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Délibérations du Comité sénatorial permanent
des finances nationales

Fascicule 21 - Témoignages


OTTAWA, le mercredi 17 octobre 2001

Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd'hui à 17 h 46 pour examiner l'efficacité et des améliorations possibles de la politique actuelle de péréquation pour ce qui est de donner aux gouvernements provinciaux des revenus suffisants pour leur permettre d'assurer les services publics à un niveau de qualité et de fiscalité sensiblement comparables.

Le sénateur Lowell Murray (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Nous accueillons aujourd'hui un nouveau sénateur, le sénateur Day, qui vient tout juste d'être assermenté.

Notre premier témoin aux audiences publiques sur la péréquation est le ministre des Finances de la province du sénateur Day, l'honorable Peter Mesheau, qui est ministre des Finances depuis presque aussi peu de temps que le sénateur Day occupe un siège au Sénat. Il a été assermenté à son poste la semaine dernière. Cependant, M. Mesheau siège à l'Assemblée législative du Nouveau-Brunswick depuis 1977 et occupait depuis 1999 le poste de ministre du Développement économique, du Tourisme et de la Culture. La semaine dernière, il est devenu ministre des Finances, responsable de la Société des alcools, de la Société de gestion des placements et de la Commission des loteries du Nouveau- Brunswick.

M. Mesheau est accompagné de son sous-ministre, M. John Mallory, qui est également à la table. Le ministre fera une brève déclaration d'ouverture puis répondra aux questions et commentaires. Monsieur Mesheau, je vous cède la parole.

L'honorable Peter Mesheau, ministre des Finances, gouvernement du Nouveau-Brunswick: Je vous remercie de nous permettre d'examiner un certain nombre d'éléments essentiels que nous estimons pertinents et appropriés pour votre comité en ce qui concerne tout le Programme de péréquation, et les répercussions de ce programme sur notre province et les autres provinces et territoires du pays.

Vous avez dit que je ferais une «brève» déclaration d'ouverture. Habituellement, je suis assez bref, mais comme ces fonctions sont nouvelles pour moi, j'ai préparé un mémoire que je tiens à vous lire parce qu'il renferme des éléments clés que je ne veux pas oublier, étant donné cette occasion que j'ai de vous rencontrer aujourd'hui.

Nous sommes privilégiés d'être ici. Nous nous sommes réservé du temps dans notre horaire, tout comme vous, pour examiner cette question.

Je suis très heureux de me retrouver ce soir devant le Comité sénatorial permanent des finances nationales pour discuter d'une question très importante pour le gouvernement du Nouveau-Brunswick, pour les Néo-Brunswickois ainsi que pour l'ensemble des Canadiens, soit la péréquation. Plus précisément, je veux vous parler du Programme de péréquation et du rôle on ne peut plus important qu'il joue au sein de la fédération.

Il est encourageant de constater que votre comité reconnaît l'importance de la péréquation pour la fédération, et entreprend une étude sur l'efficacité de la politique actuelle sur la péréquation et les améliorations qui pourraient y être apportées, afin de s'assurer que les gouvernements provinciaux ont suffisamment de recettes pour offrir les services publics à un niveau de qualité et de fiscalité sensiblement comparable.

Le Programme de péréquation a beaucoup attiré l'attention des médias et des milieux universitaires récemment. Cette attention reflète non seulement son importance, mais suppose aussi que le moment est venu de réexaminer le programme et son efficacité pour résoudre les disparités économiques.

Le 28 septembre, le gouvernement du Nouveau-Brunswick a déposé un document de travail public intitulé «Déséquilibre fiscal et péréquation: Point de vue du Nouveau-Brunswick», que je vous présente aujourd'hui. Ce document a pour but de sensibiliser davantage les gens au déséquilibre fiscal qui existe au pays, à l'importance du Programme de péréquation pour rétablir ce déséquilibre, et au point de vue du Nouveau-Brunswick sur ces questions. Il constitue également l'objet de ma présence ici aujourd'hui.

Il importe de reconnaître qu'il existe au Canada un déséquilibre fiscal horizontal et un déséquilibre fiscal vertical entre les gouvernements. Même si le but principal de ma présence parmi vous est d'aborder la question du déséquilibre fiscal horizontal au sein de la fédération, il y a lieu d'expliquer un peu le contexte du déséquilibre vertical.

Il y a déséquilibre fiscal vertical quand la répartition des sources de recettes entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux et territoriaux ne correspond pas à la répartition des responsabilités en matière de dépenses. Le déséquilibre fiscal vertical au Canada avantage le gouvernement fédéral.

Le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux (TCSPS) appuie les principaux programmes sociaux des provinces, y compris les services de soins de santé, l'enseignement postsecondaire et les services sociaux. C'est le principal instrument pour résoudre le déséquilibre fiscal vertical dans la fédération.

L'adoption du TCSPS en 1996-1997 s'est accompagnée d'une forte réduction des paiements de transferts fédéraux destinés à ces programmes. Ces réductions ont accru le déséquilibre fiscal vertical en réduisant les recettes des gouvernements provinciaux à un moment où les coûts des soins de santé en particulier subissent des pressions considérables. Malgré les derniers réinvestissements fédéraux importants dans le TCSPS, les transferts de fonds fédéraux destinés aux programmes sociaux provinciaux n'ont pas encore atteint les niveaux de 1994-1995. En même temps, les coûts des programmes sociaux ont augmenté considérablement au cours de cette période et cette hausse se maintiendra.

On prévoit que le déséquilibre fiscal vertical s'accentuera à l'avenir. Le gouvernement fédéral devrait continuer de réaliser des excédents accrus au cours des années, alors que les provinces auront de la difficulté à équilibrer leur budget, compte tenu particulièrement des pressions croissantes qui s'exercent sur le système des soins de santé maintenant et dans les années à venir. Si d'autres fonds ne sont pas injectés, la part fédérale du financement des dépenses provinciales dans ces secteurs de programme continuera de diminuer, ce qui minera davantage le partenariat fédéral-provincial qui existe depuis l'avènement des grands programmes sociaux.

Le déséquilibre fiscal entre les provinces est tout aussi important, sinon plus. Il y a déséquilibre fiscal horizontal lorsque les ressources fiscales sont inégalement réparties entre les provinces et les territoires. Faute d'une forme quelconque de péréquation, les charges fiscales seront plus lourdes, ou les niveaux de services publics seront moins élevés, pour les résidents des provinces qui ont des capacités fiscales relativement faibles (c'est-à-dire capacités à générer des revenus) que pour ceux des provinces ayant une plus forte capacité à générer des revenus.

L'importance du principe de la péréquation est signalée par son inclusion dans le paragraphe 36(2) de la Constitution qui précise ce qui suit. Il est extrêmement important de ne pas oublier ceci:

Le Parlement et le gouvernement du Canada prennent l'engagement de principe de faire des paiements de péréquation propres à donner aux gouvernements provin ciaux des revenus suffisants pour les mettre en mesure d'assurer les services publics à un niveau de qualité et de fiscalité sensiblement comparables.

