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Délibérations du comité sénatorial spécial sur la
Loi antiterroriste

Fascicule 19 - Témoignages - Séance de l'après-midi


OTTAWA, le lundi 14 novembre 2005

Le Comité sénatorial spécial sur la Loi antiterroriste se réunit aujourd'hui, à 13 h 50, pour procéder à un examen approfondi des dispositions et de l'application de la Loi antiterroriste (L.C. 2001, ch.41).

Le sénateur Joyce Fairbairn (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Honorables sénateurs, je déclare ouverte la quarante-deuxième séance du Comité sénatorial spécial sur la Loi antiterroriste au cours de laquelle nous allons entendre des témoins. Pour nos téléspectateurs, je vais expliquer le mandat du comité.

En octobre 2001, en réaction directe aux attentats terroristes survenus à New York, à Washington et en Pennsylvanie, et à la demande des Nations Unies, le gouvernement canadien a présenté le projet de loi C-36, la Loi antiterroriste. Étant donné l'urgence de la situation à l'époque, on avait demandé au Parlement d'étudier rapidement ce projet de loi, ce que nous avons accepté de faire. L'échéance pour l'adoption de cette mesure législative avait été fixée à la mi-décembre 2001.

Cependant, certains se sont inquiétés du fait qu'il était difficile d'évaluer convenablement l'impact potentiel de cette loi en si peu de temps. Pour cette raison, on a convenu que, trois ans plus tard, le Parlement examinerait les dispositions de la loi et son effet sur les Canadiens, avec le recul et dans un contexte moins chargé émotivement pour la population. Par conséquent, le travail de notre comité reflète les efforts déployés par le Sénat en vue de remplir cette obligation.

Quand nous aurons terminé notre étude, nous présenterons un rapport au Sénat dans lequel nous soulèverons tous les problèmes qui, selon nous, devraient être examinés de plus près, et nous mettrons nos travaux à la disposition du gouvernement et de la population canadienne.

Je vous signale également que la Chambre des communes mène actuellement une étude similaire.

Jusqu'à maintenant, le comité a rencontré des ministres et des représentants du gouvernement, des experts nationaux et internationaux en matière de menace terroriste, des juristes, des responsables de l'application des lois et de la collecte de renseignements de sécurité ainsi que des représentants de groupes communautaires. La plupart de nos invités étrangers ont témoigné par vidéoconférence, mais nous sommes allés à Washington en septembre et nous étions à Londres la semaine dernière pour des rencontres.

Cet après-midi, nous avons le plaisir d'accueillir des représentants de l'Administration canadienne de la sûreté du transport aérien, ou l'ACSTA. Nous recevons M. Jacques Duchesneau, président et chef de la direction, M. Marc Duncan, vice-président et directeur des exploitations, et M. Michael McLaughlin, vice-président et chef de la direction financière. Bienvenue, messieurs.

[Français]

Jacques Duchesneau, président et chef de la direction, Administration canadienne de la sûreté du transport aérien : Merci, madame la présidente, c'est un plaisir et un honneur de témoigner devant votre comité aujourd'hui.

[Traduction]

Le processus d'examen que vous avez entrepris est extrêmement important. L'histoire récente nous a démontré que le terrorisme reste une menace bien réelle. Cependant, dans une société démocratique comme la nôtre, nous devons établir un juste équilibre entre la sûreté et les libertés civiles individuelles. Votre travail consiste à déterminer à quel endroit précis nous devons tracer la ligne pour atteindre cet équilibre.

L'Administration canadienne de la sûreté du transport aérien, l'ACSTA, est un maillon clé dans la chaîne d'organismes qui travaillent à protéger les Canadiens et les Canadiennes contre les actes terroristes. L'ACSTA assure la sûreté en faisant appel à un personnel hautement qualifié qui maintient un équilibre entre le contrôle strict, d'une part, et le service et le respect de la clientèle, d'autre part.

Je vais d'abord vous présenter brièvement l'ACSTA et vous indiquer la nature de notre action.

L'ACSTA est une société d'État relevant du Parlement par l'entremise du ministre des Transports. C'est Transports Canada qui nous régit. L'ACSTA exécute le mandat qui lui est confié.

Elle a été créée en avril 2002 avec le mandat de protéger les voyageurs et les aéroports au Canada contre les attaques criminelles ou terroristes. Un peu plus de trois ans après sa création, je peux affirmer avec confiance que nous accomplissons le travail pour lequel l'Agence a été créée.

Chaque année, dans 89 aéroports répartis sur notre vaste territoire, notre équipe de plus de 4 300 agents hautement qualifiés contrôlent plus de 37 millions de passagers et près de 60 millions de bagages. Nous contribuons au financement des services de police dans les aéroports, et nous confions à la GRC le mandat d'assurer la sécurité à bord de certains vols.

[Français]

Les agents de contrôle constituent la première ligne de défense de l'ACSTA aux aéroports. Ils reçoivent une formation rigoureuse et sont soumis à un programme de renouvellement de leur formation et de leur certification. Ces agents représentent une diversité de langues parlées, avec plus de 100 langues différentes, et une diversité de groupes religieux et socio-économiques.

[Traduction]

Nos agents de première ligne sont extrêmement sensibles à la diversité des clients qu'ils servent et aux gens qu'ils aident à protéger, que ce soit des personnes ayant des besoins spéciaux ou des personnes provenant de différents milieux linguistiques, culturels ou religieux.

Pour appuyer nos agents de première ligne, nous déployons un équipement ultramoderne. D'ici la fin de l'année en cours, nous aurons mis en service 2 500 appareils représentant la plus haute technologie en matière de contrôle des bagages enregistrés.

Le contrôle des passagers et des bagages constitue la partie la plus visible de notre mandat. L'ACSTA n'a toutefois pas le pouvoir de procéder à des arrestations ou de détenir qui que ce soit. Nous n'avons aucun pouvoir d'enquête. Notre pouvoir se limite à refuser à une personne le passage à l'un de nos points de contrôle. Nous travaillons en collaboration avec la police locale, présente dans tous les aéroports, lorsque des mesures additionnelles doivent être prises.

[Français]

De plus, nous ne recueillons pas de renseignements de quelque nature que ce soit sur les passagers que nous contrôlons. Nous n'effectuons aucun contrôle permettant de détecter les passeports contrefaits ou autres documents de voyage frauduleux. Cette responsabilité ne fait pas partie du mandat de l'ACSTA.

[Traduction]

Cependant, nous travaillons en étroite collaboration avec Transports Canada et nos partenaires en matière de sûreté aérienne afin de garder constamment ouvertes les voies de communication. L'accès à des renseignements fournis en temps opportun et à partir desquels il est possible d'agir est crucial. C'est l'information qui nous permet de répondre aux menaces et qui guide l'innovation dans nos systèmes de sécurité.

Les progrès dans l'arsenal des terroristes peuvent rendre obsolètes nos lignes de défense et nos techniques de détection. L'information présentée en temps opportun nous permet d'évaluer les menaces et de prendre les mesures préventives appropriées.

Je dois souligner ici que la Commission sur les attentats du 11 septembre a insisté sur le fait que l'information qui n'est pas partagée en temps opportun est de l'information gaspillée. Une partie de notre succès à titre d'organisme de sûreté tient à la rapidité avec laquelle nous recevons l'information de Transports Canada et des autres agences de sûreté.

En même temps, l'ACSTA est un chef de file dans le regroupement des agences internationales de sûreté. Nous travaillons en étroite collaboration avec nos partenaires au Japon, en Israël et en Australie, pour n'en nommer que quelques-uns. Nous échangeons des pratiques exemplaires et des renseignements sur les menaces émergentes, ce qui contribue à faire de l'ACSTA une agence de sûreté expérimentée, habile et efficace.

J'ai parlé plus tôt du contrôle des voyageurs et de leurs bagages. Il s'agit de la partie la plus visible de notre mandat. Nous contrôlons aussi chaque jour, de manière aléatoire, quelque 2 300 travailleurs aéroportuaires ayant accès aux zones réglementées.

Nous ajoutons actuellement un volet amélioré à la sûreté dans les aéroports. Avant la fin de la présente année, nous disposerons de systèmes d'identification biométrique en temps réel dans les 29 plus grands aéroports du Canada. Notre système de reconnaissance des empreintes digitales et de l'iris s'appliquera éventuellement à l'ensemble des 120 000 travailleurs des aéroports.

