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Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule 9 - Témoignages du 15 mai 2001


OTTAWA, le mardi 15 mai 2001

Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, auquel a été renvoyé le projet de loi C-4 créant une fondation chargée de pourvoir au financement de l'appui technologique au développement durable, se réunit aujourd'hui, à 16 h 32, pour en faire l'examen.

Le sénateur Nicholas W. Taylor (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Chers collègues, nous accueillons aujourd'hui un vieil ami, le ministre Ralph Goodale, qui vient nous parler du projet de loi C-4 créant une fondation chargée de pourvoir au financement de l'appui technologique au développement durable.

Comme vous le savez, le comité ne s'occupe pas que d'énergie. L'environnement relève également de son mandat. Nous serons curieux d'apprendre comment cette mesure va améliorer notre environnement.

L'hon. Ralph E. Goodale, ministre responsable de la Commission canadienne du blé et ministre des Ressources naturelles: Honorables sénateurs, je me réjouis d'être parmi vous aujourd'hui pour discuter du projet de loi C-4. Je suis, croyez-moi, reconnaissant au Sénat de l'attention qu'il porte à ce que j'estime être une mesure législative importante, soit un projet de loi créant une fondation chargée de pourvoir au financement de l'appui technologique au développement durable.

Le projet de loi C-4 autoriserait la création de la Fondation du Canada pour l'appui technologique au développement durable. La fondation serait chargée d'administrer le Fonds d'appui technologique au développement durable, un fonds de 100 millions de dollars annoncé, comme vous le savez, dans le budget 2000.

Cet organisme sans lien de dépendance avec le gouvernement du Canada constituera un nouveau mécanisme pour mobiliser les Canadiens et susciter la collaboration à long terme nécessaire pour relever le défi du développement durable. Responsable devant le Parlement, la fondation soumettra annuellement un rapport faisant état des résultats obtenus dans le cadre des projets auxquels elle aura contribué financièrement.

La fondation mettra l'accent sur le changement climatique et la pollution atmosphérique, deux des grands problèmes environnementaux auxquels nous sommes maintenant confrontés. Il est possible, bien sûr, que le fonds reçoive plus tard d'autres crédits budgétaires, si le ministre des Finances le juge bon. Il est aussi possible que le mandat de la fondation soit élargi de manière à inclure d'autres thèmes ayant un rapport avec le développement durable. Toutefois, pour l'instant, nous nous limiterons à 100 millions de dollars et à ces deux thèmes.

Du côté du changement climatique, la fondation se concentrera sur le développement de nouvelles technologies nous permettant de ralentir, de freiner, voire de renverser la tendance au changement climatique qui nous menace. La fondation se concentrera sur des technologies grâce auxquelles nous pourrons réduire les émissions de gaz à effet de serre, diminuer l'intensité carbonique des systèmes de production d'énergie, augmenter l'efficacité énergétique et capturer, utiliser et stocker le dioxyde de carbone.

Le projet de loi C-4 s'inscrit dans la continuité du projet de loi C-46 qui a été déposé durant la dernière législature. En effet, le ministre des Finances s'était engagé, dans le discours du Budget 2000, à créer une fondation pour stimuler le développement et la démonstration de nouvelles technologies environnementales axées plus particulièrement sur l'assainissement de l'air et la lutte contre le changement climatique.

Dans le cadre de l'élaboration du projet de loi, le gouvernement a procédé depuis deux ans à une vaste consultation à laquelle ont activement participé les provinces, les municipalités, le secteur privé, le secteur universitaire et les organisations non gouvernementales. Nous avons aussi discuté du projet de loi C-4 dans le détail avec les dirigeants des fondations du secteur privé.

Le gouvernement a jugé nécessaire de constituer un nouveau fonds et de créer une fondation pour l'administrer, en raison de l'importance que revêtent les questions du changement climatique et de la qualité de l'air pour les Canadiens et les Canadiennes. D'autres mécanismes existent déjà, comme les programmes de la Banque de développement du Canada, le Programme de recherche et de développement énergétiques, le Réseau des centres d'excellence et la Fondation canadienne pour l'innovation. Tous ces programmes et tous ces organismes apportent une contribution appréciable dans leur sphère de compétence respective. Aucun, cependant, n'emploie ses ressources à financer des partenariats centrés sur le secteur privé pour résoudre des problèmes et des questions qui préoccupent un secteur donné.

Il existe pourtant un réel besoin d'amener le secteur privé à s'attaquer plus hardiment au problème du changement climatique et de la pollution atmosphérique, et il ne fait pas de doute que la création d'une organisation sans lien de dépendance est un bon moyen d'y parvenir.

Le projet de loi C-4 fait en sorte que la fondation appliquera les principes d'une saine gestion publique. Elle sera dirigée par un conseil d'administration composé de 15 administrateurs, et elle comptera 15 membres. Les membres de la fondation représenteront les parties intéressées. À l'instar des actionnaires d'une entreprise, ils exerceront une surveillance étroite sur les activités de la fondation. Les administrateurs et les membres de la fondation proviendront de toutes les régions du Canada pour assurer un juste équilibre, et une minorité sera nommée par le gouverneur en conseil. Ils auront de l'expérience dans le domaine de la mise au point et de la démonstration des technologies de développement durable. Ils représenteront le milieu des affaires, le monde de l'enseignement et les organisations sans but lucratif. Ils seront tous recrutés à l'extérieur de la fonction publique.

Permettez-moi maintenant de vous expliquer comment la reddition des comptes sera assurée en vertu du projet de loi C-4. D'abord, les administrateurs de la fondation pratiqueront une gestion ouverte et transparente, conformément aux dispositions de la loi. Ils rendront l'information publique grâce au rapport annuel que le ministre des Ressources naturelles déposera au Parlement. Ensuite, les administrateurs nommeront un vérificateur indépendant qui procédera à la vérification des documents comptables de la fondation, et ils appliqueront les principes comptables généralement reconnus. Toute cette information sera versée dans le domaine public. À l'occasion de l'assemblée annuelle de la fondation, on pourra évaluer les résultats obtenus et rendre publique l'information sur les projets financés.

