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Délibérations du comité sénatorial spécial sur la
Loi antiterroriste

Fascicule 19 - Témoignages - Séance de l'après-midi


OTTAWA, le lundi 14 novembre 2005

Le Comité sénatorial spécial sur la Loi antiterroriste se réunit aujourd'hui à 15 h 33 afin de procéder à un examen approfondi des dispositions et de l'application de la Loi antiterroriste (L.C. 2001, ch.41).

Le sénateur Joyce Fairbairn (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Honorables sénateurs, la séance est ouverte. Le Comité sénatorial spécial sur la Loi antiterroriste tient aujourd'hui sa quarante-troisième réunion avec des témoins. Je tiens à expliquer brièvement à l'intention des téléspectateurs ce qui a conduit à la création de notre comité.

En octobre 2001, en réaction directe aux attentats terroristes à New York, à Washington, D.C., et en Pennsylvanie, et à la demande des Nations Unies, le gouvernement canadien a présenté le projet de loi C-36, la Loi antiterroriste. Compte tenu de l'urgence de la situation à ce moment-là, on a demandé au Parlement d'accélérer l'étude de cette mesure législative, et nous avons accepté. La date butoir pour l'adoption de cette loi avait été fixée à la mi-décembre 2001. Cependant, on craignait qu'il soit difficile d'évaluer en profondeur les conséquences potentielles de cette mesure législative en un si court laps de temps. Ainsi, il a été convenu que, trois ans plus tard, on demanderait au Parlement d'examiner les dispositions de la loi et ses conséquences pour les Canadiens « a posteriori », dans un climat moins chargé d'émotivité au sein de la population canadienne. Les travaux de notre comité spécial représentent la concrétisation de cet engagement au niveau du Sénat.

Lorsque ces travaux seront terminés, nous ferons part au Sénat de toute question que nous estimerons devoir aborder. Nous mettrons les résultats de nos travaux à la disposition du gouvernement et de la population canadienne. Il convient de préciser que la Chambre des communes se livre actuellement à un exercice semblable.

Jusqu'à présent, le comité a rencontré des ministres, des fonctionnaires, des experts nationaux et internationaux en matière de menace terroriste, des experts juristes, des personnes chargées de l'application de la loi et de la recherche de renseignements de sécurité et des représentants de groupes communautaires.

Le plus souvent, nos discussions avec les témoins étrangers que nous avons entendus se sont faites grâce à l'incomparable nouvelle technologie des vidéoconférences. En septembre, nous nous sommes entretenus directement avec nos homologues à Washington, et nous revenons tout juste de Londres, où nous avons eu toute une série de discussions fort intéressantes.

Cet après-midi, nous avons l'honneur d'accueillir de nouveau deux experts importants qui s'intéressent de très près aux travaux de notre comité, soit l'honorable Anne McLellan, vice-première ministre, ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, et l'honorable Irwin Cotler, ministre de la Justice et procureur général du Canada. Nous souhaitons également la bienvenue à Margaret Bloodworth et à Bill Pentney.

Nous vous sommes très reconnaissants d'être venus nous rencontrer pour faire le point sur ce qui s'est passé depuis que vous avez comparu devant nous en février.

L'honorable Anne McLellan, vice-première ministre et ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile : Je suis heureuse de revenir devant votre comité en ce moment où vous êtes sur le point de terminer l'examen que vous êtes tenus de faire de la Loi antiterroriste. Je remercie le comité de la diligence avec laquelle il a su relever ce défi.

Nous tenons à remercier les membres du comité et vous-même de nous donner l'occasion de comparaître de nouveau devant vous. Vous avez entendu plus de 100 témoins et vous avez reçu plus de 60 mémoires. Vous avez entendu des experts, des fonctionnaires, des universitaires et des membres du grand public.

[Français]

En conséquence, je tiens à vous remercier de votre action, en mon nom et au nom du gouvernement du Canada. Je suis persuadée que vous avez reçu la déclaration conjointe que nous avons présentée. Nous en aborderons chacun certains aspects, puis nous nous ferons un plaisir de répondre à vos questions.

[Traduction]

Comme vous avez pu vous en rendre compte, la menace terroriste n'a pas diminué depuis que la Loi antiterroriste a été adoptée il y a trois ans. Pensons au réseau de transport en commun de Londres, à Bali, à New Delhi et maintenant à la Jordanie; ce sont-là autant d'attentats terroristes aveugles commis de sang-froid contre des innocents, contre des enfants même.

Après les attentats perpétrés à Londres l'été dernier, al-Quaïda a publié de nouveau sa liste de pays cibles. Le Canada figure toujours sur cette liste. Nous devons chercher à prévenir, à décourager et à faire avorter les attentats terroristes au Canada et à empêcher qu'ils ne puissent être dirigés ou financés à partir du Canada. À cette fin, la Loi antiterroriste demeure une pierre angulaire vitale de la sécurité nationale et un instrument de notre engagement international, dont mon collègue, le ministre Cotler, vous entretiendra plus longuement. Son objet est la prévention et ses pouvoirs sont préemptifs. Il s'agit, à notre avis, de l'approche qui convient et qui permet d'assurer un juste équilibre. Les Canadiens semblent aussi être de cet avis. D'après les sondages d'opinion publique, les Canadiens tiennent à la sécurité et à la liberté, et ils sont pour des mesures sévères et musclées qui sont toutefois appliquées avec sensibilité.

Nous sommes sensibles aux préoccupations de certains membres des communautés musulmanes et arabes. C'est pour cette raison que M. Cotler et moi-même avons rencontré au cours de la dernière année des particuliers des organisations de toutes les régions du pays. Nous avons intensifié le dialogue constructif que le gouvernement a engagé avec les Canadiens sur la Loi antiterroriste et sur sa mise en œuvre, et nous entendons poursuivre ce dialogue.

J'ai eu l'occasion, lors d'un récent voyage au Royaume-Uni, de m'entretenir avec le secrétaire de l'Intérieur, Charles Clark, et avec un certain nombre de hauts fonctionnaires. Le Canada et le Royaume-Uni ont des régimes politiques semblables. Nos deux pays souscrivent à la diversité, et nous avons tous les deux été victimes d'attentats terroristes. Charles Clark m'a parlé des leçons que son pays a tirées des attentats de juillet. Le Canada examine ces leçons afin d'améliorer notre sécurité et de renforcer la sécurité internationale. Nous avons suivi l'exemple du Royaume-Uni en engageant le dialogue avec les communautés ethnoculturelles. Les représentants tant du gouvernement que des ONG participent à cet effort concerté.

Mon homologue m'a mise au courant de ce qui s'était passé au sommet entre le premier ministre Blair et les dirigeants musulmans ainsi que des démarches entreprises par la police métropolitaine relativement aux relations avec la communauté musulmane.

J'ai pour ma part mis mon homologue au courant de la rencontre que le premier ministre Martin a eue avec les imams en juillet dernier ainsi que du travail accompli par notre Table ronde interculturelle sur la sécurité. Cette table ronde est une initiative importante qui engage les membres des diverses communautés du Canada. Elle a pour but de nous aider à comprendre les préoccupations des différentes communautés et à tirer parti de l'éclairage qu'elles peuvent nous apporter. C'est grâce à ce genre de dialogue que nous pourrons nous assurer que la Loi antiterroriste est compatible avec les valeurs canadiennes.

Certains témoins ont soutenu que les dispositions de la loi qui prévoient de dresser des listes d'entités liées au terrorisme ne contiennent pas suffisamment de mesures de sauvegarde ou encore qu'elles présentent des problèmes relativement à la documentation utilisée pour étayer ces listes. La conséquence première de ces listes est de priver les terroristes de l'accès à des fonds et à d'autres éléments d'actifs. Ceux qui figurent sur les listes s'exposent à la saisie ou au blocage de leurs biens, et les institutions qui détiennent ces biens doivent signaler le fait aux autorités.

Depuis notre dernière comparution, le gouvernement du Canada a ajouté trois autres entités, ce qui donne un total de 38. Les dispositions concernant l'établissement de listes ont été incluses dans la loi afin de priver les terroristes de leurs avoirs et de mettre en vigueur la résolution 1373 des Nations Unies, qui invite les pays membres à prendre des mesures en ce sens.

Nous savons que des entités terroristes de toutes tailles et de toutes les parties du monde ciblent les pays riches comme le nôtre en y voyant des sources de financement. On peut d'ailleurs raisonnablement dire que toutes les données anecdotiques montrent que nous sommes une de leurs cibles de prédilection pour ce qui est de recueillir les sommes nécessaires pour financer leurs activités.

Ce mois-ci, le CANAFE, qui produit des renseignements financiers sur le blanchiment d'argent et le financement d'activités terroristes, a signalé qu'au cours du dernier exercice financier, il avait alerté les forces de l'ordre à des cas de présumé financement terroriste et de présumées menaces terroristes pour la sécurité, et ce pour une valeur de 180 millions de dollars. Le nombre de cas signalés a plus que doublé par rapport à l'année précédente.

Le Canada doit prendre toutes les mesures nécessaires pour lutter contre le financement du terrorisme. L'établissement de listes d'entités terroristes est une de ces mesures, et en cela, nous donnons suite à l'engagement que nous avons pris auprès des Nations Unies et de la communauté internationale.

Je sais que certains témoins ont fait état d'inquiétudes en ce qui concerne certains aspects relatifs aux certificats de sécurité et que votre comité a été informé de façon complète de l'utilisation de ces certificats.

Je voudrais insister sur quelques points clés. Ces certificats sont émis aux termes de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, et ils existent depuis plus de vingt ans. L'honorable Joe Volpe, ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, a témoigné devant vous ce matin. Dans le cadre du processus d'immigration, nous avons bien l'intention de renvoyer du Canada les personnes visées par des certificats de sécurité et, à la lumière des risques qu'elles présentent, de les garder en détention jusqu'à leur renvoi. La détention est une mesure appropriée puisque nous sommes en train d'effectuer leur renvoi. La détention en attendant le renvoi a été jugée constitutionnelle et compatible avec les instruments internationaux. En outre, dans le cadre du processus, si la personne visée décidait de quitter le pays, le processus serait aussitôt suspendu, et la personne pourrait partir de son propre chef. Dans l'intervalle, certaines personnes choisissent d'épuiser tous les recours juridiques pour éviter leur renvoi, comme c'est leur droit.

Depuis 1971, seulement 27 certificats ont été délivrés, et pourtant nous renvoyons 9 000 personnes environ par année. C'est là la preuve que nous avons recours aux certificats seulement en cas de besoin et seulement dans des circonstances exceptionnelles.

Le juge qui est appelé à se prononcer examine toutes les preuves dans chaque cas et c'est lui qui détermine quelles preuves peuvent être divulguées au public sous forme de résumé non confidentiel. Dès lors, la personne concernée est au courant des allégations portées contre elle et elle peut présenter des preuves et des témoignages ou demander à des témoins de se prononcer.

Quand on décide de ne pas renvoyer une personne faisant l'objet d'un certificat de sécurité, car elle court un risque substantiel de torture dans son pays d'origine, on se fonde sur la décision de la Cour suprême du Canada en l'occurrence dans l'affaire Suresh. Je sais que cette question a suscité beaucoup de discussions et d'intérêt ici en comité. Le gouvernement choisit soigneusement un moyen terme entre les droits de l'individu et les intérêts en matière de sécurité nationale.

Les tribunaux ont examiné les rouages du processus de délivrance d'un certificat de sécurité et invariablement ils ont tranché qu'il était constitutionnel. Récemment, la Cour suprême du Canada a accordé la permission d'examiner la constitutionnalité du processus de délivrance des certificats de sécurité. Nous sommes impatients de connaître la décision de la Cour, et les opinions des comités qui revoient la Loi antiterroriste à cet égard nous intéressent vivement.

La question des renvois intéresse le monde entier. Ce sont des dossiers difficiles et complexes pour nous tous. Je pense que notre système tient compte abondamment de l'application régulière de la loi dans les cas les plus extrêmes. Notre système vise un juste milieu entre les droits des individus et la protection de la société contre des menaces à notre sécurité.

