce système, il nous faudrait nous assurer que nous l'exploitons correctement et avec efficience; cependant, notre consternante ignorance nous en empêche. Par exemple, il y a 16 ans, alors que j'étais sous-ministre, nous déposions régulièrement des soumissions devant le Cabinet pour demander la mise à niveau du système informatique. Chaque année, le document du projet de loi prenait visiblement de l'ampleur et, chaque année, le Cabinet nous disait «l'année prochaine». En Ontario, nous avons vu passer des gouvernements de toutes les tendances politiques depuis ce temps-là, et aucun d'eux n'a modernisé le système. Par conséquent, tandis que le système continue de rémunérer adéquatement les médecins, des tonnes de renseignements sont recueillis, dont le gouvernement ne sait que faire. L'Ontario n'est pas la seule dans cette situation.

Tant qu'il n'y aura pas de fichier électronique des patients, par exemple, et un échange efficace d'informations, le système ne pourra pas être efficient. À mon avis, ce sera un miracle si une moindre partie de l'argent prévu dans l'entente fédérale-provinciale est attribué à une quelconque mesure de coordination de la technologie de l'information.

Le président: Votre dernière observation est assez déconcertante.

Le sénateur Kennedy: J'ai de la famille qui vit à Orangeville, en Ontario, qui a personnellement été touchée par le manque de médecins de famille. Pour se trouver un médecin de famille, une famille qui grandit doit connaître quelqu'un qui connaît un médecin. Les médecins sont tellement débordés et si peu nombreux qu'il pourrait bien ne pas y avoir moyen de trouver un médecin de famille autrement. Si la situation est la même dans beaucoup d'autres communautés, il n'y a rien d'étonnant à ce que les services d'urgence débordent -- les gens n'ont peut-être pas d'autre choix.

Comment pouvons-nous octroyer une accréditation médicale à des gens qui ont pratiqué la médecine à l'étranger? L'autre jour, j'écoutais une entrevue avec un médecin arrivé de l'étranger il y a cinq ans. Il n'a toujours pas été accrédité ici, au Canada. Je ne sais pas s'il y a beaucoup de ces médecins, mais s'il y a des gens qui ont acquis ailleurs les compétences nécessaires, peut-être qu'il ne faudrait pas tellement de temps pour les conformer à nos normes et à nos méthodes. Est-ce que nous envisageons cette possibilité, ou adoptons-nous une politique de porte quasi fermée?

M. Scott: C'est une question assez épineuse, et je ne prétendrai pas en savoir beaucoup dessus. Il se trouve, dans les grandes régions urbaines, beaucoup de médecins qui avaient toutes les compétences voulues dans leur pays d'origine, avant de venir au Canada. Ils se butent aux normes établies et appliquées dans bon nombre des pays occidentaux, mais pas partout. Les normes du Canada ne sont pas exclusivement canadiennes -- elles sont aussi appliquées aux États-Unis et en Grande-Bretagne -- et il est donc relativement aisé de s'y ajuster.

Je ne sais pas la part qu'a là-dedans la conformité aux normes et la part du protectionnisme. J'aurais pensé le protectionnisme beaucoup moins important.

Il y a un autre problème. Disons que l'évaluation est faite par un collège royal, ou l'équivalent, et qu'un médecin d'un pays X a besoin d'une année ou d'une année et demie de formation d'appoint, où recevra-t-il cette formation? Les centres d'enseignement des sciences de la santé ont très peu de flexibilité, en ce moment. Dans les petites communautés rurales et les régions où il manque de services, nous trouvons que les médecins tendent à manifester un intérêt particulier, ou à avoir des compétences spéciales, ou même à être diplômés dans un domaine spécialisé. Un médecin peut décider de s'intéresser particulièrement à l'obstétrique et faire la plupart des accouchements dans la communauté. Les autres médecins peuvent être d'accord, du moment qu'il y a une entente appropriée entre eux. D'autres préféreront faire la plupart des interventions chirurgicales.

Il existe des programmes de formation d'appoint, mais il est difficile d'y obtenir une place. C'est d'ailleurs un autre des gros problèmes des écoles de médecine. Ce n'est pas seulement une question de formation d'appoint, mais comment et où cette formation peut être obtenue.

Le sénateur Banks: Je viens de l'Alberta, et je suis sûr que vous connaissez les attitudes du gouvernement provincial vis-à-vis ces problèmes. J'aimerais que vous commentiez ces attitudes et la mesure dans laquelle la privatisation de la prestation de certains services pourrait améliorer le système, mais tout d'abord, j'aimerais poser une question plus générale.

Le système que tout le monde essaye de sauver, de maintenir ou d'améliorer, est presque un mythe; c'est un système où tous les Canadiens ont également accès aux soins de santé publique. Au sens le plus large, et d'après votre expérience, pouvons-nous nous permettre un pareil système? Pouvons-nous vraiment réaliser ce «rêve» que nous avons tous? Avons-nous les moyens d'avoir un système de santé publique universel qui couvre tous les services auxquels la plupart d'entre nous pensons? Cherchons-nous l'impossible?

M. Scott: Je ne crois pas que ce soit un but irréalisable. Je pense que nous pouvons nous le permettre -- nous avons pu le faire jusqu'ici. Lorsque je regarde le système actuel, je vois du double emploi et du gaspillage. Prenons le médecin de famille qui voit 50 patients chaque jour -- ça, c'est un gaspillage. Pour voir autant de patients en une journée, un médecin doit en envoyer beaucoup vers des spécialistes, alors qu'il pourrait probablement régler le problème, mais pas d'une façon optimale par rapport au barème d'honoraires.

Une plainte qu'on entend souvent formuler concerne les traitements répétés ou qui se chevauchent, comme tous ces gens qui disent combien de fois ils ont eu des prises de sang pour les mêmes raisons. Ceci revient aux commentaires du Dr Keon, qui dit qu'il n'y a pas de transfert approprié de l'information, alors le traitement est répété. L'industrie a résolu ces problèmes depuis longtemps, grâce à la technologie. Cette technologie du niveau intermédiaire n'existe pas dans le domaine des soins de santé.