Depuis sa mise en 9uvre en 1957, le Programme de péréquation a été la pierre angulaire des accords fiscaux fédéraux-provinciaux et est devenu un élément essentiel de notre fédération. Dans son rapport de 1997, le vérificateur général du Canada réaffirme que la péréquation est une caractéristique vitale et l'une des grandes réussites de la fédération canadienne.

Le Programme de péréquation est le principal mécanisme dans la fédération pour régler le déséquilibre fiscal entre les provinces. Il va au c9ur même de l'engagement constitutionnel. Son objectif est de relever, à une norme prédéterminée, la capacité de générer des recettes par habitant dans les provinces moins nanties. Ce programme permet aux provinces d'assurer à leurs résidents des services publics à un niveau de qualité et de fiscalité sensiblement comparables.

Afin de tenir des discussions éclairées sur le Programme de péréquation et son bien-fondé, il importe de préciser certaines conceptions erronées. Premièrement, le principe de la péréquation est appuyé par tous les gouvernements au Canada et non pas uniquement par quelques-uns. En fait, tous les premiers ministres ont demandé, au mois d'août dernier, que le Programme de péréquation soit renforcé.

Deuxièmement, les paiements de péréquation sont versés à partir du Trésor fédéral, auquel les contribuables canadiens de toutes les provinces et de tous les territoires contribuent. Ce n'est pas un transfert des provinces mieux nanties aux provinces moins nanties.

Troisièmement, sept provinces reçoivent actuellement des paiements de péréquation, et non pas uniquement les provinces de l'Atlantique. Par le passé, toutes les provinces, sauf l'Ontario, ont touché des paiements de péréquation.

Quatrièmement, le but principal de la péréquation est de réduire les inégalités fiscales entre les provinces, non pas les disparités économiques, bien que le programme ait sans doute contribué à réduire ces écarts également.

Cinquièmement, le maintien d'un régime fiscal compétitif fait partie du régime de transferts fédéraux. L'engagement constitutionnel fait allusion aux services publics non seulement à un niveau de qualité sensiblement comparable, mais à un niveau de fiscalité comparable.

Sixièmement, la péréquation n'atténue pas l'intérêt des provinces à mettre en place des mesures visant à stimuler leur développement économique. La péréquation fournit un soutien important qui permet aux économies provinciales de devenir plus concurrentielles.

Croyez-moi, j'en ai été témoin au cours des dernières années, lorsque j'étais ministre du Développement économique.

Les gouvernements visent une expansion économique accrue et une plus grande autosuffisance, sans égard au Programme de péréquation.

Tous les gouvernements au Canada reconnaissent l'importance d'une économie concurrentielle, entre les provinces et à l'échelon international. La compétitivité exige des taux d'imposition moins élevés, des services publics de qualité, un bon filet de sécurité sociale et une forte responsabilité fiscale. Le Programme de péréquation est un outil essentiel dont les provinces moins nanties ont besoin pour atteindre ces objectifs et évoluer vers une plus grande autosuffisance.

Je serais malavisé d'affirmer aujourd'hui que le Programme de péréquation ne rétrécit pas sérieusement les disparités fiscales. Il les réduit effectivement. Sans la péréquation, le Nouveau- Brunswick ne pourrait pas assurer à ses résidents des services publics à un niveau de qualité et de fiscalité comparables à celui des autres régions du pays. Voici certains éléments qui expliquent l'importance du Programme de péréquation pour le Nouveau-Brunswick.

En 2001-2002, les recettes tirées de la péréquation pour le Nouveau-Brunswick sont évaluées à 1,2 milliard de dollars, soit 24 p. 100 des recettes budgétaires.

Pour ce qui est de la prestation des services publics, les recettes de la péréquation représentent plus de 90 p. 100 des dépenses budgétaires brutes pour le ministère de la Santé et du Mieux-être et dépassent les dépenses budgétaires brutes cumulatives pour l'éducation, l'enseignement postsecondaire et les transports.

Du point de vue des recettes, les recettes de la péréquation dépassent l'impôt sur le revenu des particuliers et des sociétés combiné.

Sans la péréquation, les résidents du Nouveau-Brunswick recevraient beaucoup moins de soins de santé, de services d'éducation et autres que les Canadiens qui habitent dans d'autres provinces, et devraient supporter un fardeau fiscal beaucoup plus lourd.

Si la péréquation contribue, en effet, à réduire les inégalités fiscales, la capacité ou non des provinces, après la péréquation, d'offrir les services publics à un niveau de qualité et de fiscalité sensiblement comparables suscite de nombreux débats.

En 2001-2002, la capacité fiscale par habitant du Nouveau-Brunswick, à partir des recettes de provenance interne, est de 4 313 dollars. Après la péréquation, la capacité fiscale par habitant du Nouveau-Brunswick augmente pour se situer au niveau de la norme de programme de 5 879 dollars, comme c'est le cas pour les autres provinces bénéficiaires. Ce montant se traduit par un paiement de péréquation de 1 566 dollars par habitant pour le Nouveau-Brunswick. Il ne s'agit pas d'argent de poche. Toutefois, cela est-il suffisant pour assurer le respect de l'engagement constitutionnel?

Une des mesures les plus complètes est la capacité fiscale relative. Malgré le rétrécissement des inégalités fiscales, grâce à la péréquation, d'importantes inégalités persistent toujours dans la capacité fiscale relative, et ces inégalités se sont accrues au cours des dernières années.

Après la péréquation, la capacité de générer des recettes du Nouveau-Brunswick, par rapport à la moyenne nationale, n'est que de 91 p. 100 en 2001-2002. Par rapport aux provinces mieux nanties de l'Ontario, de l'Alberta et de la Colombie-Britannique, cela représente 87 p. 100, et par rapport à la seule Alberta, 63 p. 100.

Les provinces moins nanties éprouvent encore de la difficulté à offrir des niveaux comparables de services publics tout en maintenant une compétitivité fiscale par rapport aux provinces mieux nanties. Cette situation n'a jamais été aussi apparente que dans le contexte actuel. Les régimes d'impôt sur le revenu des particuliers et les taux de l'impôt sur le revenu des sociétés en général adoptés par l'Alberta et l'Ontario, et les investissements importants effectués par l'Alberta dans les soins de santé dans son dernier budget, sont des exemples de mesures dont l'adoption comporterait un coût considérable pour une province comme le Nouveau-Brunswick.

Même après la péréquation, les provinces moins bien nanties n'ont pas nécessairement la capacité de maintenir un régime fiscal concurrentiel, ou d'entreprendre des projets nécessitant des coûts équivalents, dans leur cadre fiscal actuel ou sans modifier considérablement leurs politiques fiscales.

Le gouvernement du Nouveau-Brunswick pense fermement que le Programme de péréquation doit être amélioré afin que la situation soit mieux équilibrée entre les provinces.

L'importance du Programme de péréquation pour le Nouveau-Brunswick a été clairement établie par l'adoption de la motion 89 en 2001 par tous les membres de l'assemblée législative. Cette motion, déposée par l'honorable Bernard Lord, premier ministre du Nouveau-Brunswick, demandait au gouvernement du Canada de rehausser le Programme de péréquation actuel et d'abolir le plafond sur les paiements de péréquation, pour respecter son mandat constitutionnel.