Quand nous sommes en possession de renseignements, ce sont des renseignements qui pourraient permettre d'épargner des vies. Nous avons vu les conséquences tragiques des failles dans les activités de renseignement. Le rapport de la commission sur les événements du 11 septembre offre des conclusions percutantes concernant l'importance des activités de renseignement et la capacité d'analyser les données en temps réel, de les communiquer intelligemment et de faire intervenir ceux qui peuvent empêcher que des innocents soient victimes de meurtres.

Les renseignements sont le moteur même de nos agences de sécurité. Ils ne sont pas à l'abri de menaces terroristes et si la menace s'est atténuée, c'est à cause du travail de ces hommes et de ces femmes à nos frontières, à cause de l'intervention de nos bureaux d'immigration, de nos services de renseignement et des forces de l'ordre.

Les renseignements possédés sont parfois incomplets. Voilà pourquoi il est important de le partager avec d'autres autorités qui peuvent apporter un complément d'information ou encore confirmer ou infirmer ce que nous possédons, pour garantir que nous n'agissons pas de façon inopportune.

Nous avons tiré des leçons de l'explosion à bord du vol 182 d'Air India et des événements du 11 septembre, et ce en poursuivant les enquêtes et en en partageant les résultats avec les organismes responsables de la sécurité publique et au besoin, d'autres pays. Dans ce contexte, nous ne pouvons pas travailler en vase clos. Pour garantir que nous protégeons la vie privée et les droits individuels, l'échange de ces renseignements doit se faire selon des modalités et des protocoles stricts. Nous revoyons régulièrement nos accords d'échange. La Loi antiterroriste aide à protéger ces droits car elle exige des rapports annuels, des examens parlementaires et il y figure d'autres garanties. Comme vous le savez, le gouvernement du Canada a demandé au juge O'Connor de faire des recommandations précises sur un mécanisme indépendant de révision du travail de la GRC en matière de sécurité nationale.

La Loi antiterroriste constitue un instrument véritablement canadien, qui reflète les valeurs canadiennes et est conforme au droit canadien. Cette loi a été rédigée avec soin, forts de l'expérience que nous avons acquise grâce à une réflexion au fil des ans et à d'intenses consultations. Le gouvernement du Canada n'a pas l'intention d'abroger cette loi car le danger est tout simplement trop énorme. Comme c'est le cas pour toute mesure sécuritaire, nous devons toujours nous soucier de veiller à ce que nos mesures soient appropriées et témoignent d'un juste équilibre.

Je suis impatiente de connaître les opinions du comité en ce concerne l'objectif le plus fondamental pour le pays, à savoir la sécurité collective de notre population et le respect de la primauté du droit et des droits fondamentaux.

[Français]

L'honorable Irwin Cotler, ministre de la Justice et procureur général du Canada : Madame la présidente, je suis très heureux d'être ici avec ma collègue et de participer à cette cause commune qui nous rassemble : la lutte contre le terrorisme et la protection de la sécurité humaine.

[Traduction]

Je suis ravi d'accompagner aujourd'hui ma collègue, la ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, pour participer à cet important examen de la Loi antiterroriste.

Je voudrais vous dire tout d'abord que je vous suis reconnaissant du travail ardu et des longues heures que vous consacrez à cette étude. Madame la présidente, vous l'avez dit dans vos remarques liminaires, il s'agit de la quarante- troisième réunion du comité. Le comité a entendu un grand nombre de témoins et a fait des visites à l'étranger. Outre le fait que votre examen découle de l'application de l'article 145 de la Loi antiterroriste, le gouvernement et tous les Canadiens se félicitent que vous l'ayez entrepris. Votre travail garantit que les meilleures intentions et les meilleures études trouvent leur place dans la meilleure loi possible. Le message est clair : en matière de rédaction, d'application et de modification de la loi pour protéger la sécurité de la population, le Canada procède au grand jour, en plein soleil, car le soleil est le meilleur désinfectant.

[Français]

La dernière fois que j'ai comparu devant ce comité, j'ai présenté 11 principes fondamentaux qui étaient la LAT, ainsi que les valeurs et les principes qui les animent. Aussi populaire qu'aient été ces principes auprès des membres de ce comité, je n'ai pas l'intention de les réitérer aujourd'hui.

[Traduction]

Il est capital que l'on considère que ces principes reflètent les valeurs qui ont toujours caractérisé notre pays et sur lesquelles il se fonde : la tolérance, le multiculturalisme et le souci de la sécurité de la population. L'histoire du Canada, écrite et orale, connaît bien des auteurs. En effet, il y a peu de pays dans le monde qui ne trouvent pas leur reflet au Canada. Cette grande diversité a toujours été notre force. La préserver et la transmettre pour l'avenir exigent que tous les Canadiens vivent dans une société sûre. Toutefois, aucune société ne peut se sentir véritablement en sûreté si le terrorisme a la haute main dans le monde. Il nous faut nous unir aux autres pays pour contrer la terreur à tout bout de champ grâce aux moyens que la justice met à notre disposition. Il appartient à chaque pays de choisir comment il procédera. Les ex-juges Frank Iacobucci et Louise Arbour ont dit :

Le défi qui se pose aux démocraties dans leur lutte contre le terrorisme n'est pas de savoir s'il est opportun de réagir mais de savoir comment réagir.

Nous avons choisi d'ancrer la sécurité de la population dans la protection de la sécurité nationale et des libertés civiles. Trop souvent, on fait de ces deux éléments une équation nulle, autrement dit tout l'un ou tout l'autre, les libertés civiles ou la sécurité nationale, la liberté personnelle ou la sécurité nationale, les droits des individus ou les pouvoirs de l'État. En réalité, il faut que les deux éléments soient complémentaires plutôt que contradictoires. On ne peut pas songer à protéger la liberté personnelle ou les libertés civiles sans d'abord garantir notre sécurité nationale. Nous ne pouvons pas prétendre protéger notre sécurité en oubliant d'inclure dans cette notion la protection de nos libertés civiles.

Le principe de base et prédominant est la protection de la sécurité humaine dans un cadre de protection de la sécurité nationale et des libertés civiles. C'est là le fondement de toute autre liberté et le point de départ de la protection de nos droits les plus fondamentaux. Le terrorisme transnational est une atteinte grave à nos droits les plus fondamentaux en démocratie : la vie, la liberté et la sécurité de l'individu. Les mesures de contre-terrorisme visent à créer et à protéger le climat qui permet l'exercice de ces droits.

Lors de délibérations récentes aux Nations Unies, un deuxième principe s'est dessiné. J'affirme ici que le terrorisme constitue une agression de plein fouet à l'égard de la paix et de la sécurité internationale et des principes généraux sur lesquels la Charte des Nations Unies repose effectivement. Le secrétaire général des Nations Unies a dit récemment :

Le terrorisme constitue une attaque directe à l'endroit des valeurs que défend l'Organisation des Nations Unies : la primauté du droit, la protection des civils, la résolution pacifique des conflits et le respect mutuel entre les confessions et les cultures.

Sénateurs, j'évoque ici les principes qu'on a cernés depuis notre dernière rencontre, c'est-à-dire les principes qui réaffirment ce que je disais à propos du cadre international qui leur donne appui et aval.

Le troisième principe qui sous-tend notre approche dans la lutte contre le terrorisme est celui du respect de la primauté du droit dans les mesures de contre-terrorisme que nous prenons même si le terrorisme constitue une agression grave à l'endroit de la primauté du droit. Là encore nous respectons les valeurs de notre Charte des droits et libertés car nous sommes une nation constitutionnelle fondée sur la primauté du droit. Aucun particulier, aucun groupe, ne doit faire l'objet d'un traitement différent et discriminatoire parce qu'il n'y a aucun Canadien dont on puisse dire qu'il a moins de droits que les autres. Tous les Canadiens sont égaux devant la loi et assujettis à la loi et tous bénéficient de la même protection et du même traitement par la loi. Bref, notre loi antiterroriste, qui vise à protéger la sécurité humaine et les droits de la personne, ne doit pas restreindre les droits mêmes qui garantissent notre sécurité.

Le quatrième principe est celui de la tolérance zéro à l'égard du terrorisme, et selon ce principe, il ne peut y avoir de justification ni d'exemption pour l'activité terroriste. Voici ce qu'a déclaré le Conseil de sécurité des Nations Unies :

Nous condamnons fermement le terrorisme sous toutes ses formes et dans toutes ses manifestations, quels qu'en soient les auteurs, les lieux et les buts, car il constitue une des menaces les plus graves pour la paix et la sécurité internationales.

Le cinquième principe, réaffirmé par le Conseil de sécurité des Nations Unies, et sur lequel a insisté le secrétaire général des Nations Unies, c'est le risque de l'incitation au terrorisme comme cause directe du terrorisme international ainsi que le caractère transnational de cette incitation au terrorisme.

Le sixième principe est celui de l'importance de la prévention. En préparant les mesures législatives de lutte contre le terrorisme, nous avons adopté une position de prévention et d'anticipation. Les terroristes sont des adversaires d'un nouveau type. Nous parlons de guerre contre le terrorisme, mais il s'agit d'un type de conflit différent, avec des règles d'engagement différentes. Les objectifs et les méthodes des terroristes sont si différents que nos interventions doivent être adaptées à chaque menace. Comme ma collègue l'a dit, pour nous, il faut davantage déceler et dissuader que simplement poursuivre et punir. Notre objectif doit être de perturber, neutraliser et si possible démanteler les groupes qui cherchent à nous causer des torts énormes. La ministre McLellan l'a dit à maintes reprises, lorsque les terroristes sont dans l'avion, il est trop tard.

Passons maintenant des principes généraux à des questions plus précises. Pour commencer, plaçons la Loi antiterroriste dans le contexte plus large des efforts internationaux déployés pour lutter contre le terrorisme, depuis notre dernière rencontre. S'il y a une dynamique primordiale qui a émergé depuis notre dernière rencontre, c'est, comme l'a écrit Le Monde après les attentats de Londres, la mondialisation du terrorisme international.

La Loi antiterroriste établit un parallèle entre les mesures qui sont prises par nos partenaires à l'échelle internationale et les nôtres. Le terrorisme ne respecte aucune frontière nationale et aucun pays ne peut lutter seul contre lui. C'est véritablement une menace mondiale qui appelle une réaction mondiale.

Le secrétaire général a récemment parlé de l'importance de préparer une convention globale et internationale contre le terrorisme. Il a parlé de la nécessité pour la société civile et les chefs religieux de s'exprimer fortement contre le terrorisme. Il a dit qu'il fallait enlever aux terroristes les moyens de commettre des attentats. Il a dit que les États devaient trouver la capacité de prévenir le terrorisme par la promotion de la saine gouvernance et de la primauté du droit. Le Canada fait la promotion de la saine gouvernance dans le cadre de son engagement auprès de systèmes judiciaires étrangers.

En septembre, le premier ministre Martin s'est joint à d'autres dirigeants des Nations Unies pour condamner fortement le terrorisme et pour faire bon accueil à la stratégie de lutte contre le terrorisme du secrétaire général. Il y a un renvoi à cette stratégie dans notre mémoire. Cette stratégie et ses principes sont bien arrimés à notre Loi antiterroriste.

En signant la Convention pour la répression des actes de terrorisme nucléaire, le premier ministre a contribué aux efforts visant à renforcer le régime international de lutte contre le terrorisme. Dans ce cadre, la Loi antiterroriste est un outil essentiel permettant au Canada de se conformer aux résolutions du conseil de sécurité se rapportant à la lutte contre le terrorisme, de se conformer aux recommandations sur le financement du terrorisme et de mettre en œuvre et de ratifier bon nombre d'autres accords internationaux d'importance.