Toutes ces exigences concourront à assurer une gestion placée sous le signe de la prudence. La fondation apportera une aide financière à la mise au point et à la démonstration de nouvelles technologies prometteuses dans le domaine du développement durable. Mais elle financera également des mesures propres à assurer rapidement l'application la plus large possible de ces nouveaux outils.

Une nouvelle idée brillante n'intéresse que les chercheurs si elle ne rayonne pas au-delà des murs du laboratoire. Il importe de faire déployer efficacement cette technologie partout dans l'économie.

Comme je l'ai déjà mentionné, la fondation se concentrera plus particulièrement sur les technologies nouvelles et émergentes dans les domaines du changement climatique et de l'assainissement de l'air. Elle appuiera même les technologies dans lesquelles le Canada a déjà une longueur d'avance, lorsqu'elle estimera que l'investissement supplémentaire permettrait de faire de nouvelles percées et apporterait d'autres avantages.

Certains membres du comité sont peut-être au courant des projets de cette nature qui ont été réalisés dans leur propre région; peut-être ont-ils été à même de constater les avantages que ces projets peuvent apporter aux Canadiens sur le plan de l'environnement et sur le plan économique. Par exemple, la fondation pourrait appuyer des technologies qui réduisent les émissions de gaz à effet de serre à la source. Je pense notamment aux innovations comme les piles à combustible ou les nouveaux systèmes utilisant du charbon propre. La fondation pourrait appuyer des technologies, comme celle de la séquestration du carbone, qui nous permet de capturer et d'emprisonner ces gaz dans le sous-sol, par exemple les travaux en cours visant à stocker le dioxyde de carbone dans les gisements de charbon profonds de l'Alberta. Ces travaux ont été entrepris par l'Alberta Research Council avec l'appui financier du gouvernement du Canada.

Je songe également au potentiel de développement de systèmes de collecte du dioxyde de carbone dégagé par des sources très polluantes. Le dioxyde serait capté dès son émission et stocké de manière sécuritaire. On peut spéculer quant à l'impact que cela pourrait avoir sur les sables bitumineux du nord de l'Alberta. Les sables bitumineux sont une ressource extrêmement précieuse. Il y a plus de pétrole dans ces sables que dans toute l'Arabie saoudite, mais leur exploitation dégage des gaz à effet de serre. La technologie peut-elle nous fournir la réponse quant à la manière de capter le CO2 à la source, de le stocker et de le retirer de l'atmosphère?

La fondation pourrait appuyer la mise au point d'un nouveau carburant et la mise en valeur de nouvelles sources d'énergie, comme l'éthanol, l'énergie solaire et l'énergie éolienne. Dans le cadre de notre plan d'action concernant le changement climatique pour les quatre ou cinq prochaines années, nous visons à tripler la production d'éthanol au Canada.

En ce qui concerne l'énergie solaire, nous aurons une annonce intéressante à faire la semaine prochaine au sujet du perfectionnement de cette technologie. Enfin, dans deux semaines, il y aura une annonce importante au sujet de l'énergie éolienne dans la région atlantique du Canada.

La fondation pourrait appuyer des technologies qui augmentent l'efficacité énergétique. Là encore, je pense à des exemples précis, comme les véhicules de la nouvelle génération qui utiliseront des nouveaux métaux et alliages légers qui pourraient leur permettre de fonctionner de façon beaucoup plus efficiente sur le plan de l'énergie. Je pense à une gamme d'innovations qui se rapportent à l'efficacité énergétique des appareils électroménagers, et aux nouvelles installations techniques dans les immeubles résidentiels et commerciaux.

La fondation pourrait aussi appuyer les technologies dans le domaine de la récupération assistée du pétrole qui renforcent notre autonomie énergétique en nous permettant d'extraire une plus grande quantité de pétrole des puits exploités de longue date. Je pense à un projet qu'a entrepris PanCanadian Petroleum dans le sud-est de la Saskatchewan, appelé Weyburn Enhanced Oil Recovery Project.

Vous savez certainement que la nappe pétrolière de Weyburn est très vieille. Elle en était probablement, selon les conditions habituelles, à sa dernière ou ses deux dernières années d'existence productive. PanCanadien applique une nouvelle technologie à cette nappe pétrolière pour accroître son rendement en injectant sous terre un agent qui fait monter plus de pétrole à la surface. Ils s'attendent à prolonger la vie de cette nappe pétrolière de 20 à 25 ans. Évidemment, ce sont d'excellentes nouvelles pour l'emploi et l'activité économique de Weyburn. Cet agent de recouvrement qui est injecté, c'est du dioxyde de carbone. Avec cette technologie, ils séquestreront sous terre l'équivalent des émissions de 100 000 automobiles par année.

La fondation pourrait aussi appuyer les technologies qui réduisent les concentrations de particules dans l'atmosphère et, ainsi, améliorer la qualité de l'air.

Dans le cadre de ces activités, la fondation s'emploiera à susciter la collaboration et le partenariat dans l'industrie, le secteur public, les universités et les organisations sans but lucratif. Permettez-moi de préciser ma pensée.

Quand on analyse les diverses stratégies adoptées partout dans le monde pour stimuler l'innovation technologique, on constate que celles qui fonctionnent bien ont toutes ceci en commun qu'elles favorisent le travail en collaboration. Dans une collaboration efficace, le tout est plus grand que la somme des parties. C'est ce qu'on appelle la synergie.

Voilà précisément le but du projet de loi C-4: stimuler la synergie en investissant dans la mise en commun de compétences, de ressources financières et d'expertise. La fondation financera des projets qui rassembleront des experts canadiens de l'industrie, des universités, des associations et d'autres organisations sans but lucratif. La fondation rassemblera une équipe représentative de tout le spectre de l'innovation technologique, une équipe dont chacun des membres fera profiter les autres de ses compétences particulières.