Le Nouveau-Brunswick et d'autres provinces et territoires ont repéré trois améliorations précises qui rétréciraient davantage les inégalités fiscales et renforceraient le Programme de péréquation. Il s'agit de l'abolition permanente du plafond sur les paiements de péréquation, du rétablissement d'une norme moyenne nationale et d'un éventail exhaustif des recettes assujetties à la péréquation.

Le plafond du Programme de péréquation a été adopté en 1982-1983 à titre de mesure d'abordabilité fédérale. Depuis sa mise en 9uvre, le plafond a été appliqué à quatre exercices financiers, ce qui a entraîné un coût total pour les provinces bénéficiaires de 3 milliards de dollars. Le plafond a coûté au Nouveau-Brunswick près de 200 millions de dollars. Il est fort probable que le plafond s'appliquera à l'exercice 2000-2001 et peut-être aux exercices à venir.

Lorsque le plafond est appliqué, les provinces bénéficiaires reçoivent des paiements inférieurs au montant qui est calculé selon la formule. Les droits de péréquation calculés selon la formule sont ramenés au niveau du plafond sur une base par habitant. Par conséquent, les provinces qui touchent des paiements de péréquation ne reçoivent plus un montant équivalent à la norme du programme, ce qui élargit les inégalités fiscales que la formule devait réduire. Essentiellement, le plafond sert de retenue sur les droits de péréquation.

En avril 2001, cinq ministres des Finances provinciaux, y compris mon collègue, l'ancien ministre des Finances du Nouveau-Brunswick, Normand Betts, ont présenté des mémoires au Comité permanent des finances de la Chambre des communes demandant d'abolir le plafond de la péréquation.

Les dirigeants provinciaux et territoriaux ont demandé au gouvernement fédéral d'abolir le plafond de façon permanente, tout récemment encore à la Conférence annuelle des premiers ministres de 2001, qui se tenait à Victoria, en Colombie-Britannique, en août dernier.

En principe, le gouvernement du Nouveau-Brunswick estime que le plafond de la péréquation va à l'encontre de l'esprit et de l'objet de l'engagement constitutionnel envers la péréquation, en limitant la capacité du programme d'atteindre son objectif fondamental. Il estime que ce plafond devrait être aboli de façon permanente.

Le renouvellement de la péréquation en 1982 s'est accompagné d'un changement fondamental dans la conception du programme, dont le passage de la norme moyenne nationale (NMN) à la norme représentative des cinq provinces. Ce transfert éliminait de la NMN la province la plus riche, l'Alberta, en plus des quatre provinces de l'Atlantique. Par conséquent, la norme utilisée pour établir la péréquation des provinces bénéficiaires a été réduite considérablement. Depuis la mise en 9uvre de la norme des cinq provinces, les provinces bénéficiaires ont soutenu que la norme inférieure a soulevé des préoccupations concernant la suffisance des montants de péréquation.

Une norme moyenne nationale est une mesure plus exacte des inégalités fiscales qui existent dans l'ensemble du pays, parce qu'elle tient compte de la capacité fiscale des dix provinces de la fédération. De plus, une moyenne nationale serait plus conforme au concept de services «sensiblement comparables» dont il est question au paragraphe 36(2) de la Constitution. L'adoption d'une norme moyenne nationale améliorerait l'équité horizontale et l'efficacité, en rétrécissant davantage les inégalités fiscales qui persistent après le Programme de péréquation actuel.

Actuellement, la péréquation des provinces bénéficiaires est fixée en fonction de la capacité de générer des revenus par habitant selon la norme de programme de 5 879 dollars. Par contre, la capacité de générer des revenus par habitant selon la moyenne nationale, avant la péréquation, est de 6 097 dollars, soit une différence de 218 dollars par habitant par rapport à la norme du programme actuel. Dans le cas du Nouveau-Brunswick, cela représente un manque à gagner de 165 millions de dollars pour l'exercice 2001-2002.

Au cours de la période de 1982-1983 à 2001-2002, le coût différentiel annuel moyen du passage à une norme moyenne nationale est de 1,6 milliard de dollars. Sur une base cumulative, la norme actuelle a entraîné un déficit dépassant 31 milliards de dollars au cours de cette période, comparativement au montant qu'une norme moyenne nationale aurait fourni. Pour le Nouveau-Brunswick, cela se traduit par une perte de revenus de 1,8 milliard de dollars.

Le Nouveau-Brunswick reconnaît que le coût actuel de la norme moyenne nationale suscite des préoccupations concernant l'abordabilité. Les ministres provinciaux et territoriaux des Finances ont trouvé des solutions qui régleraient les problèmes de stabilité et d'abordabilité associés à l'adoption d'une norme moyenne nationale. Les premiers ministres ont demandé aux ministres des Finances d'examiner ces solutions de façon plus approfondie.

Toutefois, le Nouveau-Brunswick estime fermement qu'une norme moyenne nationale est plus représentative des inégalités fiscales dans l'ensemble du pays et plus conforme à l'esprit de l'engagement constitutionnel que la norme actuelle. Le passage à une norme moyenne nationale assurerait que les résidents des provinces bénéficiaires reçoivent des services de soins de santé et d'autres services publics à des niveaux de fiscalité comparables, à l'échelle nationale.

L'un des principes inhérents du Programme de péréquation est celui de l'éventail exhaustif des recettes assujetties à la péréquation. Depuis la mise en 9uvre du Programme de péréquation en 1957, l'éventail des recettes a été élargi pour inclure la plupart des revenus autonomes locaux des provinces.

Une mesure prise par le gouvernement fédéral dans le cadre du renouvellement du programme de 1999 nous touche particulièrement. En effet, le gouvernement fédéral a alors annoncé qu'il assujettissait à la péréquation, seulement 50 p. 100 des divers revenus provinciaux et locaux. Ainsi, pour calculer les droits de péréquation, seulement 50 p. 100 de ses recettes doivent être incluses dans la formule. Cette mesure est mise en 9uvre progressivement au cours d'une période de renouvellement de cinq ans.

En conséquence, les droits de péréquation ont été réduits. Les provinces bénéficiaires ne sont pas entièrement compensées pour les inégalités fiscales de cette source de revenus. Cette mesure coûterait aux provinces bénéficiaires 230 millions de dollars en 2001-2002, dont 25 millions de dollars pour le Nouveau- Brunswick. Si elle était appliquée intégralement en 2001-2002, il en coûterait aux provinces bénéficiaires 384 millions de dollars, et au Nouveau-Brunswick, 42 millions de dollars.

Le Nouveau-Brunswick croit que l'éventail exhaustif des recettes est un principe fondamental d'un véritable programme de péréquation, et que toutes les inégalités fiscales entre les provinces résultant des différentes sources de revenus doivent être intégrées dans la structure du programme.

