Aller au contenu
 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles

Fascicule 4 - Témoignages du 25 mars 2004


OTTAWA, le jeudi 25 mars 2004

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, auquel ont été renvoyés le projet de loi C-16 concernant l'enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels et modifiant le Code criminel et d'autres lois en conséquence, le projet de loi C-250 modifiant le Code criminel (propagande haineuse) et le projet de loi C-14 modifiant le Code criminel et d'autres lois, se réunit aujourd'hui, à 10 h 55, pour en faire l'examen.

Le sénateur George J. Furey (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Chers collègues, comme nous en avons décidé hier, nous allons passer à l'étude article par article du projet de loi C-16 concernant l'enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels, après quoi nous ferons celle du projet de loi C-250.

Nous entamerons ensuite notre étude du projet de loi C-14 modifiant le Code criminel et d'autres lois. Nos témoins dans le cadre de cette étude seront le ministre de la Justice et de hauts fonctionnaires du ministère.

Toutefois, chers collègues, avant d'entamer notre étude article par article, j'aimerais répondre brièvement au point soulevé par le sénateur Cools, qui soutient que M. Robinson l'a mal citée dans son témoignage. Vous vous rappellerez que le sénateur Cools en a parlé hier soir.

Le sénateur semble opposée à l'emploi d'une expression dans la transcription de la déclaration de M. Robinson, et je cite:

D'abord, vous avez dit que votre race était une «caractéristique immuable» — je pense que ce sont vos mots — et que l'orientation sexuelle n'était pas nécessairement une caractéristique immuable, puisque vous pouvez avoir, dans votre vie, des relations avec une femme aussi bien qu'avec un homme, par exemple. Selon vous, c'est fluide.

Après avoir examiné la transcription, chers collègues, il semble qu'en fait, le mot «fluide» qualifiant l'orientation sexuelle a été attribué par M. Robinson au sénateur Cools, quand en fait elle ne semble pas avoir employé le mot. Je crois bien, sénateur Cools, que c'était là le point que vous souhaitiez souligner.

Le sénateur Cools: Entre autres choses.

Le président: De plus, d'après la transcription, le sénateur Cools n'a jamais parlé de relations avec un homme, une femme ou encore avec les deux. Il serait facile de déterminer s'il s'agit d'une erreur de transcription ou d'une erreur commise par M. Robinson en visionnant la cassette vidéo, ce que je ferai avec plaisir, si le sénateur Cools insiste.

Toutefois, M. Robinson est présent. À mon avis, il serait plus rapide de l'appeler comme témoin pour nous expliquer le problème décrit hier soir par le sénateur Cools en rapport avec la transcription.

Chers collègues, vous plaît-il de rappeler M. Robinson à la barre?

Des voix: D'accord.

Le président: D'accord.

Le sénateur Cools: Je tiens à ce que le compte rendu précise que je n'ai pas exprimé d'opinion.

L'honorable Svend Robinson, député: Honorables sénateurs, je serai bref. Je suis heureux d'avoir l'occasion ici de préciser les observations que j'ai faites quand j'ai comparu comme témoin au sujet du projet de loi C-250.

J'aimerais au départ dire que le sénateur Cools a raison. Mes propos pourraient effectivement laisser croire qu'elle a affirmé avoir pu avoir, dans le passé, des relations avec une femme aussi bien qu'avec un homme. Elle a parfaitement raison. Elle n'a jamais fait de pareille déclaration.

Elle n'a pas dit que l'orientation sexuelle était «fluide». C'est ainsi que j'ai interprété ses propos lorsqu'elle a dit, et je cite:

L'orientation sexuelle, d'après ce que j'en sais, n'est pas une caractéristique immuable.

Soyons très clairs. Il est juste qu'elle n'a pas parlé de fluidité. Elle n'a jamais fait allusion à ses relations personnelles. Je regrette vivement que mes paroles aient pu laisser croire que c'était le cas et je suis heureux de pouvoir redresser les faits à ce sujet.

Le sénateur Cools a absolument raison de souligner que, dans sa réponse à cette déclaration, elle a dit, et je cite encore: «Pas moi, mais certains le peuvent». J'ai été aussi étonné que le sénateur Cools, à la lecture de la transcription, de constater que ces mots n'y figurent pas.

Je ne suis pas sûr du mécanisme prévu au Sénat pour faire corriger une transcription, mais je tiens à dire que le sénateur Cools a parfaitement raison de dire que la transcription ne reflète pas fidèlement ses propos. Manifestement, je n'ai pas le pouvoir de changer la situation, mais je serais certes d'accord pour dire que la transcription devrait refléter fidèlement les propos du sénateur.

Le président: Monsieur Robinson, je vous remercie. Sénateur Cools, nous allons demander à la greffière de vérifier la transcription.

Sénateur Cools: Je tiens moi-même à remercier Svend Robinson. Je vous suis très reconnaissante d'avoir rétabli les faits.

Le président: Nous allons demander à la greffière de vérifier la transcription, sénateur Cools, et d'y apporter les corrections qui s'imposent. Monsieur Robinson, merci.

Le président: Plaît-il aux honorables sénateurs de passer à l'étude article par article du projet de loi C-16 modifiant le Code criminel et d'autres lois en conséquence?

Des voix: D'accord.

Le président: Plaît-il aux honorables sénateurs de reporter l'étude du titre?

Des voix: D'accord.

Le président: Motion adoptée.

L'étude du titre abrégé est-elle reportée?

Des voix: D'accord.

Le président: Motion adoptée.

Les articles 2 à 25 sont-ils adoptés?

Des voix: D'accord.

Le président: Adoptés.

Un instant, chers collègues. Je constate ici une erreur d'impression qu'il va falloir corriger avant de continuer.

À nouveau, par souci de clarté, les articles 2 à 25 sont-ils adoptés?

Des voix: Oui.

Le président: Adoptés.

Le titre abrégé est-il adopté?

Des voix: D'accord.

Le président: Adopté.

Le titre est-il adopté?

Des voix: D'accord.

Le président: Adopté.

Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter le projet de loi à l'étude sans proposition d'amendement?

Des voix: D'accord.

Le président: Plaît-il aux honorables sénateurs que je fasse rapport du projet de loi à l'étude à la prochaine séance du Sénat?

Des voix: D'accord.

Le président: Chers collègues, le point suivant à l'ordre du jour est l'étude article par article du projet de loi C-250.

Plaît-il aux honorables sénateurs que le comité passe à l'étude article par article du projet de loi C-250 modifiant le Code criminel (propagande haineuse)?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.

Le président: Nous allons devoir voter, chers collègues.

Le sénateur Cools: Il faudrait peut-être en débattre auparavant?

Le président: Tout d'abord, commençons par vérifier que le sénateur St. Germain est membre du comité. Avez-vous été...

Le sénateur St. Germain: J'étais censé l'être.

Le président: Je vais vérifier auprès de la greffière. Quel est le statut officiel du sénateur St. Germain?

Mme Marcy Zlotnick, greffière du comité: Je n'ai rien ici.

Le président: Je ne vous empêcherai pas de prendre la parole, sénateur St. Germain, mais pour la tenue du vote, je tiens à savoir si vous êtes un membre substitut du comité.

Mme Zlotnick: Non.

Le président: Rien n'établit que vous l'êtes, mais manifestement, sénateur St. Germain, nous vous offrons la possibilité de faire des observations si vous le souhaitez.

Le sénateur St. Germain: Merci, monsieur le président. J'avais demandé que la bibliothèque nous renseigne sur l'interprétation et la définition véritable de l'expression «orientation sexuelle», renseignement que je n'ai pas reçu.

Pour être honnête, je reconnais que je ne suis pas un membre à temps plein du comité. Je dois assister aux séances de deux autres comités. J'avais demandé à la bibliothèque des renseignements, mais je n'ai...

Le président: Sénateur St. Germain, puis-je vous interrompre pour un instant? Les sénateurs ont-ils reçu de la documentation de la Bibliothèque du Parlement concernant la portée juridique de l'expression «orientation sexuelle»?

Des voix: Oui.

Le président: Tous les membres de votre côté de la table l'ont-ils reçue, sénateur Beaudoin?

Le sénateur Beaudoin: Que je sache, oui.

Le sénateur Cools: Je l'ai reçue et je l'ai même lue. Le hic, c'est que le document ne répond pas aux questions posées, ce qui a provoqué...

Le président: Sénateur Cools, pourrions-nous y revenir plus tard?

Le sénateur Cools: C'est ce que je suis en train de dire. Donc, j'ignore pourquoi il n'a pas reçu le document.

Le président: Je vais commencer par faire le point avec le sénateur St. Germain. Le document a été distribué, sénateur.

Le sénateur St. Germain: Il a été distribué et, vu que je ne suis pas membre du comité, je n'en ai pas reçu d'exemplaire, même si c'est moi qui l'ai demandé? J'aurais aimé le voir avant...

Le président: Vous l'auriez reçu conformément à votre demande si votre nom avait figuré sur la liste d'envoi. Le sénateur Beaudoin et d'autres l'ont certes reçu.

Le sénateur St. Germain: Il y avait aussi une note concernant des témoins additionnels que nous n'avons reçue qu'hier. Je ne sais pas si sa distribution a été retardée au bureau du whip ou s'il venait tout juste de la recevoir quand il me l'a transmise. Il faudrait que je vérifie auprès du whip, parce qu'il m'a informé, hier soir, que je serais membre avec droit de vote du comité dès aujourd'hui. Je tenais à avoir cette explication de la Bibliothèque — le document — avant d'aller plus loin.

Le sénateur Beaudoin: J'ai informé mon caucus mercredi — c'est-à-dire hier — que le projet de loi C-250 serait étudié. L'ordre du jour d'hier prévoyait clairement l'étude article par article du projet de loi C-16, ce qui est fait, et du projet de loi C-250.

Je devrais peut-être donner des explications, étant donné que quelque chose s'est produit. J'ai dit clairement qu'en tant que juriste, l'adoption du projet de loi ne me pose pas de problème. Le débat d'hier est très clair à ce sujet. Toutefois, je suis vice-président du Comité des affaires juridiques. Donc, pour une raison que nous comprenons tous, je me suis abstenu hier, de même que le sénateur Andreychuck, de voter lors de l'étude article par article.