[Français]

Au départ, l'ACSTA a été mise sur pied afin de rétablir la confiance des Canadiens dans leur système de transport aérien. Aujourd'hui, je peux vous assurer sans l'ombre d'un doute que nous avons accompli brillamment cette mission. En effet, le nombre de Canadiens qui voyagent présentement par avion n'a jamais été aussi élevé. Les chiffres du trafic aérien dépassent aujourd'hui ceux précédant le 11 septembre 2001. Cette augmentation constitue, selon moi, le meilleur indicateur de la confiance que les voyageurs canadiens ont en leur système de transport aérien.

[Traduction]

Les voyageurs nous disent croire que l'ACSTA fait du bon travail. Dans un sondage réalisé en mars dernier, plus de 90 p. 100 des voyageurs se sont dits satisfaits des processus utilisés et du professionnalisme qu'ils retrouvent à nos différents points de contrôle.

De plus, nous réalisons tout ce travail en maintenant un excellent rapport coût-efficacité. Pour chaque dollar que reçoit l'ACSTA, plus de 90 cents vont directement aux activités de première ligne.

Toutefois, cela ne signifie pas que notre tâche est terminée. Les événements qui se produisent aux quatre coins de la planète — il suffit de penser aux récentes attaques terroristes dans les transports en commun à Madrid et à Londres — nous rappellent que nous ne devons jamais baisser notre garde. Les terroristes découvrent de nouvelles façons, encore plus insidieuses, de causer des dévastations massives. Heureusement, le Canada n'a pas été touché directement par un acte terroriste depuis l'attentat dans un avion d'Air India il y a 20 ans.

Nous savons toutefois que le risque est réel, et que notre tâche ne fait que commencer.

Les terroristes sont créatifs et imaginatifs. C'est ce qui fait constamment évoluer la situation pour les agences de sécurité comme la nôtre.

Nous sommes une jeune organisation. Nous nous efforçons de devenir une agence de sécurité expérimentée, habile et efficace. Pour y arriver, l'ACSTA doit être stratégique. Nous devons être en mesure de prévoir. Nous devons réagir plus rapidement et efficacement pour atténuer les menaces.

[Français]

Nous devons avoir plus de flexibilité sur le plan opérationnel. Nous devons être en mesure d'ajuster notre financement et nos ressources en fonction des secteurs les plus préoccupants. Tous les jours, nous nous efforçons d'améliorer continuellement notre mission qui est d'accomplir la politique de sécurité nationale de ce pays et de devenir aussi un chef mondial de la sécurité aérienne.

[Traduction]

Nous sommes une agence de sûreté et, à ce titre, la sûreté reste donc notre responsabilité première. À cette responsabilité s'ajoute un engagement de respecter les droits de chaque personne qui traverse nos points de contrôle.

Nous continuerons de travailler en étroite collaboration avec notre autorité réglementaire, Transports Canada, de même qu'avec nos autres partenaires, y compris les sociétés aériennes, les aéroports, les services de police et bien sûr les voyageurs eux-mêmes.

Ensemble, nous veillerons à ce que nos procédures normalisées d'exploitation restent efficaces et souples, efficientes et en même temps respectueuses des personnes que nous servons.

L'ACSTA est l'ultime ligne de défense avant que les voyageurs et leurs bagages entrent dans l'avion. En même temps, nous ne perdons jamais de vue que nous sommes une organisation de service à la clientèle. Cet accent sur le traitement accordé à la clientèle nous aide à atteindre un équilibre essentiel qui permet à l'ACSTA d'assurer la sûreté des passagers tout en respectant leurs droits.

[Français]

Je vous remercie, madame la présidente, de nous avoir accordé ce temps. Je suis maintenant prêt à répondre à vos questions.

[Traduction]

Le président : Merci beaucoup. Nous allons commencer par le sénateur Smith.

Le sénateur Smith : Je ne veux pas trop entrer dans les détails mais, comme vous le savez, le Comité sénatorial de la défense et son président, le sénateur Kenny, en avaient fort long à dire sur la sécurité dans les aéroports et ont fait une étude approfondie sur la question. C'est la moindre des choses de vous donner l'occasion de réagir si vous pensez que certaines critiques n'étaient peut-être pas justifiées. Nous devons tous avoir l'esprit ouvert. Ensuite, certaines des mesures dont le comité a parlé coûtent très cher. Vous nous avez dit que vos activités devaient être efficientes. Au lieu de passer chaque aspect en revue, j'ai pensé qu'il serait raisonnable de vous donner l'occasion de répondre à certaines des critiques qui ont été formulées par le comité.

M. Duchesneau : Madame la présidente, je n'oserais jamais critiquer le travail effectué par le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense. Bien au contraire, les discussions sont nécessaires pour qu'on puisse améliorer le système existant.

Cependant, comme vous le savez, les terroristes ne restent pas statiques. Ils évoluent, et c'est aussi ce que doit faire l'ACSTA. Nous devons veiller à toujours avoir une longueur d'avance sur les groupes terroristes et ceux qui ont l'intention de s'en prendre au système.

Le système est-il parfait? Absolument pas, et je ne prétendrai jamais qu'il l'est. Cependant, je peux vous assurer que nous essayons de faire mieux chaque jour. Nous avons donné à nos agents de contrôle une formation de premier ordre. Leur formation est dix fois meilleure que celle qu'ils recevaient avant et, récemment, les 1 400 agents que mes collègues et moi-même sommes allés rencontrés dans toutes les régions du pays nous ont demandé encore plus de formation.

Il est certain que les inspections d'il y a trois ans, celles d'aujourd'hui et celles que nous ferons dans un mois, compte tenu des menaces auxquelles nous ferons face, ne sont pas les mêmes, mais je peux vous assurer, mesdames et messieurs, que nos agents de première ligne sont déterminés à faire leur travail du mieux possible.

Le sénateur Smith : Je ne vous parle pas de critiquer le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense. Je sais que certaines des mesures qu'il a préconisées seraient fort utiles, mais il y a des problèmes de financement et tout le monde doit établir des priorités.

Je vais vous poser une autre question. On a appris récemment qu'une personne avait pu accéder à des endroits qui lui étaient normalement interdits à l'aéroport Pearson. Je pense que c'était un employé d'une agence de sécurité américaine qui était accompagné par un journaliste des médias.

Le verrouillage des portes relevait-il davantage de la GTAA et des responsables de l'aéroport Pearson? Y a-t-il des problèmes liés à cette situation en particulier qui sont de votre ressort et non du ressort de l'autorité aéroportuaire? Il est toujours difficile de déterminer qui est responsable de quoi, mais vous savez de quoi je parle.

M. Duchesneau : Sénateurs, vous pouvez être certains que nous avons regardé l'émission mercredi à 21 heures.

Il serait injuste de ma part de dire que l'ACSTA a fait du bon travail, mais pas ses autres partenaires, les aéroports, les lignes aériennes et les services de police.

J'ai une diapositive à vous montrer. On voit un aéroport, et les différentes couleurs indiquent tous les partenaires qui s'occupent de sécurité. C'est un système très complexe. L'émission The Fifth Estate montre que nous contrôlons les gens et leurs effets personnels. On a vu qu'une personne, après avoir passé la ligne de contrôle, — et je pense que Mme Gartner l'a expliqué — a pu se rendre à différents endroits dans l'aéroport.

Nous avons fait notre travail, et la personne a eu accès à des zones réglementées. Le système ne sera jamais à toute épreuve, je le répète, mais nous devons travailler en collaboration. Il est évident qu'elle s'est rendue à des endroits où elle n'aurait pas dû aller, nous le savons et nous l'admettons. Nous devons nous assurer que la collaboration va aider à prévenir des situations de ce genre.

Les autres questions traitées dans l'émission relevaient davantage de la protection que de la sécurité. Par exemple, il est bien difficile de trouver un endroit où cacher quoi que ce soit dans la passerelle qui mène à l'avion.

Je dois peut-être prévenir les gens. C'était spectaculaire, mais nous aurions bien aimé avoir l'occasion de réagir avant la diffusion du reportage. Comme je l'ai dit, nous avons regardé l'émission maintes et maintes fois, et nous avons fait nos propres contrôles. Nous avons effectué la même vérification pour ce qui est du sac utilisé pour protéger les films, et nous pouvions voir à l'intérieur. Si c'est exact, c'est donc dire que nos agents ont pu inspecter l'intérieur du sac, à moins qu'il s'agissait d'un sac spécial, mais nous n'avons pas eu l'occasion de discuter de toute la question. Cela ne représenterait donc pas une menace à la sécurité dans ce cas.

On peut bien vouloir faire du sensationnalisme, mais on peut discuter de la situation, et nous sommes d'ailleurs prêts à le faire.

