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Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule 3 - Témoignages du 6 juin 2006


OTTAWA, le mardi 6 juin 2006

Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui à 17 h 40 pour procéder à l'examen de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement (1999, chap. 33), conformément à l'article 343(1) de ladite loi.

Le sénateur Tommy Banks (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Au cours des prochains mois, notre comité procédera, conformément aux exigences de la loi, à l'examen de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement afin d'évaluer son efficacité et de voir comment se déroulent les choses en général. Les premières réunions ont pour but de mieux informer les membres du comité des aspects de la LCPE qu'il serait peut-être indiqué d'examiner de plus près. La LCPE est un document détaillé dont la portée est large, et nous invitons toutes les parties intéressées, y compris les témoins que nous accueillons aujourd'hui, à nous aider à déterminer exactement comment nous allons orienter cette étude.

Le comité accueille aujourd'hui Mme Nancy Coulas, directrice de la politique environnementale, Manufacturiers et exportateurs du Canada; et M. Brian Maynard, vice-président, Intendance et Affaires publiques, Association canadienne des producteurs pétroliers. Nous sommes heureux de vous revoir parmi nous, monsieur Maynard; nous accueillons également Mme Shannon Coombs, directrice exécutive de l'Association canadienne de produits de consommation spécialisés; et M. Gordon Lloyd, vice-président, Questions techniques, de l'Association canadienne des fabricants de produits chimiques. Mesdames et messieurs, nous vous invitons à nous dire ce que vous pensez de la LCPE, et de nous parler des aspects que nous devrions examiner de plus près.

Nancy Coulas, directrice, Politique environnementale, Manufacturiers et exportateurs du Canada : Premièrement, je vous remercie de m'offrir la possibilité de comparaître devant vous aujourd'hui pour vous faire part du point de vue de mon organisation concernant l'examen de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement.

Les Manufacturiers et exportateurs du Canada, ou MEC, comptent environ 1 500 membres de partout au Canada, et pratiquement tous les secteurs industriels — y compris la fabrication générale, la construction d'automobiles, la fabrication de produits chimiques, la fabrication de produits pétroliers, les mines, les forêts, l'acier, et cetera — y sont représentés, de même que le secteur des services.

Les MEC ont un comité national de la qualité de l'environnement constitué d'éminents spécialistes en environnement issus d'environ 300 entreprises d'un peu partout au Canada. J'ai le plaisir aujourd'hui de vous présenter le point de vue du Comité national de la qualité environnementale et des MEC.

Avant de parler de la LCPE elle-même, j'aimerais faire brièvement le point avec vous sur l'état actuel de l'industrie manufacturière au Canada. L'industrie manufacturière est le plus important secteur d'activités commerciales au Canada et elle représente à elle seule 18 p. 100 du PIB du Canada. Le niveau salarial des quelque 2,1 millions de Canadiens oeuvrant dans le secteur manufacturier est supérieur de 22 p. 100 à la moyenne nationale. Il est également intéressant de souligner que le secteur manufacturier a réduit de 7,4 p. 100 ses émissions de gaz à effet de serre par rapport aux niveaux de 1990.

Le secteur manufacturier est confronté à de nombreux défis stratégiques, dont la valeur élevée du dollar, la hausse des coûts d'exploitation et la concurrence mondiale. Les entreprises membres des MEC ont toujours été convaincues qu'un meilleur bilan environnemental est porteur d'une compétitivité accrue si ce bilan repose sur des mesures durables.

Permettez-moi maintenant de vous faire part de nos préoccupations concernant l'examen prochain de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement.

En ce qui concerne la portée de l'examen, les MEC croient que le gouvernement doit éviter de refondre la loi comme il l'avait fait lors du dernier examen, en 1999. Bon nombre des dispositions ne sont pas en vigueur depuis assez longtemps pour qu'on puisse vraiment juger de leur efficacité. Par exemple, la catégorisation des substances inscrites sur la Liste intérieure des substances n'est pas encore terminée, et il serait difficile de modifier les dispositions législatives pendant cet exercice. Nous sommes contre l'idée de modeler la nouvelle LCPE sur le projet européen REACH, comme certains groupes le proposent. Cette solution exigerait un examen approfondi de la LCPE, et il faudrait des années pour la mettre en œuvre. Je souscris à l'analyse faite par mes collègues ici présents, qui ont effectué des recherches approfondies à l'égard du programme REACH.

De plus, les membres des MEC ne sont pas encore parfaitement au fait de la LCPE de 1999 et s'efforcent encore de parfaire leur connaissance de la loi pour améliorer leur bilan environnemental. Tout changement important apporté à ce stade-ci réduirait la valeur du travail accompli par les membres des MEC relativement à la LCPE et les obligerait à prêter attention à l'examen. Cela risquerait de nuire à l'amélioration de leur bilan environnemental. Nous croyons par contre que certains aspects précis de la LCPE pourraient être améliorés. En voici la liste.

Dans la version de 1999 de la LCPE, la définition du terme « substance » est extrêmement vague et vise plus particulièrement « les articles manufacturés dotés d'une forme ou de caractéristiques matérielles précises pendant leur fabrication et qui ont, pour leur utilisation finale, une ou plusieurs fonctions en dépendant en tout ou en partie ». Nous croyons qu'il faut revoir le libellé de cette définition en raison des doutes qu'il soulève chez les manufacturiers canadiens.

Ensuite, il y a la connotation péjorative du terme « toxique ». L'application de l'étiquette « toxique » aux substances qui satisfont aux critères énoncés à l'article 64 de la LCPE et leur ajout à la Liste des substances toxiques de l'annexe 1 sont une source inutile de stigmatisation. Dans le langage courant, le terme « toxique » est alarmiste, au sens où il donne l'impression que la substance en question est dangereuse pour la santé et doit être immédiatement interdite.

L'utilisation du terme « toxique » en vertu de la LCPE est très scientifique. Elle fait référence à la toxicité d'une substance et au risque qu'elle présente pour les organismes vivants ainsi que pour l'homme. De fait, bien des substances figurant sur la liste de l'annexe 1 peuvent être gérées et utilisées en toute sécurité et avec efficacité. Nous croyons qu'il y a moyen de remédier à ce problème. Les MEC seraient heureux de travailler de concert avec le gouvernement, les groupes environnementaux et les représentants d'autres secteurs industriels pour trouver une solution.

Pour ce qui est des questions atmosphériques, les MEC ont écrit au gouvernement en 2005 pour lui faire part de leurs sérieuses réserves concernant l'inclusion du dioxyde de carbone au nombre des substances toxiques en vertu de la LCPE. Nous croyons que la LCPE n'est pas l'instrument idéal pour aborder la question du changement climatique, parce que cet enjeu a une portée économique, énergétique, sanitaire et environnementale énorme qui dépasse nos frontières. Comme nous l'avons mentionné précédemment, le secteur manufacturier a déjà considérablement réduit ses émissions de gaz à effet de serre.

Nous préférerions que la question de l'assainissement de l'air ne soit pas abordée dans la LCPE tant qu'on n'en saura pas davantage sur les principales sources de pollution atmosphérique. L'assainissement de l'air et les problèmes de smog sont des enjeux économiques, énergétiques, sanitaires et environnementaux complexes qui exigent l'adoption d'une approche pancanadienne et la participation de tous les secteurs de l'économie, et dont l'examen doit se faire de concert avec d'autres instances gouvernementales, comme les provinces et les États-Unis.

En ce qui concerne le Règlement sur les renseignements concernant les substances nouvelles, plusieurs membres des MEC considèrent qu'il nuit à leur compétitivité et n'a aucune justification sur le plan environnemental. Par exemple, les entreprises doivent se plier à une procédure très exigeante et coûteuse pour établir l'innocuité d'une substance qu'elles souhaitent utiliser au Canada, alors que cette même substance est couramment utilisée dans d'autres pays, notamment aux États-Unis. Nous croyons qu'il faudrait modifier la LCPE de façon à pouvoir faire reconnaître la validité des évaluations de substances effectuées ailleurs qu'aux États-Unis.

De plus, la question des frais d'utilisation en vertu du Règlement sur les renseignements concernant les substances nouvelles doit faire l'objet d'un examen. La Loi sur les frais d'utilisation, qui est entrée en vigueur en 2004, prévoit que l'existence d'un avantage personnel justifie un recouvrement des coûts. Cela est réputé être le cas pour le Règlement sur les renseignements concernant les substances nouvelles, et nous croyons que c'est injuste. Pour s'acquitter des formalités applicables à l'introduction d'une nouvelle substance au Canada, l'entreprise doit assumer la totalité des coûts inhérents à la collecte de données, à l'exécution de tests scientifiques et à la prestation de renseignements au gouvernement. Elle doit par-dessus le marché payer des frais d'utilisation pour que le gouvernement fasse son travail. Même si cela peut paraître équitable à première vue, il reste que tous les secteurs industriels, au Canada et ailleurs dans le monde, sont alors libres de commercialiser des produits qui contiennent cette substance nouvelle — et non seulement l'entreprise qui s'est soumise aux formalités nécessaires et en a assumé le coût. Nous estimons que cela ne devrait pas être considéré comme un avantage personnel, et que cette exigence nuit grandement à la compétitivité des manufacturiers canadiens. Environnement Canada a apporté certains correctifs au Règlement sur les renseignements concernant les substances nouvelles, mais nous croyons que d'autres améliorations pourraient être apportées.

En ce qui a trait au Rapport sur l'état de l'environnement, les MEC ont toujours été de fervents partisans des rapports sur l'état de l'environnement au Canada. En effet, nous devons savoir où exactement doivent être concentrées nos précieuses ressources au Canada afin de pouvoir optimiser notre bilan environnemental global en tant que pays.

Je vous remercie encore de m'avoir permis de vous faire part du point de vue des membres des MEC sur l'examen de la LCPE.

Brian Maynard, vice-président, Intendance et Affaires publiques, Association canadienne des producteurs pétroliers : Je vous remercie de m'offrir l'occasion de témoigner devant votre comité, alors que ce dernier entame son examen de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement de 1999. Je suis ici aujourd'hui à titre de représentant de l'Association canadienne des producteurs pétroliers, également connue sous le nom de CAPP. La CAPP réunit 150 sociétés de recherche, d'extraction et de production de gaz naturel, de liquides du gaz naturel, de pétrole brut, de sable bitumineux et de soufre élémentaire de partout au Canada. Les sociétés membres de la CAPP représentent plus de 95 p. 100 de la production de gaz naturel et de pétrole brut du Canada. La CAPP compte également 130 membres associés offrant tout un éventail de services qui soutiennent en amont l'industrie du gaz naturel et du pétrole brut. Réunis, ces membres et ces membres associés constituent une part importante d'un secteur national qui représente 100 milliards de dollars par année et dont dépendent, pour leur subsistance, plus d'un demi-million de Canadiens.

J'ai cru comprendre que le comité souhaite principalement, au cours de ces premières réunions, connaître l'avis des représentants du gouvernement, de l'industrie et des organisations non gouvernementales quant aux points particuliers de la loi sur lesquels le comité devrait se concentrer. Nous avons également fait connaître notre avis sur la question dans un mémoire soumis au Comité permanent de l'environnement et du développement durable de la Chambre des communes, qui entreprend également à l'heure actuelle l'examen de la LCPE.

Nous souhaiterions un examen ponctuel, plutôt que systématique, de la LCPE. La loi n'a été appliquée que sur une durée limitée depuis l'examen parlementaire exhaustif dont avait fait l'objet le projet de loi. La LCPE de 1999 n'a pas été appliquée suffisamment longtemps pour que l'on puisse entreprendre une étude détaillée de la mise en œuvre des amendements qui lui avaient été apportés lors du précédent examen.

Nous croyons qu'il existe un consensus sur le fait que l'examen devrait être ponctuel, et non systématique, et qu'Environnement Canada, tout comme Santé Canada, partage notre avis.

Nous sommes d'avis qu'il convient de se pencher sur la pertinence de l'emploi du terme « toxique » dans la loi. Indiquer sur l'étiquette d'un produit la mention « toxique », lorsque ledit produit répond aux critères de l'article 64 de la LCPE et qu'il figure donc à l'annexe 1 de ladite loi, peut, dans certains cas, causer un préjudice injustifié. La définition législative du terme « toxique » et la compréhension qu'en a le public ne coïncident pas toujours. Le public associe souvent le terme « toxique » à des substances qui, en vertu de la loi, font l'objet d'une interdiction ou d'une élimination progressive. Le terme « toxique », appliqué à des substances qui ne font pas l'objet d'interdictions ou d'une élimination progressive, peut prêter à confusion. Si des modifications doivent être apportées à la loi, il est important que le terme « toxique » soit totalement supprimé de la partie V de la LCPE, ainsi que de toute disposition opérationnelle de la loi se rapportant à cette dernière partie.

L'une des grandes préoccupations de notre industrie concerne la capacité. La CAPP est en faveur d'une surveillance accrue des tendances en matière de santé et d'environnement, et de la publication sur ces dernières de rapports périodiques, tels que le Rapport sur l'état de l'environnement d'Environnement Canada et le Rapport sur l'état de la santé de Santé Canada. Pour ce faire, il est essentiel que les ministères ayant des responsabilités au regard de la LCPE disposent d'un budget suffisant et raisonnable pour s'acquitter des activités scientifiques requises pour s'acquitter, aujourd'hui comme à l'avenir, de ces responsabilités, à savoir pour effectuer des activités scientifiques de surveillance, de suivi et de rapport.