La lutte contre le terrorisme n'est jamais facile, et ne connaît pas de fin. Il faut continuer à mettre à jour nos politiques et procédures pour qu'elles soient modernes et efficaces. Après les attentats du 7 juillet 2005 à Londres, le Royaume-Uni et d'autres pays ont évalué la nécessité d'avoir de nouvelles lois ou mesures antiterroristes.

Vous êtes récemment allés à Londres et vous savez que la loi de 2005 sur la prévention du terrorisme au Royaume- Uni crée de nouvelles infractions relatives à la dissémination de documents terroristes et à la glorification du terrorisme, qui découlent de l'infraction consistant à encourager la perpétration d'un acte terroriste. Outre ce projet de loi sur le terrorisme, le Home Secretary a présenté une longue liste de comportements inacceptables comme motifs d'exclusion et de déportation hors du Royaume-Uni. L'Australie a emboîté le pas à la Grande-Bretagne, en présentant des propositions semblables.

Le ministère de la Justice du Canada et SPPCC ont suivi attentivement ces événements internationaux. Le Canada dispose déjà de lois raisonnées qui traitent des problèmes que d'autres pays essaient de régler et nous n'avons pas estimé nécessaire de proposer d'autres mesures ou politiques. Nous écouterons toutefois attentivement toutes recommandations que votre comité voudra bien faire par suite de son étude. Nous sommes prêts à intégrer toutes mesures appropriées devenues nécessaires et tirer de votre analyse des mesures prises ailleurs.

Outre ces nouvelles mesures prises à l'étranger, des études sont menées par des parlements et des congrès sur les lois antiterroristes existantes, que ce soit aux États-Unis, en Nouvelle-Zélande ou ailleurs. Nous les suivons de près, en partie parce que le droit pénal contemporain doit être adapté aux besoins du jour. Le terrorisme a évolué, au fil du temps, ses méthodes étant de plus en plus perfectionnées, et notre droit pénal doit s'adapter aux circonstances, selon nos besoins. Il est essentiel que les infractions prévues au Code criminel nous permettent de condamner ceux qui facilitent les actes terroristes, y participent ou les commandent. C'est ce que fait actuellement la Loi antiterroriste.

Des groupes terroristes comme al-Qaïda ont des structures très hiérarchisées, composées de cellules, et peuvent compter sur l'aide de nombreuses personnes de manière assez indirecte. Le droit d'avant 2001, recourant aux complots criminels, était tout simplement insuffisant en pareilles circonstances, surtout lorsqu'il s'agissait d'accuser ceux qui facilitaient des actes terroristes de manière indirecte.

Grâce à la Loi antiterroriste, nous avons maintenant les ressources nécessaires, et elles reposent sur les principes de la responsabilité criminelle mis en place pour lutter contre le crime organisé en 2002. À ce sujet, nous nous sommes adaptés au crime organisé.

En retirant aux terroristes les moyens d'atteindre leurs buts ou de passer aux actes, la Loi antiterroriste a aussi abordé d'autres formes d'activités criminelles, comme le financement du terrorisme. On disait que c'était le talon d'Achille du terrorisme international et qu'il fallait s'en occuper.

Certains témoins de votre comité ont signalé que nombre de mesures prévues dans la loi, dont certaines dont j'ai parlé, n'ont pas été utilisées, ou rarement. Sauf votre respect, je prétends que la fréquence de leur utilisation n'a rien à voir avec leur nécessité.

Nombre de nos lois, y compris en droit pénal, sont rarement appliquées, mais personne ne veut leur abolition. D'ailleurs, au sujet des dispositions de la Loi antiterroriste, on pourrait dire que les Canadiens peuvent être rassurés du fait qu'on fait preuve de retenue et de jugement dans la façon dont on y recourt. Cette retenue montre clairement le sérieux que nous accordons à ces pouvoirs et à la nécessité de nous en servir judicieusement.

La ministre McLellan a parlé de certaines préoccupations soulevées par des témoins. Nous avons peu de temps et je ne parlerai que de deux autres questions. Premièrement, la définition du terme « activité terroriste » dont certains prétendent qu'elle est trop vague, ou de trop grande portée. Deuxièmement, des témoins prétendent que la disposition sur le mobile encouragerait le profilage racial. Je donnerai deux arguments pour y répondre.

D'abord, nous respectons depuis toujours le principe selon lequel les politiques et les lois en matière de lutte contre le terrorisme doivent respecter la primauté du droit. Les pratiques discriminatoires n'ont pas leur place dans l'application de la loi. Et en allant droit au but, je dirai que rien dans la définition du terme « activité terroriste » ne cible un groupe particulier ni ne criminalise des activités politiques, religieuses ou idéologiques. J'ai recommandé une disposition d'interprétation, pour y veiller. L'exigence relative au motif ne s'applique qu'aux situations où de graves torts ont été causés par du terrorisme, dans un but politique, religieux ou idéologique, et qui relèverait de la définition du Code criminel de ce qu'est une activité terroriste.

Deuxièmement, cette exigence a été incorporée au Code criminel dans le but d'établir une distinction entre les activités terroristes, auxquelles s'appliquent notamment des dispositions spéciales d'investigation, entre autres — et d'autres types d'activités criminelles qui sont régies par d'autres dispositions du Code criminel. Autrement dit, ces dispositions ne s'appliquent qu'à un type particulier de criminalité internationale.

Je souhaite également souligner qu'une exigence relative au motif a été intégrée à la loi antiterroriste d'autres pays, comme le Royaume-Uni, l'Australie et la Nouvelle-Zélande.

Nous prenons très au sérieux les préoccupations des témoins qui ont comparu devant votre comité à l'égard de l'établissement de profils raciaux. Afin de répondre à ces préoccupations, ma collègue et moi-même avons mis sur pied la Table ronde transculturelle sur la sécurité. Nous avons tous deux eu le privilège de rencontrer les membres de ce groupe et aurons l'occasion de le faire de nouveau la semaine prochaine. Il s'agit d'une voix importante, que nous continuerons d'écouter au cours des jours et des mois qui viennent.

À part la Table ronde, je continuerai d'envisager des occasions de rencontrer des membres des groupes ethnoculturels et religieux, afin d'entendre leurs préoccupations et de leur demander conseil.

Le gouvernement a en outre récemment annoncé son Plan d'action contre le racisme, lequel apportera encore plus de substance et de structure à notre engagement contre le racisme et la discrimination raciale. J'ai aussi lancé une initiative de justice nationale contre le racisme et la haine.

Ce plan d'action comme cette initiative nationale en matière de justice comporte de nombreux éléments qui s'articulent autour d'un même thème : le Canada n'offre aucun refuge pour la haine ou le racisme. C'est le principe clair et sans équivoque qui guide toute l'application des lois et politiques antiterroristes.

Madame la présidente, j'aimerais parler rapidement d'une autre préoccupation qui est ressortie de vos audiences, soit les changements apportés à la Loi sur la preuve au Canada ou LPC. En ce qui touche la LPC, des témoins ont mis en doute la nécessité des dispositions des articles 37 et 38, lesquels tentent d'établir un équilibre entre le droit de l'accusé à un procès équitable et le préjudice qui pourrait découler de la divulgation de renseignements, surtout en termes de relations internationales, de défense nationale ou de sécurité nationale.

Quand j'ai vu la version initiale de ces dispositions, j'ai affirmé qu'elles suffiraient à me faire voter contre la Loi antiterroriste. J'ai proposé six amendements que la ministre de la Justice de l'époque, Mme McLellan, a adoptés et qui se retrouvent dans le cadre actuelle de la Loi sur la preuve au Canada.

En modifiant ces articles, nous avons cherché à améliorer l'utilisation et la protection des renseignements en procurant davantage de souplesse, par exemple en créant la possibilité de régler les questions de preuve au cours du processus et en ajoutant l'examen judiciaire. Auparavant, le procureur général aurait pu émettre un certificat sans qu'il y ait une procédure judiciaire. Maintenant, le certificat ne peut être émis que dans le contexte d'une procédure judiciaire, il est assujetti à un examen judiciaire et il y a des délais à respecter, notamment. Un changement important a donc été apporté.

Notre intention était de rendre les renseignements accessibles d'une façon qui favorise l'intérêt public, y compris en permettant un procès équitable, et tout en assurant à nos alliés que le Canada saurait protéger les renseignements obtenus d'eux.

L'article 38.14 de la Loi sur la preuve au Canada prévoit que la personne qui préside peut rendre l'ordonnance qu'elle estime indiquée en l'espèce en vue de protéger le droit de l'accusé à un procès équitable, sauf en ce qui a trait à la divulgation de renseignements, qui peut aussi faire l'objet d'un renvoi.

Même si nous croyons que les articles modifiés offrent un bon équilibre, nous avons écouté attentivement les points de vue exprimés, y compris ceux de la Cour fédérale et de la Cour suprême, à l'égard des audiences publiques. Nous avons bien lu ces décisions et les motifs connexes et nous examinons des moyens de répondre à ces préoccupations à l'égard de l'exigence de l'article 38 de la LPC selon laquelle les audiences doivent être tenues à huis clos. Nous sommes prêts à écouter vos recommandations à ce sujet.

Pour terminer, permettez-moi de vous remercier encore une fois, vous ainsi que les membres de votre comité, pour le travail exceptionnel que vous avez accompli. La Loi antiterroriste constitue un outil important dans la lutte dans laquelle nous sommes engagés. Notre gouvernement continue de croire que cette loi est nécessaire pour protéger la sécurité des Canadiens. Nous croyons que cette loi est une expression de notre citoyenneté. Elle vise à protéger l'ensemble des Canadiens qui tous peuvent participer à la protection du pays, en invoquant et à appliquant cette loi. Elle nous permet de nous joindre à nos partenaires internationaux dans la campagne contre le terrorisme et elle le fait d'une manière entièrement conforme aux valeurs canadiennes et aux droits consacrés dans la Charte des droits et libertés, un principe fondamental. Toute la Loi antiterroriste doit être examinée en fonction de la Constitution. Cette loi a été rédigée avec grand soin et est fondée sur des principes clairs, mais elle n'est pas coulée dans le béton.

Nous attendons avec impatience les résultats de vos travaux et nous étudierons sérieusement vos recommandations. Nous croyons qu'avec votre contribution éclairée, cette loi continuera de faire ce pourquoi elle a été conçue : aider à garantir les droits et libertés de tous les Canadiens.

Le sénateur Andreychuk : Il y a beaucoup de sujets dont je voudrais parler mais je m'efforcerai de n'en choisir qu'un ou deux. Je ne voudrais pas que les ministres croient que ces questions sont nos seules préoccupations, puisque nous avons entendu des opinions très valables de Canadiens et nous devons en parler.

Monsieur Cotler, vous avez employé l'expression « sécurité humaine ». Il me semble que la sécurité humaine, c'est la sécurité de la collectivité, par rapport à la sécurité personnelle et au besoin d'être protégé contre une activité impérieuse de l'État qui peut, ou non, être appropriée. Nous revenons à notre débat d'il y a trois ans, sur l'équilibre à atteindre.

Bien que les certificats de sécurité ne fassent pas partie du projet de loi, ils font partie de l'ensemble du problème. Quand nous parlons de terrorisme international, comment pouvons-nous prendre des gens qui arrivent sur nos côtes et les envoyer dans un pays où ils risquent la torture ou de trouver une occasion de nous faire encore plus de tort?

Sommes-nous encore résolus à expulser des gens et à les renvoyer là où ils risquent la torture?

Avons-nous agi suite aux recommandations de la Cour suprême dans l'affaire Suresh?

Mme McLellan : Comme je l'ai dit auparavant, nous n'avons renvoyé personne dans un pays où il risquait la torture. Nous nous conformons tout à fait non seulement aux lois de notre pays, mais aussi à nos obligations internationales. La décision de la cour dans l'affaire Suresh est jusqu'ici son dernier mot. Comme M. Cotler et moi- même l'avons dit, nous respectons d'abord les lois de notre pays.