En terminant, j'aimerais remercier le comité de m'avoir permis de me présenter aujourd'hui. Le principe de la péréquation est accepté et reconnu dans l'ensemble du Canada, et est essentiel pour s'assurer que les Canadiens, où qu'ils habitent, ont droit aux services d'un niveau de qualité et de fiscalité sensiblement comparables. Le Programme de péréquation est un mécanisme pour régler les déséquilibres fiscaux horizontaux considérables qui persistent dans la fédération. Il faut renforcer le programme et non pas en faire une refonte complète. L'important est de renforcer le programme.

L'abolition du plafond, l'adoption d'une norme moyenne nationale et le rétablissement de l'éventail des recettes assujetties à la péréquation réduiraient davantage les inégalités fiscales entre les provinces et permettraient de mieux respecter l'engagement constitutionnel.

Le président: Lorsque vous dites que le Nouveau-Brunswick croit que l'éventail exhaustif des recettes est un principe fondamental d'un bon programme de péréquation, puis-je en déduire que vous n'endossez pas la proposition mise de l'avant par certaines personnes dans la région de l'Atlantique, à savoir que les recettes tirées des ressources non renouvelables ne devraient pas être assujetties à la formule de péréquation?

M. Mesheau: Non, nous ne sommes pas d'accord avec ces gens.

Le président: L'un des défenseurs de cette proposition, que nous entendrons ici dans quelques jours, est le professeur Boessenkool, qui rédige des ouvrages pour l'Atlantic Institute for Market Studies et qui est un ancien fonctionnaire, je crois, des provinces de l'Atlantique. Enfin, c'est un expert en la matière. Il tente de persuader le gouvernement du Nouveau-Brunswick et plusieurs autres provinces des avantages qui découleront de sa proposition en disant qu'il est aujourd'hui largement reconnu que le bassin du Saint-Laurent est l'un des derniers grands bassins d'hydrocarbures en Amérique du Nord. Il dit que le Québec, le Nouveau-Brunswick et l'Île-du-Prince-Édouard prétendent tous négocier des ententes d'exploitation en mer avec Ottawa advenant la découverte de pétrole et de gaz dans leurs eaux. Il se fait actuellement au Nouveau-Brunswick du forage côtier.

À votre avis, si les circonstances changeaient, changeriez-vous de position?

M. Mesheau: Premièrement, le terme «prétendre» est relatif. Je n'utiliserais pas ce terme. Je ne crois pas que notre position changera dans un avenir prévisible. Toutes les parties s'entendent et nous préconisons une telle position depuis un certain temps. Je suis ici pour la renforcer et j'espère que nous continuerons de le faire.

Le président: Croyez-vous que de soustraire les ressources non renouvelables à la formule de péréquation serait désavantageux pour vous ou si vous adoptez une position de principe?

M. Mesheau: Nous avons fait l'expérience avec la potasse dans la province. Expérience qui n'a pas été positive. Non, nous maintenons ici notre approche.

Le sénateur Kinsella: Monsieur le ministre, soyez le bienvenu et félicitations pour votre nomination à titre de ministre des Finances de la province.

Pour revenir au dernier point soulevé par le sénateur Murray, en matière de péréquation, le gouvernement du Nouveau-Brunswick a adopté une position de principe, n'est-ce pas?

M. Mesheau: Absolument.

Le sénateur Kinsella: Je veux m'assurer que le compte rendu est clair à ce sujet.

À votre avis, quel est le manque à gagner total pour le gouvernement du Nouveau-Brunswick compte tenu de la façon dont le Programme de péréquation est structuré?

M. Mesheau: Cela se situe aux environs de 204 millions de dollars par année. Le plafond est d'environ 14 millions de dollars, la composante de la norme moyenne nationale est d'environ 165 millions de dollars et l'éventail des recettes, environ 42 millions de dollars.

Le sénateur Kinsella: Le plafond a été aboli pour cette année, n'est-ce pas?

M. Mesheau: Oui.

Le sénateur Kinsella: Est-ce que vous ou vos collègues d'autres provinces ou territoires avez une idée de la position du ministre fédéral des Finances à l'égard du plafond pour le prochain exercice?

M. Mesheau: Le plafond a été aboli pour l'an dernier. Le problème, c'est l'inconnue relative que ce plafond nous impose. Il augmente, diminue, augmente et diminue. Il devrait y avoir soit un plafond permanent, soit pas de plafond du tout. Nous proposons de l'éliminer. On nous met le collier et nous constatons un ralentissement de l'économie depuis le deuxième trimestre de cette année. Nous pouvons difficilement planifier.

Le sénateur Kinsella: De toute évidence, cela n'aide pas un ministre des Finances qui a l'obligation d'établir des plans.

M. Mesheau: J'ai appris il y a longtemps qu'il faut établir un plan, et le respecter. Sinon, attention, parce que vous allez vous retrouver avec des problèmes très graves.

Le sénateur Kinsella: Pourriez-vous nous faire part de la nature des discussions tant au niveau des ministres que des fonctionnaires en ce qui concerne le plafond? Est-ce qu'il y a des réunions intensives au niveau des hauts fonctionnaires à ce sujet? Si oui, de quoi est-il question? Y a-t-il des obstacles déraisonnables? Il serait bon que les membres du comité comprennent le processus de négociation entre le ministère fédéral des Finances et le ministère provincial.

M. Mesheau: Je vais laisser le soin à mon sous-ministre de répondre à cette question; il pourra vous donner un peu plus de détails. Il peut placer dans son contexte la question que nous examinons actuellement.

M. John Mallory, sous-ministre des Finances, gouvernement du Nouveau-Brunswick: Honorables sénateurs, le plafond est un problème pour les provinces depuis sa mise en place en 1982. Il est très difficile pour elles de planifier en fonction de ce plafond. C'est un problème pour toutes les provinces bénéficiaires, peu importe la couleur politique, depuis toutes ces années où le plafond est en vigueur. Un problème très important, surtout ces derniers temps. Le gouvernement fédéral, à la suite d'une conférence des premiers ministres il y a deux ans, a donné un peu de répit à certaines provinces pendant un an. Le problème, pour toutes les provinces, c'est que ce répit n'est valable que pour un an, et que le gouvernement fédéral n'a essentiellement donné aucune indication qu'il modifiera sa position à cet égard dans l'avenir. Résultat: au moment où on se parle, le plafond est toujours en vigueur et viendra probablement couper les vivres aux provinces bénéficiaires à la fin de l'année, à toutes fins pratiques.

M. Mesheau: J'ai passé quelques jours enchanteurs à Vancouver la semaine dernière avec mes collègues ministres des Finances des autres provinces et des territoires. Sans exception, tout le monde était d'accord, peu importe la couleur politique. Je suis sûr que s'ils étaient ici aujourd'hui - et je sais que certains d'entre eux comparaîtront devant votre comité - il y aurait unanimité sur cette difficulté de planifier et de prévoir, ne sachant pas s'il y aura plafond ou non. Ça nous rend la vie un peu difficile.

