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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie


Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule 62 - Témoignages


OTTAWA, le mercredi 12 juin 2002

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui à 15 h 52 pour examiner l'état du système de soins de santé au Canada.

Le sénateur Michael Kirby (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Notre témoin aujourd'hui est M. Jack Mintz. Il y a trois ou quatre semaines, M. Mintz et quelques-uns de ses collègues ont publié un document qui se basait en fait sur le modèle que notre comité a proposé et que certains d'entre nous appellent le modèle «Tom Kent». Nous l'avons appelé ainsi parce qu'il remonte à la proposition initiale de l'assurance-santé. Bien sûr, le modèle initial ne comprenait pas les chiffres que présente le modèle de M. Mintz. De plus, M. Mintz a récemment présidé un colloque de fin de semaine destiné à discuter de différentes autres possibilités de financement des soins de santé. Aujourd'hui, il nous parlera de sa proposition ainsi que du contexte général.

Monsieur Mintz, la parole est à vous.

M. Jack Mintz, président-directeur général, Institut C.D. Howe: C'est un plaisir de prendre la parole devant le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie. C'est en fait la première fois que je me présente devant votre comité.

Le sénateur Kirby a fort bien présenté le travail de l'Institut C.D. Howe. Au cours des dix-huit derniers mois, nous avons publié cinq documents dont je suis sûr que vous avez vu quelques-uns. Le premier, œuvre de M. William B. P. Robson, traite des facteurs démographiques qui se répercuteront avec le temps sur le coût des soins de santé. Les chiffres présentés dans ce document concordent avec les travaux de l'Organisation de coopération et de développement économiques concernant le Canada. Les chiffres relatifs aux effets globaux concordent.

Nous avons aussi publié récemment deux documents que vous avez peut-être vus. Le premier tente de déterminer si la Loi canadienne sur la santé viole l'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés. Le second, rédigé par M. Shay Aba, M. Wolfe D. Goodman et moi-même, examine un système de participation aux coûts des soins de santé fondé sur la déclaration de revenus, dans lequel les prestations pour soins de santé ne seraient pas incluses dans le revenu imposable. C'est sur ce point qu'il diffère de la proposition de Tom Kent. Je donnerai quelques brèves explications à ce sujet un peu plus tard.

À titre d'économiste, je poserai d'abord trois hypothèses, sur lesquelles le comité sera peut-être d'accord. La première — je parle en mon nom personnel et non en celui de l'Institut C.D. Howe — est qu'il y a un problème de viabilité dans le domaine des coûts des soins de santé. Dans son document sur les incidences démographiques, M. Robson a estimé le passif non capitalisé associé aux soins de santé. Si les gens plaçaient de l'argent dans un fonds rapportant 6 p. 100, combien devraient-il en accumuler pour payer les soins à l'avenir? M. Robson a estimé que le passif non capitalisé était de l'ordre de 600 à 800 milliards de dollars, soit en gros 55 à 75 p. 100 du PIB.

Si vous y pensez, cela représente approximativement le montant actuel de la dette nationale. C'est à peu près la même chose que la dette actuellement associée au Régime de pensions du Canada, même après les changements que nous y avons apportés jusqu'ici. Au Canada, si nous regroupons tous ces renseignements, nous arrivons à la conclusion que le Canada laisse une dette d'environ 2 billions de dollars aux générations suivantes.

Les coûts estimés par M. Robson et l'OCDE monteront d'au moins 10 p. 100 par an d'ici 2040, par rapport aux 6,5 p. 100 actuels. Je parle ici de la part publique des coûts des soins de santé et non de la part privée. M. Robson a également calculé l'incidence de ces coûts sur les budgets provinciaux. Les membres du comité savent que ces coûts dépasseront sensiblement la moitié des budgets provinciaux d'ici 2040. La proportion sera en fait de l'ordre de 60 à 65 p. 100, selon la province.

Il y a donc un problème de viabilité. Quand on pense à la dette globale que nous laissons aux générations futures, il est évident que nous avons un problème. Les soins de santé constituent un tiers de ce problème pour ce qui est du fardeau que nous laissons à ceux qui nous suivrons.

Ma deuxième hypothèse est la suivante: même si nous examinons différentes idées, qu'il s'agisse de privatisation ou de suppression de certains services actuellement assurés — qui revient à une privatisation de fait du système —, les gouvernements auront besoin de recettes supplémentaires parce que la part publique du coût des soins de santé augmente avec le temps. Par conséquent, nous devons réfléchir soigneusement aux moyens de financer la prestation publique des soins. Quels sont les moyens adéquats de financement? Voilà une importante question que les Canadiens devraient se poser, parce qu'il y aura un fardeau de plus en plus lourd que tous les Canadiens devront assumer.

Troisièmement — ce n'est pas vraiment là une hypothèse, mais plutôt un résumé de la littérature économique —, les recettes générales de l'État ne constituent pas nécessairement la source optimale de financement des soins de santé. Je fonde cette affirmation sur trois facteurs.

Premièrement, lorsqu'on applique les principes de l'assurance, comme la littérature économique le fait depuis un certain temps, et qu'on admet que les particuliers et les fournisseurs de soins peuvent influencer les coûts assumés par un régime d'assurance, on se rend compte qu'il y a lieu d'établir une forme ou une autre de système de quote-part, de franchise ou de boni pour ceux qui permettent au régime de réaliser des économies. En d'autres termes, il serait bon d'inclure des mesures incitatives dans notre système, de façon à améliorer l'efficacité d'ensemble du financement des soins.

Deuxièmement, du point de vue des principes d'efficacité et d'équité de la politique fiscale, la littérature présente un important argument: il serait avantageux que les gens qui profitent du système contribuent un peu plus que les autres aux coûts. Cela serait bon non seulement sur le plan de l'efficacité, mais aussi sur celui de l'équité, parce qu'une personne qui utilise davantage des services publics devrait contribuer plus aux coûts de ces services que d'autres utilisateurs qui ont les mêmes ressources et qui y recourent moins.

Le troisième argument, que nous abordons plus souvent dans l'environnement actuel, réside dans les changements démographiques que j'ai mentionnés plus tôt. Au Canada, les recettes gouvernementales se composent pour une grande part des charges sociales et de l'impôt sur le revenu, qui ont tendance à toucher les travailleurs plus fortement que les personnes âgées. En fait, l'OCDE a estimé qu'avec le vieillissement de la population, le ratio impôts/PIB du Canada baissera de 1,5 point. C'est parce qu'une fois à la retraite, les personnes âgées tendent à gagner un revenu moindre et, par conséquent, à payer moins d'impôts que les travailleurs. Il y a peut-être de meilleures sources de financement des soins de santé parce que la majorité des dépenses qui y sont consacrées sont attribuables aux dernières années de vie des personnes âgées. Par conséquent, à mesure que la population vieillit et que les prestations versées à l'égard des aînés augmentent, les impôts frappant les travailleurs devront augmenter aussi pour financer ces prestations. Il devait donc y avoir des formes d'imposition qui s'appliquent d'une façon plus progressive pendant la vie des contribuables. Autrement dit, on imposerait un fardeau moins lourd aux travailleurs en associant davantage aux personnes âgées les dépenses consacrées aux soins de santé.

Il faut donc tenir compte de ces trois facteurs réunis. Permettez-moi maintenant d'évoquer certaines questions que vous abordez dans vos discussions sur le financement des soins de santé. Je m'appuierai sur des travaux de l'Institut C.D. Howe ainsi que sur le fruit de ma propre réflexion.