Je suis vice-président, de sorte que je vais m'abstenir également aujourd'hui. En tant que juriste, je n'y vois pas de problème. Je représente mon caucus et, donc, je m'abstiendrai de voter. Je crois que c'est là la seule solution.

Le président: Je vous suis reconnaissant de cette déclaration officielle.

Sénateur Joyal, aviez-vous quelque chose à ajouter?

Le sénateur Joyal: Non, je souhaite simplement que le comité passe à l'étude article par article du projet de loi.

Le président: Il reste un point à régler. Si le sénateur St. Germain souhaitait faire une motion modifiant les instructions antérieures du comité et s'il était membre en règle du comité, il faudrait alors voter. Serait-ce là votre intention, sénateur St. Germain?

Le sénateur St. Germain: Oui. N'y a-t-il pas moyen de vérifier? La greffière pourrait-elle vérifier auprès du bureau du whip? Est-ce que je demande l'impossible?

Le président: On pourrait le faire.

Le sénateur St. Germain: Si j'avais été informé, je n'aurais pas poursuivi plus avant parce que je sais qu'il faut être membre permanent, monsieur le président. J'en ai été avisé hier soir.

Le président: Pouvons-nous aller aux sources, sénateur St. Germain — c'est assez simple. Sénateur Cools, je vois que vous levez la main. Aviez-vous l'intention de faire la motion au nom du sénateur St. Germain, au cas où il ne serait pas membre du comité?

Le sénateur Cools: Non, je n'ai pas l'intention de faire de proposition au comité, car je connais déjà la décision. J'ai assez de finesse pour savoir qu'il n'est pas sage de le faire. Je souhaiterais plutôt répliquer à nouveau au sénateur Beaudoin et parler de ce qui s'est passé hier soir.

Je fais remarquer encore une fois, puisque nous passons à l'étude article par article, que la décision d'hier soir a été prise dans des circonstances inhabituelles, si ce n'est étranges. C'est bien la première fois, depuis le temps que je suis ici, que le vice-président représentant le parti de l'opposition voit une de ses décisions plus ou moins rejetée sur la foi d'un entretien privé entre son leader adjoint et un sénateur. Dans ce cas-ci, il s'agissait du sénateur Joyal.

Le sénateur Joyal: Non, désolé. J'invoque le Règlement. Hier, nous siégions à huis clos, et je refuse que ce qui s'est dit à huis clos soit répété publiquement ou que des noms soient mentionnés. Sénateur Cools, malgré tout le respect que je porte à vos droits en tant que sénateur, ce qui se dit à huis clos demeure à huis clos.

Le sénateur Cools: Non, nous pouvons parler des décisions.

Le sénateur Joyal: Je ne suis pas opposé à ce qu'on parle des décisions,...

Le sénateur Cools: C'est ce dont je parle.

Le sénateur Joyal: ... mais il est interdit de nommer les intervenants et de dire ce qui s'est dit. Ce n'est pas la même chose.

Le sénateur Cools: Il n'y a pas de problème. Je peux parler sans nommer qui que ce soit. Soit dit en passant, ce n'est pas là tout à fait la raison d'être des délibérations à huis clos, mais peu importe. Le fait demeure qu'une décision a été prise hier, soit de tenir un vote sans avoir préalablement consulté comme il se doit l'opposition. Je redoute que cela n'établisse un précédent. Telles que je conçois les délibérations d'un comité, il faudrait que la présidence s'informe auprès du représentant de l'opposition au sein du comité de la position de celle-ci, soit, dans notre régime, auprès du vice-président. C'est là le processus à suivre.

Si le vice-président dit que des membres de son côté de la table souhaitent inviter plus de témoins, il faudrait alors ajouter foi à ce qu'il dit. Je ne crois pas qu'il soit convenable ou conforme au Règlement de rejeter sa demande sur la foi d'un entretien privé. Je l'affirme parce que j'ai été membre de l'opposition, contrairement à de nombreux libéraux ici présents. Je tiens à ce que vous sachiez que si cela s'était produit quand nous étions dans l'opposition, l'autre pari en aurait certainement entendu parler. J'estime qu'il faudrait examiner la question et en discuter ferme. Le président du comité est le représentant du parti ministériel. Le vice-président est le représentant de l'opposition. Je ne conteste pas la décision qui a été prise parce qu'elle serait demeurée la même, selon moi. Je ne m'en prends pas à cette décision. Par contre, je suis contre le fait que l'opinion du représentant de l'opposition ou de la personne de l'autre côté de la table ait été prise à la légère. J'espère avoir bien expliqué mon point.

Le président: Sénateur Cools, je vous suis reconnaissant de l'avoir fait. Le seul commentaire que j'aurais à faire, c'est que le président, le vice-président et les membres du comité, soit individuellement soit collectivement, prennent leurs instructions du comité. S'il décidait d'adopter un plan d'action particulier, le comité serait tenu de s'y conformer, à moins qu'une décision contraire ne soit adoptée. J'apprécie à sa juste valeur ce que vous avez dit au sujet du manque de clarté de la communication, mais le comité a adopté à la majorité une motion hier soir voulant que nous passions à l'étude article par article.

Le sénateur Cools: J'en conviens, mais c'est là la conclusion. Je parlais du processus qui a mené à la mise aux voix de cette motion et du vote qui a suivi. J'y vois deux points de vue légèrement différents. Je crois l'avoir bien fait comprendre. Je tenais à dire officiellement que le processus m'a déplu et que je ne l'approuvais pas.

J'aimerais aussi parler du fait que, lorsque moi ou quiconque cherche à se renseigner sur ces comités, sur la liste des témoins et des décisions prises à leur sujet, je suis constamment mise devant un fait accompli, une décision censée avoir été prise par le comité de direction. De ce que nous avons pu voir hier soir, la décision de mettre fin aux audiences n'aurait pu être prise par le comité de direction. La décision au sujet des futurs témoins n'aurait pas pu être prise par lui, parce qu'elle n'a pas semblé engager le vice-président du comité, qui fait aussi partie du comité de direction.

Moi-même, je ne suis jamais sûre des décisions qui ont été prises par le comité de direction et de celles qui ne le sont pas. Il me semble, monsieur le président, qu'il serait sage d'agir rationnellement, en fonction d'une série de principes bien définis que nous connaîtrions tous, que nous comprendrions bien et à la définition desquels nous aurions peut-être participé.

En guise de conclusion, je dirais que de nombreuses personnes souhaitent être entendues comme témoins et que le comité n'aurait pas eu à mettre très en frais pour en entendre quelques-uns. À vrai dire, je ne crois pas que nous ayons fait ce...

Le président: Je vous remercie d'avoir partagé avec nous votre opinion à ce sujet. Quant à votre premier point, le comité de direction a certaines responsabilités, mais à nouveau, tout comme le président, le vice-président et chaque membre du comité, le comité de direction doit respecter les souhaits du comité principal. Si la majorité des membres du comité estiment qu'il faudrait adopter un plan d'action particulier et que celui-ci ne coïncide pas avec les vues du comité de direction, le président, le vice-président et tout autre membre du comité, soit! C'est le principe à la base de la démocratie et du vote majoritaire.

Le sénateur Cools: On peut exprimer cela de cette façon. Si c'est l'opinion du comité, à ce moment-là, je vous dis bonne chance.

Le président: Merci.

Le sénateur Beaudoin: Le débat d'hier est terminé. Il a eu lieu à huis clos. J'ai réfléchi à la question. J'ai dit très clairement ce que pense. Je suis prêt à passer à l'étude article par article.

Le président: Merci. Sénateurs, souhaitez-vous que nous passions à l'étude article par article du projet de loi C-250?

Des voix: D'accord.

Le sénateur St. Germain: Je ne sais pas trop si je suis membre du comité. Avons-nous réglé cela?

Le président: Non. Le représentant du whip est ici. C'est un point important.

Le sénateur Cools: L'issue est connue. On peut être magnanime.

Le président: D'après le rapport du représentant du whip, vous n'êtes pas membre du comité.

Le sénateur St. Germain: D'accord. Je l'accepte. Il faudra que j'accepte cela aussi.

Le président: Le sénateur St. Germain n'a pas été remplacé en tant que membre du comité.

Le sénateur St. Germain: C'est mon jour de chance.

Le président: Plaît-il aux honorables sénateurs que le comité passe à l'étude article par article du projet de loi C-250, Loi visant à modifier le Code criminel (propagande haineuse)?

Des voix: D'accord.

Le président: Le titre est-il réservé?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Cools: Avec dissidence. Veuillez noter ma dissidence pour tout le reste également.

Le président: D'accord. L'article 1 est-il adopté?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Cools: Avec dissidence.

Le président: L'article 2 est-il adopté?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Cools: Avec dissidence.

Le président: Le titre est-il adopté?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Cools: Avec dissidence.

Le président: Êtes-vous d'accord, honorables sénateurs, pour adopter ce projet de loi sans amendement?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Cools: Avec dissidence.

Le sénateur Beaudoin: Compte tenu de ce que nous avons dit hier, je pense que le terme qu'il convient d'employer est «abstention».

Le président: Il sera noté au compte rendu que pour toutes les questions se rapportant à l'étude article par article, les sénateurs Beaudoin et Buchanan se sont abstenus.

Êtes-vous d'accord, honorables sénateurs, pour que je fasse rapport de ce projet de loi à la prochaine séance du Sénat?

Des voix: D'accord.

Le président: Nous allons maintenant commencer notre étude du projet de loi C-14, Loi modifiant le Code criminel et d'autres lois. Le ministre Cotler doit comparaître devant nous aujourd'hui, mais à cause d'un autre engagement, il ne sera là qu'autour de midi. Je propose que nous entendions d'abord les fonctionnaires du ministère. Lorsque le ministre arrivera, je lui donnerai l'occasion de faire un bref exposé, après quoi les sénateurs pourront l'interroger.

