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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Droits de la personne

Fascicule 20 - Témoignages


OTTAWA, le lundi 26 septembre 2005

Le Comité sénatorial permanent des droits de la personne se réunit aujourd'hui à 15 h 15 pour examiner, en vue d'en faire rapport, les obligations internationales du Canada relativement aux droits et libertés des enfants.

Le sénateur A. Raynell Andreychuk (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Bienvenue à tous. Nos premiers témoins aujourd'hui sont la professeure Anne McGillivray, de l'Université du Manitoba, et la professeure Joanna Harrington, de l'Université de l'Alberta. Nous espérons qu'elles pourront nous éclairer sur le cadre dans lequel se sont développés les droits de l'enfant et sur la manière dont on a considéré les enfants dans la société canadienne. Ainsi, nous aurons une vision globale de la situation des enfants dans notre société actuelle.

Madame McGillivray, je vous cède la parole.

Anne McGillivray, professeure, Université du Manitoba : Merci de m'avoir invitée à comparaître devant votre comité aujourd'hui. Comme le sujet à l'étude est tellement vaste, je m'efforcerai d'être aussi concise que possible.

La Convention relative aux droits de l'enfant met en évidence deux sources de droits : les normes en matière de droits de la personne et les droits à la protection. Néanmoins, l'histoire de ces droits est récente. Les deux doctrines liées à l'enfance sont également liées au droit romain, ce qui nous ramène de nombreux siècles en arrière. C'est sur elles que reposent essentiellement les conceptions juridiques appliquées à l'enfance. La première est la pater potestas, le pouvoir du père, qui, en droit romain, revêtait une grande importance. On la retrouve dans la common law ainsi que dans les politiques. En vertu de cette doctrine, les pères ont une grande influence sur la vie de leurs enfants aujourd'hui. Ils exercent un contrôle absolu sur le mariage, l'hérédité, le travail, l'éducation, la religion, l'association — tous les droits que nous associons aux personnes. Le pouvoir du père étant considérable dans la common law britannique, nous voyons encore dans le droit canadien des vestiges de la doctrine romaine de la pater potestas dans la vie privée de la famille, dans la retenue judiciaire à l'égard du pouvoir et du privilège parental, et parce que les parents décident pour les enfants dans de nombreuses questions juridiques et politiques qui, pourtant, les concernent directement.

La deuxième doctrine liée au droit romain est la parens patriae. Selon celle-ci, l'État est le père de la patrie, c'est-à- dire de ceux à qui on n'accorde aucune capacité juridique. Cela inclut les enfants, les personnes handicapées et bien d'autres encore. D'après cette doctrine, les enfants sont des objets et non des sujets en droit. Ils sont considérés comme res, ce qui signifie « chose » en latin, souvent comme infantia, ce qui veut dire « sans voix juridique », selon une autre doctrine romaine. C'est de là que vient le mot « enfant ». Pendant cette période, l'enfant était considéré comme la propriété du père ou de l'État, et on se concentrait, même dans la parens patriae, uniquement sur les enfants ayant de grandes propriétés foncières, c'est-à-dire des enfants riches.

Puis, il y a les enfants comme propriétés, comme travailleurs. Les lois sur les pauvres, qui régissaient tout ce qui touchait la protection des enfants, au sens large du terme, depuis le règne d'Élizabeth Ire, permettaient aux paroisses de faire travailler des enfants, liés par contrat, dans des mines et sur des navires, souvent dans des conditions terribles.

Les organismes de bienfaisance ont commencé à intervenir plus activement au XIXe siècle, mais ils jouaient quand même un rôle punitif et moralisateur. Au Canada, le retrait d'enfants autochtones à leur milieu, pour les placer dans des internats, est aussi un vestige de l'idée qu'on se faisait au XIXe siècle de ce qui était bon pour ces jeunes. Toutefois, durant ce siècle, des idées modernes sur la protection des enfants ont vu le jour. Des organismes d'aide à l'enfance et de protection des enfants se voyaient investis du droit de retirer des enfants de la garde paternelle. Des travailleurs sociaux professionnels ont commencé à prendre le relais des amateurs au début du XXe siècle, et les révélations concernant les agressions physiques et sexuelles d'enfants ont donné lieu à l'adoption de lois davantage axées sur les enfants dans le Code criminel et à des mesures législatives provinciales sur le bien-être des enfants.

Cependant, rien de cela n'a à voir avec les droits. On pensait, et on continue de le croire dans de nombreux milieux, que c'est suffisant. Les enfants n'ont pas besoin de droits étant donné qu'il existe cette protection, mais qui dit protection, dit incapacité. Cela évoque la faiblesse, l'impuissance, l'absence de statut, alors que lorsqu'on parle de droits, on pense à capacité, à volonté, à pouvoir et, bien sûr, à statut privilégié.

La protection des enfants est un principe très mobilisateur, mais il faut distinguer les droits des enfants de la protection de ces derniers. Jusqu'à tout récemment, l'expression « droits des enfants » était un non-sens, une contradiction en soi — les enfants n'ont pas des droits parce qu'ils sont enfants.

Au Siècle des Lumières, les philosophes n'établissaient pas de distinction entre les droits et la capacité, laquelle était, d'après les différentes philosophies développées à l'époque, un mélange de volonté, de pouvoir et de statut privilégié — des qualités qu'on ne prêtait ni aux enfants ni aux femmes, puisqu'ils n'avaient pas de droits, ni non plus aux peuples indigènes, que l'on considérait barbares et qu'on assimilait à des enfants, à des serviteurs ou à des esclaves. Cette théorie a grandement nui aux droits des enfants et a justifié les agressions contre des êtres jugés inférieurs.

Permettez-moi de vous donner une petite idée de ce que les gens disaient à l'époque. Hobbes, l'auteur de Léviathan, pensait que les enfants étaient la propriété du père. Il a écrit ceci :

Il n'est pas de loi au-dessus des idiots de naissance, des enfants, des fous, pas plus qu'au-dessus des bêtes brutes, et d'un point de vue juridique, ils ne sont ni justes ni injustes, parce qu'ils n'ont jamais eu le pouvoir de passer une convention...

Quelque temps plus tard, en 1689, John Locke, disait que les enfants étaient des êtres humains potentiellement maîtresd'eux-mêmes et qu'ils ne pouvaient donc être la propriété de quiconque, mais qu'ils n'avaient aucun droit étant donné qu'ils n'étaient pas doués de raison. On associait donc les droits à la raison. Dans son célèbre essai sur la liberté, qu'il a écrit en 1869, John Stuart Mill disait ceci :

...cette doctrine n'entend s'appliquer qu'aux êtres humains dans la maturité de leurs facultés. Nous ne parlons pas des enfants... Ceux qui sont encore à un âge qui requiert qu'on prenne soin d'eux doivent être protégés contre leurs propres actions.

Là encore, on confond protection et droits.

Il y avait néanmoins une théorie opposée à cette théorie de la volonté : ma volonté, c'est ce qui commande à quelqu'un de faire quelque chose pour moi, c'est-à-dire de respecter mon droit. Selon la théorie de l'intérêt, si vous avez un intérêt qui est clair et démontrable juridiquement, vous pouvez forcer quelqu'un à s'acquitter d'une obligation juridique pour respecter cet intérêt; ainsi, l'intérêt devient votre droit et les autres ont l'obligation de respecter ce droit.

Une loi crée un droit si elle se fonde sur le principe selon lequel quelqu'un a un intérêt et qu'elle exprime cet intérêt; c'est suffisant pour assujettir quelqu'un à une obligation. C'est beaucoup plus porteur d'avenir pour une théorie des droits de l'enfant établie à partir de la jurisprudence.

Néanmoins, la source de droits la plus prometteuse et, je crois, la plus importante dans la Convention relative aux droits de l'enfant concerne les normes sur les droits humains. Ces normes ont été pensées pour s'appliquer à tous les êtres humains, peu importe leur statut et le pays où ils vivent. Ils sont fondés sur les caractéristiques communes à tous les individus. Je me plais à dire à mes élèves : « J'ai un corps, vous aussi, et il n'y a pas beaucoup de différences dans les douleurs que vous et moi pouvons ressentir ni dans les besoins que nous éprouvons. » Nous partageons — et c'est important dans ces normes — notre foi dans la justice. Même les jeunes enfants croient fermement dans la justice. Il se peut qu'ils n'aient pas toujours raison, mais ils y croient.

Ces normes font référence à la torture, aux génocides et à d'autres sévices corporels, mais aussi à l'autodétermination, aux droits à la participation, à l'éducation, ainsi qu'à la liberté d'expression et de mouvement. Voilà quelques-unes des normes que l'on retrouve dans la Convention relative aux droits de l'enfant. Ce sont les normes politiques et juridiques des États signataires enchâssées dans les instruments en matière de droits de la personne, dont ma collègue vous parlera plus tard. Les États doivent adapter leurs propres lois en fonction de ces normes universelles pour que cela fonctionne.

En ce qui concerne les droits des enfants à l'échelle internationale, je suis sûre que les membres de ce comité connaissent bien la Déclaration de Genève de 1924, qui porte essentiellement sur le droit à l'assistance sociale; et la Déclaration des droits de l'enfant de 1959, même si celle-ci ne couvre pas véritablement les droits. Aucune des deux n'était assortie de mécanismes d'application. Même si la Convention en a maintenant un — le Comité des droits de l'enfant —, il est faible, mais moralement, il est très fort.

Les mouvements de défense des droits des enfants, contrairement à d'autres, fondent leur lutte sur des principes d'ordre constitutionnel. En 1976, un article du New York Times disait qu'il n'y avait pas de boycottages, pas de marches ni de bannières et de drapeaux; il y a des constitutions avec lesquelles il faut travailler.

La convention n'est pas parfaite. Il reste encore beaucoup à faire et il faudra probablement y apporter des changements. Elle porte les marques du compromis. Elle ne donne pas aux enfants le droit fondamental à l'égalité face à la loi. Néanmoins, au Canada, nous avons la chance d'avoir la Charte des droits et libertés qui garantit aux enfants cette égalité devant la loi.

Malheureusement, dans la cause type concernant les droits des enfants au Canada, la Cour suprême, qui a rendu sa décision en 2004, n'a pas conclu que le châtiment corporel infligé à un enfant contrevenait aux droits des enfants ni était contraire à la common law ou à n'importe quelle charte ou convention. Je considère que c'est un dur coup porté aux droits des enfants dans notre pays. Les enfants doivent avoir des droits. Notre histoire démontre clairement que le devoir moral, la charité et la bienveillance ne remplacent pas les droits.

Les droits marquent aussi les relations internationales. Ils sont le reflet des lois. Demander justice, c'est revendiquer universellement des droits; et en ce début de XXIe siècle, refuser des droits à quelque groupe que ce soit, y compris aux enfants, revient à nier que ce sont des personnes à part entière. Les droits sont maintenant intimement liés au statut d'être humain. On laisse aux puissants le soin de décider s'ils répareront les injustices, ce qui rend les enfants dépendants du bon vouloir d'autrui.

Je serai ravie de répondre à vos questions un peu plus tard.

Joanna Harrington, professeure, Université de l'Alberta : Je vous remercie de m'avoir invitée à comparaître devant vous aujourd'hui. Je suis ici à la fois à titre de spécialiste du droit international et de spécialiste du droit constitutionnel; c'est donc là-dessus que je me concentrerai.

Mon mémoire porte plus particulièrement sur la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant, un traité que le Canada s'est engagé expressément à ratifier. À cette étape-ci, je pense que la grande question qui se pose est évidemment de savoir ce que ce comité examine, en l'occurrence l'application d'un traité. C'est bien beau de signer un traité international, mais ce qui importe, c'est la mise en œuvre de cet instrument au plan national pour que notre pays se conforme aux objectifs qu'il s'est engagé à atteindre en ratifiant un tel traité.

Mon exposé porte plus particulièrement sur la surveillance après la ratification. Cette surveillance est nécessaire pour s'assurer que le traité international est effectivement mis en œuvre au niveau national. Ma position de départ est la suivante : le Canada ne signe pas ces ententes à la légère. En fait, il examine les lois et la pratique. C'est la raison pour laquelle il s'écoule un certain temps, au Canada, entre la signature et la ratification.

Le ministre de la Justice a comparu devant vous pour expliquer que durant ce processus, son ministère veille à l'harmonisation des lois et des pratiques fédérales et provinciales avant la ratification pour s'assurer que ces lois et ces pratiques ne contreviennent pas au traité. Le problème, c'est qu'il y a une obligation continue à l'égard d'une convention comme celle des droits de l'enfant. Nous devons nous doter d'un mécanisme nous permettant de garantir la conformité de nos lois et pratiques pour continuer de nous acquitter de nos obligations en vertu du traité. C'est là qu'intervient la surveillance et c'est pour cette raison qu'elle est si importante.

Bien évidemment, c'est le Comité des droits de l'enfant qui s'occupe de la surveillance au niveau international. L'un des problèmes de la Convention relative aux droits de l'enfant, c'est qu'elle est victime de sa popularité en ce sens qu'elle fait porter à son comité un très lourd fardeau : il doit s'occuper de la préparation des rapports nationaux et assurer aussi une surveillance efficace. Un rapport sur les progrès du Canada, par exemple, se fondera sur des données périmées, qui datent de plusieurs années. En fait, le prochain rapport du Canada au Comité des Nations Unies sur les droits de l'enfant est dû pour 2009. Il est clair qu'il convient de mettre en place des mécanismes nationaux.

Dans mon mémoire, j'examine notamment ce que j'appellerais les moyens pratiques d'assurer une surveillance, au niveau national, de la mise en œuvre de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant. Je m'intéresse plus particulièrement au ministère de la Justice. Je trouve vraiment inacceptable que les traités internationaux en matière de droits de la personne signés par le Canada relèvent du ministère du Patrimoine canadien. Je pense que le commun des mortels ne songe pas nécessairement à ce ministère quand on parle des obligations du Canada en vertu de la Convention sur la torture, de la Convention relative aux droits de l'enfant ou du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. À mon avis, ce ne sont pas des normes — et je prie ma collègue de m'excuser —, ce sont des accords juridiques. Ils portent sur les droits découlant de la loi. Il s'agit de questions de droit et l'institution gouvernementale toute désignée pour s'en occuper est le ministère de la Justice.

Je crois qu'en confier la responsabilité au ministère de la Justice servirait à la fois à garantir la surveillance du respect de ces accords d'un point de vue juridique, à protéger ce qu'ils symbolisent et à empêcher qu'ils ne soient oubliés au ministère du Patrimoine canadien, lequel évoque la culture et le passé. Le ministère de la Justice s'acquitterait en permanence de ses obligations juridiques en matière de protection des enfants. Cela s'appliquerait non seulement à la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant, mais aussi à toutes nos obligations internationales au chapitre de la protection des droits humains.

Comme je l'indique dans mon mémoire, ceci est l'approche adoptée par le Royaume-Uni. Dans ce pays, c'est l'équivalent de notre ministère de la Justice qui s'occupe de ces questions. C'est la même chose en Australie. Le ministère des Affaires étrangères est responsable de la ratification des traités, mais la mise en œuvre des accords juridiques est assurée par l'équivalent de notre ministère de la Justice. En Australie, c'est le procureur général, et au Royaume-Uni, c'est le ministère des Affaires constitutionnelles.

En plus de ce rôle de surveillance conféré au ministère de la Justice, il y a aussi le travail de coordination avec les ministères provinciaux compétents à l'égard de la Convention relative aux droits de l'enfant. Le ministère de la Justice peut évaluer les lois relatives aux droits de l'enfant. D'ailleurs, l'une des recommandations du Comité des droits de l'enfant est que nous revoyions constamment les mesures législatives en vigueur ou proposées au Canada pour s'assurer qu'elles respectent les droits des enfants.

Dans mon mémoire, je propose que nous envisagions de recourir aux « énoncés de compatibilité » utilisés par leRoyaume-Uni dans le cadre de la Convention européenne des droits de l'Homme et en Nouvelle-Zélande pour le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Je pense que nous pourrions faire la même chose au Canada.