La CAPP invite également votre comité, tout comme le comité de la Chambre des communes, à s'assurer que toutes modifications apportées à la LCPE au cours du présent examen répondent aux critères de l'initiative de réglementation intelligente et soient conformes à l'objectif qui est d'accroître la collaboration entre les ministères fédéraux et provinciaux ou territoriaux.

La CAPP espère aussi que les préoccupations qu'elle a exprimées au regard de la complexité des procédures de déclaration à l'Inventaire national des rejets de polluants, ou INRP, seront prises en compte dans le cadre des activités menées actuellement par le groupe de travail. Si tel n'est pas le cas, nous escompterions que nos préoccupations soient prises en compte dans le cadre du présent processus d'examen de la LCPE. Nos membres ne s'opposent pas au principe de la déclaration, mais sont exaspérés par les modifications annuelles des règles et des exigences de déclaration.

La CAPP est en faveur d'un délai d'examen de la loi d'une durée de dix ans afin de permettre la mise en œuvre et une évaluation en bonne et due forme des modifications apportées lors du présent examen. Le délai actuel de cinq ans ne permet pas une mise en œuvre et une évaluation suffisantes, et s'avère trop lourd, en termes de ressources et de temps requis, pour l'ensemble des parties intéressées. Je crois que de nombreux intervenants sont en faveur d'un délai d'examen prolongé.

Je remercie le comité de m'avoir accordé l'occasion de partager avec lui le point de vue de la CAPP, et je serais heureux de répondre, dans la mesure de mes moyens, à vos éventuelles questions.

Shannon Coombs, directrice exécutive, Association canadienne de produits de consommation spécialisés : Je suis heureuse d'être ici aujourd'hui pour parler de deux enjeux clés qui préoccupent notre secteur industriel dans le cadre de votre examen de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement. Je représente à la fois l'ACPCS et la FPIC, c'est-à-dire la Formulated Products Industry Coalition, car nous nous intéressons aux deux mêmes enjeux, dont je vous entretiendrai aujourd'hui.

La FPIC, constituée de 15 associations de l'industrie des préparations, a été créée en 2001, du fait que la Loi sur les aliments et drogues est assujettie à la LCPE. L'association que je représente, c'est-à-dire l'ACPCS, est une association professionnelle nationale dont les 40 entreprises membres à l'échelle du pays constituent une industrie de 20 milliards de dollars qui emploie directement plus de 12 000 personnes.

Nos entreprises fabriquent, traitent, emballent et distribuent des produits spécialisés destinés aux consommateurs, à l'industrie et aux établissements, comme des savons et des détergents. Je vois que tout le monde a un exemplaire de notre document d'une page sur papier glacé, qui présente une belle photo de l'ensemble des produits que nous représentons. Il y a, par exemple, des savons et des détergents, comme Tide et Sunlight; des produits antiparasitaires, comme Raid et des pièges à fourmis; des aérosols et des désinfectants pour revêtement dur, comme Comet et Lysol; des désodorisants et des produits chimiques pour l'industrie automobile.

Les entreprises membres de la FPIC fabriquent des aliments, des produits de soins personnels, des produits de nettoyage domestiques, des cosmétiques, des dispositifs médicaux et des produits pharmaceutiques destinés aux consommateurs canadiens. Ce groupe, qui représente plus de 750 entreprises membres, affiche un chiffre d'affaires annuel de 66 milliards de dollars et emploie plus de 375 000 Canadiens. Vous trouverez une liste des associations membres de la LPIC dans notre mémoire.

Pourquoi témoignons-nous devant vous aujourd'hui, et pourquoi les substances réglementées par la Loi sur les aliments et drogues sont-elles visées par la LCPE? La LCPE est la loi qui régit les substances chimiques nouvelles et existantes au Canada. En 1999, les parlementaires ont demandé que la LCPE serve de filet de sécurité en ce qui concerne l'évaluation environnementale des substances. L'article 81 de la loi prévoit que les exigences d'autres lois relatives à l'évaluation préalable à la mise en marché doivent être au moins aussi rigoureuses que celles de la LCPE. Les autres lois qui, après un délai de deux ans, répondaient à cette exigence étaient exemptées des dispositions pertinentes de la LCPE. Celles qui ne répondaient pas à ces exigences étaient donc soumises aux dispositions de la LCPE relatives à l'évaluation environnementale. D'autres lois, comme la Loi sur les semences, la Loi sur les engrais et la Loi sur les produits antiparasitaires, étant conformes aux exigences de la LCPE, ont été exemptes. La Loi sur les aliments et drogues ne satisfaisait pas aux exigences de la LCPE, de sorte que l'évaluation environnementale relative aux substances réglementées par la Loi sur les aliments et drogues a été assujettie au Règlement sur les renseignements concernant les substances nouvelles de la LCPE.

Nous travaillons sous ce régime depuis cinq ans, et nous sommes convaincus du fait que la LCPE est l'instrument législatif le plus approprié à l'égard de ces substances. Toutefois, l'assujettissement de la Loi sur les aliments et drogues à la LCPE a semé la confusion à l'égard d'environ 9 000 substances utilisées de façon efficace et sécuritaire par les Canadiens depuis plus de 20 ans, car la loi les considère comme des substances nouvelles, qui n'existent pas. Il faut corriger cette situation. Aux fins de mon exposé, je désignerai ces quelque 9 000 substances au moyen du terme « Liste des substances commercialisées ».

Puisque la plupart de nos entreprises membres n'ont jamais eu à se plier à d'autres exigences que celles, déjà rigoureuses, de la Loi sur les aliments et drogues concernant les avis et les évaluations préalables à la mise en marché, le fait de devoir se plier aux exigences de la LCPE constitue un nouveau défi de taille. Même si cela a exigé un effort d'adaptation, l'ACPCS et la FPIC reconnaissent que les règles et systèmes établis en vertu de la LCPE procurent aux entreprises membres un examen prévisible et rigoureux des demandes d'homologation et protègent les Canadiens et leur environnement.

Je sais que d'autres intervenants soulèveront de nombreux enjeux liés à la loi, mais l'ACPCS et la FPIC demandent au comité d'envisager les deux recommandations clés suivantes afin d'apporter des améliorations qui rendraient la loi plus claire, et seul le Parlement, y compris le Sénat, peut apporter cette clarté.

La première recommandation est la suivante : nous aimerions que la LCPE soit assortie d'une disposition visant à reconnaître à titre de substances existantes celles qui figurent dans la Liste des substances commercialisées.

Vous vous demandez peut-être quelles sont les substances qui figurent sur la Liste des substances commercialisées? Il s'agit d'un vaste éventail de substances. Il y a des ingrédients actifs à vocation pharmaceutique, des ingrédients de produits de beauté, comme des extraits, des agents de surface, des colorants alimentaires, des aromatisants, le saindoux, l'amidon, l'essence de kiwi, l'huile de citron. Il s'agit d'une substance de ce genre. Pourquoi désirons-nous qu'elles soient traitées comme des substances existantes? Parce que ces substances et produits ont procuré et continuent de procurer des avantages aux Canadiens. Ils sont disponibles dans le commerce depuis presque 20 ans, et, manifestement, il s'agit de substances existantes; c'est du gros bon sens.

Afin de veiller à ce qu'on établisse à l'égard de la Liste des substances commercialisées un mécanisme permettant de traiter ces substances de la même façon que les substances existantes qui figurent dans la Liste intérieure des substances, nous suggérons que le gouvernement procède à la catégorisation des substances de la LSC et, au besoin, à une évaluation préalable des risques. Je crois que les représentants vous ont présenté, il y a quelques semaines, un exposé sur la catégorisation et l'évaluation de la Liste intérieure des substances. Le fait de traiter toutes les substances existantes de la même façon relève également du gros bon sens.

J'aimerais maintenant revenir à la question de l'utilisation et du sens du terme « toxique » dans la loi. L'ACPCS et la FPIC demandent au comité d'envisager la possibilité d'éliminer le mot « toxique » de la loi afin qu'on s'entende plus clairement sur la façon dont les substances sont évaluées et contrôlées sous le régime de la loi. Si l'évaluation des risques à l'égard d'une substance donnée correspond à la définition mise de l'avant, cette substance est inscrite à l'annexe 1, et, bien souvent, on mettra de l'avant une quelconque méthode de gestion des risques à l'égard de l'utilisation de cette substance.

Comme nous le précisons dans notre mémoire, le problème tient au fait que l'expression « toxique en vertu de la LCPE » est mal comprise. Les substances considérées comme toxiques, au sens où l'entend la LCPE, finissent pas être associées à des poisons ou à des agents létaux. Je peux vous fournir des exemples de substances inscrites à l'annexe 1 qui occasionnent une telle confusion. Les CFC figurent à l'annexe 1. Ils détruisent l'ozone dans l'atmosphère. Ils sont toxiques pour l'environnement, mais pas pour les humains. On les utilise encore dans les inhalateurs destinés aux asthmatiques, par exemple. L'ammoniac figure à l'annexe 1, mais, au sens où l'entend la LCPE, il n'est toxique que pour l'environnement, lorsqu'on en trouve des traces dans les effluents d'eaux usées. Cette substance est utilisée à de nombreuses fins, comme dans les engrais et les produits pour nettoyer le verre, et ces produits sont critiqués en raison de l'inscription de la substance et du malentendu que cela occasionne. On a également inscrit le dioxyde de carbone à l'annexe 1, afin de contrôler l'émission de gaz à effet de serre, mais il ne s'agit pas d'une substance intrinsèquement toxique, car il est essentiel à l'air que nous respirons.

Il est clair que le problème à l'égard de l'expression « toxique en vertu de la LCPE » tient au malentendu qu'il crée et aux mesures qui en découlent. Des groupes s'attaquent aux produits susceptibles de contenir la substance, appliquent l'étiquette « toxique en vertu de la LCPE » à toutes les utilisations de la substance, et mettent en garde les Canadiens contre un risque qui n'est pas réel. On a également vu des autorités provinciales formuler des dispositions relatives à l'approvisionnement visant à interdire l'achat de produits contenant des substances toxiques figurant à l'annexe 1 de la LCPE. L'élimination du terme apportera davantage de clarté à la loi, et nous croyons que cela permettrait également d'en accroître la crédibilité.

Est-ce que quelque chose pourrait être amélioré? Toujours. La LCPE est une loi énorme. Les piliers de l'approche préventive sont enchâssés dans la loi : la prise de décisions fondées sur des données scientifiques probantes, le développement durable, la gestion du risque et la prévention de la pollution. L'accroissement de la communication relative à l'efficacité de cette loi et à la façon dont elle protège les Canadiens est dans l'intérêt de tout le monde. Par exemple, la catégorisation et l'évaluation de la Liste intérieure des substances est un programme qui a été mis au point au Canada. D'autres pays de l'OCDE sont dotés de tels programmes, mais le Canada est un chef de file en la matière. En septembre prochain, les résultats de la catégorisation seront parachevés et diffusés. C'est toute une réalisation, et il faut que tous les Canadiens le sachent.

Je serai heureuse de répondre à vos questions.

Le président : Je suis certain qu'il y en aura.

Gordon Lloyd, vice-président, Questions techniques, Association canadienne des fabricants de produits chimiques : Je tiens à remercier le comité de donner à l'Association canadienne des fabricants de produits chimiques l'occasion de présenter son point de vue dans le cadre de l'examen de la LCPE. Je vais vous parler de certains enjeux soulevés dans le mémoire, plutôt détaillé, dont vous avez obtenu copie. Le comité de la Chambre des communes qui se penche sur cette question a reçu le même mémoire.

L'Association veut aider ses membres à améliorer constamment leur rendement dans les domaines de l'environnement et de la santé. Cette amélioration se fera surtout grâce à Gestion responsable — dont la plupart d'entre vous ont déjà entendu parler, je crois, et je vous en parlerai dans un instant —, mais nous avons aussi besoin d'une loi efficace qui crée des conditions favorables. Gestion responsable est une série de mesures que l'Association canadienne des fabricants de produits chimiques a lancées pendant les années 80 pour apaiser les préoccupations du public au sujet des produits chimiques et de leurs effets. Le Canada s'est vraiment illustré à ce chapitre, et le programme s'est imposé sur la scène internationale : on l'applique actuellement dans 52 pays.

Il fait en sorte que les 65 entreprises membres de l'Association qui exercent leurs activités au Canada considèrent comme une priorité la protection des employés, de l'environnement et de leurs voisins. Si je ne me trompe pas, le mémoire qui vous a été remis aux fins de mon exposé contient des graphiques qui illustrent le succès que nous avons connu avec une gestion responsable. Ces graphiques montrent les progrès de nos membres dans la réduction générale des émissions pour les gaz à effet de serre, les composés organiques volatiles producteurs de smog et l'oxyde nitreux. Dans l'ensemble, les émissions par unité de production ont chuté de 85 p. 100 depuis 1992.

Les graphiques que vous avez en main ne constituent qu'un extrait assez mince d'un rapport volumineux que nous produisons chaque année; ce rapport, qui s'intitule « Réduire les émissions », peut être consulté sur notre site Web.

Nous croyons avoir un bon bilan, mais nous voulons faire mieux. Nous voulons une loi qui sera efficace et qui nous aidera à poursuivre nos efforts en ce sens. Nous avons soulevé un certain nombre de questions — une dizaine pour être plus précis — dans le mémoire que nous avons présenté, et nous aimerions qu'elles soient prises en compte dans le cadre de l'examen de la LCPE.