M. Donald K. Piragoff, sous-ministre adjoint par intérim, Division de la politique en matière de droit pénal et justice communautaire, ministère de la Justice du Canada: Honorables sénateurs, je ferai d'abord certaines observations concernant les amendements au Code criminel proposés dans le projet de loi C-14. Ensuite, Mme d'Auray discutera de certains amendements concernant la Loi sur la gestion des finances publiques.

Le projet de loi C-14 propose des amendements substantiels et administratifs. Dans tous les cas, les amendements visent essentiellement...

Le sénateur Joyal: Un instant. Il est plus facile pour nous de suivre lorsque nous avons le texte. Maintenant, nous devons écouter et prendre des notes.

Le président: Je vous demanderais de bien vouloir parler lentement dans l'intérêt des sénateurs et également des transcripteurs et des interprètes qui n'ont pas le texte.

M. Piragoff: J'aimerais commencer par discuter d'un amendement qui a reçu beaucoup d'attention à l'autre endroit, soit les trappes meurtrières. Les organismes d'exécution de la loi et d'autres, comme l'Association internationale des pompiers, rapportent depuis un certain temps déjà que les criminels organisés ont de plus en plus recours à des trappes meurtrières contre des agents d'application de la loi et des gangs rivaux pour protéger leurs opérations de production de drogue ou de culture de drogue, comme on les appelle couramment.

Parmi les exemples cités, mentionnons des planchers découpés tout près des portes, des armes, comme des arbalètes ou des fusils, qui tirent lorsqu'on ouvre la porte, ainsi que des bombes incendiaires destinées à détruire toute preuve d'activités de production de drogue. Ces activités sont souvent camouflées dans des quartiers résidentiels, ce qui a pour effet d'exposer à des risques accrus les intervenants de la première ligne, comme les policiers ou les pompiers qui répondent aux appels d'urgence.

L'utilisation accrue de trappes meurtrières dans ces lieux nous a amenés à réexaminer l'infraction relative à de tels dispositifs dans le Code criminel pour voir si l'on ne pourrait pas réagir aux façons nouvelles et de plus en plus sophistiquées dont on utilise ces trappes à l'heure actuelle. À la suite de cet examen, nous avons conclu qu'il était nécessaire de restructurer cette disposition à plusieurs égards.

À l'heure actuelle, aux termes de la disposition pertinente du Code criminel, est passible d'un emprisonnement maximal de cinq ans quiconque tend ou place une trappe ou un appareil avec l'intention de causer la mort ou des lésions corporelles à une personne.

La menace d'une peine d'emprisonnement de cinq ans peut être suffisante pour décourager et punir toute personne ordinaire tentée d'installer une trappe sur sa propriété — par exemple pour la protéger contre les visiteurs indésirables —, mais elle ne suffit pas dans les cas où des trappes meurtrières servent à protéger des activités criminelles comme la culture de la marijuana. Le projet de loi C-14 propose donc de créer une nouvelle infraction prévoyant des peines plus lourdes pouvant aller jusqu'à 10 ans d'emprisonnement pour quiconque place une trappe dans un lieu tenu ou utilisé en vue de la perpétration d'un autre acte criminel.

Advenant que la trappe placée dans un tel lieu cause des lésions corporelles à quelqu'un, il est proposé qu'un emprisonnement maximal de 14 ans soit applicable, par opposition à 10 ans lorsque la trappe est installée dans un autre lieu quelconque. Dans les cas où une trappe cause la mort, l'emprisonnement à perpétuité pourrait être imposé, indépendamment du lieu où elle était placée. Ces amendements visent à faire en sorte que les personnes qui installent des trappes en vue de protéger des activités criminelles soient assujetties à des peines d'emprisonnement plus lourdes qui reflètent la gravité des dommages causés.

Le projet de loi renferme également un certain nombre d'amendements administratifs. La majeure partie de ces amendements visent à supprimer certaines incertitudes juridiques ou à corriger des incohérences linguistiques. Je n'en mentionnerai que quelques-uns.

Ainsi, l'un de ces amendements aurait pour effet de préciser la législation concernant le recours à la force dans un aéronef en vol. Un examen de nos lois dans la foulée des attaques terroristes du 11 septembre 2001 a fait ressortir la nécessité d'apporter des précisions en ce qui concerne la force raisonnablement nécessaire que l'on peut employer à bord d'un aéronef en vol se trouvant dans l'espace aérien canadien. Les amendements proposés dans le projet de loi énonceront dans le Code criminel les principes de la Convention de Tokyo qui autorisent toute personne se trouvant à bord d'un aéronef en vol à employer la force raisonnablement nécessaire pour empêcher la perpétration de certaines des infractions criminelles susceptibles de compromettre la sécurité de l'aéronef ou des passagers se trouvant à bord.

Je tiens à souligner que les règles régissant le recours à la force ne changeront pas à la suite de l'adoption de ces amendements. Les dispositions proposées viennent simplement s'ajouter aux principes juridiques existants figurant déjà dans le Code criminel.

Grâce à une autre précision proposée dans le projet de loi, on veut s'assurer que les dispositions du Code criminel concernant les demandes de mandat de perquisition et de saisie d'armes à feu énoncent les exigences constitutionnelles relatives à l'égard de l'émission de tels mandats. Si cet amendement s'impose, c'est à la suite de la décision de la Cour d'appel de l'Ontario dans l'affaire R. v. Hurell, en juillet 2002. La Cour d'appel de l'Ontario a jugé que cette partie du Code doit énoncer clairement que la police doit avoir des motifs raisonnables de croire que les armes dont la liste figure sur le mandat se trouvent sur les lieux qui seront fouillés.

À l'origine, la Cour d'appel de l'Ontario a accordé six mois au gouvernement pour régler le problème lié à cette disposition. La Cour suprême du Canada a accepté d'entendre la cause et l'audience a été reportée à l'automne. Nous estimons qu'il serait préférable d'amender la loi comme le propose la mesure.

Le projet de loi C-14 renferme également un certain nombre d'amendements concernant le processus de détermination de la peine, en particulier pour s'assurer que l'expression «conditional sentence» est employée uniformément dans l'ensemble du Code. On aborde également certaines questions administratives concernant les ordonnances de probation.

L'autre proposition substantielle du projet de loi concerne la protection des ordinateurs contre des attaques électroniques. Le projet de loi C-14 propose un amendement qui précise qu'il est acceptable d'avoir recours à la technologie nécessaire pour protéger nos réseaux informatiques et nos systèmes d'information. Plus précisément, on stipule dans quelles conditions on peut recourir en toute légalité à une technologie susceptible de causer l'interception de communications privées. En outre, l'amendement en question établirait des paramètres applicables à toute personne susceptible d'intercepter des communications privées en assurant la gestion de son système informatique à des fins de contrôle de la qualité.

L'une des mesures de sécurité électronique les plus efficaces disponibles à l'heure actuelle est un système de détection d'intrusion, plus connu sous le sigle IDS. Les principaux atouts d'un système de détection d'intrusion sont la surveillance des anomalies, la détection de virus et le maintien de la sécurité et de l'intégrité de l'ordinateur.

Le recours à un système de détection d'intrusion afin de protéger un ordinateur contre les vers, les virus et d'autres problèmes de sécurité est une solution raisonnable et efficace. La plupart des Canadiens estimeraient sans doute que les gens ont le droit de protéger leur propriété et que cette mesure raisonnable devrait être reconnue par la loi.

Néanmoins, nous savons que certains de ces dispositifs de protection informatique sont susceptibles d'intercepter des communications privées. Lorsque cela se produit, il y a lieu de se demander si une infraction a été commise aux termes du Code criminel. Le gouvernement estime que des amendements sont nécessaires pour préciser que le recours à des systèmes de détection d'intrusion, IDS ou technologies analogues, n'est pas un acte criminel si l'on s'en sert pour assurer la protection et la gestion du service de l'ordinateur.

Il convient de noter que cet amendement est semblable aux exemptions qui existent déjà dans le Code criminel dans le contexte du secteur des télécommunications.

Le projet de loi précise également que les mesures en question s'appliquent tant au secteur public que privé. Pour ce qui est du secteur public, des amendements sont apportés à la Loi sur la gestion des finances publiques, et Mme D'Auray peut vous en expliquer la teneur.

Le sénateur Beaudoin: Je pose toujours la même question lorsqu'il s'agit d'intrusion dans la vie privée des citoyens. Cela est nécessaire, bien entendu, pour des raisons de sécurité. Dans une certaine mesure, il peut s'agir d'une violation du droit à la vie privée, mais l'article 1 de la Charte énonce très clairement qu'aucun droit n'est absolu et qu'il est acceptable de limiter un droit pour autant que cela soit raisonnable dans une société libre et démocratique. C'est au ministère de la Justice qu'il appartient de s'en assurer.

J'imagine que vous aviez cela à l'esprit lors de la rédaction du projet de loi.

M. Piragoff: Oui, sénateur. Le projet de loi a été rédigé en tenant compte de la Charte.

Je suis heureux que vous ayez soulevé la question du respect de la vie privée car à cet égard, il ne suffit pas simplement de trouver un équilibre entre la sécurité publique et le respect de la vie privée. Il faut également trouver un équilibre entre les divers paramètres du respect de la vie privée. Ainsi, il faut respecter le caractère privé du courriel d'une personne, mais également celui des renseignements personnels des Canadiens conservés dans les banques de données gouvernementales. Les mesures en question feront en sorte de protéger du piratage et des virus les données personnelles que détient le gouvernement sur les citoyens canadiens.

La question ne se résume pas à assurer la protection des systèmes informatiques par rapport à la protection de la vie privée. Il faut également respecter le caractère privé des renseignements personnels concernant les Canadiens que possède le gouvernement. On veut ainsi assurer un meilleur respect de la vie privée des citoyens et les protéger contre des pirates qui voudraient s'infiltrer dans les banques de données du gouvernement ou des banques de données privées — par exemple celles des sociétés de la Couronne.

Le sénateur Beaudoin: Dans un autre comité, nous étudions le fameux projet de loi C-7, qui est d'une grande importance. C'est le fils du projet de loi C-36. La Couronne ou l'administration a le droit de détruire certains documents qu'elle a obtenus. Je suis tout à fait d'accord avec cela. Un problème se pose, évidemment, lorsque nous communiquons des documents à d'autres pays. Parfois, on se demande s'ils détruisent aussi ces documents après un certain nombre de jours, comme nous le faisons nous-mêmes.