Est-ce que je peux vous garantir que nous pouvons nous permettre un régime de santé universel pleinement accessible? Non, je ne peux pas vous le garantir. Lorsque je regarde le système et la façon dont il fonctionne actuellement, je ne pense pas qu'il permettra jamais des économies -- l'exigence monétaire n'est jamais comblée. Il faudrait pas mal de courage politique, tant au niveau fédéral que provincial, pour que cela puisse arriver. La question est plutôt d'ordre politique pragmatique.

Sur le plan pratique, je pense que le système est assez soutenable, mais il y a des décisions politiques assez difficiles à prendre. Si on met 100 millions de dollars sur la mise à niveau du système de Protection-santé de l'Ontario, cela n'apporte pas la guérison à court terme à un patient. Cependant, si on annonce l'expansion des services d'urgence de six hôpitaux communautaires du sud-ouest de l'Ontario, ça pourrait coûter pas mal de sièges. C'est là que se trouve le compromis, à mon avis.

Le sénateur Banks: On essaie de nous convaincre, dans notre partie du globe, d'accepter un système de santé dont des services et des soins seront supprimés. Le système de santé, pour demeurer universel et accessible, offrira un éventail plus limité de traitements. Est-ce que ce n'est pas nécessaire, si on peut trouver la volonté politique d'effectuer les changements systémiques qui s'imposent?

M. Scott: Certains ajustements du genre en valent probablement la peine. Il y a des procédures et des pratiques qui ne devraient probablement plus être payées. Certaines personnes soutiendraient que les traitements de chirurgie esthétique, par exemple, ne devraient plus être payés, ni constituer une priorité. Bien qu'il y ait de la place pour une réforme dans ce domaine, ce n'est pas là qu'il faut commencer. Personne ne devrait s'attendre à ce que la réforme donne le genre de résultats que, il me semble, nous voulons atteindre dans le système.

Je fais une distinction entre les soins de santé privés et la participation du secteur privé aux soins de santé. Près de 40 p. 100 de nos subventions aux soins de santé privés sont actuellement versées dans les systèmes de prestation de services du secteur privé. Donc, je ne m'oppose pas à une plus grande participation du secteur privé aux soins de santé, mais le contrôle des politiques doit rester entre les mains de l'État, et non pas du secteur privé.

Le président: Monsieur Scott, en réponse au sénateur Banks, vous avez dit deux ou trois fois que le système est soutenable à partir du moment où il y a une volonté politique de régler les questions difficiles. Pour donner un exemple, vous avez parlé de mettre l'argent dans un système d'information électronique plutôt que dans l'expansion des salles d'urgence. Pouvez-vous donner quelques autres exemples de ce que vous appelez les questions politiques très difficiles qui doivent être résolues?

M. Scott: Je pense que le plus gros problème est de traiter avec les prestataires de services et modifier l'environnement dans lequel ils fonctionnent. J'ai parlé d'autres modes de financement.

Le président: Lorsque vous parlez de «prestataires de services», est-ce un mot de code pour désigner les médecins?

M. Scott: C'est plus que ça -- ce sont aussi les infirmiers et infirmières et les autres membres du personnel paramédical.

Nous avons des groupes de travail dans plusieurs hôpitaux d'enseignement et quelques grands hôpitaux communautaires. Au lieu de la hiérarchie traditionnelle qui met les médecins en charge de tout, celui-ci fait maintenant partie d'une équipe qui englobe les infirmières, les techniciens, et cetera. Chaque équipe a ses tâches particulières, ce qui améliore grandement l'environnement.

Il y a une résistance énorme à l'expansion de ce mode de fonctionnement, résistance qui commence à se manifester même lorsqu'on parle d'autres modes de paiement. Il me semble que, pour avoir un bon plan de rechange de paiement communautaire -- un mécanisme de financement ultime -- il nous faut non seulement prévoir des mesures pour les médecins, mais aussi pour les infirmiers et infirmières de toutes les catégories professionnelles. Il y a encore pas mal de résistance institutionnelle à ce concept. En fait, il n'est pas inhabituel pour le gouvernement de laisser entendre qu'il n'est pas prêt à s'attaquer à ce plan tant qu'il reste encore tellement de questions connexes à résoudre, comme la négociation des barèmes d'honoraires ou des structures de rémunération.

Le président: En fait, ce qui vous préoccupe, c'est que lorsqu'il y a une crise, nous composions avec elle sans nous occuper de prendre des mesures visant une solution à long terme qui pourrait contribuer à éviter une répétition de cette crise.

M. Scott: Oui. C'est pourquoi je pense que bien que la réponse soit simple, c'est une solution difficile à mettre en oeuvre. La raison à cela est que, si une province consacrait ce genre de somme à la technologie de l'information sans qu'il y ait de retombée immédiate et que le public s'en montrait choqué, est-ce que le gouvernement fédéral prendrait la défense des décisions du gouvernement provincial en matière de dépense, ou est-ce qu'il dirait tout simplement: «Nous leur avons donné l'argent et ils devraient être capables de résoudre le problème avec efficience»? Il faut une certaine dose d'imputabilité conjointe, sinon ces problèmes ne disparaîtront pas, surtout à la veille d'élections.

Le président: La politique est l'art de rejeter la faute sur quelqu'un d'autre, et si on peut donner à tout le monde quelqu'un d'autre sur qui la rejeter ou un moyen de la transformer de manière à ce qu'elle ne puisse pas être attribuée à personne, c'est toujours utile.