Parallèlement, la loi comblera un autre besoin essentiel. Le fonds d'appui technologique servira de levier pour amener le secteur privé à injecter lui aussi de l'argent neuf dans la mise au point et la démonstration des technologies. Aucun de ces objectifs, monsieur le président, n'est unique, pas plus d'ailleurs que les stratégies pour les atteindre. Ils sont semblables à ceux de plusieurs autres programmes de financement fédéraux qui occupent des créneaux particuliers dans le marché du développement technologique.

La fondation complétera et renforcera ces programmes en misant sur la collaboration, en favorisant le développement de technologies axées sur la lutte contre le changement climatique et sur l'assainissement de l'air, et en injectant de l'argent neuf dans le système d'innovation.

L'innovation est rentable pour le Canada. Mais pour relever le double défi de la lutte contre le changement climatique et de l'assainissement de l'air, nous devons continuer sur notre lancée.

Nous devons poursuivre le développement des connaissances et des technologies. Nous devons recomposer le panier énergétique du Canada, transformer chaque maillon de la chaîne énergétique, depuis la production jusqu'à la consommation finale.

Ce projet de loi, monsieur le président, nous aidera à atteindre ces objectifs de manière, à mon avis, très constructive. Je vous remercie.

Le président: Monsieur le ministre, comme vous le savez, nous adorons poser des questions. Êtes-vous prêt à y répondre?

M. Goodale: Oui, absolument. Je peux rester jusqu'à 17 h 30 environ.

Le sénateur Spivak: Monsieur le ministre, c'est merveilleux d'avoir de l'argent pour la R-D, et 100 millions de dollars, ce n'est pas à négliger. Je sais que le gouvernement fédéral a beaucoup investi dans des choses comme la pile à combustible.

Cependant, je me demande pourquoi vous avez choisi cette initiative plutôt que d'autres initiatives très intéressantes qui vous ont été proposées. La Clean Air Coalition, qui est composée de compagnies pétrolières et d'environnementalistes, a demandé des incitatifs sous forme de dégrèvement d'impôt. De plus, le conseil des ministres a reçu de nombreuses propositions visant l'efficience énergétique et tout cela. L'Institute for Appropriate Development a tout un éventail d'initiatives à proposer.

Nous devons faire de la recherche, et je n'ai rien contre l'investissement. Cependant, il y a une certaine urgence à agir. D'après le programme de participation facultative, le Canada prend de plus en plus de retard sur le plan du contrôle des émissions.

La dernière étude internationale donne à penser que les températures pourraient augmenter d'environ 10 degrés. Ils ont révisé leurs estimations. Nos amis du Nord, certainement les sénateurs du Nord, commencent à s'inquiéter.

Pourquoi le gouvernement ne fait-il rien pour réagir à cette urgence? Bien que la proposition de fondation soit une idée merveilleuse, pourquoi ne fait-on pas plus, parce que chaque année, nous prenons un peu plus de retard dans la lutte contre le changement climatique?

M. Goodale: Sénateur, j'aimerais faire deux observations d'ordre général en réponse à votre intervention.

La première est une offre. Je serais très heureux, quand cela conviendra au comité, de lui faire un exposé sur le plan global du gouvernement relativement au changement climatique.

La Fondation pour l'appui technologique au développement durable n'est qu'une petite composante de ce plan, mais c'est un plan polyvalent conçu en consultation avec plus de 450 experts canadiens qui ont participé à 16 tables de concertations sur deux ans, en vue de dresser pour les ministres fédéraux, provinciaux et territoriaux une liste d'options d'où faire des choix pour atteindre nos objectifs en matière de changement climatique. Cette initiative a été la plus ouverte, la plus transparente et coopérative qu'aucun pays ait entrepris au sujet du changement climatique. De nombreuses personnes, tant dans le secteur privé que dans le secteur public et à tous les niveaux, ont investi une somme phénoménale de capital intellectuel dans cet exercice. Nous avons certainement toute une gamme d'options parmi lesquelles faire nos choix.

Plusieurs de ces initiatives étaient déjà mises en oeuvre avant même que nous ayons reçu cette liste d'options, mais je n'expliquerai pas tout cela, c'est du passé. Cependant, une fois que nous avons reçu cette liste issue du processus de consultation, des tables de concertation, nous avons fait deux choses l'année dernière pour les mettre en oeuvre. La première a été une série de mesures qui ont été intégrées au budget de 2000. Il y a eu le Fonds pour l'appui technologique du développement durable, mais il y a eu aussi sept ou huit autres mesures qui ont porté le total de l'investissement du gouvernement du Canada à 625 millions de dollars.

La phase suivante de notre démarche a eu lieu l'automne dernier lorsque, de concert avec nos homologues des provinces, nous avons annoncé la Stratégie nationale de mise en oeuvre sur le changement climatique et notre premier plan d'activité. La contribution du gouvernement du Canada à ce plan d'activité a été de 500 millions de dollars de plus, pour nous permettre d'aller de l'avant avec une autre série de mesures progressives.

Vous avez raison, la technologie est essentielle. Vous avez raison, ce projet de loi sera une contribution utile à la technologie du développement durable. Vous avez raison de dire que ce n'est qu'un début modeste. Cependant, cette série de mesures, c'est beaucoup plus, particulièrement avec le budget de 2000 et le plan d'action sur le changement climatique qui a été annoncé à l'automne 2000.

Si les honorables sénateurs sont intéressés à entendre un exposé complet et exhaustif, je serai très heureux, peut-être en collaboration avec mon collègue, David Anderson - puisque nous veillons conjointement sur ces questions - de vous dresser un tableau plus global de cette question.

Le président: Je vous remercie beaucoup. Nous profiterons certainement de votre proposition. Le plus difficile sera de conjuguer ces trois séries de mesures.