Le fait de faire des obligations internationales en matière de respect des droits de la personne des obligations juridiques devant être garanties par le ministère de la Justice, en plus d'observer les dispositions de la Charte, et de rendre nos lois conformes aux traités internationaux en matière de droits de la personne attirerait davantage l'attention sur ces obligations et garantirait leur révision et leur mise en œuvre continues.

Une autre façon d'assurer la mise en œuvre et la surveillance au plan national est de passer par le Parlement. À cet égard, j'enjoins cette institution à suivre les modèles britannique et australien. En 2003, le Royaume-Uni a entrepris une étude complète sur la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant; l'Australie avait fait la même chose en 1998. Dans le cadre de leur étude, les Australiens ont reçu 700 mémoires de la population. L'examen parlementaire de la mise en œuvre de ces traités est important. Je recommande que ce comité, ou un comité mixte sur les droits de la personne, envisage de s'acquitter de cette tâche toutes les fois que des observations concluantes émanant d'organismes internationaux seront divulguées. C'est quand il y a interconnexion entre les droits nationaux et internationaux que l'on peut attirer le plus l'attention. Lorsque nous recevrons un rapport du Comité des Nations Unies sur les droits de la personne au sujet du bilan du Canada, un comité parlementaire national pourra revoir le rapport en question, ce qui lui donnera plus de visibilité et permettra de faire participer un plus grand nombre d'intervenants que ce n'est actuellement le cas dans la préparation des rapports nationaux à Genève. Ce n'est pas tout le monde qui peut se rendre à Genève, et ceci est un moyen beaucoup plus pratique d'avoir une discussion approfondie.

Ma dernière suggestion concerne les commissions des droits de la personne du Canada. Le Canada est, à juste titre, fier de ses commissions des droits de la personne, mais ce ne sont pas, de fait, des commissions des « droits de la personne » dans le sens international d'une institution de défense des droits de la personne. C'est ce que nous appelons au Royaume-Uni des « quality commissions » ou des « anti-discrimination commissions ». Elles se concentrent sur un droit de la personne, le droit à l'égalité, qui est un droit important, mais il n'est pas dans leur mandat de s'intéresser à tous les traités internationaux des droits de la personne, y compris les traités relatifs aux droits de l'enfant.

Un bon modèle consisterait à ajouter un commissaire des droits de l'enfant à une commission des droits de la personne. Je sais que vous avez entendu des témoignages au sujet d'un commissaire des enfants. Ça s'est fait aussi au Royaume-Uni. L'avantage qu'il y aurait à ce que cela soit intégré à un mandat élargi d'une commission des droits de la personne, c'est que, comme nous l'avons constaté en Australie, les droits des enfants peuvent aller de pair avec les droits des Autochtones, dans le cadre d'un mandat plus vaste d'une commission des droits de la personne. Je vous le recommande. J'en ai donné des exemples dans mon mémoire.

L'un des avantages de ce suivi interne, en Australie, relativement aux peuples autochtones, c'est que l'organe de surveillance parlementaire tout autant que la commission des droits de la personne ont pu exploiter les moyens à leur disposition pour attirer l'attention sur la situation des enfants autochtones. Il y a eu des rapports, en Australie sur la détention obligatoire des mineurs, particulièrement au sujet des préoccupations qu'elle suscite dans certains États de l'Australie, ainsi qu'à propos des enfants autochtones et de l'aide juridique, du système judiciaire et du système d'éducation. Cette combinaison d'une commission plus vaste des droits de la personne ayant un mandat particulier de défense des droits des enfants et des droits des Autochtones a été une formule fructueuse en Australie, et je vous la recommande.

Le sénateur Pearson : Vous avez dit beaucoup de choses en peu de temps. J'ai bien compris et j'applaudis vos propos.

Je m'intéresse à un commentaire qu'a fait Mme McGillivray, au sujet de la manière dont la tradition juridique a mené l'État à invoquer les droits des parents. C'était l'un des enjeux soulevés dans la discussion sur l'article 43. Est-ce que vous pourriez en dire un peu plus là-dessus?

Vous avez aussi parlé de l'État en rapport avec les enfants autochtones et les écoles résidentielles. Je sais que vous avez fait beaucoup de travail dans le domaine. Est-ce que certaines traditions ou lois autochtones s'appuient sur le passé des enfants?

Mme McGillivray : Pour ce qui est de s'en remettre aux parents, j'ai un jour assisté à une allocution d'un collègue, ce qui est toujours assez amusant. J'avais beaucoup lu sur le sujet du consentement des enfants aux traitements médicaux, et un modèle en ressortait nettement. Lorsque le parent et l'enfant s'opposaient à l'État, ils l'emportaient. Lorsque le parent s'opposait à l'enfant et que l'État était d'accord avec le parent, l'enfant perdait toujours. La décision de l'article 43 est truffée de termes concernant la protection des enfants, et il n'a à peu près rien à voir avec les droits des enfants, ou avec les droits des enfants de jouir de la sécurité de la personne.

C'est une décision bizarre. Elle n'est pas formulée comme les autres jugements. Elle est répétitive et elle vise nettement à garder les parents hors de prison, parce que c'est ce qui est bon pour les enfants. Dans ces cas-là, les parents sont importants. Le parent est évidemment une personne extrêmement importante dans la vie d'un enfant.

La Convention relative aux droits de l'enfant fait peser sur le parent la plus grande partie du fardeau de l'enseignement de ses droits à l'enfant. Le parent peut s'y opposer, donc ce n'est pas un mécanisme efficace d'éducation.

Au sujet des écoles résidentielles, les traditions autochtones en ce qui concerne les enfants sont très fortes et extrêmement émouvantes. Tous les traités ont été rédigés en fonction de la durée de vie des enfants. Les générations que visent à protéger les traités ne sont pas la génération des parents, mais les générations des enfants nés et à naître.

Certains rapports anthropologiques sur la culture huron affirment que les parents croyaient que, s'ils étaient sévères avec leurs enfants, les enfants mourraient de peine, ou se suicideraient en prenant de la cicutaire maculée et, si les parents voulaient voir l'enfant dans l'au-delà, ils devraient se tuer eux-mêmes pour suivre le rayon de l'esprit de l'enfant, qui s'estompait très rapidement.

Le mode d'existence fondamental dont jouissent les Premières nations et des peuples indigènes fait qu'ils ne renoncent pas facilement à leurs enfants. C'était dans les sociétés européennes que les gens avaient de grands nombres d'enfants, où peu d'attention était portée à la santé et à la sécurité d'enfants particuliers. C'est une position très ferme sur les droits des enfants.

Le sénateur Oliver : Je tiens à remercier les témoins d'être succincts, clairs et minutieux dans leur traitement de ce sujet difficile.

Aucun de vous n'a parlé de ce qui est probablement l'un des plus grands problèmes juridiques que nous ayons au Canada relativement à ce sujet, et c'est celui de l'autorité législative, entre les droits exclusifs des gouvernements provinciaux et fédéral, relativement aux droits de la personne dont jouissent les enfants et à la protection des droits des enfants.

Quand vous avez parlé d'un système de surveillance après la ratification, vous avez soulevé quatre éléments. Aucun de ces quatre éléments ne concernait le problème de la compétence croisée des gouvernements fédéral et provinciaux. Est-ce que vous pourriez tous deux parler de cela, nous expliquer ce que nous, en tant que comité, devrions rechercher comme moyen pour obtenir un mécanisme d'application de la loi du gouvernement fédéral pouvant s'appliquer aux provinces, relativement aux compétences qui sont en conflit?

Mme Harrington : Je pense que vous devez admettre, en tant que fait constitutionnel de la vie au Canada, l'existence d'une division des pouvoirs et d'un soutien fondamental du fédéralisme. Le gouvernement fédéral ne peut rien faire pour intervenir auprès d'un gouvernement provincial qui agit conformément à son autorité législative.

Nous travaillons actuellement avec les provinces, avant et après la ratification. Nous cherchons à nous assurer que nos lois favoriseront la mise en œuvre avant la ratification. Nous travaillons avec les provinces à ce stade-là. Pour ce qui est l'après-ratification, actuellement, le ministère du Patrimoine travaille avec les gouvernements des provinces pour assurer leur contribution à nos rapports. Si nous donnons ce mandat au ministère de la Justice, il pourrait aussi fournir des services consultatifs pour assurer la conformité continue avec la convention.

Le sénateur Oliver : Le premier élément important que vous avez soulevé, c'est que ce ne devrait pas être le rôle du ministère du Patrimoine, mais plutôt celui de la Justice. La plupart des ministères ont à leur disposition des avocats du ministère de la Justice, alors s'il y avait de bons avocats de la Justice au Patrimoine, qui feraient leur travail, qu'en penseriez-vous?

Mme Harrington : Ce n'est pas une question de bon ou de mauvais. Ce n'est pas ce que je voudrais vous donner à penser. Un membre ordinaire du public se demande où aller chercher des lois. Le premier endroit où j'irais, ce serait au ministère de la Justice. Dans le site Web de ce ministère, il y a un petit onglet appelé « lois » qui donne accès aux lois par voie électronique. D'un point de vue de l'éducation, de l'accès et même du point de vue symbolique, il est important que ce soit avec le ministère de la Justice. Il y a au ministère de la Justice un module de défense des droits de la personne qui fait ce travail. Vous avez tout à fait raison. Il y a chevauchement si en plus il y en a aussi au ministère du Patrimoine.

Cependant, je dirais aussi qu'actuellement, le ministère de la Justice est responsable de l'observation de la Charte. D'autres ministères comptent sur lui pour obtenir des conseils sur des lois et pour déterminer si la Charte est respectée. Si le Canada estime — publiquement et sur la scène internationale —qu'en ce qui concerne bon nombre d'obligations liées aux droits de la personne, nous les respectons parce que nous nous conformons à la Charte, il n'est certainement pas difficile, alors, pour le ministère de la Justice de dire que nous nous conformons déjà à la Charte, et est-ce que nous ne pourrions pas considérer alors être conformes aux droits internationaux? Ils le font déjà, à en croire leur déclaration publique. Particulièrement à Genève, c'est la position que défend le Canada.

La question de compétence législative fédérale et provinciale pose un problème pour l'application des droits de la personne, pas seulement des droits des enfants. Je dirais que si vous aviez une commission des droits de la personne refondue, avec un mandat plus vaste, elle pourrait aussi fournir des services consultatifs aux provinces relativement à l'application des droits des enfants.

Mme McGillivray : Je suis d'accord avec mes collègues. C'est un fait de la vie. J'ai toujours trouvé injuste ce partage des enfants en tellement de morceaux. Le gouvernement fédéral a fait des choses pour égaliser la situation pour les enfants, notamment en matière de soins de santé. Bien des mesures sont prises volontairement par les provinces, comme les normes d'intervention et ce genre de chose. Ce qu'il faut c'est de la vigilance, et reconnaître les droits des enfants. Dans la même mesure où nous voulons reconnaître les droits constitutionnels des adultes et les enjeux constitutionnels qui les concernent, nous devons reconnaître que ces droits et enjeux sont autant ceux des enfants, et que c'est même plus important d'appliquer ces droits avec la plus grande vigilance.

Dans toutes les provinces, sauf au Québec, il y a des défenseurs des enfants. Le Québec a la commission des enfants, qui fait partie de sa Commission des droits de la personne. Les commissaires ont des statuts distincts. C'est un bon système. S'il y a des commissaires de droits des enfants dans chaque province, ils pourraient avoir un secrétariat national.

Il y a un problème de langue. On m'a dit que c'est un anathème, dans le milieu gouvernemental, maintenant, que de parler de « droits des enfants ». Je dois éviter cette expression quand je suis avec certains ministres. J'ai participé à l'Étude canadienne sur l'incidence des signalements de cas de violence et de négligence envers les enfants, la deuxième partie, et le président l'a dit bien clairement. Il a dit qu'on n'utilise pas l'expression « droits des enfants » en rapport avec ces choses-là. Une grande part du problème vient de la perception, en plus du statut.

Le sénateur Poy : Madame McGillivray, vous parliez des droits de consentement aux traitements médicaux des enfants.Pourriez-vous vous expliquer? Vous avez dit que si le gouvernement et les parents sont d'accord, l'enfant n'a pas de droits. Je pense au traitement et à l'intervention chirurgicale. Au Canada, à quel âge pourrait-on juger acceptable que l'enfant assume la responsabilité de son propre corps?

Mme McGillivray : En Grande-Bretagne, il y a eu la décision Gillick, et la « compétence Gillick ». Le Canada a toujours eu une règle, en droit de la responsabilité délictuelle, appelée la règle du « mineur mature ». Si le tribunal estime que l'enfant est capable de comprendre l'enjeu et ses conséquences, on laisse l'enfant en grande partie, voire entièrement, prendre la décision en la matière.

L'équation qui ressort de ces affaires se rapporte aussi à la gravité de la situation. Le contrôle des naissances, qui était l'objet de l'affaire Gillick, n'est pas un enjeu grave. Qu'y aurait-il de mal à ce que j'aie accès à des renseignements sur le contrôle des naissances; ou à la transfusion de sang quand le fait de ne pas en avoir me tuerait? Il leur faut une espèce d'échelle progressive qui soit intégrée. Nous voyons des cas d'enfants témoins de Jéhovah à qui on laisse le choix de mourir, et c'est avec l'appui de leurs parents. Tant qu'il y a des parents qui les appuient, on n'a rien à perdre. Ce pourrait être plus clair dans la loi. Cependant, la règle existe.

Le sénateur Poy : Si l'enfant prend une décision contraire à ce que veut le parent, et à ce que veulent les tribunaux, qui décide que l'enfant, quel que soit son âge, est en mesure de prendre cette décision? Est-ce que c'est le tribunal qui serait le juge final de cette question?

Mme McGillivray : Dans certains cas, oui. Dans les cas extrêmes, ceux, par exemple, de transfusion sanguine, souvent, l'enfant est arrêté. Il y a eu à Winnipeg, il y a quelques années, une histoire effrayante, où les avocats se battaient littéralementau-dessus de ce qui a fini par être le cadavre d'une enfant sur une civière, à l'hôpital. Ce ne sont pas de bonnes situations. Souvent, la décision revient au médecin. Ce n'est pas si dramatique, et personne ne va jusque devant les tribunaux. Il existe de nombreux mécanismes internes qui permettent aux gens de s'entretenir avec les enfants et d'évaluer leur degré de compréhension.

Dans l'analyse canadienne de ces choses, il est utile de s'appuyer sur la structure de la Charte. On ne dit pas « non » à tous les enfants, on commence par dire : « Oui, tu as tous ces droits, maintenant je dois réfléchir à la manière dont je peux justifier de ne pas te laisser faire ceci », ce qui met le fardeau là où il doit être, sur les adultes. Si on ne peut pas trouver de bonne raison de refuser, il n'y en a probablement pas de le faire.

Le sénateur Poy : Madame Harrington, vous avez parlé de la mise en oeuvre des traités qui relèverait du ministère du Patrimoine. Est-ce que vous pourriez expliquer comment c'est arrivé?

Mme Harrington : Je ne sais pas exactement ce qui s'est passé. J'ai vérifié le mandat, dans les lois créant le ministère du Patrimoine canadien, et il semblait y avoir un groupe d'aspect qui ne correspondaient pas nécessairement aux activités d'autres ministères. Je ne peux pas vous en donner la raison, parce que je n'ai pas fouillé la question plus loin. Au plan juridique, c'est dans le mandat de ce ministère. Je dirais que, pour monsieurtout-le-monde, ce n'est pas logique.

La présidente : Madame McGillivray, au sujet de ce que vous disiez sur ce qui est arrivé au Manitoba, si c'est l'affaire à laquelle je pense, c'était une question de compétences législatives ou de ministères qui estimaient tous n'avoir à cœur que les intérêts de l'enfant. Est-ce bien l'affaire dont vous parliez?

Mme McGillivray : C'était avant mon j'arrivée là-bas. On m'a décrit la scène. À ce que j'ai compris — et peut-être que je me trompe — les parents avaient embauché un avocat pour représenter les intérêts de l'enfant. Le ministère des Services à l'enfant et à la famille avait un avocat. C'était en phase aiguë du traitement de l'enfant, et tout le monde était amer. Les deux côtés estimaient avoir agi dans le meilleur intérêt de l'enfant. Je pourrais tout à fait me tromper.