M. Scott: C'était le grand art dans le domaine des soins de santé. Quand le gouvernement fédéral a imposé des compressions au milieu des années 90, dans le cadre de sa stratégie visant la dette et le déficit, ça a été la première fois, si ma mémoire ne me trompe pas, que le public a pris conscience que, peut-être, le gouvernement fédéral avait une influence sur la qualité des services offerts au niveau provincial. Même si les provinces continuent de recevoir le plus gros des éloges et des reproches pour ce qui va bien ou mal dans le système de santé, je pense que le gouvernement fédéral commencera à trouver de plus en plus difficile de continuer de dire, l'air détaché, «vous ne faites pas les choses comme il faut». S'il le fait, peut-être que cela rapprochera les provinces. Lorsque je m'occupais de questions d'environnement, j'ai vu une bonne coopération entre les provinces et le gouvernement fédéral, sur les questions des pluies acides, par exemple.

Le président: Le public faisait autant de reproches à chaque gouvernement.

M. Scott: Oui.

Le président: Au sujet de la santé, il a eu nettement moins tendance à le faire jusqu'ici.

Le sénateur Banks: Il y a un troisième élément dont vous avez parlé -- et je suis sûr qu'il y en a au moins 50 -- c'est la résistance institutionnelle. Je présume que cela englobe l'institution d'un hôpital, la gestion de l'hôpital et le district hospitalier, ou l'équivalent, selon la façon dont les choses se font d'une province à l'autre. Cela englobe aussi les professions, n'est-ce pas? Est-ce que la profession médicale peut être convaincue ou obligée d'adhérer aux changements systémiques qui doivent être adoptés pour régler le problème?

L'Ontario et le Québec ont fait l'essai des systèmes de santé communautaires, et cela a suscité une résistance phénoménale, de la part des médecins en particulier. Comment pensez-vous qu'il soit possible de vaincre cette résistance?

M. Scott: L'entente conclue récemment entre l'Ontario Medical Association et le gouvernement de l'Ontario au sujet du versement des honoraires a ouvert largement la porte aux plans visant d'autres modes de rémunération. Il y a cinq ans, l'Ontario Medical Association aurait dit non, mille fois non. Puis elle a modifié son attitude et a accepté d'examiner le plan, mais il fallait que celui-ci soit bon et qu'il englobe ces plans de paiement. Ils agissent maintenant en partenariat avec le gouvernement dans la conception et la structuration des programmes. Ainsi des progrès pourront-ils être réalisés.

On pourrait traiter ainsi avec la plupart des professions, une à une, mais c'est une entreprise complexe. Lorsque j'étais sous-ministre, en 1984, le ministre de l'époque a commandé une révision des lois régissant les professions de la santé en Ontario afin de mettre de l'ordre dans la pagaille des frontières entre tous les groupes professionnels. Le ministère s'est mis à examiner toutes les professions, des assistants aux hygiénistes dentaires en passant par les prothésistes, et cetera, dans le but de déterminer s'il leur fallait un régime indépendant de gestion, quel rôle ils devraient avoir, quels pouvoirs de réglementation, et cetera. Ce processus a été lancé en 1984 et les mesures législatives ont été adoptées en 1995. Si vous pensez vraiment que les frontières entre les professions ont été définies, peut-être pourriez-vous vous donner la peine de me les expliquer.

La réalité, c'est que chacun met le pied sur les mains de la personne qui le suit sur l'échelle, dans le système de soins de santé.

Le sénateur Cohen: Je voudrais parler de l'Hôpital extra-mural du Nouveau-Brunswick, que le sénateur Robertson a mis sur pied lorsqu'elle était ministre de la Santé, et de l'efficacité de cet instrument, en tant qu'institution séparée. J'ai reçu à deux reprises des soins à cet hôpital. J'ai subi une opération chirurgicale en Nouvelle-Écosse, puis je suis retourné à Saint John, et je n'ai jamais eu à revoir un chirurgien, grâce aux infirmières de l'hôpital extra-mural. Elles ont été très efficaces et très dévouées, et elles maintenaient une communication constante avec le médecin d'Halifax. J'ai reçu d'excellents soins, très efficaces. Cet hôpital innovateur existe encore au Nouveau-Brunswick. Pourquoi le gouvernement n'envisage-t-il pas de créer des hôpitaux extra-muraux dans tout le pays? Je sais qu'il manque d'infirmiers et d'infirmières, mais ce concept n'a jamais été poussé.

M. Scott: Je n'en sais pas beaucoup sur l'hôpital extra-mural, mais le problème vient de l'autorité de facturation. Je vais me créer des problèmes en disant cela, mais il y a des choses comme les visites des enfants bien portants, qui n'ont pas besoin d'être effectuées par des médecins. Beaucoup de médecins n'aiment même pas les faire, mais ces visites paient bien dans le barème de rémunération. Et puis c'est un moment agréable pour un médecin de voir un bébé en santé et heureux, comparativement aux autres problèmes qu'ils voient quotidiennement. Il y a des médecins de régions rurales qui m'ont dit qu'ils faisaient des accouchements rien que pour recevoir les honoraires des visites d'enfants bien portant pendant les trois années qui suivent. Tant que nous pousserons des médecins compétents à compter sur un barème d'honoraires et à pratiquer leur profession dans des domaines qui ne les stimulent pas, nous leur rendons la vie moins intéressante. Ce sont des gens qui ont besoin de défis à relever. Non seulement nous n'utilisons pas nos médecins à bon escient, mais cela se répercute sur les infirmiers et infirmières. Les infirmiers et infirmières ne peuvent pas remplir certaines fonctions parce que s'ils le font, ils deviennent une menace pour les revenus des médecins.

L'Ontario Medical Association fait des pieds et des mains depuis quelque temps pour modifier le barème de rémunération de manière à le fonder sur la valeur du service, mais c'est une association politique et elle doit composer avec sa politique interne. À partir du moment où on essaie de changer quelque chose aux droits des membres, ils se montrent probablement beaucoup moins flexibles que la plupart des gouvernements élus.