Le sénateur Spivak: Autrement dit, monsieur le ministre, si je vous comprends bien, en dépit de la politique sur l'énergie continentale, et en dépit des négociations du Canada sur la convention de Kyoto - qui n'ont pas été des plus encourageantes - vous laissez entendre que le Canada atteindra son objectif et qu'il est en voie de le faire, même si les chiffres disent le contraire. Si nous attendons, ce sera 25 p. 100, 26 p. 100 ou 70 p. 100.

M. Goodale: Tout d'abord, je comprends votre sentiment d'urgence. Ensuite, oui, le Canada a fait des progrès depuis les années 90. Je pourrai vous donner des détails lorsque nous présenterons cet exposé plus général, mais permettez-moi de vous donner un exemple simple.

Notre économie a affiché une croissance de 30 p. 100 depuis les années 90. Les émissions n'ont augmenté que de 13 p. 100. C'est encore trop, mais nous avons commencé à rompre cette relation directe entre la croissance économique d'un côté et la croissance des émissions de l'autre. Le rythme de croissance des émissions est nettement inférieur maintenant au rythme global de croissance de l'économie. Nous pensons que les mesures que nous avons mises en oeuvre nous permettront de réaliser le tiers de nos objectifs selon la convention de Kyoto. C'est sûr qu'il faut en faire plus. Nous sommes toujours déterminés à atteindre les cibles fixées dans la convention, et nous pensons que ce que nous avons commencé, ici, et ce que nous poursuivrons dans les budgets et plans d'action subséquents permettra au Canada, en fait, de réaliser l'objectif fixé dans la convention de Kyoto en 1997.

Le sénateur Banks: Monsieur le ministre, merci d'être venu nous rencontrer, et d'être si généreux de votre temps.

Est-ce que le gouvernement pense qu'il y ait des circonstances - je suppose qu'il le croit effectivement - où certaines choses ont de meilleures chances de se réaliser par la création d'une fondation indépendante?

M. Goodale: Oui. Il ne peut y avoir un seul véhicule d'innovation qui règle tous les enjeux et tous les problèmes. Il nous faut un éventail d'outils et de véhicules. Certains d'entre eux seront tout à fait à l'interne, au sein du gouvernement. Certains seront tout à fait à l'externe, hors du gouvernement. Et il y aura aussi des hybrides. Cependant, je pense qu'il est important que nous ayons un éventail d'outils pour essayer de stimuler le genre d'action nécessaire.

Le sénateur Banks: J'ai beaucoup d'estime pour les fondations indépendantes et autonomes. Je suis très favorable à ce concept, tout comme avec l'objet de ce projet de loi, monsieur le ministre. Je ne pense pas que vous trouverez ici quiconque pour s'y opposer.

J'ai une question à poser sur la procédure. Est-ce que j'ai bien compris que cette fondation existe déjà de fait?

M. Goodale: Non, monsieur le sénateur, mais nous avons pris une mesure provisoire. Permettez-moi de m'expliquer. J'ai dit que le projet de loi qui a précédé celui-ci, à la législature précédente, portait le numéro C-46. Il a été déposé après le budget de février 2000. À l'époque, on pouvait s'attendre à ce qu'un projet de loi présenté assez tôt dans l'année puisse passer par tout le processus parlementaire et devenir loi avant la fin de l'exercice financier suivant, soit avril 2001. Le processus allait bon train jusqu'à ce que nous soyons interrompus à l'automne dernier par le déclenchement des élections.

Vous remarquerez que le successeur de ce projet de loi porte un numéro très bas. Il a été présenté le tout premier jour de la reprise des activités du Parlement après les élections. Cependant, nous avions, en fait, perdu quatre ou cinq mois.

L'argent qui avait été réservé dans le budget 2000 devait être utilisé avant la fin de l'exercice financier. Autrement, il ne pourrait être reporté et il faudrait recommencer. Pour nous protéger contre cette éventualité, nous avons présenté le projet de loi aussitôt que possible pour lui assurer des débuts précoces au nouveau Parlement, et nous avons rédigé des dispositions de transition pour permettre la création, si on veut - j'utilise une expression à laquelle je ne veux pas donner un sens légal - d'une société de portefeuille provisoire qui pourrait entrer en activité avant la fin de l'exercice financier, sous certaines conditions. Elle ne pourrait pas, par exemple, statuer sur des projets mais elle pourrait se mettre à l'oeuvre.

D'après nos conseillers juridiques il est possible, en vertu de la Loi sur les corporations commerciales canadiennes, de fonctionner ainsi et à long terme, et même d'établir une société sans but lucratif et d'aller de l'avant. Nous préférerions avoir une loi spécifiquement à cette fin, plutôt que de seulement fonctionner par affectations budgétaires et de transférer l'argent à une société sans but lucratif conformément à la Loi sur les corporations commerciales canadiennes.

Selon nous, il serait mieux d'avoir une fondation spécifique créée en vertu d'un texte législatif spécifique dans lequel vous pouvez intégrer toutes les subtilités qui se rapportent au développement durable.

Cette société de portefeuille, comme je l'appellerai à défaut de mieux, existe, fonctionne et occupe des bureaux. Lorsqu'elle aura reçu l'aval du Parlement, en temps et lieu, cette société se transformera pour prendre la forme que lui aura donnée le Parlement.

Le sénateur Banks: Je m'inquiète de l'ordre des événements. Il semble que ce soit un affront - si ce n'est pas un terme trop fort - au Parlement que cette société ait été réalisée et que de l'argent ait été investi avant l'obtention de l'aval parlementaire. Je me demande si c'est ainsi que cela aurait dû se faire. Par exemple, qui est directeur de cette fondation? Est-ce que ce sont des employés du gouvernement fédéral? Dans la négative, qui sont-ils? Pensez-vous que le déplacement de 100 millions de dollars, bien qu'il puisse être légal, soit approprié avant que le Parlement ait approuvé le projet de loi qui régira le fonctionnement de cette fondation?