Sénateur, le comité de la défense a proposé beaucoup de mesures intéressantes. J'échange régulièrement avec le sénateur Kenny dans le but d'améliorer le système. C'est l'objectif premier de l'ACSTA. Nous devons évoluer tout comme les terroristes évoluent.

Le sénateur Smith : J'ai une dernière question au sujet de l'inspection des employés et de l'accès aux marchandises et aux bagages. On a beaucoup insisté là-dessus durant les séances du comité de la défense. Est-ce que ce sont des aspects qui sont de votre ressort ou de celui des autorités aéroportuaires locales?

M. Duchesneau : Cela fait partie de notre mandat. Nous contrôlons environ 2 300 employés chaque jour dans l'ensemble du pays. Nous allons remettre des laissez-passer biométriques aux 120 000 employés d'aéroport du Canada. Ces cartes vont permettre d'établir l'identité au moyen de l'iris et des empreintes digitales. Nous contrôlons de façon aléatoire les employés d'un bout à l'autre du pays.

Il est difficile de trouver et de maintenir un juste équilibre. Si nous contrôlions tout le monde, l'industrie de l'aviation serait paralysée, ce que nous ne voulons pas et il faut donc essayer de trouver un juste équilibre. Nous contrôlons à peu près 40 millions de passagers chaque année et, sur ce nombre, combien y a-t-il de terroristes? Je dirais que 99,99 p. 100 des gens sont respectueux de la loi. Devrions-nous traiter tout le monde de la même façon ou nous préoccuper davantage des criminels? Voilà pourquoi le travail de votre comité est si important. Pour faire notre travail du mieux possible, nous devons obtenir les renseignements nécessaires et déployer les ressources humaines et matérielles appropriées au bon endroit et au bon moment.

Le sénateur Andreychuk : Monsieur Duchesneau, ce que vous venez de dire est extrêmement important. Vous avez dit que vous aviez besoin des renseignements nécessaires pour faire votre travail. Vous a-t-on dit que vous ne pourriez jamais garantir un contrôle à toute épreuve? Quelles directives vous ont été données? Beaucoup de gens estiment que si tout le monde était soumis à un contrôle, nous serions en sécurité.

M. Duchesneau : Nous le sommes. Hélas, ce n'est pas la conclusion à laquelle en seraient arrivés ceux qui ont regardé l'émission la semaine dernière. Nous devons régulièrement surveiller ce qui se passe dans le monde. Voilà pourquoi je rencontre souvent mes homologues d'autres pays. Le Canada est considéré comme un chef de file. À la demande du ministre, l'Organisation de l'aviation civile internationale vient de vérifier nos activités, et nous avons passé l'épreuve haut la main.

Le système actuel est à plusieurs niveaux de sorte qu'un niveau peut palier les lacunes de l'autre. Il y a une dizaine de niveaux, dont certains relèvent de l'ACSTA et d'autres, d'autres organismes — services de police, autorités aéroportuaires et lignes aériennes. Il y a des raisons pour lesquelles on pose des questions au contrôle des bagages. C'est un premier niveau de surveillance. Le matin du 11 septembre, les employés qui travaillaient au comptoir des compagnies aériennes savaient que quelque chose n'allait pas avec la personne qui vérifiait les bagages, mais ils ne savaient pas à qui le signaler. Ils avaient le sentiment que quelque chose ne tournait pas rond.

Aujourd'hui, je peux vous assurer que nous travaillons en étroite collaboration avec les autorités aéroportuaires et les compagnies aériennes. En fait, notre gestionnaire régional est membre du comité des transporteurs aériens, le CTA. Nous échangeons des informations tous les jours, pas seulement sur les particuliers mais aussi les tendances, les menaces et les failles qui pourraient exister dans le système. Nous évoluons tous les jours. C'est une des forces de l'ACSTA.

Le sénateur Andreychuk : Je comprends que votre système comporte plusieurs niveaux, mais c'est inquiétant. Est-ce que tous ces niveaux sont coordonnés de façon efficace? C'est de cette façon que les failles sont possibles. Vous ne pouvez pas arrêter un terroriste à moins de savoir qui il est, si je vous ai bien compris. Vous ne pouvez pas cibler tout le monde dans l'espoir de repérer un terroriste. Vous devez savoir qui pourrait être suspect et l'empêcher de monter à bord de l'avion.

Quelles directives précises le gouvernement vous a-t-il données? Vous a-t-on demandé d'être simplement un des niveaux de sécurité et de bien faire votre travail? Quels principes suivez-vous en matière de protection? Je vous pose la question parce que, dans le milieu du droit criminel, les gens disent depuis des années qu'on peut ralentir un criminel, mais pas à l'empêcher d'agir. Vous essayez de placer tous les obstacles possibles pour que quelqu'un ait la possibilité d'intervenir. Nous n'avions pas de terroristes, mais nous avions des criminels qui adoptaient certains comportements. Nous parlons maintenant de terroristes qui, si les services de renseignement faisaient leur travail, devraient être ciblés bien avant d'entrer dans un aéroport.

Quels sont les principes que vous suivez? Quelles instructions avez-vous reçues?

M. Duchesneau : J'ai été agent de police pendant 30 ans. C'était facile d'identifier des criminels parce qu'ils se réunissaient régulièrement. Vous saviez s'ils planifiaient ou tramaient quelque chose. Cependant, le terrorisme a évolué. Il n'y a pas longtemps, avant les attentats du 11 septembre et al-Qaïda, nous savions qui étaient les terroristes. Aujourd'hui, al-Qaïda n'est plus un mouvement mais une idéologie. N'importe qui dans le monde peut prétendre que ce qu'il voit à la télévision empiète sur ses droits. Il pourrait décider d'attaquer seul, après avoir obtenu tous les renseignements nécessaires sur Internet.

Les gens à qui nous avons affaire ne sont pas les mêmes qu'il y a trois ans. Nous avons besoin d'un effet dissuasif. Depuis les attentats du 11 septembre, et en faisant abstraction des deux attentats perpétrés dans des avions russes en août 2004, qui étaient liés à un problème de corruption à l'aéroport, il n'y a pas eu d'attaque dans les avions. Pourquoi? Nous avons créé ce que nous appelons des « cibles renforcées ». Les aéroports sont des cibles renforcées par opposition à des cibles non renforcées, comme un centre commercial. Vous pouvez constater que, depuis les attentats du 11 septembre, les terroristes se sont éloignés des aéroports, du Sénat ou de la Chambre parce qu'il existe dans ces endroits des mesures de sécurité efficaces.

Nous devons nous mettre dans la peau des terroristes. Pourquoi un terroriste irait-il dans un endroit où il risque fort d'être détecté alors qu'il peut aller n'importe où pour lancer une attaque? Selon les instructions que j'ai reçues, sénateur, je ne peux commettre d'erreurs. Le ministre des Transports l'a clairement dit. C'est aussi simple que cela. Nous avons mis en place de nombreux systèmes. D'autres mesures de protection vont bientôt être prises, car nous devons évoluer, tout comme l'a fait la menace à laquelle nous sommes confrontés.

Le sénateur Andreychuk : Vous dites que vous ne pouvez commettre d'erreurs. Or, le problème vient peut-être, en partie, de là. Si j'étais un téléspectateur, je penserais que vous êtes en train de dire que personne n'arrivera à pénétrer le système. Est-ce le message que nous voulons transmettre au public? Si quelqu'un réussit à le faire, des têtes devront tomber. Ne sommes-nous pas en train de nous fourvoyer? N'est-il pas préférable de parler ouvertement du risque raisonnable que court la société? Qu'est-ce qui pourrait être considéré comme un risque acceptable aux yeux du public?

M. Duchesneau : Il n'y a pas de risque acceptable.

J'ai déjà été chef de la police de Montréal. Chaque année, nous avions entre 40 et 50 meurtres à élucider. Dans le cas de l'industrie de l'aviation, je vise un objectif de tolérance zéro. Je rêve peut-être en couleurs, mais c'est l'objectif que nous nous efforçons d'atteindre.

Comme nous ne savons pas qui sont les terroristes, nous devons mettre en place des mesures préventives — des mécanismes, des outils de dissuasion — pour empêcher le terroriste qui souhaite lancer une attaque de s'approcher d'un aéroport.

Nous avons abordé la question à de nombreuses reprises avec nos homologues internationaux. Il n'y a pas de solution miracle. Toutefois, ces mesures additionnelles vont nous permettre d'améliorer le système.

Le sénateur Andreychuk : Votre mandat n'est pas très clair. Est-ce que tous les aéroports, peu importe leur taille, sont visés par celui-ci?

M. Duchesneau : Non.

Le sénateur Andreychuk : Votre mandat s'applique donc aux grands aéroports?