La présidente : Vous avez bien raison. C'était un cas d'appréhension, où le ministère des Services sociaux, ou son équivalent, a pris l'enfant en charge parce qu'il estimait que les parents n'agissaient pas. C'était une affaire de deux gardiens concurrents.

Mme McGillivray : C'est bien cela.

Le sénateur Dallaire : Mon expérience est surtout sur la scène internationale, en ce qui concerne les enfants. Les recherches que j'ai faites étaient sur les enfants soldats, les enfants dans les conflits, alors ma courbe d'apprentissage est assez ardue. J'apprends de mes collègues.

D'après ce que vous connaissez de l'évolution des droits de la personne, particulièrement dans une société comme la nôtre, et surtout dans la nôtre, sachant qu'il y a des centres dans tout le pays, dans les universités surtout, qui font des études sur les droits de la personne et les méthodes pour les enseigner, y a-t-il un processus formel de recherche sur l'évolution de la Charte?Y a-t-il un processus formel pour faire évoluer la perception au Canada des droits de la personne et la manière dont elle influe sur la nature progressive des droits de la personne? Ce n'est pas quelque chose de ponctuel; c'est continu. Existe-t-il une telle structure ou directive?

Mme McGillivray : Il y a plusieurs organismes universitaires, bien que je serais bien en mal de les nommer et, bien sûr, les universitaires eux-mêmes. Je connais bien des avocats du droit constitutionnel qui ont abandonné la partie, ce qui est déprimant. On dirait qu'ils ne se font plus aucune illusion sur les droits et ce que feront les tribunaux. Ce n'est pas beau à voir. Si les universitaires qui croient dans la justice disent eux-mêmes que ce ne sont pas les bons termes, quels sont les bons termes? Pour ce qui est des progrès, il y a des groupes qui travaillent sur des questions particulières, notamment les enfants soldats et les crimes de guerre contre les enfants, mais je ne peux pas vraiment penser à autre chose.

Mme Harrington : Nous pourrions aborder cela sous un autre angle. Il y a actuellement un sain débat, parmi les experts du droit constitutionnel du Canada, et c'est une bonne chose. En ce qui concerne les progrès de la Charte, pour clarifier les choses, est-ce que vous parlez de ses progrès à l'étranger, ou au Canada?

Le sénateur Dallaire : Je pense à ce pays-ci, avec sa Charte. Elle a vu le jour en 1982-1983, après de nombreuses années d'étude. C'est bien beau, mais qu'est-ce qui vient après? Cela fait près de 25 ans. Comment va-t-elle évoluer? Quel genre de mécanisme existe, dont les droits des enfants serait une composante auxiliaire? De même, dans notre perception du droit humanitaire et de la manière dont ces droits évoluent dans la race humaine, quels droits des enfants y sont intégrés? Nous allons autour du monde les défendre, mais est-ce une entité stagnante? Est-ce que nous, surtout au Canada, sommes en train de constituer une capacité pour avoir cette influence? Je ne parle pas seulement qu'au plan constitutionnel; je parle de la nature du droit humanitaire.

Mme Harrington : C'est la nature même du rôle de l'universitaire spécialiste de dans ces domaines. Pour ce qui est d'une structure particulière pour cette évolution, il n'y a pas de programme précis, mais en tant qu'universitaire qui se concentre sur la Charte, on y contribue. Diverses conférences ont été organisées à l'occasion du 20e anniversaire de la Charte. Actuellement, des conférences sont organisées sur les droits à l'égalité en particulier, parce que ceux-ci ne sont entrés en vigueur qu'après la majorité des articles de la Charte. Tout cela se fait au moyen de conférences et d'écrits d'universitaires, ainsi que de cours que donnent l'Institut national de la magistrature et l'Association du Barreau canadien. Je ne dirais pas qu'il y a un programme structuré pour l'évolution de la Charte. Les juges canadiens vont à l'étranger et participent à des programmes relatifs aux déclarations des droits. Le Canada prend aussi des leçons d'autres pays qui ont eu une Charte bien avant nous. Le dialogue et les échanges se poursuivent.

Le sénateur Dallaire : Pour bien me faire comprendre, tout ce que nous faisons part du point de vue des droits de la personne et de leur défense et leur propagation, et il semble n'y avoir aucune entité politique pour encadrer tout cela. Le monde universitaire est essentiel à cette recherche, mais où notre nation prend-t-elle son impulsion dans ce continuum, et pour faire avancer les droits de la personne? Il ne semble pas y avoir de tête de file. Le mouvement semble avoir perdu de sa vigueur et attendre un autre anniversaire pour renaître.

La présidente : Au risque de vous répondre, je dirais que le Parlement y a un rôle à jouer. Le Sénat, particulièrement, a un rôle à jouer quand nous étudions les droits des minorités, la représentation régionale et l'intérêt national. Je pense que c'est pour cela que nous avons un comité des droits de la personne. Certains d'entre nous en sont venus à la conclusion que nous devons assumer notre rôle plutôt que de laisser tout faire aux universitaires. Une certaine volonté politique devrait s'exprimer, et c'est ce que nous espérons faire.

Le sénateur Dallaire : C'est une réponse magnifique, parce que c'est là, dans la dimension exécutive, que selon moi nous n'avons pas d'entité dominante pour concentrer tout cela. Il y a du travail qui se fait, bien sûr.

[Français]

Le sénateur Losier-Cool : Je voudrais revenir à l'article 43, la question du châtiment corporel, et faire suite à l'intervention du sénateur Oliver au sujet des autorités fédérale et provinciale.

J'ai passé 33 ans de ma vie dans une salle de classe et je crois que la disposition du châtiment corporel s'applique souvent dans les écoles. C'est pour cela que la Fédération canadienne des enseignants est d'avis que l'article 43 doit demeurer dans le Code criminel parce qu'il protège les enseignants.

Étant donné que la disposition existe encore dans le Code criminel, qu'est-ce que le gouvernement fédéral pourrait faire de plus pour gérer plus adéquatement cette question du châtiment corporel?

Est-ce que ce sera par le biais d'un ombudsman des enfants ou d'un commissaire? Et encore, s'il y avait un commissaire, quelle autorité exercerait-il? Si on passe de Patrimoine canadien à Justice Canada, est-ce que Justice Canada aura autorité au sein des provinces?

J'aimerais entendre des commentaires à ce sujet. Je suis d'accord avec Mme McGillivray lorsqu'elle affirme que cette disposition constitue vraiment un manquement aux droits des enfants.

[Traduction]

Mme McGillivray : L'article 43 est le moyen de défense pour agression. Nous avons toutes sortes de ces motifs de défense. C'en est un. Le genre d'agression pour lequel ce peut être une défense, c'est le châtiment corporel. Ce n'est pas d'empêcher un enfant de traverser la rue en courant; c'est si je donne une correction à un enfant, je le frappe, pour avoir couru dans la rue. Sans ce moyen de défense, je n'aurais pas le droit, légalement, de corriger un enfant. Je pourrais encore faire toutes les choses pour le protéger et le stimuler. Si cette défense n'était pas prévue dans le Code criminel, les provinces poursuivraient les contrevenants et formuleraient des protocoles, d'une province à l'autre, pour dire « ici, nous intervenons; ici, nous avertissons; et ici, nous portons des accusations ». Il n'y aurait pas de poursuite en bloc. Cependant, le juge fédéral n'aurait pas de rôle à jouer dans l'application d'un tel changement.

La Cour suprême a décrété que c'était constitutionnel. Cependant, elle a retiré le pouvoir aux enseignants. Les enseignants ne peuvent plus corriger. Tout ce qui leur est permis, c'est ce qu'on appelle la contrainte nécessaire, qui leur était permise de toute façon. On s'en est remis aux parents, avec des règles beaucoup plus strictes pour ce qui est de l'application. Rien n'empêche le Parlement d'abroger cette loi, mais ce ne serait pas de la justice fédérale.

Les défenseurs, commissaires, et autres, feraient la promotion de meilleurs moyens de s'occuper d'enfants; c'est-à- dire, ils proposeraient d'autres solutions que le châtiment corporel.

Le sénateur Losier-Cool : C'est l'orientation que je voulais donner à mes questions. Est-ce que vous aimeriez expliquer, madame Harrington, quel type de programme serait offert comme autre choix de discipline?

Mme Harrington : J'emboîterais le pas à Mme McGillivray, à propos des commissaires aux enfants. Je pense qu'il y aurait place pour un organe, un organe indépendant du gouvernement, qui serait le défenseur ou le commissaire des enfants. Je préférerais que ce soit quelqu'un qui oeuvre au sein d'une institution des droits de la personne. Il y a un rôle pour un commissaire aux enfants, ou un commissaire des droits des enfants, qui aurait une fonction éducative, et qui pourrait faire des enquêtes bien particulières. Je ne pense pas que cette personne devrait s'occuper de plaintes particulières. Il y a d'autres moyens pour celles-là. Alors le commissaire aux enfants aurait une fonction d'éducation, de défense et d'enquête, et il ferait des enquêtes plus vastes, plutôt que de s'occuper de plaintes particulières.

La présidente : L'affaire de la Cour suprême est effectivement assez étrange, mais c'est aussi un dossier difficile. J'en ai entendu parler, et j'ai moi-même soutenu que nous avons manqué à notre devoir d'éducation permanente sur les droits des enfants et l'indépendance des enfants.

On a dit beaucoup de choses sur la responsabilité des parents. À moins d'éduquer les parents, nous allons enfoncer certains parents déjà vulnérables dans des situations encore plus difficiles. N'était-ce pas pour le tribunal un moyen d'encourager un débat ouvert, et d'amener la société canadienne à réfléchir sur le recours à la discipline par des châtiments corporels? On ne peut toucher à un enfant de moins de deux ans, ou de plus que je ne sais quoi. C'est dans ce sens qu'on va. Est-ce que c'est leur manière de dire qu'il devrait y avoir plus d'éducation publique sur la question? Est-ce que ce serait un moyen d'intégrer un facteur éducatif avant d'adopter une loi?

Mme McGillivray : Cette préoccupation a toujours été le pendant de la question, qu'est-ce qui vient d'abord, l'éducation ou le changement? Évidemment, le changement amène avec lui l'éducation. Il y a des gens qui travaillent sur une étude qui doit être menée sous peu dans plusieurs régions différentes, compétences législatives différentes, sur ce que les parents comprennent de cette décision. À mon avis, ils en comprennent très peu. Je pense que la plupart des gens sont dans le noir le plus total. Quand cette décision a été publiée et que tout le monde s'est précipité sur les reporters qui attendaient sur les marches, les groupes religieux qui s'étaient opposés au changement ont clamé que c'était une victoire phénoménale pour leur cause. En ce qui concerne le public, je pense que les enfants en sont exactement au même point qu'ils étaient avant cette décision. J'aurais bien aimé pouvoir être plus généreuse dans mon évaluation, mais je n'ai rien trouvé qui me permette de l'être.

Le sénateur Pearson : Nous avons entendu beaucoup, lors de nos voyages, et de nos audiences, au sujet du fait que trop peu de gens savent quoi que ce soit sur les droits des enfants, que nous avons manqué à notre devoir en matière d'éducation, et que nous n'avons pas su respecter l'article 42 de la Convention, en ne diffusant pas largement ses principes et ses dispositions.Avez-vous des suggestions à faire sur la manière dont nous pourrions sensibiliser vos propres collègues à ces questions? Nous aimerions bien pouvoir formuler nos recommandations de manière à ce qu'elles puissent avoir quelque effet. Vous avez parlé de juges, et cetera, mais je ne suis pas convaincu que les principes et les dispositions de la convention soient largement connus ou compris dans le milieu juridique.

Mme Harrington : Je pense que c'est assez juste, en ce qui concerne toutes nos obligations et nos traités relativement aux droits de la personne. Je m'appuierais sur un ouvrage publié en 1977, appelé The Law Nobody Knows. La prémisse de cet ouvrage s'applique encore. Dans d'autres pays, les institutions nationales de défense des droits de la personne servent à former les avocats et d'autres. Ce pourraient être aussi les professeurs d'école, les juges et les travailleurs sociaux. Nous pourrions enseigner à nos gens nos obligations à l'étranger et au Canada en matière de droits de la personne, pour qu'ils puissent les considérer comme des obligations. Ils peuvent les voir fonctionner ensemble et apprendre qu'aucun d'eux n'a priorité sur les autres. Ils forment un tout. Chacun une pièce du casse-tête. Oui, il y a un rôle à jouer en formation. J'assignerais cette responsabilité de formation à une institution nationale des droits de la personne. Bien que nous ayons actuellement des problèmes de sous-financement, de manque de ressources, et cetera, je jugerais que c'est une recommandation pratique, soit de les réorganiser pour qu'elles puissent assumer ce rôle.

Mme McGillivray : Mon plus grand problème vient des avocats de la défense. La plupart de mes collègues sont assez ouverts à la notion que ce n'est pas tellement une bonne idée de frapper les enfants ces temps-ci, et que ça ne l'a probablement jamais été. Je leur dis : « Si vous choisissez d'agresser un enfant, vous devriez être prêts à défendre cet acte en vous fondant sur les mêmes motifs que n'importe qui d'autre. » Ils ont tous répondu : « Ça me paraît faisable. » Il y a bien des situations où l'on peut légalement frapper quelqu'un, et on n'a pas à recourir à l'article 43.

La Cour suprême a appelé cela le « soin des enfants ». Elle a dit que c'était nécessaire pour assurer le soin des enfants. C'est tout à fait le contraire des soins. Nous avons la défense du soutien des enfants en common law. Il est toujours bien entendu que je peux intervenir auprès de la personne d'un bébé et changer ses couches, et le nourrir. Ce n'est pas un problème dans la loi.

Le sénateur Oliver : Professeur McGillivray, j'ai été saisi par ce résumé historique que vous avez fait aujourd'hui, pour situer le comité, au sujet des droits. J'ai été particulièrement intéressé par ce que vous avez cité de Thomas Hobbes et Locke. Dans la citation de Locke, vous avez parlé de l'âge de « l'intellection » et du moment où les droits de l'adulte s'enclenchent. Quel âge a-t-il suggéré comme âge d'intellection, et quel âge, selon vous, ce devrait être? Au Canada, aujourd'hui, il y a beaucoup, dans nos lois, de capacités criminelles qui sont fonction de l'âge. Est-ce bien leur place? À quel moment devrions-nous nous fonder sur les preuves ou le témoignage fournis par un enfant?

Mme McGillivray : Il y a une échelle progressive, et en raison de la complexité de cette échelle, nous avons choisi 12 ans comme le moment du début de la responsabilité criminelle, mais nous avons réservé le plein poids du droit criminel à ceux qui ont plus de 18 ans. Cela semble concorder de façon générale avec ce qu'on pense de l'adolescence. D'autres pays ont des dispositions beaucoup plus souples, en commençant, par exemple, à 14 ans. Cuba suspend certaines responsabilités jusqu'à l'âge de 24 ans.

En ce qui concerne les preuves fournies par les enfants, c'est une question d'exigence du tribunal, et non pas de capacités de l'enfant. Si le tribunal peut croire que l'enfant donne des renseignements qui sont fiables, le tribunal peut entendre l'enfant. Cela dépend de la complexité de l'affaire, et aussi de l'enfant. C'est moins une affaire d'âge. Cela s'appliquerait au consentement aux traitements médicaux. C'est la capacité de la personne qui compte.

Nous avions fixé auparavant l'âge du droit de vote à 21 ans. Je pense que c'est M. Trudeau qui l'a réduit à 18 ans et qui a plaidé auprès des gens qui appréciaient la rose à la boutonnière. Même là, 18 ans, c'est bien. Pourquoi pas 16 ans? Il n'y a pas vraiment de raison en tant que telle à cela. En Grande-Bretagne, il y a deux âges différents pour le début de l'esprit rationnel. C'était même encore plus compliqué que ce que nous avons.