La Cour suprême aura l'occasion de revoir cette question à l'avenir et comme le ministre Cotler et moi-même l'avons dit, nous écouterons attentivement ce qu'elle aura à dire puisque c'est une préoccupation permanente et mondiale qui ne touche pas seulement notre pays. D'ailleurs, l'expulsion de non-citoyens réputés être un grave danger pour la sécurité nationale, pour une raison ou pour une autre, continuera d'être un problème pour presque tous les pays civilisés du monde.

Nous avons une obligation internationale de reprendre les citoyens canadiens qui sont réputés être un risque à la sécurité d'autres pays, et nous le faisons parce que nous appartenons au monde civilisé. Nous nous attendons en retour à ce que d'autres pays reprennent leurs citoyens lorsqu'ils sont présumés être une grave menace à notre sécurité nationale. Cela fait partie du partenariat et de la collaboration qui existent entre tous les pays du monde.

Je peux vous assurer que nous reprenons des citoyens canadiens qui ont été déclarés comme représentant une menace à la sécurité nationale d'autres pays, et nous le faisons parce qu'ils sont nos citoyens. Une fois qu'ils sont de retour ici, il incombe aux contribuables canadiens et aux organismes gouvernementaux de s'assurer qu'ils ne deviennent pas une menace pour nous. Nous nous attendons à ce que les autres pays fassent de même, lorsque les circonstances l'exigent. C'est ce que demande la courtoisie internationale, pour lutter contre ce fléau.

Le sénateur Andreychuk : Dites-vous que la torture, ou le risque de torture dans un autre pays, est acceptable?

Mme McLellan : Nous n'avons jamais renvoyé quelqu'un dans un pays où il y avait un sérieux risque de torture.

Je peux vous donner des exemples de personnes expulsées qui sont venues à notre ambassade pour lire le Globe and Mail et prendre une tasse café. Je ne veux pas être facétieuse, mais disons clairement que nous n'envoyons pas des gens dans des pays où il y a pour eux un sérieux risque de torture. Nous suivons la situation avec les Affaires étrangères. Il peut devenir important pour nous à l'avenir de demander des garanties, comme on le voit dans d'autres pays, mais je peux affirmer au comité que nous ne demanderons pas ces garanties sans qu'il y ait un organisme indépendant qui pourra s'assurer que cette personne ne sera pas assujettie à de la torture.

Le sénateur Andreychuk : Quel est le critère utilisé pour déterminer ce qui constitue un risque « important » de torture?

Mme McLellan : Ce sont les tribunaux qui en décident. Nous faisons notre détermination en fonction des renseignements recueillis par l'intermédiaire d'Affaires étrangères Canada et sur les recommandations d'un certain nombre d'organismes et de ministères. Nous déterminons si à notre avis l'individu court un risque important de torture et les tribunaux examinent ensuite notre décision, comme cela a été le cas dans l'affaire Suresh.

Le sénateur Andreychuk : Compte tenu du temps dont nous disposons, je ne poserai pas d'autres questions à ce sujet.

J'aimerais aborder la question des minorités qui à mon avis ont présenté des arguments convaincants devant le comité. Les collectivités arabes et musulmanes estiment qu'elles sont le plus durement touchées par cette loi. Comme certains éminents témoins l'ont signalé, cela est en partie attribuable au fait que notre définition prévoit l'exigence du motif. Pour certains il semble que nous sanctionnons le fait de considérer la religion comme une raison acceptable de surveiller cette collectivité. Certains considéraient ne pas pouvoir pratiquer leur religion parce que d'autres en abusaient.

Nous n'avons constaté aucun cas où l'existence de l'exigence du motif de l'activité religieuse a été importante. En fait, on nous a fait valoir de façon très convaincante que c'est l'activité même qui est intolérable et qu'il n'est pas nécessaire de prendre en compte le motif.

Le motif n'a aucune importance lorsque vous êtes attaqué, que ce soit dans un métro ou dans un avion; l'important c'est l'activité terroriste même. Ajouter l'exigence du motif jette un froid sur une partie très importante de notre société sans que cela soit véritablement nécessaire pour assurer notre protection.

Le gouvernement envisagerait-il d'éliminer cette partie de la définition pour indiquer clairement à la collectivité musulmane qu'il ne veut pas faire enquête sur l'activité religieuse mais sur l'activité terroriste?

Cela permettrait de transmettre ce message à tous les agents d'exécution de la loi.

M. Cotler : Je n'ai pas l'intention de me lancer dans un débat à ce sujet, mais pour répondre à votre question concernant la sécurité humaine, nous considérons que la sécurité humaine signifie à la fois la sécurité individuelle et la sécurité collective. Elle inclut particulièrement le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne. C'est tout autant une question de sécurité personnelle contre des attaques terroristes qu'une question de sécurité collective contre des attaques terroristes.

Pour ce qui est de l'exigence du motif, si vous consultez les délibérations lorsque j'ai siégé comme député et lorsque la ministre de la Justice McLellan a présenté le projet de loi, je me suis opposé à l'exigence du motif pour deux raisons. Je craignais que l'on cible certains groupes à cause de leur religion ou de leur idéologie. J'ai demandé que l'on prévoie une clause d'interprétation qui indique clairement que l'exigence du motif ne visait pas à cibler certains groupes et ne serait pas utilisée en ce sens. Nous l'avons indiqué clairement dans nos présentations et dans le document que nous avons remis au comité. Comme je l'ai dit, il faut absolument condamner toute forme de profilage racial et nous n'y consentirons pas.

Cette disposition n'est pas particulière à notre législation. L'exigence du motif figure dans les lois d'autres pays. Ce qui ne figure pas dans les lois d'autres pays, c'est la disposition particulière d'interprétation qui indique clairement que son objectif n'est pas d'ostraciser une collectivité en fonction de son origine religieuse. Nous tenons à le préciser.

Ce qui est paradoxal, c'est qu'en raison de cette exigence, il est en fait plus difficile de poursuivre un terroriste puisqu'il faut établir le motif. Sans cette exigence, il aurait été plus facile de poursuivre les auteurs d'attaques terroristes. Par conséquent, dans cette perspective, cette exigence rend les poursuites plus difficiles et c'est un aspect dont on ne tient pas toujours compte.

Il existe d'autres cas dans le droit pénal canadien où le motif est important. Ce n'est pas le seul endroit où vous le trouverez. Par exemple, la définition de meurtre au premier degré au paragraphe 231(3) du Code criminel énonce :

Est assimilé au meurtre au premier degré quant aux parties intéressées, le meurtre commis à la suite d'une entente dont la contrepartie matérielle, notamment financière, était proposée ou promise.

Une disposition plus importante est celle qui se trouve au sous-alinéa 718.2a)(i) du Code criminel. Il s'agit d'une disposition qui prévoit une peine adaptée à des circonstances aggravantes qui permet à un juge d'imposer une peine plus lourde lorsque le crime a été motivé par « des préjugés, ou de la haine fondée sur des facteurs tels que la race, l'origine nationale ou ethnique » et cetera.

Les groupes musulmans et arabes sont favorables à cette mesure qui les protège contre des crimes fondés sur des préjugés et qui permet de considérer qu'il s'agit de circonstances aggravantes dans la détermination de la peine. À cet égard, je ne considère pas que cette disposition ait un caractère dévalorisant mais vise à assurer une protection dans le cas de circonstances aggravantes et de crimes motivés par les préjugés.

Cette disposition figure ailleurs dans le Code criminel et dans d'autres lois. L'Australie, le Royaume-Uni, la Nouvelle-Zélande et l'Afrique du Sud ont adopté des lois prévoyant une exigence relative au motif qui énonce divers éléments de leur définition équivalente de l'activité terroriste sans les mêmes mécanismes de protection dont nous disposons ici, y compris la Charte.

Le sénateur Andreychuk : Vous avez fait valoir de façon convaincante qu'il est plus difficile de poursuivre les terroristes, et c'est précisément le problème. Nous semblons cibler la collectivité et non les terroristes. La raison convaincante, ce n'est pas que cette disposition existe déjà dans le Code criminel mais bien de savoir si elle est efficace pour nous ici? Je vous laisse sur cette réflexion en espérant que cet aspect sera repris dans le rapport.

M. Cotler : Nous sommes heureux de recevoir vos commentaires.

Le sénateur Andreychuk : J'espère qu'ils seront nombreux et je m'attends à ce que l'on en tienne compte.

Nous avons réduit petit à petit la portée de certaines dispositions et protections prévues par le droit criminel. Ce que j'ai constaté, c'est qu'il est difficile de nous comparer au Royaume-Uni car bien que nos régimes soient similaires, ils présentent des différences fondamentales. Le Royaume-Uni a des collectivités différentes qui ont des besoins différents et différents problèmes en matière de terrorisme.

Nous avons toujours respecté la primauté du droit. Êtes-vous disposé à ce que le Parlement exerce une surveillance pour assurer le public que ses mécanismes de revérification ne consistent pas uniquement en un auto-examen administratif mais sont véritablement un examen approfondi et indépendant du Parlement?

Mme McLellan : Sénateur, c'est vous qui décidez de votre travail. Si vous voulez réexaminer la loi en tout ou en partie, et les mesures qui sont prises en vertu de la loi, c'est le droit de tout comité sénatorial, il me semble.

Si vous nous demandiez si nous envisagerions un examen permanent tel que celui que vous êtes en train de faire, de même que la Chambre des communes, nous prendrons certainement acte de vos recommandations.

Cependant, je tiens à vous rappeler que nous allons créer un comité parlementaire de la sécurité nationale. Ce comité se composera de sénateurs et de représentants élus de la Chambre des communes. Il sera créé en vertu d'une loi et aura un très vaste mandat qui lui permettra d'étudier tous les aspects de la sécurité nationale, y compris les activités du renseignement. La création de ce comité multipartite est une initiative dont nous nous réjouissons. Je suis sur le point de présenter la loi. C'est une question sur laquelle le premier ministre nous a demandé de nous pencher dès décembre 2003. Nous avons travaillé en collaboration avec un comité spécial, tous les partis, la Chambre et le Sénat, afin de préparer un texte de loi qui traduit nos attentes en ce qui concerne cette surveillance permanente.

Cela ne signifie pas que les comités spéciaux du Sénat ou les comités permanents du Sénat et de la Chambre des communes ne peuvent pas compléter le travail du comité en question. Nous sommes disposés, et nous sommes d'ailleurs en train de le faire, à créer, par voie législative, un nouveau comité de parlementaires chargé d'examiner la sécurité nationale et les activités du renseignement dans ce pays.

M. Cotler : Je considère que la surveillance est un aspect d'une grande importance. Nous devons reconnaître le cadre de surveillance dont nous disposons et qui comprend la Charte canadienne des droits et libertés. Il comprend également les initiatives internationales en matière de droit de la personne auxquelles nous adhérons également. Cela comprend les rapports annuels du ministre de la Justice et du ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile et les rapports des ministres provinciaux de la Justice destinés aux législateurs provinciaux, ainsi que les rapports que nous préparons. Cela comprend la surveillance des rapports des commissaires à l'information et la protection de la vie privée. Cela comprend l'autorisation ou le consentement que le ministre de la Justice peut être appelé à donner pour que l'on intente des poursuites en cas d'infractions terroristes. Cela comprend la capacité judiciaire accrue prévue par la loi en ce qui concerne certaines infractions. Cela comprend l'examen parlementaire obligatoire au bout de trois ans et auquel nous participons de même que les dispositions de temporarisation concernant la détention préventive et les investigations, sans compter le rapport que nous attendons de la commission d'enquête Rae.

Si je le mentionne, c'est pour que chacun comprenne que nous nous sommes dotés d'un ensemble de mécanismes de surveillance et d'enquête. Encore une fois, vos recommandations seraient les bienvenues. Je ne voulais pas donner l'impression qu'il n'y a pas de mécanismes de contrôle.

Le sénateur Smith : Vous n'avez pas à répondre à ce que je vais dire, mais je crois que la table ronde nous a aidés à entendre ce qu'avaient à dire les collectivités qui se sentent particulièrement touchées et à dialoguer avec elles.