Le sénateur LeBreton: Est-ce que la solution serait de restructurer radicalement le barème de rémunération pour imposer ce genre de situation, ou est-ce que les médecins s'y opposeraient? Ne serait-il pas de leur intérêt de restructurer le barème de manière à ce qu'ils reçoivent plus pour les tâches difficiles qu'ils accomplissent et moins pour les choses comme les visites d'enfants bien portants? Est-ce que cela ne forcerait pas le système à régler ce genre de problème?

M. Scott: Cela fait déjà plusieurs années que l'Ontario Medical Association essaye de le faire avec ses membres. Chaque année, la remise du rapport est reportée à l'année suivante. Je suis sûr qu'un rapport finira par être présenté, mais il ne fera probablement pas grand-chose. C'est difficile pour eux, et je ne veux pas les critiquer. Au fil des années, lorsque le gouvernement de l'Ontario a négocié avec l'Association, il n'a jamais touché le barème de rémunération. Il disait: «Vous avez reçu tant de milliards de dollars l'année dernière, vous en recevrez tant, plus 400 millions de dollars cette année.» Les médecins s'assoyaient alors ensemble et répartissaient l'argent dans tout le barème de rémunération.

Si les médecins de famille avaient dit qu'ils avaient été lésés depuis la dernière entente tandis que les psychiatres se remplissaient les poches, alors la plus grande partie de ces 400 millions de dollars était attribuée à des éléments du barème de rémunération des services le plus souvent fournis par les médecins de famille et moins, sinon rien, allait aux psychiatres. C'est alors que les médecins orthopédiques protestaient et disaient qu'ils ne recevaient pas assez d'argent, et alors leurs honoraires étaient ajustés la fois suivante.

C'est un exercice terriblement politique. Le gouvernement de l'Ontario n'a jamais voulu y toucher parce qu'il n'a pas l'expertise qu'il faut pour cela. Il sait que tout ce qu'il peut faire, c'est se mettre les pieds dans les plats. La pauvre Ontario Medical Association a le même problème, politiquement parlant. En fait, l'une de ses sections -- les radiologues, je crois -- a traîné l'OMA en justice à cause de sa façon de composer avec ce genre de questions. C'est pourquoi je propose qu'on s'éloigne de la rémunération à l'acte.

Dans les cliniques communautaires -- il y a des preuves -- les médecins tendent à faire ce qu'ils veulent faire, et à s'entendre avec leurs collègues. Par conséquent, lorsqu'ils recrutent un autre médecin pour se joindre à leur groupe, ils savent exactement ce qu'ils cherchent et quoi faire. Le travail devient alors plus agréable. Il n'y a pas de raisons pour que ce soit moins gratifiant, parce que ce n'est pas commandé par une série de motifs artificiels et par le temps.

Du point de vue des patients, si vous avez un paquet de problèmes et une ou deux consultations par année qui ne dépassent pas 20 minutes, cela ne vous donne pas grand-chose.

Le sénateur Fairbairn: Avec tout ce qu'a dit M. Scott, et particulièrement ses dernières observations, il semble qu'un cycle interminable fasse obstacle au progrès sur tellement de plans, que ce soit au sujet du service ou des revenus des gens. La question qui se pose est la suivante: comment rompre ce cycle? Nous travaillons à un certain niveau politique, mais à vous entendre, l'aspect politique n'est pas moins déterminant dans les groupes professionnels eux-mêmes.

C'est plus une observation qu'une question, parce que je ne crois pas que vous ayez une réponse à offrir; je ne suis pas sûre que quiconque en aie. Cependant, c'est un élément important de la question plus vaste, lorsque nous parlons de qualité et de disponibilité des ressources humaines. Il y a une résistance à l'avènement d'un nouveau mode de pensée dans le système en ce moment, à cause de toutes les structures qui sont en place depuis longtemps. Je suppose que certains critiques iraient jusqu'à dire que la Loi canadienne sur la santé en fait partie.

Le sénateur Banks a posé une question que j'aimerais, moi aussi, poser. Que pensez-vous de la situation en Alberta, avec la nouvelle loi dont on n'a pas encore vu les effets? Est-ce que cette nouvelle loi, la loi C-11, vous préoccupe, selon la perspective que vous avez du rapport entre la participation du secteur privé et la prestations des services? Est-ce que cette loi vous inquiète, maintenant qu'elle est en vigueur?

M. Scott: J'aimerais commencer par dire que je ne suis pas spécialiste de cette législation. Je n'ai certainement jamais pensé qu'elle allait à l'encontre de la Loi canadienne sur la santé, mais j'aimerais savoir si elle peut marcher. Je ne suis pas sûr que cette structure s'avère plus efficace; nous avons toujours eu de la difficulté à évaluer l'efficacité entre le gouvernement et le secteur privé et à savoir qui fait le compte de quoi. Toutefois, j'hésite à croire que cette initiative se révèle plus efficace.

Par ailleurs, il me semble que l'on devrait au moins essayer pour voir si ces systèmes de prestation fonctionnent mieux. Si je comprends bien, le gouvernement conserve le contrôle politique de ce système et peut y mettre un terme s'il ne fonctionne pas.

C'est l'un des problèmes. Il faut faire plus d'essais. Je ne prétends pas en savoir suffisamment pour dire s'il s'agit de la bonne solution ou non. J'hésiterais à répondre simplement par la négative ou à dire qu'elle ne peut pas être mise à l'essai.

Le sénateur Fairbairn: Une de mes questions porte sur le système de contrôle qui ne sera pas vraiment mis à l'essai à moins qu'il n'y ait violation du fonctionnement du système. C'est ce qui a toujours posé problème. Une fois le système mis en place, il sera difficile de le contrôler. Il serait intéressant de connaître le degré de contrôle qui peut être exercé. Je voulais soulever cette question, car elle est difficile pour beaucoup de personnes des deux côtés.

Une autre situation m'inquiète. Vous venez d'une province où les distances entre petites localités sont immenses. Je viens d'une province qui compte deux grands centres urbains, en plus du reste. Je ne cherche pas à rabaisser ma propre ville qui est la troisième en importance, mais où la différence en matière de population est marquée.