Dans les Commentaries on the Laws of England de Blackstone, publiés à la fin des années 1700, il parle de « l'empire de la raison ». C'est une autre façon de dire « rationnel ». Il dit « à l'âge que l'État veut fixer ». Locke était du même avis.

La présidente : Est-ce que vous seriez d'accord qu'une partie du problème à essayer d'éduquer les gens au sujet des droits de la personne, c'est que nous avons des lois différentes, à des moments différents, et elles ne sont pas toujours cohérentes? Les âges où une personne peut voter, entrer dans un magasin des alcools ou un bar, ou quoi que ce soit d'autre, sont tous différents et n'arrêtent pas de changer. C'est différent d'une province à l'autre. La plupart des gens sont probablement déroutés quand ils se demandent quand un enfant devrait avoir des pleins droits plutôt que des droits progressifs, ce dont traite la Convention.

Mme McGillivray : C'est pourquoi il est pratique d'avoir la Convention relative aux droits de l'enfant — on y voit bien 18 ans — à moins que l'âge de la majorité soit fixé avant cette âge-là. Il faut un âge où nous puissions dire qu'un enfant n'est plus un enfant, à des fins particulières. Il devrait y avoir certaines exemptions. Je ne pense pas qu'il pourrait y avoir un seul âge pour toutes les situations. Ce serait assez chaotique.

Tout cela est dû en partie à nos propres notions de capacité de mûrir, qui fait que dans un domaine, quelqu'un est plus mûr qu'au même âge dans un autre domaine. Par exemple, un jeune de 14 ans peut bien conduire, mais à mon avis probablement pas. Nous leur permettons de conduire sur les terrains privés, mais peut-être que l'âge de conduire devrait être fixé à 30 ans. Certaines décisions sont prises pour des raisons pratiques, et d'autres sont tirées de l'histoire, comme lorsque M. Trudeau a décidé de changer l'âge du vote et y est parvenu. C'est ce qui se passe en ce moment même avec la question du consentement aux relations sexuelles. On ne pourra jamais tout à fait contenter tout le monde.

La présidente : Nous arrivons tous à la maturité, chacun notre rythme. Vous avez stimulé le débat d'aujourd'hui et, certainement, lui avez donné un contexte historique, que nous n'avions pas encore entendu. Vous avez donné une dimension différente aux délibérations du comité, et j'espère que certains de vos commentaires se retrouveront dans notre rapport et que vous suivrez les travaux du comité. Merci d'être venues à notre réunion.

Je suis heureux d'accueillir notre témoin suivant, l'honorable Ken Dryden, ministre du Développement social. Monsieur le ministre, veuillez faire votre déclaration préliminaire, après quoi les sénateurs auront des questions à vous poser.

L'honorable Ken Dryden, C.P., député, ministre du Développement social : Permettez-moi de présenter mes collaborateurs qui sont ici aujourd'hui. Je suis accompagné de Mme Sonia L'Heureux, directrice générale, Apprentissage et garde des jeunes enfants, M. John Connolly, directeur intérimaire, Direction du développement communautaire et des partenariats, et Mme Deborah Tunis, directrice générale, Direction de la politique et de l'orientation stratégique.

Merci de m'avoir invité à comparaître devant le comité aujourd'hui. Le Sénat du Canada et ses comités ont joué un rôle déterminant en étudiant des enjeux sociaux importants et en faisant des recommandations à leur sujet. Je suis heureux d'être ici dans le cadre de l'examen que vous faites des obligations internationales du Canada en matière de droits et libertés des enfants, et je vous félicite d'avoir entrepris cette tâche.

J'aimerais aussi mentionner les efforts du sénateur Pearson. Depuis de nombreuses années, nous le savons tous, Landon Pearson a été un défenseur inlassable des enfants — les enfants du Canada et du monde entier. Le sénateur Pearson adore les enfants, croit en eux et croit en l'avenir. Elle veut quelque chose de mieux pour les enfants. Nous avons la chance d'être les bénéficiaires de son œuvre et de sa joie de vivre.

Les Canadiens ont certaines idées de ce que c'est que d'être Canadiens, de ce que nous attendons de nous et pour nous, et à quoi s'attendre des autres et pour les autres. Les Canadiens s'attendent à avoir une chance, puis une deuxième chance. Nous espérons pouvoir vivre une vie pleine, riche et fructueuse. Pour certains, ce n'est pas évident à cause de la maladie, d'accidents, d'incapacités, de la pauvreté, de l'âge, de situations personnelles ou familiales, ou encore à cause d'un facteur qui nous met en queue de peloton quand la course ne fait que commencer, ou à un moment donné avant le fil d'arrivée. À Développement social Canada, notre travail consiste à cerner les écarts entre ces notions qu'ont les Canadiens et, en collaboration avec d'autres organismes, d'y faire quelque chose.

Que faisons-nous? En 1990, avec cinq autres pays, le Canada a pris les rênes de l'organisation du sommet mondial pour les enfants. Et puis un an plus tard, le 13 décembre 1991, le Canada a ratifié la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant. Ce faisant, nous avons affirmé nos points de vues et nos attentes pour les enfants, et notre engagement de travailler avec les gouvernements et la société pour promouvoir le bien-être et le développement sain des enfants du monde entier.

D'autres témoins ont déjà dit aux sénateurs que la réalisation de la convention n'est pas l'œuvre d'un ministère ou d'un organisme seul. C'est plutôt l'action concertée entre tous les ministères du gouvernement, tous les gouvernements, à tous les niveaux et dans toute la société. D'autres ministères et fonctionnaires ont comparu devant le comité pour parler de la manière dont les engagements internationaux du Canada sont délimités dans le contexte canadien. J'aimerais vous dire ce que fait Développement social Canada pour améliorer le bien-être des enfants et des familles au Canada.

[Français]

Développement social Canada a vu le jour en décembre 2003, héritant d'autres ministères d'un éventail de politiques, de programmes et de services à l'intention des personnes handicapées, des aidants naturels, des enfants et des familles ainsi que des valeurs et des motivations qui en sont à l'origine. L'objectif de Développement social Canada est de rassembler tout ce dont nous avons hérité et de s'en inspirer pour renforcer les assises sociales du Canada en favorisant la sécurité du revenu et le mieux-être social et en veillant à toujours respecter les attentes et la vision que nous avons en tant que Canadiens.

[Traduction]

En ce qui concerne les enfants, le Plan d'action national pour les enfants, à la fin des années 1990, a été créé pour formuler une vision globale, des objectifs et des domaines d'action concertée afin de nous assurer que les enfants soient outillés le mieux possible pour entrer dans la vie, et aient les occasions nécessaires de réaliser ce potentiel. Le PANE était le fruit d'une vaste consultation des intervenants, des organismes autochtones et des citoyens canadiens et marquait l'avènement d'une nouvelle ère de collaboration fédérale-provinciale. Sept ans plus tard, en mai 2004, conformément à la Convention des Nations Unies relativement aux droits de l'enfant, le gouvernement du Canada a réitéré son engagement à l'égard des enfants et de la famille, avec la publication de Un Canada digne des enfants, donnant encore plus de clarté et de corps à ses engagements.

Pour assurer le développement sain des enfants, le gouvernement du Canada et Développement social Canada ont reconnu qu'il fallait un revenu suffisant, un rôle de parent efficace et des communautés qui offrent leur appui. Nos politiques, programmes et approchent partent de ces principes.

Tout d'abord, en ce qui concerne le revenu suffisant,en 2003-2004, le gouvernement du Canada, au moyen de la prestation fiscale pour enfants et du supplément de la prestation nationale pour enfants qu'il verse aux familles à faible revenu, à investi 8,2 milliards de dollars pour aider 3,1 millions de familles à assumer les coûts de l'éducation de leurs enfants. La cause et les effets exacts sont difficiles à mesurer, mais notre analyse la plus récente, qui porte sur l'année 2001, quand la PFE était légèrement inférieure, nous donne une idée des effets qu'elle peut avoir.

D'après cette analyse, la prestation fiscale pour enfants a réduit de 8 p. 100 le nombre d'enfants vivant dans des familles à faible revenu, ou de 94 800 enfants dans 40 700 familles. En outre, pour les familles avec enfants qui sont restées dans une situation de faible revenu, la cotisation fiscale pour enfants a réduit l'écart de leur faible revenu de 12,3 p. 100 et augmenté leur revenu disponible moyen d'environ 900 $, ou 5,5 p. 100.

En outre, les familles à revenu faible et modeste avec un enfant handicapé bénéficient d'une prestation pour enfant handicapé s'élevant jusqu'à 2 000 $ annuellement en supplément à la prestation fiscale canadienne pour enfants. Ce que cela signifie réellement, c'est qu'une famille, de deux enfants, dont le revenu est inférieur à 30 000 $ par an reçoit 3 980 $ par an et un supplément de 2 000 $ par an si l'un des enfants est atteint d'un grave handicap.

Deuxièmement, pour aider les parents à bien jouer leur rôle crucial au sein des familles, Développement social Canada appuie aussi un ensemble de programmes et services par des transferts aux gouvernements provinciaux et territoriaux. Par exemple, dans le cadre de l'Entente sur le développement de la petite enfance de 2000, le gouvernement du Canada transfère 500 millions de dollars par an pour améliorer et élargir des programmes et des services de développement de la petite enfance. Il transfère aussi 350 millions de dollars par an en vertu du Cadre multilatéral pour l'apprentissage et la garde des jeunes enfants de 2003 en vue d'améliorer l'accès à des programmes abordables et de bonne qualité de garderies et d'apprentissage pour les jeunes enfants.

Le budget du mois de février dernier est allé plus loin en confirmant un engagement de 5 milliards de dollars sur cinq ans, pour un système d'apprentissage précoce et de garderies d'enfants à travers le pays, pour un système de meilleure qualité axé davantage sur le développement, plus accessible et inclusif.

Ensemble, les provinces et territoires et le gouvernement fédéral ont élaboré une vision commune pour l'apprentissage et la garde des jeunes enfants. Je travaille avec chaque province et territoire à la conclusion d'ententes bilatérales de principe qui permettront de concrétiser cette vision. À ce jour, six provinces ont signé ces ententes et nous espérons que le reste le fera dans les semaines et les mois qui suivent.

Pour mettre cette dernière initiative en perspective, les 5 milliards de dollars sur cinq ans représentent une augmentation de 48 p. 100 de ce que consacrent aujourd'hui tous les paliers de gouvernement aux garderies. Pour les neuf provinces à l'exception du Québec et des trois territoires, cela représente une augmentation de 82 p. 100. Ces efforts auront un impact considérable sur les enfants et leurs parents.

De ces 5 milliards de dollars sur cinq ans, 100 millions de dollars seront consacrés à l'amélioration de l'apprentissage et la garde des jeunes enfants des Premières nations qui vivent dans les réserves. Cent millions de dollars de plus serviront à l'élaboration d'une stratégie de savoir, d'information et de données pour suivre les progrès, orienter le développement et améliorer le niveau et atteindre les objectifs de l'apprentissage et la garde des jeunes enfants au Canada.

Troisièmement, en ce qui concerne l'appui aux collectivités, les expériences de l'enfance sont fortement influencées par les collectivités dans lesquelles les enfants vivent, jouent et apprennent. Par le truchement de l'initiative Comprendre la petite enfance, nous contribuons à offrir aux collectivités des renseignements sur la capacité d'apprendre des enfants qui y vivent. Ce programme a débuté en 1999 en tant que projet pilote dans 12 collectivités, il s'est élargi à 25 communautés de plus cette année et au fil du temps, il touchera 100 collectivités.

De plus, nos projets de financement du Programme de partenariats pour le développement social accentuent la capacité des organisations à but non lucratif et bénévole à participer à des projets de recherche, par exemple, sur des questions liées au développement et à l'apprentissage de l'enfant.

[Français]

De plus, dans le cadre du Plan d'action pour les langues officielles, Développement social Canada investit dans des initiatives pour promouvoir le développement de la petite enfance dans les communautés minoritaires de langue officielle.

Développement social Canada s'efforce aussi de soutenir les enfants par d'autres moyens. Il est présent sur la scène mondiale, dans les dossiers touchant les enfants, en tant que membre d'organisations internationales et grâce à nos relations bilatérales avec d'autres pays. Cet engagement prend plusieurs formes et comprend le partage d'expériences et de recherches qui appuient l'élaboration continue des politiques et des programmes au Canada.

En outre, la collaboration avec des organisations internationales facilite l'élaboration et l'utilisation de points de repère et de normes qui aident à mesurer les progrès au Canada.

[Traduction]

Développement social Canada collabore aussi avec les provinces, les territoires et d'autres partenaires fédéraux pour s'assurer que les droits des enfants sont protégés pendant les adoptions internationales.

Voilà tout ce que nous faisons. Le succès de nos enfants est en partie dû à cela, mais encore plus à la réussite de nos familles, de notre économie et de notre société. Nous mesurons tout cela au moyen de l'Enquête longitudinale nationale sur les enfants et les jeunes et l'Enquête imminente Aboriginal children's survey.

La question qui se pose à votre comité et à Développement social Canada est la suivante : comment améliorer notre travail? Comme je l'ai dit au début de mes remarques, en tant que Canadiens, nous avons une certaine perception de ce que signifie être Canadien, ce que nous attendons de nous-mêmes et pour nous, ce que nous attendons des autres et pour les autres. En ce qui concerne nos enfants, pour leur santé et leur sécurité, leurs conditions de vie, leur éducation et leur apprentissage, nous espérons une chance, une bonne chance et une deuxième chance. Comment pouvons-nous nous assurer qu'ils l'obtiendront?

Tout au long de notre histoire, notre pays a été immense avec d'incroyables distances, l'est et l'ouest, le nord et le sud. Notre pays avait et continue à avoir des ressources considérables. Plus important encore, notre pays a d'immenses possibilités, il se bâtit, il est en voie de devenir. Nous savions, nous savons aujourd'hui que quel qu'ait été la situation, quelle qu'elle soit aujourd'hui, elle sera bien meilleure demain.

Après plus d'un siècle et demi de grands changements, l'essor du Japon, de la Chine, de l'Inde et de l'Extrême- Orient, la renaissance de l'Europe, la chute du mur de Berlin, l'avancée de la mondialisation, essors et chutes partout, cette histoire est encore la nôtre.

Nous vivons dans un pays optimiste, résolument orienté vers l'avenir. Nous ne croyons pas que l'homme contemporain ait atteint toutes les possibilités de l'être humain. Nous ne croyons pas que le Canada a atteint le meilleur de lui-même dans le meilleur des mondes. Nous vivons dans un pays qui sait que quoi qu'il arrive dans le monde — de bien, de mauvais, quelles que soient les tendances — peu importe ce que nous réserve l'avenir, nous réussirons grâce à notre espace, nos ressources naturelles, nos ressources humaines, nos institutions, notre stabilité, notre paix, nos instincts naturels.

Nos enfants sont l'élément essentiel de cet optimisme, de notre foi en l'avenir et de notre confiance en tant que pays. Si nos enfants s'en tirent bien, nous nous en tirons bien et nous n'aurons pas de problème.

Je suis impatient de savoir ce que pense le comité sur la façon dont nos enfants peuvent faire mieux et j'espère pouvoir collaborer avec vous dans les mois et les années à venir. Je serais heureux de répondre à vos questions.

Le Sénateur Poy : Merci beaucoup, monsieur le ministre Dryden. Dans votre exposé, vous avez dit en parlant du développement de la petite enfance que vous voulez donner aux enfants une chance et une deuxième chance.

Qu'en est-il des enfants nés avec des handicaps tels que l'autisme? Est-ce la responsabilité de votre ministère? Quefaites-vous dans ce cas?

M. Dryden : Ce que nous avons présenté au plan de l'apprentissage et la garde d'enfants et les ententes que nous avons conclues avec les provinces portent sur des attentes et des accords conjoints que nous appelons les quatre grands principes — la qualité, l'universalité, l'accessibilité et le développement, c'est dans ce cadre que je peux vous dire ce que nous faisons pour les personnes handicapées.

Les provinces et nous croyons comprendre que ce programme permettra d'utiliser l'argent de façon inclusive en reconnaissant que certains enfants ont des handicaps et que l'argent consacré à l'apprentissage et la garde d'enfants doit refléter cette reconnaissance et inclure ces enfants.