Le sénateur Kinsella: Monsieur le ministre, est-ce que vous avez un délai de prévu pour la préparation du budget de la province du Nouveau-Brunswick? En consultant vos collègues, les ministres des Finances des autres provinces, est-ce qu'ils conviennent d'un échéancier pour présenter leur budget? Est-ce que cet échéancier dépend d'une décision finale du ministre fédéral des Finances à ce sujet? Ou si cela vous laisse totalement dans le pétrin?

M. Mesheau: Je pense qu'il y a plus de pressions qui s'exercent sur moi que sur le ministre fédéral des Finances dans la présentation d'un budget. Je dois présenter un budget assez réaliste en mars. Nous allons entreprendre des discussions budgétaires assez intenses avec les ministres prochainement.

Le Nouveau-Brunswick, tout comme les autres provinces, éprouve de la difficulté à communiquer avec le ministre fédéral. Une réunion est prévue pour le 10 décembre. Tous les ministres des Finances souhaitaient le rencontrer plus tôt. Le 10 décembre, essentiellement, il sera trop tard pour nombre d'entre nous. Nous devons prendre des mesures avant. Nous espérons pouvoir rencontrer M. Martin le mois prochain ou à peu près parce que le processus budgétaire nous accapare déjà.

Le président: Votre discussion au sujet du plafond me rappelle qu'il y a aussi un plancher pour protéger les provinces. J'aimerais vous demander, ou à M. Mallory, votre sous-ministre, qui est au ministère depuis longtemps, s'il se souvient que le Nouveau-Brunswick ait déjà été vraiment protégé par ce plancher. Autrement dit, est-ce que le plancher a déjà empêché votre péréquation de diminuer brusquement?

M. Mallory: De mémoire, je crois que cela nous a aidés un an. Nous avons toujours soutenu que nous étions prêts à échanger le plancher contre le plafond. Le plancher est important, mais pas aussi important pour nous. Sans me faire l'interprète des autres provinces bénéficiaires, je dirais qu'elles seraient probablement d'accord avec moi sur l'élimination du plafond immédiatement.

Le sénateur Furey: Merci d'être là ce soir, compte tenu du fait que vous êtes nouveau dans vos fonctions.

J'aimerais savoir ce que vous pensez d'un commentaire de notre ministre fédéral des Finances qui a engagé la discussion avec mon collègue de Terre-Neuve, le sénateur Rompkey, en juin dernier devant notre comité. De façon générale, le sénateur Rompkey disait ce que vous avez commencé à souligner - c'est-à-dire que la péréquation est un bon programme mais qu'il a besoin de réaménagement.

M. Mesheau: C'est exact.

Le sénateur Furey: La réponse de M. Martin a été la suivante: «Je ne crois pas que le fait que certaines provinces n'aient pas aussi bien tiré leur épingle du jeu que d'autres soit un échec pour la péréquation. C'est peut-être un échec en matière de politique économique, un échec sur le plan géographique. Sur le plan historique. C'est peut-être un échec à bien des égards, mais pas un échec du Programme de péréquation.»

Comment réagissez-vous à cela?

M. Mesheau: De façon générale, je suis d'accord. Ce n'est pas juste d'examiner diverses composantes de façon isolée. Je vais en comparer un certain nombre.

En ce qui concerne la péréquation, je crois que nous en avons obtenu une part raisonnable dans notre province. Le jour viendra, j'espère, où nous n'aurons plus besoin de la péréquation. J'en serais très heureux. N'empêche qu'aujourd'hui et dans un avenir prévisible, la péréquation est très importante pour nous. Vingt-cinq pour cent des recettes dont nous avons besoin pour payer les comptes au Nouveau-Brunswick sont tirées de la péréquation; c'est une composante quand même assez importante pour nous.

Le sénateur Furey: J'aborde maintenant la question des paiements du TCSPS. On calcule maintenant en fonction du nombre de têtes d'habitant. Prenez le cas d'une province comme Terre-Neuve, sans migration et aux prises avec une augmentation des disparités, disons, dans les coûts ou la capacité d'assurer les soins de santé parce que, présumément, ce sont nos jeunes et les gens en santé qui vont s'établir dans les autres provinces et les autres régions du monde. Ça veut dire que nous laissons une population vieillissante supporter un fardeau encore plus lourd dans un système de soins de santé déjà surchargé. Quand on compare les coûts de prestation des soins de santé avec ceux de provinces comme l'Ontario et l'Alberta, est-ce qu'une allocation par habitant est équitable?

M. Mesheau: Je dirais oui, pour ce qui est des jeunes qui quittent la province. Au Nouveau-Brunswick, nous assistons au retour d'un certain nombre de personnes âgées de 50 ans ou plus qui viennent prendre leur retraite dans la province, ce qui ajoute une dynamique intéressante. Cela alourdit évidemment le fardeau de notre système de soins de santé. Pour les soins de santé, au départ, lorsque l'argent venait d'Ottawa, c'était 50-50. Maintenant, la part du fédéral est de 12 ou 14 p. 100. C'est toute une baisse. Il est très difficile de maintenir les normes établies dans la loi.

Pour répondre à votre question, avec l'élimination du plafond et un bon programme de péréquation, je dirais oui, je serais prêt à accepter le calcul par tête d'habitant si on tient compte du nombre effectif de personnes et si on évalue le soutien de santé en fonction de ces critères. Il faut aussi tenir compte de ce qui se passe actuellement avec le Programme de péréquation.

Le sénateur Bolduc: Puis-je demander à M. Mallory, qui occupe son poste depuis de nombreuses années, pour quelles raisons le plafond avait été adopté en 1982. Après tout, M. MacEachen, qui est de la Nouvelle-Écosse, était le ministre fédéral de l'époque.

M. Mallory: Je ne sais pas quelles étaient ses raisons.

Le sénateur Bolduc: Le connaissant comme je le connais, je suppose qu'il voulait avoir certains arguments de négociation avec les provinces. C'est ce que je pense. Il était dans une situation difficile parce que 1981, c'était le début de la récession, si vous vous rappelez.

M. Mallory: Le gouvernement fédéral a imposé des restrictions au Programme de péréquation au début des années 80, cela ne fait aucun doute. Les provinces doivent vivre avec ces compressions depuis 20 ans. Il en résulte que les sept provinces bénéficiaires éprouvent actuellement beaucoup de difficultés à suivre le reste du pays.

Le sénateur Bolduc: Par contre, si je comprends bien M. Mesheau, le fait que les gens reviennent chez nous pour y prendre leur retraite signifie que vous avez une bonne qualité de vie au Nouveau-Brunswick.

M. Mesheau: Oui, nous aimons bien le croire.

Le sénateur Tunney: Soyez le bienvenu au comité. J'ai eu le plaisir de vous rencontrer, monsieur le ministre, avant la réunion. Pendant votre déclaration, j'ai pris quelques notes. Certaines d'entre elles sont peut-être redondantes, après votre présentation et la brève revue que je viens de faire; j'aimerais quand même vous poser quelques questions.