Face à la hausse du coût de l'assurance-santé, on peut se poser la question suivante: faudrait-il créer un impôt spécial ou compter sur des impôts particuliers pour financer la hausse des coûts attendus à l'avenir? Il y a quatre options à considérer à cet égard.

Premièrement, on peut envisager des primes d'assurance-santé, que j'appellerai «primes uniformes». Il s'agit d'un certain montant individuel ou familial qui serait versé indépendamment du revenu et de l'usage fait du système de santé. C'est le genre de primes qui existe en Alberta et en Colombie-Britannique, quoique le montant soit réduit dans les deux provinces pour les personnes à très faible revenu.

Deuxièmement, on peut financer le système sur les charges sociales. C'est ce que font les pays européens. Ce serait également l'équivalent des taxes de sécurité sociale des États-Unis.

Troisièmement, on peut majorer d'une façon générale l'impôt sur le revenu.

Quatrièmement, on peut augmenter les taxes à la consommation. Dans le cas du Canada, il s'agirait de la TPS au niveau fédéral et des taxes de vente au niveau provincial.

Laquelle de ces sources serait la plus avantageuse du point de vue de l'efficacité, de l'équité et des considérations démographiques? Les primes dominent en fonction de l'efficacité et des facteurs démographiques parce que toute la population paierait des montants semblables, indépendamment de l'âge et de la situation de l'emploi. Cette forme d'imposition entraînerait le moins de distorsions et tiendrait le plus compte des effets démographiques attendus à l'avenir.

En même temps, des primes uniformes constitueraient la forme d'imposition la moins équitable parce qu'elles se répercuteraient le plus durement sur les contribuables à faible revenu, même s'il est possible de leur accorder certains allégements fiscaux pour remédier au problème. N'oublions pas cependant que les Canadiens à revenu moyen auraient à payer pour l'assurance-santé le même montant que les Canadiens riches, peu importe leur source de revenu.

Examinons maintenant les taxes à la consommation. Elles représentent une source intéressante parce qu'il est établi qu'elles n'ont pas trop d'effets de distorsion sur l'économie et qu'elles tendent à être imposées d'une façon assez efficace. Elles s'appliquent d'une façon plus progressive que l'impôt sur le revenu, par exemple, pendant le cycle de vie parce que le revenu tend à atteindre son maximum pendant la vie active, puis à diminuer progressivement après la retraite. En même temps, la consommation est généralement moindre que le revenu dans les années où les gens économisent, tandis qu'elle augmente par rapport au revenu à la retraite, lorsque les gens puisent dans leur actif pour vivre. Les taxes à la consommation tendent également à être proportionnelles à la consommation des individus pendant leur cycle de vie. On pourrait les rendre progressives au moyen d'un crédit d'impôt semblable au crédit pour TPS qui assure un certain allégement fiscal aux Canadiens à faible revenu.

Les charges sociales constituent la troisième source à considérer. Elles sont un peu moins efficaces, dans leur application, que les taxes à la consommation et tendent, d'après la plupart des études, à créer plus de distorsions dans l'économie. Le principal problème des charges sociales est qu'elles frappent les travailleurs plus durement que les retraités, ce qui signifie que la population active assumerait un fardeau plus lourd pour le financement des soins de santé que ce ne serait le cas si le financement provenait des taxes à la consommation ou de primes d'assurance-santé. Il serait également possible de rendre les charges sociales progressives en permettant qu'elles varient avec le salaire.

La quatrième source de financement consisterait à majorer l'impôt sur le revenu. Par rapport aux trois autres options, celle-ci est la moins efficace. C'est parce que l'impôt sur l'épargne et les placements tend à avoir des coûts d'efficacité élevés qui ont des effets négatifs sur l'économie. Par contre, l'impôt sur le revenu est plus progressif que les autres formes d'imposition. Au chapitre des effets démographiques, il a tendance à se répercuter plus durement sur la population active, quoique moins que les charges sociales. Il a toutefois des caractéristiques démographiques négatives par rapport aux taxes à la consommation et aux primes d'assurance-santé.

Pour ce qui est du choix à faire entre les différentes approches, je favorise plutôt les primes d'assurance-santé et les taxes à la consommation comme moyens de financement de la hausse des coûts des soins de santé, par rapport aux charges sociales et à l'impôt sur le revenu, qui constituent actuellement une plus grande proportion des recettes générales. En ce sens, il y a des arguments en faveur des recettes spécialement affectées.

Mon collègue Bill Robson, de l'Institut C.D. Howe, a par ailleurs soulevé la question de savoir s'il y a lieu d'envisager un financement anticipé des coûts des soins de santé à l'avenir, comme nous le faisons dans le cas du Régime de pensions du Canada. D'autres pays, comme les États-Unis, ont des taxes spéciales de sécurité sociale qui servent également au financement du système de santé.

C'est une idée qu'il est difficile de faire accepter, parce que nous parlons ici de financement anticipé, c'est-à-dire de la possibilité de tenir compte aujourd'hui des coûts de demain. Dans le monde actuel, tandis que nous nous inquiétons du financement du système existant, il faut de l'audace pour demander aux gouvernements d'accroître les ressources non seulement pour financer les coûts présents, mais aussi pour constituer des réserves destinées à financer les coûts futurs.

C'est par ailleurs une question importante. Je vais vous donner un exemple. Dans le cas du Régime de pensions du Canada, avant les réformes de 1997, on avait noté qu'en l'absence de mesures destinées à prendre en considération les effets démographiques, il aurait fallu majorer les taux de contribution de 15 p. 100 d'ici 2030 ou 2040. Le gouvernement fédéral s'est entendu avec les provinces en 1997 pour augmenter les charges sociales afin d'accroître le financement du Régime de pensions du Canada. D'autres changements importants ont été adoptés, dans le cadre de la réforme, pour permettre une hausse progressive des taux de contribution à 9,9 p. 100 sur les 40 années suivantes.

Nous avons le même problème dans le cas des coûts des soins de santé. Sans financement anticipé maintenant, les générations futures auront à payer beaucoup plus à l'avenir. Il y a donc des arguments en faveur du financement anticipé. Nous devons y penser aujourd'hui, que ce soit au niveau individuel ou au niveau des gouvernements, pour le financement de la part publique des soins de santé.

La troisième question à considérer est celle de savoir si ces sources de financement doivent être appliquées au niveau fédéral ou provincial. La question est intéressante parce que la plupart des dépenses sont faites par les provinces. Nous savons qu'il existe un Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux, que le gouvernement fédéral verse aux provinces pour financer les soins de santé et auparavant les services sociaux et l'éducation postsecondaire.

Je pensais que les provinces devraient se mettre à la recherche de nouvelles sources de financement pour assumer les coûts croissant des soins de santé. Toutefois, il y a des domaines dans lesquels le gouvernement fédéral pourrait avoir un rôle à jouer dans le financement. Mon collègue, M. Robson, a proposé la création d'un transfert aux provinces qui serait fondé sur l'âge. Conformément à son idée, par exemple, le gouvernement fédéral paierait aux provinces 3 000 $ pour chaque personne de plus de 65 ans. Dans un récent document qu'il a rédigé, mais qui n'est pas encore publié, M. Robson pose la question suivante: «Quel est le taux de contribution qu'il faudrait établir aujourd'hui pour financer ce transfert fondé sur l'âge destiné à financer les soins de santé à l'avenir à mesure que la population vieillit?» Il estime qu'il faudrait, pour le faire aujourd'hui, ajouter en moyenne 1,2 p. 100 au taux d'imposition du revenu de tous les contribuables, ou alors majorer le taux de la TPS de 7 à 9,6 p. 100, afin de financer ce transfert que le gouvernement fédéral verserait aux provinces. L'idée est intéressante, et devrait faire partie de l'ensemble des idées à considérer dans l'étude du financement des soins de santé.