Vous savez sans doute que nous avons entendu beaucoup de représentants et que les importantes collectivités de Toronto et de Montréal étaient sous-représentées. Je vous invite à examiner cette lacune qu'on pourrait corriger sans apporter de modifications législatives.

Je suis ravi de voir que vous avez tous les deux trouvé le temps de venir en cette journée assez chaude. Grâce au ciel, les explosions sur la Colline du Parlement sont de nature verbale, et espérons qu'il en sera toujours de même.

Monsieur Cotler, vous savez qu'un sénateur a présenté un projet de loi d'initiative parlementaire portant sur les attentats suicides. Selon certains, il ne créerait pas de nouvelle infraction. Cependant, il y a des gens qui y attachent beaucoup d'importance. Avez-vous tiré des conclusions à ce sujet?

M. Cotler : Je sais qu'il s'agit d'un projet de loi d'initiative parlementaire déposé par le sénateur Grafstein. J'ai expliqué que les attentats suicides à la bombe sont déjà visés par la Loi antiterroriste. Ils sont visés par la législation de mise en œuvre au Canada de la Convention internationale pour la répression des attentats terroristes à l'explosif, dont nous sommes signataires, et certaines infractions sont prévues dans la loi même. Le cadre législatif existe déjà.

J'ai dit au sénateur Grafstein que je ne m'oppose pas à ce qu'il présente une motion soulignant le caractère particulièrement horrible des attentats suicides à la bombe, mais que le fait de nous demander d'adopter des mesures législatives pour les prévenir alors qu'elles existent déjà ne permettrait pas d'atteindre le but qu'il souhaite.

Le sénateur Smith : J'aimerais revenir à l'autre question, qui est plus vaste; notre génération doit assumer la lourde tâche de trouver un équilibre stratégique entre la liberté et la sécurité. La question se pose constamment. J'ai abordé l'étude de cette question sans idées préconçues. Les arguments que j'ai entendus de la part des différentes délégations qui ont comparu devant notre comité ne m'ont pas persuadé qu'il serait préférable pour la population canadienne que nous abrogions la loi. Je reste toutefois ouvert à l'idée d'y apporter des modifications mineures.

La question la plus délicate évoquée devant notre comité est la perception de profilage racial. Je sais que vous êtes conscients de ce problème, qui est sans doute inévitable.

Je vois à la page 5 de votre excellente déclaration conjointe qu'il y a eu une douzaine d'attentats graves au cours des sept derniers mois en excluant ceux survenus en Irak et en Israël, mais j'aimerais aborder les deux attentats de Londres de même que ceux qui sont survenus à Bali, à New Delhi et à Amman, en Jordanie.

Quand j'ai vu l'épouse de l'auteur de l'attentat suicide, j'étais furieux contre elle, mais j'ai aussi pensé qu'elle avait été victime d'un lavage de cerveau. Depuis, nous avons pris connaissance des arrestations faites par les autorités australiennes. Or, c'est un fait statistique que tous les individus arrêtés étaient issus d'une communauté particulière.

Plusieurs organisations nationales qui représentent la communauté musulmane du Canada se sentent victimes de profilage racial. Bien sûr, il n'existe pas de politique écrite à ce sujet, mais prenez le cas d'un préposé à la billetterie au comptoir d'une compagnie aérienne, ou d'un fonctionnaire de l'immigration ou des douanes qui a tout à coup des soupçons. Certaines inquiétudes sont fondées. Le problème tient au fait qu'il n'y a presque pas de Canadiens d'origine parmi les membres de la communauté musulmane.

Comment pourrions-nous faire comprendre à cette collectivité que nous essayons de traiter tous les Canadiens de façon juste et objective? Quels arguments faut-il utiliser pour les convaincre? Je crois que c'est ce que nous souhaitons tous.

Je vous invite à méditer sur cela et à essayer de rejoindre cette communauté afin qu'elle comprenne que ses membres ne sont pas injustement ciblés.

Mme McLellan : Vous touchez là une question très importante, sénateur Smith, une question à laquelle non seulement le ministre Cotler et moi-même, mais aussi le gouvernement et toutes ses agences sont très sensibles.

Aux pages 24 et 25, nous abordons la perception concernant le profilage racial. Nous prenons diverses mesures dans l'ensemble du ministère. Par exemple, l'Initiative en matière d'équité de l'ASFC, mise sur pied en partie mais pas seulement à cause des inquiétudes exprimées par les communautés musulmane et arabe, entre autres.

La Gendarmerie royale du Canada rendra bientôt publique sa Politique sur les services de police dépourvus de préjugés. Notre collègue Raymond Chan, en tant que ministre du Multiculturalisme, a collaboré avec la GRC de la région de Vancouver à la mise sur pied d'un projet pilote. Ce projet a donné d'excellents résultats et la GRC s'en inspirera dans ses interventions auprès de plusieurs communautés; elle a décidé d'en faire une politique nationale. M. Cotler a déjà décrit notre Plan d'action national contre le racisme.

Depuis l'adoption de la Loi antiterroriste, M. Cotler et moi-même avons rencontré les communautés musulmanes. Au printemps dernier, j'ai passé un après-midi avec les représentants du COMO, organisation cadre regroupant des associations musulmanes. J'ai fait connaissance avec une cinquantaine d'hommes et de femmes musulmans dans une des plus grandes mosquées de Toronto. Pendant les deux premières heures, la communauté a pu rencontrer et parler en personne aux directeurs régionaux de la GRC, de l'ASFC et du SCRS. Il est important que ces dirigeants nouent des rapports avec cette communauté, et vice versa. S'ils ont des préoccupations, ils doivent être à l'aise d'appeler les représentants de ces organismes pour leur en faire part. Il faut qu'avant d'aller plus loin, on puisse mettre un visage, de préférence un visage amical, sur le nom de la personne. Il faut que les membres de la communauté musulmane puissent s'adresser aux représentants de ces organismes et leur demander de les rencontrer, que ce soit à la mosquée ou ailleurs. Pendant les deux dernières heures de la séance, nous avons pu parler directement avec les membres de la communauté de ce qui les préoccupait. Nous avons abordé des cas d'allégations très précises dont certaines se sont révélées non fondées.

Deux cent douze imams du Canada ont signé une fatwa après le 7 juillet. Leur représentant a rencontré le premier ministre Martin et des membres de notre caucus avec lesquels ils ont dialogué très franchement. Il faut assurer un suivi.

Certes, il est bon de tenir des réunions, mais ont-elles des suites? Oui, entre autres des projets comme l'Initiative en matière d'équité de l'ASFC. Et on ne saurait surestimer l'importance de la table ronde multiculturelle qui a permis à des représentants de plusieurs communautés ethniques importantes de s'exprimer. Ces communautés organisent des tables rondes de leur côté, dans le cadre de leur plan de travail. Elles nous font profiter de leur connaissance directe de leur communauté. Cet organisme en est encore à établir sa crédibilité. Nous l'avons intégré à notre politique de sécurité nationale, phénomène sans précédent. C'est d'ailleurs le premier sujet que j'ai abordé dans notre politique. Il n'existe nulle part ailleurs au monde de politique de sécurité nationale qui fasse mention tout d'abord de ce genre d'organisme pour affirmer la nature multiculturelle de notre pays et notre volonté de favoriser l'inclusion.

Vous soulevez une question extrêmement importante. Ce document décrit une liste d'initiatives importantes, qui ne doivent jamais prendre fin. Il s'agit d'un dialogue constant qui nous permet d'approfondir notre connaissance et de mieux comprendre les préoccupations de certaines communautés et peut-être, des conséquences imprévues de certaines mesures. C'est extrêmement important et notre gouvernement, à commencer par le premier ministre, a exprimé son engagement à cet égard.

M. Cotler : Je rencontre régulièrement des groupes musulmans et arabes dans chaque port d'escale du pays. Je dois bientôt assister à une réunion de ce genre à Montréal, mais j'ai déjà rencontré des groupes de Montréal, de Toronto, d'Edmonton et de Vancouver. J'ai tenu avec eux les mêmes propos que je tiens aujourd'hui. Premièrement : la protection de la sécurité et la protection des droits de la personne ne sont pas incompatibles. Les deux ne s'excluent pas mutuellement. Bien au contraire, on ne peut pas parler de protection de droits de la personne sans parler de protéger notre sécurité, et vice versa. En nous efforçant de protéger notre sécurité, nous ne pouvons pas porter atteinte aux droits de la personne puisque notre sécurité repose justement sur ces droits.

J'énonce dès le départ ce principe fondamental et j'explique qu'il est énoncé dans la Loi antiterroriste, qui renvoie expressément à la Charte et aux valeurs canadiennes pour protéger tous les groupes contre le fait d'être ciblés plus que les autres. Cela nous semblerait anathème; aucun groupe et aucun individu ne doit faire l'objet de discrimination.

Quand je rencontre les groupes arabes et musulmans pour leur faire part de la loi, de nos bonnes intentions, et ainsi de suite, je sais que leurs membres craignent tout de même d'être ciblés. J'évoque la Charte et j'explique la relation entre la sécurité et les droits de la personne, mais j'essaie de leur expliquer également que le terrorisme ne vise pas d'autres groupes que les musulmans. Les musulmans sont eux aussi la cible des attentats terroristes.

Il faut envisager le problème sous un angle différent. Nous ne devons pas fonder notre perception des musulmans et des terroristes sur des stéréotypes. C'est justement l'inverse. Regardez ce qui vient de se passer en Jordanie. De plus en plus, les musulmans eux-mêmes sont la cible des terroristes.

La Loi antiterroriste doit être perçue comme l'expression d'une citoyenneté commune. Quelles que soient nos origines ethniques, nationales ou religieuses, nous devons tous prévenir les actes terroristes parce que nous sommes tous d'éventuelles victimes de ces actes.

J'ai rencontré des groupes juifs qui estiment qu'ils sont les cibles des terroristes; j'ai rencontré des groupes de musulmans qui se croient la cible des mesures de lutte contre le terrorisme. Je leur fais voir que c'est l'inverse qui est vrai. Je dis aux groupes musulmans qu'ils peuvent également être la cible de terroristes et que cette loi les protège. Quant aux groupes juifs, ils peuvent également se trouver injustement dans la mire des autorités chargées de faire respecter cette loi. Nous avons donc tous cette approche commune en matière de citoyenneté.

Je fais aussi autre chose, comme je l'ai déjà dit à la blague devant votre comité. Je dis aux groupes juifs et musulmans qu'ils doivent à tout le moins reconnaître qu'en présentant la Loi sur le mariage de personnes du même sexe, j'ai favorisé leur rapprochement.

Nous pouvons favoriser cette perception d'une citoyenneté commune. Voilà pourquoi j'ai élaboré une initiative de justice nationale de 11 points visant à lutter contre le racisme et la haine; je la communique à tous les groupes pour qu'ils comprennent que nous devons faire cause commune contre le racisme, la haine, le terrorisme, le profilage racial et la discrimination de toute sorte. C'est une cause commune et un engagement commun pour tous.

Le sénateur Joyal : J'aimerais revenir à la question de la torture. Mercredi dernier, les Nations Unies ont publié un rapport comportant les déclarations suivantes :

Six pays, les États-Unis, la Grande-Bretagne, le Canada, la France, la Suède et le Kirghizistan, ont été accusés d'avoir violé la convention internationale sur les droits de la personne en expulsant des personnes soupçonnées de terrorisme vers des pays comme l'Égypte, la Syrie, l'Algérie et l'Ouzbékistan, où elles pourraient être torturées. Les accusations, portées au moment même où la Central Intelligence Agency des États-Unis, la CIA, est accusée d'avoir établi des centres de détention secrets dans d'autres pays, sont énumérées dans un rapport de 15 pages de l'ONU qui a été présenté aux 191 membres de l'Assemblée générale par Manfred Nowak, un rapporteur spécial sur la torture.