M. Duchesneau : On en compte quatre-vingt-neuf.

Le sénateur Andreychuk : Donc, ce ne sont pas tous les aéroports qui sont visés. Cela n'empêchera pas les gens de monter à bord d'un avion dans un aéroport plus petit et d'atterrir dans l'un de ces 89 grands aéroports.

M. Duchesneau : Nous contrôlons 99,2 p. 100 du trafic au Canada. Pour ce qui est des personnes qui prennent l'avion dans un aéroport plus petit et qui atterrissent dans un aéroport plus important, nous procédons à des opérations de vérification dans les 89 aéroports. Les gros aéroports sont, bien entendu, mieux équipés, en raison du nombre de passagers qu'ils accueillent. Par contre, dans les aéroports plus petits, les agents de contrôle ont plus de temps pour effectuer des vérifications, les passagers étant moins nombreux.

Le sénateur Andreychuk : Et qu'en est-il des marchandises?

M. Duchesneau : Nous n'en sommes pas encore là. Transports Canada est en train d'élaborer un plan pour le contrôle des marchandises. Je ne dis pas que la tâche va être confiée à l'ACSTA, mais c'est une responsabilité qui relève de Transports Canada. Ils essaient de trouver une solution rapide à ce problème. C'est un défi majeur.

[Français]

Le sénateur Joyal : Bienvenue, monsieur Duchesneau. La première question qui me vient à l'esprit est la suivante et elle fait référence à votre expérience antérieure. Comme vous l'avez mentionné tantôt, vous faisiez partie d'un corps de police municipal.

Lorsque les aéroports ont été privatisés au Canada, il y a environ sept ans, la sécurité dans les aéroports était assurée par des officiers de la Gendarmerie royale. Vous parliez tantôt de dissuasion. Il est certain que lorsqu'on arrivait autrefois à l'aéroport, ou que l'on descendait d'un avion, que l'on passait la barrière et que l'on voyait un officier de la Gendarmerie royale, on avait une impression — je dis bien une impression.

Quand les aéroports ont été privatisés, il y a sept ou huit ans, la loi du profit est devenue la loi de l'heure. Et les autorités aéroportuaires qui étaient mises en place au terme de la privatisation ont eu recours à des agences privées. Et c'est devenu assez évident que les agences privées dont on retenait les services employaient très souvent des personnes à la retraite. Je n'ai rien contre les gens qui sont à la retraite ou qui ont passé 60 ans, j'en suis un moi-même, mais on a tenté de les habiller avec des costumes imitant ceux de la Gendarmerie royale. Mais on sait très bien qu'on ne fait plus affaire avec des personnes de la Gendarmerie royale.

À votre avis, la sécurité dans les aéroports a-t-elle été, de ce fait, remise en cause lorsque la Gendarmerie royale a cessé d'assurer la sécurité dans les aéroports? Ne serait-ce pas la première réforme que l'on devrait faire?

M. Duchesneau : C'est une excellente question. Lorsque l'on regarde l'histoire de la GRC, symbole canadien par excellence, il est évident que toute personne qui regarde un agent de la GRC se sent immédiatement en confiance. Je ne peux pas mettre cela en doute. Mais vous devez savoir que parmi un des six mandats de l'Administration canadienne de la sûreté du transport aérien, nous avons la responsabilité de financer les services de police dans les aéroports. À certains endroits au Canada, on a encore des policiers de la GRC, mais dans la majorité des principaux aéroports, ce sont des policiers des services locaux : Montréal, Toronto, Peel Regional, Halifax ou autre. Et de par la réglementation, ces policiers, dans les gros aéroports, doivent donner une réponse armée en deçà de cinq minutes.

Donc, oui, l'agence de sécurité s'occupe souvent du périmètre de l'aéroport, d'une présence en uniforme à l'intérieur de l'aéroport, mais dans ces principaux aéroports canadiens, vous avez une présence policière, subventionnée en partie par des budgets que nous administrons. Mais c'est vrai que les aéroports doivent aussi payer une partie des coûts associés au service de police.

Si votre question est de savoir si le fait d'avoir un service national de police reconnu puisse avoir une force de dissuasion, encore une fois, je ne peux nier que votre point soit pertinent. Je peux cependant dire que les programmes de police que nous administrons seront revus à l'intérieur de l'examen prévu par la loi de l'Administration canadienne de la sûreté du transport aérien, le rapport quinquennal prévu lorsque notre service a été créé. Ces éléments seront analysés en profondeur.

Le sénateur Joyal : Est-ce que ce mandat comprendra la réévaluation de leur pratique de formation?

M. Duchesneau : Oui. Elle comprendra une évaluation en profondeur. Le ministre a été très clair à l'effet que l'on regardera tous les aspects de tous nos mandats tel que prévu par la loi. Le ministre devrait annoncer sous peu la mise en place de ce comité de trois commissaires qui devra soumettre son rapport d'ici la fin de 2006, début de 2007. Alors les programmes de police seront aussi examinés comme le sont les activités de fouille de bagages et de personnes.

Le sénateur Joyal : Si je me reporte à la page 42 de votre rapport annuel, celui que vous nous avez fait parvenir, je lis un paragraphe qui m'a frappé. Il est au bas de la page, en rouge. J'imagine que c'est celui sur lequel vous voulez attirer l'attention.

L'ACSTA continue à déployer l'équipement dans les aéroports sur une base volontaire. Plusieurs aéroports ont exprimé la volonté de faire l'essai de la CIZR, et l'ACSTA est prête à travailler avec ces aéroports et les autres qui sont prêts sur le plan opérationnel à incorporer la CIZR à leurs systèmes d'accès.

C'est la même page en anglais. Ce qui m'a frappé, c'est le mot « volontaire ». J'ai toujours pensé que la sécurité au Canada était la même d'un aéroport à l'autre, et c'est ce qui faisait qu'on vous avait institué comme autorité nationale, à l'effet que les normes de sécurité, comme vous l'avez souligné vous-mêmes, que ce soit de St. John's, Terre-Neuve-et- Labrador à Victoria ou Vancouver ou Yellowknife, lorsque je prends l'avion comme passager, je m'attends aux mêmes mesures de sécurité et je ne comprends pas comment on parle d'une base volontaire. En d'autres mots, selon quels critères une autorité aéroportuaire pourrait-elle décider de me donner plus ou moins de sécurité?

Pouvez-vous nous expliquer pourquoi, dans cette partie de votre rapport annuel qui est intitulée « Contrôle des non passagers », il ne semble pas y avoir un système équivalent?

M. Duchesneau : Nous sommes comme le chef d'orchestre dans tout cela. Lorsqu'on dit « sur une base volontaire », c'est que nous avions jusqu'au 31 décembre 2005 pour respecter les règles internationales. Je peux vous dire que, au moment où on se parle — il nous reste un peu plus de 40 jours —, tous les 89 aéroports dont je vous ai parlé tantôt auront nos équipements, à l'exception de deux, pour des raisons de construction. Mais le 31 décembre 2005, la fouille à 100 p. 100 de tous les passagers, de tous leurs bagages sera faite par nos agents de l'ACSTA.

En ce qui concerne le CIZR, en anglais Restricted Area Identification Card, nous sommes allés plus lentement à ce niveau, car on devait changer la réglementation obligeant chacun des employés à obtenir ces cartes. Nous accélérons le déploiement actuellement et, d'ici la mi-2006, les 120 000 employés, volontairement, devront avoir une carte comme celle-ci avec photo et identification pour leur permettre d'accéder à des zones restreintes.

Le sénateur Joyal : Est-ce que ce sont des cartes biométriques ou simplement des passes que l'on peut utiliser?

M. Duchesneau : Oui, c'est biométrique. On utilise déjà ce principe à nos bureaux. Il faut mettre des empreintes digitales et dans certains cas, surtout pour des employés qui travaillent dans des lieux plus « sales », lorsqu'on a les mains souillées, c'est plus difficile de lire, à ce moment-là on utilisera l'iris. Le côté volontaire était dans la phase de déploiement qui nous amène au 31 décembre 2005, date à laquelle le volontariat sera terminé.

Le sénateur Joyal : Vous avez mentionné dans votre présentation, j'essaie de citer les termes que vous avez utilisé pour ne pas déformer votre pensée : « Screening passengers and baggages ». Dans votre loi constitutive, le Canadian Air Transport Security Authority Act, dans votre mandat, à l'article 6, il est dit...