La quatrième question dont je veux parler porte sur les mesures incitatives à inclure dans le système de financement. Il s'agit de celles que l'Institut C.D. Howe a étudiées en particulier. Nous avons publié les deux documents mentionnés par le sénateur Kirby et moi-même, et nous en ferons paraître un autre sur le même sujet cet automne.

L'intégration de mesures incitatives revient en fait à faire payer aux utilisateurs certain frais qui se substitueraient aux recettes générales ou à l'impôt sur le revenu des particuliers comme moyens de financer le système de santé. L'idée consiste pour les autorités provinciales de la santé à envoyer à chacun un relevé indiquant la valeur des services qu'il a reçus. Ce n'est pas là un projet facile à réaliser. Les provinces ne le font pas actuellement. Pour mettre en œuvre une telle initiative, il faudrait élaborer un modèle de détermination des prix et estimer la valeur exacte des services dispensés par les hôpitaux et les médecins, ce qui n'existe pas dans le système actuel.

À mon avis, ce serait un énorme avantage parce qu'une telle initiative permettrait de prendre d'autres mesures relatives aux coûts et à la valeur des différentes interventions médicales. À l'heure actuelle, les gens ne savent pas grand-chose de ces mesures parce qu'il est impossible de faire les estimations de coûts nécessaires.

Ensuite, si les utilisateurs ont des frais à payer, le public s'intéressera beaucoup plus, d'une façon générale, à toute la question du prix des services de santé et de la valeur des services dispensés. Cela en soi entraînera une évolution de la façon dont les gens envisagent le coût des soins de santé, surtout s'ils ont à en payer une part.

Deux propositions particulières figurent sur ce document de deux pages. D'après la première, conçue par M. Aba et M. Goodman, les gens recevraient, chaque fois qu'ils vont chez un médecin ou à l'hôpital, un relevé indiquant la valeur des services reçus. De leur côté, les médecins et les hôpitaux déclareraient aux autorités provinciales de la santé les coûts réels engagés pour les personnes en cause. Tout cela irait dans une base de données qui permettrait d'envoyer à chacun un formulaire T4H donnant la valeur totale des services de santé reçus dans l'année.

C'est le modèle de base, dont nous avons examiné quelques variantes. Les gens pourraient par exemple verser une quote-part de 40 p. 100 qui serait plafonnée selon le revenu, de façon à ne pas toucher trop durement ceux qui ont des frais très élevés dans une année donnée. Nous avons examiné en particulier un modèle comportant une limite de 3 p. 100 du revenu au-delà de 10 000 $. En d'autres termes, si vous avez consommé des services de santé d'une valeur de 10 000 $ dans une année, vous auriez à payer 4 000 $. Toutefois, si votre revenu est de 110 000 $, votre plafond serait de 3 000 $. Vous auriez donc à payer 3 000 $ et non 4 000 $ comme participation à vos frais de santé. Une personne pauvre, dont le revenu serait inférieur à 10 000 $, n'aurait rien à payer.

Ce système permettrait de recueillir des recettes de 7 milliards de dollars, sur la base des chiffres que nous avons pu obtenir concernant les dépenses, etc. Ces 7 milliards de dollars pourraient servir à réduire les taux d'imposition des particuliers au niveau provincial, ce qui permettrait de remplacer les recettes générales par des frais d'utilisation. Cela entraînerait en outre une certaine baisse de l'utilisation, qui atteindrait près de 6 milliards de dollars, d'après les études économiques que nous avons faites. Ainsi, les gouvernements disposeraient d'un peu plus de capacité pour dispenser des services de santé à cause des économies réalisées sur les coûts d'utilisation.

La seconde proposition est de Poschmann et Reuber, qui ont envisagé d'établir un crédit d'impôt de 1 000 $ au lieu d'un impôt direct. Si aucune prestation de santé n'est reçue dans une année, la personne en cause peut utiliser le plein montant du crédit d'impôt pour réduire son impôt à payer. Si des prestations sont reçues, on en déduirait 20 p. 100 du crédit d'impôt de 1 000 $, ce qui augmenterait l'impôt à payer.

La différence entre cette approche et la nôtre est que la nôtre rapporte de l'argent, tandis que la leur implique une dépense fiscale puisque le crédit d'impôt ne pourrait jamais être négatif. Toutefois, Poschmann et Reuber s'attendent à ce que leur système ne coûte rien en définitive parce qu'il réduirait utilisation des services de santé. Je ne crois pas que le ministère des Finances accepterait de baser ses décisions budgétaires sur des économies possibles d'utilisation, parce que de telles économies sont toujours difficiles à prédire.

C'étaient là quelques idées et quelques problèmes. J'espère, honorables sénateurs, que vous aurez trouvé ces renseignements utiles pour votre étude.

Le président: Je vous remercie pour avoir établi ces comparaisons des différentes options de financement et pour avoir obtenu de M. Monahan, vice-doyen de la faculté de droit de l'Université de Toronto, et de M. Stanley Hartt qu'ils rédigent le document répondant à la question de savoir s'il existe un droit aux soins de santé. Le comité a avancé cette idée dans son quatrième rapport, en se demandant s'il est juste et raisonnable pour un gouvernement, dans une société libre et démocratique, de rationner un service essentiel tout en niant aux gens le droit de l'acheter au moment où ils en ont besoin. Nous avons, semble-t-il, indigné beaucoup de gens. C'est un réconfort de constater que d'autres reprennent la même idée.

Dans votre modèle, vous supposez qu'il y aura une baisse de 17 p. 100 du taux d'utilisation. Vous dites que cela se produira chez les gens qui n'atteignent pas le maximum. Mettons 20 p. 100, pour faire un chiffre rond. Cela signifie qu'un cinquième de l'argent actuellement consacré aux soins de santé ne serait pas dépensé. Cela implique aussi qu'il existe aujourd'hui une utilisation abusive de 20 p. 100. Autrement, vos chiffres voudraient dire que des gens qui ont besoin de soins ne les recevront pas parce qu'ils ne voudront pas payer. Cela me trouble.

Ma question est la suivante: comment en êtes-vous arrivé au taux de 17 p. 100? Et qu'auriez-vous à répondre aux gens qui s'inquiètent parce que cela pourrait amener des malades qui ont besoin de services médicaux à ne pas les obtenir?

M. Mintz: D'abord, le taux de 17 p. 100 se fonde sur notre examen d'études économiques traitant des répercussions de différentes formes de financement des services de santé sur la demande de ces services. La littérature économique comprend des études très perfectionnées. Il y a, par exemple, une enquête de M. Jonathan Gruber, du Massachusetts Institute of Technology, sur les effets des prix.

Le chiffre que nous avons choisi se situe au bas de l'intervalle des estimations. Par exemple, une étude a été réalisée aux États-Unis sur ce qui se produit lorsqu'on commence à faire payer les services d'ambulance. Les auteurs ont étudié une ville particulière où l'imposition de frais pour ces services, auparavant gratuits, a entraîné une baisse de 50 p. 100 de leur utilisation. Je crois savoir que l'Alberta fait déjà payer les services d'ambulance.

Le président: Beaucoup de provinces le font, y compris l'Ontario.