Premièrement, comme d'autres l'ont dit, nous aimerions que l'examen, au lieu de revoir l'ensemble de la loi, soit ciblé. Nous croyons que l'expérience limitée à l'égard de la loi de 1999 ne justifierait pas une refonte majeure pour l'instant, et que cela pourrait même nuire à l'exécution de la loi. Il suffit de penser à l'exemple de cette initiative de catégorisation et d'évaluation de la LIS dont vous ont entretenus Mme Coombs et, si je ne me trompe pas, d'autres représentants, plus tôt. C'est tout un effort que le gouvernement a déployé au cours des six dernières années.

Le président : Pourriez-vous expliquer aux gens qui nous regardent ce que signifie l'acronyme LIS?

M. Lloyd : Il s'agit de la Liste intérieure des substances, sur laquelle figurent les quelque 23 000 substances actuellement offertes dans le commerce au Canada. On s'affaire à la réexaminer afin de déterminer si certaines substances doivent faire l'objet d'une évaluation aux fins de la catégorisation, et il faut ensuite mener les évaluations qui s'imposent : c'est ce qu'on appelle l'évaluation préalable.

La catégorisation, c'est-à-dire le premier volet de cette initiative, fait l'objet d'efforts énormes déployés par le gouvernement et les intervenants depuis six ans. C'est une initiative de pointe. Il s'agit de la première étape, et elle devrait prendre fin en septembre. On passera ensuite à la deuxième étape, au cours de laquelle seront effectuées des évaluations des risques visant à déterminer s'il faut prendre des mesures de gestion des risques à l'égard de certaines substances.

Nous demandons instamment au comité de reconnaître l'utilité de mener à terme la catégorisation et l'évaluation préalable des risques et de ne pas modifier cette initiative à mi-chemin.

Ensuite, nous croyons que le gouvernement devrait revoir sa décision d'utiliser la partie V, c'est-à-dire les dispositions de la LCPE relatives aux substances toxiques, pour gérer le changement climatique. Nous croyons que d'autres dispositions de la LCPE — comme celles qui portent sur la pollution atmosphérique internationale —pourraient être utilisées à cette fin, ou que le changement climatique pourrait être géré dans le cadre d'initiatives relatives à la pureté de l'air, comme la loi sur l'assainissement de l'air, ainsi que l'a annoncé le gouvernement. Quoi qu'il en soit, les gaz à effet de serre font partie de la vie, et ne devraient pas être inscrits sur une liste de substances toxiques ou gérés aux termes de la partie V.

Un autre point préoccupant concerne la promesse du gouvernement d'améliorer la qualité de l'air au Canada, ce à quoi l'Association souscrit. Nous croyons que cette initiative est d'une importance fondamentale. Nous croyons que cela pourrait se faire au moyen d'une loi sur l'assainissement de l'air ou de dispositions de la LCPE autres que celles de la partie V. L'Association appuierait l'une ou l'autre de ces démarches. Il serait peut-être plus simple de s'appuyer sur la LCPE, mais cela supposerait certaines modifications. Cette question devrait être abordée dans le cadre de l'examen, histoire, notamment, de veiller à ce qu'il n'y ait aucun chevauchement législatif. En effet, le fait de s'attaquer aux problèmes à la fois par l'entremise de la LCPE et d'une loi sur l'assainissement de l'air pourrait occasionner des problèmes.

En outre, concernant la loi sur l'assainissement de l'air, il faudrait collaborer étroitement avec les provinces, et le comité devrait déterminer si les dispositions d'équivalence de la LCPE ne seront pas un empêchement. Je ne crois pas que les provinces aient souscrit à des dispositions d'équivalence sous le régime de la LCPE de 1999, et celles qui ont été convenues avec l'Alberta étaient en vigueur bien avant. Je crois également que la formulation actuelle des dispositions mine la capacité du gouvernement fédéral de conclure les ententes de coopération nécessaires avec les provinces. Nous espérons que vous vous pencherez sur cette question.

Une autre question que nous aimerions soulever, et que d'autres ont soulevée, concerne le terme « toxique ». Nous estimons que, dans certains cas, ce terme stigmatise inutilement des substances réglementées en vertu de la partie V. La partie V prévoit un large éventail d'options de gestion du risque autre que l'interdiction et l'élimination graduelles, mesures normalement et couramment associées à une telle stigmatisation. Une solution possible pourrait consister à éliminer le mot « toxique » de la loi, et à lui substituer une mention relative aux substances qui satisfont aux critères énoncés à l'article 64, lequel permet d'inscrire une substance à l'annexe 1 lorsqu'elle est réglementée.

Une autre question technique que l'ACFPC aimerait porter à votre attention concerne ce qu'on appelle les « limites de dosage ». La LCPE exige que des limites de dosage soient établies pour toutes les substances visées par la quasi- élimination, même lorsqu'il ne s'agit que de quantités infimes d'un contaminant donné dans un produit. Nous croyons que cela n'est pas réaliste et constitue un gaspillage de ressources. L'obligation d'établir de telles limites de dosage ne devrait s'appliquer qu'aux situations vraiment préoccupantes; elle ne devrait pas s'appliquer à toutes les situations.

La communauté internationale a réglé un problème comparable dans le cadre de la Convention de Stockholm sur les POP, c'est-à-dire les polluants organiques persistants. On a adopté une formulation qui, selon nous, pourrait être adaptée à la LCPE.

Il ne s'agit peut-être que d'une préoccupation théorique pour l'instant, car la liste des substances destinées à la quasi- élimination est encore vierge, mais je crois que cela va changer, et à ce moment-là, nous devrions modifier la loi de la façon que je viens de vous décrire.

Nous croyons également que les dispositions administratives de la loi doivent être renforcées, de façon à veiller à ce que Santé Canada et Environnement Canada s'en tiennent aux règles et aux politiques du gouvernement. Par exemple, nous croyons que les frais d'utilisation prévus par le Règlement sur les renseignements concernant les nouvelles substances, dont vous a parlé Mme Coulas, sont clairement incompatibles avec la Loi sur les frais d'utilisation adoptée par le dernier Parlement — il s'agissait d'un projet de loi émanant d'un député. Or, Environnement Canada et Santé Canada agissent essentiellement comme si cette loi n'existait pas.

Par ailleurs, nous avons besoin d'une meilleure information pour prendre des décisions plus éclairées au sujet de l'environnement et de la santé. La loi devrait exiger que les ministères compétents produisent des rapports réguliers sur l'état de l'environnement et l'état de la santé. Cela supposerait que des ressources supplémentaires soient consenties à ces ministères. En particulier, nous croyons que Santé Canada devrait obtenir les ressources voulues pour assurer le suivi biologique et la surveillance de la population et pour communiquer les résultats obtenus.

Nous aimerions également que le comité se penche sur le délai prévu pour l'examen de la LCPE. Comme d'autres témoins, nous croyons qu'un délai de cinq ans ne suffit pas. Un délai de dix ans serait plus utile.

Dans un autre ordre d'idées, il serait probablement indiqué d'enchâsser dans la loi des dispositions relatives à la reconnaissance d'évaluations effectuées par d'autres gouvernements, en particulier à l'égard de nouvelles substances. Les représentants d'Environnement Canada sont pleinement conscients du fait que l'Australie est dotée de telles dispositions. Nous espérons que l'exemple de l'Australie sera envisagé dans le cadre de l'examen législatif, et qu'on tentera d'intégrer une telle disposition à la LCPE. Il importe de signaler que nombre des enjeux que nous soulevons ont une portée internationale. Ils exigent une coopération et des échanges internationaux, et on devrait envisager la possibilité de prévoir une telle marge de manœuvre dans la LCPE.

Enfin, nous recommandons que l'examen de la LCPE soit perçu comme une occasion d'envisager la possibilité de distinguer de façon efficiente et efficace les entreprises qui font bonne figure au chapitre environnemental de celles qui ne font pas bonne figure, et d'utiliser la loi pour encourager davantage le recours à des programmes industriels de responsabilité qui valorisent les entreprises qui ont un bon dossier.

Ce sont là les dix aspects qui, selon l'ACFPC, devraient faire l'objet d'un examen ciblé. Je répondrai à vos questions avec plaisir. Je vous remercie de nous avoir donné l'occasion de présenter notre point de vue.

Le sénateur Cochrane : Soyez les bienvenus. Vous nous avez fourni beaucoup d'information. Vous nous avez tous parlé du mot « toxique », et vous êtes tous d'avis que nous devrions l'éliminer à de nombreux endroits. En date du 30 novembre 2005, 79 substances figurent sur la Liste des substances toxiques.

J'aimerais que vous me donniez une idée de l'étendue du problème. Quel pourcentage de vos membres ont recours à au moins une substance figurant sur la liste? Donnez-nous une idée du nombre de substances dont la présence sur la liste est contestée par vos membres. Si le terme « toxique » devait être conservé dans la LCPE, comment devrions-nous modifier la définition? Soyez précis, s'il vous plaît.

Mme Coombs : En ce qui concerne la modification éventuelle de la définition, nous tentons de réduire la stigmatisation qui découle de cette désignation. Lorsqu'une substance est ajoutée à l'annexe 1, on dit qu'elle figure sur la Liste des substances toxiques. Cela ne décrit pas le risque cerné à l'égard de cette substance dans le cadre de l'évaluation des risques. Par exemple, je vous ai parlé de l'ammoniac. L'ammoniac figure à l'annexe 1. Or, on ne décrit d'aucune façon le contexte dans lequel s'inscrivait l'évaluation des risques liés à une utilisation très précise de cette substance. Cette information est donc mal interprétée par divers groupes qui affichent des mises en garde sur leurs sites Web, comme : « n'utilisez pas ces substances. On trouve de l'ammoniac dans les produits nettoyants pour le verre, n'utilisez pas ces produits. »

C'est le problème que nous tentons de résoudre.

Nous voulons que soit apportée la modification mise de l'avant dans le cadre de la dernière loi d'exécution du budget, c'est-à-dire la modification de la partie V en vue de résoudre le problème lié au mot « toxique » et, en même temps, de changer la façon dont les gaz à effet de serre seraient contrôlés en vertu de la LCPE. Nous voulons appeler un chat un chat et parler d'évaluation et de contrôle des substances, ce qui reflète bien la vocation de la partie V.

Il s'agit de l'évaluation d'une substance et de sa gestion lorsqu'elle est inscrite à l'annexe 1, alors l'intention de la loi est claire.

Le sénateur Cochrane : Devrions-nous modifier l'annexe 1?

Mme Coombs : Je crois que nous devrions changer son nom. La substance est inscrite sur la liste, mais on ne fournit aucun détail contextuel quant à la façon dont cette substance a été évaluée, quant aux risques cernés, quant aux situations où des mesures de réduction devraient être prises, et quant aux méthodes de gestion qui s'imposent.

M. Lloyd : Nous avons organisé des conférences sur la LCPE à l'intention de gens de l'industrie, et les représentants de services de l'approvisionnement réagissaient en disant : « Oh, cette substance figure à l'annexe 1 — c'est toxique. Nous ne voulons plus acheter ce produit. » Mais ce n'est pas à cette fin qu'on l'a inscrite sur la liste. On l'a inscrite afin que le gouvernement puisse prendre les mesures qui s'imposent pour en contrôler l'utilisation. Mais les services de l'approvisionnement, par exemple, ne reconnaissent pas cela. Si c'est toxique, ce doit être mauvais, alors ils ne veulent pas acheter le produit; par contre, s'il était question d'une liste de substances dont l'utilisation doit être contrôlée, nous n'aurions probablement pas à composer avec cette connotation négative. Dans un grand nombre de cas, cette connotation n'est pas appropriée.

Nos membres ne contestent pas l'idée selon laquelle l'utilisation des 79 substances figurant à l'annexe 1 doit être gérée par le gouvernement, et ils conviennent de la nécessité de réglementer cela. Toutefois, cette réglementation ne vise pas à signaler qu'une substance donnée ne devrait pas être achetée — par exemple, l'ammoniac qu'on trouve dans un produit nettoyant, comme l'a mentionné Mme Coombs.

Nous croyons que ce terme prête à confusion. Les ministères en sont également venus à cette conclusion. La solution mise de l'avant dans la loi d'exécution du budget du dernier gouvernement était probablement bonne. Leurs avocats s'étaient manifestement penchés sur la question. Cependant, il faut déterminer si cette reformulation menace la validité constitutionnelle de la compétence du gouvernement fédéral en matière d'environnement. Or, on a confirmé la validité de la démarche du gouvernement fédéral, à la lumière de la formulation actuelle, dans le cadre d'un litige mettant en cause Hydro-Québec. On ne change pas ce genre de chose sans d'abord examiner la question soigneusement. C'est effectivement ce qu'ils ont fait, et ils ont conclu que la solution la plus simple consiste à faire référence à la disposition de l'article 64 relative à l'évaluation des risques justifiant l'inscription d'une substance à la liste des substances à contrôler. Cette formulation est appropriée.

Comme l'a déclaré M. Maynard, si on veut procéder de cette façon, il faudrait appliquer cette modification à l'ensemble de la partie V.

Le sénateur Cochrane : Vous nous avez tous soumis des recommandations valides, et nous vous en sommes très reconnaissants.

Ma prochaine question est pour Mme Coulas, des Manufacturiers et exportateurs du Canada. Vous parliez du coût. Lorsqu'une entreprise se plie à la procédure prévue dans le RRSN en vue d'introduire une substance nouvelle au Canada, elle doit assumer tous les coûts liés à la collecte de données, aux études scientifiques et à la fourniture d'information au gouvernement. Comme si ce n'était pas suffisant, vous dites que l'entreprise doit également payer des frais d'utilisation pour que le gouvernement fasse son travail.

Pourriez-vous me dire à combien s'élèvent ces coûts? Vous soulevez un enjeu qui touche la concurrence, et ce n'est pas équitable.