Comment offrir les meilleures possibilités aux jeunes est la question qui revient constamment. Comment offrir aux personnes handicapées une meilleure chance pour affronter les prochaines étapes de leur vie? Il est clair que si nous voulons améliorer la vie des enfants handicapés à l'école élémentaire ou secondaire, nous devons commencer à le faire quand ils sont plus jeunes. C'est sous cet angle que nous avons déterminé les secteurs qui bénéficieront des 5 milliards de dollars sur cinq ans. Nous savons que plus nous faisons quelque chose pour aider ces enfants handicapés à un âge précoce, plus de chance ils auront quand ils seront plus âgés. Par conséquent, ce n'est pas seulement une philosophie que nous considérons dans le cadre des quatre grands principes, mais aussi dans la compréhension de l'impact que cela peut avoir sur les enfants en particulier.

Le sénateur Poy : Est-ce que votre ministère surveille ce que font les provinces? Une fois que vous avez versé l'argent, pouvez-vous contrôler la façon dont elles l'utilisent?

M. Dryden : Les provinces ont l'obligation de rendre public ce qu'elles font conformément aux éléments convenus exigeant qu'elles fassent rapport et nous utiliserons ces renseignements. Les universitaires et les médias les utiliseront sous une forme ou une autre. Si ce projet est aussi ambitieux qu'il devrait l'être, nous devons lire ces renseignements. Que signifie ce projet? Jusqu'où allons-nous? Y a-t-il quelque chose que nous ne faisons pas? Que peut offrir un système d'apprentissage qui se respecte au Saskatchewan? Pourquoi ne sommes-nous pas plus efficaces dans un domaine particulier? Ce sera un environnement et un projet dynamiques accompagnés d'un débat continuel plein de dynamisme.

Le sénateur Poy : Êtes-vous en train de dire qu'elles doivent faire rapport à votre ministère?

M. Dryden : Elles doivent faire rapport à leur public, en vertu des ententes que nous faisons avec toutes les provinces et qui portent sur ce qu'elles doivent mesurer.

Le président : Pour que ce soit clair, je crois comprendre d'après ce que vous avez dit que les autistes bénéficient maintenant d'une aide. Est-ce que l'argent est transféré du gouvernement fédéral aux provinces pour assurer les besoins des enfants autistes avant qu'ils n'atteignent l'âge de cinq ans?

M. Dryden : Les provinces ont le droit et le pouvoir de décider la façon dont elles dépenseront leur argent. Les ententes portent sur les points d'entente des quatre grands principes, dont un est l'inclusion, qui traite en partie des enfants handicapés. Il revient aux provinces de décider la meilleure façon de dépenser cet argent. Donc, je ne peux pas vous dire si cet argent sera consacré à l'autisme.

Le sénateur Oliver : Elles pourraient décider de ne pas le dépenser pour l'autisme.

M. Dryden : Elles pourraient décider de ne pas faire cela.

Le sénateur Pearson : Je vous remercie pour les mots aimables que vous avez prononcés, monsieur Dryden. J'apprécie que vous ayez dit que c'est parce que j'aime les enfants que je fais ce que je fais. C'est vrai. Je les aime et, parce que je les aime, j'ai appris à les respecter. Ce qui m'a un peu menée à m'intéresser aux questions concernant les droits des enfants, c'est mon sentiment qu'il est très important de créer une culture du respect pour les enfants et les droits des enfants, car c'est dans ce genre de culture que l'on trouvera une réponse à certaines des questions que vient de soulever le sénateur. Il y a aura tous les droits pour tous les enfants comme le déclare l'UNICEF. La cause des droits est une cause holistique. On ne peut pas prendre de décision pour améliorer un aspect d'un enfant sans tenir compte de l'effet que cela aura sur le droit de l'enfant à la famille ou le droit à d'autres aspects de la vie.

Ma question est liée au travail que j'ai fait pendant plusieurs années en tant que bénévole avant de venir au Sénat. Des témoins nous ont fait part de leurs préoccupations concernant les problèmes de coordination efficace, de financements adéquats, et cetera, surtout pour le développement des capacités dans le secteur du bénévolat lié aux droits des enfants. Il est facile de renforcer des capacités dans le secteur du bénévolat lorsqu'il s'agit d'enfants hospitalisés ou d'une organisation de bienfaisance particulière. Cependant, nous avons pris note de la profonde inquiétude qui a été portée à notre attention concernant les difficultés liées à l'obligation de se faire concurrence pour obtenir un financement suffisant qui fera entendre la voix des enfants.

À mon sens, le développement social est le développement du capital social et le capital est l'établissement d'un climat de confiance, et cetera. Dans une certaine mesure, quand une organisation fait de la concurrence à une autre, nous voyons s'établir des relations fondées sur la méfiance. Que pense-t-on dans votre ministère d'une relation plus constructive avec le secteur bénévole dans l'esprit de l'accord signé en 2001, si je ne me trompe.

M. Dryden : Je ne suis pas sûr de savoir comment répondre à la partie concernant une relation plus constructive avec le secteur bénévole. Je ne suis pas très sûr de ce que cela signifie. Nous parlons du droit des enfants. En progressant dans ce sens, on suppose souvent que les droits de n'importe quel être humain ne sont pas perçus comme étant aussi ceux d'un enfant et cela me paraît tout à fait insensé.

Ce qui compte, à mon sens, quand on essaie de comprendre une approche, c'est d'admettre en premier lieu que les enfants sont aussi des personnes. Comme tout le monde, l'enfant a des droits. Le désengagement envers les enfants est en partie la cause.

Ce qui me frappe, c'est qu'à toutes les conférences d'enfants ou les conférences où les enfants sont représentés, les enfants qui sont représentés sont, dans pratiquement tous les cas, des versions adultes d'enfants. Leurs voix ne ressemblent pas du tout à des voix d'enfants. On dirait des voix de mini-adultes. Elles ressemblent à des voix que les adultes comprennent facilement et, par conséquent, les adultes aiment bien écouter ces voix. Les orateurs sont des enfants sont conscients de leur responsabilité et de l'importance de l'événement. Ils tentent de s'exprimer comme des adultes en se représentant comme des enfants. Ça ne marche pas très bien.

Afin d'éviter cela, avoir un élan et une énergie véritables pour aider les enfants, il faut écouter les voix des enfants et pas des voix de mini-adultes. Posez-leur des questions sur leur vie, sur chaque partie de leur vie. Que ressentez-vous quand vous faîtes telle chose? De quoi êtes-vous le plus fier? Qu'est-ce qui vous dérange?

Puis, on commence à comprendre que nous ne parlons pas seulement des droits des enfants, nous parlons des droits de n'importe quel être humain et nous voulons être sûrs d'accorder tous ces droits aux enfants. En plus de ces droits, les enfants peuvent avoir besoin d'autres protections particulières. La plupart du temps, nous oublions la large gamme de droits dont devrait jouir, de l'avis général, tout être humain et les enfants aussi.

En tant que Canadiens, nous avons une certaine perception de nous-mêmes et des autres et certaines attentes envers nous-mêmes et envers les autres. Au ministère, notre travail, que ce soit pour les enfants ou pour les personnes âgées, consiste à nous poser cette question : où en sommes-nous? Nous devrions demander où en sont nos enfants de plusieurs façons différentes. Où en sont nos personnes âgées? Où en sont les handicapés? Nous ne devrions pas penser que ce sont des choses faciles à mesurer, mais nous devrions demander : Comment trouvez-vous la vie? Que pensent les enfants de leur vie? Comment s'y prennent-ils pour vivre? De quelle façon gèrent-ils cette étape de la vie dans le cadre d'une vie entière, au lieu de mettre l'accent sur un problème particulier pour lequel vous avez offert une solution particulière? Nous devons examiner la situation d'ensemble avec la santé, l'éducation et tout le reste et coller les morceaux ensemble. Puis nous devons nous poser la question suivante : où en sommes-nous?

Le sénateur Pearson : C'est aux enfants que nous devrions demander où nous en sommes. Le gouvernement écoute mieux les personnes âgées que nous écoutons les enfants.

Le président : Nous étudions la Convention relative aux droits de l'enfant. Plus tôt aujourd'hui, d'autres témoins nous ont dit que la meilleure façon d'écouter les enfants, c'est de leur donner leurs droits exécutoires. C'est la raison d'être de la convention : leurs droits.

Les témoignages présentés devant le comité indiquent que nous nous soucions de nos enfants, chacun à notre façon, même si nous pouvons décrire ce sentiment différemment. Nous voulons protéger les enfants. Cependant, nous n'avons pas œuvré pour que les droits prévus dans la convention soient légalement obligatoires. Que pense-t-on dans votre ministère ou quepensez-vous personnellement de la remarque prétendant que la meilleure façon d'écouter aux enfants est de leur donner les droits que nous avons approuvés et annoncé qu'ils étaient les leur dans la convention et les rendre légalement obligatoires au lieu de simplement les établir comme une ligne de conduite? Je fais appel à votre formation juridique.

M. Dryden : Ne faites pas cela. Il n'y a pas grand-chose à faire appel.

Je ne sais pas trop bien comment répondre à cette question. En ce qui concerne le ministère, notre autorité envers les enfants est très limitée. Essentiellement, nous nous occupons de l'apprentissage et de la garde des enfants et des questions connexes. Cela ne veut pas dire qu'un ministère du développement social ne devrait pas être chargé de suivre la situation des enfants dans tous ces domaines et de répondre. Comme vous le disiez, les enfants nous forcent à répondre de façons que nous n'utiliserions pas autrement pour répondre.

C'est un débat intéressant, et il me fera plaisir de le poursuivre.

[Français]

Le sénateur Losier-Cool : Je ne vous apprendrai rien en disant que j'étais heureuse d'entendre dans vos remarques d'ouverture qu'il y aura des prévisions pour les Canadiens et les Canadiennes et pour les enfants vivant en situation minoritaire.

J'ai deux questions à vous poser : l'une de principe et l'autre sur l'état actuel des choses.

Nous avons entendu de la part de plusieurs des témoins des suggestions selon lesquelles le Canada pourrait peut-être avoir un organisme, ou un ombudsman des enfants, ou un commissaire aux droits des enfants. Le Canada serait-il avantagé? Votre ministère a-t-il déjà pensé à cela? J'aimerais savoir si vous avez une opinion sur cette question.

Vous avez parlé aussi des six provinces et territoires qui ont déjà signé des ententes pour les services à la petite enfance, l'éducation à la petite enfance. Les premières provinces qui ont signé les ententes seront-elles les premières à recevoir l'argent?

En d'autres mots, si une province n'a pas encore signé l'entente, quand sera-t-elle en mesure de recevoir les 5 milliards?

[Traduction]

M. Dryden : Pour répondre à la dernière partie de la question, la manière dont le financement de la première année fonctionne, jusqu'au 31 mars 2006, c'est que toutes les provinces et les territoires obtiennent leur part selon le nombre d'habitants, peu importe si un accord a été signé ou non. Les quatre provinces qui n'ont pas signé d'entente, et les trois territoires, reçoivent l'argent comme si un accord avait été signé. Le 31 mars 2006, si nous n'avons toujours pas conclu un accord, alors les circonstances pourraient être différentes. Mais tant que nous négocions, personne n'est mis à l'écart, vu le temps nécessaire pour conclure les accords.

Quant à la première partie de votre question, c'est un sujet intéressant et sur lequel je me suis penché depuis un bon moment. Le sénateur Pearson et moi-même nous sommes rencontrés la première fois lorsque j'étais — alors que le sénateur Pearson suivait sa voie et moi, la mienne — j'essayais de persuader le gouvernement fédéral de créer un commissaire national de la jeunesse. J'ai fait cela pendant deux ans.

L'approche la plus appropriée d'après moi pour créer un poste de commissaire national de la jeunesse était la suivante : il y aurait une fonction, une activité principale, desquelles pourraient découler bien d'autres fonctions, et il était claire selon moi que cette fonction aurait impact. Il s'agissait d'élaborer un rapport annuel sur l'état de la jeunesse ou de l'enfance.

Ce que les parents, les citoyens et les politiciens veulent savoir, c'est comment vont nos enfants. Nous voulons savoir comment vont leur santé, leur éducation, et tous les autres aspects de leur vie. Comment se portent-ils? Comment leur situation se comparent-elle à la situation des jeunes l'an passé, il y a cinq ans ou il y a 20 ans? Comment leur situation se compare-t-elle à la situation des enfants d'autres pays? Nous voulons également savoir comment nos enfants vont par rapport aux standards que nous avons en tête. En tant que Canadiens, nous avons une certaine idée de ce que ça veut dire d'être Canadiens. Quelle est leur situation par rapport à cela?

Lorsque je travaillais pour promouvoir la mise en place d'un commissaire national de la jeunesse, je voulais que l'on se pose ces questions. Je voulais que le commissaire national de la jeunesse obtienne ce type de renseignements et les analyser. Qu'est-ce que ce type de données représente à l'échelle individuelle dans la vie d'un enfant? Quel est l'impact de ces renseignements, dans l'ensemble, et quel est l'impact de chaque donnée? Qu'est-ce que cela veut dire qu'un certain pourcentage d'enfants sont nés prématurément? Quelles implications cela a-t-il sur leur vie? Je voulais que tout cela se réalise, mais je n'ai pu persuader les gens de le faire.

Je crois encore que ce type de données est l'élément central qui manque dans ce dossier, tout comme le désir, la volonté et la capacité de communiquer ces données. Je voulais qu'un commissaire soit en mesure de dire « Voici ce que nous avons appris cette année au sujet des enfants et de leur situation. Je veux parler de cela et je veux que nous améliorons les choses, nous et les autres intervenants ». Je crois que cela aurait un grand impact sur ce que nous faisons et aimerions faire afin d'améliorer la vie des enfants.

Pour ma part, à cette étape-ci — et c'est facile à dire, car avant, j'étais à l'extérieur du gouvernement alors que maintenant, j'en fais partie — je crois qu'il est mieux que ce soit le ministère qui recueille et qui présente ce type de données, ce sera mieux fait. C'est plus facile pour nous, et nous pouvons être plus efficaces. La clé, c'est de présenter ce portrait collectif sur les enfants. Il ne s'agit pas de présenter des données individuelles, mais plutôt de présenter l'ensemble des données afin de témoigner de la situation de nos enfants.

Le sénateur Oliver : Maintenant que vous êtes ministre de la Couronne et que vous avez le pouvoir de réaliser cela, nous suivrons vos réalisations avec grand intérêt. Vous êtes le ministre du Développement social et le ministre responsable de l'apprentissage et de la garde des jeunes enfants. Vous avez dit que vos pouvoirs étaient assez limités en ce qui concerne ce vous pouvez faire pour les enfants, mais que de nouveaux textes de loi provenant d'autres ministères traitent des enfants. Avez-vous le pouvoir et l'autorité de réviser ces textes de loi et de les évaluer pour vous assurer qu'ils respectent le pacte des Nations Unies que nous étudions?

M. Dryden : Pas notre ministère en particulier.

Le sénateur Oliver : N'avez-vous pas l'autorité implicite de faire cela, étant donné votre rôle et votre autorité dans le domaine de l'apprentissage et de la garde des jeunes enfants?

M. Dryden : En ce qui a trait à ce domaine, oui, mais une des vraies questions que votre comité doit se poser pour la création d'un poste de commissaire ou d'ombudsman est s'il serait bon d'avoir une entité au sein du gouvernement qui s'occupe de toutes les étapes de la vie. Comme nous le savons, la vie ne tient pas compte des différents pouvoirs. Elle ne tient pas compte des mandats et des portefolios. Les gens vivent leur vie, et un des défis que doit relever toute organisation, et c'est certes un défi pour le gouvernement, consiste à ne pas de fragmenter son approche. Habituellement, on fragmente pour de bonnes raisons, de bonnes intentions, en tenant compte d'un problème que nous voulons régler. Puis, vient un autre problème que nous voulons aborder. Cependant, il est question de la vie des gens.