Que faire lorsque des mécanismes d'aide électronique ne peuvent pas vraiment répondre aux besoins d'une petite localité qui tout simplement -- et c'est ce qui se passe -- ne peut pas attirer un médecin? Nous n'avons pas de processus dans notre pays pour régler ce problème.

Mon collègue a fait mention du processus d'agrément des personnes qui viennent de l'étranger. C'est évidement un domaine où il y a beaucoup de frustration vu le temps qu'il faut pour agréer des personnes qualifiées ou pour qu'elles puissent avoir accès au perfectionnement requis. Il arrive qu'elles abandonnent tout. Dans de nombreux cas, les personnes compétentes trouveraient probablement acceptable de s'installer dans une petite localité, mais elles ne peuvent pas le faire à cause de ces difficultés.

Monsieur Scott, que peut-on faire dans les régions du pays où il y a pénurie de médecins simplement parce qu'il est impossible de répondre à leurs exigences en matière de revenu ou parce que leurs familles n'auront pas accès à certains services? C'est ce qui se passe au Canada et dans ma région. Des localités désespérées, trop éloignées de Lethbridge, et certainement de Calgary ou d'Edmonton, n'ont tout simplement pas accès à un médecin ou sont sur le point de le perdre. Par exemple, il se peut qu'un médecin ait travaillé sans relâche dans cette localité pendant 40 ans et qu'il ne peut tout simplement pas continuer. Il est effrayant de voir que personne ne veut venir dans ces régions.

M. Scott: En 1995, j'ai présenté un rapport au gouvernement Rae sur le sujet. En 1993, d'assez nombreux médecins quittaient les régions où il n'y en avait déjà pas assez, tandis que ceux qui restaient exigeaient un revenu supplémentaire pour assurer des services de garde dans les hôpitaux. Je me suis rendu dans toutes les régions de la province pour les rencontrer, à la suite de quoi j'ai publié un rapport qui, selon moi, renfermait certaines des réponses.

J'ai commencé tout d'abord par examiner la rémunération globale des médecins; ces médecins s'en tiraient relativement bien -- parce qu'ils travaillaient 24 heures par jour, sept jours par semaine.

En général, lorsqu'ils disaient vouloir plus d'argent, les médecins manifestaient en fait leur colère et leur frustration à l'égard de leurs conditions de travail. Cela a pu être exacerbé par le fait qu'ils voyaient leurs collègues de Mississauga travailler de 9 à 5 et envoyer tous les patients aux urgences après 5 heures, lorsque la plupart des gens reviennent du travail et veulent voir un médecin.

La réponse se trouve uniquement dans le mode de vie. Vous avez des médecins nés et élevés à Toronto qui sont très bien installés à Pickle Lake, Red Lake et Rainy River. Ils sont prêts à déménager pour le mode de vie, mais ils n'ont pas la possibilité de vivre celui qu'ils recherchent.

C'est la raison pour laquelle je suis devenu fortement en faveur d'un mode de paiement alternatif. Je me suis aperçu que les services de médecin à Sioux Lookout et à Dryden étaient stables alors que les conditions étaient équivalentes à celles d'autres localités. Les médecins dans ces villes-là ont instauré une pratique collégiale. Dans le cadre de leur entente, ils adoptent une approche coopérative à l'égard des honoraires à l'acte. Leur pratique est distincte tout en étant collégiale. Ils se répartissent les responsabilités et ont découvert que la vie est plus intéressante, ce qui entraîne moins de roulement. Lorsqu'ils vont recruter, ils ont plus de succès que d'autres localités. Un MPA améliore les choses, parce qu'il est possible de faire ce que l'on veut en coopération avec les autres médecins de la localité. On ne se retrouve pas pénalisé du fait que l'on s'intéresse à la santé mentale et non à la santé des bébés, qui rapporte mieux selon certains éléments du barème des honoraires.

Le sénateur Fairbairn: Vous présumez qu'il y a d'autres médecins dans la localité.

M. Scott: Oui. Dans une localité dotée d'un hôpital, on ne peut pas s'attendre à assurer la stabilité des services de médecin s'il y a moins de cinq médecins. C'est aléatoire avec cinq ou six médecins. Toutefois, si toutes les bonnes conditions sont réunies, si la localité est compréhensive et si on a davantage recours aux infirmières de première ligne et à d'autres soignants, il est peut-être alors possible d'assurer une stabilité dans cette localité. C'est impossible s'il y a moins de cinq médecins.

Les jeunes médecins les plus énergiques sont épuisés au bout de deux ou trois années. Ceux qui ont de l'endurance ont tendance à repousser les nouveaux médecins, car ils ont également tendance à être indépendants et dominants.

Je n'ai pas de réponse simple à apporter dans les cas où il y a moins de cinq médecins. J'ai proposé un concept se rapprochant de celui du service militaire qui permet de déplacer les médecins, de les affecter dans diverses localités pendant un certain temps. Un ou deux médecins avec une infirmière de première ligne solide, ce serait la solution.

Il n'y a pas de réponse facile pour les localités qui n'ont qu'un nombre restreint de médecins. On pourrait rendre la situation plus intéressante en prévoyant un appui électronique, mais il ne sera jamais possible d'instaurer de bons rapports entre une localité isolée de 1 200 habitants et un médecin. La charge est tout simplement trop lourde pour le médecin, même si le public essaie d'être compréhensif. Il est difficile d'être compréhensif lorsqu'un nouveau-né hurle au milieu de la nuit. Ce n'est peut-être rien de grave, mais on ne le sait pas.

Le sénateur Fairbairn: Vu l'élimination progressive au fil des ans de tous les autres services dans les petites localités, cela finit par poser une question de survie.