Mme Coulas : Il pourrait s'agir de centaines de milliers de dollars. Il y a un mois ou deux, une entreprise membre, un fabricant de peinture, songeait à ne pas produire la substance et à fermer une usine en raison des coûts et du temps que ce processus exige. Je crois qu'il s'agit d'une période d'environ six mois. La substance dont il voulait faire autoriser l'utilisation au Canada est déjà largement utilisée aux États-Unis. Je suppose qu'il pourrait se rabattre sur une entreprise américaine aux fins de la production de ce produit. Le coût s'élevait à des centaines de milliers de dollars.

Le sénateur Cochrane : Lorsque vous parcourez ces études, cherchez-vous à déterminer si on a mené des études comparables dans d'autres pays? Mettez-vous l'information en commun?

Mme Coulas : C'est difficile à dire. Mon expérience ne concerne que les entreprises exerçant leurs activités au Canada, alors elles ne seraient pas en mesure de parler de leurs expériences avec d'autres pays. Je n'en sais rien.

Le président : Toute activité de développement comporte sa part de risque, mais lorsque l'entreprise obtient une quelconque approbation, à ses frais, on suppose qu'un brevet sera établi. Quand vous dites que d'autres entreprises ont alors tout le loisir d'utiliser le fruit de cette activité de développement, c'est bien ça?

Mme Coulas : Ils ont tout le loisir d'utiliser cette substance.

Le président : Mais ce n'est pas gratuit non? Le titulaire du droit de propriété n'impose-t-il pas des frais aux utilisateurs subséquents?

Mme Coulas : Pas à ma connaissance.

Le président : Ils ne font pas cela?

Mme Coulas : Après que l'entreprise a fait tout ce travail, toute autre entreprise pourrait utiliser la substance dont il est question.

Le président : Vous n'obtenez pas un brevet pour cela?

Le sénateur Cochrane : Est-ce gratuit?

Mme Coulas : Oui.

Le président : C'est intéressant.

M. Lloyd : Une entreprise pourrait choisir de faire breveter la substance, je crois, mais ce n'est pas de cette façon que les choses se déroulent, habituellement, dans l'industrie des produits chimiques. Cela s'applique parfois. La substance se retrouve sur la Liste intérieure des substances et, une fois qu'elle y figure, si la substance est brevetée, vous bénéficiez d'une certaine protection. Toutefois, les brevets n'ont rien à voir avec l'application de la LCPE. Lorsqu'une substance figure sur la Liste intérieure des substances, n'importe qui peut l'utiliser au pays et, essentiellement, tirer parti des essais que nous avons effectués.

L'industrie canadienne ne s'est pas opposée à cette approche. On se dit que c'est « chacun son tour », et ça fonctionne.

Le président : Vous pourriez également vous emparer du marché si vous arrivez en premier.

M. Lloyd : Si vous arrivez en premier, vous avez une longueur d'avance. Vous ne vous emparez pas du marché, si par cela vous entendez le fait, comme à certains endroits, de jouir d'une certaine exclusivité en étant inscrit sur une liste. Mais les choses ne fonctionnent pas de cette façon ici. Si vous êtes en concurrence avec moi et que j'arrive à faire inscrire quelque chose sur la Liste intérieure des substances, vous pouvez tirer avantage de ma démarche, et on ne s'y opposera pas. Ce que nous contestons, c'est le fait qu'Environnement Canada nous impose des frais d'utilisation lorsqu'il examine l'information que nous lui fournissons. La loi régissant les frais d'utilisation prévoit clairement qu'on doit jouir d'un avantage direct lorsque le gouvernement exige de tels frais. Dans le cas qui nous occupe, puisque notre système part du principe selon lequel chacun peut tirer avantage de la démarche de l'autre, il n'y a pas d'avantage direct. À un moment donné, Environnement Canada a fait valoir que cela procurerait un quelconque avantage collectif à l'ensemble de l'industrie des produits chimiques. Que ce principe soit valide ou pas est sans importance, car il n'en est pas question dans la Loi sur les frais d'utilisation. L'imposition de ces faits n'est pas justifiée, du moins à mon avis.

Le sénateur Cochrane : Quels changements aimeriez-vous voir se produire?

M. Lloyd : Nous aimerions que le ministère cesse d'imposer des frais d'utilisation, mais nous croyons également que son programme est bon. Nous aimerions que l'affectation des ressources à Environnement Canada soit remaniée, ou que des fonds supplémentaires soient consentis afin que son programme ne soit pas pénalisé. Toutefois, nous ne croyons pas qu'il soit approprié d'imposer des frais d'utilisation à l'égard de ce programme.

Le sénateur Cochrane : Monsieur Lloyd, je suis intriguée par ce que vous appelez « l'initiative Gestion responsable ». Les réductions d'émissions de vos membres sont considérables, de l'ordre de 85 p. 100 depuis 1992. Pourriez-vous nous mettre en contexte et nous fournir plus de détails à cet égard?

M. Lloyd : Environnement Canada a établi un mécanisme de contrôle des émissions qu'on appelle l'Inventaire national des rejets de polluants. Notre association souscrivait à cette idée avant même qu'Environnement Canada ne l'impose. Nous avons même adopté ce modèle à titre d'exigence d'adhésion. Dans le cadre de Gestion responsable, nos membres doivent rendre compte de leurs émissions. Nous avons toujours utilisé une liste plus exhaustive que celle de l'INRP. Nous misons sur un processus de consultation publique, à l'échelon local, où se trouvent des usines, et à l'échelon national, pour déterminer quelles substances nous devrions ajouter. Par exemple, nous suivons nos émissions de gaz à effet de serre depuis 1992, alors nous avons une assez bonne idée de ce que nous faisons à l'égard des enjeux touchant le changement climatique. Nous avons rendu cette information publique. En plus de devoir rendre compte des émissions passées, nos membres doivent aussi formuler des prévisions pour l'avenir. Si vous habitez tout près d'une usine de produits chimiques, vous vous intéressez davantage à ce qui se produira l'an prochain qu'à ce qui s'est produit l'an dernier. Nous avons examiné ce rapport par l'entremise de notre comité consultatif national, au sein duquel sont représentés des groupes environnementaux. Nous avons également conclu, avec le gouvernement fédéral, l'Ontario et l'Alberta, un protocole d'entente national qui est en vigueur depuis plus de dix ans, et qui sera bientôt renouvelé pour la troisième fois. La Colombie-Britannique adhérera au protocole à l'occasion du prochain renouvellement, et le Québec agit à titre d'observateur. Les groupes environnementaux participent aussi à l'initiative.

C'est dans ce cadre que nous examinons les résultats obtenus. Quand les gens aiment ce qu'ils voient, ils n'y trouvent généralement rien à redire. Lorsqu'il y a des poussées des émissions, on demande aux entreprises de les expliquer et de dire ce qu'elles comptent faire pour corriger la situation. Cela a permis de créer une dynamique propice à la réduction des émissions. C'est conforme à ce que nous voulons faire au chapitre de l'amélioration continue dans le cadre de Gestion responsable.

Le sénateur Cochrane : De combien d'entreprises est-il question?

M. Lloyd : Nous comptons actuellement 65 entreprises membres, et le nombre de membres se situe habituellement dans cette fourchette, entre 60 et 70.

Le sénateur Cochrane : Qu'est-ce qui les a motivés, ou qu'est-ce qui vous a tous motivés?

M. Lloyd : Cette initiative a commencé avant que je ne joigne les rangs de l'Association. Ce n'est qu'une hypothèse, mais je suppose que les membres de l'industrie des produits chimiques avaient l'impression de devoir faire bonne figure pour pouvoir continuer à fonctionner. On était préoccupé par la pollution, et par la réticence des collectivités à accueillir des usines de produits chimiques. Nous avions l'impression d'être perçus comme des gens secrets qui ne veulent rien révéler de leurs activités, et de devoir changer cela si nous voulions continuer à exercer nos activités. Grâce au travail novateur de pdg canadiens et du président de notre association à l'époque, M. John Bélanger, dont les efforts ont été salués par les Nations Unies, on a mis au point l'initiative Gestion responsable. Comme je l'ai déjà dit, l'initiative a fait son chemin, et a été adoptée dans plus de 50 pays. À l'occasion de récentes discussions internationales sur l'environnement, on a convenu de créer une approche stratégique de la gestion internationale des produits chimiques, ou SAICM. On a reconnu, dans le cadre de cette démarche, que Gestion responsable fait partie de la solution à cet égard, et qu'il faut encourager ce genre de chose.

Le président : Avant de passer à la prochaine question, monsieur Lloyd, pourriez-vous revenir au graphique que vous nous avez montré, qui concerne les émissions des organismes membres? S'agit-il des émissions de gaz à effet de serre, essentiellement, c'est-à-dire le dioxyde de carbone et les autres?

M. Lloyd : À vrai dire, pour ce qui est du graphique décrivant l'ensemble de nos émissions, c'est-à-dire la figure 1.1, nous avons omis d'indiquer les émissions de gaz à effet de serre, car elles sont sans commune mesure avec les autres; elles sont énormes, lorsqu'on les compare aux autres émissions. Ce graphique n'indique pas nos émissions de gaz à effet de serre.

Le président : De quels types d'émissions s'agit-il? Le graphique tient-il compte des effluents?

M. Lloyd : Oui. Nous assurons le suivi de nos émissions dans l'eau, qui ont essentiellement été éliminées, de nos émissions dans l'atmosphère, lesquelles constituent toujours notre principale source d'émissions, et de déchets et substances récupérables. Le graphique indique tout. Nous avons actuellement une liste d'environ 500 produits chimiques à l'égard desquels nos membres sont invités à rendre compte.

Le président : Les GES, donc, dans l'autre graphique, correspondent aux substances susceptibles d'influer sur le réchauffement de la planète. Comme vous l'avez dit, on les a éliminés du premier graphique sur les émissions et présentés dans le deuxième, c'est bien ça?

M. Lloyd : Oui, car ces gaz occuperaient la majeure partie du premier graphique. Je crois qu'il importe d'attirer votre attention sur le graphique relatif au potentiel de réchauffement planétaire. Vous constaterez une baisse considérable de la tendance, disons, entre 1996 et 1998-1999. Cela tient largement au fait qu'une société, DuPont, a mis au point une nouvelle méthode de fabrication du nylon. Il s'agit d'une percée technique que la société a appliquée à ses usines de nylon au Canada et partout dans le monde, et l'impact a été énorme. L'un des points soulevés par l'industrie à l'égard du changement climatique, c'est que ce sont les progrès technologiques qui nous feront aller de l'avant. Tout le monde aimerait bien savoir quand la prochaine percée aura lieu; les entreprises sont toujours à l'affût de ces choses. Parfois, on y arrive, parfois on échoue.

Mais lorsqu'on effectue une percée technologique, les retombées sont incroyables. Cette chute vertigineuse sur le graphique tient largement à l'exploit de DuPont.

Le sénateur Cochrane : Et qu'est-ce qui a causé cette chute au début des années 90? Je remarque une baisse importante à cette époque.

Le président : Le sénateur Cochrane parle des émissions, du premier graphique.

M. Lloyd : De mémoire, je crois qu'il y avait des émissions d'anhydride sulfureux ou d'émissions dans l'eau de quelques-unes de nos usines au Québec qui occasionnaient des problèmes, et ils ont trouvé une façon de se débrancher des canalisations d'eau. Le volume était considérable, et c'est ce qui explique cette baisse.

Le président : Le sénateur Spivak est aux prises avec un problème temporaire d'audition, de sorte qu'elle lit vos réponses sur son écran d'ordinateur. Il y a donc un léger décalage entre votre intervention et la sienne.

Le sénateur Spivak : La première chose que j'aimerais vous demander — il ne s'agit pas d'une question, en soi — c'est si vous pourriez nous fournir, par écrit, une description détaillée de la façon dont vous évaluez les produits avant leur mise en marché. Au fil des ans, on a décrit le processus. Le téflon et les produits ignifuges sont couramment utilisés depuis des années, et on commence tout juste à découvrir qu'ils sont toxiques.

Monsieur Lloyd, avez-vous dit que votre association ne compte que 65 entreprises membres? Combien de sociétés fabriquant des produits chimiques trouve-t-on au Canada?

M. Lloyd : Dans l'industrie des produits chimiques, nos membres comptent pour environ 90 p. 100 de la valeur des produits chimiques. Nous représentons la majeure partie de l'industrie des produits chimiques.

Le sénateur Spivak : Merci. J'aimerais revenir à la question touchant le terme « toxique ». Vous avez mentionné le litige avec Hydro-Québec. Vous savez probablement que la majorité des juges dans cette affaire étaient d'avis que le mot « toxique » était juridiquement essentiel. On s'est prononcé sur la compétence fédérale. C'était une décision finale de la part de la majorité. Premièrement, quelle est votre opinion à l'égard de cette décision?

Deuxièmement, vous parlez de la stigmatisation découlant de l'expression « toxique en vertu de la LCPE », mais tout le monde au Canada utilise des produits chimiques et comprend que nombre d'entre eux sont des poisons et doivent être utilisés d'une certaine façon.

Vous dites que certaines entreprises refusent d'acheter des produits portant l'étiquette « toxique en vertu de la LCPE ». Pourriez-vous nous nommer quelques-unes de ces entreprises?