[Traduction]

Je pense que votre conseiller juridique, M. Duncan, en a probablement une copie. J'aimerais en faire la lecture, parce que c'est important. Le paragraphe 6(1) dispose, et je cite :

L'Administration a pour mission de prendre, soit directement, soit par l'entremise d'un fournisseur de services de contrôle, des mesures en vue de fournir un contrôle efficace des personnes — ainsi que des biens en leur possession ou sous leur contrôle, ou des effets personnels ou des bagages qu'elle confie à une compagnie aérienne en vue de leur transport — qui ont accès, par des points de contrôle, à un aéronef ou à une zone réglementée.

[Français]

Selon la manière dont je lis votre mandat, vous avez principalement deux objectifs : les bagages et le personnel qui a accès à l'avion ou à l'aéronef.

M. Duchesneau : Je pense que je devrais résumer les six mandats qui nous ont été donnés. Le premier mandat porte sur la fouille des personnes et de leurs bagages de cabine, et la fouille des bagages enregistrés. Quand vous allez dans un aéroport, vous donnez des bagages qui s'en vont sur un carrousel; ce sont les deux principaux mandats.

Nous avons reçu en novembre 2002 le mandat du ministre de mettre sur pied un système de passe national, le RAIC ou le CIZR dont je vous ai parlé tantôt. Rattaché à ce mandat, nous avons la possibilité de fouiller de façon aléatoire les employés possédant cette carte. En plus de cela, nous administrons deux programmes de police, la police dans les aéroports et la police à bord des aéronefs. Il serait intéressant également de préciser, car je suis sûr que c'est une préoccupation pour votre comité, que nous fouillons pour trouver des objets. Nous ne cherchons pas des personnes.

Le sénateur Joyal : C'est là que je voulais vous amener. C'est sur cette partie qu'il m'apparaît le plus important de faire la clarté sur votre mandat; pouvez-vous l'expliquer plus précisément?

M. Duchesneau : Nos agents de fouille n'ont pas de pouvoir de détention, d'arrestation et, en droit criminel — il y a plusieurs avocats ici — le droit de fouille est lié au pouvoir d'arrestation. Dans notre cas, une exception dans la loi nous permet de fouiller les gens qui prennent place à bord d'un avion. Donc au Canada, une personne qui prend place à bord d'un avion doit nécessairement, de par la loi, être fouillée par nos agents — la personne et ses bagages. Et nous fouillons, je le répète, pour trouver des objets. Des gens qui sont des criminels prennent place à bord de l'avion, on le sait; cependant, ces personnes ne doivent pas avoir des objets qui leur permettraient de faire une attaque. C'est pour cela que nous avons une liste d'objets prohibés, par règlement, qui ne peuvent pas être amenés à bord d'un avion.

Le sénateur Joyal : Alors, pour une personne qui transporte un objet prohibé, en soi, l'objet sera saisi. Vous allez donc le retenir et le détruire.

M. Duchesneau : Oui. Si c'est un objet vraiment prohibé au sens du Code criminel, la police est amenée à intervenir — pour une arme à feu, par exemple. Si c'est un couteau, ce n'est pas un objet interdit par la loi, à moins d'avoir l'intention de commettre un crime; la personne n'a pas le droit d'avoir cet objet dans les valises qui l'accompagnent à bord de la cabine et on lui demandera soit de remettre l'objet, soit d'aller le placer dans son bagage consigné dans la soute de l'avion.

Le sénateur Joyal : La personne a toujours la liberté de ne pas monter à bord. Donc la personne ne commet pas une infraction parce qu'elle transporte un objet prohibé sauf dans le cas d'une arme qui serait réglementée et nécessiterait un permis.

M. Duchesneau : C'est exact. Pour vous donner une idée, nous interceptons chaque année environ 750 000 objets prohibés.

Le sénateur Joyal : Qu'en faites-vous?

M. Duchesneau : Ils sont détruits, certains sont utilisés comme preuve si une personne est accusée au titre du Code criminel. On a même des programmes, dans certains aéroports où les gens peuvent se faire envoyer à la maison, par la poste, l'objet saisi.

Le sénateur Joyal : Vous fournissez une enveloppe?

M. Duchesneau : Les gens ont accès à une enveloppe.

Le sénateur Joyal : Il y a un autre aspect sur lequel j'aimerais que vous nous informiez. Vous avez mentionné un certain contrôle de l'identité du passager. Jusqu'où va le contrôle de l'identité du passager sous votre autorité?

M. Duchesneau : Il n'y a aucun contrôle de l'identité de notre part, il est fait par la compagnie aérienne. Lorsque vous allez au comptoir, vous obtenez votre carte d'embarquement et on vous demande une identification avec votre passeport. C'est une responsabilité de la compagnie aérienne. Après cela, vous vous dirigez vers le point de fouille. Tout ce qu'on va vérifier c'est si vous avez le droit de vous présenter à cette zone. Cela nécessite une carte d'embarquement ou une carte d'employé. La dernière vérification est faite avant que vous preniez place à bord de l'avion. La compagnie aérienne va vous demander votre carte d'embarquement et une identification par photo ou par passeport.

Le sénateur Joyal : Donc, les personnes sous votre responsabilité n'ont pas la responsabilité de vérifier, lorsqu'un passager se présente à la fouille des bagages, comme on dit en bon français, au « scanner », qu'il se présente avec une pièce d'identité; la personne peut théoriquement se présenter uniquement avec la carte d'embarquement, sans que les services sous votre responsabilité demandent à la personne de s'identifier. Ce n'est pas votre responsabilité de vérifier si la personne qui prend le vol est la même personne que celle qui a eu la carte d'embarquement.

M. Duchesneau : Du tout. Ce qui renforce le fait que je mentionnais tantôt, à savoir que nous sommes là pour fouiller en vue de trouver des objets et non pas des individus. Ce travail est fait par la compagnie aérienne, par les services de police et avant d'embarquer, par la compagnie aérienne à nouveau.

Le sénateur Joyal : Il revient donc à la compagnie aérienne de s'assurer que la personne qui monte à bord au moment de l'embarquement est bien la personne à qui on a délivré la carte d'embarquement sur la base de l'identité que la personne a fourni à l'agent du comptoir d'enregistrement.

M. Duchesneau : C'est exact.

Le sénateur Joyal : Il ne peut pas y avoir de votre part d'exigence d'imposer à un passager qui se présente à la fouille d'avoir à s'identifier?

M. Duchesneau : Non. Si la personne a sa carte d'embarquement ou sa carte d'employé, dont je parlais tantôt, — « document of entitlement » est le terme qui me manquait tout à l'heure — à ce moment-là elle va tout simplement être fouillée pour la recherche d'objets.

Le sénateur Joyal : Quel contrôle faites-vous du matériel des employés, qui pourrait être un matériel dangereux et qu'ils pourraient mettre à bord de l'avion? En d'autres mots, vous contrôlez l'identité des employés par la carte qu'ils ont, mais qu'est-ce qui vous assure qu'un employé sur les lieux de travail ne peut pas se déplacer avec du matériel dangereux et quelle forme de contrôle pouvez-vous exercer à ce niveau-là?

M. Duchesneau : Nous fouillons, à savoir s'il a un coffre d'outils ou s'il a un porte-document, pour trouver des objets qui pourraient porter atteinte à la sécurité de l'avion. C'est bien évident que s'il arrive avec un coffre d'outils avec des couteaux comme un « box cutter », par exemple, qui a servi aux attaques du 11 septembre, cela dépend si dans sa fonction à l'aéroport il a le droit d'avoir cet outil. Encore là, c'est une question de jugement. Nous portons actuellement notre attention sur des explosifs, des armes à feu ou des choses qui pourraient porter atteinte à la sécurité, mais qui ne sont pas reliées aux fonctions des gens employés de l'aéroport.

Le sénateur Joyal : Quelle difficulté rencontrez-vous le plus souvent avec les passagers dans les opérations de fouille? Quelles sont les plaintes que vous avez pu avoir de la part des passagers qui ont dû se soumettre aux fouilles.

M. Duchesneau : J'ai toujours dit que dans les trois premières années de la création de l'Administration canadienne de la sûreté du transport aérien, notre rôle était de gérer la peur des gens. Plus on s'éloigne du 11 septembre, plus les gens ont une certaine difficulté à comprendre le pourquoi de toutes ces mesures de sécurité.

Aux réunions du comité de gestion, nous avons décidé que nous sommes maintenant rendus à une étape où nous devons faire l'éducation des passagers. Je vous disais tantôt que nous interceptons environ 750 000 objets par année. Je ne me félicite pas de saisir 750 000 objets. On parle de milliers d'heures de fouille qui sont tout simplement gaspillées.