M. Scott: Nous pourrions examiner le cas d'industries comme celles des pâtes et papiers et de certaines installations minières. Elles se demandent maintenant si leurs opérations marginales vont pouvoir se poursuivre parce qu'elles ne peuvent pas recruter des employés à cause du manque de services médicaux dans la région.

Le sénateur Fairbairn: Il serait utile, monsieur le président, d'avoir une copie du rapport.

Le sénateur Cohen: Je voulais vous demander, si, d'après vous, les critères de la Loi canadienne sur la santé sont toujours importants. Pensez-vous qu'il faudrait en ajouter d'autres, comme celui de la rentabilité? J'aimerais avoir votre avis personnel au sujet de la loi telle qu'elle est libellée aujourd'hui, compte tenu de ce qui se passe dans l'ensemble du pays.

M. Scott: Ma dernière expérience remonte aux négociations qui ont abouti à la Loi canadienne sur la santé. Elles étaient très animées et j'ai relu le témoignage de Monique Bégin pour voir ce qu'elle avait dit.

La Loi canadienne sur la santé ne me pose aucun problème. Par contre, j'ai du mal à accepter l'environnement qui a été créé et le fait que le gouvernement fédéral se serve carrément de la loi pour se déclarer le champion des soins de santé. C'est tout ce dont j'ai à me plaindre au sujet de la loi.

Je suis d'accord avec ce qui a été dit plus tôt, la loi est un emblème et il ne faudrait pas y toucher. À mon avis, ce n'est pas en modifiant la Loi canadienne sur la santé que l'on va arranger les choses.

Je ne cesse d'entendre dire que la nature non limitative des services médicaux devrait être définie. Je ne peux pas imaginer d'exercice plus destructif. Les principes ne posent aucun problème.

Les dispositions relatives à l'application de la loi par le secteur public permettent d'avoir recours au secteur privé en cas de nécessité, dans la mesure où la responsabilité reste du domaine public. La seule réserve que je pourrais avoir c'est si la loi avait stipulé que seul le gouvernement pouvait s'occuper de l'application quotidienne de la loi. J'aurais dit que cela n'était pas bon. Ce n'est pas mon interprétation de la loi, si bien que je n'ai pas de problème à cet égard.

Le sénateur Robertson: Monsieur Scott, nous ressentons tous ici beaucoup de frustration depuis que nous avons commencé cet exercice. Nous voulons améliorer les choses, mais nous semblons constamment nous heurter à des murs. Imaginez que tout était à faire, que le régime de soins de santé n'existait pas, mais que vous aviez les connaissances que vous avez maintenant. Quels seraient les cinq ou six éléments du régime que vous proposeriez si vous deviez en concevoir un, sans vous soucier des ramifications politiques et professionnels? Par où commenceriez-vous?

M. Scott: Je commencerais par proposer un régime intégré. Les distinctions artificielles entre les soins à domicile et dans les hôpitaux sont ridicules; nous en avons en grand nombre. Je crois que ce serait mon point de départ.

Je dirais que tout le régime est un continuum, basé sur les patients. On ne se retrouverait pas dans la situation actuelle où les hôpitaux renvoient les gens chez eux pour recevoir des soins à domicile tout en embauchant l'ensemble des infirmières dans les hôpitaux. Il ne faudrait pas avoir ce genre de contradictions. On a besoin d'un régime intégré.

J'examinerais également les rapports qui existent entre les groupes de soignants primaires. Les infirmières méritent un meilleur statut en fonction de leurs qualifications. Elles devraient être considérées comme membres de l'équipe, plutôt que comme ajouts.

Nonobstant tout ce que j'ai dit au sujet des modes de paiements alternatifs, je n'exigerais pas que tous les médecins y soient soumis. Il est probablement possible de réformer le régime des honoraires à l'acte, mais pas au niveau primaire. J'y suis complètement opposé dans ce cas précis. Je ne pense pas que cela fonctionnerait bien dans la plupart des cas; il se peut que j'ai tort, dans certains cas, mais je suis prêt à faire preuve de souplesse.

Les médecins, comme n'importe qui, sont sensibles à divers incitatifs. Il y a des médecins brillants qui travaillent de longues heures et qui ne gagnent pas trop d'argent, car ils préfèrent le milieu universitaire. Il y a des médecins qui aiment être très bien payés, tout comme des avocats. Il faut qu'il y ait de la souplesse, car aucun système ne convient à tous.

Des études intéressantes ont été faites il y a dix ans aux États-Unis et je pense qu'elles sont toujours valables. Il est impossible de faire entrer tous les médecins dans une seule catégorie et de s'attendre à ce que le régime fonctionne.

Contrairement à ce que beaucoup de gens ont cru, l'instauration des honoraires à l'acte a enfermé les médecins dans une catégorie. La plupart des médecins que j'ai rencontrés aimeraient sortir du régime des honoraires à l'acte, mais ils ne peuvent pas le faire, car ils ont la même crainte que chacun de nous pourrait avoir lorsqu'il s'agit de changer d'emploi, d'être rétrogradé ou promu. Les inquiétudes des médecins au sujet du changement sont légitimes, comme c'est le cas de nous tous et il faut trouver des moyens d'atténuer cette crainte.

La solution consisterait bien sûr à y arriver du premier coup. Selon ma philosophie, tout ce qui fonctionne aujourd'hui ne fonctionnera plus dans 10 ou 15 ans.

Le sénateur Robertson: Merci. Je crois que le comité doit examiner l'évolution de la situation.

J'ai une autre question qui ne se veut pas politique.

Vous avez travaillé pour divers gouvernements et vous y avez rempli plusieurs fonctions; par ailleurs, vous avez des convictions politiques. Certains d'entre nous ont l'impression que vous souhaiteriez que le gouvernement fédéral augmente le pourcentage du financement. Nous savons qu'il a été ramené à 50 p. 100 comparé à ce qu'il est aujourd'hui. Les négociations avec les provinces seraient plus amicales s'il existait un moyen pour le gouvernement fédéral d'être reconnu, indépendamment de l'allégeance politique.