M. Lloyd : Je donnerai le coup d'envoi, et, ensuite, Mme Coombs voudra peut-être prendre le relais.

En ce qui concerne la décision relative à Hydro-Québec, je ne suis pas certain d'être d'accord avec votre conclusion selon laquelle l'utilisation du terme « toxique » a joué un rôle déterminant dans la décision rendue par le tribunal. Quoi qu'il en soit, ce n'est pas mon opinion qui devrait vous intéresser : je crois que vous devriez vous intéresser à l'opinion des avocats du gouvernement fédéral.

Comme nous l'avons déclaré dans notre mémoire, nous estimons qu'il est absolument essentiel que le gouvernement fédéral ne perde pas sa compétence en la matière. Nous avons été rassurés par la dernière analyse juridique effectuée par le gouvernement fédéral à cet égard : on ne s'attendait pas à ce qu'il y ait des problèmes. Toutefois, je crois que c'est une question que vous devriez adresser aux représentants du gouvernement fédéral, et déterminer si vous êtes convaincue par leurs arguments.

Je reviens à l'anecdote que j'ai mentionnée tout à l'heure, quand, à l'occasion d'une conférence sur la LCPE, un certain nombre de personnes présentes ont qualifié l'annexe 1 de liste des substances interdites. Elles ont dit : « Nous ne voulons pas acheter ces produits. » Eh bien, il ne s'agit pas d'une liste de substances interdites. C'est une liste de substances à l'égard desquelles le gouvernement a déterminé que des mesures de gestion et de réglementation s'imposent.

Il arrive parfois que ces mesures de gestion supposent une interdiction, mais il y a un vaste éventail d'options en matière de gestion des risques. Pour les cas extrêmes, l'association courante entre la notion d'interdiction et le mot « toxique » est probablement appropriée. Cependant, de nombreuses substances ne font pas l'objet d'une interdiction; elles font l'objet de mesures de contrôle. Nous croyons qu'il serait indiqué d'utiliser une terminologie qui n'occasionnerait pas une telle confusion.

Le sénateur Spivak : Oui, je vois ce que vous voulez dire. Mais j'ai du mal à croire que des cadres supérieurs d'entreprises, des gens d'affaires qui en ont vu d'autres, seraient incapables de faire la différence entre des POP et des substances qui doivent être contrôlées. Je suis certaine que ces gens sont capables de faire la part des choses. Nous devons établir l'équilibre.

Vous avancez que nous devrions éliminer le mot « toxique » et que cela n'influerait aucunement sur la compétence du gouvernement fédéral, malgré la décision de la Cour suprême. Est-ce que je décris bien votre position?

M. Lloyd : La position de l'ACFPC, c'est que vous devriez vous assurer que cela n'influerait pas sur la compétence du gouvernement fédéral. Nous avons tiré cette conclusion parce que les avocats du gouvernement fédéral ont tiré cette conclusion. Il n'est probablement pas aussi facile pour nous d'interroger les avocats du gouvernement fédéral que ça l'est pour vous. C'est un aspect que vous devrez confirmer, d'une façon ou d'une autre.

Si cela ne fait pas obstacle à la modification proposée, alors nous croyons qu'il serait raisonnable d'apporter cette modification. Tout comme vous, je suis resté perplexe devant le malentendu occasionné chez ces gens. Mais ça s'est produit. J'ai remarqué ce phénomène à l'occasion d'un certain nombre de colloques, à ma grande surprise. Je ne croyais pas qu'il y aurait un problème, mais il y en a un.

Le président : Pourriez-vous nous fournir des exemples précis d'entreprises qui refusent d'acheter de l'ammoniac sous prétexte que cette substance figure dans la Liste des substances toxiques?

Le sénateur Spivak : J'achète de l'ammoniac tous les jours. Je comprends comment on doit l'utiliser.

Mme Coombs : Je ne veux pas qu'il y ait de malentendu ici : ce ne sont pas les entreprises qui achètent les produits chimiques. Il s'agit de gens qui n'évoluent pas dans notre milieu, où la LCPE est une préoccupation quotidienne. Par exemple, l'une des lignes directrices en matière d'approvisionnement énoncées par la Colombie-Britannique interdisait l'achat de produits contenant des substances inscrites à l'annexe 1. Cette directive ne précisait pas quelles substances; on se contentait d'interdire l'achat de tout produit contenant des substances inscrites à l'annexe 1. C'est plutôt clair.

Le président : Le gouvernement de la Colombie-Britannique a dit cela?

Mme Coombs : Je ne suis pas certaine des détails, mais je vous ferai parvenir de l'information à ce sujet.

Le sénateur Spivak : Pourrions-nous avoir une copie de cette décision?

Mme Coombs : Certainement.

Le sénateur Spivak : Ce serait important. Je récapitule : vous estimez que nous ne devrions pas nous pencher sur la décision de la Cour suprême sans prendre connaissance des arguments des avocats du gouvernement fédéral. C'est bien ça? D'accord, je comprends.

La deuxième question que je veux vous poser concerne la quasi-élimination. Je crois comprendre que, parmi les POP, il y a 12 — les 12 salopards...

Le président : Je sais qu'on a déjà mentionné cela auparavant, mais pourriez-vous expliquer l'acronyme POP pour les gens qui nous regardent?

Le sénateur Spivak : Je crois que POP désigne les polluants organiques persistants. Je crois savoir qu'aucune de ces substances n'a encore été interdite au Canada. C'est bien ça?

M. Lloyd : Je ne crois pas que ce soit le cas. Je crois qu'un certain nombre de ces 12 substances sont des pesticides. Je ne suis pas certain s'il s'agit de sept ou de huit substances, mais c'est quelque chose comme ça. Je crois qu'elles font l'objet de mesures prises en vertu de la loi qui régit l'utilisation de pesticides au Canada. Notre association ne se préoccupe pas des enjeux liés aux pesticides, alors je ne peux avancer de chiffres avec certitude. Je peux néanmoins vous confirmer qu'ils ont fait l'objet de mesures en vertu de cette loi.

Les substances qui sont probablement plus pertinentes sont les trois qui sont visées par ce qu'on appelle la Convention de Stockholm. Vous devrez demander à Environnement Canada pourquoi elles ne figurent pas sur la liste de QE. On a proposé d'inscrire l'une d'elles sur la liste de QE, et les deux autres — les dioxines et les furans — ont déjà fait l'objet de mesures.

Ce n'est certainement pas parce que l'industrie a fait du lobbying pour éviter qu'on les inscrive sur la liste. J'ai participé, à titre de représentant de l'industrie, aux discussions mondiales sur le développement. L'industrie a convenu que ces substances devraient être visées par la convention relative aux POP. Nous ne trouvions rien à redire à cela.

Le président : Avant que vous ne poursuiviez, sénateur Spivak, Mme Coombs aimerait ajouter un élément de réponse à votre question précédente.

Mme Coombs : Concernant votre question sur les gens chez qui règne la confusion.

L'un des défis que nous devons relever concerne la vente aux détaillants. Par exemple, l'article 71 de la LCPE exige qu'on procède à la collecte de données. Santé Canada diffusera ces renseignements et, bien souvent, les acheminera aux détaillants. Les représentants du ministère vont téléphoner aux entreprises membres de mon association et leur diront : « Est-ce que vos produits contiennent certaines des substances suivantes, à l'égard desquelles le gouvernement demande davantage d'information? Si oui, enlevez-les de nos rayons. » C'est le genre de malentendu que cela occasionne.

Le sénateur Spivak : Nous aimerions seulement entendre des exemples spécifiques. C'est important.

J'ai une question au sujet des produits ignifuges et de la quasi-élimination. Comme vous le savez, on a démontré qu'il ne suffirait que d'une partie par billion pour causer des dommages, des dysfonctions sexuelles, à un stade particulier du développement d'un animal ou d'un être humain. J'aimerais entendre votre point de vue à ce sujet.

Fait plus important encore, je tiens à vous féliciter des réductions que vous avez réalisées au chapitre des émissions de gaz à effet de serre. Pourquoi le Canada dépasse-t-il encore de 30 p. 100 sa cible relative aux émissions de gaz à effet de serre quand vous faites un si merveilleux travail?

M. Lloyd : D'autres n'ont pas fait le même travail que nous. Peut-être que Mme Coulas pourrait vous donner le point de vue du secteur de la fabrication. Dans l'ensemble, ce secteur s'est bien tiré d'affaire au chapitre de la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Mais notre secteur en a probablement fait davantage que les autres.

Mme Coulas : Les manufacturiers ont commencé à réduire leurs émissions avant 1990, et nombre des efforts en ce sens ont été déployés entre 1990 et 2000. Ils continuent de réduire leurs émissions, car ils savent que la réduction de l'argent affecté à la consommation d'énergie leur procure un avantage concurrentiel. C'était le premier facteur incitatif, et maintenant ils croient que c'est la bonne chose à faire. Ils en sont à une étape plus difficile, car ils ont déjà bénéficié de nombreuses percées technologiques, et c'est par le progrès technologique que passeront les prochaines réductions. Comme l'a souligné M. Lloyd tout à l'heure, une telle chose est difficile et imprévisible.

Le sénateur Spivak : J'ai une petite question concernant la façon dont DuPont a changé ses méthodes de fabrication du nylon. Est-ce que cela lui a permis de réaliser des économies? Certaines sociétés, comme Kodak, ont changé leurs méthodes et fait des économies monstres.

M. Lloyd : Ils ont gagné sur tous les tableaux. Les sociétés tireront parti de ces choses lorsqu'elles pourront, mais le problème, c'est que cela ne vient pas tout seul. Cela suppose énormément de travaux de R-D. Ils ont probablement essayé dix autres méthodes qui n'ont rien donné. Néanmoins, les percées technologiques sont absolument cruciales, et ont un impact énorme.

Le sénateur Cochrane : Ils ont aussi réalisé des économies.

M. Lloyd : Oui.

M. Maynard : Il est clair que dans l'industrie des hydrocarbures, dans l'ensemble, les émissions accusent une hausse considérable. On ne saurait nier que, malgré les progrès réalisés au chapitre de l'intensité des émissions, la croissance de l'industrie des hydrocarbures, la hausse considérable de la production au cours des 15 à 20 dernières années, et le fait que le genre de pétrole et de gaz que nous produisons ainsi que l'endroit où nous les produisons exige une consommation d'énergie beaucoup plus élevée ont eu un effet. Je n'essaie pas de m'esquiver, et je suppose que je vous dis cela pour la forme, car les émissions englobent non seulement l'industrie des hydrocarbures, mais aussi le transport et la quantité d'énergie que nous consommons, et cetera.

Le sénateur Spivak : Pourriez-vous nous expliquer ce que vous entendez par intensité?

M. Maynard : Par exemple, dans le cadre de nos activités classiques d'exploitation des ressources en pétrole et en gaz, c'est-à-dire la production pétrolière autre que celle liée aux sables bitumineux, l'intensité par baril de production de nos émissions est réduite. C'est l'un des principes que nous appliquons à l'égard de toute politique relative au changement climatique, car l'imposition d'une limite globale sur l'industrie limiterait sa croissance. Puisque l'industrie des hydrocarbures connaît une période de croissance considérable, on s'attend à ce que ses émissions augmentent de pair avec l'activité économique. Nous envisageons nos améliorations sous l'angle de l'intensité des émissions, et nous croyons que toute politique relative au changement climatique devrait mettre l'accent sur l'intensité des émissions, de façon à ne pas étouffer la croissance économique.

Le sénateur Spivak : En quoi est-ce utile de changer les calculs pour compenser l'augmentation des émissions? Cela ne change rien au problème du changement climatique.

M. Maynard : Je tiens à corriger cette idée fausse, car cela change certainement quelque chose. Le monde entier réclame une production accrue de pétrole et de gaz. Nous affichons des niveaux de production record et des prix record. C'est en réaction à un niveau de demande sans précédent. Si le Canada adoptait une politique selon laquelle l'industrie des hydrocarbures doit réduire ses émissions, en fonction non pas de la production par baril, mais bien de façon globale, nous ne produirions pas le pétrole et le gaz ici, et nous irions dans un autre pays qui n'est pas doté d'une politique comparable en ce qui concerne la production pétrolière et gazière.

Le monde a toujours besoin de notre produit, et il en aura besoin pendant encore 50 ans. Pourquoi pénaliser l'activité économique au Canada?

Le sénateur Spivak : Monsieur Maynard, je comprends ce problème. Nous nous sommes penchés sur l'industrie des hydrocarbures, et je suis au courant de la situation. Le Canada tire profit de l'exportation de produits pétroliers. Je vous demande ce que cela change au chapitre du changement climatique. Les émissions augmentent, et ce, quelle que soit la méthode de calcul. Si vous changez la méthode de calcul, cela ne va pas changer la quantité d'émissions dans l'air. Je comprends tout à fait les difficultés que cela occasionne pour l'industrie des hydrocarbures, et je ne veux pas laisser entendre que nous devrions restreindre l'industrie à ce stade-ci, car ce serait impossible.

M. Maynard : Ce que je veux dire, au bout du compte, c'est que l'utilisation finale de notre produit constitue la plus grande source d'émissions dans la mesure où notre produit est produit ou consommé quelque part dans le monde. Quand je parle de l'intensité de nos émissions, c'est parce que, pour produire un baril, nous devons améliorer notre rendement énergétique et réduire les émissions liées à cette production. Toutefois, c'est ce qui sort du tuyau d'échappement de nos automobiles qui génère de plus grandes quantités d'émissions.

Le sénateur Spivak : Je comprends.

Le président : J'aimerais demander à M. Lloyd si les graphiques fournis pourraient également être décrits comme des graphiques fondés sur l'intensité des émissions. Ai-je raison de penser cela? Le graphique affiche les émissions non pas dans leur ensemble, mais sous forme de proportion des émissions par unité de produit.