Premièrement, changeriez-vous la formule? Deuxièmement, élargiriez-vous la portée de tout le programme pour que les provinces contributrices paient davantage et que les provinces bénéficiaires reçoivent davantage? Troisièmement, aboliriez-vous définitivement le plafond et le plancher? Est-ce que l'abolition du plafond résoudrait tous vos problèmes? Si vous aviez la responsabilité et le pouvoir d'administrer tout le programme dans tout le pays, comment vous y prendriez-vous pour que certaines provinces soient plus heureuses que d'autres?

M. Mesheau: Disons d'abord que la plupart des Canadiens et Canadiennes sont heureux, et c'est une bonne chose. Vous avez certainement posé au néophyte que je suis beaucoup de questions difficiles. La question qui ressort et à laquelle je peux répondre facilement, c'est oui, débarrassons-nous du plafond pour toujours. On peut ensuite examiner la formule, et cetera.

Ce serait bien que les gens d'Ottawa écoutent ce que les provinces et territoires ont à dire dans un forum englobant tout le monde qui, je pense, fait partie du processus. Après ce que j'ai entendu la semaine dernière, j'ai énormément confiance dans mes collègues les ministres des Finances de tout le pays. Je serais tout à fait disposé à participer avec eux et avec les personnes compétentes ici à Ottawa pour établir un programme de péréquation réaliste qui rendrait tout le monde heureux. Je pense que c'est tout à fait possible.

Je suis en politique depuis un certain temps. Je sais que l'on n'obtient pas tout ce qu'on veut. Je suis simplement ici pour vous demander certaines des choses dont nous avons besoin. Il y a des besoins et des désirs; je suis ici pour vous parler des besoins, pas des désirs.

Je n'ai pas répondu à toutes vos questions, mais je pense qu'en résumé, la chose la plus importante que vous avez soulevée, c'était le plafond. On doit s'en défaire pour toujours.

En ce qui concerne les détails, je pense qu'on peut y arriver avec les autres provinces et territoires. Je vais vous donner une petite recette pour renforcer le Programme de péréquation. Enlever le plafond viole l'esprit et la lettre de l'engagement constitutionnel. Le plafond abaisse la norme du programme et élargit les disparités fiscales. Depuis sa mise en place en 1982, le plafond a coûté à ma province 194 millions de dollars. C'est beaucoup d'argent dans mon coin de pays. Adopter une norme moyenne nationale constituerait une mesure plus exacte du niveau de disparité fiscale dans tout le pays en tenant compte de toutes les provinces. Cela est important. Nous faisons tous partie du même régime. L'impact sur le Nouveau-Brunswick en 2001-2002 s'élève à 165 millions de dollars. Il y a un manque à gagner de 1,8 milliard de dollars pour notre province depuis la mise en place de la norme des cinq provinces en 1982. La dernière fois que j'ai vérifié, il y avait plus de cinq provinces dans la Confédération.

Quant à l'éventail exhaustif des recettes, c'est un principe fondamental d'un programme efficace et qui met en lumière les disparités fiscales résultant des différentes sources de revenus. Le renouvellement du Programme de péréquation en 1999 est venu réduire les recettes. Les efforts pour rééquilibrer les recettes coûtent 25 millions de dollars à ma province en 2001-2002 et 42 millions de dollars si la mesure était mise en 9uvre de façon intégrale.

Le sénateur Tunney: Mais si on abolit le plafond, ne craignez-vous pas que quelques provinces contributrices diraient: «C'est tout simplement intolérable pour nous.» Et elles pourraient faire tout un boucan au pays au sujet de tout le programme.

M. Mesheau: Exactement. Dans mon préambule, j'ai dit que l'on ne devait pas qualifier certaines provinces de contributrices. Nous parlons ici d'argent qui vient du gouvernement fédéral. Nous parlons ici de la compétence du gouvernement fédéral et de son argent. J'évite de dire: «Voilà, le Nouveau-Brunswick a besoin d'un coup de main de l'Ontario et de l'Alberta.» Dieu sait que je n'envisage pas la question de cette façon, sénateur, mais pas du tout. Je suis ici à Ottawa parce que je traite d'une question qui relève de la compétence du gouvernement fédéral.

Le sénateur Tunney: Oui. Nous avons encore un premier ministre ici en Ontario.

M. Mesheau: Jusqu'au mois de mars, d'après ce que j'ai entendu.

Le sénateur Tunney: Oui. Il voulait récemment déduire les recettes des ressources de votre contribution.

M. Mesheau: Nous avons tous nos moments de faiblesse, et je pense que M. Harris était en train d'en vivre un. Bien honnêtement, quand on arrive à un certain âge - et je ne sais pas si vous en êtes là, sénateur - moi j'ai atteint le cap, et je pense que M. Harris est probablement dans le même cas - nous avons des moments de faiblesse. Le lendemain il a dit: «Non, j'ai fait erreur. Ce n'est pas dans l'esprit de la fédération.» Je le respecte pour avoir rectifié les choses. Je dois lui donner le bénéfice du doute.

Le président: J'aimerais vous poser une question au sujet du plafond, monsieur le ministre. Si, à titre de ministre des Finances, le plafond entrave votre planification, ne croyez-vous pas que l'élimination de ce plafond rendra la tâche de planification encore plus difficile pour M. Martin?

M. Mesheau: J'ai beaucoup de respect pour les compétences de M. Martin. Moi, je ne suis que le petit ministre des Finances du Nouveau-Brunswick. C'est lui le grand patron. Peut-être que oui, mais nous avons tous nos propres difficultés. M. Martin est une personne très compétente. Il devra peut-être planifier davantage mais il en a les moyens, le pouvoir et l'intelligence. Cela ne me préoccupe pas outre mesure.

Le sénateur Stratton: Merci d'être là ce soir. Quand vous parlez d'une moyenne, est-ce que vous parlez d'une moyenne des dix provinces?

M. Mesheau: Oui.

Le sénateur Stratton: À votre avis, comment le gouvernement fédéral réagirait-il à cela? Il joue avec ces chiffres depuis des années, si ce que j'ai lu est exact. Lorsque j'entends des exposés comme le vôtre, particulièrement en ce moment, et en reconnaissant vos besoins, je suis toujours curieux. Je comprends vos besoins parce que je viens d'une province moins nantie également.

M. Mesheau: J'essaie de ne pas utiliser ce terme, sénateur.

Le sénateur Stratton: Je tends la sébile.

Ce qui me préoccupe actuellement, c'est la façon dont la situation financière se présente. M. Martin n'a encore rien déclaré à ce sujet. Je regarde comment le système fonctionne. Lorsque les temps sont bons, vous obtenez plus, et lorsque les temps sont durs, il tient les cordons serrés parce qu'il doit le faire. Si vous êtes fiscalement responsable, c'est ce qu'il faut faire. N'y a-t-il pas une autre façon de procéder? Quand j'examine la situation, tout ce que je vois, c'est une répétition en montagnes russes du cycle, et cela ne changera pas. Je ne vois tout simplement aucune perspective de changement.

Avez-vous envisagé d'autres méthodes? Établir une moyenne des dix provinces et éliminer le plafond signifie simplement que vous obtenez plus d'argent tout le temps. S'il n'y a pas de plafond, ça va grimper avec l'inflation.