Nous n'en sommes pas sûrs, mais nous ne pouvons aller plus loin que cela.

Mais la mesure relève d'un contexte bien différent. C'est un autre domaine. Je crois savoir que vous conservez l'information que vous obtenez, recueillez, voyez ou recevez. Il n'y a pas vraiment d'intrusion permanente dans la vie d'une personne.

M. Piragoff: C'est exact, sénateurs. Cette disposition a été rédigée en consultation avec le commissaire à la protection de la vie privée. On trouve dans le projet de loi un article spécifique stipulant que toute information recueillie grâce à un système de détection d'intrusion ne peut être utilisée ou conservée que si elle est essentielle pour détecter, isoler ou empêcher des activités dommageables pour l'ordinateur ou encore, par exemple, si elle est nécessaire dans le cadre d'une enquête ou d'une poursuite au criminel. En l'absence de l'une ou l'autre de ces raisons, il est impératif de détruire ou d'éliminer l'information. Ce sont les paramètres qui limitent la capacité de conserver cette information, et cela est repris dans la Loi sur la gestion des finances publiques.

Le sénateur Beaudoin: Cela répond à ma question.

Le sénateur Baker: Nous avons récemment discuté ici de la nouvelle mesure législative en réponse à la corruption dans les institutions financières. Nous avons eu une discussion intéressante concernant les exigences relatives à l'émission de mandats de perquisition.

L'un des avocats qui a comparu devant le comité au nom de l'Association du Barreau canadien, si je ne m'abuse, avait représenté M. Hurrell dans l'affaire R. v. Hurrell, à laquelle vous avez fait référence tout à l'heure. Selon ce porte- parole de l'Association du barreau canadien, nous adoptons une mesure qui autoriserait l'émission d'un mandat appelé une «ordonnance de production» fondé sur des motifs raisonnables de soupçonner. D'après lui, ce serait une affaire lucrative pour lui étant donné qu'il pourrait se remplir les poches en contestant cette disposition au motif qu'elle constitue une violation de la Charte. Il a d'ailleurs remporté sa cause devant la Cour d'appel de l'Ontario dans l'affaire Hurrell en invoquant précisément cet argument. À la lumière de vos explications, je constate que l'on modifie l'article 117 du Code pour réagir à la décision de la Cour d'appel selon laquelle le fait d'avoir «des motifs raisonnables ou de soupçonner» n'est pas un motif suffisant pour émettre un mandat. J'imagine que vous allez changer cela pour «motifs raisonnables de croire». Cela vise-t-il un juge de la paix ou un juge? Je suppose que c'est un juge de la paix selon la définition figurant à l'article 2 du Code. Est-ce exact? Est-ce ce que vous faites? Vous modifiez le Code criminel pour vous conformer à l'arrêt de la Cour d'appel de l'Ontario dans l'affaire Hurrell.

M. Piragoff: Dans l'affaire Hurrell, la question n'était pas de savoir si le critère devrait être des motifs raisonnables de soupçonner ou des motifs raisonnables de croire. La disposition actuelle parle de «motifs raisonnables de croire». Cela dit, ce qui était en cause, c'est que la loi faisait uniquement état de motifs raisonnables de croire qu'une personne était en possession d'une arme à feu susceptible de présenter un danger pour la sécurité publique ou d'autres personnes. Il n'était pas stipulé que la police ou encore le juge de paix ou le juge émetteur du mandat devait également avoir des motifs de croire que l'arme se trouvait sur les lieux occupés par l'individu. Cela n'avait rien à voir avec le critère des motifs raisonnables de «soupçonner» par rapport à celui des motifs raisonnables de «croire»; on s'attachait surtout à ce qu'il faut croire.

Le sénateur Baker: Deux personnes doivent croire. Premièrement, l'officier de police assermenté qui doit avoir des motifs raisonnables de soupçonner ou de croire. Deuxièmement, le juge de la paix chargé d'émettre le mandat doit lui aussi avoir des motifs raisonnables de soupçonner ou de croire. Qui doit avoir cette conviction? Le juge de la paix, qui émet le mandat, ou l'agent de police, le déposant de l'information?

M. Piragoff: Selon le libellé de la disposition, il s'agit de la conviction qu'entretient le juge de la paix habilité à émettre le mandat. Ce dernier doit être convaincu par l'information soumise sous serment qu'il y a des motifs raisonnables de croire. L'agent de police fournit l'information en question au juge de la paix pour le convaincre.

Le sénateur Baker: Est-ce pour convaincre le tribunal?

M. Piragoff: Pour convaincre le juge.

Le sénateur Baker: Est-il exact que le policier doit avoir des motifs raisonnables de croire?

M. Piragoff: Le policier doit convaincre le juge, de sorte que le juge doit avoir des motifs raisonnables et probables de croire. Il va de soi que le policier ne fournirait pas au juge l'information en question à moins d'être convaincu de son bien-fondé.

Le sénateur Baker: Autrement dit, la décision dans l'affaire Hurrell et la décision prise ici de modifier l'article 117 du Code n'a rien à voir avec les motifs raisonnables de croire ou les motifs raisonnables de soupçonner, mais plutôt avec celle de savoir si la personne dont la propriété fait l'objet d'une fouille en vertu d'un mandat est véritablement en possession de l'arme précisée dans le mandat. Est-ce exact?

M. Piragoff: Sénateur, si vous voulez, je peux demander à ma collègue, Mme Besner, d'indiquer exactement ce que la décision du tribunal stipule parce qu'elle en connaît les détails.

Mme Julie Besner, avocate, ministère de la Justice du Canada: Si je peux apporter quelques précisions, la disposition actuelle, qui a été jugée inconstitutionnelle par la Cour d'appel de l'Ontario, comportait deux ou trois lacunes. Il fallait indiquer clairement que l'agent de la paix fournit des informations sous serment. C'est une chose qu'il fallait éclaircir, et c'est au sujet de ce que l'agent de la paix croit.

Le sénateur Baker: Un agent de la paix fait toujours des déclarations sous serment.

Mme Besner: Mais la disposition ne le précisait pas. C'était donc une lacune, et le procureur général de l'Ontario a essayé de montré que c'était implicite, mais la Cour d'appel de l'Ontario n'était pas de cet avis. La disposition devait indiquer de façon claire et explicite que l'agent de la paix doit déclarer sous serment qu'il a des motifs raisonnables de croire qu'il y a des armes à feu dans le lieu à perquisitionner, et que le juge de paix délivre le mandat sur la foi de ces renseignements.

Le sénateur Baker: Le seul changement proposé, alors, concerne le juge de paix. Il n'est pas question de celui qui dépose l'information présentée au juge pour obtenir un mandat, n'est-ce pas?

Mme Besner: Non, monsieur. Je crois que la correction qui est apportée vise à préciser que c'est effectivement l'agent de la paix qui a des motifs raisonnables de croire qu'il y a des armes à feu dans le lieu à perquisitionner, et il doit en convaincre le juge sous serment.

Le sénateur Baker: Je suis désolé de ne pas avoir examiné la question avant mais, si on se fie à ce qui est écrit, l'article dit:

Le juge de paix peut, sur demande de l'agent de la paix, [...] s'il est convaincu, sur la foi d'une dénonciation sous serment, qu'il existe des motifs raisonnables de croire [...]

C'est ce que dit le projet de loi, que le juge de paix, s'il est convaincu — et c'est la terminologie habituelle — «sur la foi d'une dénonciation sous serment, qu'il existe des motifs raisonnables de croire [...]» C'est le juge qui croit.

Le juge de paix ne peut pas délivrer un mandat parce que le policier a des motifs raisonnables de croire. Il le délivre après avoir examiné la preuve. Tous les juges de paix ont des modalités à suivre pour délivrer des mandats. La disposition précise que c'est le juge de paix qui doit avoir des motifs raisonnables de croire.

Je ne vois pas en quoi elle change la décision de la Cour d'appel, selon laquelle l'agent de la paix, qui fournit des informations sous serment, doit avoir des motifs raisonnables de croire. Il n'y a rien de changé. Il n'est pas du tout question de la déclaration sous serment de l'agent de la paix. Vous pourriez examiner la chose et nous envoyer une note à ce sujet.

C'est important parce que j'ai lu l'affaire Hurrell. La Cour d'appel de l'Ontario renvoie explicitement aux décisions de la Cour suprême du Canada depuis 1985 en disant qu'il faut avoir des motifs raisonnables de croire qu'une personne est en possession de certains objets avant de perquisitionner sa maison ou sa propriété. On est maître chez soi. Par conséquent, il faut absolument avoir des motifs raisonnables de croire.

M. Piragoff: Oui.

Le sénateur Baker: La Cour d'appel a examiné toute la documentation avant de se prononcer.

Monsieur le président, je m'excuse de parler aussi longtemps de cela. C'est une question secondaire qui a toutefois son importance. Comment déterminez-vous quelle disposition du Code criminel vous allez modifier pour respecter la décision de la Cour d'appel ou de la Cour suprême du Canada?

Nous avons vu la Cour suprême du Canada annuler des mandats délivrés par des cabinets d'avocats, par exemple, en vertu de l'article 488 du Code. La Cour suprême a stipulé ce qui va s'appliquer jusqu'à ce que la loi soit modifiée. Aucune mesure législative n'a été présentée à notre comité sénatorial permanent ou au comité de la Chambre des communes pour la modifier.

Tout à coup, la Cour d'appel de l'Ontario rend une décision il y a deux ans. Vous modifiez d'emblée la loi même s'il a été autorisé de contester la décision devant la Cour suprême. Vous n'attendez pas la décision de la Cour suprême sur le sujet. Vous changez la loi tout de suite. De toute évidence, le ministère de la Justice est d'accord avec la Cour d'appel de l'Ontario et n'attend pas la décision de la Cour suprême du Canada.

Comment faites-vous? Choisissez-vous au hasard de modifier telle disposition parce que la Cour d'appel a signalé qu'une loi était inconstitutionnelle? Avez-vous une façon de décider quel article du Code criminel devrait être modifié à la suite d'une décision de la Cour suprême du Canada?