M. Lloyd : Les graphiques fournissent l'information des deux façons. Les barres verticales correspondent aux émissions réelles, et les autres lignes, à l'intensité des émissions.

Le président : Elles décrivent une trajectoire similaire. Cela signifie que votre production n'augmente pas beaucoup, malheureusement.

M. Lloyd : Nous ne connaissons pas une croissance de production comparable à celle de l'industrie pétrolière; si seulement c'était le cas. Nous sommes également en faveur d'une approche fondée sur l'intensité. Si nous devons bâtir une nouvelle usine de fabrication de produits chimiques, nous préférons l'établir au Canada, de la façon la plus efficiente possible, plutôt qu'ailleurs. La seule façon de favoriser une telle chose, dans un contexte de gestion du changement climatique, c'est de mettre l'accent sur l'intensité. Cette chute vertigineuse de nos émissions potentielles absolues relatives au changement climatique, au réchauffement de la planète, tient aux progrès réalisés par DuPont. Il y aura peut-être une autre percée du genre qui occasionnera une baisse importante. Toutefois, nous ne prendrons connaissance de cette percée que lorsqu'elle sera sur le point d'avoir lieu. Par conséquent, il est important de miser sur une approche fondée sur l'intensité. Nous avons tenté de décrire les émissions selon les deux points de vue, dans la mesure où nous avons fait cela pour l'ensemble de nos émissions et pour les gaz à effet de serre.

Le président : Merci.

Le sénateur Adams : Ma question sera peut-être un peu différente de celles que vous ont posées les autres sénateurs. Votre industrie n'est peut-être pas responsable du changement climatique. Pourriez-vous nous parler des produits chimiques mis en cause lorsqu'il est question de réchauffement de la planète? Nous vivons dans l'Arctique et nous avons remarqué de nombreux changements au cours des dernières années, comme des augmentations de la température et la migration d'animaux vers le Nord. Je sais que cela vous préoccupe. J'ai entendu Mme Coulas parler de la politique relative au réchauffement de la planète, mais on devrait établir une politique différente.

Dites-vous que cela est imputable aux fabricants de produits chimiques? Je me demande s'il manque quelque chose ou s'il s'agit de la même politique. Peut-être que les gens de l'Arctique réagissent un peu plus rapidement lorsqu'il est question de changement climatique et de réchauffement de la planète, surtout depuis quelques années. Il y a environ une semaine, des gens se sont noyés à Coppermine.

Les aînés tentent d'apprendre à leur famille à vivre avec le danger, avec l'eau et la terre. Maintenant, nous ne savons plus quoi faire, car les choses sont si différentes, en raison du changement climatique, en ce qui concerne la glace dans l'océan et sur les lacs. Nous ne savons plus quoi faire. J'étais là, il y a une semaine et demie. À cette période de l'année, je n'avais jamais vu d'eau libre auparavant. Je me suis retrouvé tout près d'une zone d'eau libre en faisant de la motoneige dans la Baie d'Hudson. J'étais préoccupé par un changement éventuel des politiques d'Environnement Canada.

Mme Coulas : Nous sommes certainement en faveur de la réduction des émissions de gaz à effet de serre; il n'y a aucun doute là-dessus, mais nous nous opposons à ce que de telles mesures soient prises sous le régime de la LCPE. Je ne devrais pas m'avancer à dire que nous nous opposons à cela : nous croyons qu'il faudrait effectuer des recherches supplémentaires afin de déterminer comment cela pourrait s'inscrire dans la LCPE, mais nous savons que la question du changement climatique a également une incidence économique, que cela soulève des enjeux qui échappent à la portée de la LCPE. Nous estimons qu'il devrait y avoir un autre mécanisme pour composer avec le changement climatique. La LCPE n'est pas le bon mécanisme.

M. Maynard : Sénateur Adams, l'industrie pétrolière estime également que nous devons tout d'abord déterminer ce que la politique devrait régir, et ensuite décider des mécanismes législatifs utilisés. La politique a peut-être sa place au sein de la LCPE, peut-être pas, mais il importe de ne pas mettre la charrue avant les bœufs. Attachons-nous d'abord à déterminer ce que la politique devrait faire.

Le sénateur Adams : Est-ce que la politique du gouvernement est la même, à l'heure actuelle, en ce qui concerne la réglementation de produits chimiques?

M. Maynard : Nous sommes d'avis que l'accent a trop été mis jusqu'à maintenant sur des cibles qu'on ne peut atteindre uniquement par le truchement de mesures nationales, en nous efforçant de ramener le Canada à 6 p. 100 sous les niveaux de 1990. On s'attache trop aux cibles et trop peu aux principaux enjeux stratégiques et aux moyens d'améliorer notre dossier. Malheureusement, c'est un débat qui dure depuis un bon bout de temps. Nous devons maintenant composer avec un nouveau gouvernement. Nous aimerions être fixés au plus vite. Nous aimerions une politique claire au plus tôt, mais il faut bien reconnaître que l'enjeu est assez complexe. On ne saurait nier que, de fait, le gouvernement a besoin d'un certain temps pour comprendre et saisir toute la complexité du défi que nous devons relever.

Le sénateur Adams : Vous avez comparu devant le comité de la Chambre des communes. Vous a-t-on dit autre chose d'intéressant là-bas? Lorsqu'une politique est modifiée, c'est généralement non pas par le Sénat, mais plutôt par la Chambre des communes. Quelle a été votre réaction là-bas?

M. Maynard : Personne n'a ouvert son jeu jusqu'à maintenant : nous ne savons pas encore à quoi ressemblera la politique. Nous avons collaboré avec le gouvernement, en lui présentant notre point de vue, certes, mais nous ne savons pas à quoi nous en tenir pour l'instant au sujet de la politique.

Le sénateur Sibbeston : Ma question s'adresse principalement à M. Maynard, qui représente les producteurs de pétrole et de gaz. Nous, les gens du Nord, sommes préoccupés par le réchauffement de la planète lorsqu'on pense à notre environnement intact, tout de glace et de blancheur. Nous ressentons les effets du réchauffement de la planète, qui vient essentiellement, je crois, du Sud. Comme le sénateur Adams l'a indiqué, nous voyons déjà des signes de ce réchauffement : les toxines provenant du centre du Canada se déplacent vers le Nord et empoisonnent le lichen, les animaux et les gens. Nous, les gens du Nord, nous demandons souvent s'il y a effectivement un réchauffement de la planète. Nous en sommes venus à la conclusion que c'est bel et bien le cas; en effet, nous avons remarqué une différence au fil des ans. Il y a quelques étés, le fait qu'une petite communauté inuite ait vu un bourdon et un merle pour la première fois en Arctique a défrayé la manchette au Canada. En outre, les hivers semblent de plus en plus doux. Nous avons de la difficulté à trouver des routes praticables l'hiver pour transporter le matériel jusqu'aux mines de diamant au nord de Yellowknife. L'industrie pétrolière et gazière commence tout juste à s'installer dans le Nord. On fait beaucoup de prospection depuis quelques années, et on envisage de construire un gazoduc dans la vallée du Mackenzie.

Notre technologie a-t-elle tellement évolué au cours des dix dernières années que l'industrie pétrolière et gazière pourra s'installer sans problème dans le Nord, compte tenu de l'environnement beaucoup plus fragile de cette région? Il y a le pergélisol et d'autres caractéristiques géologiques particulières. Croyez-vous vraiment que l'industrie pétrolière et gazière a suffisamment évolué pour bien faire son travail dans le Nord, sans nuire à l'environnement? Peut-on donner ce genre de garantie aux gens du Nord? De toute évidence, le temps est venu de se poser ces questions.

M. Maynard : Sénateur, pour ma part, je crois que l'industrie est tout à fait en mesure d'exploiter des ressources dans des environnements fragiles partout dans le monde. Je suis originaire de Terre-Neuve, et je me rappelle les discussions et le débat que la production de pétrole et de gaz a suscités, à une époque où l'industrie de la pêche était florissante. Nous avons pu adopter et adapter des technologies permettant de protéger l'environnement et les travailleurs. C'est un environnement assez rigoureux, à 250 milles de la côte, au beau milieu de l'Atlantique. J'ai navigué sur cet océan au moment où les vagues pouvaient atteindre de 50 à 60 pieds de hauteur. Nous exploitons des ressources un peu partout dans le monde, dans des environnements nordiques. Nous avons appris beaucoup au sujet de l'exploitation dans ce genre d'environnement. Vous êtes probablement au courant de certaines des activités de Devon, par exemple, qui, cette année, a foré un puits de façon tout à fait sécuritaire, en réduisant au minimum les répercussions sur l'environnement. Certes, nous ne pouvons éliminer complètement les répercussions sur l'environnement, mais nous arrivons maintenant très bien à répondre aux préoccupations des intervenants, à limiter les répercussions sur l'environnement, à protéger la santé des gens et à travailler de façon sécuritaire, alors je crois que nous sommes une industrie responsable.

M. Lloyd a parlé de la Gestion responsable. Nous avons une initiative semblable, que nous appelons notre initiative d'intendance, en vertu de laquelle nos membres se sont engagés à nous aider à améliorer continuellement notre rendement. Vous avez parlé du rôle de la technologie. On doit absolument en tenir compte, tout comme de l'importance de collaborer avec les gens qui connaissent le mieux l'environnement. Bon nombre de nos entreprises membres y veillent.

Les avantages que procure notre industrie compensent de loin les répercussions minimales de nos activités sur l'environnement.

Voilà pour ma réponse longue. Bref, je dirais que, oui, nous pouvons le faire, et nous pouvons le faire de façon responsable. Nous voulons et nous pouvons le faire de façon responsable.

Le sénateur Kenny : Ça me rappelle le jour où un représentant de Petro-Canada s'est adressé à nous au sujet de Hibernia. Il s'agissait de M. Hopper; selon lui, s'il y avait une éruption dans ce champ pétrolier, la plupart des effets se seraient dissipés avant que l'Irlande ne soit touchée.

M. Maynard : Je me souviens bien de M. Hopper. J'étais beaucoup plus jeune à l'époque, sénateur Kenny.

Le président : Ça ne fait pas si longtemps que ça.

Le sénateur Kenny : On est confronté à toutes sortes de problèmes importants lorsqu'il faut procéder à des activités de forage dans la mer de Beaufort. C'est un océan peu profond, parsemé d'icebergs, de sorte que le risque qu'un bloc obturateur de puits soit renversé est assez grand. Personne n'a la technologie nécessaire pour faire face au problème d'avoir à nettoyer les lieux d'un déversement de pétrole. Il se forme alors des gouttelettes de pétrole impossibles à contenir.

Pendant une période de réchauffement, effectuer tous les calculs pour le forage d'un puits de décompression peut se révéler une tâche assez complexe. Il est alors très difficile de faire venir un navire de forage ou d'être certain que la glace sera assez solide pour y établir temporairement les installations nécessaires à la construction d'un puits de décompression.

À la lumière de cela, pourriez-vous répondre plus précisément à la question du sénateur Sibbeston?

M. Maynard : L'industrie est bien réglementée. Nous tenons actuellement des discussions avec les organismes de réglementation au sujet des puits de décompression aménagés pendant la même saison. Les mécanismes de protection comportent des éléments de redondance. Je ne ferai pas de déclarations gratuites comme celles de M. Hopper, en vous disant par exemple que vous n'avez pas du tout à vous inquiéter à ce sujet. On ne saurait nier que le problème est bel et bien présent.

L'industrie a fait d'importants progrès à cet égard depuis quelques années. Nous avons exploité des ressources dans d'autres pays, à peu près partout dans le monde, dans des environnements nordiques aux conditions semblables. Nous tirons parti au mieux de cette expérience. Loin de moi l'intention de vous convaincre que nous pouvons ramener le risque à zéro, mais nous en tenons bien compte.

Je le répète, toutes nos procédures d'exploitation comportent des éléments de redondance et de chevauchement ainsi que des mécanismes de protection, sans compter que notre industrie est bien intentionnée, bien établie et bien réglementée. Un organisme de réglementation surveille nos activités. Nous devons effectuer beaucoup d'essais et fournir beaucoup d'éléments de preuve montrant que nous respectons l'environnement et l'exploitons de manière sécuritaire.

Le sénateur Kenny : La mer de Beaufort se caractérise entre autres par un plancher océanique peu profond, et nous savons tous que des icebergs raclent ce plancher. Votre seul moyen de protection dans ce cas, c'est un puits de décompression. Comment faites-vous pour protéger ce puits?

M. Maynard : Pendant le forage, nous utilisons des caissons d'acier comme moyen de protection jusqu'au fond de l'eau. C'est le genre de mesures que nous prenons.

Je dois vous dire que nous devons composer également avec l'érosion par la glace sur les Grands Bancs de Terre- Neuve-et-Labrador, ce qui ne nous empêche nullement de forer. Notre équipement est placé sous l'eau. Nous excavons des cônes de forage afin d'éviter que l'érosion causée par les icebergs n'endommage l'équipement, en plus de prévoir des éléments de redondance sous le puits de décompression.

Le sénateur Kenny : Vous n'avez pas besoin de cônes de forage si vous utilisez des caissons d'acier pour forer.

M. Maynard : Nous pouvons employer différentes technologies pour offrir le même niveau de protection nécessaire.

Le sénateur Kenny : Qu'y a-t-il en dessous d'un puits de décompression?

M. Maynard : On peut creuser des puits en dessous du bloc obturateur de puits. Je ne suis pas technicien, mais je peux vous expliquer ce que je sais.