Vous devez reconnaître la prudence que le gouvernement fédéral doit exercer au cas où ses revenus baisseraient de façon marquée. Nous ne sommes pas certains que cela se produit, mais de nombreux rapports d'entreprises nous portent à croire qu'il en est ainsi. Il doit y avoir une autre façon de procéder. Comment pouvons-nous intégrer cette fluctuation à la stabilité à long terme?

M. Mesheau: Essentiellement, vous demandez s'il y a une façon d'aplanir les choses, pour se défaire de l'effet «montagnes russes».

Le sénateur Stratton: C'est exact.

M. Mesheau: Le gouvernement fédéral a récolté d'assez bonnes recettes au cours des dernières années. La récolte est très encourageante bien que de toute évidence, la situation peut devenir critique, et c'est la même chose pour les provinces. Cependant, le gouvernement fédéral hésite à entreprendre une discussion plus ouverte et plus opportune et à mieux planifier pour régler certains de ces enjeux.

Il y a une semaine, nous devions rencontrer le ministre fédéral le 10 décembre. C'est après les événements du 11 septembre et beaucoup d'eau polluée a coulé sous le pont de l'économie au cours des derniers mois. Il me semble que nous pouvons faire mieux et élaborer des solutions pratiques, des solutions qui viendraient aplanir les difficultés, afin que ce que nous offrons soit plus uniforme et plus constant.

Ce sont là des termes assez généraux, mais l'esprit de la fédération, c'est un nombre de provinces qui vivent et travaillent ensemble. Mais en ce qui concerne la péréquation, j'ai l'impression d'être dans un pays de cinq provinces. C'est donnant-donnant à tous les niveaux. Que ce soit la défense ou peu importe, les Néo-Brunswickois seront là, tout comme les autres provinces. Je crois qu'il est fondamentalement erroné de tracer des limites lorsque cela fait l'affaire.

Le sénateur Wiebe: Ma question sera peut-être une question difficile, ou vous ne voudrez peut-être pas y répondre. À la page 4 de votre mémoire, vous tournez quelque peu autour du pot. C'est une question qui me préoccupe et me donne matière à réflexion.

Je viens de la Saskatchewan, une autre province moins nantie, où nous sommes voisins de l'Alberta. Au Canada, nous croyons beaucoup à l'égalité pour tous et aux chances égales pour tous de partager les mêmes avantages, surtout en ce qui concerne les soins de santé.

Que se passerait-il si une province, qui a de la chance, qui jouit d'une subite prospérité élevait considérablement le niveau de soins de santé? Les autres provinces voudront offrir des niveaux de service semblables. Est-ce que c'est financièrement faisable pour le gouvernement fédéral de niveler les règles du jeu?

M. Mesheau: Ce que vous dites là excède les compétences provinciales. En matière de soins de santé, le gouvernement fédéral a fixé des repères que le gouvernement du Nouveau-Brunswick essaie de respecter. C'est très difficile, avec l'escalade des coûts des soins de santé, de maintenir certains de ces repères. Les crédits au titre des soins de santé provenant du gouvernement fédéral sont passés de 50 p. 100 à 12 p. 100 ou 14 p. 100 pour bien des provinces, et il est difficile de respecter toutes les normes.

C'est le gouvernement fédéral qui fixe les normes. Si le gouvernement fédéral donne aux provinces la possibilité de générer des recettes grâce à la péréquation, et cetera, nous allons maintenir ces normes. Certaines provinces peuvent s'enrichir grâce au pétrole, mais je ne pense pas que cela va se produire au Nouveau-Brunswick du jour au lendemain. Nous, au Nouveau-Brunswick, voulons réussir à faire croître notre économie. Avec l'aide du gouvernement fédéral, je pense que nous pouvons maintenir une bonne moyenne dans tout le pays, notamment pour les soins de santé.

Je ne sais pas quelle est la solution au problème. Si l'Alberta veut tout défoncer en matière de santé, c'est son affaire. Je suis disposé à essayer d'offrir une moyenne nationale aux gens du Nouveau-Brunswick et à respecter cette norme.

L'une des raisons pour lesquelles je suis ici aujourd'hui, c'est que j'ai besoin d'aide du gouvernement fédéral pour maintenir ces soins de santé moyens grâce à la loi qui est en vigueur.

Le sénateur Wiebe: Un jour, j'aimerais avoir la possibilité de discuter de cette préoccupation philosophique avec vous et d'autres ministres parce que cela pourrait être un problème à l'avenir. Le gouvernement fédéral fixe les normes et chaque province essaie de les respecter. Si une province dépasse de loin ces normes, la pression politique qui s'exercera sur les autres provinces pour la rejoindre pourrait être dévastatrice non seulement pour cette province, mais pour tout le pays.

M. Mesheau: Je suppose qu'en tant que province moins riche, je peux exiger beaucoup, mais nous devons respecter les engagements constitutionnels au pays. Si une province est moins fortunée que le Nouveau-Brunswick, j'aimerais bien penser que nous ferions tout ce que nous pourrions pour l'aider à atteindre la norme dont jouissent les autres provinces.

Le sénateur Moore: Merci, monsieur le ministre, d'être venu ici ce soir avec vos fonctionnaires.

J'aimerais vous poser quelques questions au sujet de l'éventail exhaustif des recettes dont vous avez parlé dans votre mémoire présenté aux membres du comité et aux Canadiens qui suivent peut-être ces délibérations sur le réseau CPAC.

Qu'est-ce que ça veut dire? Pourriez-vous nous donner quelques exemples de recettes provinciales ou de provenance interne et nous dire ce que cela couvre ou ne couvre pas?

M. Mesheau: C'est probablement la plus technique et la plus ésotérique des trois composantes, je vais donc demander à mon technicien de vous donner une réponse fiable. Votre question est très intéressante.

M. Mallory: Il y a les recettes provinciales, de provenance interne et diverses. En réalité, il y a 33 formules de péréquation. Il y a une formule pour chaque recette, que ce soit l'impôt sur le revenu des particuliers, l'impôt sur le revenu des sociétés, les recettes pétrolières, les taxes foncières, et cetera. Il y a 33 sources de revenus distinctes. Dans le programme, on tient compte de toutes les recettes provinciales et l'ensemble sert à former la base du calcul afin de déterminer si une province a droit à la péréquation.

Lors du dernier round, le gouvernement fédéral a finalement eu raison. Il a dit: «C'est un programme fédéral.» Il s'est basé sur la source des revenus ou la source des recettes provinciales ou locales et a déclaré qu'il ne compenserait plus 100 p. 100 de ces recettes et que d'ici quelques années, la péréquation serait réduite de 50 p. 100. Essentiellement, cela signifiait que seulement la moitié des recettes provinciales ou locales feraient l'objet de la péréquation.

Le sénateur Moore: Quel est le total des 33 sources de revenus dans votre province?

M. Mallory: La péréquation totale?

Le sénateur Moore: Oui.