Si le gouvernement fédéral donne plus d'argent, comment le public peut-il le savoir? Le public sait-il véritablement si le gouvernement contribue un certain pourcentage? Comment reconnaître pleinement la contribution du gouvernement fédéral? Si nous pouvions trouver une bonne façon de le faire, plus de fonds seraient disponibles.

M. Scott: Je ne pense pas pouvoir en dire beaucoup à ce sujet. Je suis d'accord, mais il faut d'abord abattre l'incroyable obstacle que représente la méfiance. Il existe beaucoup de programmes dans notre pays où les ministres fédéraux et provinciaux ainsi que les représentants des municipalités se réunissent pour couper un ruban et faire ce genre de choses.

Je ne vois pas pourquoi cela ne pourrait pas se faire dans le domaine des soins de santé. Toutefois, cela va prendre du temps et nécessiter des efforts de la part de plusieurs leaders. Je comprends la nécessité de reconnaissance et cela ne me pose aucun problème. Je peux voir pourquoi un gouvernement fédéral souhaiterait être reconnu s'il injecte des fonds; j'imagine que cette reconnaissance sera prévue dans le cadre de l'entente récente, car le gouvernement fédéral participera à des cérémonies d'inauguration de nouvelles machines IRM. Il faudrait multiplier les occasions de cette nature car cela permet de conserver l'unité des parties.

Peu importe les bonnes intentions du gouvernement fédéral; lorsqu'il déclare que d'énormes sommes d'argent sont prévues pour les soins à domicile, par exemple, les provinces y sont fort sensibles. Chacune d'elle a un point de vue différent à propos des soins à domicile et peut envisager un programme particulier à ce sujet.

Je ne veux pas sauter à des conclusions, car c'est un milieu naturel qui évolue.

Il se peut qu'une province dise qu'elle n'a pas besoin d'argent pour les soins à domicile, mais plutôt pour les services d'urgence. Cela intensifie le côté négatif, comme nous en avons déjà été témoins et je ne crois pas que l'on puisse blâmer telle ou telle partie à ce sujet. C'est malheureusement la tradition et il faudra faire preuve de leadership pour y mettre un terme. Peut-être la réponse se trouve-t-elle dans la proposition de Tom Kent à propos d'un engagement permanent, en échange duquel les provinces obtiennent la garantie qu'elles seront protégées dans le cadre de certains paramètres, en échange de quoi, le gouvernement fédéral peut être plus activement reconnu.

Le sénateur Robertson: Ce serait peut-être très coûteux, mais il serait peut-être bon que chaque famille reçoive un relevé des prestations de santé qu'elle acquiert au cours de l'année. Ce relevé pourrait indiquer que 50 p. 100 du coût est supporté par la province et 50 p. 100, par le gouvernement fédéral.

Le président: Un des points intéressants que j'ai découverts en lisant le document que vous nous avez envoyé avant votre témoignage d'aujourd'hui, ce sont les incitatifs et le bon accueil que leur réservent les médecins. Vous avez souligné que si un comportement particulier souhaité, il suffit de leur donner le barème des honoraires pour qu'ils comprennent comment maximiser leurs intérêts par rapport au barème. Je ne le dis pas de façon négative. C'est dans la nature humaine.

Cela me paraît assez encourageant. Je pense à votre proposition: il faudrait que plus de médecins de famille travaillent le soir et qu'ils soient payés différemment s'ils voient un patient après cinq heures. Si on le faisait, beaucoup de cabinets seraient ouverts le soir.

Vous avez parlé des incitatifs dans le contexte des médecins, or le système médical se compose des patients et des médecins. Dans le cas des patients, a-t-on examiné la possibilité de proposer divers incitatifs ou de prévoir des moyens de dissuasion afin d'encourager les patients à avoir un comportement différent?

Ces dernières semaines, j'ai dû aller aux urgences. Pour être franc, je suis étonné par le nombre de personnes dans le service des urgences qui ne devraient pas y être. Il s'ensuit que plusieurs personnes qui, de toute évidence doivent être soignées plus rapidement, ne bénéficient pas d'un traitement rapide parce qu'il y a trop de monde. Je ne suis pas sûr d'être d'accord avec la personne de l'unité de traumatologie qui décide des priorités, sans pour autant la critiquer.

Il faut certainement imposer plus d'obligations aux patients pour qu'ils utilisent le système efficacement, ainsi que demander aux médecins d'être responsables de cette efficacité. Comme les médecins réagissent bien aux incitatifs, peut-être qu'il en serait de même pour les patients, puisque c'est une réaction humaine. A-t-on envisagé les diverses façons de le faire au Canada ou ailleurs?

Le sénateur Banks: En Alberta, ce sont les frais d'utilisation.

Le président: C'est un modèle seulement. Tom Kent en a proposé un autre qui est intéressant. Il propose qu'à la fin de l'année, on reçoive un relevé T4 correspondant à la valeur des services de soins de santé utilisés au cours de l'année, jusqu'à concurrence d'un plafond de 5 000 $, je crois.

Je ne sais pas si cet incitatif serait valable. C'est un examen des moyens après coup. Les pauvres ne paieraient pas, car ils ne paient pas d'impôt sur le revenu. Le modèle des frais d'utilisation est un modèle de dissuasion avant l'utilisation.

Il y a sûrement quelqu'un qui cherche à savoir comment on pourrait faire réagir les patients ou comment on pourrait les inciter à utiliser le système mieux qu'ils ne le font actuellement.

M. Scott: Je ne suis pas spécialiste en la matière. En général, je dirais que les efforts ont été axés sur les moyens de dissuasion. D'après certaines études, les gens finiraient par s'habituer aux infirmières de première ligne si on leur en donnait la possibilité. Ils ne seraient pas autant portés à dire qu'ils ne sont pas bien servis s'ils ne voient pas un médecin. Nous n'avons toujours pas un système qui permette d'aider les gens à avoir plus confiance ou à mieux savoir à qui s'adresser pour recevoir des soins.