Je vous avoue qu'en tant que Canadien j'ai été consterné de lire le nom du Canada dans cet article, surtout si l'on pense aux propos tenus par le haut commissaire de l'ONU pour les droits de la personne, Mme Louise Arbour, ancienne juge qui ne s'est pas gênée pour dire depuis quelques mois que la torture est inacceptable. Le fait que le Canada soit mentionné dans ce rapport dénote une faille majeure dans le système.

Pourquoi le Canada est-il resté muet pendant que M. Nowak effectuait son étude? N'a-t-on pas communiqué à M. Nowak et aux autres membres de son équipe l'explication que vous avez donnée au sénateur Andreychuk? N'avons- nous aucune crédibilité quand nous avons à plaider notre cause?

Monsieur le ministre, tous les sénateurs ici présents tiennent mordicus à ce que les principes consacrés dans la Charte soient respectés dans notre Loi antiterroriste. La réputation du Canada a été gravement ternie à l'échelle internationale.

Comment entendez-vous réagir au rapport de l'ONU de manière à rétablir notre crédibilité en faisant les correctifs nécessaires?

Les 191 membres de l'Assemblée générale ont reçu ce rapport. Je comprends qu'un rapport peut contenir des erreurs, mais je pense qu'il faut prendre immédiatement des mesures pour faire corriger les conclusions du rapport afin de préserver notre réputation.

Qu'entendez-vous faire pour remédier à ce grave problème?

Mme McLellan : Nous n'acceptons pas les conclusions du rapport. Je maintiens ce que j'ai dit tout à l'heure. Nous n'expulsons pas les gens vers des pays où ils risqueraient fort d'être torturés. Au contraire, nous avons plusieurs mécanismes qui garantissent le respect des droits des personnes, y compris la Cour fédérale et la Cour suprême du Canada. C'est la raison d'être de ces mécanismes de protection; quiconque prétend qu'il risque d'être torturé dans un autre pays a la possibilité de demander un examen judiciaire.

Je m'inscris en faux contre les allégations des Nations Unies selon lesquelles notre système n'offrirait pas certaines des meilleures garanties pour faire en sorte que nous nous conformons aussi bien au droit canadien, défini par nos tribunaux, qu'au droit international.

Qui plus est, le ministre Cotler et moi-même avons déclaré que nous n'expulsons pas des gens vers un pays où ils risquent fort d'être torturés. Cela nous amène à une discussion que nous avons déjà évoquée au sujet des assurances qui nous sont données, du contrôle de ces assurances par un tiers, et même peut-être par un tiers pays sûr.

Le sénateur Joyal : Avez-vous l'intention de communiquer avec l'ambassadeur du Canada aux Nations Unies pour lui transmettre la réponse voulue?

Mme McLellan : Je suis moi aussi très contrariée par ces conclusions et j'ai l'intention de communiquer avec notre ambassadeur pour savoir sur quels éléments elles se fondent.

Le sénateur Prud'homme L'avez-vous fait?

Mme McLellan : Pas encore.

Le sénateur Joyal : Si je ne m'abuse, le rapport est paru il y a deux semaines.

Mm McLellan : Oui, il y a deux semaines.

Le sénateur Joyal : Je crois qu'il est daté du 9 novembre, peut-être deux semaines avant d'avoir été rendu public.

Mm McLellan : Il est très récent.

Le sénateur Joyal : C'est une allégation très grave et une tache sur la réputation du Canada. Nous nous targuons d'avoir un système fondé sur la primauté du droit, et vous l'avez décrit avec beaucoup d'éloquence. Pour sa part, le ministre Cotler a souligné l'importance des principes énoncés dans la Charte. Or, quand un pays comme le Canada fait l'objet de telles allégations, il doit prendre les grands moyens pour rétablir sa crédibilité. Je suis convaincu qu'entre les lignes, c'est à l'affaire Maher Arar que ce rapport fait allusion.

Mme McLellan : Il n'a pas été expulsé du Canada.

Le sénateur Joyal : C'est peut-être ce malentendu qui est à l'origine des allégations contenues dans le rapport. Dans ce cas, il faut expliquer la situation clairement aux Nations Unies, faute de quoi notre réputation restera ternie par cette affaire. Quand un de nos ambassadeurs parlera des droits de la personne à des auditoires dans d'autres pays du monde, ils se feront remettre ce rapport sous le nez et nous n'aurons plus la crédibilité voulue pour promouvoir les droits de la personne sur la scène internationale.

Mme McLellan : Permettez-moi d'ajouter quelque chose avant de céder la parole à mon collègue. Nous devons demander aux autorités des Nations Unies — et je chargerai l'ambassadeur Rock de le faire — si les auteurs de ce rapport faisaient allusion à l'affaire Suresh.

Vous savez tous ce qu'a déclaré la Cour suprême du Canada dans cette affaire. Les auteurs du rapport ont peut-être fondé leurs conclusions sur le jugement de la Cour suprême. Dans ce cas, ce serait intolérable et il faudrait contester ces conclusions.

M. Cotler : Merci pour cette question. J'ai lu intégralement le rapport.

Mme McLellan : Moi aussi.

M. Cotler : Il ne fait pas mention uniquement des mesures contenues de la Loi antiterroriste, mais aussi de la définition même du terrorisme, qu'il qualifie de « trop large ». Les auteurs du rapport mentionnent l'article 38 de la Loi sur la preuve au Canada et critiquent d'autres aspects de notre politique gouvernementale en ce qui concerne les Autochtones, et ainsi de suite.

Le rapport contient une série de critiques et cela fait partie de ce que j'ai appelé le contrôle. Nous sommes un État partie. Nous nous soumettons périodiquement à un examen; ils analysent et présentent un rapport. Nous avons un an pour y répondre et nous le ferons parce que ces rapports sont utiles par les renseignements et les critiques qu'ils nous fournissent. Cependant, ces critiques doivent être fondées. Les auteurs du rapport ont été mal informés dans certains cas ou ils ont par trop simplifié les choses.

Par exemple, la ministre McLellan vous a répondu sur la question de la torture. Les auteurs du rapport jugent trop large la définition du terrorisme. Ils estiment que le Canada devrait adopter une définition plus précise de ce terme afin d'éviter que les personnes soient ciblées pour des motifs politiques, religieux ou idéologiques. Ils sont libres de tirer cette conclusion, mais ils ne semblent pas comprendre que la mention de fins politiques, religieuses ou idéologiques limiteraient la définition de l'activité terroriste; notre définition n'est pas trop large et elle permet de distinguer les actes terroristes des autres actes criminels figurant dans le Code criminel. Les auteurs ne mentionnent pas le fait que nous avons une disposition interprétative qui interdit d'utiliser cette définition pour stigmatiser des personnes.

Je pourrais vous donner d'autres exemples. C'est une analyse bien intentionnée mais trop simplifiée. Ayant déjà comparu devant ces comités, je sais comment ils fonctionnent parfois.

Nous devons répondre de façon exhaustive non seulement à leur conclusion relative au terrorisme et à la torture mais aussi à toutes les critiques de notre politique et de notre loi antiterroriste, de même qu'aux autres questions soulevées dans le rapport du Comité des droits de l'homme de l'ONU. Vous avez été préoccupés ou même indignés par ce qui est dit dans ce rapport au sujet de la torture, et d'autres collectivités du Canada ont réagi comme vous. C'est le cas, par exemple, de groupes autochtones que j'ai rencontrés la semaine dernière au Yukon et qui m'ont parlé de ce que le Comité des droits de l'homme a dit au sujet des peuples autochtones.

Nous devons répondre au comité pour lui faire savoir que nous acceptons les critiques lorsqu'elles sont fondées mais qu'elles doivent reposer sur une véritable compréhension de ce que nous faisons.

Le sénateur Joyal : Dans le Ottawa Citizen de ce matin, Chris Cobb a déclaré :

Le gouvernement songe à envoyer des observateurs juridiques spéciaux aux audiences judiciaires à huis clos auxquelles comparaissent des personnes soupçonnées de terrorisme qui sont détenues indéfiniment sans procès.

Dans le même article, on peut lire, plus loin :

Le Cabinet fédéral étudiera sous peu la possibilité de recourir à des intervenants désintéressés (amis de la Cour) de même qu'à d'autres mesures, dont le mécanisme d'appel auquel les personnes visées par des certificats de sécurité n'ont pas accès à l'heure actuelle.

Pouvez-vous commenter cette question sur laquelle notre comité s'est penché? Les procédures à huis clos à la Cour fédérale permettent-elles d'assurer l'équilibre entre les besoins de protéger la sécurité de l'information et le besoin de communiquer à l'accusé un minimum d'information? Que pensez-vous du droit de la personne accusée à être traitée correctement?

Mme McLellan : C'est une chose que nous prenons au sérieux. Nous croyons — comme je l'ai dit dans mon exposé — que nous avons trouvé un équilibre approprié et les tribunaux l'ont confirmé à maintes reprises. Ils ont offert des suggestions auxquelles nous avons donné suite dans certains cas. Nous avons hâte de prendre connaissance du jugement de la Cour suprême du Canada à ce sujet et d'entendre ce que votre comité et le comité de la Chambre des communes diront. Nous évaluerons alors la situation. Je vous assure que l'article paru dans le journal est faux car nous sommes réceptifs aux suggestions et de ces comités, et de la Cour suprême du Canada. Nous nous garderons bien d'anticiper l'issue de ces procédures, ce qui serait un manque de respect.

Le sénateur Joyal : Êtes-vous toujours prête à envisager un réexamen de la durée de détention sans qu'il soit possible pour le détenu de comparaître?

Mme McLellan : Nous écouterons volontiers les recommandations de votre comité et celles de la Chambre ainsi que de la Cour suprême du Canada.

Le sénateur Joyal : Dans votre exposé, vous avez fait allusion à la loi qui a été déposée au Royaume-Uni après les attentats à la bombe de juillet dernier, et qui porte sur l'incitation au terrorisme et le soutien au terrorisme.

Mme McLellan : C'est mon collègue, le ministre Cotler, qui en a parlé.

Le sénateur Joyal : Êtes-vous toujours du même avis qu'en août, quand vous avez déclaré que le Canada n'avait pas besoin d'une loi comparable, que les dispositions actuelles du Code criminel et de la Loi antiterroriste sont suffisantes pour préserver le niveau de sécurité que nous avons au Canada?

Mme McLellan : Je vais laisser le ministre Cotler vous répondre. Il en a parlé dans son exposé mais nous sommes tous deux du même avis.

M. Cotler : Comme je l'ai dit dans mes propos liminaires, j'estime que nous avons dans la Loi antiterroriste traité avec mesure des problèmes dont traitent des lois comparables. Ainsi, au sujet de la détention au Royaume-Uni, je dirais que nos mécanismes sont plus modérés et mesurés et assortis de garanties appropriées.

Je ne pense pas qu'il soit nécessaire d'envisager d'autres moyens pour améliorer notre trousse d'outils antiterroristes, comme l'ont jugé nécessaire d'autres pays. C'est à vous d'en décider. C'est à vous d'évaluer la nécessité d'élargir ou de contenir les moyens dont nous disposons.

Au sujet de l'amicus curiae, pour vous donner un peu le contexte, en 1992, avant les attentats de 2001 et avant la Loi antiterroriste et avant la jurisprudence qui s'y rapporte, la Cour suprême du Canada s'est penché sur la question des procédures « ex parte » à huis clos, dans l'affaire Canada c. Chiarelli. Elle a statué que la procédure n'allait pas à l'encontre des principes de justice fondamentale et qu'il n'était pas nécessaire de donner aux justiciables des détails sur des techniques d'enquête ou de renseignement, ni sur les sources employées pour obtenir l'information à laquelle se sont fiés les deux ministres pour émettre un certificat. C'est ce qui a été décidé à l'époque. Vous pourriez dire que c'est différent aujourd'hui. Je ne fais que vous présenter le contexte.