M. Mallory: Cela représente environ 24 p. 100 de nos recettes, soit quelque 1,2 milliard de dollars.

Le sénateur Moore: Dans le cadre du renouvellement du programme en 1999, vous dites que le gouvernement fédéral a annoncé qu'il n'assujettirait à la péréquation que 50 p. 100 des recettes provinciales et de provenance interne «diverses»? Qu'est-ce que cela veut dire? Est-ce que c'est différent des recettes «traditionnelles»?

M. Mallory: Il y a plusieurs petites sources de recettes. Il peut s'agir de frais imposés à certains utilisateurs par opposition aux recettes comme l'impôt sur le revenu des particuliers, des sociétés, la taxe de vente et la taxe sur l'essence.

Il y a plusieurs recettes diverses qui peuvent être soit les frais d'utilisation que les provinces imposent, les frais qu'imposent les administrations municipales également, qui font partie de cette catégorie.

Le sénateur Moore: Et les recettes des casinos, dans quelle catégorie sont-elles classées?

M. Mallory: Les recettes de loteries provinciales sont une source distincte de recettes gouvernementales.

Le sénateur Moore: Elles ne sont pas classées parmi les recettes diverses?

M. Mallory: Non. Assujettir la moitié de ces recettes à la péréquation, c'est essentiellement priver une province de la moitié des indemnités auxquelles elle aurait normalement droit. Dans notre cas, nous avons conclu que cette décision, lorsqu'elle sera mise en 9uvre intégralement et intégrée sur une période de quatre ans, privera la province de 42 millions de dollars par année comparativement à ce que la province recevrait normalement.

Le président: Qui perçoit les impôts fonciers au Nouveau-Brunswick actuellement?

M. Mallory: La province et les municipalités imposent toutes deux une taxe foncière. La province perçoit la taxe au nom des municipalités, mais il y a une taxe foncière provinciale et une taxe foncière municipale.

Le président: Est-ce qu'on en tient compte?

M. Mesheau: Cette composante est celle sur laquelle je passe le plus de temps. Ce n'est pas la plus importante sur le plan financier. Je dirais que c'est la norme moyenne qui a sur nous des répercussions négatives. La taxe foncière représente une difficulté technique.

Le sénateur Moore: En ce qui concerne les 33 sources de recettes, est-ce que ce sont les mêmes dans chaque province ou seulement au Nouveau-Brunswick? Est-ce que d'autres provinces en ont plus ou moins? Est-ce que la catégorie «diverses» varie également? Est-ce que ces articles font aussi l'objet d'une liste ou d'une catégorie?

M. Mallory: Dans l'ensemble, il y a 33 sources de recettes de provenance interne qui sont imposées par les provinces canadiennes. Toutes ces provinces ont une assiette fiscale pour ces sources de revenus. Certaines provinces n'ont pas de taxes sur certaines sources. Par exemple, l'Alberta n'a pas de taxe de vente, mais elle a toujours la capacité d'en imposer une si elle le veut. Essentiellement, ces 33 sources de recettes constituent ce que serait un système fiscal représentatif pour toutes les provinces canadiennes.

Le sénateur Furey: Monsieur le ministre, j'aimerais vous ramener à votre dernier commentaire en réponse à la question du sénateur Wiebe. Vous avez dit très généreusement que si vous étiez en mesure d'aider des provinces moins fortunées, vous aimez croire que vous le feriez. Seriez-vous disposé à défendre une cause particulière pour une province moins nantie qui tire des recettes de ressources non renouvelables et qui verrait sa récupération réduite de façon considérable? Cette récupération est beaucoup réduite en Nouvelle-Écosse et à Terre-Neuve avec le pétrole et le gaz. Ou élimineriez-vous ces recettes jusqu'à ce que ces provinces moins nanties deviennent des provinces riches et contribuent à la fédération?

M. Mesheau: Nous n'avons pas de telles intentions.

Le sénateur Furey: Vous ne seriez pas aussi généreux?

M. Mesheau: En ce qui concerne certaines sources de revenus, nous sommes une province nantie. Nous parlons ici en particulier des soins de santé. De toute évidence, nous ne sommes pas dans la même position que Terre-Neuve et la Nouvelle-Écosse actuellement. Bien honnêtement, je n'ai pas vu beaucoup de plates-formes de forage dans le détroit de Northumberland à la recherche de minéraux ou Dieu sait quoi.

Le sénateur Furey: Croyez-vous que cela contribuerait à renforcer la fédération si les provinces moins nanties avaient cette possibilité supplémentaire de se remettre sur pied plus rapidement, de contribuer ainsi à la fédération de façon beaucoup plus efficace et rapide et de devenir des membres participants?

M. Mesheau: Philosophiquement, sénateur, je serais d'accord.

Le sénateur Kinsella: Compte tenu des nombreux événements des dernières semaines, cette étude de la péréquation par le comité arrive à point nommé. Je le signale parce que cela s'adresse directement à ce que nous sommes en tant que pays. Cette péréquation concerne le partage de la prospérité du pays.

Monsieur le ministre, vous avez attiré notre attention sur le paragraphe 36(2) de la Loi constitutionnelle. Il y a deux parties à l'article 36 qui décrivent le principe de la péréquation, du partage de la richesse comme étant une valeur fondamentale du Canada. Essentiellement, ces deux volets voient à ce que tout le monde se rattrape s'il perd du terrain, et à maintenir son équilibre.

En conclusion, pourriez-vous nous parler de ces éléments de la péréquation parce que c'est fondamental pour le travail du comité?

M. Mesheau: Je n'ai pas de copie du paragraphe 36(2) avec moi aujourd'hui. La clé ici, c'est que tout le monde soit à peu près au même niveau. Je suis conscient que cela est extrêmement difficile. Mais à quel niveau? Un niveau élevé, j'espère.

L'autre composante du paragraphe 36(2) consiste à nous sortir du pétrin actuel pour qu'un jour, nous puissions dire adieu à la péréquation et que nous puissions aider à notre tour une province voisine ou située à l'autre bout du pays. Ce sont là des choses importantes. J'ai appris à connaître intimement cette disposition depuis sept jours. Ces deux éléments clés sont très importants, à savoir des règles du jeu égales pour tous et la possibilité de profiter des chances pour tout le monde. Je ne suis pas ici pour demander la charité; je suis ici pour trouver une possibilité. Cet argent dans le système de péréquation, cet appui, est utilisé à bon escient. Ce n'est pas de la formule 1, mais si cela peut aider à améliorer l'économie de ma province et, ultimement, l'économie du pays, alors c'est parfait.

Le président: Vous avez donné un bon départ à nos audiences publiques, monsieur. Nous tenons à vous remercier d'être venu au début de votre mandat. Nous vous remercions ainsi que M. Mallory, votre sous-ministre. Nous vous souhaitons tout le succès dans les nouveaux défis qui vous attendent en tant que ministre des Finances.

M. Mesheau: Monsieur le président, j'apprécie votre gentillesse.

Nous avons beaucoup de respect pour M. Martin et pour le gouvernement fédéral. Nous considérons que ces gens-là sont de bonnes personnes avec qui traiter. Je pense qu'il y a un peu d'ajustements à faire et quelques questions à régler.

La séance est levée.


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