Il y a du travail à faire, mais je ne suis pas spécialiste dans ce domaine. D'après certains rapports, les soins peuvent être dispensés par des soignants autres que les médecins, mais cela doit se faire de manière informée pour que les gens puissent avoir confiance.

Le président: D'après vous, ce n'est pas quelque chose d'impossible.

M. Scott: Non.

Le sénateur Kennedy: Si des gens se rendent dans les services des urgences, c'est parce qu'ils ne peuvent aller ailleurs, car ils n'ont pas de médecin de famille.

Pour ce qui est des soins à domicile, j'aimerais vous parler d'une expérience personnelle qui montre jusqu'à quel point ce service peut-être précieux. Ma soeur se trouvait chez moi après une chirurgie cardiaque, lorsqu'elle a eu un accident cérébrovasculaire; elle dû être ramenée à l'hôpital où elle a séjourné une semaine. Lorsqu'elle est revenue chez nous, un orthophoniste, un physiothérapeute et un ergothérapeute sont venus une fois par semaine. Ce service a été des plus précieux. Ma soeur a eu de la chance dans la mesure où nous avons pu la recevoir et où elle a pu recevoir des soins. Toutefois, d'autres soins lui ont été dispensés qui, normalement, auraient dû lui être offerts dans un hôpital. Elle a passé trois mois chez nous. On ne peut absolument pas attribuer de valeur monétaire à ces soins à domicile. Comment réapprendre à quelqu'un à parler et à utiliser ses mains? Ces professionnels étaient extraordinaires et nous ne savions pas que ce service existait avant d'en avoir besoin.

M. Scott: Les soins à domicile ne sont pas bien dosés. Dans certains cas, comme dans l'exemple que vous nous avez donné, tout baigne dans l'huile et cela justifie l'intégration. Dans d'autres cas, rien ne va plus. Le pauvre malade fait la navette entre l'hôpital et la maison pour recevoir des soins.

J'aimerais terminer sur une note personnelle positive étant donné le grand nombre de gens qui s'inquiètent de l'état de notre système. Vous nous avez fait part d'une expérience négative, monsieur le président.

Je suis venu à Ottawa la dernière fois à la fin de mai, mais je veux que vous compreniez bien que je ne blâme pas Ottawa pour cette expérience. J'ai ressenti des douleurs à l'estomac dans l'avion qui me ramenait à Toronto. Je suis rendu à mon bureau et les choses ont empiré progressivement. J'ai décidé de me rendre au service des urgences d'un hôpital torontois.

J'ai de quoi me plaindre qu'il m'a fallu beaucoup de temps pour passer au triage. Une fois cette étape franchie, j'ai été pris en charge immédiatement et on m'a fait subir une batterie de tests. J'avais une appendicite aiguë complexe. Entendez par là qu'elle n'était pas facile à diagnostiquer. J'ai été opéré. En moins de 24 heures j'étais de retour à la maison et il s'agissait d'une incision majeure. Il arrive parfois que le système soit très bien rodé.

Je dois vous dire que, même si je suis un ancien sous-ministre et que je connais le président de l'hôpital, encore aujourd'hui il ne sait pas que j'y ai été soigné. Personne que je connais ne m'y a vu. Je me suis présenté à l'hôpital et comme mon cas était sérieux, j'ai été extrêmement bien pris en charge par le système.

Le président: Sur cette note positive, je vous remercie beaucoup de votre témoignage, monsieur Scott.

Honorables sénateurs, j'ai deux points que nous devons régler avant de lever la séance. La première motion dont j'ai besoin vise à approuver le mandat du Sous-comité des anciens combattants. Il s'agit d'un paragraphe et demi. Le sous-comité l'approuve à l'unanimité et je suis heureux d'accepter la motion. Je vous remercie.

Quant au deuxième point, il s'agit d'un avis de motion. Nous devons faire adopter au Sénat une motion touchant le projet de loi C-6. Le projet de loi C-6, vous vous souviendrez, est le célèbre projet de loi sur la privatisation au sujet duquel nous avions eu un léger désaccord avec le ministre qui s'est finalement rendu à notre point de vue. Dans le cadre de cette discussion, nous avons dit que nous allions continuer d'observer le déroulement des négociations entre les divers intervenants du régime de soins de santé et le gouvernement en ce qui a trait aux répercussions de la Loi sur la protection des renseignements personnels sur le secteur des soins de santé.

J'estime qu'il serait utile qu'on nous fasse rapport sur l'état de la question étant donné certaines des choses qui, je crois comprendre, se passent. Techniquement, je ne peux le faire sans une motion de renvoi de la question au Sénat. Si vous êtes d'accord, je serais heureux de présenter une motion aujourd'hui.

Le sénateur Robertson: L'entente n'était-elle pas qu'ils nous recontacterons à ce sujet?

Le président: Nous sommes convenus que si la question n'est pas réglée dans deux ans, la loi actuelle entre en vigueur.

Le sénateur Robertson: C'est exact.

Le président: Nous avons dit que nous serions disposés à prêter main-forte dans les négociations si elles s'enlisaient. D'autres comités du Sénat ont agi de la sorte. J'ai le sentiment que cette question s'embourbe un peu parce que je ne suis pas tout à fait certain que toutes les composantes de la bureaucratie et de l'industrie s'entendent sur ce qui doit être fait. Je pense qu'une légère influence pourrait être exercée mais, sans l'approbation du Sénat, je ne peux amener le comité à le faire.

Le sénateur Robertson: Approuvé.

Le président: Merci beaucoup.

Lundi, la greffière vous transmettra l'ébauche d'un rapport sur la première étape de ces audiences. Veuillez, s'il vous plaît, respecter la confidentialité du rapport. Nous pouvons nous passer des problèmes qu'ont éprouvés certains autres comités en ce qui a trait à des documents qui ont fait l'objet de fuites.

La séance est levée.


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