Certains demandent que la Cour fédérale nomme un « amicus curiae », prétendant que c'est nécessaire pour que la procédure soit équitable. La cour a refusé d'accéder à ces demandes dans l'affaire Harkat et dans l'affaire Mahjoub, en partie parce que les sommaires sont un moyen suffisant de renseigner la personne en cause. L'examen judiciaire indépendant des certificats est une garantie de respect de la justice fondamentale.

Cela étant dit, je peux simplement répéter ce que j'ai dit à une comparution précédente : je suis prêt à entendre votre opinion sur le recours à un « amicus curiae » quand ce serait utile, dans le cadre de cette procédure. Je vous renseigne sur le contexte, en précisant que les choses peuvent avoir changé.

Le sénateur Fraser : Au sujet de la glorification, je trouve intéressant que votre déclaration ait fait référence à l'expérience britannique. La loi britannique n'a pas inventé ce terme qui figurait déjà dans une résolution des Nations Unies. Je me demande si vous pouvez nous assurer que pour le Canada, c'est aller trop loin.

Comme vous l'avez dit, nous avons déjà des lois contre l'incitation à la haine. Selon le projet de loi C-36, commet une infraction quiconque demande à une personne, directement ou indirectement, de se livrer à une activité terroriste. Depuis que j'ai entendu le mot dans ce contexte, il me semble que « glorification », ce serait aller un peu trop loin puisque cela pourrait s'appliquer à presque n'importe quoi. On a déjà entendu des gens dire que Nelson Mandela était un grand homme. Pourriez-vous nous donner des garanties, à ce sujet?

M. Cotler : Au sujet de la relation entre la liberté d'expression et l'incitation au terrorisme, nous avons adopté une méthode de moindre portée, plus adaptée et plus modérée, à mon avis. Même avant le 11 septembre 2001 et la Loi antiterroriste, notre Code criminel comprenait une interdiction contre l'incitation à la haine envers des groupes identifiables, dans des lieux publics.

Au sujet de l'incitation, nous avons une loi parallèle, dans la Loi canadienne sur les droits de la personne. Dans la Loi antiterroriste élaborée dans le contexte d'après le 11 septembre, nous avons autorisé un juge à ordonner la suppression de propagande haineuse sur Internet. C'est alors que nous sommes entrés dans l'ère de l'Internet, au sujet de l'interdiction de l'incitation à la haine.

À mon avis, nous avons maintenant un cadre de travail. Nous sommes un État signataire de conventions internationales, dont certaines qui portent sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale ainsi que sur les droits civils et politiques. J'ai lu les rapports du Comité des droits de l'homme des Nations Unies sur cette question. On y appuie le genre de mesures modérées que nous avons prises, au sujet de l'incitation.

Enfin, je ne pense pas que les Nations Unies aient été les premières à parler de glorification. Je crois que c'est le Conseil de l'Europe. Le Royaume-Uni réagissait aussi à la Convention européenne pour la répression du terrorisme, dont la signature était prévue en mai 2005. C'est peut-être un écho de cela, aussi.

Le sénateur Fraser : Vous êtes le juriste, pas moi. J'étais convaincue de l'avoir lu dans une résolution des Nations Unies. Si j'ai tort, vous m'en voyez ravie.

Pendant toutes nos audiences sur cette loi et sur nos moyens de lutte contre le terrorisme, nous nous sommes concentrés sur ce qu'il fallait faire pour renforcer les protections contre les abus judiciaires et pour soutenir les droits de ceux qui pouvaient être détenus, accusés ou soupçonnés.

Il n'y a pas eu beaucoup de discussions, s'il y en a eu, sur des choses comme les pouvoirs plus larges dont voudraient pouvoir disposer les autorités. Y a-t-il des préoccupations à ce sujet?

M. Cotler : C'est un phénomène intéressant. J'en ai discuté du point de vue de deux modèles de la justice pénale.

Le premier est celui de la procédure régulière en droit criminel national, en ce qui touche les droits des personnes soupçonnées de terrorisme. D'après les témoignages entendus par votre comité, j'ai l'impression que le gros de ces propos portait sur le modèle de l'application régulière de la loi au Canada.

Avant de devenir ministre, j'ai écrit un article que je ne démentirai pas, où je fixais 14 principes de ce modèle, pour défendre des personnes, qui, à mon avis, étaient faussement accusées d'actes terroristes.

Le deuxième modèle est celui de la justice pénale internationale. Il ne s'agit pas ici de violence nationale, dans le cadre du modèle d'application régulière de la loi criminelle nationale. Nous parlons plutôt de violence internationale et transnationale. Nous ne parlons pas de crimes ordinaires, mais de crimes comme ceux qui ont fait l'objet des procès de Nuremberg, et qui s'apparentent aux crimes de guerre et aux crimes contre l'humanité. Dans le cadre du modèle de justice pénale internationale et de la lutte contre le terrorisme, il faut une intervention qui cadre avec la justice pénale internationale.

Dans notre loi antiterroriste, on l'oublie souvent, la moitié de la loi porte sur la mise en œuvre au Canada de 12 traités antiterroristes que nous avons ratifiés. C'est conforme au modèle de justice pénale internationale. Quand on se penche sur des infractions données, elles ont été créées pour prévenir la nature transnationale du crime, contre lequel on ne peut lutter facilement par des peines imposées après le fait. Dans le cas du terrorisme international, il faut des mesures dissuasives, des mesures de détection et de neutralisation avant que l'acte terroriste se produise puisqu'après, nous le savons, il est souvent trop tard.

Le sénateur Fraser : Je présume que cette réponse peut se traduire par un « non ».

M. Cotler : Je dis qu'il faut se servir des deux modèles à la fois. On ne peut considérer l'un isolément de l'autre.

Je crois que les témoignages reçus par votre comité se rapportaient à l'un des modèles, soit celui de l'application régulière du droit criminel au Canada. C'est un modèle valable, mais inadéquat lorsqu'il est pris isolément. Il faut aussi tenir compte du modèle de la justice pénale internationale, soit de nos relations avec les engagements de l'ONU, avec les traités internationaux, et cetera.

Mme McLellan : C'était une excellente réponse. Permettez-moi cette paraphrase, en réponse : « non ».

Pour l'instant, nous ne voyons pas la nécessité d'élargir les pouvoirs. Nous avons toutefois notamment pour obligation de tenir compte, dans notre examen de la situation et comme M. Cotler l'a dit si éloquemment, à la fois des préoccupations nationales et du milieu international dans lequel le terrorisme vit et croît.

Il ne faut pas pour autant croire que nous ne nous présenterons pas un jour devant la Chambre des communes ou le Sénat, pour demander de nouveaux pouvoirs.

Pour l'instant, nous estimons que la loi nous donne à nous, ainsi qu'à nos agences, les outils nécessaires pour atteindre notre objectif au Canada comme à l'étranger, et veut le faire d'une manière qui respecte comme il se doit la primauté du droit et les droits fondamentaux, tout en protégeant la collectivité.

Le sénateur Fraser : Je crois qu'il valait la peine de poser la question. À Londres, tout le débat parlementaire a porté sur l'augmentation des pouvoirs.

Mme McLellan : Mme Bloodworth, en bonne sous-ministre qu'elle est, signale que si le comité pense le contraire, et veut nous accorder de nouveaux pouvoirs, nous écouterons volontiers cette recommandation.

Le sénateur Fraser : J'espérais obtenir une réponse assez semblable à celle que vous avez donnée.

Le sénateur Andreychuk : Je trouve étrange qu'on dise que le Comité des droits de l'homme des Nations Unies n'a pas à être repris aussi rigoureusement que je l'espérais. Pourtant, nous défendons notre loi en invoquant la Convention des Nations Unies. C'est une bien étrange façon de considérer le droit international et j'espère que vous y réfléchirez.

Nous nous sommes concentrés sur la Loi antiterroriste, mais la Loi sur l'immigration et la Loi sur la sécurité publique sont aussi pertinentes. Ici comme à Londres, on nous a dit que pour agir de manière préventive et réussir, il faut de meilleurs renseignements. Une fois le fait accompli, vous pouvez faire tout ce que vous voulez mais la clé de la réussite, c'est le renseignement.

À mon avis, on n'a pas suffisamment insisté sur le renseignement, comme priorité, parce qu'on en est encore à l'étape de la mise en œuvre. Des ministres et d'autres ont comparu devant le comité et nous ont dit qu'ils travaillaient à des politiques sur ceci ou cela. Nous comprenons que la cible est mobile. Je serais toutefois plus rassurée si au lieu de créer de nouvelles lois on coordonnait les efforts visant à intégrer le renseignement à un modèle préventif. Si on donnait la priorité au renseignement, on n'en serait plus à parler de conflits entre les droits de la personne et la sécurité nationale.

Croyez-vous maintenant que nos réseaux de renseignement fonctionnent bien et mieux qu'en 2001?

Mme McLellan : Je veux clarifier une chose : nous ne demandons pas de nouvelles lois. Nous pensons que les lois actuelles sont bonnes et justes.

Nous avons fait beaucoup de chemin depuis le 11 septembre, comme d'autres pays. Du côté financier, nous avons affecté des ressources supplémentaires considérables au SCRS, aux Affaires étrangères, aux Douanes et à l'Immigration, entre autres.

On fait un examen annuel des activités de renseignement, et il reste à savoir si nous cueillons les bons renseignements, à partir des bonnes sources. Il y a un plan des activités de renseignement qui a connu une énorme expansion depuis le 11 septembre 2001.

Pour le renseignement, nous avons adopté le modèle britannique de Centre d'évaluation intégrée de la menace. Pratiquement tous les pays du monde qui sont des démocraties occidentales semblables ont fait de même.

Les sénateurs ont peut-être eu l'occasion de rencontrer Dame Eliza et son homologue du MI5 lors de leur récente visite à Londres. Le processus entamé a montré son utilité, bien qu'il nécessite des changements de mentalité au sein de certaines agences. Le modèle comprend la création d'un centre intégré d'évaluation de la menace, où toutes les agences sont regroupées.

Le Centre d'évaluation intégrée d'une menace est hébergé par le SCRS, a des installations physiques et un directeur. Chaque ministère qui mène des activités de renseignement, y compris des agences centrales comme le BCP, est représenté au Centre. Les ministères et agences contribuent leurs renseignements. Les renseignements sont analysés et intégrés à l'évaluation de risque qui est préparée et envoyée sur le terrain. Ainsi, tous peuvent mieux comprendre l'évaluation intégrée des menaces.

À bien des égards, c'est tout un changement culturel. Souvent, on voit, dans l'information, le pouvoir. On a vu de graves problèmes causés par cela aux États-Unis. Nous n'avons pas les mêmes obstacles culturels historiques qu'aux États-Unis, mais j'aurais tort de dire qu'il n'y a pas de résistances culturelles. On a constaté qu'il y avait des résistances à se présenter à la table. La plupart d'entre nous ont constaté que la seule façon d'utiliser le renseignement recueilli, c'est de l'analyser et de le transmettre à ceux qui en ont besoin pour empêcher d'éventuels attentats terroristes, que ce soit sur un avion, dans un métro ou ailleurs.

Pour ce qui est de la collecte de renseignements, le premier ministre et moi-même avons dit très clairement qu'il fallait obtenir davantage de renseignements étrangers. Nous continuerons d'y travailler. Nous vivons à l'ère de la mondialisation et il est important pour nous de recueillir nos renseignements ici comme à l'étranger, de les analyser et de déterminer en vertu de quels conditions et protocoles ils seront partagés, et avec qui.

Vous avez raison de dire qu'en ce domaine, tout doit être axé sur le renseignement. Les évaluations de risque nous aident à déployer efficacement nos ressources humaines et financières.

Le sénateur Andreychuk : Croyez-vous à la fiabilité des renseignements que vous recevez?

Mme McLellan : C'est un processus permanent. La valeur des renseignements recueillis est variable. Voilà pourquoi le SCRS, par exemple, s'assure de corroborer les renseignements reçus. Nous sommes tout à fait conscients des risques qu'il y aurait à agir à partir de soupçons, de rumeurs et d'allégations. Avec un centre d'évaluation intégrée des menaces, les organismes et ministères qui recueillent du renseignement peuvent faire des vérifications les uns pour les autres, confirmer et valider des renseignements à partir de sources diverses.