M. Mintz: Je ne le savais pas. Je n'ai pas utilisé d'ambulance. C'est donc un exemple de service qui a été étudié.

Le président: Je suis d'accord avec vous que si on fait payer un service auparavant gratuit, certains cesseront de l'utiliser. J'étais curieux de savoir comment vous en étiez arrivé à ce chiffre. Maintenant, qu'avez-vous à répondre à l'argument selon lequel ce sont les gens qui ont vraiment besoin du service qui cesseront de l'utiliser?

M. Mintz: Tout d'abord, les estimations peuvent refléter la réalité. Les chercheurs examinent le genre de calculs que les gens font lorsqu'ils prennent la décision de recourir à un service. Des frais d'utilisation influent sur la décision, c'est indubitable. Pour reprendre l'exemple des services d'ambulance, si une personne sait qu'elle doit les payer, elle peut simplement décider de prendre un taxi pour aller à l'hôpital. Dans certains cas, c'est probablement la bonne décision à prendre parce que la personne n'avait pas vraiment besoin d'une ambulance et pouvait se rendre à l'hôpital autrement.

Dans d'autres cas, la situation pourrait être différente si une personne décide de ne pas appeler une ambulance alors qu'elle en a vraiment besoin. Ce problème se pose chaque fois qu'on commence à faire payer n'importe quoi. On s'inquiète des gens à faible revenu qui sont les plus susceptibles de chercher à éviter une dépense.

Notre plan, qui prévoit des allégements pour les Canadiens à faible revenu, réglerait une partie du problème des gens qui s'abstiendraient d'obtenir des services de santé dont ils ont besoin à cause du prix. Dans le cas des Canadiens à revenu moyen et élevé, l'idée de faire payer un maximum de 3 p. 100 du revenu pour les services de santé obtenus n'imposerait pas nécessairement un fardeau trop lourd. Il pourrait y avoir des effets positifs sur l'utilisation du système, car je ne suis pas sûr que les gens vont se priver de quelque chose d'urgent ou d'essentiel à cause du prix à payer. Les frais fondés sur le revenu répondent à beaucoup des préoccupations exprimées.

Le président: Vous préconisez 3 p. 100 du revenu brut après déduction de 10 000 $. Ce n'est donc pas le revenu net ou le revenu imposable.

M. Mintz: C'est calculé sur le revenu imposé... le revenu brut.

Le président: Comment se répartissent les 6,8 milliards de dollars d'économies que votre modèle permet de réaliser entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux?

M. Mintz: Tout va au gouvernement provincial. Nous avons supposé que ce serait une prime ou un impôt provincial et nous avons donc fait les calculs pour chaque province. Aucune recette n'irait au gouvernement fédéral.

Le président: Je croyais que vous l'aviez fait de la même façon que sur la déclaration de revenu, c'est-à-dire en calculant l'impôt total à payer puis en le répartissant.

M. Mintz: Le calcul se fait dans le cadre du système de l'impôt sur le revenu.

Le président: Je comprends. Vous n'avez pas calculé ce qu'un système semblable pourrait rapporter au gouvernement fédéral.

M. Mintz: Non.

Le président: Pourriez-vous faire le calcul si nous vous donnions une série de chiffres comme point de départ?

M. Mintz: C'est possible. Je crois d'ailleurs que les nombres seraient probablement assez proches. En effet, nous partirions du même montant avec la même exemption de 10 000 $. Nous n'avons pas fait de différences d'une province à l'autre. Le rôle fédéral consisterait à appliquer le système dans le cadre des accords sur la perception des impôts en permettant aux provinces de joindre un formulaire spécial à la déclaration de revenu.

Le président: Si les provinces n'adoptaient pas le système, le gouvernement fédéral pourrait le faire dans le cadre de l'impôt sur le revenu.

J'ai écouté attentivement vos observations lorsque vous avez comparé les différentes sources de financement, et particulièrement ce que vous avez dit au sujet d'une majoration de la TPS ou de l'imposition d'une prime. Que penseriez-vous d'une prime nationale qui varierait selon les tranches de revenu? Il pourrait s'agir d'une prime symbolique non linéaire d'un niveau peu élevé, qui serait distincte et varierait avec le revenu. Je le mentionne parce que vous semblez préférer les primes et les taxes à la consommation, mais que vous reprochez aux primes leur manque d'équité à cause de leur montant uniforme.

Serait-il possible de surmonter le problème de l'équité en adoptant une prime progressive? C'est la question que je vous pose, mais je voudrais la placer dans le contexte suivant: l'un des arguments avancés contre votre proposition est qu'en un certain sens, elle impose un impôt sur la maladie. Vous dites que c'est un impôt sur l'utilisation d'un service public, mais la plupart des gens ne recourent pas délibérément à ce service. Ils ne prennent pas la décision de l'utiliser comme ils prennent la décision d'arroser leur pelouse. C'est un service involontaire parce qu'on est malade. Il y aura donc beaucoup d'opposition à un modèle de ce genre.

Par ailleurs, la notion d'acheter une police d'assurance pour se prémunir contre la maladie, comme dans le cas de l'assurance automobile, serait sans doute mieux acceptée du public. Pourriez-vous établir un modèle fondé sur une prime variant avec le revenu, qui éviterait le problème de l'impôt sur la maladie tout en atteignant la plupart de vos objectifs?

M. Mintz: Si vous proposez une police d'assurance à laquelle les gens contribueraient en versant une prime, je vous dirai que si vous y ajoutez une franchise, nous revenons à un système semblable à ce que nous proposons. Ce serait un excellent moyen de le faire accepter. Il ressemblerait à n'importe quel autre régime d'assurance. Je ne vois rien de particulier dans ce cas.

Je tiens par ailleurs à vous rappeler que beaucoup de services publics sont payants même si les gens n'ont pas le choix d'y recourir ou non. Par exemple, la taxe sur l'essence est reliée à l'utilisation d'un service. Les services municipaux et les taxes d'améliorations locales servent à payer les frais des services dispensés à la population. On peut affirmer que ces taxes et droits répondent aux principes de l'efficacité et de l'équité.

En ce qui concerne les primes d'assurance-santé, oui, vous avez raison, on pourrait les faire varier avec le revenu. C'est le cas en Alberta et en Colombie-Britannique, où les gens à très faible revenu bénéficient d'une réduction de la prime ou ne paient rien du tout. Il serait possible de concevoir une prime progressive. Toutefois, plus elle est progressive, plus elle revient à majorer le taux d'imposition marginal. Plus le revenu d'une personne augmente, parce qu'elle travaille ou gagne davantage, plus la prime est élevée, ce qui augmente le taux d'imposition marginal. La prime est alors assimilable à une augmentation de l'impôt sur le revenu des particuliers.

Le sénateur Keon: Je voudrais revenir à la question des primes qui, avec une formule appropriée, constitueraient le moyen le plus équitable. Examinons l'évolution du système en Ontario, par exemple, où nous avions des primes d'assurance-hospitalisation et la PSI. La question ne me touchait pas directement à l'époque. Je me souviens cependant, à titre de contribuable, que les primes avaient commencé par augmenter, puis qu'elles avaient disparu, probablement parce que c'était avantageux sur le plan politique. Nous avons vécu dans l'utopie pendant quelques années, mais aujourd'hui nous devons revenir sur terre parce que nous manquons d'argent.

Pouvez-vous nous dire quels étaient les inconvénients de cette formule, à part le fait qu'elle faisait intervenir deux systèmes distincts? Était-ce une erreur d'y renoncer en faveur d'un financement global permettant de tout payer en puisant à la même source? Vous en souvenez-vous?