Nous voulons maintenant établir un programme de renseignement pour les gens, à savoir ce qu'ils peuvent amener à bord, et ceci afin de réduire le nombre d'heures de fouille gaspillées et afin de permettre un meilleur accès à l'avion le plus rapidement possible pour les passagers.

Tout cela pour dire que l'équation ne se faisant plus entre le danger potentiel et le pourquoi des mesures, nous commençons à voir de plus en plus de passagers irrités par les fouilles effectuées. C'est une autre raison pour laquelle nous voulons commencer à renseigner les gens.

Les 4300 agents de fouille à travers le pays font un travail extrêmement difficile, dans des conditions extrêmement difficiles également. Nous avons peu de temps pour déterminer si une personne présente une menace ou non. Le moins que nous puissions faire est d'aider justement nos agents de fouille à ne plus subir d'abus physiques, verbaux ou même d'agressions, purement et simplement.

Le sénateur Joyal : Est-ce que c'est arrivé?

M. Duchesneau : C'est arrivé.

Le sénateur Joyal : Dans le cas d'une personne qui est insatisfaite de la fouille, à qui peut-elle se plaindre?

M. Duchesneau : On a environ, bon an mal an, une centaine de plaintes par année sur les 37 millions de passager que nous traitons.

Le sénateur Joyal : Comment vous traitez les plaintes? Quel processus est suivi dans un tel cas?

M. Duchesneau : Le processus suivi est très rigoureux. La personne est contactée dans les plus brefs délais. On obtient la version de la victime, la version du plaignant. Nous avons déployé dans nos points de fouille des caméras qui nous permettent justement de voir.

Nous avons eu des plaintes de vol, par exemple. Après avoir visionné la bande vidéo, on s'est aperçu que c'était tout simplement un autre passager qui, par inadvertance, avait pris un élément quelconque. En ayant la bande vidéo immédiatement, nous sommes en mesure de retrouver le plus rapidement possible le passager qui aurait pris un objet et donc en mesure de résoudre le cas le plus rapidement possible.

Je peux vous dire qu'avec le nombre de passagers fouillés par année, le nombre de plaintes est finalement très minime.

Le sénateur Joyal : Comment vous assurez-vous de former les agents qui procèdent à ces fouilles, de telle manière que toute la question du profilage racial soulevée à plusieurs reprises autour de cette table ne soit pas une perception entretenue par vos agents de service?

M. Duchesneau : Il ne peut pas y avoir de profilage racial, car de par la loi nous devons fouiller 100 p. 100 des personnes qui se présentent aux points de fouille. Il y aura une deuxième fouille si le passager a alarmé le système, soit à cause du métal ou des traces d'explosif qu'on aurait pu trouver ou à cause de ce que notre écran de rayons X a pu nous démontrer.

Le profilage racial, s'il s'en fait, ce n'est sûrement pas à notre niveau. Je peux dire que le profilage racial et moi ne faisons pas bon ménage. C'est l'engagement que la direction de cette organisation vous donne; jamais vous ne verrez des gens faire du profilage racial. Je pourrais même vous dire que c'est le contraire. Sur les 4 300 agents à travers le pays, nous sommes sûrement le plus bel exemple de diversité qui existe au pays. Nous parlons plus d'une centaine de langues différentes et nous avons des représentants de plus de 120 pays différents qui représentent l'Administration canadienne de la sûreté du transport aérien et qui portent notre uniforme. Je verrais mal pourquoi justement on ferait du profilage racial.

[Traduction]

Le sénateur Fraser : L'engagement personnel dont vous faites preuve est louable, mais comme vous le savez, et c'est l'une des plaintes qui revient le plus souvent, les personnes arabes ou musulmanes, les personnes d'Extrême-orient — peu importe — soutiennent qu'elles sont ciblées de façon injuste et qu'on leur fait subir des contrôles supplémentaires dans les zones d'inspection des aéroports. Cela dit, je sais que tout le monde doit faire l'objet d'un contrôle.

J'ai mes habitudes. Quand je voyage, je transporte habituellement les mêmes objets dans mon bagage à main. Le livre de poche est différent, mais sinon, j'apporte toujours la même chose. À l'aéroport, on me demande, parfois, d'ouvrir mon sac, même si son contenu a été passé au détecteur et que l'on voit chaque fois la même chose. On exerce donc une certaine forme de discrétion. Or, il y a un groupe qui se sent particulièrement vulnérable à l'heure actuelle et qui ne cesse de dire qu'il est victime de profilage racial.

Vous affirmez que cette pratique ne fait pas partie de votre politique et je vous crois, mais comment l'arrête? Est-ce que vos agents reçoivent une formation? Publiez-vous un énoncé de politique? Offrez-vous des programmes de sensibilisation? Comment pouvons-nous mettre un terme à cette pratique? Vous ne pouvez, personnellement, maîtriser le comportement de tous les agents sur le terrain, mais comment composer avec cette situation?

M. Duchesneau : Pour ce qui est des bagages qui contiennent les mêmes objets et qui font l'objet d'une vérification au même point de contrôle, si les objets ne sont pas placés au même endroit, l'image sur l'écran va être différente. Chaque fois que l'on procède au filtrage d'un passager, on prend une décision. Chaque personne a une interprétation différente de l'image qu'elle voit à l'écran. Les agents de contrôle se sentent bousculés par les autres passagers et prennent donc des décisions rapides. Ils essayent de faire de leur mieux.

J'ai reçu un peu de formation dans ce domaine, mais je n'ai pas les compétences voulues pour faire ce travail. C'est une tâche difficile. Nous avons beau avoir l'équipement de pointe qui figure parmi le meilleur au monde, il y a une personne qui doit prendre une décision.

L'équipement n'est qu'un outil. La décision finale revient à la personne qui pose un jugement. Ce n'est pas facile.

Je me mets à sa place. Personne dans ce pays n'est autant contrôlé que moi. On me connaît. Je suis soumis à un filtrage chaque fois que je prends l'avion. Je suis habitué, et j'en suis fier. Cela ne me dérange pas du tout, car les agents suivent les règles en vigueur.

Nous ne pouvons pas devenir très prévisibles. Le jour où nous le deviendrons, nous serons vulnérables. Il faut éviter que l'ennemi sache comment nous allons procéder. Autrement, il va contourner le système.

Si nous avions aujourd'hui le même système que celui mis en place il y a trois ans, je ne pourrais dire au comité, « Écoutez, nous faisons de l'excellent travail parce que nous avons évolué. »

Nous avons des règles que nous devons appliquer. J'accepterais volontiers d'en discuter avec vous à huis clos, parce que je ne veux pas donner à l'ennemi l'information dont il a besoin. Toutefois, les règles ont pour objet de nous aider à bien faire notre travail. Il y a des inspecteurs de Transports Canada qui veillent à ce que nous les respections. Il y a des directeurs régionaux qui remplissent un rôle de surveillance. Celle-ci est rigoureuse et tous les agents de contrôle savent que leurs gestes sont suivis de près.

Le sénateur Fraser : J'aimerais revenir à ma question. Vos propos démontrent la complexité de la situation. Je ne cherche pas à vous soutirer des renseignements confidentiels. Ce n'est pas du tout mon intention.

Je voudrais vous parler du programme de formation intensive que doivent suivre les agents. Celui-ci comporte un volet sur le profilage racial et la façon d'éviter cette pratique. Existe-t-il une déclaration de principe qui dit, « Nous ne pratiquons pas le profilage racial? » Du reste, existe-t-il un mécanisme de traitement des plaintes?

M. Duchesneau : Oui, madame la présidente. J'ai déjà parlé de la formation. Elle porte non seulement sur les techniques qui aident à comprendre ce que l'on voit à l'écran, mais également sur le service aux clients et le profilage racial. Oui, nous en parlons et nous veillons à ce que cette pratique n'ait pas lieu.

Comme je l'ai mentionné, nous avons un mécanisme en place. Nous recevons environ 100 plaintes par année. Nous veillons à ce qu'aucune ne porte sur le profilage racial. Les observations de ce genre m'agacent beaucoup.

Le sénateur Fraser : Je comprends.

M. Duchesneau : Je ne fais pas allusion à ce que vous dites. Je tiens à préciser que...

Le sénateur Fraser : C'est ma dernière question sur le sujet.

Est-ce que le niveau de sensibilisation de vos agents s'est accru au cours des trois dernières années, alors qu'on aurait pu, au début de cette situation, se livrer à une pratique qui, aux yeux de quelqu'un de l'extérieur, ressemblait à du profilage racial?