Le sénateur Oliver : Monsieur le ministre, vous êtes responsable de l'apprentissage et de la garde des jeunes enfants. Si une loi est adoptée par d'autres ministères du gouvernement et que cette loi a un impact sur les enfants, étant donné que vous siégez au cabinet, vous avez assurément l'autorité implicite d'évaluer cette proposition législative.

M. Dryden : Au Cabinet, j'ai une voix, mais au gouvernement, aucune voix en particulier ne parle au nom des enfants et de la jeunesse. Nous avons nos rôles, nos responsabilités et nos programmes. Dans l'exécution de nos programmes, nous essayons de comprendre la vie des enfants dans toute sa dimension. L'apprentissage et la garde des jeunes enfants sont un vaste domaine qui touche à un bon nombre de secteurs. Il est facile de comprendre pourquoi les centres de garde d'enfants s'occupent de plus en plus de choses comme les habitudes de santé et le mode de vie des enfants. Il s'agit en grande partie de comportements dictés par la routine. Il s'agit simplement d'habitudes. Plus on conscientise les enfants tôt, plus ils deviendront des personnes qui prendront soin d'elles. Vous pouvez vous imaginer comment tout cela peut faire partie de l'apprentissage et la garde des jeunes enfants. Cependant, en ce qui a trait à la vision d'ensemble pour les enfants et la jeunesse et la manière dont nous voulons que nos enfants grandissent, personne n'a cette responsabilité, sauf au Cabinet.

Le sénateur Oliver : Je m'intéressais à l'architectonique, et vous dites que cela n'existe pas au Canada en ce moment?

M. Dryden : C'est exact.

Le président : Je tiens compte du temps. Vous avez parlé du Cabinet. Un de vos collègues attend son tour, alors je vais demander au sénateur Dallaire de poser une question rapide et je suis certain que vous allez répondre tout aussi rapidement afin de ne pas faire attendre le ministre.

Le sénateur Dallaire : Ce sera la première fois que j'ai l'occasion d'être rapide. Le document d'information a fait état des enfants de la rue, de la pauvreté, des familles monoparentales, et cetera. Je reste avec l'impression que votre ministère traite continuellement de responsabilités fédérales-provinciales, qu'il y a chevauchement et que vous devez coordonner qui est responsable de quoi. Pour aborder la question des enfants de la rue ou du décrochage scolaire, et le manque d'encouragement pour que nos jeunes apprennent un métier — et il y a pénurie de formation pour les métiers, contrairement à la formation aux travaux manuels ou à la formation universitaire — pouvez-vous exercer une influence dans le développement social et pouvez-vous faire quelque chose pour éviter la pénurie qui se fera sentir dans le pays en raison du manque d'intérêts dans ces domaines? Est-ce hors de votre portée? Est-ce que cela relève d'autres instances, notamment les provinces?

M. Dryden : Une partie de cela est effectuée à RHDC. Cependant, je crois que ces choses se feront éventuellement à l'échelle du fédéral, afin d'avoir une vue d'ensemble de la situation des enfants et de leur vie, ainsi que des effets à long terme de diverses choses.

J'ai été commissaire de la jeunesse en Ontario pendant plusieurs années. Vous avez parlé des pénuries dans les métiers, et cetera. Dans mon rapport final, j'ai abordé longuement l'éducation, plus que l'emploi et les programmes de formation. Ce qui se passait à ce moment, et cela est encore valable, c'est que notre système d'éducation est divisé en deux : la voie académique et la voie non académique, qui n'est pas une voie. Il n'y a pas deux voies, mais plutôt une voie possible, sinon rien.

S'il y a quelque chose à faire pour être plus ambitieux, plus constructifs et pour obtenir des résultats différents, il faut aborder la question en proposant une voie, c'est-à-dire des possibilités que les enseignants, les conseillers d'orientation et les parents connaîtront et dont tout le monde parlerait avec intérêt. Dans notre système d'éducation, dans les écoles secondaires, où est l'intérêt pour les métiers en ce moment? Il n'y en a pas. Les enfants ne sont pas stupides, ni leurs parents. Les enfants ne diront pas « Wow, j'ai hâte d'aller dans cette non voie. » Si nous voulons de meilleurs résultats, nous devons changer l'approche.

Cela étant dit, quant à savoir où se situe notre rôle, tout cela relève des provinces. Si vous faites un rapport annuel sur les enfants et la jeunesse, alors il est possible d'aborder des sujets comme cela, car ce type de documents ne relève pas de diverses compétences, il n'y a pas de frontière. Le document, c'est comme la vie. Le document traite de sujets qui ne tiennent pas compte de limites, de mandats ni de portefeuilles. L'effet du document dépendra de l'auteur. Voilà ce que je crois, et c'est ce que nous ne faisons pas. Notre ministère essaie de faire quelque chose à ce sujet.

Le sénateur Dallaire : Il semble tout simplement que nous n'ayons pas de grande vision stratégique sur la manière dont la jeunesse grandira dans ce pays. Les jeunes choisissent soit la voie académique soit rien. L'Allemagne est fière de ses métiers. Chez nous, il y a pénurie de gens de métiers. Nous devons les importer.

Le président : Monsieur le ministre, merci d'être venu aujourd'hui et de nous avoir informés sur ce que votre ministère et vous-même faites pour les enfants. Vous avez dit qu'il y avait beaucoup d'acteurs. Nous vous invitons à repartir en gardant en tête ce que nous faisons pour les enfants, notamment dans le cadre de la convention. Nous essayons de trouver des manières de donner vie à la convention. Vous avez parlé de l'importance de la vie. Nous pourrions être en mesure d'aborder cette question si nous aboutissons avec la convention. Nous essayons de trouver des manières d'y arriver.

Merci d'avoir partagé avec nous ces informations. J'espère que vous tiendrez compte de nos recommandations quant à ce que vous pouvez faire.

M. Dryden : Oui, je vais le faire.

Le président : Honorables sénateurs, accueillons maintenant les fonctionnaires du ministère des Affaires indiennes et du Développement du Nord ainsi que le ministre Andy Scott. Actuellement, nous examinons, en vue d'en faire rapport, les obligations internationales du Canada relativement aux droits et libertés des enfants. Nous souhaitons la bienvenue au ministre. J'espère que votre déclaration liminaire est courte afin que les sénateurs aient le temps de vous poser des questions.

L'honorable Andy Scott, C.P., député, ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien : J'aimerais vous présenter Havelin Anand et Daniel Hughes.

Comme je l'ai dit tout à l'heure, il me fait plaisir de m'adresser aux membres du Comité sénatorial permanent des droits de la personne. J'ai passé un peu de temps à l'autre endroit à la présidence du même comité. Je n'ai pu m'empêcher de remarquer la référence faite à ce que mon prédécesseur a dit sur ces sujets avant qu'il accepte son poste actuel. Si vous voulez consulter cela, vous trouverez des références intéressantes à ce que j'ai dit lorsque je siégeais au caucus sur les enfants avec le sénateur Landon Pearson, mais je ne vais pas vous amener là.

Les travaux de ce comité revêtent une grande importance puisqu'ils mettent en lumière des dispositions de la Convention des Nations Unies relatives aux droits de l'enfant, qui est l'instrument de droits humains le plus universellement reconnu dans l'histoire. La convention a été approuvée pour la première fois en 1989, puis elle a été ratifiée par le Canada en 1991 et est maintenant ratifiée par 191 pays, ce qui comprend tous les pays membres des Nations Unies, à l'exception de deux. La convention consiste en un ensemble de normes et d'obligations non négociables et qui ont été acceptées universellement. Elle énonce les droits des enfants et comprend l'ensemble des droits de la personne aux plans civil, politique, économique, social et culturel.

En septembre 2003, le Canada s'est présenté devant le Comité des droits de l'enfant des Nations Unies qui veille au respect de la convention. Dirigée par le sénateur Pearson, la délégation canadienne a présenté des renseignements au comité et a répondu aux questions et aux critiques de celui-ci. Plusieurs critiques ont été faites au sujet des disparités socioéconomiques chez les enfants autochtones.

Le Comité permanent des droits de la personne s'est révélé un chef de file non seulement en s'assurant que tous les Canadiens sont au courant des droits de l'enfant et des conclusions du Comité des Nations Unies, mais aussi en mettant en évidence les secteurs où nous pourrions nous améliorer. J'aimerais souligner le leadership et les efforts du sénateur Pearson pour promouvoir et protéger les droits de l'enfant dans l'ensemble du gouvernement du Canada.

En ma qualité de ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien et d'interlocuteur fédéral auprès des Métis et des Indiens non inscrits, j'ai pris l'engagement de faire du Canada un meilleur endroit où vivre pour les gens des Premières nations, les Inuits, les Métis et les résidents du Nord. Ce travail doit être accompli d'abord et avant tout en gardant à l'esprit le bien-être des enfants. La population des Premières nations, des Inuits et des Métis est jeune et croît rapidement. Cette réalité démographique crée des pressions sur la demande de services, d'écoles, de logements, d'infrastructures publiques, sans compter les services sociaux nécessaires pour soutenir le taux élevé de formation des nouvelles familles.

Compte tenu de ces pressions et du fait que les indicateurs socioéconomiques chez les Canadiens autochtones accusent encore beaucoup de retard par rapport à ceux des Canadiens non autochtones, il est évident qu'il nous reste beaucoup de pain sur la planche au cours des prochaines années pour faire en sorte que tous les enfants autochtones au Canada aient tous les mêmes droits que ceux énoncés dans la Convention relative aux droits de l'enfant.

Nous constatons de plus en plus que les programmes et les politiques conçus en collaboration avec les Autochtones sont ceux qui ont obtenu le plus de succès. Nous reconnaissons que notre approche dans le dossier des enfants autochtones doit être globale, exhaustive et coordonnée. Il est impératif que nous prenions conscience du fait que les Canadiens autochtones doivent participer à la recherche de solutions. Au cours de la Table ronde Canada- Autochtones d'avril 2004, on a insisté sur la nécessité d'une telle collaboration. Cette rencontre a marqué le début d'un dialogue renouvelé entre le gouvernement fédéral et les Autochtones. Lors de cette rencontre historique, plus de 80 dirigeants autochtones de toutes les régions du Canada se sont réunis avec le premier ministre et des ministres du Cabinet fédéral — quelque 40 parlementaires en tout — et ils ont convenu de travailler ensemble à améliorer la qualité de vie des Autochtones au Canada. Comme le premier ministre Martin a déclaré à la table ronde, si les jeunes Autochtones ne connaissent pas la réussite, nous connaîtrons tous l'échec.

À la suite de la table ronde, le gouvernement du Canada s'emploie actuellement à faire un suivi auprès des Canadiens autochtones. Ces travaux portent sur une vaste gamme de questions qui touchent directement le droit des enfants autochtones, notamment la santé, l'apprentissage continu et le logement. Ce processus a mené à la tenue d'une réunion de réflexion le 31 mai 2005, à laquelle ont pris part le premier ministre, des membres du comité du Cabinet chargé des affaires autochtones et les dirigeants des cinq organisations autochtones nationales. La réunion s'est traduite par des ententes sur les changements à apporter en matière de santé, d'éducation, d'apprentissage continu, de logement, de possibilités économiques, de négociations, de relations et d'obligations de rendre compte axées sur les résultats.

De plus, les dirigeants de l'Assemblée des Premières nations, de l'Inuit Tapiriit Kanatami, du Ralliement national des Métis, du Congrès des peuples autochtones et de l'Association des femmes autochtones du Canada ont conclu avec le gouvernement du Canada des accords de collaboration qui assureront leur participation directe dans l'élaboration des politiques touchant les Autochtones et qui constituent la pierre angulaire d'une nouvelle ère de coopération.

Je vais maintenant vous parler des faits nouveaux dans les domaines du renforcement des relations et des négociations, de la santé, du logement et de l'éducation. Les investissements et l'élaboration de politiques dans ces secteurs renforceront les collectivités autochtones et, par le fait même, bénéficieront aux enfants et aux jeunes Autochtones.

Le pouvoir de se gouverner, l'accès aux terres et aux ressources, les transferts de capitaux et les autres possibilités économiques découlant de la conclusion de traités ou d'ententes de revendications territoriales et d'autonomie gouvernementale, sont tous des éléments clés pour que les gens des Premières nations, les Inuits et les Métis deviennent des partenaires à part entière des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux quand il s'agit de combler les besoins de leurs collectivités et de trouver des solutions à leurs problèmes socioéconomiques. À la suite de la réunion portant sur les négociations sectorielles, le gouvernement du Canada a reconnu la nécessité d'un changement de cap stratégique dans l'orientation des politiques afin de répondre aux revendications des Autochtones quant à leurs droits issus de traités — une direction basée sur la reconnaissance et la coexistence des droits et non pas sur la disparition des droits et une direction fondée sur la réconciliation des droits dans un contexte de relations continues et en évolution avec les gens des Premières nations, les Inuits et les Métis.

L'éducation est l'un des moteurs centraux du plan d'action du Canada pour les Autochtones. Comme les sénateurs le savent, les jeunes gens et les enfants sont les membres les plus vulnérables de n'importe quelle collectivité, mais ils sont également la plus grande source d'espoir, de changement et de promesse pour l'avenir. Au cours des 10 à 15 prochaines années, plus de 300 000 enfants inuits, métis et des Premières nations fréquenteront l'école primaire et secondaire. L'avenir des collectivités autochtones au Canada repose largement sur les épaules de ces élèves.

Nous avons pu observer, depuis les 20 dernières années,une augmentation soutenue du nombre de Canadiens autochtones détenteurs d'un diplôme d'études postsecondaires. Il est passé de 200 environ vers la fin des années 1970 à plus de 30 000 aujourd'hui. De fait, la scolarisation des gens des Premières nations constitue la plus importante réalisation afin de réduire l'écart qui existe entre les gens des Premières nations et le reste des Canadiens au chapitre des conditions socioéconomiques.

Ceci étant dit, le Canada doit encore relever d'autres défis considérables. Beaucoup d'enfants autochtones ne se présentent pas à l'école dans des conditions propices à l'apprentissage. Ils sont trop nombreux à ne pas terminer leurs études secondaires. Bon nombre d'élèves autochtones qui ont obtenu leur diplôme d'études secondaires ont de la difficulté à faire la transition vers les études postsecondaires. Pour ceux qui y parviennent, le parcours à suivre pour obtenir leur diplôme est rempli d'embûches. Nous devons travailler davantage pour combler cet écart inacceptable entre les élèves autochtones et non autochtones. Nous réalisons des progrès. À la réunion de réflexion du 31 mai dernier, j'ai aussi annoncé une proposition exhaustive visant une transformation graduelle de l'éducation, à la fois dans les réserves et hors réserves afin de s'assurer que les Premières nations, les Inuits et les Métis peuvent avoir accès au même niveau de services et de programmes d'enseignement que les autres Canadiens.

J'aimerais m'écarter du texte un instant pour parler de l'indice du bien-être des collectivités. Le ministère a établi un instrument de mesure qui serait une variation de l'indicateur du développement humain. Cet indice a révélé que du milieu des années 80 jusqu'au milieu des années 90, l'écart se refermait. C'était loin d'être suffisant, mais c'était dans la bonne direction. Mais le progrès a cessé entre 1996 et 1997 et, si je ne vous le dis pas, le chef national le fera, cela coïncidait avec l'avènement des examens des programmes, de la réduction des budgets, et cetera. C'est ce qui est arrivé à la suite de cet exercice. Je dirais que les indications du ministère parlent de la nécessité d'un investissement important en éducation en particulier, mais pas exclusivement dans ce domaine.

Notre indice du bien-être des collectivités a également révélé que lorsque l'écart se rétrécissait entre les Canadiens autochtones et les non autochtones, au sein de la collectivité autochtone, l'écart s'accroissait. Ainsi, nous avons des données macrostatistiques qui indiquent un rétrécissement de l'écart et des données microstatistiques révélant un creusement de l'écart au sein de la collectivité. Cette situation est liée à la question des collectivités rurales et éloignées par opposition aux collectivités plus proches des centres urbains. On peut facilement l'imaginer. Nous sommes conscients de la situation et nous avons l'intention d'y faire face directement.