M. Mintz: Dans le cas de l'Ontario, le gouvernement de David Peterson avait décidé de supprimer la prime et d'adopter un impôt destiné aux services de santé et à l'enseignement faisant partie des charges sociales imposées aux entreprises. Le problème était que la prime était en fait payée, du moins en partie, par les entreprises. On passait donc d'un genre de prestation que les sociétés assumaient à une charge sociale. Bien sûr, beaucoup de petites entreprises étaient exemptées parce que l'impôt ne s'appliquait que lorsque la masse salariale dépassait 400 000 $.

Nous sommes donc passés d'une prime uniforme touchant l'ensemble de la population et indépendante de la situation de l'emploi à une charge sociale, qui existe encore en Ontario.

L'Alberta et la Colombie-Britannique n'ont pas pris la même décision. Elles ont maintenu la prime d'assurance- santé. Après la publication du rapport Mazankowski, l'Alberta a adopté pour politique de fixer le montant de la prime de façon qu'elle rapporte chaque année une proportion fixe des dépenses des soins de santé, ce qui signifie qu'elle augmentera avec les coûts. Je crois que la proportion adoptée est de 20 p. 100.

Le sénateur Keon: Si vous remontez encore plus loin, à l'époque où les médecins ne faisaient pas encore partie du système, ils avaient établi leur propre PSI.

M. Mintz: Je ne m'en souviens pas.

Le sénateur Keon: Ce n'est pas vraiment utile d'en parler. Je me demande simplement si nous ne tournons pas en rond. Quoi qu'il en soit, à mon avis, les primes constituent probablement une approche raisonnable.

M. Mintz: Je crois que les primes sont particulièrement raisonnables et utiles si elles sont utilisées comme mesures incitatives. Comme dans le cas d'une police d'assurance, on peut envisager le principe de la franchise qui influerait sur le montant de la prime à verser selon l'utilisation faite des services de santé.

Le sénateur Keon: Il y a une autre question que nous cherchons tous à éviter. Jusqu'où sommes-nous disposés à aller en pourcentage du PIB? Nous ne savons pas quel est l'objectif à atteindre.

M. Mintz: Tant l'OCDE que les estimations faites par Bill Robson à l'Institut C.D. Howe permettent de croire que la part publique des coûts des services de santé passera de 6,5 p. 100 à plus de 10 p. 100 du PIB d'ici 2040. Ces chiffres tiennent compte du vieillissement, des taux de fécondité, des changements démographiques et des variations des dépenses de santé selon la classe.

Ces chiffres nous donnent une idée de la hausse des coûts, mais ils dépendent de la question de savoir si les coûts augmenteront à un rythme supérieur ou inférieur au taux de croissance de l'économie. On atteint 10 p. 100 en supposant que les coûts croissent au même rythme que l'économie. Toutefois, en examinant les chiffres des dernières années, on constate que les coûts grimpaient à 10 p. 100 par an, ce qui est beaucoup plus rapide que la croissance de l'économie. Par conséquent, l'estimation de 10 p. 100 pourrait monter plus tard.

Le sénateur Keon: L'autre question à se poser est de savoir ce que ces 10 p. 100 couvriront. Nous n'arrêtons pas de tourner autour du pot à ce sujet.

M. Mintz: Nous avons supposé qu'il n'y aurait aucun changement à la situation actuelle. Les services des médecins et des hôpitaux seraient entièrement couverts. Nous aurions un certain partage du prix des médicaments, des soins à domicile et des soins à long terme, même si tout cela reste essentiellement privé.

Le président: J'ai une question supplémentaire à poser. Croyez-vous vraiment que le pourcentage du PIB constitue un moyen de mesure adéquat? Je ne le crois pas. La vraie question, c'est: quelle est la part publique? C'est la raison pour laquelle vous vous êtes basé sur la part publique, n'est-ce pas?

M. Mintz: Oui, parce que c'est celle qui doit être financée sur les impôts.

Le sénateur Morin: Je vous remercie de votre exposé. J'accepte vos hypothèses. La question du financement anticipé est intéressante, mais elle est difficile à réaliser au niveau fédéral.

Au sujet des impôts et taxes, tout le monde a déjà parlé des primes. Je ne les aborderai donc pas. Il est cependant intéressant de noter que le Royaume-Uni a récemment décidé de s'en tenir à l'impôt sur le revenu. Si vous avez des observations à présenter sur ce point, je serai heureux de les entendre.

J'aimerais parler des taxes à la consommation. D'après un document de l'OCDE sur le régime fiscal canadien et sur les options de changement, le recours à la taxe de vente serait pour le Canada le moyen qui occasionnerait le moins de distorsions. Le document recommandait donc fortement, si le choix se portait sur une majoration des taxes, d'appliquer l'augmentation à la taxe de vente.

Tous les sondages ont révélé que les Canadiens sont disposés à payer plus d'impôts à condition que les recettes soient consacrées à la santé et à rien d'autre. Peut-on appliquer ce principe à une taxe de vente? Comment cela serait-il acceptable? Nous avons l'impression que les gens accepteraient de payer des primes parce qu'ils sont déjà habitués à le faire. Nous versons déjà des primes pour des assurances personnelles et pour l'assurance-emploi. Cela fait presque partie de nos traditions. Toutefois, dans le cas de la TPS, la tradition va dans le sens opposé. Les gens détestent la TPS.

Comment pensez-vous que les Canadiens réagiraient à l'augmentation de 2 p. 100 de la TPS que vous avez mentionnée? Est-ce que cette augmentation rapporterait 6 milliards de dollars par an? Est-ce bien cela que vous avez dit?

M. Mintz: Non, ce n'est pas cela. Il s'agissait de financement anticipé.

Le sénateur Morin: Je le comprends, mais le même montant pourrait provenir de la TPS.

Le président: Un point de majoration de la TPS rapporterait environ 3,4 milliards de dollars, en tenant compte du crédit à verser aux travailleurs à faible revenu.

Le sénateur Morin: C'est une estimation approximative. L'idée est intéressante.

Comment est-il possible de s'assurer que le produit de la majoration ira strictement à la santé? À votre avis, quelle serait la réaction des Canadiens? Je me rends compte qu'il serait difficile d'inclure l'idée de la franchise dans une proposition de ce genre, mais il est possible de le faire.

J'aimerais enfin aborder la grande question de la quote-part à verser dans le cadre de l'impôt sur le revenu. Je ne crois pas que la maladie soit assimilable à l'achat d'aliments, de vêtements ou de services de transport. Elle serait plutôt assimilable aux catastrophes, comme un incendie, un vol ou une inondation. Votre proposition revient à demander à quelqu'un qui vient de perdre sa maison dans un incendie de payer pour les pompiers ou à quelqu'un qui vient de se faire cambrioler de contribuer aux frais de la police.

Prenons le cas d'une personne atteinte d'une maladie chronique comme la sclérose en plaques, la maladie de Crohn ou le diabète juvénile. Cette personne doit assumer beaucoup de dépenses à cause de sa maladie. Or, à part ces dépenses, vous proposez de la pénaliser en lui faisant payer plus d'impôt qu'une personne en bonne santé qui n'a pas les mêmes dépenses supplémentaires.

Je ne partage pas votre point de vue au sujet des 17 p. 100 de réduction de l'utilisation des services. D'une part, la moitié des dépenses consacrées aux soins de santé sont faites dans les deux dernières années de la vie, surtout en milieu de soins intensifs. Nous n'avons pas une grande marge de contrôle des dépenses. Je comprends qu'il est possible d'épargner de l'argent, mais j'ai l'impression que, dans notre système de santé, la sous-utilisation est plus importante que la surutilisation. La semaine dernière, l'Association médicale canadienne a publié un rapport contenant des propositions relatives aux mesures fiscales à prendre pour financer le secteur de la santé. L'Association dit par exemple que le régime fiscal devrait servir à encourager une vie plus saine sur les plans de l'alimentation, de l'exercice, du tabac, etc. Elle propose en outre de recourir à des crédits d'impôt pour aider les soignants naturels, favoriser des comportements plus sains et améliorer le système d'une façon générale.