Je crois savoir qu'on peut se rendre en dessous du bloc obturateur de puits avec l'équipement de production. Aujourd'hui, nous pouvons faire beaucoup de choses que nous ne pouvions pas faire auparavant à l'intérieur des puits.

Le sénateur Spivak : Je me fais l'avocat du diable. Est-ce que vous croyez qu'il ne faudrait pas forer à certains endroits?

M. Maynard : Certainement.

Le sénateur Spivak : Je fais allusion à la Réserve faunique nationale de l'Arctique, par exemple. Je crois savoir qu'il y a beaucoup de gaz là-bas. Devrait-on se concentrer sur le gaz et oublier la mer de Beaufort ou la Réserve faunique nationale de l'Arctique? Je crois savoir que le versant Nord de l'Alaska foisonne de projets de forage.

Le président : Je crois que cette question n'est pas du ressort de M. Maynard, n'est-ce pas, monsieur Maynard?

M. Maynard : Je peux répondre à l'aspect fondamental de la question. Nous sommes pleinement conscients du fait qu'il faut laisser tomber certains secteurs pour des raisons liées à la protection du patrimoine culturel, historique et environnemental. Notre industrie ne dit nullement que nous voulons forer le moindre pouce carré du pays. Nous comprenons bien qu'il faut tenir compte d'autres valeurs.

Nous demandons qu'il soit clair et certain que, avant de décider qu'une région ne peut être exploitée, on procède à une évaluation assez rigoureuse des éléments à protéger et des autres utilisations qu'on pourrait faire du terrain.

Nous demandons des politiques raisonnables sur l'utilisation des terrains, dans lesquelles on précise clairement qu'une région donnée a une importance culturelle, ou qu'une autre est l'habitat de certaines espèces d'animaux ou de plantes; nous saurions alors que nous ne devons pas forer ou produire du pétrole et du gaz dans cette région. Cela s'applique à la Réserve faunique nationale de l'Arctique et à tout autre endroit du genre.

Tout ce que nous demandons, c'est qu'on tienne compte de l'importance culturelle, historique et environnementale d'un site et qu'on prenne des décisions éclairées, à la lumière de ces données. L'industrie est tout à fait disposée à collaborer avec tous les intervenants à ce chapitre et à respecter les décisions.

Le sénateur Sibbeston : On a beaucoup discuté également du Nord. On commence tout juste à tenir des audiences devant l'Office national de l'énergie et les comités d'examen conjoint s'occupant du dossier relatif aux pipelines dans le Nord. Ce processus est en cours. Les gens du Nord pourront utiliser ce processus pour s'assurer que les activités des entreprises pétrolières et gazières n'auront pas d'effets néfastes sur l'environnement.

J'estime que c'est là qu'on pourra répondre à ces questions. Je voulais juste vous décontenancer.

M. Maynard : Est-ce que je m'en suis bien tiré?

Le sénateur Sibbeston : Oui, admirablement bien.

Le sénateur Adams : J'ai siégé au conseil d'administration de Pan-Arctic pendant quelques années. De nos jours, avec les prix du gaz naturel qui ne cessent de grimper, les entreprises sont particulièrement intéressées aux explorations futures dans le Grand Nord. Je ne sais pas combien de pieds cubes ont été réservés là-bas depuis les années 80.

Je me rappelle qu'on avait montré aux membres du comité que l'un des manomètres indiquait une pression supérieure à 2 000 livres. Lorsqu'on a allumé le gaz, la flamme a monté jusqu'à plus de 200 pieds dans les airs.

Les habitants de l'Arctique ont dû acheter leur gaz naturel du Sud. Nous n'avions rien dans le Grand Nord. Tout le monde en a souffert.

En ce qui a trait au pipeline du Mackenzie, est-ce que les entreprises pourront se connecter à l'avenir à un réseau de pipelines allant jusque dans le Grand Nord?

M. Maynard : Compte tenu de la demande en gaz naturel, lequel est considéré comme un combustible brûlant pour ainsi dire sans résidu dans le contexte environnemental d'aujourd'hui, notre industrie s'emploie à rendre ces trois sources rentables et efficientes, à créer de la valeur à l'égard de droits d'actifs autrement délaissés. Comme vous l'avez dit, sans un pipeline dans cette région, sans la capacité d'expédition et sans un marché local important, rien ne justifie pour l'instant l'exploitation de la région du point de vue économique. Toutefois, la technologie est en constante évolution. La demande en gaz naturel est de plus en plus forte. Par conséquent, je crois fermement que, si nous ne trouvons pas d'autres combustibles ni d'autres sources d'énergie, les ressources seront exploitées, et plus tôt que prévu.

Le président : Je demanderai à chacun d'entre vous de répondre à ma prochaine question, qui, au bout du compte, est davantage une entrée en la matière.

M. Lloyd nous a fourni un exemplaire du mémoire qu'il a présenté au comité de la Chambre des communes. Si je comprends bien, dans votre mémoire, monsieur Lloyd, vous avancez qu'on pourrait probablement régler efficacement les questions liées au changement climatique en vertu de la LCPE, que nous n'avons donc pas besoin d'une nouvelle loi pour cela, et que nous n'avons tout simplement qu'à remanier la loi actuelle pour la rendre plus efficace. C'est ce que je crois comprendre.

Vous dites notamment que la souplesse des exigences de planification de la prévention de la pollution, telles que décrites dans la LCPE, se prête à la collaboration entre les gouvernements fédéral et provinciaux — et c'est justement à ce sujet que j'aimerais recevoir vos commentaires —, à la mise en place d'objectifs, et au fait de laisser le secteur privé calculer comment il les atteindra.

Cela semble raisonnable à première vue, mais le comité a publié un certain nombre de rapports sur des situations analogues. Dans ces rapports, nous avons conclu que le fait de fixer des objectifs ne relevant d'aucun impératif, comme une date objective précise, ne donne pas de bons résultats avec l'industrie, ni avec le gouvernement d'ailleurs ou avec les consommateurs.

Pourriez-vous nous fournir des précisions à ce sujet? Supposons que le gouvernement actuel ou un gouvernement futur établisse un objectif et vous dise : voici ce que, après consultation, nous aimerions que vous fassiez, et que ce soit un objectif raisonnable et réalisable. À votre avis, est-ce qu'il devrait y avoir des conséquences si vous n'avez pas atteint cet objectif? Devriez-vous savoir que vous risquez de faire l'objet de sanctions ou de vous faire taper sur les doigts d'une façon ou d'une autre si vous n'y arrivez pas? Ou bien, devrions-nous tout simplement baisser les bras?

Je demanderais à M. Lloyd de répondre en premier et de me dire si j'ai mal interprété ce qu'il disait dans son mémoire.

M. Lloyd : Non, mais je voudrais seulement clarifier un point.

Dans notre mémoire, nous avons indiqué que nous pourrions soutenir soit une loi sur l'assainissement de l'air, soit l'utilisation de certaines parties de la LCPE, à part celles de la partie V, laquelle porte sur les produits toxiques et ne devrait pas, selon toute logique, s'appliquer à ce genre de question. À notre avis, il serait plus logique d'utiliser les dispositions sur la pollution atmosphérique internationale, en les modifiant peut-être, dans le cadre de la LCPE.

Nous sommes indécis quant à l'approche à utiliser, mais nous voulons nous assurer que, si on utilise une loi sur l'assainissement de l'air, on fera également quelque chose au sujet des dispositions de la LCPE qui, à notre avis, devraient également porter, selon toute logique, sur l'assainissement de l'air, comme les dispositions sur la pollution atmosphérique internationale. Peut-être faudrait-il plutôt les intégrer à une loi sur l'assainissement de l'air, je ne sais pas. Toutefois, nous ne comprenons pas la logique qui consisterait à faire en sorte que la LCPE et une autre loi traitent toutes deux de la même question, puisque, selon toute évidence, elles seront utilisées toutes les deux par différents gouvernements, qui finiront par se marcher sur les pieds. Même si nous sommes indécis quant à l'outil qu'il faudrait choisir, nous voudrions nous assurer que, si ce n'est pas la LCPE, on tiendra compte des points que je viens d'aborder.

Nous croyons, de fait, que le genre de dispositions dont vous parlez, celles dont il est question dans le mémoire, en ce qui concerne la planification de la prévention de la pollution entre autres, représentent de bonnes approches pouvant se fonder sur ce qu'offre déjà la LCPE. On les retrouve dans les dispositions sur la pollution atmosphérique internationale. En fait, toutes les dispositions sur les produits toxiques de la partie V de la LCPE seraient également incluses dans les dispositions sur la pollution atmosphérique internationale; par ailleurs, elles exigeraient une plus grande coopération avec les provinces, ce que nous voyons comme un avantage. Comme c'est le cas pour la plupart des questions liées à l'assainissement de l'air, les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux doivent traiter cette question en partenariat. Si on décide d'utiliser une loi sur l'assainissement de l'air, il faudrait envisager le recours à d'autres genres d'outils.

Vous avez demandé si, après avoir établi ces objectifs pour l'industrie, on devrait prévoir quelque chose comme ce qu'on désigne par un système de renforts, au cas où l'industrie n'arriverait pas à atteindre les objectifs; ma réponse est oui, on devrait le faire. Je ne crois pas qu'on devrait activer automatiquement ce système de renforts, sans analyser la situation. Peut-être y a-t-il une raison pour laquelle l'industrie n'a pas atteint les objectifs. Par exemple, nos prévisions relatives à l'émission des gaz à effet de serre sont fondées sur certaines suppositions en ce qui a trait aux capacités d'exploitation de nos usines. Tout dépend du genre de charge d'alimentation que nous pouvons obtenir, par exemple, de l'industrie pétrolière, selon les conditions du marché et bien d'autres facteurs. Nos usines ne sont bien exploitées qu'à leur capacité maximale.

Si quelque chose les empêche de fonctionner à pleine capacité, vous avez établi des objectifs que nous avons accepté de respecter en vertu d'un plan de prévention de la pollution; or, nous ne pouvons les atteindre parce que le marché s'est écroulé et que les usines ne fonctionnent qu'à 50 p. 100 de leur capacité, au lieu de 80, 90 voire 100 p. 100, alors nous estimons qu'il faudrait discuter de ce qui arrive après. Je crois que vous avez parlé d'appliquer automatiquement une sanction.

Je suis d'accord avec vous, compte tenu des réserves émises et des limites imposées. À mon avis, des programmes comme Gestion responsable — et comme l'a dit M. Maynard, d'autres industries ont décidé d'adopter des approches semblables — montrent que l'industrie peut aller de l'avant lorsqu'elle convient d'un objectif et arriver à l'atteindre. Le public aurait beaucoup plus confiance en ces programmes si le gouvernement maintenait un mécanisme de renforts, complément parfait et nécessaire de ce genre de programmes.

Mme Coombs : Si la LCPE doit servir à gérer le programme d'assainissement de l'air, quelle que soit la politique gouvernementale qui sera formulée relativement à la manière de procéder à cet égard, alors je crois que, là encore, cela nous permet de voir à quel point il importe de modifier la partie V de la loi actuelle, qui porte sur la gestion des substances toxiques, afin de montrer qu'il s'agit de l'évaluation et de la gestion des substances. Si les dispositions visent à permettre la gestion de substances comme des gaz à effet de serre, elles devront bien montrer qu'il s'agit de l'évaluation et de la gestion de cette substance.

En ce qui a trait aux mesures volontaires, nos entreprises membres ont bien réagi aux programmes volontaires auxquels ont travaillé les ministères, et elles ont également répondu aux sondages volontaires sur les composés organiques volatils.

Nos entreprises membres affichent un taux de participation élevé aux sondages et aux programmes, ce qui indique, selon nous, qu'elles assument bien leurs fonctions liées à l'intendance globale.

M. Maynard : Nos membres ont des opinions assez partagées à ce sujet, monsieur le président. Nous avons connu beaucoup de succès dans certains domaines sur le plan volontaire. La Clean Air Strategic Alliance a rassemblé des intervenants en Alberta. Nous avons examiné les statistiques relatives au torchage et au dégazage et avons réussi à réduire ces pratiques. Dans d'autres cas, les initiatives volontaires n'ont pas été suffisantes pour que les objectifs escomptés soient atteints.

C'est à cause de la nature de la politique, et c'est le genre de questions qu'on se pose en l'absence de toute politique ferme. Cela dit, un certain nombre de choses sont par ailleurs importantes aux yeux de nos membres. Nous avons entre autres pour principe important de veiller à ce que les secteurs de l'industrie soient tous traités de la même manière, sans que l'un soit favorisé au détriment de l'autre. Cela signifie que si un secteur de l'industrie bénéficie d'une approche volontaire, il faudrait adopter la même approche pour tous les secteurs.

Il ne faudrait surtout pas faire preuve de discrimination dans une politique sur le changement climatique. Je le répète, nous pouvons difficilement trancher la question sans savoir ce que la politique nous réserve. Certaines situations se prêtent à une approche volontaire. C'est beaucoup comme élever des enfants. On doit parfois leur montrer qu'ils ont tout intérêt à être sages, parfois ils décident de l'être de leur propre initiative, et parfois il faut les discipliner un peu. Tout dépend des circonstances. Je sais bien que ce n'est pas très utile, mais c'est ce qu'on a appris par expérience.

Le président : Est-ce que d'autres ont l'impression, tout comme moi de temps à autre, que le public, et même parfois le gouvernement, ne comprend pas vraiment que deux questions distinctes sont en jeu. L'assainissement de l'air, d'une part, et les gaz à effet de serre, d'autre part? Est-ce que tout le monde comprend bien cela?