À la réunion de réflexion, le gouvernement fédéral a aussi annoncé qu'il fusionnera quatre programmes actuels de développement de la petite enfance autochtone et créera un nouveau programme intégré d'apprentissage et de garde des jeunes enfants à l'intention des Premières nations et des Inuits. Le programme d'apprentissage et de garde des jeunes enfants, qui sera accessible à un seul endroit relevant d'un ministère fédéral — un guichet unique, si vous voulez — permettra de réduire le fardeau administratif pour les collectivités, de rehausser la qualité et l'accessibilité de places réglementées de garde de jeunes enfants des Premières nations et des Inuits et d'aider les parents à trouver des possibilités d'études et d'emploi.

Cette initiative est liée au système national d'apprentissage et de garde des jeunes enfants que le gouvernement du Canada s'est engagé à bâtir. Ce programme offrira un cheminement naturel qui permettra de passer de l'apprentissage et de la garde des jeunes enfants jusqu'à la maternelle et même à la douzième année. Nous cherchons actuellement à obtenir l'avis des organismes et des collectivités des Premières nations et des Inuits qui nous guidera dans la conception et la transition du nouveau programme d'apprentissage et de garde des enfants. Au cours des prochains mois, nous travaillerons avec tous nos partenaires à la mise en oeuvre du programme.

Nous devons aussi revoir notre conception de l'éducation autochtone et nous tourner vers le concept d'apprentissage permanent, dans le but de régler à la fois les problèmes fondamentaux de la qualité de l'éducation et les questions qui y sont directement liées, comme le développement de la petite enfance, les services à l'enfance et à la famille, le logement adéquat, la participation parentale à l'éducation, le développement des jeunes et, en fin de compte, la transition entre les études et le marché du travail.

Nous croyons aussi qu'il faudrait porter plus d'attention aux concepts de pertinence culturelle et d'enseignement axé sur l'élève dans l'éducation autochtone. Les langues autochtones font sans aucun doute largement partie de cette équation.

Patrimoine canadien dirige ces efforts par l'entremise d'un groupe de travail réunissant des représentants des organismes autochtones nationaux. Ce groupe formulera des recommandations qui serviront à l'élaboration d'une stratégie nationale complète sur les langues et la culture autochtones, non seulement pour les Canadiens autochtones, mais aussi pour tous les citoyens du Canada.

En ce qui a trait à la santé, il est évident que les problèmes qui affligent les gens des Premières nations, les Inuits et les Métis ne se limitent pas à des questions médicales. Le gouvernement du Canada reconnaît les répercussions des facteurs comme le développement économique et social, l'éducation et le logement sur la santé des enfants autochtones. Nous abordons, avec les gouvernements provinciaux et territoriaux et les organismes autochtones, les questions de santé dans le cadre du plan directeur de Santé Canada en matière de santé autochtone. Celui-ci nous donne la possibilité d'assurer que les besoins particuliers des gens des Premières nations, des Inuits et des Métis, ainsi que ceux des Autochtones vivant en milieu urbain ou hors réserve, des Indiens non inscrits, sans oublier les besoins particuliers des femmes et des enfants autochtones en matière de santé, sont pris en compte.

Une première ébauche du plan directeur est attendue d'ici la fin du mois. Celle-ci comportera un programme de travail échelonné sur dix ans afin d'améliorer la santé des peuples autochtones et l'ensemble des services de santé au Canada. Affaires indiennes et du Nord Canada appuie ces travaux et reconnaît qu'il faudra des efforts soutenus de la part de tous les partenaires et intervenants, du secteur de la santé ou d'ailleurs, pour régler les problèmes au chapitre de la santé des Premières nations, des Inuits et des Métis.

En misant sur ce nouvel esprit de partenariat, la voie est présentement ouverte pour créer une industrie du logement autochtone viable et propice à un climat stable pour les investissements. Elle contribuera à régler le problème du retard dans les travaux de construction de logements pour les Autochtones, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur des réserves. Cette industrie aidera les collectivités des Premières nations à se tourner vers la construction de logements répondant aux exigences du marché. La transformation dans le logement autochtone se concrétisera au fur et à mesure qu'un nombre croissant de collectivités inuites, métisses et des Premières nations apprendront à adopter des approches novatrices en matière de logement et à en assurer la construction. Il s'agit là de catalyseurs essentiels du développement communautaire durable.

En conclusion, Affaires indiennes et du Nord Canada, en partenariat avec les gens des Premières nations, les Inuits et les Métis de toutes les régions du pays, jouent un rôle de plus en plus actif dans l'amélioration de la qualité de vie des enfants autochtones. Je vous ai parlé d'un certain nombre de nouvelles mesures et je suis vraiment très fier de ce programme d'action pour le changement. Jamais auparavant le gouvernement du Canada et les gens des Premières nations, les Inuits et les Métis n'ont été si engagés dans un dialogue soutenu axé sur des solutions pratiques.

Même si ces travaux ne font que commencer, la relation empreinte de respect que nous tissons ensemble me rend très optimiste. Cette relation continuera de grandir et de mûrir à mesure que nous travaillons ensemble à la réalisation de nos objectifs communs et à la réduction de l'écart socioéconomique pour que les Autochtones puissent profiter pleinement des avantages que la plupart des Canadiens tiennent pour acquis et pour que les enfants autochtones se prévalent des droits prévus dans la convention.

Le sénateur Pearson : Merci beaucoup, monsieur le ministre, de votre exposé. Je suis des plus encouragée par la direction que prennent toutes ces choses, mais étant récemment retournée dans certaines des réserves au nord de Sioux Lookout, je sais quels grands défis il nous reste à relever.

Les questions liées à la protection de tous les droits de tous les enfants ne sont toujours pas réglées. On peut établir un cadre général, mais quelque part dans ce cadre, il doit y avoir de l'action. Vous allez dans la bonne direction au niveau des consultations et ainsi de suite, mais je sais par expérience qu'il y a un besoin de développement communautaire, c'est-à-dire de concentrer les efforts déployés communauté par communauté. Je ne fais pas allusion ici au lieu géographique d'une communauté; je fais allusion, disons, à la communauté des femmes, par exemple, ou à la communauté des personnes soignantes, sous une forme ou sous une autre.

Ce qui est clair, c'est que lorsque nous avons pris l'initiative, et avec raison, d'essayer de donner plus de responsabilités aux collectivités autochtones, nous n'avons pas bien réussi à nous assurer que le financement qui accompagnait ces changements d'orientation était à la hauteur des défis auxquels était confrontée cette population particulière. Cela a été fait en fonction d'autres critères. Il est important de garder les enfants dans la collectivité, surtout lorsqu'il n'y a pas de lien entre les collectivités éloignées et la réglementation.

Je pense que le droit des enfants autochtones — peu importe où ils vivent — de recevoir les mêmes services qu'un autre enfant est quelque chose que nous devons renforcer.

M. Scott : Je vais essayer d'être aussi optimiste que je peux l'être à ce sujet. Les formules qui décidaient d'une bonne partie de l'attribution des ressources du ministère jusqu'ici ont eu pour effet d'orienter les enfants vers la garde. Pour être juste, même à l'extérieur de la collectivité, si vous remontez suffisamment loin dans le passé, nous sommes loin d'avoir accordé la même importance à l'intervention précoce et au genre de mesures qui sont maintenant choses courantes dans le reste du Canada. À vrai dire, nous ne faisons que faire du rattrapage à cet égard. Les formules ont tendance à nous amener à orienter les enfants vers la garde plutôt que de fournir une intervention précoce qui serait plus appropriée. Je ne pense pas que beaucoup de monde conteste l'efficacité de l'intervention précoce; et cela entraîne une demande moins forte sur les ressources.

Nous sommes simplement lents. Il n'y a pas d'autre façon de le dire. Nous essayons d'arriver là où se trouve le reste du pays, mais nous le faisons d'une manière très énergique. Des ressources seront engagées dans le cadre du processus dans lequel nous sommes engagés actuellement, c'est-à-dire la conférence des premiers ministres en novembre. Je pense que nous verrons des ressources importantes consacrées à cette question.

Mon prédécesseur dans ce fauteuil, M. Dryden, a décrit mon défi et le défi de notre ministère. Dans la plupart des autres ministères, lorsqu'on veut, on peut; mais chez nous, lorsqu'on peut, on veut. Notre problème, c'est que dans le passé, nous n'avons pas été capables d'articuler la stratégie qui aurait suscité le genre de confiance nécessaire pour obtenir une augmentation substantielle des dépenses ou des ressources, de manière à obtenir le genre de rendement que tout le monde attend.

Nous avons tiré avantage de toute l'attention qu'a reçue cette question depuis la table ronde d'avril 2004. Le fait que nous ayons la première conférence des premiers ministres de l'histoire du pays sur cette question en dit long. Nous tirons profit de cette situation pour informer les Canadiens et mes collègues de ce que nous avons l'intention de faire. C'est quelque chose de très ambitieux et de très excitant. Je pense que la collectivité parlerait favorablement de ce que nous faisons.

L'idée fondamentale sous-jacente de toute cette entreprise, c'est que nous n'allons pas résoudre ce problème pour la collectivité. La collectivité résoudra elle-même le problème; nous avons besoin de l'appuyer, de l'encourager et de lui fournir les ressources nécessaires, mais en bout de ligne, ces solutions viendront du terrain, comme vous dites. Je le crois vraiment. C'est ce que nous avons l'intention de faire et la collectivité répond bien.

Le sénateur Poy : Lorsque vous avez parlé d'éducation, vous avez dit que les données microstatistiques indiquaient un creusement de l'écart au sein des collectivités des Premières nations. Pouvez-vous nous en dire davantage sur cette question, s'il vous plaît?

M. Scott : Oui. Je vais commencer par la bonne nouvelle. La bonne nouvelle, c'est que l'écart se rétrécit. La mauvaise nouvelle, c'est qu'au sein de la collectivité des Premières nations, l'écart s'agrandit. Cette situation est probablement liée à la réalité démographique. Elle est liée au fait que certaines des collectivités qui sont des collectivités accessibles uniquement par avion, rurales et éloignées, ont de la difficulté du côté des ressources humaines, du côté des coûts.

Un grand nombre de facteurs interviennent. Si vous analysez les résultats de l'éducation de façon générale au Canada, lorsque vous avez affaire à des collectivités rurales et éloignées, vous allez constater certains des mêmes défis qu'il s'agisse d'une collectivité des Premières nations ou non.

L'indice de bien-être des collectivités démontre que l'indicateur qui influe le plus sur les autres indicateurs est, généralement, l'éducation. Les données démographiques de la population en cause vous ramènent encore une fois à l'éducation, parce que la population est si jeune par rapport à celle du reste du Canada. Vous regardez le système d'éducation et vous vous demandez ce qui le distingue du système que l'on retrouve dans le reste du Canada et qui vous donne des résultats ou une absence de résultats qui caractérise le système.

Premièrement, le système qui existe dans ces collectivités est moins élaboré que celui que l'on trouve dans le reste du pays. J'ai grandi dans un petit village du Nouveau-Brunswick du milieu des années 1960, avant l'ère de l'égalité des chances. Mon père était président de la commission scolaire. La province accordait aux collectivités un financement de base, qui n'était pas bien élevé, et la collectivité devait trouver le reste de l'argent nécessaire pour faire fonctionner son école. Il n'y avait pas de services regroupés. Dans le village où j'ai grandi, il s'agissait d'une école individuelle, autonome.

De façon générale, c'est ce que nous voyons dans les collectivités des Premières nations au Canada. Elles ont des écoles, mais elles n'ont pas les mêmes services intégrés qui existent au sein du système scolaire régulier. Elles ne profitent pas des économies d'échelle qui accompagnent le regroupement. Elles sont loin d'avoir suffisamment de stratégies en matière de développement professionnel et de ressources humaines, toutes ces choses que nous tenons pour acquises dans le cas d'un système d'éducation moderne.

Le gouvernement et la collectivité ont appuyé la proposition visant à créer un réseau national, bien que je ne veuille pas trop bureaucratiser la question. Les systèmes scolaires existeront au sein des provinces parce que c'est le lien naturel. Nous aurons un réseau national de sorte que l'on puisse compter sur le poids du nombre et sur le partage des expériences dans l'ensemble du pays. Ce sera bon pour la cohésion, pour la confiance, pour la fierté en matière de réalisations et pour la fierté de son identité. En même temps, d'un point de vue pratique, la relation directe quotidienne doit se faire avec les ministères provinciaux de l'éducation.

Au Nouveau-Brunswick, on compte 15 écoles. À l'heure actuelle, la relation se résume à une école face à un district scolaire. À Fredericton, c'est le district 18. Chaque école fait affaire avec une commission scolaire. Ces gens ne peuvent exercer aucune influence sur le système comme cela pourrait être le cas si nous pouvions regrouper les 15 écoles du Nouveau-Brunswick pour qu'elles puissent discuter ensemble avec le ministère de l'Éducation des questions touchant les ressources humaines, la sensibilité culturelle et d'autres questions du genre si importantes. Je pense que, généralement, les ministères provinciaux de l'éducation se veulent inclusifs et accommodants, mais je ne pense pas que la façon dont ils sont organisés à l'heure actuelle se prête à cela. Nous allons le faire, mais il doit y avoir une augmentation substantielle des ressources.

Il est difficile de comparer notre système d'éducation, ou ce qui sert de système, avec ce qui se passe à l'extérieur des collectivités des Premières nations parce que le reste du Canada est constitué à 80 p. 100 de collectivités urbaines et à 20 p. 100 de collectivités rurales ou éloignées. Nos collectivités sont à 80 p. 100 rurales ou éloignées et à 20 p. 100 urbaines. Nous reconnaissons tous qu'il y a un coût lié au fait d'être une collectivité rurale ou éloignée, bien que j'ignore quel serait le facteur. Pour arriver au même point, il nous faut investir quelque chose comme 130 ou 140 p. 100 de l'investissement moyen national dans le système régulier uniquement pour tenir compte de la différence démographique. Il y a toutes sortes d'autres facteurs qui font grimper les coûts et qui, malheureusement, sont surreprésentés au sein de la collectivité, comme l'éducation de l'enfance en difficulté.

Si nous renforçons le système, si nous faisons l'investissement nécessaire et si nous avons la patience qu'il faut pour composer avec un problème qui n'a fait que grandir avec le temps et qui ne sera pas résolu d'ici à juin, nous pouvons donner à cette communauté une chance de s'en sortir, et nous y sommes déterminés. Nous l'appuyons, mais la communauté en est arrivée à ce point-ci d'elle-même. C'est elle qui a décidé. Elle n'a pas choisi les traités, la santé ou le développement économique, la communauté a dit que la chose la plus importante qui ressorte des deux tables rondes, c'était l'éducation, et il se trouve que nous sommes d'accord.

Le sénateur Poy : Vous avez parlé de pertinence culturelle en éducation. Vous parlez d'une communauté, mais il y a bien des cultures dans une seule communauté. Combien de langues y a-t-il dans ce que vous appelez votre communauté? Vous avez dit que les langues autochtones seraient enseignées.

M. Scott : Il y en a au moins dix de moins qu'il y avait une centaine d'années.

Le sénateur Poy : Combien sont-elles?

M. Scott : D'après ce qui a été exposé à la Commission royale sur les peuples autochtones, il y avait 55 à 65 nations. Je ne sais pas si cela correspond à un nombre de langues. Nous pourrons vous donner cette réponse à un autre moment.

Étant la première personne originaire des Maritimes à être ministre des Affaires indiennes, j'ai rapidement reconnu l'ampleur de ce problème, et le nombre de collectivités différentes qui existent. Il n'y a pas seulement qu'une seule expression culturelle, si on veut. Par contre, il y a des cérémonies communes intéressantes. J'ai parlé du réseau national, de la mise en commun des pratiques exemplaires, et cetera. Il y a une certaine magie à la diversité. Nous célébrons la diversité au Canada de façon générale, et nous devrions aussi célébrer la diversité telle qu'elle est au sein de la population indigène. La défense de la langue est une lutte. Nous avons perdu 10 langues complètement depuis une centaine d'années, et dix autres sont sérieusement menacées. Le gouvernement va tenter de déterminer ce que nous pouvons y faire. Dans certains cas, il y a des groupes de langues qui sont plus forts et plus répandus que d'autres. En tantqu'ex-commissaire des langues, je ne manque certainement pas de reconnaître la valeur et l'importance de la langue pour une culture.