M. Piragoff: Le projet de loi a d'abord été présenté au Parlement le printemps dernier. On avait alors l'occasion de corriger la loi de façon à ce qu'il n'y ait plus lieu de contester la décision devant la Cour suprême du Canada. Il a été jugé que la Cour d'appel de l'Ontario avait eu raison de rendre cette décision. La disposition était incomplète. Ce qui manquait dans la loi n'était pas, sénateur, ce dont vous avez parlé concernant les motifs raisonnables de croire, parce que cela se trouve déjà dans la loi. La loi prévoit qu'un juge doit décider.

Le sénateur Baker: Pas un juge, un juge de paix.

M. Piragoff: Oui. C'est dans la loi actuelle. Ce qui manquait dans la loi en vigueur, c'est le fait que le juge de paix devait être convaincu que l'arme à feu se trouvait sur les lieux.

Autrement dit, le juge de paix devait être convaincu que l'arme à feu se trouvait sur les lieux avant que l'agent de police soit autorisé à perquisitionner. Le policier ne pouvait pas décider de le faire. Il devait amener un juge de paix à décider qu'il y avait des raisons de croire que l'arme à feu se trouvait sur les lieux.

Le ministère a présenté cette modification dans le projet de loi parce qu'il pouvait éviter des procédures coûteuses devant la Cour suprême du Canada, qui avait un dossier très complet. Nous espérions que la disposition soit adoptée par le Parlement avant que la Cour suprême n'examine la question.

Au départ, l'affaire devait se régler au printemps. Le tribunal l'a reportée jusqu'à l'automne. Nous espérons toujours que le Parlement adopte la modification, de façon à ce qu'il ne soit plus nécessaire de contester la décision devant la Cour suprême. La Cour suprême pourra alors examiner des questions plus importantes.

Le sénateur Baker: Allez-vous répondre à ma question là-dessus?

M. Piragoff: S'il y a une façon de faire? Oui, sénateur. Nous étudions toutes les décisions de la Cour suprême du Canada qui ont une incidence sur la Charte, surtout si la Cour suprême déclare une disposition inconstitutionnelle. Nous devons ensuite déterminer si des modifications peuvent être prises pour corriger la disposition ou s'il faut proposer au Parlement un nouveau régime pour qu'il engage un dialogue avec le tribunal sur la façon de mettre en oeuvre une politique publique conforme à la Charte.

Le sénateur Baker: Pour ce qui est de l'article 488 sur les mandats de perquisition des cabinets d'avocats, n'a-t-il pas été annulé il y a quelques années?

M. Piragoff: Oui. La disposition qui existait a été annulée. Dans ce cas, la Cour suprême du Canada a aussi fourni des lignes directrices détaillées sur la façon de mettre en oeuvre sa décision. Le ministère travaille actuellement avec les barreaux pour élaborer un cadre législatif mettant en oeuvre la décision de la Cour suprême.

Cela a une grande incidence sur la participation des barreaux aux enquêtes. La question n'est pas facile parce qu'elle met en cause les ressources pour le compte des barreaux, par exemple.

Le président: Le ministre devrait arriver bientôt.

Le sénateur Harb: Si nous n'avons plus de questions à poser aux témoins, je propose qu'on réserve une belle surprise au ministre en commençant l'étude article par article du projet de loi.

Le président: Nous pouvons en faire la proposition au comité.

Des voix: D'accord.

Le sénateur Harb: Allons-y.

Le sénateur Baker: Je veux dire au témoin que le représentant du ministère, M. Wong, qui est assis à côté de l'opposition officielle, a fort bien réussi l'autre jour à défendre l'indéfendable.

Le président: Nous accueillons notre ami et collègue, l'honorable Irwin Cotler, ministre de la Justice. M. Cotler va faire une brève déclaration, après quoi il va répondre aux questions des sénateurs.

L'honorable Irwin Cotler, ministre de la Justice et procureur général du Canada: Merci, sénateurs. Je suis heureux de revenir vous rencontrer.

Le sénateur Smith: Nous sommes tellement accueillants.

M. Cotler: J'ai rencontré le Président Dan Hays à un petit déjeuner-prière national ce matin, et je lui ai dit comment je respectais le Sénat et son examen objectif des mesures prises à la Chambre, mesures dont je suis un peu responsable.

Je pense que M. Piragoff vous a expliqué le projet de loi, qu'on appelle parfois, pour résumer, le projet de loi sur les trappes. C'est un aspect important du projet de loi, mais il faut considérer cette mesure comme un genre de miniprojet de loi omnibus, à mon avis. Ce genre de projet de loi regroupe parfois des dispositions plutôt disparates, mais je dirais qu'il y a deux principes à la base de ce qui est proposé dans ce projet de loi. Le premier est ce que j'appellerais la protection de la sécurité publique et le deuxième la protection des droits des personnes. Je vais y revenir à la fin de ma déclaration.

[Français]

En plus de comprendre les modifications techniques, M. Piragoff vous a expliqué ce matin que le projet de loi C-14 propose quelques modifications de fond en matière de droit pénal. Une telle modification se retrouve à l'article 247 du Code criminel qui traite de l'infraction qui consiste à poser une trappe susceptible de causer la mort d'une personne. L'utilisation de trappes mortelles est un phénomène qui rend encore plus sérieuse les préoccupations face aux opérations de production de marijuana.

[Traduction]

Les policiers et les pompiers, les intervenants de première ligne, ont constaté que les groupes criminalisés tendent de plus en plus souvent des pièges mortels pour pouvoir s'adonner à des activités illégales.

[Français]

Le projet de loi propose d'augmenter les peines applicables à ceux qui tentent d'installer des trappes pour protéger des lieux ou afin de perpétrer d'autres actes criminels. En proposant des peines beaucoup plus sévères, le gouvernement entend démontrer qu'il prend au sérieux les activités criminelles dangereuses liées à la culture de la marijuana.

[Traduction]

En même temps, nous sommes d'accord avec le sénateur Nolin qui a dit, à propos du projet de loi, que des sanctions sévères ne régleraient pas tout le problème.

[Français]

Toutefois, les modifications proposées à l'article 247 visent, tout au moins, à assurer que des peines adéquates seraient prévues au Code criminel afin de répondre à la nouvelle menace à laquelle font face les intervenants de première ligne lorsqu'ils pénètrent dans un lieu muni d'une trappe susceptible de leur causer la mort.

[Traduction]

Il y a une autre proposition importante qui est faite dans le projet de loi C-14 et c'est celle qui modifie le Code criminel pour établir des paramètres en vue de protéger nos réseaux informatiques et nos systèmes d'information. Plus particulièrement, la modification précise qu'il n'est pas illégal de protéger son système informatique à l'aide de systèmes de détection des intrusions. Les informaticiens pourraient ainsi bien contrôler la qualité des systèmes informatiques. Les activités de détection des intrusions permettent d'assurer la circulation des communications ainsi que la sécurité et l'intégrité des systèmes informatiques et des données qu'ils contiennent. Autrement dit, les activités de gestion informatique visant à protéger les réseaux informatiques contre les vers, les virus et d'autres atteintes à la sécurité sont des activités légitimes et normales. Cependant, et il est important de le souligner, la modification est nécessaire parce que les communications privées pourraient être interceptées pendant ces activités. En effet, nous ne voulons pas incriminer ceux qui protègent en toute légitimité ce qui leur appartient à l'aide de moyens raisonnables, mais nous voulons aussi assurer la protection des renseignements personnels des Canadiens. C'est le genre d'équilibre que nous envisageons avec cette modification.

Ces propositions font suite aux exemptions du Code criminel à l'égard des personnes qui travaillent dans le secteur des télécommunications et, pour assurer que le gouvernement est autorisé à protéger ses systèmes, on propose également de modifier la Loi sur l'administration des finances publiques.

En somme, les mesures de nature technique et administrative que le miniprojet de loi omnibus propose peuvent sembler ne pas avoir de rapport entre elles, mais elles reposent toutes sur deux principes, celui de la protection de la sécurité publique et celui de la protection des personnes.

Permettez-moi de vous donner quelques exemples en terminant. L'infraction sur l'installation de trappes vise à protéger le grand public contre les actes criminels que ces trappes cherchent à cacher, comme les activités de culture de drogue et leurs liens avec le crime organisé, mais elle vise aussi à protéger la vie des intervenants de première ligne qui peuvent avoir à s'approcher d'habitations piégées pour protéger des activités criminelles. Le projet de loi est rendu nécessaire parce que ces actes criminels sont de plus en plus fréquents et qu'il est nécessaire de protéger la vie des intervenants.

Pour ce qui est des appareils de détection des intrusions, comme je l'ai dit, la modification vise à protéger l'intégrité des systèmes informatiques contre ceux qui veulent leur causer des dommages, mais elle vise aussi à protéger les renseignements personnels liés à la protection des systèmes d'information.

Le troisième exemple que je voudrais donner est celui d'un policier qui entre dans une résidence. On veut protéger l'intérêt public quand une personne possède une arme et peut s'en servir contre elle-même ou quelqu'un d'autre. On veut aussi s'assurer que le mandat de perquisition est délivré sur la foi de motifs raisonnables en vue de prouver qu'il y a infraction.

Pour ce qui est des dispositions concernant l'enquête préliminaire, elles semblent de nature administrative, mais visent en fait à assurer l'équité et l'efficacité du système de justice pénale.

Depuis les attentats du 11 septembre, la loi prévoit que certaines informations, comme l'identité d'un informateur, soient tenues secrètes. C'est peut-être un cas où nous sommes allés trop loin dans la foulée du 11 septembre. Fait intéressant, on n'a pas vraiment insisté là-dessus, mais c'est une correction qu'il faut apporter à la loi. Ce qui ne veut pas dire que les tribunaux ne peuvent pas tenir de séances à huis clos quand c'est préférable ou nécessaire, mais il n'y aura pas nécessairement de séances à huis clos quand ce n'est pas justifié et quand l'intérêt public serait mieux servi autrement. C'est une modification importante pour l'intérêt public qui, en même temps, protège la sécurité nationale. C'est la raison pour laquelle je pense que cette série de modifications de nature générale visent à protéger la sécurité publique et la sécurité des gens ainsi que les droits de la personne.