M. Goodale: Ce n'est certainement pas ainsi que j'aurais souhaité que cela se passe. Comme je l'ai dit, nous avons été interrompus l'année dernière dans ce qui aurait été le déroulement normal des événements. C'était important, du point de vue du cadre fiscal, de régler le sort de ces 100 millions de dollars avant la fin de l'exercice financier. Autrement, l'argent n'aurait plus été disponible à cette fin. Pour garder l'argent à des fins de développement durable, il fallait agir pendant l'exercice financier en cours. Nous avions un problème qu'il fallait résoudre.

Nous avons appliqué une technique qui est tout à fait conforme aux principes juridiques du gouvernement et de la Loi sur les corporations commerciales canadiennes. Il y a des précédents, d'autres fondations qui ont été pris dans ce genre de situation à leurs débuts, alors nous n'avons rien fait de nouveau. Nous avons aussi imposé certaines restrictions à cette «société de portefeuille». Par exemple, elle ne peut examiner et financer des propositions jusqu'à un certain moment, etc. Nous voulions nous assurer qu'elle n'irait pas trop loin en sa capacité de société de portefeuille. Nous avons trié sur le volet des personnes dotées d'une très grande expertise du secteur financier. Je suis très heureux de vous dire qui c'est. Il y a M. Jim Stanford, ancien directeur général de Pétro-Canada, qui jouit d'une très grande réputation en matière environnementale; M. Ken Ogilvie, de Pollution Probe de Toronto; M. David Johnston, le président de l'Université de Waterloo; et M. Alain Caillé, le vice-recteur responsable de la recherche à l'Université de Montréal. Ce sont eux qui ont créé cette société de portefeuille, si je peux l'appeler ainsi. Je pense qu'à la lumière de la crédibilité de ces personnes, vous ne pouvez que convenir que nous agissons avec une prudence extrême.

Le président: J'ai eu un peu de difficulté à suivre votre logique. Vous avez créé cette société de portefeuille, puis les élections ont été déclenchées?

M. Goodale: C'était après les élections, monsieur le président. La société a été créée le 8 mars 2001.

Le président: Est-ce que cela ne donne pas encore plus de pertinence à la question du sénateur Banks? Pourquoi être si pressés de mettre ces gens en place si c'était après les élections?

M. Goodale: Si nous n'avions pas un bénéficiaire en place pour recevoir ces 100 millions de dollars avant la fin de l'exercice financier, cette somme ne pouvait être reportée. Il nous fallait un véhicule pour représenter le développement durable.

Le président: Ce n'est pas une procédure que vous recommanderiez à tous les ministres, n'est-ce pas?

M. Goodale: Je n'y recourrais que dans des circonstances extraordinaires. Nous avions un problème de délai. Très franchement, je voulais m'assurer que cet argent soit réservé aux fins pour lesquelles il avait été mis de côté, c'est-à-dire la technologie du développement durable.

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette: Monsieur le ministre, cette Fondation a été créée de façon plutôt pragmatique. Je m'inquiète du nombre de fondations créées par le gouvernement. La Fondation pour l'innovation technologique aurait pu faire ce travail.

Pourquoi mettre en place toute une équipe de gestion pour refaire ce que la Fondation a fait, soit embaucher des gens, des spécialistes et construire des bureaux?

Pourquoi établir l'infrastructure d'une Fondation quand une autre organisation aurait pu s'en occuper de façon spécifique? Y a-t-il des règles juridiques empêchant la Fondation de fournir du financement dans le domaine du développement durable? Pourquoi ne sommes-nous pas associés à cette Fondation? Ne pouvons-nous pas leur donner les 100 millions de dollars?

[Traduction]

M. Goodale: En principe, sénateur Hervieux-Payette, cela aurait été possible, sauf que le mandat de la Fondation pour l'innovation technologique vise l'infrastructure de la recherche; autrement dit, généralement, les briques et le mortier - les installations immobilières où se déroulent les activités de R-D. Elle a un mandat très vaste qui n'est pas spécifiquement centré sur le développement durable. Il vise toute forme de technologie, et son objectif est d'encourager la construction d'installations physiques aux universités ou instituts de recherche.

Le Fonds pour l'appui technologique au développement durable est, d'abord et avant tout, axé sur le développement durable. Son objet est beaucoup plus précis que celui de la FIT. De plus, la fondation pour l'appui technologique au développement durable ne construira pas de laboratoires et d'installations de recherche. Il financera des travaux de recherche. La FIT a d'autres objectifs, et un mandat différent. Le Fonds pour l'appui technologique au développement durable est spécifiquement axé sur le développement durable, et le financement vise les travaux de recherche mêmes, et non pas l'immeuble dans lequel ils se déroulent.

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette: Le plan stratégique pour atteindre les objectifs de la loi vous sera-t-il soumis afin qu'il y ait un certain équilibre entre les différentes formes d'énergie? Je pense aux recherches faites par le groupe Ballard. Il y a une certaine forme d'énergie qui est propre, on peut, par exemple, penser à la voiture électrique par opposition aux différentes formes dérivées du pétrole, du gaz ou du charbon.

Comment vous assurerez-vous, étant donné que la situation énergétique est différente sur le plan régional, que cette Fondation donnera priorité aux formes de recherches qu'elle veut faire et qu'elle demeurera neutre sur le plan technologique? Je dis neutre, en ce sens qu'elle pourra prendre des décisions basées sur le meilleur intérêt sur le plan environnemental et non pas seulement sur la distribution de budgets de recherche.

[Traduction]

M. Goodale: Sénateur, les détails des attentes du gouvernement seraient définis dans un accord de financement entre le gouvernement et la fondation. Les questions comme l'équilibre entre les divers domaines, l'équilibre d'un point de vue régional, l'équilibre sur le plan de l'efficacité du type de recherches entreprises sont définies dans l'accord de financement. Il est important que ce genre d'équilibre soit atteint. Nous pensons que la combinaison des directives données à la fondation par l'entremise de l'accord de financement avec les compétences indiscutables des gens qui y participent garantira l'excellence des résultats.