Le président a déjà mentionné quelques-unes de ces objections; autrement, je m'y arrêterai plus longuement. J'aimerais connaître votre point de vue sur le recours à la taxe de vente comme moyen de financement.

M. Mintz: L'une des difficultés de la taxe de vente est de faire en sorte que le produit soit réservé à la santé. Dans le cas de l'assurance-emploi, il y a eu intégration complète dans le Trésor fédéral. Les cotisations recueillies ne sont pas réservées à l'assurance-emploi parce que l'argent n'est pas gardé à part pour servir à financer les prestations des chômeurs. S'il y a un excédent, le gouvernement fédéral est libre de s'en servir à son gré et, s'il y a un déficit, il doit recourir à d'autres sources pour financer le système.

Si c'est dans ce sens que vous parlez d'une taxe spécialement affectée, elle serait certes plus acceptable, surtout si c'est le gouvernement fédéral qui l'adopte. Les taxes spécialement affectées suscitent certaines préoccupations. Beaucoup de gens veulent des taxes spéciales pour différentes fins. Si on va trop loin dans cette voie, on finit par s'enfermer dans un carcan. En effet, si on a un excédent dans un domaine et un déficit dans un autre, on ne peut pas les combiner pour réaliser l'équilibre.

Le président: Je comprends parfaitement cela. Si le système est poussé à l'extrême, il devient impossible à gérer. Par ailleurs — et c'est un point qui me tient particulièrement à cœur —, s'il faut persuader les Canadiens de la nécessité de payer davantage pour les soins de santé, il faut leur donner l'assurance que leur argent est totalement hors de portée du ministre des Finances.

Le sénateur Morin: En pensant au désastre qui a touché tous les budgets dans les années 90, nous pourrions nous dire que si nous avions une taxe spécialement affectée, le gouvernement n'aurait pas pu y toucher. Nous n'aurions pas connu la situation actuelle. En faveur d'une taxe spéciale, il y a, d'une part, le fait qu'elle est plus acceptable pour le public et, de l'autre, la nécessité d'assurer un financement stable. Les besoins de santé ne varient pas avec les cycles économiques. Nous devons avoir un système de financement stable qui n'est pas touché par ces cycles. Le ministre des Finances pourrait ne pas être d'accord, mais je crois que c'est ce que les Canadiens veulent, et je pense qu'ils ont raison.

M. Mintz: Je voudrais aborder rapidement deux autres points concernant la TPS. D'abord, elle se compare favorablement à d'autres taxes que nous avons au chapitre des coûts d'efficacité. N'oublions pas en outre que la TPS doit maintenant servir à rembourser la dette. Pourtant, les recettes de la TPS sont inférieures au service total de la dette. Nous l'oublions constamment.

Une prime d'assurance-santé serait supérieure à la TPS sur le plan des coûts économiques. Le seul avantage de la TPS à cet égard est que son montant augmente avec la consommation. Par conséquent, parce qu'elle consomme plus, une personne riche paiera davantage que dans le cas d'une prime d'assurance-santé. Ce serait un avantage de la TPS. Les primes seraient sensibles à l'utilisation si elles sont perçues comme un paiement, c'est-à-dire si on introduit la notion de franchise ou d'une autre forme de frais d'utilisation.

Je crois que vous êtes injuste envers notre proposition. Considérons en effet le cas de l'assurance-incendie: si on a un incendie chez soi, on doit payer. Si un incendie détruit la maison, le propriétaire doit acquitter le montant de la franchise. L'assurance couvre presque tous les frais, qui peuvent être énormes, mais le propriétaire a quand même quelque chose à payer. Pourquoi? S'il a fumé au lit, s'il n'a pas vérifié le câblage électrique, s'il n'a pas pris les mesures nécessaires, il peut avoir eu une certaine responsabilité dans l'incendie.

Notre proposition s'inspire beaucoup de la même situation. Elle n'impose pas à une personne qui doit subir une importante opération de payer des milliers de dollars à son arrivée à l'hôpital. Ce n'est pas ce que nous proposons. La personne n'a pas à payer à ce moment. De plus, le montant ne lui sera pas facturé plus tard. On lui dira simplement ce que le service a coûté. Plus tard, elle aura à payer sur la base de son revenu, mais le paiement ne dépassera jamais 3 p. 100 de ce qu'elle a gagné. Si elle a eu des rentrées de 50 000 $, elle ne paiera pas plus de 1 500 $ pour les services reçus dans une année donnée. Il est facile de modifier les chiffres, de façon à baisser le taux à 2 ou à 1 p. 100. Je n'y vois pas d'inconvénient. Ce n'est pas très différent de la franchise dans le cas d'une police d'assurance. C'est dans cette optique que nous devons y penser.

En ce qui concerne les 17 p. 100, je dois dire que le chiffre se base sur différentes études. Vous avez tout à fait raison, si une personne est dans les dernières années de sa vie et qu'elle a des frais à payer, elle obtiendra probablement les services dont elle a besoin.

C'est une question intéressante. Si, dans les dernières années de sa vie, une personne a le choix entre accepter une intervention qui coûtera des milliers de dollars pour prolonger sa vie de 20 jours ou laisser cet argent à ses enfants, elle pourrait décider de demander qu'on la laisse tranquille.

C'est une question éthique difficile.

Le sénateur Fairbairn: Pour revenir à la taxe à la consommation, c'est-à-dire la TPS, ce sont les personnes âgées ayant un revenu fixe qui ont été les plus indignées à l'époque. Si vous ajoutez l'augmentation des frais de santé au revenu fixe, quelle serait à votre avis la situation des personnes âgées? Pourrait-on trouver un moyen de les aider?

M. Mintz: Il faudrait augmenter le crédit pour TPS. Ainsi, les personnes ayant un très faible revenu ne seraient pas touchées dans la même mesure par une majoration de la taxe, si c'est l'option retenue.

Le sénateur Fairbairn: Je pensais en particulier aux personnes âgées qui n'ont pas d'autre revenu que la pension de vieillesse et le supplément de revenu garanti. Pensez-vous aider les gens à revenu très bas, comme beaucoup de mères célibataires, par exemple?

M. Mintz: Ce serait l'objet d'une augmentation du crédit pour TPS. Le crédit a été établi à cette fin lors de l'adoption de la TPS. Il serait nécessaire d'élaborer une politique de ce genre pour aider les gens à faible revenu.

Le sénateur Fairbairn: Il faudrait penser sérieusement au genre de crédit à accorder. En effet, le crédit pourrait monter rapidement à cause des dépenses dues aux maladies et à l'âge.

M. Mintz: Vous avez raison, mais les articles médicaux ne sont ordinairement pas assujettis à la TPS, ce qui exclut ces dépenses. Une simple majoration du taux de la TPS imposerait un fardeau plus lourd aux Canadiens à faible revenu et aux personnes âgées. Par conséquent, il conviendrait en même temps d'augmenter le crédit pour TPS afin de réduire quelque peu ce fardeau.

Il serait intéressant d'examiner le cas de l'Alberta où les personnes âgées paient la prime d'assurance-santé. Ma mère vit à Edmonton.

Le sénateur Fairbairn: Est-elle satisfaite de cette situation?