M. Duchesneau : Oui, j'en suis convaincu.

Savez-vous que l'agent qui ne se conforme pas aux procédures normalisées d'exploitation perd sa certification sur-le- champ? Il est privé de travail tant qu'il n'a pas subi une nouvelle formation. Je pense que nos agents de contrôle font preuve de professionnalisme et comprennent bien la situation.

Cela a d'ailleurs partie du message que nous avons transmis quand nous nous sommes déplacés d'une région à l'autre pour rencontrer les agents de contrôle de première ligne. Il y a des choses que nous pouvons accepter, et d'autres que nous ne pouvons accepter — le profilage racial vient en tête de liste. Nous leur avons transmis le message en direct.

Est-ce que les choses se sont améliorées? Je l'espère.

Pouvons-nous les améliorer encore plus? Absolument.

Nous avons rencontré une Américaine qui se trouvait à bord d'un avion qui a été détourné en 1985. Elle a reçu une balle dans la tête et a été laissée pour morte sur le tarmac. Elle fait maintenant partie de notre programme de formation. C'est en raison de personnes comme elle que nous devons bien faire notre travail.

Le président : Merci beaucoup.

Il nous reste une vingtaine de minutes. Nous allons procéder à un deuxième tour de table. J'invite les collègues à être aussi précis que possible, au cas où chacun d'entre vous voudrait poser une question.

Le sénateur Andreychuk : Pouvez-vous nous dire qui dresse la liste des articles prohibés? Est-ce vous ou quelqu'un d'autre?

M. Duchesneau : C'est Transports Canada qui le fait. Habituellement, il dresse cette liste en consultation avec d'autres pays et l'Organisation de l'aviation civile internationale, à Montréal.

Tous les pays le font. Bien entendu, nous devons tenir compte des exigences de nos voisins, les États-Unis, et suivre les mêmes règles.

Le nouveau directeur de la Transportation Security Administration aux États-Unis a déclaré qu'il allait revoir la liste des articles prohibés. Transports Canada a mentionné que cette révision allait se faire dans le cadre de l'examen de cinq ans.

Le sénateur Andreychuk : Recevez-vous une circulaire tous les mois, ou à quelle fréquence vous envoie-t-on un avis vous annonçant que la liste a été modifiée? On semble y avoir apporté des modifications. Vous avez dit que le problème vient en partie du fait que les voyageurs transportent des objets alors qu'ils ne savent pas s'ils ont ou non le droit de le faire. Il faut sensibiliser le public. Je suis d'accord avec vous sur ce point. Ce qui est agaçant, c'est la personne qui voyage une fois par année, qui apporte tout avec elle et qui ne connaît pas les règles. Il y a aussi les habitués qui, eux, connaissent bien le système. Nous avons l'habitude de nous croiser dans les aéroports.

Comment le public peut-il savoir que la liste a été modifiée, que dans de nombreux cas, les petits objets comme les coupe-ongles ont été retirés de la liste? Comment peut-il savoir ce qui figure ou non sur cette liste? Pouvez-vous nous éclairer là-dessus?

M. Duchesneau : Savez-vous que trois ou quatre ans après les événements du 11 septembre, il y a encore des gens qui se présentent aux points de contrôle avec des armes à feu chargées? Il n'est pas nécessaire que ce soit un coupe-ongles. Nous saisissons un grand nombre d'objets de ce genre.

Le sénateur Andreychuk : Sauf votre respect, les personnes qui transportent des armes chargées sont munies d'un certificat. Les gens qui se rendent en Saskatchewan, par exemple, dont l'économie dépend du tourisme et de la chasse, arrivent munis d'un certificat qu'ils croient valides. Or, ce n'est pas au niveau de la sécurité que le problème se pose, mais au niveau des compagnies aériennes. Les gens se font dire, « Nous n'acceptons pas ce genre de certificat » ou « Nous n'étions pas au courant. »

Je me demande comment le public se tient au courant des changements qui sont apportés.

M. Duchesneau : Il est mieux renseigné. Nous avons également un site Web sur lequel travaille M. Duncan. C'est son domaine de spécialisation.

Marc Duncan, vice-président et directeur des exploitations, Administration canadienne de la sûreté du transport aérien : La sensibilisation du public demeure l'un des aspects les plus difficiles de notre travail. Dans le cas de la liste des articles prohibés, comme M. Duchesneau l'a mentionné, nous devons harmoniser notre liste avec celle des autres pays, notamment les États-Unis.

Il y a quelques différences du côté du Canada. Par exemple, il y a un an environ, nous avons placé les aiguilles à tricoter et les raquettes de tennis au bas de la liste.

Cette question posait problème après les événements du 11 septembre. Les contrôles ont été resserrés, la liste des articles tranchants s'est allongée, ainsi de suite. Toutefois, nous avons harmonisé certains des objets figurant sur la liste.

Nous devons faire encore plus à ce chapitre, mais c'est difficile, parce que nous devons toujours tenir compte de ce que font les États-Unis, le Royaume-Uni. En fait, il y a beaucoup de discussions à ce sujet au sein de l'Union européenne parce que plusieurs pays essaient de normaliser leur liste.

Nous avons un site Web. Nous diffusons des renseignements au public. Nous venons, par exemple, d'émettre un communiqué aux chasseurs de la Saskatchewan, parce qu'il y a de nombreuses personnes qui enregistrent, comme il se doit, leurs armes, sauf qu'elles mettent ensuite toutes leurs munitions dans leurs poches. Cet oubli cause des délais aux points de contrôle de préembarquement. Nous en sommes conscients. La diffusion de cette information constitue l'un de nos plus grands défis.

Le sénateur Andreychuk : Vous soulevez là un problème que j'ai moi-même observé. Des altercations surviennent quand les voyageurs, après avoir franchi deux ou trois points de contrôle ailleurs dans le monde, se font dire qu'ils ne peuvent plus apporter tel ou tel article à bord. La personne dit, « Mais j'ai déjà franchi les points de contrôle. J'ai besoin de cet objet. Je ne mettrai plus jamais les pieds dans cet aéroport. » C'est ce qui semble causer plus de délais aujourd'hui.

M. Duchesneau : Il y a eu, à Edmonton, le cas d'un homme qui devait franchir un point de contrôle. On lui a demandé de remettre un objet quelconque. Il est retourné au guichet de la compagnie aérienne et a dit, « Je veux un remboursement. Je vais prendre l'autobus jusqu'à Vancouver. » Oui, nous faisons face à des situations de ce genre tous les jours. Voilà pourquoi nos agents de contrôle ont besoin de votre appui. Ils ont un travail difficile à accomplir.

Le sénateur Andreychuk : Ma dernière question est la suivante : est-ce que les services de sécurité communiquent avec vous chaque fois qu'ils se trouvent en présence d'une personne suspecte? Ce qui vous intéresse, ce sont les articles qu'une personne transporte. C'est pour cette raison qu'elles font l'objet d'une fouille, que les bagages sont vérifiés. Vous vous concentrez sur les objets. Est-ce que l'on communique avec vous lorsqu'il y a une personne suspecte dans la file d'attente? Êtes-vous en mesure de me répondre?

M. Duchesneau : Vous posez là une question intéressante. Si je ne m'abuse, il n'y a pas eu un seul cas, au cours des trois dernières années, où l'on a communiqué avec nous pour cette raison. Les policiers doivent intervenir avant que la personne n'arrive à l'aéroport. Les hauts fonctionnaires ont la cote de sécurité très secrète. Ce que nous recevons la plupart du temps, ce sont des rapports au sujet de menaces non spécifiques, des menaces nouvelles auxquelles nous pourrions être confrontés dans l'industrie de l'aviation. C'est à nous de décider comment déployer l'équipement ou les ressources humaines. On ne nous communique pas le nom de personnes précises. Cela ne relève pas de notre compétence. C'est la GRC, la plupart du temps, ou le service de police qui intervient dans ces cas-là.

Le sénateur Andreychuk : Est-ce que les employés de l'aéroport font l'objet de contrôles réguliers?

M. Duchesneau : Environ 2 300 employés sont soumis, tous les jours, à des contrôles. Nous prévoyons augmenter ce nombre. Le contrôle est aléatoire.

[Français]

Le sénateur Joyal : Monsieur Duchesneau, est-ce que vous êtes entré en contact avec la table ronde des communautés multiculturelles qui a été mise sur pied au printemps dernier par le ministre de la Sécurité publique et qui a pour mandat de s'assurer que les mesures de sécurité tiennent compte des sensibilités particulières de ces communautés?

M. Duchesneau : Non. Je sais que ce comité a été mis sur pied par madame la ministre McLellan. Nous ne sommes pas entrés en contact avec les membres de ce comité.