Le sénateur Kinsella: J'ai une question générale à poser au ministre. C'est toujours agréable de le rencontrer.

Êtes-vous satisfait de la formation et de la préparation de ceux qui vont s'occuper de la gestion des données de ce genre, pour ce qui est de la norme établie par la Charte des droits et libertés?

M. Cotler: Ceux qui me connaissent savent, et je vais tout vous dire, que je m'y connais très peu en informatique. Je ne sais pas comment les ordinateurs, le courrier électronique et les autres systèmes d'information fonctionnent. Si je peux alléger un peu la discussion, c'est un fait qui est devenu légendaire dans ma famille.

À trois ans, mon fils, qui en a aujourd'hui 17, semblait doué pour comprendre le fonctionnement de ces appareils, ce qui n'était pas mon cas. Un jour, il m'a demandé de l'aider à réparer le magnétoscope. Je lui ai répondu que je ne savais pas comment faire et, avec ce sourire espiègle qui fait sa marque de commerce, il m'a dit qu'il allait le réparer, qu'il voulait simplement que je le soulève pour qu'il puisse atteindre l'appareil.

Il serait donc présomptueux de ma part de répondre à une question technique de cette nature, car j'ai révélé au grand jour mes limites pour tout ce qui relève de la technologie. Je vais demander à M. Piragoff de répondre.

M. Piragoff: Merci, honorables sénateurs. Cette disposition est assortie de plusieurs sauvegardes afin que les personnes qui ont recours à des systèmes de détection d'intrusions, par exemple, agissent de manière raisonnable et nécessaire dans le contexte de la gestion de la qualité du service. Elle précise plusieurs facteurs qui permettent de définir ce que désignent la qualité du service et les facteurs de qualité tels que la réactivité et la capacité de l'ordinateur ainsi que l'intégrité et la disponibilité de celui-ci et des données. On retrouve également la disposition que j'ai portée à l'attention du sénateur Beaudoin un peu plus tôt aujourd'hui, selon laquelle toute information obtenue par suite de l'utilisation d'un système de détection d'intrusions ne peut être conservée ou utilisée que si elle est essentielle pour détecter, isoler ou empêcher des activités dommageables pour l'ordinateur, ou si elle s'impose à des fins d'enquête ou de poursuites pénales. Le projet de loi comprend des lignes directrices et des sauvegardes pour en restreindre l'utilisation.

Le sénateur Kinsella: Ces organisations ont des systèmes Internet assez vastes. Prenons l'exemple d'une organisation qui possède 5 000 ou 10 000 ordinateurs et où la direction des ressources humaines — ou une autre — a l'impression que beaucoup d'employés font un usage privé ou détourné du temps machine. Il existe maintenant des logiciels qui permettent aux organisations de déterminer à n'importe quel moment si leurs systèmes font ou non l'objet d'usage détourné. Le projet de loi prévoit-il une surveillance à cet égard, pour l'autoriser ou l'empêcher?

M. Piragoff: Dans le secteur privé, l'utilisation des ordinateurs par les employés est régie dans une grande mesure par les relations employeur-employé. L'employeur peut fixer certaines normes de service, certaines règles à propos de l'utilisation des systèmes informatiques comme, par exemple, dans quelle mesure ils peuvent être utilisés à des fins personnelles. Les employés du secteur privé peuvent convenir avec leur employeur que pour utiliser le système informatique, ils doivent respecter certains règlements, y compris accepter que l'employeur ait la capacité de s'assurer que le matériel, qui est la propriété de l'employeur, est utilisé correctement et aux fins pour lesquelles il a été confié aux employés. Mme d'Auray peut parler des mesures prises par le gouvernement du Canada pour s'assurer que les fonctionnaires utilisent correctement les systèmes informatiques.

Mme Michelle d'Auray, dirigeante principale de l'information, Secrétariat du Conseil du Trésor: Honorables sénateurs, en ce qui concerne la formation des spécialistes qui vont utiliser ces systèmes et technologies, le Secrétariat du Conseil du Trésor va établir des lignes directrices très claires. Ceux qui vont surveiller et utiliser ces technologies auront subi un contrôle sécuritaire approprié et suivi une formation adéquate. Des lignes directrices strictes préciseront l'information qui peut ou ne peut être conservée, ainsi que les mesures et mécanismes permettant de le faire. Comme M. Piragoff l'a expliqué, c'est différent des mesures que les employeurs peuvent adopter pour vérifier si le matériel est utilisé excessivement à des fins personnelles ou entraîne des comportements qui ne sont pas tolérés en milieu de travail.

Ces questions ne sont pas traitées ici, elles le sont à part. Il s'agit véritablement de trouver un moyen de protéger les systèmes informatiques ainsi que l'intégrité des réseaux de toute attaque malveillante.

Le sénateur Kinsella: C'est en quelque sorte une question de principe. Un de nos collègues a présenté un projet de loi au Sénat relatif à la diffusion de messages non sollicités. Le gouvernement se penche-t-il sur ce problème, et pas seulement en tant qu'employeur? Je suis sûr que dans votre propre bureau, votre personnel ne manque pas de signaler qu'il retrouve énormément de messages non sollicités dans votre système et que s'en débarrasser prend beaucoup de temps. Le gouvernement envisage-t-il une mesure législative dans ce domaine?

M. Cotler: Industrie Canada est le premier ministère à se pencher sur cette question. Nous examinons les deux aspects liés à la protection de l'intégrité du système informatique et, comme nous l'avons indiqué, à la protection du droit à la vie privée. En d'autres termes, la législation proposée vise à clairement préciser le pouvoir légal du gouvernement fédéral de protéger ses systèmes et ses données informatiques en prenant des mesures de détection d'intrusions.

Les modifications visent également à permettre aux particuliers de protéger leurs ordinateurs de communications électroniques susceptibles de donner lieu à des activités dommageables pour leurs systèmes. Comme nous l'avons dit, il est nécessaire de prévoir des activités de surveillance pour protéger l'intégrité des systèmes et assurer la continuité du service.

Alors que des communications privées sont interceptées dans le but de protéger un système informatique de toute activité dommageable et au cours de ce processus de protection, elles ne peuvent être utilisées que si elles sont essentielles pour détecter, isoler ou empêcher toute activité dommageable pour les systèmes informatiques, ou comme l'autorise le Code criminel. Votre question initiale à ce sujet portait sur le fait que les ministères fédéraux doivent user de ce pouvoir de manière cohérente et conformément à la Loi sur la protection des renseignements personnels et à la Charte canadienne des droits et libertés. Comme l'a indiqué Mme d'Auray, le Secrétariat du Conseil du Trésor prépare maintenant des normes et des lignes directrices à cet égard.

J'ajouterais que la commissaire à la protection de la vie privée a été consultée à propos de cette série de modifications et de dispositions. Mme Stoddart est informée de ce qui se fait ici à propos de la protection de la vie privée et a donné son accord.

Le sénateur Smith: Il y a un sujet qui m'intéresse et peut-être pourrais-je poser mes questions à vos fonctionnaires surtout, puisque vous avez parlé de votre analphabétisme informatique. Les dispositions présentées me conviennent en gros, et je suis moi-même assez analphabète en matière d'informatique, même si jusqu'à tout récemment, j'étais à la tête d'un grand cabinet d'avocats possédant plus de 1 500 systèmes informatiques dans 7 villes.

Êtes-vous satisfait des dispositions du code relatives aux virus informatiques malveillants qui peuvent littéralement coûter des milliards de dollars, et pensez-vous que les peines prévues soient adéquates? Le coût en a été inimaginable au cours de l'année écoulée seulement.

Croyez-vous que les dispositions s'attaquent à ce problème d'actualité?

M. Cotler: Les dispositions se retrouvent dans le Code criminel depuis le milieu des années 80. La gravité du problème a été reconnue, comme en témoignent les produits antivirus, les pare-feux et maintenant, les systèmes de détection d'intrusions qui permettent d'alerter tout opérateur d'activité inhabituelle sur un système informatique. Toutefois, le cadre pénal relatif à la gravité de l'acte se trouve déjà dans le Code criminel.

M. Piragoff: Des dispositions promulguées dans le Code criminel en 1985, comme vient de le dire le ministre, visent l'accès non autorisé aux systèmes informatiques, ainsi que les activités dommageables pour les données et l'obstruction ou l'empêchement non autorisé de l'utilisation des données ou des systèmes.

Le sénateur Smith: Les résultats en sont-ils probants?

M. Piragoff: Les peines sont lourdes, la peine maximale représentant 10 ans d'incarcération. Des poursuites ont déjà été intentées dans notre pays en vertu de ces dispositions.

M. Cotler: La raison d'être de cette mesure législative proposée c'est, entre autres choses, d'englober les progrès de la technologie et de faire en sorte que le cadre du Code criminel, qui renvoie parfois aux téléphones, soit perfectionné pour prendre en compte les technologies les plus nouvelles. Comme on le dit souvent, la science progresse à toute vitesse tandis que la loi reste à la traîne. Là encore, les scientifiques l'emportent sur les juristes. Nous voulons que la loi rattrape la technologie dans ce domaine.

Le sénateur Smith: Je voulais juste vous entendre dire que même si elles ont été rédigées il y a quelque 20 ans, ces dispositions vous semblent toujours convenir. Les Américains n'ont-ils pas apporté des changements pour alourdir les peines?

M. Piragoff: Ce n'est pas nécessairement la définition des infractions qui pose problème; il s'agit plutôt de faire en sorte que les forces policières aient la capacité juridique et technique de mener des enquêtes, surtout au sujet de systèmes nationaux ou internationaux. Ce sont les questions que le ministère examine pour faire en sorte que les pouvoirs juridiques d'enquête sont adéquats. Le ministère procède à un examen de concert avec le ministère de l'Industrie et le ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile.

Le sénateur Jaffer: Bienvenue, monsieur le ministre. C'est avec plaisir que je vous ai entendu parler des audiences secrètes obligatoires, car, comme vous le savez, les juges n'en sont pas très satisfaits non plus.