La collecte de renseignements est une affaire de nuance et de subtilité qui est confiée à des gens très compétents. Il est extrêmement important d'avoir des mécanismes comme le centre d'évaluation intégrée des menaces, une surveillance indépendante du CSARS et de la commission des plaintes du public, ainsi que du nouveau comité parlementaire.

M. Cotler : J'aimerais corriger une impression erronée qu'on a pu donner sans le vouloir. Le sénateur Andreychuk a dit qu'elle était très déçue que je ne semble pas accorder tout le sérieux que je devrais au rapport du Comité des droits de l'homme de l'ONU. J'ai bien dit dans mon discours que je prends très au sérieux le Comité des droits de l'homme de l'ONU. C'est la raison pour laquelle j'ai lu tout le rapport, tous les sujets qui y sont traités. C'est la raison pour laquelle nous sommes un État signataire. Nous avons aussi signé le protocole facultatif qui permet à des personnes au Canada de déposer une plainte contre le Canada. C'est la raison pour laquelle nous présentons toujours des rapports périodiques et, espérons-le, toujours à temps. C'est la raison pour laquelle nous écoutons volontiers les critiques, et je parle des critiques du Comité des droits de l'homme des Nations Unies. Et c'est la raison pour laquelle nous sommes ravis de pouvoir clarifier les choses.

C'est précisément parce que nous prenons cela au sérieux que nous estimons nécessaire de clarifier les choses afin de dissiper les fausses impressions qui ont pu être données de manière publique. C'est tout ce que je voulais dire. Je connais bien M. Nowak et je crois qu'il sera content d'entendre ces précisions.

Permettez-moi de conclure en disant que nous écoutons les critiques et nous les prenons au sérieux. Elles nous aident à faire notre travail. Mais il peut arriver au comité comme à quiconque d'être mal renseigné et il nous incombe de rectifier, et cette rectification sera à mon avis bien accueillie.

Margaret Bloodworth, sous-ministre, ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile Canada : Sans aucun doute, la situation est bien meilleure maintenant qu'il y a quatre ans, pour ce qui est de la coordination et de la quantité, le gouvernement ayant investi des ressources importantes.

Quiconque travaille dans le secteur du renseignement sait bien que les renseignements ne sont pas parfaits. De par leur nature, il s'agit d'éléments d'information fragmentaires. Ce sont parfois des éléments précieux, mais pas toujours complets. Deuxièmement, ce n'est jamais à 100 p. 100 préventif — jamais.

Le président : Merci beaucoup. Vous avez 30 secondes, sénateur Prud'homme.

[Français]

Le sénateur Prud'homme : En tant que comité sénatorial, nous avons les mêmes droits que tout le monde; je sais que je parle le dernier mais me faire dire que je n'ai que 30 secondes...

Je dirais simplement à madame la sous-ministre, pour qui j'ai beaucoup d'estime, que le mot que je voudrais employer c'est « information fiable ». C'est un mot que vous n'avez pas prononcé mais qui est dans votre vocabulaire. Car il y a des sources d'information que je ne tolère pas.

[Traduction]

J'en ai longuement parlé avec M. Alcock, à maintes reprises au fil des ans. Quelle est la fiabilité de l'information que nous recevons? Je demande cela au nom de la primauté du droit.

Je viens d'apprendre quel est le prix du courage, grâce à Bhupinder S. Liddar. Il est victorieux, mais peu de citoyens auraient eu le courage d'aller aussi loin, et d'attendre aussi longtemps pour obtenir justice. C'est ce qui m'inquiète.

Ce que je vais vous dire ne m'inspire aucun regret. L'an prochain, il y aura 50 ans dans le cas d'un dossier particulier et 40 ans le 29 novembre 2007 que je m'intéresse au Moyen-Orient. Je déplore que nous ne fassions aucun effort pour combattre les causes mêmes du terrorisme moderne. Si tous les grands intellectuels qui m'entourent, y compris nos invités, mettaient autant d'effort à lutter contre les causes du problème, comme M. Trudeau me l'a toujours appris — j'ai été un instrument au service de M. Trudeau, dans bien des activités que j'ai menées par le passé, et je le dirai au Sénat. Le temps approche où je devrai partir, je suis vieux, fatigué et près de la porte. Il y a toutefois des choses qu'il faut dire et sauf votre respect, je regrette qu'aucun effort ne soit fait pour combattre les causes mêmes du terrorisme moderne.

De nos jours, pour être réélu ou pour faire vraiment bouger les choses, on n'a qu'à parler de terrorisme. Je peux imaginer alors les grands agriculteurs du sud des États-Unis dire : « C'est du terrorisme, allez-y, faites ce que vous voulez. » Je crains que cet esprit envahisse trop facilement Ottawa. Cela me cause du souci. J'ai des amis à Edmonton, j'en ai beaucoup à Montréal — peut-être pas dans certains secteurs de l'ouest de Montréal, mais certainement à Edmonton — qui sont eux aussi fort préoccupés.

Si on faisait des efforts pour s'attaquer aux racines du mal, comme je l'avais prédit il y a 40 ans, et comme je le répète depuis, au risque d'être l'objet des enquêtes de la commission MacDonald... Je le dis publiquement pour la première fois : oui, je suis l'une des personnes qui ont été à leur insu l'objet d'une enquête du SCRS. Mais je dis que vous avez un travail à faire et que vous devez le faire. J'ai un travail à faire, qui est de déranger la tranquillité d'esprit de mon pays. Nous ne l'avons pas fait. J'ai le regret de dire que si l'on examinait... Je m'arrête ici parce que ma chère amie la présidente s'agite quand je prends la parole.

La présidente : Je ne m'agite pas.

Le sénateur Prud'homme : En tout cas, elle s'inquiète. Comme M. Castro j'ai la réputation de pouvoir parler longtemps, même plus longtemps que lui. Mais j'ai écouté nos deux ministres et je me rends compte que M. Castro et moi-même ne sommes pas à leur hauteur.

Pour parler de terrorisme, comme Canadien, j'ai essayé de trouver les racines du mal et je ne défends rien d'autre que l'intégrité du Canada.

[Français]

Et je vais le répéter en français : je n'ai qu'une idée en tête, c'est de défendre l'intégrité canadienne — je n'ai pas dit canadienne française ou québécoise. C'est ce qui m'a animé toute ma vie, et je suis désappointé. J'ai été au Moyen- Orient mais je n'ai jamais été seul en Palestine. La seule fois où j'ai été en Palestine, c'était avec le ministre de la Justice, en compagnie de M. Jean Chrétien qui était perdu entre le nord, le sud, l'est et l'ouest. Vous vous souvenez de ce fameux voyage. Et je dois dire que, dans cette question du Moyen-Orient qui, à mon avis, constitue le début de ce cancer international, il y a la question du Moyen-Orient, que l'on met toujours de côté.

[Traduction]

On évite toujours d'en parler, parce que c'est un sujet tabou. Je déplore que la dernière personne ayant pour responsabilité de parler du terrorisme soit le ministre de la Justice du Canada. Voilà pour ma déclaration. Vous pouvez répondre. Je serais ravi qu'on en discute.

J'aurai sans doute un débat houleux sur les bras lorsque je parlerai de littérature haineuse au Sénat, parce que j'ai l'intention de produire un amendement au sujet de la littérature haineuse. Au lieu de prononcer un discours, je vais citer toutes les lettres que j'ai reçues depuis trois semaines, simplement parce que j'ai osé convoquer l'ambassadeur iranien dans mon bureau, au lieu de simplement dire que nous condamnions, que nous condamnions...

Je n'ai jamais vu un pays condamner le terrorisme autant que le Canada, qui a épuisé tout le vocabulaire qui s'y rapportait, sans pour autant mobiliser les gens et sans s'attaquer au cœur du problème. Je sais que beaucoup de gens ici sont d'accord avec moi et ils me diront : « Je suis d'accord avec vous mais je ne peux pas le dire à voix haute ».

Pourquoi continuer à parler? J'ai l'intention de défendre les Canadiens et il y a du profilage racial. Je viens d'un milieu ouvrier où il y a beaucoup de ces gens dont vous avez parlé. Allez discuter avec eux. Cessez de vivre parmi la haute classe et allez dans les rues. J'ai fait cela pendant deux semaines de suite parce que je devais m'occuper d'une dame de ma famille tous les jours, là où je vis — je refuse de déménager. Si vous faites cela, malheureusement, vous constaterez qu'il existe du profilage racial. Est-ce que cela fait partie de la vie? Je ne sais pas, madame.

C'est toujours la vice-première ministre que je regarde, parce que j'ai beaucoup de respect pour vous. Cela ne signifie pas que je respecte moins un ministre de la Couronne, parce je crois au respect qui est dû aux ministres de la Couronne, quels qu'ils soient.

La présidente : Merci beaucoup, sénateur Prud'homme.

Collègues, voici qui nous amène à la fin de nos audiences. Nous nous reverrons pour travailler à notre rapport.

Nous tenons à vous remercier pour le temps que vous nous avez consacré cet après-midi. Si nous avons à discuter de nouveau avec vous, nous vous contacterons d'une manière ou d'une autre.

Merci à vous d'être venus et merci à vos collaborateurs.

Mme McLellan : Malheureusement, je dois partir. Je préside une réunion à 17 h 30 mais je crois que M. Cotler voulait ajouter quelque chose.

Je vous présente toutes mes excuses, je ne voudrais pas empêcher mon collègue de parler.

Le sénateur Prud'homme : Nous vous remercions d'être venue.

Mme McLellan : Je suis toujours heureuse de le faire.

Le sénateur Prud'homme : L'esprit qui règne ici est nettement meilleur que la Chambre des communes. J'y étais, à une époque, et je sais bien ce qu'il en est.

La présidente : Merci beaucoup, monsieur et madame les ministres.

[Français]

M. Cotler : Je partage les mêmes buts que le sénateur Prud'homme. J'ai commencé mon exposé d'aujourd'hui en disant que notre cause commune est de protéger l'intégrité du Canada, la sécurité humaine de tous les Canadiens et Canadiennes.

[Traduction]

Je suis d'accord avec le sénateur Prud'homme, au sujet des causes du terrorisme. Nous devons nous en occuper de deux façons. J'étais un proche collègue de mon prédécesseur, l'ancien premier ministre Trudeau, il y a de cela longtemps.

Premièrement, les Nations Unies ont déclaré que le terrorisme, d'où qu'il vienne et quel que soit son objectif, devait être interdit. C'est un principe que nous avons énoncé et pour lequel l'UNO a demandé l'adhésion de tous les États membres. Deuxièmement, cela ne signifie pas que nous n'ayons pas à faire tout en notre pouvoir pour lutter contre les racines du terrorisme, que ce soit en luttant contre la pauvreté, en accordant une aide économique ou en accédant à une demande d'aide pour des questions relatives à la primauté du droit.

Je suis ravie de vous annoncer que nous avons invité les quatre ministres de la justice de l'Égypte, d'Israël, de la Palestine et de la Jordanie pour établir le premier dialogue sur la justice pour eux, et qu'ils ont consenti à cette réunion. Le Canada les recevra et notre objectif est qu'ils soient sur la même longueur d'ondes au sujet de la justice.

Peut-être voudront-ils, comme ils le disent, s'ancrer dans des principes partagés de respect des droits de la personne, de saine gouvernance et de primauté du droit, qui auraient aussi des incidences positives pour la paix.

Le sénateur Smith : Bravo!

La présidente : Merci beaucoup, monsieur Cotler.

Le sénateur Prud'homme : C'est la première fois que j'entends parler de la Palestine comme d'un pays.

La présidente : La journée a été longue. Il était plaisant de vous recevoir tous aujourd'hui. La prochaine séance aura lieu lundi.

La séance est levée.


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