Michael McLaughlin, vice-président et chef de la direction financière, Administration canadienne de la sûreté du transport aérien : J'ai assisté à une réunion de la table ronde des communautés culturelles à Vancouver. Ils ont posé des questions concernant notre procédure et je leur ai expliqué tout ce que l'on a fait. Ils sont très satisfaits de notre processus.

Le sénateur Joyal : Votre loi prévoit à l'article 33 que vous devez, après cinq ans, remettre un rapport au ministre des Transports. Vous avez déjà plus de trois ans d'activités ou à peu près. Quels sont les points sur lesquels vous estimez qu'il y aurait lieu de se concentrer pour assurer une plus grande efficacité de vos services?

M. Duchesneau : Dans le cadre de la révision de cinq ans que le ministre va bientôt annoncer, il y a quatre points sur lesquels nous devons nous pencher. Tout d'abord, une plus grande flexibilité au niveau opérationnel, c'est-à-dire s'assurer que la réglementation ne vienne pas nous placer dans un carcan nous empêchant de répondre aux différentes menaces que nous rencontrons à tous les jours. Deuxièmement, une plus grande flexibilité financière. Actuellement, nos budgets nous sont octroyés un an à l'avance. Si aujourd'hui nous avions une nouvelle menace, il aurait fallu la prévoir il y a un an. Ce n'est pas la façon dont le monde du terrorisme fonctionne. C'est un groupe qui se remet en question constamment. Ils ont peut-être de très bons budgets de recherche et développement et ils ont beaucoup d'idées. D'ailleurs, c'est peut-être un effet pervers des mesures de sécurité que nous avons mises en place. C'est rendu tellement difficile pour quelqu'un de se rendre à un aéroport pour lancer une attaque qu'on tente de trouver des moyens de contourner les systèmes. Troisièmement, un accès à des renseignements nous permettant de développer les nouvelles tendances dans le monde du terrorisme. Encore là, pas d'un point de vue spécifique, mais plus global. Et quatrièmement, travailler en plus étroite collaboration avec nos confrères de Transports Canada.

Le sénateur Joyal : Est-ce que votre analyse du système américain d'évaluation des bagages et du personnel des aéroports vous permet de conclure que le Canada a un système comparable sinon plus efficace que celui de nos voisins américains?

M. Duchesneau : Nous sommes fiers des résultats que nous avons obtenus et je me mettrais très près de la ligne d'arrivée si on se compare à d'autres pays. Nous, de l'ACSTA, avons mis sur pied une rencontre annuelle — à l'occasion semi-annuelle — avec mes vis-à-vis de 15 pays qui sont peut-être les plus proactifs dans le domaine de la sécurité du transport aérien. On se rend en Israël au mois de février. C'est une table ronde comme celle-ci où l'on échange sur les meilleures pratiques, sur les nouvelles inventions qui peuvent nous aider à mieux faire notre travail, mais aussi, sur l'état de la menace un peu partout dans le monde. En Israël par exemple, ils vivent le terrorisme à chaque jour. Il y a eu plus de 400 attaques suicides l'an passé, il est donc évident qu'ils ont développé une expertise. L'attaque suicide est sûrement l'arme de choix des terroristes par les temps qui courent. On doit être informé de cela. On échange de l'information. L'ACSTA vient de mettre sur pied un système où l'on peut présenter un problème sur l'Internet et nos confrères des différents pays nous aident à trouver des solutions. C'est cet échange d'information qui va faire qu'on sera toujours en avant des terroristes.

Le sénateur Joyal : Vous n'êtes pas relié à l'IATA d'aucune façon?

M. Duchesneau : Oui, j'arrive de Genève où, il y a deux semaines, j'ai donné une conférence sur l'état de la situation dans le domaine de l'aviation. L'IATA avait sa conférence annuelle de sécurité dans l'aviation. Encore là, le Canada a joué un rôle de premier plan. Dans à peu près tous les ateliers, il y avait des représentants du Canada et les gens voulaient vraiment entendre ce qu'on est en train de mettre sur pied. Plusieurs pays font du « lip service », alors que nous avons déjà implanté des systèmes qui sont sur la planche à dessin de d'autres pays.

Le sénateur Joyal : Quel est le lien juridique entre votre organisme et celui des transporteurs aériens dans le cas où il y aurait un attentat dans un avion? Est-ce que les passagers ne devraient pas se retourner vers le gouvernement du Canada et vous, conjointement avec le transporteur aérien, depuis que le gouvernement du Canada a pris la responsabilité d'assurer une certaine forme de sécurité?

M. Duchesneau : Encore là, pas dans l'intention de me péter les bretelles, mais le Canada a été le premier pays à qui les assureurs de Londres ont octroyé une assurance anti-terrorisme.

Après les événements du 11 septembre, vous savez que toutes les compagnies aériennes se sont vues refuser des assurances concernant le terrorisme. En raison des systèmes que nous avons mis en place au Canada, nous avons été le premier pays à avoir cette assurance qui nous protège à hauteur d'un milliard de dollars américains, en cas d'attaque, et ce en plus de ce que le gouvernement nous attribuerait.

[Traduction]

Le sénateur Fraser : Je ne sais pas si cette question est logique ou non, mais appliquez-vous des critères différents, des niveaux d'évaluation différents, selon la destination d'un passager? Par exemple, est-ce que les voyageurs qui se rendent à l'étranger, aux États-Unis, font l'objet de contrôles plus sévères? Non? C'est la même chose pour tout le monde, que leur destination soit éloignée ou non?

M. Duchesneau : Il existe des formalités spéciales pour les passagers qui se rendent aux États-Unis, car nous devons nous conformer aux règles américaines qui s'appliquent à tous les vols transfrontaliers.

Le sénateur Fraser : Ma deuxième question allait porter là-dessus. Si vous avez des règles différentes, qui les établit?

M. Duncan : La situation au Canada a ceci de particulier que lorsque vous passez la douane, vous devez faire l'objet d'un contrôle additionnel, à la demande des États-Unis. Si vous venez d'Europe et que vous vous rendez aux États- Unis, vous allez faire l'objet d'un contrôle additionnel à la porte d'embarquement avant de monter à bord d'un vol à destination des États-Unis. Nous avons prévu, de concert avec la TSA, un contrôle supplémentaire aux postes de prédédouanement américains. Il s'agit essentiellement d'un contrôle aléatoire additionnel. Nous effectuons ces contrôles de concert avec les États-Unis. Ils sont effectués dans un point de filtrage distinct des points habituels.

Le sénateur Fraser : J'essaie de me rappeler la dernière fois que je suis allée aux États-Unis. Je ne pense pas avoir franchi plus d'un point de contrôle. Est-ce que les contrôles de sécurité pour le prédédouanement sont plus serrés?

M. Duncan : La personne qui fait l'objet d'une deuxième fouille est choisie au hasard.

Le sénateur Fraser : En vertu de règles mutuellement convenues.

M. Duncan : Oui.

Le sénateur Fraser : Avez-vous déjà eu des raisons de douter de la nature des mesures prises par les Américains? Vous est-il déjà arrivé de dire non, ces mesures sont trop intrusives et contraires à nos lois?

M. Duncan : Encore une fois, nous collaborons avec Transports Canada et tous les règlements que nous appliquons sont fondés sur la Loi sur l'aéronautique. Ces règlements sont canadiens. Transports Canada fixe des limites pour ce qui est de la protection de la vie privée, ainsi de suite. Le ministre a parlé de la protection des passagers. Tous les règlements, toutes les mesures que nous prenons, doivent être conformes à la Charte canadienne des droits et des libertés, aux exigences en matière de bilinguisme, ainsi de suite. Oui, quand nous examinons, de concert avec la TSA, les procédures normalisées d'exploitation, nous avons des divergences d'opinions sur la façon dont elles vont être mises en œuvre au Canada, par opposition à ce qui se ferait en France, par exemple. Encore une fois, nous remplissons toutes nos exigences. Les règlements sont élaborés au Canada, pas aux États-Unis.

Le sénateur Fraser : Vous avez parlé de la France, mais ma question visait les États-Unis.

M. Duncan : C'est vrai.

Le président : Merci d'être venu. Il est important pour nous d'entendre votre point de vue, parce que nous sommes toujours sur la route et que nous ressentons nous aussi des frustrations. Vous nous avez apporté une aide précieuse aujourd'hui. Merci.

M. Duchesneau : J'espère que vous vous sentez en sécurité quand vous vous déplacez.

Le président : Oui.

Vous faites de l'excellent travail à l'aéroport de Lethbridge, et ils n'ont pas de détecteurs.

Honorables sénateurs, nous allons nous réunir à nouveau à 15 h 30.

La séance est levée.


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