Pourriez-vous expliquer comment le processus va fonctionner pour que je puisse bien le comprendre? Parlez-vous de l'article 18 qui est proposé à la page 10 ou de la page suivante? À quels articles proposés renvoyez-vous?

M. Cotler: Nous renvoyons à l'article 18 proposé à cet égard. Il s'agit de l'abrogation de l'article 37.21 de la Loi sur la preuve au Canada. Vous avez raison, il s'agit de l'article 18 et des articles suivants du projet de loi.

Le sénateur Jaffer: Est-ce que c'est le même juge qui entendrait l'affaire ou serait-elle examinée par le pouvoir judiciaire? Qui voit le certificat? Faudra-t-il tenir une audience obligatoire? Comment envisagez-vous ce processus?

M. Cotler: Deux questions distinctes se posent. Il s'agit de la question de la nature obligatoire de l'audience. Nous abrogeons en fait la disposition de la Loi sur la preuve au Canada qui l'aurait rendue obligatoire.

Pour ce qui est du juge pertinent, cet élément ne fait pas partie du projet de loi; la question est traitée ailleurs dans le Code.

Le sénateur Jaffer: Ai-je raison de croire qu'actuellement le juge peut décider si l'audience doit être secrète ou non?

M. Cotler: Cette modification traite d'un aspect très particulier de la nature obligatoire d'une audience. Une question plus vaste se pose ici et je crois que c'est ce dont vous voulez parler, sénateur Jaffer. On peut en examiner plusieurs parties. J'ai renvoyé l'article 4 de la Loi sur la protection de l'information au Comité de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes pour qu'il en fasse un examen, puisque cet article se rattache à toute la question de la sécurité nationale versus les libertés fondamentales comme la liberté de la presse et la question de la divulgation. J'imagine que d'autres parties seront examinées au cours de l'automne 2004, au moment de l'examen obligatoire du projet de loi C-36 prévu au terme de trois ans. Cela nous permettra d'examiner de manière nécessaire et globale la Loi antiterroriste au bout de trois ans. Il faudra que l'on se demande quel était l'objet de la loi.

A-t-elle répondu aux attentes? A-t-elle été préjudiciable du fait qu'elle a pu cibler des particuliers qui ont fait l'objet de traitements différenciés et discriminatoires? Il s'agit d'apaiser les inquiétudes, par exemple, des minorités visibles représentatives sur lesquelles la loi risque d'avoir eu des conséquences et des effets fortuits.

Nous avons essayé à cet égard d'établir un dialogue constant avec les groupes de consultation représentant les minorités ethniques, raciales et religieuses pour leur demander, si à leur avis, la loi, telle qu'elle est appliquée, est efficace et juste. En même temps, nous posons à nos agents d'exécution de la loi les mêmes genres de questions et ils ont suivi une formation pour faire en sorte que la loi soit exécutée et appliquée de manière équitable, compatible avec nos responsabilités prévues en vertu de la Charte.

Pour ce qui est des détails, des éléments relatifs à la sécurité nationale et aux audiences à huis clos et cetera, nous rédigeons une modification particulière visant à diminuer le caractère obligatoire d'une audience à huis clos afin de permettre aux juges d'exercer leur pouvoir discrétionnaire pour ordonner la tenue d'une telle audience, s'ils le jugent pertinent, sans qu'ils ne soient obligés de l'ordonner, comme l'exige actuellement la Loi sur la preuve au Canada.

Il s'agit essentiellement d'une mesure permettant de corriger le projet de loi C-36 dont la portée s'est révélée trop vaste, devançant en quelque sorte l'examen actuel relatif à l'article 4 de la Loi sur la protection de l'information, l'ancienne Loi sur les secrets officiels, et l'examen général de l'automne prochain. C'est un genre de correctif en cours de route.

Le sénateur Jaffer: Je tiens à vous féliciter à ce sujet; c'est une information importante pour les minorités ethniques.

Je sais que vous n'avez pas cette information ici, mais selon l'un des engagements pris à l'égard des minorités ethniques, un comité consultatif devait être créé en vertu du projet de loi C-36. J'ai envoyé de nombreuses lettres à votre ministère et je ne sais toujours pas si un tel comité consultatif existe ou non. Je vous remercierais de bien vouloir envoyer ces détails à la présidence. Nous n'avons pas de comité particulier chargé du projet de loi C-36, si bien qu'il nous serait utile d'avoir cette information.

M. Cotler: J'ai moi-même essayé de rencontrer des représentants des groupes ethniques et lundi, par exemple, j'ai rendez-vous avec des représentants de la Fédération canado-arabe.

Le projet de C-36 m'intéresse dans la perspective d'une loi sur la sécurité humaine. Tout d'abord, la loi et la politique antiterroristes visent à protéger la sécurité d'une démocratie ainsi que les droits fondamentaux de ses habitants — droits à la vie, à la liberté et à la sécurité personnelle. Nous partageons le même intérêt à ce sujet, que nous appartenions à une minorité visible ou non.

Ensuite, elles visent également à protéger les minorités visibles de tout traitement différencié et discriminatoire. Là encore, pour ce qui est de l'exécution et de l'application de cette loi, on en revient au concept de citoyenneté commune qui permet de susciter un sentiment d'adhésion à cette mesure législative assimilée à une loi sur la sécurité humaine, soulignant ainsi l'importance de la notion de protection commune.

La pire chose qui pourrait arriver, ce serait que cette loi finisse par diviser les gens au lieu d'être comprise comme reflétant et représentant notre engagement commun à la sécurité humaine sous tous ses aspects.

Le sénateur Joyal: Bienvenue, monsieur le ministre. Je ne peux vous dire jusqu'à quel point je suis ravi que vous soyez le procureur général du Canada au moment où se déroule l'examen du projet de loi C-36.

Ce que vous venez de souligner par rapport à la loi — et je vois notre collègue, le sénateur Kinsella, en face — correspond aux questions que nous avons soulevées au comité spécial chargé d'examiner le projet de loi. Ce qui nous inquiétait beaucoup, c'était que le projet de loi était allé trop loin, puisqu'il avait été adopté au pire moment et ne pouvait pas vraiment faire l'objet d'un débat objectif et rationnel, puisque tout le monde se considérait menacé. Comme vous le savez, compte tenu des événements tragiques qui s'étaient produits, la population semblait être prête à renoncer à de nombreux aspects de la protection de la vie privée et au droit d'avoir des opinions différentes au sein d'une démocratie. C'est exactement ce dont vous venez de parler.

J'espère sincèrement que le processus d'examen de cette mesure législative sera très ouvert, étant donné que dans tous ces genres de mesures législatives, on retrouve toujours ce que j'appelle «une loi à la conséquence inattendue». L'objectif en est solide et elle bénéficie d'un appui écrasant, mais en réalité, une fois mise en oeuvre, certains en paient le prix. Je crois que le sénateur Jaffer a servi de porte-parole aux gens qui ont été ciblés.

Nous comprenons que le racisme est un aspect important de notre société, comme vous l'avez dit vous-même le week-end dernier à Montréal, au même titre que ce que j'appelle la «discrimination sociale». Des groupes dans la société qui sont vus comme mettant en danger la vie et la liberté d'autres sont ciblés. Je pense qu'il s'agit d'une préoccupation importante commune à nous tous, membres du comité, alors que nous examinons cette mesure législative. Je vous félicite d'entamer le processus d'examen.

J'espère qu'il ne sera pas précipité, contrairement au projet de loi C-36 qui l'a été. Je me rappelle très bien que nous avions un délai à respecter — je crois que c'était le 14 décembre — pour adopter ce projet de loi. Des préoccupations légitimes s'étaient exprimées au sujet des pouvoirs extraordinaires conférés aux ministres, sans contrôle judiciaire, à propos de l'émission de certificats, et cetera. Je ne fais pas un procès d'intentions, mais c'est en fait la façon dont fonctionne le système.

C'est la raison pour laquelle, pour revenir à ce projet de loi, je suis préoccupé par le fait que le Conseil du Trésor veuille élaborer des lignes directrices. Le Conseil du Trésor est une unité administrative du gouvernement, il n'en est pas le conseiller juridique. Si les lignes directrices du Conseil du Trésor, comme l'a indiqué Mme d'Aurey, vont préciser ce qui est autorisé en vertu du Code criminel, nous devons être raisonnablement convaincus qu'elles respecteront les exigences de la Charte.

Le critère à respecter dépasse le nécessaire et le raisonnable; il est très clair en ce qui a trait à l'obligation contraignante de satisfaire aux trois éléments de toute intrusion dans la vie privée.

J'aimerais savoir dans quelle mesure le ministère de la Justice va participer à la rédaction des lignes directrices du Conseil du Trésor pour faire en sorte qu'elles soient compatibles avec les dispositions de Charte.

M. Cotler: Permettez-moi de répondre à quelques-uns de vos commentaires et sujets d'inquiétude généraux; pour ce qui est du rôle particulier que va jouer le ministère de la Justice au sujet des lignes directrices du Conseil du Trésor, je laisserais Mme d'Auray répondre, même si je me propose d'en parler aussi.

Ce que vous dites au sujet de l'ouverture du processus d'examen est bien noté. Le travail et les délibérations de l'autre endroit montreront que lorsque le projet de loi C-36 a été présenté le 15 octobre 2001, j'ai pris la parole à la Chambre le 16 octobre 2001 pour préciser neuf grands secteurs préoccupants en matière de libertés civiles.

Le projet de loi a ensuite été renvoyé au Comité de la justice et des droits de la personne auquel je siégeais à l'époque et nous avons entendu des témoins de divers groupes pendant six semaines. Quelque six initiatives que j'avais proposées avec d'autres ont été adoptées, et elles ont permis d'améliorer le projet de loi.

En même temps, d'autres initiatives qui avaient été proposées, par moi-même dans le cas de certaines, n'ont pas été adoptées. J'ai fait part de mon point de vue à ce sujet dans plusieurs de mes écrits, dont un article en particulier. Bien que je ne veuille pas en imposer la lecture à qui que ce soit, permettez-moi d'en parler; il s'agit d'un article publié dans le National Journal of Constitutional Law, intitulé «Terrorism, security and rights: dilemma of democracies».