M. Maynard : Nous avons mené de vastes sondages au sujet du changement climatique et de Kyoto. Nous avons constaté que, pour beaucoup, Kyoto est synonyme de réduction de la pollution et de l'assainissement de l'air, alors que les gens ne font pas le même lien lorsqu'on parle de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Le président : Donc, les personnes interrogées ne saisissaient pas bien l'objectif de Kyoto?

M. Maynard : C'est cela. Je n'ai pas la mémoire des chiffres, mais je peux vous dire que bon nombre de gens croyaient que Kyoto devait se traduire par l'assainissement de l'air et la réduction du smog dans le centre-ville de Toronto.

Le président : Nous reconnaissons tous ici, j'imagine, que ce n'est pas là le but.

M. Maynard : Non, effectivement.

Le président : Nous n'avons pas réussi à bien expliquer la raison d'être de Kyoto.

M. Maynard : En effet, mais je ne crois pas que ce soit en raison d'un manque d'efforts de notre part, sénateur, car je sais bien qu'on a tenu beaucoup de discussions et de débats à ce sujet et offert des programmes d'information et de sensibilisation publiques afin de clarifier le tout.

Le président : Aussi nobles qu'aient été ces efforts, ils ont échoué.

M. Maynard : Ces initiatives n'ont pas été efficaces, je suis tout à fait d'accord avec vous. Les gens sont convaincus que l'assainissement de l'air permet de réduire les gaz à effet de serre. Cela peut être réciproquement avantageux dans certains cas, mais les inconvénients sont parfois importants. Nous avons constaté que l'assainissement de l'air après l'émission d'autres substances que les gaz à effet de serre, par exemple le dioxyde de soufre et les composés organiques volatils, exigeait beaucoup d'énergie. Nous avons dû consommer davantage d'énergie pour nettoyer ces sources d'émissions, augmentant par le fait même les émissions de gaz à effet de serre. C'est comme pour tout dans la vie. Il y a toujours l'envers de la médaille. C'est ce que notre expérience a révélé.

Le président : Merci.

Le sénateur Cochrane : D'après vous, quels sont les principaux obstacles à l'application adéquate de la LCPE?

Mme Coombs : Nous nous attendons à ce que les outils qui nous intéressent particulièrement donnent d'assez bons résultats, c'est-à-dire le programme de catégorisation et d'évaluation préalable, la Liste intérieure des substances et le Règlement sur les renseignements concernant les substances nouvelles. De notre côté, nous n'entrevoyons aucun obstacle, sur le plan des substances, à l'application de la loi au sein des ministères. Selon le mandat établi, le processus de catégorisation doit se terminer dans sept ans. Les résultats de ce processus seront affichés en septembre. J'y vois là une grande réalisation du gouvernement canadien. Comme je l'ai indiqué dans mon exposé, d'autres pays de l'OCDE disposent de programmes semblables, mais le Canada est le chef de file à ce chapitre.

En ce qui a trait aux déclarations de substances nouvelles et au fait que la Loi sur les aliments et drogues est assujettie à la LPCE, cela a eu des conséquences inattendues, puisqu'on ne prévoyait pas d'exemptions. Nous sommes tenus de présenter des déclarations de substances nouvelles dans le cas des produits visés par la Loi sur les aliments et drogues. Nous sommes liés par deux lois. Les substances sont évaluées au titre des déclarations de substances nouvelles, en vertu du Règlement sur les renseignements concernant les substances nouvelles, en plus de devoir faire l'objet d'une évaluation avant vente et d'une déclaration en vertu de la Loi sur les aliments et drogues. Nous croyons que cela fonctionne assez bien. La loi ne permet pas, comme prévu, l'évaluation environnementale de substances associées aux produits visés par la Loi sur les aliments et drogue.

M. Lloyd : Dans notre mémoire, nous avons relevé trois problèmes liés à votre question. Entre autres, les ministères doivent recevoir de meilleurs renseignements, et je crois que le problème à ce chapitre représente un gros obstacle. Lorsque nous examinons les problèmes liés à l'assainissement de l'air, nous devons nous demander quelles sont les sources de pollution atmosphérique. Nous pouvons commencer par consulter l'Inventaire national des rejets de polluants, mais nous devons aussi nous demander dans quelle mesure la pollution atmosphérique vient des États-Unis. Dans quelle mesure provient-elle de sources n'ayant aucune incidence sur les grands centres urbains? Il nous faut beaucoup plus de renseignements, et c'est l'une des raisons pour lesquelles nous estimons que le gouvernement devrait être dans l'obligation de présenter le Rapport sur l'état de l'environnement et le Rapport sur l'état de santé.

Si nous voulons une meilleure application, nous devrions prendre modèle sur l'Australie et prévoir des dispositions nous permettant d'exercer le pouvoir législatif de reconnaître les évaluations d'autres gouvernements. Nous pouvons déjà le faire lorsque d'autres gouvernements décèlent un problème avec un produit chimique et que son usage est très restreint. On a établi ces dispositions en 1999, et c'était une bonne idée. Toutefois, aucune disposition ne nous permet d'utiliser les évaluations d'autres gouvernements lorsque ces derniers déterminent qu'un produit chimique peut être utilisé sans problème, en toute sécurité.

Le genre de pouvoir législatif qu'exerce l'Australie est important et pourrait favoriser la coopération internationale dont nous avons besoin pour régler les questions que nous devons examiner dans le cadre des évaluations préalables des substances inscrites à la Liste intérieure des substances, qui doivent s'appuyer sur les résultats de la catégorisation. Nous devons savoir ce que font les Américains, les Européens et les Japonais.

À mon avis, les dispositions d'équivalence de la loi posent problème. Je crois comprendre que ces dispositions, prévues aux articles 9 ou 10, disent essentiellement que le gouvernement fédéral peut conclure un accord avec un gouvernement provincial si ce dernier fait les choses exactement comme le gouvernement fédéral le veut. Il semble dire : « C'est moi qui décide, un point, c'est tout. » Il faut une plus grande marge de manœuvre. Les provinces ne font pas toutes les choses de la même manière. Aux termes d'un accord d'équivalence, on s'attend à bénéficier de pouvoirs équivalents. Nous avons demandé instamment aux membres du comité de se pencher sur cette question. Les dispositions actuelles sont trop limitées.

Voilà donc les trois questions qui, si elles sont réglées comme nous le proposons, faciliteraient l'application de la loi, en plus de favoriser la coopération entre les gouvernements fédéral et provinciaux, ce qui est important, de même que la collaboration avec d'autres pays et l'amélioration de l'information, choses tout aussi importantes.

Le président : J'aurais une question au sujet de la pratique qui consiste à tirer parti des évaluations des autres. Prenons le cas de l'Australie, par exemple. Lorsque nous effectuons des évaluations aux fins de la protection de l'environnement, nous prenons une décision au sujet du rejet d'une substance toxique donnée, car c'est ce qui importe. Si la substance ne peut se libérer du produit, on s'en fout! Toutefois, nous devons suivre ce produit du berceau à la tombe. Nous devons savoir ce qu'il en advient, jusqu'au moment où il se désintègre dans l'environnement. Ça ne prendra pas nécessairement le même temps partout, par exemple si on compare l'Australie à Inuvik. Pouvons-nous vraiment dire que, si l'Australie, ou le gouvernement d'un autre pays dont le système nous semble digne de confiance, est arrivé à la conclusion que ce produit est sécuritaire, il doit l'être pour nous aussi? Pouvons-nous vraiment dire cela? Leur environnement n'est-il pas, entre autres choses, assez différent du nôtre? Nous devons évaluer les substances jusqu'à ce qu'elles se retrouvent dans un site d'enfouissement : à quel moment un morceau de plastique donné commence-t-il à rejeter dans l'environnement des substances indésirables? C'est en partie ce que nous devons déterminer dans le cadre de l'évaluation requise en vertu de la LCPE. La réponse à cette question sera bien différente selon qu'il s'agit d'un climat chaud ou froid.

M. Lloyd : Je suis d'accord avec vous, et nous devons tenir compte de la situation canadienne. Les Australiens parlent du « qualifacteur ». Il faut tenir compte des conditions locales. Les pays ont appliqué le programme relatif aux produits chimiques chacun à leur manière, sans coopérer autant qu'ils auraient dû le faire, comme ils s'en rendent de plus en plus compte. Ce n'est pas que la loi devrait porter que l'Australie doit déterminer les conclusions du Canada, mais elle doit faciliter l'utilisation des données scientifiques de l'Australie.

Les dispositions de la LCPE, qui sont entrées en vigueur en 1999, prévoient que nous devons tenir compte des évaluations d'autres pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques lorsqu'ils décident de restreindre grandement l'utilisation d'une substance. Cela ne veut pas dire que, si la Suède interdit quelque chose, nous devons le faire automatiquement, mais nous devrions évaluer la situation.

Le président : C'est toujours bon, la coopération.

Le sénateur Spivak : Je veux vous interroger au sujet du principe de prudence. Avant de faire cela, je veux veiller à ce que nous ne perdions pas de vue le fait que le changement climatique aggrave d'autant plus le problème de smog. Par conséquent, l'assainissement de l'air et le changement climatique sont, d'une certaine façon, liés.

J'aimerais que vous nous fournissiez de la documentation relative aux méthodes d'évaluation des produits. Je veux voir comment vous percevez cela, et déterminer à quel point cela vous tient à cœur. Je veux entendre vos commentaires parce que vous savez ce que le principe de prudence veut dire. Cela veut dire qu'il y a des choses qu'on ne devrait pas faire, même si on ne peut prouver de façon définitive que ce serait dangereux.

M. Lloyd : L'approche ou le principe de la prudence, tel qu'on le conçoit dans la LCPE, est le même que celui qui est appliqué à l'échelle mondiale; il est issu des travaux effectués à Rio. Il est enchâssé dans la Convention de Stockholm, et nous avons soutenu cette initiative. Il mise sur un certain nombre de facteurs. La loi parle de « l'absence de certitude scientifique absolue ». Cela suppose qu'on ait de bonnes raisons de croire, à la lumière de nos connaissances scientifiques, que quelque chose va se produire. On ne va pas jusqu'à la certitude scientifique absolue, mais on établit tout de même des balises. On ne s'appuie pas tout simplement sur les hypothèses d'une personne.

La loi fait référence à l'application de cette approche lorsqu'il y a des risques de répercussions graves ou irréversibles sur l'environnement, et il est clair qu'on interprète le terme « environnement » de façon générale, et qu'il comprend également la santé. Je crois que tout le monde comprend cela. Il ne s'applique pas à des questions futiles. Il s'applique à des questions importantes.

La loi parle également de la prise de mesures efficientes aux fins de l'application du principe de prudence. C'est également un aspect important. Cela montre que, même si on est prudent...

Le sénateur Spivak : Cet aspect est contesté.

M. Lloyd : Il n'est pas contesté; cela figure dans la définition énoncée dans la LCPE, la définition issue de Rio, et dans la Convention de Stockholm. On réitère cet aspect dans l'Approche stratégique de la gestion internationale des produits chimiques adoptée par la communauté mondiale à Dubaï, il y a plusieurs mois. Il se trouve peut-être des gens pour contester cela, mais on ne pourrait difficilement établir un consensus plus solide que cela, selon moi.

Ce principe prévoit que, même si on fait preuve de prudence, on n'est pas censé le faire d'une façon qui fait fi des coûts que cela suppose.

Il importe de comprendre toutes ces choses lorsqu'on parle de l'approche ou du principe de prudence, et ces aspects sont enchâssés dans la LCPE. La LCPE exige que le principe de la prudence soit appliqué. À mon avis, Santé Canada et Environnement Canada l'ont appliqué. La LCPE de 1999 n'a rien apporté de nouveau à ce chapitre. On l'appliquait déjà à cette époque, et la loi ne faisait que baliser ce qu'on faisait; et je crois que tout s'est bien déroulé.

J'espère que cela répond à votre question.

Mme Coombs : L'ACPCS et la FPIC appuient l'application, par le gouvernement, du principe de prudence énoncé dans le cadre de travail, qui, je crois, a pour titre Cadre d'application de la précaution dans un processus décisionnel scientifique en gestion du risque. C'est le Conseil privé qui a publié ce document, il y a quelques années.

Nous croyons que l'application appropriée du principe de prudence suppose non pas l'absence, mais bien la gestion du risque, et qu'elle doit continuer d'être fondée sur des évaluations scientifiques rigoureuses, fiables et solides, fondées sur les risques.

Le président : La plupart d'entre vous avez mentionné, ne serait-ce que de façon indirecte, la différence entre une évaluation fondée sur les risques et une évaluation fondée sur les menaces. Pourriez-vous nous parler de cela afin que nous puissions saisir la distinction que vous établissez? Quelle est la grande différence entre une évaluation fondée sur le risque causé par une substance, et une évaluation fondée sur les menaces?

Mme Coombs : Je ne suis pas un scientifique, mais je crois savoir, pour simplifier les choses, que l'évaluation des risques envisage non seulement les menaces, mais aussi le mode d'intervention. On envisage les deux aspects.

Pensons, par exemple, à la peinture d'automobiles au pistolet. Il y a peut-être dans la peinture une substance qui constitue une menace, mais cette menace est repérée au moment de l'examen. Toutefois, l'étiquette qui figure sur le produit indique clairement que l'utilisateur doit porter un masque et travailler dans un endroit bien aéré, afin que le risque et le degré d'exposition soient réduits.

Le président : Je tiens à remercier nos témoins. Vous vous êtes montrés très directs et coopératifs. Nous vous inviterons probablement à revenir témoigner devant nous à l'automne, lorsque nous reprendrons la présente étude et nous pencherons sur les détails.

La séance est levée.


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