M. Mintz: Pas exactement. Naturellement, elle n'appuie pas l'idée. C'est évident dans le cas d'une majoration de la TPS. Le fardeau imposé est plus lourd pour les personnes à faible revenu. On a donc besoin de leur accorder de l'aide pour que le montant à payer ne soit pas excessif dans le cas des personnes âgées à faible revenu.

Le sénateur Robertson: Je voudrais parler de la dernière proposition de M. Mintz, celle de la quote-part de 3 p. 100 qu'il nous recommande, je crois, et qui semblait être privilégiée.

Monsieur Mintz, je me pose plusieurs questions à ce sujet. Je me demande, par exemple, pourquoi vous proposez un taux uniforme de 3 p. 100 au lieu d'un taux progressif? Pourquoi pas un taux de contribution supérieur pour les revenus élevés? Y a-t-il là un élément d'équité? Je suppose que vos modèles mathématiques produisent ce seuil de 3 p. 100.

Je vous ai entendu dire que les gens dont le revenu serait inférieur à 10 000 $, qui vivent donc dans la pauvreté, seraient exemptés. Or il est impossible de vivre sur un revenu de 10 000 $. Si vous releviez ce seuil à 25 000 $ ou à un montant de cet ordre, quelles en seraient les répercussions sur votre modèle? Vous parlez probablement de personnes âgées. Je ne sais pas précisément à combien s'élèvent actuellement la pension de vieillesse et le supplément de revenu garanti, mais si la combinaison des deux représente le seul revenu d'une personne âgée, il ne lui reste sûrement pas assez d'argent pour payer autre chose. Elle aurait déjà de la chance si elle a un toit. Il en est de même des mères célibataires qui élèvent deux ou trois enfants. Elles ont à peine de quoi nourrir la famille.

Ce seuil de 10 000 $ m'inquiète beaucoup. J'aimerais que vous nous donniez les chiffres qui correspondraient à un seuil plus raisonnable reflétant vraiment la situation des gens à faible revenu. Par exemple, 25 000 $, ou plus peut-être.

Si j'ai bien compris, les 3 p. 100 ne seraient pas spécialement affectés. Je comprends votre argument au sujet des cotisations d'assurance-emploi qui sont désignées, mais ne servent pas nécessairement aux fins prévues. Certains d'entre nous s'opposent à cela, mais c'est une autre question.

Je serais mal à l'aise si un fonds désigné va directement dans le Trésor et que le ministre des Finances est libre de s'en servir à son gré. Je crois qu'il disparaîtrait dans la nuit. Ce fonds ne devrait sûrement pas servir à réduire les impôts. Si nous devons mettre plus d'argent dans le système des soins de santé, nous devons chercher à assurer un financement stable pour que nous n'ayons pas à faire ce que nous avons fait cette dernière décennie dans les années où les recettes diminuent.

Le président: Ayant longtemps occupé les fonctions de ministre de la Santé du Nouveau-Brunswick, le sénateur Robertson sait de quoi elle parle lorsqu'elle évoque les agissements des ministres des Finances.

Le sénateur Robertson: Nous avons l'habitude de dire, dans l'Est, que nous savons beaucoup mieux que les autres gérer l'argent. Quand on n'en a pas, voyez-vous, il faut savoir innover. Les autres provinces du Canada n'ont pas à innover autant.

Si nous avons un impôt désigné, je m'opposerai énergiquement à ce qu'il soit versé au Trésor. Il est essentiel que l'argent soit à l'abri des griffes des gens des Finances. Autrement, nous n'en verrons jamais la couleur.

Votre description des différents systèmes est bonne. Les primes seraient acceptables. Encore une fois, il faut tenir compte des différents niveaux de revenu. Je devrai revoir mes notes au sujet de ce que vous avez dit, monsieur Mintz, mais, quelle que soit la solution retenue, dites-moi de quelle façon nous pouvons réunir l'argent nécessaire sans infliger d'autres souffrances aux personnes âgées qui vivent dans la pauvreté et aux autres personnes qui se situent au-dessous du seuil de la pauvreté. J'aimerais connaître votre réponse.

M. Mintz: Tous les points que vous avez soulevés sont intéressants et utiles.

Tout d'abord, au sujet du plafond uniforme de 3 p. 100 du revenu, je voudrais mentionner que nous avons modélisé un plafond de revenu progressif. À l'origine, nous avons appliqué des taux de 1 p. 100, 3 p. 100 et 5 p. 100, selon la tranche de revenu. Il est facile d'établir des modèles de ce genre. L'aspect le plus important de notre proposition, c'est la notion d'un paiement relié d'une façon ou d'une autre à l'utilisation, avec un plafond basé sur le revenu. C'est l'idée de base du modèle.

Tous les nombres peuvent être modifiés. Nous avons présenté une proposition précise pour donner un point de départ à la discussion. C'est juste une idée.

J'ai hésité au sujet du projet à 1, 3 et 5 p. 100 parce qu'au dernier échelon, on ajouterait cinq points de pourcentage au taux d'imposition marginal. Si les gens gagnent plus d'argent, ils doivent payer une plus grande part de leurs prestations de santé. J'ai hésité à proposer de majorer à ce point le taux marginal. Il a fallu beaucoup d'efforts au Canada pour abaisser ces taux. J'ai choisi donc le plafond à 3 p. 100, que je trouvais plus simple et plus facile. J'admets cependant qu'il est possible d'établir un barème progressif.

Le taux de 3 p. 100 s'inspire en partie du crédit d'impôt pour frais médicaux. À l'heure actuelle, les gens peuvent déduire, aux fins du crédit d'impôt, le montant de leurs frais médicaux privés qui dépasse 3 p. 100 de leur revenu net, par opposition au revenu brut que nous avons utilisé. Nous avons établi le modèle pour déterminer combien d'argent il était possible de réunir ainsi. Nous avons estimé que si le résultat dépassait 5 milliards de dollars, nous garderions l'hypothèse de départ. Le taux est un élément qu'on peut faire varier. Il est possible d'essayer le modèle avec d'autres chiffres. On arriverait peut-être à un taux supérieur à 3 p. 100.

Au sujet du seuil de 10 000 $, vos observations sont tout à fait pertinentes. En fait, vous devriez peut-être les adresser au ministre des Finances. À l'heure actuelle, le niveau d'exemption personnel, à l'échelon fédéral, est inférieur à 10 000 $. Je ne me souviens pas du chiffre exact.

Le président: Il est certainement inférieur à 10 000 $.

M. Mintz: Nous avons donc été plus généreux que le régime fiscal actuel parce qu'une fois qu'ils atteignent ce niveau de revenu, les Canadiens commencent à payer de l'impôt, en sus de la TPS et d'autres taxes. Je comprends fort bien vos préoccupations. C'est un chiffre que nous pouvons modifier dans notre modèle, comme plusieurs autres d'ailleurs. Vous n'êtes pas du tout obligés d'accepter nos chiffres, qui ne sont là que pour amorcer la discussion. En Alberta, je crois que le niveau d'exemption personnel est de l'ordre de 12 000 $ et qu'il atteint le double de ce chiffre s'il y a un conjoint ou d'autres membres de la famille. Il est mentionné dans le rapport qu'on peut envisager de doubler les allocations pour les familles.