Le sénateur Joyal: Je l'ai lu.

M. Cotler: C'est un dilemme auquel nous continuons d'être confrontés. Nous devons trouver l'équilibre adéquat entre sécurité et droits. De mon point de vue, ce n'est pas uniquement une question de sécurité par rapport aux droits, mais plutôt une question de sécurité humaine comme fondement à la protection de la sécurité de la démocratie et des droits de la personne.

L'examen de novembre devra en tenir compte. Comme vous l'avez dit à propos des critères de l'arrêt Oakes, qui ont été perfectionnés après les critères de l'arrêt Dagenais, toute restriction imposée à un droit prévu par la Charte, comme vous le savez mieux que moi, sénateur, doit être raisonnable, manifestement justifiée et compatible avec les mesures que prendrait une société libre et démocratique. J'ajouterais que la restriction doit également être compatible avec nos responsabilités internationales. L'application du droit international au droit national, que vous avez examinée en tant que comité sénatorial, est une autre dynamique qu'il faut prendre en compte.

En tant qu'administrateur des lois, le ministère de la Justice doit faire en sorte que toute mesure législative, tout règlement de politique et de programme, soit examiné par rapport aux exigences de la Charte. Nous faisons ce genre de travail préemptif, correctif pour que les lois respectent la Charte des droits et libertés. Il s'agit du travail constant du ministère de la Justice qui, chaque jour, a la responsabilité d'assurer la conformité à la Charte de tout texte législatif proposé. Mon ministère et moi-même en particulier, en ma qualité de procureur général du Canada et de conseiller juridique auprès de l'État, devons prendre cette responsabilité avec sérieux.

Mme d'Auray: Les lignes directrices sont rédigées avec le ministère de la Justice et en consultation avec le Commissariat à la protection de la vie privée. Les règles seront très claires quant aux dispositions et aux obligations juridiques. Le projet de loi dont est saisi votre comité renferme quelques contraintes et limites quant aux utilisations des dispositifs de détection d'intrusions; les données ne peuvent être conservées que dans le but de les transmettre des informations aux autorités compétentes ou dans le cadre d'enquêtes en cours.

Le sénateur Joyal: De quelle façon le Parlement sera-t-il informé de ces projets de règlement? Si je comprends bien, nous aurons la possibilité de faire des commentaires à leur sujet.

Mme d'Auray: Les lignes directrices sont prévues sous le régime de la Loi sur la gestion des finances publiques. Dans ce sens, il ne s'agit pas de règlement, mais c'est avec plaisir que nous en transmettrons l'ébauche à votre comité.

Le sénateur Joyal: Si je comprends bien la loi, le règlement doit faire l'objet d'un examen préalable par le comité mixte des deux Chambres. Si je ne me trompe, le sénateur Bryden est membre de ce comité. Les lignes directrices n'apparaissent pas sous la rubrique «règlement», comme vous le dites, monsieur le ministre, et ce qui me préoccupe, c'est la vérification de conformité avec la Charte. En tant que parlementaires, nous n'avons pas la capacité d'ajouter de «notes circulaires ou administratives» dans le contexte du processus parlementaire. C'est notamment le cas de notre comité qui tient absolument à ce que les lignes directrices relatives à la protection de la vie privée, qui est un élément essentiel de la Charte, soient respectées. Si vous voulez bien envoyer cette ébauche de règlement à notre comité, nous pourrions décider d'une procédure à suivre pour leur examen. Peut-être le comité entendra-t-il les témoins voulus pour être convaincu que les lignes directrices peuvent résister à toute vérification de conformité avec la Charte. Pouvez-vous répondre à cette question?

Mme d'Auray: Je me ferais un plaisir de transmettre l'ébauche des lignes directrices au comité à des fins d'information. Comme vous l'avez dit, sénateur Joyal, il ne s'agit pas d'un règlement dans le sens où il ne fait pas l'objet d'une approbation au cours d'un processus réglementaire et où il ne découle pas d'une loi. Je me ferais certainement un plaisir de les envoyer au greffier du comité ou au président, à titre d'information.

Le sénateur Joyal: J'ai une dernière question. En 1999, le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense a fait des observations et des recommandations au sujet de la nécessité d'examiner notre approche en matière d'informatique et de sécurité. Lorsque le ministère de la Justice a rédigé le projet de loi C-14, a-t-il pris ces recommandations en compte?

Mme d'Auray: Oui.

M. Piragoff: Mme d'Auray peut le dire.

[Français]

Mme d'Auray: Nous avons effectivement tenu compte des recommandations. Les mesures que nous proposons ne découleraient pas, de fait, directement des recommandations du rapport mais d'une panoplie d'indications et de mesures, y compris les recommandations que nous a faites la vérificatrice générale concernant la sécurité des TI au sein du gouvernement du Canada. Ce sont des mesures pour protéger les systèmes et reconnaître dans la loi la nécessité de protéger nos systèmes. Elles font partie des raisons pour lesquelles le ministre avance ces propositions.

Comme le ministre l'a également indiqué, c'est pour tenir compte des besoins de protéger les données que le gouvernement du Canada retient au nom des citoyens et citoyennes du pays. C'est surtout en fonction du nombre à la hausse des intrusions et des virus. Notre responsabilité, comme le comité l'avait indiqué, est d'assurer l'intégrité des données de nos réseaux pour protéger la vie privée et les données que le gouvernement du Canada détient au nom des citoyens et des citoyennes.

Il y a une autre série de mesures que nous avons prises au cours des années pour renforcer la capacité des agences spécialisées dans le domaine qui nous aident et qui appuient le ministère. Ces mesures, leur mise en place, la formation du personnel et ce que j'appellerais la certification des technologies, nous permettent d'être beaucoup plus efficaces dans nos mesures de protection.

Le sénateur Joyal: On peut s'attendre que dans le rapport de la vérificatrice générale, publié le 30 si je me souviens bien, sur l'efficacité des systèmes de sécurité au Canada, dans la coordination générale de la réaction aux événements du 11 septembre, cette partie devrait recevoir des commentaires positifs?

Mme d'Auray: Je ne voudrais pas présumer du rapport comme tel, mais je sais que de façon beaucoup plus pointue le bureau de la vérificatrice générale doit faire un examen subséquent à son premier rapport sur la sécurité des TI. Elle fait un suivi au sein du gouvernement, qui devrait commencer sous peu. Il y aura un rapport très pointu sur cette question, qui, à ma connaissance, ne fait pas partie de ce qui sera déposé la semaine prochaine.

Le sénateur Joyal: Donc, c'est un engagement que vous avez déjà avec la vérificatrice générale pour vous assurer de l'intégrité du système en ce qui concerne la protection et la sécurité des données dont le Canada dispose sur ses citoyens.

Mme D'auray: C'est exact.

Le sénateur Joyal: Autant pour assurer leur vie privée que le transfert de données à des personnes qui voudraient les utiliser à des fins de terrorisme ou d'autres crimes?

Mme d'Auray: On ne présume pas nécessairement de l'utilisation subséquente, mais les mesures que nous prenons visent à protéger l'intégrité et à prendre toutes les mesures nécessaires pour faire en sorte que cela soit respecté.

Le projet de loi propose de nous permettre de transmettre aux autorités appropriées certaines informations lorsque celles-ci nous permettraient de prévenir ce genre d'intrusion ou d'activités criminelles.

Le sénateur Joyal: Combien de temps le vérificateur général a-t-il prévu pour satisfaire les objectifs de l'étude?

Mme d'Auray: Je ne peux pas répondre à cette question. Il serait préférable que vous communiquiez avec son bureau. On nous a laissé entendre, par communication officielle, que son bureau entreprendrait l'étude sous peu, toutefois aucune date n'a été donnée.

[Traduction]

Le sénateur Joyal: Si vous permettez, j'aimerais revenir rapidement à l'observation du ministre Cotler au sujet du projet de loi C-36. J'aimerais certainement lui mentionner les observations importantes du juge en chef de l'Ontario, le juge McMurtry, qui datent de décembre, à propos des suites du 11 septembre, ainsi que du rôle du Parlement pour ce qui est de la protection des citoyens dans le domaine de la sécurité en vertu de la Charte et du critère de proportionnalité.

Le juge McMurtry a fait ces observations au cours d'une allocution qu'il a prononcée devant le Cercle canadien à Toronto, au début décembre. Ces commentaires reflètent de manière importante le point de vue du pouvoir judiciaire à l'égard de la Charte et de la sécurité.

En tant que parlementaires, nous devrions adopter une approche globale quant au processus de l'examen du projet de loi C-36.

M. Cotler: Merci, sénateur. Je suis au courant des observations du juge en chef McMurtry, puisque j'y ai fait allusion dans mes propres discours, ainsi que lorsque j'ai parlé du critère de proportionnalité par rapport au projet de loi C-36 et à certains des principes relatifs aux droits des minorités qu'on y retrouve. J'attends avec impatience l'examen qui aura lieu en novembre prochain à cet égard.

Je sais également que la vérificatrice générale consacre apparemment un chapitre de son prochain rapport aux questions de sécurité nationale et examine notamment si la sécurité nationale est protégée à cet égard. Nous devons toujours prendre en compte le rapport qui existe entre sécurité et droits.

J'aimerais remercier le président du comité de m'avoir offert la possibilité de comparaître devant vous. Le débat a été intéressant, non seulement à propos des modifications importantes, qui sont parfois considérées comme administratives ou techniques, mais aussi parce que nous avons examiné les questions sous l'angle du principe.

Ce qui semblait un projet de loi inoffensif et non controversé — à des fins de promulgation — comporte quelques dimensions importantes que nous avons examinées ensemble ce matin. Merci de nous en avoir donné l'occasion.

Le président: Monsieur le ministre, au nom du comité, je vous remercie, ainsi que vos fonctionnaires, d'avoir pris le temps de venir aujourd'hui nous faire part de vos points de vue, de vos préoccupations et de l'information dont vous disposez.

Collègues, avec votre consentement, nous procéderons à l'étude article par article de ce projet de loi à la prochaine séance. Êtes-vous d'accord?

Des voix: D'accord.

La séance est levée.


Haut de page