Le sénateur Hervieux-Payette: J'ai une question du côté financier. Avez-vous formulé des lignes directrices sur les coûts de l'administration par opposition aux frais de recherche?

M. Goodale: Oui, d'après nous, les frais d'administration devraient représenter 10 p. 100 ou moins.

Le sénateur Adams: Monsieur le ministre, vous avez dit que la fondation aura un conseil d'administration. Je vis dans une région isolée qui est actuellement dans une situation très difficile. Si votre fondation a un conseil d'administration, vous parlez d'une quinzaine de personnes, peut-être plus. Certaines seront rémunérées, d'autres peut-être pas. Vous avez mentionné les quatre principaux administrateurs. Vous parlez de production d'énergie et d'autres sujets semblables. Dans l'Arctique, le coût de la vie est très élevé. Est-ce que ce conseil aura son siège à Ottawa?

M. Goodale: Le conseil d'administration, c'est sûr, peut se réunir de temps en temps ailleurs au pays. Son siège serait effectivement à Ottawa. Je m'attends vraiment à ce que, tandis que le conseil d'administration et les membres de la fondation seront sélectionnés, un effort particulier soit fait pour qu'il soit aussi inclusif que possible.

Vous représentez une région du pays qui est particulièrement sensible aux problèmes du changement climatique. Lorsque vous constatez que le pergélisol commence à dégeler, que les glaciers semblent diminuer, lorsque vous ne pouvez plus construire de routes d'hiver parce que la glace n'est plus assez solide, que vous voyez les espèces maritimes du Pacifique se retrouver jusque dans le delta du Mackenzie, tous ces facteurs sont des manifestations que quelque chose se passe dont nous devrions tous nous inquiéter et à quoi nous devrions porter une certaine attention.

Étant donné les répercussions particulières du changement climatique sur le Nord du Canada, j'espère et je m'attends à ce que les habitants du Nord soient représentés dans les rangs de la fondation. Je pense que c'est une dimension très importante qui ne doit pas être négligée.

Le sénateur Adams: Vous avez parlé du communiqué de presse du 2 février, et vous avez mentionné les noms des autres ministres, David Anderson et Brian Tobin. Est-ce que cela fait partie des 100 millions de dollars, ou est-ce que c'est un autre budget? Est-ce que c'est dans le cadre du même système?

M. Goodale: Nous participons tous les trois à la mise en oeuvre de cette initiative. De mon côté, en tant que ministre des Ressources naturelles et président du comité économique du cabinet, depuis 1997, j'ai la responsabilité de diriger les démarches du gouvernement relativement à la mise en oeuvre au pays de nos engagements qui se rapportent aux changements climatiques. M. Anderson est responsable de la reformulation de la politique environnementale globale, ce qui comprend certainement le changement climatique et, en particulier, les dimensions internationales. M. Anderson représente le Canada dans toutes ces négociations mondiales. M. Tobin, en tant que ministre de l'Industrie, porte la principale responsabilité de l'innovation dans un sens général, au nom du gouvernement du Canada. Nous collaborons tous les trois à ces réalisations. Tous nos ministères et nos collaborateurs y participent activement.

Le sénateur Adams: Merci.

Le président: Cent millions de dollars, c'est pas mal d'argent. Vous avez déjà des administrateurs - et il pourrait y en avoir plus - du secteur privé et des ONG. Est-ce qu'ils seront soumis aux même limites ou restrictions qu'un ministre du cabinet, en ce qui concerne la fiducie sans droit de regard et les règlements relatifs aux conflits d'intérêts?

M. Goodale: Sénateur Taylor, très franchement, je ne m'attendrais pas exactement à ce qu'elle soit assujettie aux même règles qu'un ministre du Cabinet, mais il y aura sans aucun doute des lignes directrices sur les conflits d'intérêts, et les administrateurs les définiraient dans les règlements de la fondation.

Le président: C'est déjà fait ou pas?

M. Goodale: Je ne suis pas au courant qu'elles aient déjà été définies. Je suis sûr qu'ils y travaillent. C'est probablement prématuré à cette étape-ci, mais à un moment donné, sénateur Taylor, après qu'ils auront eu la chance d'enclencher leurs activités et d'acquérir un peu d'expérience, peut-être voudrez-vous inviter le représentant de la fondation à venir voir votre comité.

Le président: Je suis sûr que nous le ferons.

Le sénateur Wilson: Je suis heureuse de voir que vous recommandez une gestion indépendante du gouvernement, ce avec quoi je suis tout à fait d'accord. J'ai deux questions à ce propos. Lorsque je lis dans le projet de loi que le gouverneur en conseil désignera le président et six membres qui, ensuite, apparemment, désigneront les autres membres, je me demande dans quelle mesure ce peut être indépendant.

Mon autre préoccupation se rapporte à l'article 14, qui parle de la nomination de membres à titre inamovible - quel qu'en soit le sens - pour des mandats de cinq ans. Ce qui est le plus troublant, c'est que le mandat des membres est renouvelable plus d'une fois. Comment peut-on se débarrasser de quelqu'un? La plupart des organisations prévoient un processus qui permet de faire rentrer du sang neuf de temps en temps, si ce n'est tous les cinq ans, au moins tous les dix ans. Comment se débarrasser de gens qui ne font pas l'affaire?

M. Goodale: Monsieur le sénateur, c'est une gestion indépendante. D'autres fondations ont appliqué la technique selon laquelle le gouvernement désigne un nombre minoritaire d'administrateurs, lesquels choisissent ensuite les autres administrateurs pour constituer la majorité. Cette méthode a été très positive en ce sens que, d'abord, elle permet d'attirer des gens talentueux et compétents, en plus d'assurer une gestion autonome efficace.