[Français]

Le sénateur Losier-Cool : Bienvenue, monsieur le ministre. Tout d'abord, comme vous le savez, c'est avec plaisir que je recevrai au Sénat notre nouvelle collègue du Nouveau-Brunswick,Mme Sandra Lovelace Nicholas, qui a déjà fait ses preuves en ce qui concerne les droits de la personne. Je suis heureuse de la parrainer.

Je vous poserai la même question que celle que j'ai posée un peu plus tôt à M. Dryden : que pensez-vous du fait que le Canada puisse se doter d'un ombudsman pour les enfants ou d'un représentant qui pourrait coordonner tous les services ayant trait aux droits des enfants et de la Convention relative aux droits de l'enfant?

[Traduction]

M. Scott : J'ai écouté ce que disait le ministre Dryden en parler. J'ai abordé cette question comme en étant une de mécanique. Je pense que nous voudrions tous pouvoir tenir le gouvernement responsable du rendement, et avoir une espèce de centre de responsabilité ou d'énergie relativement à ces enjeux, au sein du système. Très franchement, je n'ai pas trouvé que ce soit la meilleure réponse. Je me rappelle quand j'étais président d'un comité qui a rédigé un rapport sur l'incapacité, au milieu des années 1990, qui recommandait la création d'un ministre d'État. Nous avons alors décidé que nous voulions un commissaire pour les personnes handicapées, et que nous voulions un rapport annuel. Le ministre Dryden en parle aussi.

La vérité, c'est que je n'en sais rien.

Je sais qu'il nous faut des solutions mécaniques à la mesure dans laquelle certains des enjeux se perdent, même au sein du ministère. Malgré les meilleures intentions de tout le monde, la réalité, c'est que c'est un énorme ministère, chargé de beaucoup d'activités et d'une grande complexité. En conséquence, nous perdons de vue, parfois, notre objectif. Je ne voudrais pas donner à penser que ce soit la faute de quiconque. Ma réponse, c'est que je ne sais pas.

Bien entendu, je sais que l'APN, particulièrement, a fait pression pour la création d'un ombudsman interne, pas seulement que pour les enfants, mais ayant plutôt un rôle général, pour que la communauté puisse avoir accès à un processus d'appel à l'interne, dans le cadre de ses propres efforts de responsabilisation. Je pense qu'il y a un besoin de quelque chose de plus que ce que nous avons. Je ne suis pas sûr de savoir ce que c'est.

[Français]

Le sénateur Losier-Cool : Dans un autre ordre d'idées, Son Excellence Adrienne Clarkson a déclaré que, si elle avait beaucoup d'argent, elle voudrait que tous les enfants canadiens de 12 à 15 ans fassent un stage chez les enfants des Premières nations. Existe-t-il des programmes d'échange entre écoles?

[Traduction]

M. Scott : Je ne connais pas bien, sénateur, les programmes particuliers. Je pense qu'il y en a un qui doit venir cet automne. C'est dans une école secondaire de premier ou de deuxième cycle. Nous allons simuler la réunion des premiers ministres. Les enfants autochtones — les Premières nations, les Inuits et les Métis — viendront à Ottawa et simuleront la réunion des premiers ministres. Ils feront certainement mieux que nous, sans les contraintes d'ordre pratique avec lesquelles nous devons composer.

Mon inaptitude ou mon manque de connaissance vient de ce qu'il faut déterminer s'il y a des programmes d'échange au sein de la communauté vers l'extérieur de la communauté; ou s'il y a des programmes d'échange au sein des collectivités elles-mêmes.

La présidente : Vous avez parle de certains des dilemmes, et d'un processus qui, selon vous, sera utile. Nous étudions la Convention relative aux droits de l'enfant, qui concerne les droits fondés sur les droits des enfants. Comme vous le savez, nous avons déposé un rapport visant l'application de la Charte des droits et libertés dans les réserves, pour les femmes autochtones. Nous attendons encore que des mesures soient adoptées à ce sujet. Je m'inquiète de voir qu'on met encore de côté l'application de la Charte pour les négociations. Où est-ce que cela laisse les enfants, en ce qui concerne la Convention relativement aux droits de l'enfant, quand nous constatons qu'elle est moins appliquée qu'on aimerait le voir de façon générale? Il semble qu'elle est encore moins appliquée dans la collectivité autochtone, parce qu'elle ne s'appuie pas sur le pilier qu'est la Charte des droits et libertés.Est-ce que ces enfants ne sont pas plus défavorisés par ce que la Charte, bien souvent, n'est pas accessible et la Convention n'est pas appliquée? Est-ce que ce ne serait pas un moyen de leur accorder leurs droits?

M. Scott : Nous réfléchissons à un véhicule pour faire progresser la situation maintenant, et nous le faisons en collaboration avec le leadership politique et les groupes de pression au sein des collectivités.

Le sénateur Losier-Cool a parlé de la nomination du tout dernier sénateur. Vous avez bien une idée de ce que j'en pense, étant donné d'où vient le sénateur Lovelace Nicholas.

Dans le cadre de ce qui nous attend pour l'année prochaine, j'aimerais bien voir une application beaucoup plus vaste des valeurs que renferme la Charte, en rapport avec l'examen de la citoyenneté. C'est nécessaire, et je pense que ce sera fait. Toute cette démarche comporte une recherche de tous ces enjeux fondamentaux qu'il faut soulever en public.

Je ne voudrais pas parler de ce qui est arrivé avant, parce que je ne sais pas pourquoi c'est arrivé, qui a fait que ce soit arrivé, ou pourquoi ils ont agi comme ils l'ont fait, mais je pense que les dirigeants y sont maintenant beaucoup plus ouverts qu'auparavant. J'ai l'impression, et j'en suis heureux, que nous allons faire nettement avancer ces questions.

La présidente : La communauté autochtone, parfois par l'entremise de ses dirigeants et parfois par celle de ses propres collectivités, a tendu la main vers les instruments et mécanismes internationaux de défense des droits. Ne serait-il pas logique, par conséquent, si ce que nous voulons, c'est amener les enfants autochtones jusqu'à une certaine norme, que ce soit une norme internationale? C'est vers cela que tend la communauté autochtone. Elle regarde au-delà de ce qui se passe au Canada. Les peuples autochtones se voient comme des peuples indigènes. Ils ont pris cette initiative. Est-ce que ce ne serait pas un indice de la part du gouvernement fédéral que vous prenez à cœur les droits des enfants, tels qu'ils sont prévus dans la Convention, pour les enfants autochtones tout autant que les autres enfants?

M. Scott : Nous devons faire cela en collaboration. Vous avez raison; la communauté tend de plus en plus vers des normes internationales. Là encore, je ne pense pas que quiconque devrait ignorer le rapport entre l'inclusion des droits dans le projet de loi C-31 et l'héritage du sénateur Lovelace Nicholas. Ça s'est fait à New York. J'étais étudiant à l'UNB quand elle et M. Hatfield sont venus en visite. Le gouvernement a été forcé à ce moment-là — il y a d'autres termes pour décrire la réaction — de façon générale, et de plus en plus, c'est ainsi que ça se fait. De plus en plus, les interventions de la communauté s'appuient sur ce genre d'argument. Nous allons faire cela ensemble, mais c'est dans le cadre d'un réexamen plus vaste. Je ne parle pas d'un réexamen qui se fasse sur une longue période de temps, non plus; je parle d'un réexamen immédiat. C'est ce que veut la communauté. Il nous faut l'appuyer.

Vous avez peut-être l'impression d'avoir déjà entendu ces arguments avant, mais je pense que la situation est différente maintenant. Je n'en n'ai aucune preuve. Je ne jouis probablement même pas d'une grande crédibilité, puisque je ne suis pas un habitué de l'endroit, mais la communauté veut maintenant agir pour elle-même. Je pense que nous devrions tout faire pour l'appuyer. Nous devrions l'aider, l'encourager et lui donner des ressources. Les temps et les lieux sont différents. Je ne sais pas pourquoi ce n'était pas ainsi auparavant, mais je sais que c'est ainsi maintenant.

J'ai eu une petite conversation avec les dirigeants, des hommes et des femmes, des dirigeants politiques et des défenseurs. Ils sont tout à fait prêts à ouvrir ces discussions. Cela n'a pas toujours été le cas, si même ils l'ont déjà été.

Le sénateur Dallaire : Monsieur le ministre, j'aimerais revenir sur le sujet de la pertinence culturelle. Partout dans le monde, lorsqu'il y a des frictions entre les cultures, les groupes, et autres, on essaie de favoriser une réconciliation, et certains d'entre nous avons soutenu que la réconciliation, bien souvent, est l'œuvre des femmes, de mères et de jeunes. L'instrument, pour les jeunes, c'est l'éducation. J'ai représenté le ministre de l'ACDI au Sommet des Amériques à Québec, lorsque les jeunes ont exprimé sans la moindre hésitation que l'éducation était un instrument essentiel. Mon expérience a été avec les jeunes brigadiers des organisations comme celle-là, ainsi qu'avec la section nord du commandement du Québec. C'est selon cette perspective que j'ai abordé la question.

L'une des grandes craintes de bien des cultures, c'est l'assimilation, et sa perspective de son évolution. On nous reproche souvent de ne pas avoir nécessairement concilié les Premières nations le fait que nous sommes deux Premières nations, étant donné nos origines européennes, et notre union, ou notre communion pour faire le Canada. Nous avons deux langues officielles ici, et la multiethnicité est en évolution constante.

Est-ce que les jeunes des Premières nations entreprennent, formulent ou appuient une vision axée sur la lutte contre l'attrition qui se poursuit dans leur culture? La modernisation et tout le reste peuvent éroder la culture. Elles peuvent parfois être difficiles à préserver. Est-ce qu'il peut y avoir un élément à valeur ajoutée à cela? Est-ce que les jeunes du pays ont une vision du pays qui est fondée sur les droits de la personne, sur la réconciliation, et qui est respectueuse? Je ne parle pas de tolérance, parce que je pense que la tolérance est le terme le plus péjoratif qui ait été inventé, je parle de respect de notre diversité. Est-ce qu'il y a un mouvement dans le sens de la formulation d'une vision qui engage les jeunes dans les diverses collectivités, ou est-ce que ce n'est pas encore enclenché?

M. Scott : Comme je n'ai pas d'éléments de référence, mais seulement un point de vue général du pays, d'après mes diverses expériences antérieures, je dirais qu'il y a un sens renouvelé d'identité. Il a été catalysé par la création de politiques publiques visant à assimiler. J'ai été solliciteur général pendant un an et demi comme et je sais que, malheureusement, la communauté est sur-représentée dans le système d'incarcération. La plus grande victoire que nous ayons remportée, relativement à cette question, c'est lorsque nous avons conçu des solutions adaptées à la culture. Lorsque j'ai quitté mon poste, l'établissement du Canada qui avait le plus de succès était à Hobbena, en Alberta, un établissement correctionnel cri. Peu avant cela, un établissement correctionnel n'avait pas le droit d'avoir de suerie. Je soupçonne qu'il y en a maintenant probablement dans tous les établissements. Je ne dis cela que pour illustrer une nette renaissance qui s'est amorcée, avec les collectivités qui épousent véritablement ce qui fait leur identité.

Je pense que le reste du pays est aussi en train d'ouvrir les yeux. Ce n'est pas qu'une question de réconcilier de la communauté avec nous, mais aussi de nous réconcilier avec la communauté. Toute la notion des deux langues officielles, de cultures fondatrices et tout le reste va à l'encontre de l'histoire de notre pays. C'est quelque chose avec quoi nous devons tous, moi tout autant que les autres, comprendre. Mon expression avait bien des torts, mais elle n'était pas malveillante. En tant que pays, nous devons finir par l'admettre.

Je ne sais pas si les modifications de politiques, en mai, sont tout à fait adoptées ou comprises dans tout le gouvernement actuellement, mais elles sont réelles. Le fondement d'une négociation relativement à une revendication territoriale ou à l'autonomie gouvernementale, ou encore à un traité, aurait été le suivant : si ces négociations doivent se poursuivre et qu'il nous faut finir par nous entendre, la première chose à faire, c'est de renoncer à toute revendication que vous pouvez avoir. Ce virage fondamental est survenu. Maintenant, en fait de politique générale, et cela date probablement d'avant le 31 mai, mais en tant que politique déclarée de concert avec divers organismes, c'est un virage assez important.

Nous reconnaissons, en tant que gouvernement et en tant que pays, qu'il s'agit de coexistence perpétuelle. Ce n'est pas quelque chose qui sera organisé de manière à disparaître un jour mais plutôt, c'est une célébration de la valeur ajoutée de la diversité. Je conviens que le terme « tolérance » n'est pas bien choisi.

Le sénateur Pearson : Ma question concerne le guichet unique. D'après ce que j'ai compris de cette récente visite, c'est que ces programmes, chacun d'eux est bon, mais ils ne sont pas tous adaptés à l'ampleur du besoin. Un Programme d'aide préscolaire qui ne prend à un enfant qu'une journée et demie par semaine seulement ne fera pas grand-chose de bon. Il faut investir plus. Ce qu'il nous faut, comme me le disaient les femmes, c'est quelque chose d'homogène, qui commence avec un programme de nutrition prénatale et se poursuit après. Le diabète est un gros problème dans le Nord. Tout devrait s'imbriquer ensemble. Les collectivités devraient pouvoir dire : « Voici ce qu'il nous faut pour nos enfants. » Elles peuvent se consulter entre elles et dire : « Mon enfant va bien, mais que puis-je faire pour aider le vôtre? » C'est plus un commentaire qu'une question. Ce concept de guichet unique est nouveau, et je ne suis pas tout à fait sûr que vous ou votre ministère ayez eu le temps d'y réfléchir longuement.

M. Scott : Cela fait partie de la démarche que nous avons entreprise. Comme je l'ai dit, il y a quatre programmes différents, et en fin de compte, notre intention est d'avoir plus de cohésion relativement aux valeurs. Tout d'abord, nous ne voulons pas devenir perdre notre souplesse sur le terrain, pour préserver les différences qui existent actuellement, mais ce serait dans le cadre d'un objectif singulier. En deuxième lieu, il faut que ce soit un déroulement sur toute une vie, qui va de la prénatalité à l'éducation aux adultes. Nous parlons d'un système qui concerne les enfants, de la préparation des enfants à la naissance au développement de la petite enfance, à l'entrée dans le système d'éducation et, dans une certaine mesure, à la préparation pour aller de cette collectivité, bien souvent, dans une collectivité bien plus vaste pour poursuivre des études, et cetera. Je dirais que nous avons des défis. S'il y a une série de démarches ici, chacune d'elles comporte ses défis, et c'est surtout lié aux ressources. Comme vous le dites, les programmes fonctionnent, mais nous ne faisons qu'écorcher la surface en ce qui concerne les besoins. Il y aurait probablement certain intérêt à fusionner les programmes, mais j'hésiterais beaucoup si nous devions perdre notre souplesse sur le terrain. Ils ont évolué, puisqu'ils doivent répondre aux différents besoins.

Le président : Monsieur le ministre, merci d'être venu nous exposer vos points de vue. Nous allons certainement surveiller la question de près, parce que nous allons déposer un rapport provisoire. Nous allons maintenir le point de mire sur les enfants autochtones. Nous allons observer pour voir si tout ce qui s'est dit ce soir se transformera en actions. Ce que nous voulons, c'est assumer la responsabilité des enfants. Nous sommes tous responsables des enfants, et c'est l'objectif que nous allons maintenir. Nous espérons qu'en temps et lieu, vous aurez l'occasion de revenir faire le point pour nous sur les enfants autochtones.

M. Scott : J'invite tout le monde à venir assister à la simulation de la réunion des premiers ministres par les jeunes, qui doit avoir lieu en octobre.

La présidente : Peut-être votre personnel pourrait-il en donner les coordonnées à notre greffier, et nous les distribuerons à nos membres.

La séance est levée.


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