Enfin, en réponse à la question de savoir s'il est préférable d'établir une taxe spécialement affectée ou un nouveau financement, ma réaction est la même depuis plusieurs années. Je ne crois pas qu'il existe au Canada un problème fiscal qui ne permet pas au gouvernement de réunir les recettes nécessaires. Tous les gouvernements du Canada perçoivent des recettes, qui totalisent 44 p. 100 du PIB. Nous devons nous demander sérieusement si l'administration doit encore grossir dans notre pays. C'est une question de priorité et de répartition de l'argent perçu. Dans ce modèle particulier, je n'étais pas disposé à proposer un modèle qui augmenterait le niveau général des impôts dans l'économie. Je veux bien accepter l'idée qu'il n'est pas nécessaire de réduire l'impôt sur le revenu des particuliers et qu'il est possible de couper certaines dépenses pour équilibrer les chiffres. Je m'oppose très énergiquement à des hausses d'impôt quand nos gouvernements sont plus gros qu'ils ne l'ont jamais été, surtout dans un monde où nous devons nous soucier de compétitivité et de productivité. Ce ne serait sûrement pas la bonne solution.

Le sénateur Robertson: La TPS est actuellement à 7 p. 100, et je pense que tous les partis politiques ont plus ou moins promis de réduire ce taux. Plutôt que d'augmenter les impôts, il serait logique — compte tenu de ce que vous venez de dire au sujet de l'imposition excessive des Canadiens — de consacrer 3 p. 100 de la TPS aux soins de santé. Ainsi, nous n'aurions pas à majorer les taux d'imposition et nous pourrions honorer certains engagements. Qu'en pensez-vous?

M. Mintz: Je ne crois pas que ce serait très utile, mais ce serait sûrement un moyen d'éviter d'augmenter les impôts. Nous savons que les dépenses de santé sont d'environ 60 milliards de dollars et que les recettes fiscales sont supérieures à cela. Vous pouvez consacrer 3 p. 100 de la TPS au financement des services de santé, mais cela n'aurait aucun effet sur ce que nous faisons maintenant. Ce serait un simple changement d'étiquette. Je n'y vois aucun avantage particulier.

Le président: Si on prenait trois des sept points de pourcentage de la TPS et qu'on les consacrait aux services de santé, le montant correspondant — environ 10 milliards de dollars — devrait être retiré à d'autres programmes fédéraux. On n'aurait rien fait d'autre que de couper 10 milliards dans les programmes pour les affecter à la santé. Nous n'injectons aucun argent frais dans le système.

Le sénateur Robertson: Je comprends cela, mais nous parlons d'excédents.

M. Mintz: Je ne suppose pas nécessairement qu'il est possible de réduire les dépenses de 10 milliards de dollars.

Le président: Vous suggérez donc de consacrer l'excédent à la santé.

Le sénateur Callbeck: J'ai quelques questions, que je vais vous poser en bloc.

Vous avez mentionné que d'ici 2040, les services de santé accapareraient 60 à 65 p. 100 des budgets provinciaux. Ces chiffres permettent-ils seulement de maintenir ce que nous avons aujourd'hui, ou bien supposez-vous que de nouveaux programmes seront adoptés, comme l'assurance-médicaments et les soins à domicile?

Au sujet des primes uniformes, l'Institut a-t-il réalisé des travaux dans ce domaine? Si nous devions instituer des primes uniformes, pourriez-vous nous dire en gros quel en serait le montant?

Et au sujet de votre proposition, vous pensez recueillir 6,8 milliards de dollars et économiser peut-être, en sus, 7 autres milliards.

M. Mintz: Environ 6 milliards de dollars d'économies.

Le sénateur Callbeck: Cela représenterait environ 14 p. 100 du coût total du système de soins de santé au Canada. Pensez-vous que cet argent suffirait pour maintenir le système actuel ou pour ajouter de nouveaux programmes? Je me demande d'où viennent ces chiffres.

Je regarde cette proposition et je me demande pourquoi un gouvernement essaierait de persuader le public d'accepter un nouvel impôt pour en arriver au même montant.

Enfin, nous envisageons de financer les services de santé par anticipation. Comment pouvons-nous même y penser en présence des problèmes de financement que nous avons aujourd'hui?

M. Mintz: Tout d'abord, au sujet des 60 ou 65 p. 100 des budgets provinciaux, ce chiffre ne tient compte de l'introduction d'aucun nouveau programme. Il s'agit purement et simplement de maintenir le système actuel. Nous n'avons donc prévu aucun changement. Les politiques aussi resteraient les mêmes. Par conséquent, pour financer n'importe quel nouveau programme, il faudrait ajouter d'autres fonds.

Quant aux primes uniformes, non, nous n'avons pas réalisé de travaux à ce sujet. Mon collègue, Bill Robson, a travaillé sur le financement anticipé. Il rédige actuellement un document sur cette question. Nous en avons déjà une première ébauche. Il a également modélisé la taxe à la consommation et l'impôt sur le revenu pour déterminer les montants nécessaires au financement anticipé.

Je lui ai suggéré d'envisager les primes d'assurance-santé et les charges sociales pour disposer d'un tableau complet, mais je ne sais pas s'il le fera. Nous aurons peut-être quelque chose de ce genre à l'avenir. Je lui transmettrai cela comme question de la part du comité.

Quant à votre question sur les coûts particuliers mentionnés dans la proposition, je voulais concevoir un système qui puisse renforcer la responsabilité dans le financement et la prestation des services de santé, pour que les gens soient plus conscients du coût des soins qu'ils reçoivent. De mon point de vue, ce ne sont pas de nouvelles primes destinées à produire de nouvelles recettes. Elles avaient plutôt pour objet de réduire les montants puisés dans l'ensemble des recettes fiscales. Nous croyons que ces recettes ne constituent pas une source optimale de financement et que les frais d'utilisation sont préférables.

Toutefois, quand on pense à l'évolution avec le temps, il est clair que les coûts augmenteront et que les gouvernements devront accroître leurs recettes chaque année. Dans cette situation, il est tout à fait possible d'adopter ce genre de programme ou de taxe au lieu de percevoir d'autres impôts pour financer le système. Voilà pourquoi je cherche à déterminer la source de financement la plus adéquate. Je pense vraiment que c'est celle qui comporte des mesures incitatives, car elle permet d'espérer certains changements à l'avenir dans le régime public.

Enfin, en ce qui concerne le financement anticipé, je conviens que l'idée est difficile à faire accepter quand les Canadiens ont l'impression qu'il n'y a pas suffisamment d'argent pour financer les besoins actuels. Toutefois, si nous pensons avoir des difficultés de financement aujourd'hui, imaginez les problèmes que nous devrons affronter dans 30 ou 40 ans.

À ce moment, les travailleurs auront déjà à payer des impôts très élevés pour financer les prestations des personnes âgées. Je ne parle pas seulement des prestations de santé, il y a aussi les pensions et tout le reste. Nous aurons un énorme problème démographique. L'OCDE a estimé que les soldes primaires du Canada augmenteront de 10 p. 100 du PIB d'ici 2050. Aux États-Unis, ils augmenteront de 5 p. 100.

Cela signifie qu'au Canada, notre ratio actuel recettes-PIB de 44 p. 100 passerait à 53 p. 100 d'ici 2050. Le chiffre correspondant des États-Unis serait de 38 p. 100. Si nous pensons avoir aujourd'hui des problèmes de productivité et d'écart entre les taux d'imposition par rapport aux États-Unis, imaginez où nous en serons à l'avenir. Voilà pourquoi nous devons songer tout de suite à la question de la viabilité.

Le président: Si j'ai bien compris votre réponse à l'une de mes questions précédentes, vous pouvez utiliser votre modèle pour produire des résultats avec des paramètres différents. Est-ce que je me trompe?

M. Mintz: Nous pouvons en discuter.

Le président: Nous garderons le contact.

La séance se poursuit à huis clos.


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