Quiconque a eu affaire à la Fondation canadienne pour l'innovation vous dira qu'elle est férocement indépendante et que c'est réellement attribuable au calibre de chacun, des gens aux états de service impeccables sur qui on peut compter pour faire preuve d'un jugement éclairé et indépendant. Ils sont peu susceptibles d'être influencés par le processus gouvernemental.

En ce qui concerne la venue de sang neuf dans le groupe, nous voulions avoir une certaine flexibilité. S'il y a des administrateurs ou des membres capables qui font du bon travail, nous ne voulions pas les éliminer artificiellement avec un scénario de sortie obligatoire. En même temps, il est nécessaire, de temps en temps, de faire rentrer du sang neuf, de nouvelles idées, des perspectives différentes, etc. Je crois que la façon dont ces dispositions sont formulées laisse la place à la continuité, mais aussi au changement, s'il en faut. C'est un équilibre délicat à obtenir. Je reconnais qu'aucune formulation juridique n'illustre précisément ce concept, mais cette disposition nous permet d'assurer une continuité là où c'est souhaitable, et permet le changement quand il le faut. Les membres «peuvent» être nommés; on ne lit pas qu'ils doivent l'être.

Le sénateur Wilson: Je comprends la nécessité d'assurer la continuité. Pourriez-vous m'indiquer quel article assure cette flexibilité? Le paragraphe 14(4) dit bien:

Le mandat des membres est renouvelable plus d'une fois pour une période d'au plus cinq ans.

M. Goodale: Le mandat est renouvelable. Cela ne veut pas dire qu'il est renouvelé.

Le sénateur Wilson: Qui en décide?

M. Goodale: Dans le cas des membres désignés par le gouvernement, c'est au gouverneur en conseil de prendre cette décision. Dans le cas de ceux qui ont été désignés par le conseil d'administration ou les membres de la fondation, c'est à eux qu'incombe cette décision. C'est une clause permissive qui rend possible, mais pas obligatoire, le renouvellement des mandats.

Le sénateur Kenny: Au nom du comité, je tiens à vous dire que nous sommes fiers de vous. Nous espérons que vous allez continuer ce bon travail. Il y a vraiment des usines d'éthanol qui poussent partout en Ontario?

M. Goodale: L'objet de notre plan d'action est en partie de tripler la production d'éthanol au Canada d'ici cinq ans. Si nous y parvenons, nous aurons une production suffisante pour avoir 10 p. 100 d'éthanol dans 25 p. 100 de notre réserve de carburant. Ce serait une grosse amélioration comparativement à maintenant. Mais c'est dire, aussi, que le triplement de notre production ne nous amène qu'à 10 p. 100 d'éthanol dans 25 p. 100 de carburant. Nous avons encore beaucoup de chemin à faire.

Le sénateur Kenny: Combien de temps faudra-t-il pour atteindre le taux de E-85, que nous souhaitons?

M. Goodale: Je ne suis pas sûr de pouvoir envisager ce jour dès maintenant. J'espère que nous pourrons être plus précis sur ce plan avant l'échéance du mandat du gouvernement actuel. L'un des obstacles est l'infrastructure d'avitaillement et la disponibilité des véhicules chez les fabricants de voitures.

Le sénateur Kenny: À ce que je comprends, ce n'est qu'un élément, et non pas une reconfiguration.

M. Goodale: C'est une procédure relativement simple et elle s'est améliorée au fil des dernières années. Pratiquement toutes les voitures qui sont sur les routes de nos jours peuvent rouler avec du E-10 ou du E-15. Pour plus que cela, il faudrait une conversion. Les fabricants de voitures ont démontré qu'ils connaissent la technologie. C'est faisable. Je les encourage à mettre une plus grande variété de voitures sur les routes.

Chrysler a une fourgonnette de cette catégorie, maintenant. Ford a la Taurus. Il y en a plusieurs autres. Pour atteindre un maximum de consommateurs, il doit y avoir un plus vaste choix. Tandis que nous triplerons la production d'éthanol, nous ferons certainement pression sur ce front-là aussi.

Le sénateur Kenny: Vous avez parlé avec le sénateur Wilson de nominations «à titre inamovible». Je présume que vous avez choisi cette formule pour qu'ils soient plus solides que s'ils occupaient cette fonction à titre volontaire. Vous n'avez qu'à répondre par oui ou par non.

M. Goodale: C'est bien cela.

Le sénateur Kenny: Je suis votre raisonnement lorsque vous dites que vous ne vouliez pas que les fonds ne soient pas utilisés. Vous êtes membre d'un gouvernement qui a pris un engagement envers le développement durable. Vous et vos collègues êtes très engagés dans le domaine. Que serait-il arrivé si les fonds n'avaient pas été utilisés? Vous aurait-il été difficile de revenir devant le cabinet de dire: «Écoutez, ces fonds n'ont pas été utilisés lors du dernier exercice; ils sont encore dans le Trésor, ils ne se sont pas évaporés, nous avons encore les sous. Redonnez-les-nous, les gars, et mettons-nous au travail»?

M. Goodale: Je ne remets pas en question la détermination du gouvernement en matière de développement durable. Il ne fait pas de doute que je reviendrai devant le cabinet pour demander d'autres investissements.

Le sénateur Kenny: N'auriez-vous pas perdu six mois si vous aviez agi ainsi?

M. Goodale: Ç'aurait pu être plus. Notre grand problème, monsieur le sénateur, c'est que nous aurions perdu les 100 millions de dollars. Cette somme aurait été intégrée au surplus budgétaire de fin d'exercice et aurait été appliquée au service de la dette, en vertu de la Loi sur la gestion des finances publiques.

Le sénateur Kenny: Je vois.

M. Goodale: Ensuite, il aurait fallu l'obtenir sur le budget d'un autre exercice financier. Là, c'était déjà fait.

Le sénateur Kenny: Permettez que j'attire votre attention sur l'alinéa 19(2)c). Vous avez parlé d'évaluation, mais avec tout le respect que je vous dois, c'est plutôt insipide. Pourquoi ne pas avoir prévu un certain montant pour l'évaluation? Pourquoi n'exigez-vous pas que tout soit évalué et qu'un montant important soit réservé à son financement?

M. Goodale: L'alinéa 19(2)c) concerne l'accord que la fondation conclura avec le bénéficiaire. Nous demandons une évaluation à ce moment-là. Il y a aussi une exigence d'évaluation relativement à l'accord de financement, qui est une obligation que la fondation imposerait à un bénéficiaire.

À notre niveau, le gouvernement impose une obligation à la fondation, et une portion des 10 p. 100 du financement aux fins d'administration serait consacrée à la conduite de ces évaluations.

Le sénateur Kenny: Je me demande si vous seriez favorable à un amendement visant à durcir le processus d'évaluation de manière à ce que des fonds soient clairement réservés à cette fin? Nous devons nous assurer de ne pas chercher à réinventer la roue.

Je m'inquiète aussi du manque de transparence. L'un des avantages d'une fondation, c'est qu'elle peut être plus transparente qu'un ministère public. Où est la transparence ici? Où y a-t-il l'assurance que nous serons tous en mesure de faire le suivi de ses activités courantes?

Il nous faut deux choses, en tant que citoyens: une évaluation régulière exhaustive et la transparence qui nous garantissent l'accès et la possibilité de comprendre les décisions que prend ce groupe. Si nous ne comprenons pas les décisions, si nous ne pouvons pas voir les évaluations, si nous ne sommes pas sûrs, même, qu'elles ont lieu, nous ne pouvons pas savoir si cela fonctionne ou pas. Je vous signale que vous pourriez trouver des situations où les erreurs sont reproduites année après année.

M. Goodale: Je ne veux certainement pas la répétition des erreurs, monsieur le sénateur Kenny, mais plutôt la répétition des réussites. Je comprends où vous voulez en venir.

En ce qui concerne l'information du public, la fondation sera tenue de publier un rapport annuel. Ce rapport sera déposé au Parlement. Il comprendra, c'est entendu, les résultats de la vérification indépendante qui sera effectuée par une société comptable du secteur privé conformément aux principes comptables généralement reconnus. La fondation devra avoir une assemblée générale annuelle, où les résultats seront évalués et où seront révélés les projets spécifiques qui auront été entrepris.

Il me semble que la transparence existe et que la reddition des comptes est prévue. De plus, il serait possible, de temps en temps, pour ce comité, ou un autre véhicule approprié du Sénat, de convoquer la fondation devant lui.

Le sénateur Kenny: J'ai vu des lois successives, récemment, qui exigeaient la révélation et l'évaluation de chaque subvention. Si chaque subvention est déclarée au public, de manière à ce que tout le monde en soit au courant, et si chacune est évaluée, on a une bonne idée d'ensemble, plutôt que d'attendre la fin de l'exercice financier. Qu'en penseriez-vous?

M. Goodale: Monsieur le sénateur, je pense que c'est déjà prévu dans l'accord de financement - la déclaration des dépenses sur les 100 millions. La fondation est tenue de rendre compte de chaque sou qu'elle dépense - à quel aspect des projets l'argent a été consacré, ce qui en a été fait, et les résultats obtenus.

Le sénateur Kenny: Est-ce que les dépenses sont annoncées lorsque le gestionnaire de projet reçoit l'argent?

M. Goodale: Oui, elles sont déclarées pour les projets publics.

Le président: Il se pourrait que nous ayons d'autres questions à ce sujet lorsque le vérificateur général viendra nous voir, le 29 juin.

Le sénateur Finnerty: En fait, le sénateur Kenny a touché un peu à ma question: est-ce que vous devez rendre compte de cette fondation au vérificateur général?

M. Goodale: Les ministères qui versent de l'argent à la fondation sont, de toute évidence, tenus de rendre compte de leurs activités au vérificateur général. Dans ce cas-ci, c'est le ministère de l'Environnement et le ministère des Ressources naturelles. Chacun versera 50 millions de son budget de services votés à la fondation. Ces ministères relèvent du vérificateur général. C'est un vérificateur du secteur privé qui procédera à la vérification de la fondation. Je présume que ce sera l'une de nos sociétés nationales bien connues qui contribuera de son expertise professionnelle au processus.

Le sénateur Banks: Beaucoup de fondations et de sociétés d'État sont régies par les articles 1 à 5 de la Loi sur la gestion des finances publiques, et doivent subir un examen spécial du vérificateur général tous les cinq ans. Est-ce que cette fondation est dans la même situation, ou est-elle exclue pour une raison quelconque?

M. Goodale: Ces articles ne s'appliqueraient pas à la fondation.

Le président: Est-ce que l'énergie nucléaire fait partie du développement durable?

M. Goodale: Dans le sens large, sénateur Taylor, oui. Mais elle n'est pas citée dans ce projet de loi. Pour chaque réacteur CANDU qui fonctionne à plein rendement au Canada actuellement, ou n'importe où ailleurs dans le monde, et si l'on considère que les réacteurs CANDU remplacent le charbon, les économies, en matière d'émissions de gaz à effet de serre, sont de cinq mégatonnes par année. L'Ontario Power Generation à 20 de ses réacteurs en état de fonctionnement. Ils ne sont pas tous en activité pour l'instant. C'est l'une des raisons qui a fait qu'il y a eu une petite hausse des émissions en Ontario depuis trois ou quatre ans. Cependant, s'ils fonctionnaient tous à plein rendement, ces réacteurs CANDU éviteraient l'émission de plus de 100 mégatonnes de dioxyde de carbone dans l'air.

Le président: Je vous remercie, monsieur Goodale, d'être venu aujourd'hui.

M. Goodale: Merci, messieurs et mesdames, pour cette opportunité.

La séance est levée.


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