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Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule 4 - Témoignages du 15 juin 2006


OTTAWA, le jeudi 15 juin 2006

Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui à 8 h 5 pour examiner la Loi canadienne sur la protection de l'environnement (1999, chap. 33), conformément à l'article 343(1) de ladite loi.

Le sénateur Tommy Banks (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Il s'agit d'une réunion du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, qui continue de se préparer à examiner la Loi canadienne sur la protection de l'environnement. Ce matin, nous avons avec nous le sénateur Francis Fox, du Québec, le sénateur Willie Adams, du Nunavut, le sénateur Claudette Tardif, de l'Alberta; le sénateur Hugh Segal — que nous sommes heureux d'accueillir aujourd'hui —, de l'Ontario, et le sénateur Mira Spivak, du Manitoba.

Nous poursuivons nos efforts visant à déterminer comment nous devrions procéder à notre examen. Au cours des premières semaines, nous avons demandé aux premiers témoins à comparaître de nous aider à déterminer exactement comment nous allons procéder et à cerner l'étendue et la profondeur de notre examen, et de nous fournir des conseils et des directives.

Ce matin, nos témoins sont M. Ken Ogilvie, directeur exécutif de Pollution Probe; et Mmes Anna Tilman et Delores Broten, coprésidentes du Caucus des substances toxiques du Réseau canadien de l'environnement.

Je crois savoir, mesdames, monsieur, que vous avez un exposé à présenter. J'espère que vous serez succincts, car nous avons hâte de vous poser des questions. Nous comptons sur vos conseils et directives pour nous aider à orienter notre examen.

Anna Tilman, présidente, Save the Oak Ridge Moraine (STORM) Coalition : Merci, nous sommes heureuses de l'occasion qui nous est offerte de faire une présentation au comité au sujet de l'examen de la LCPE.

Nous sommes d'avis que ce sujet très important mérite d'être étudié et analysé par votre comité. Nous sommes ravies de l'intérêt que porte votre comité à cette question.

Vous avez reçu notre mémoire, si je ne me trompe pas. Nous effectuerons un survol des grandes lignes, mais nous ferons fi de certains aspects dans le cadre de notre exposé. Nous serons heureuses de répondre à toutes vos questions liées au mémoire et à d'autres aspects touchant la LCPE.

Je sais que vous avez une idée de ce que Mme Broten et moi faisons, mais nous tenons néanmoins à mettre en lumière notre expérience de l'application de la LCPE. Nous avons pris part à de nombreuses consultations par l'entremise du Réseau canadien de l'environnement, avec Environnement Canada et, à l'occasion, Santé Canada, concernant plusieurs questions liées à la Loi canadienne sur la protection de l'environnement. Nous avons une connaissance directe de la façon dont la loi fonctionne.

En particulier, j'ai siégé au comité consultatif pour l'examen de la LCPE, qui a existé pendant un an et demi, et j'ai préparé des documents d'orientation et des audiences publiques, à l'échelle du pays. Ces audiences, tenues par l'entremise d'Environnement Canada et de Santé Canada, nous ont donné l'occasion de prendre connaissance des préoccupations d'autres intervenants. Nous nous considérons comme des représentantes des groupes d'intérêt public.

Nous avons également participé aux processus pancanadiens de normalisation — tous les processus —, et je parlerai de cela au cours de mon exposé.

J'estime que mes connaissances scientifiques et mathématiques se sont révélées extrêmement utiles pour ce qui est de représenter l'intérêt public et d'aller à l'essentiel.

Je cède la parole à Mme Broten.

Delores Broten, conseillère principale en politique, Reach for the Unbleached Foundation : Je viens de la Colombie- Britannique, où depuis plus de 15 ans, je me consacre principalement aux enjeux liés à la pollution occasionnée par l'industrie des pâtes et papiers, sous le régime de l'ancienne LCPE et de la LCPE de 1999, car de nombreux polluants produits par cette industrie sont des substances qu'on qualifie de toxiques en vertu de la LCPE.

Je suis également rédactrice en chef de la revue Watershed Sentinel en Colombie-Britannique, de sorte que j'ai pris connaissance des efforts de la plupart des groupes de citoyens plus modestes qui tentent de miser sur la loi fédérale pour lutter contre la pollution et s'attaquer à d'autres questions environnementales dans leurs collectivités.

Mme Tilman : À titre d'information, et pour préciser quelques points, le Réseau canadien de l'environnement est un organisme non partisan qui regroupe environ 800 groupes environnementaux de partout au pays. Le RCEN, comme nous l'appelons, ne prend pas position, mais les groupes membres peuvent le faire à l'égard de certaines questions. Nous tenons à préciser que, même si nous affirmons faire partie du RCEN, nous ne témoignons pas au nom du RCEN. Nous représentons nos propres organismes aujourd'hui.

Nous avons également eu l'occasion de parler avec de nombreux groupes membres des enjeux liés à la LCPE et à l'examen de la LCPE. J'ai récemment coordonné la tenue d'un atelier sur la LCPE au cours duquel nous avons mobilisé des organismes voués à la protection de l'environnement partout au pays en vue de discuter d'enjeux prioritaires. C'est le contexte dans lequel s'inscrit notre exposé — et nous nous entendons effectivement sur un certain nombre d'enjeux fondamentaux.

Le président : Avant de vous céder la parole, je vous ai présentées à titre de représentantes du Réseau canadien de l'environnement, et maintenant vous nous expliquez que ce n'est pas le cas. Vous devriez peut-être nous dire, aux fins du compte rendu, qui vous représentez, précisément, car je suppose que vous allez exprimer une opinion, et vous dites que RCEN n'exprime pas d'opinion. Dites-nous à qui appartient l'opinion que vous allez présenter, s'il vous plaît.

Mme Tilman : Il s'agit de l'opinion de mon organisme membre, la Coalition STORM, c'est-à-dire la Save the Oak Ridges Moraine Coalition, dont je suis la présidente depuis un certain nombre d'années. Il s'agit d'un organisme dont le siège est situé en Ontario.

Le président : Pourriez-vous également nous parler de l'organisme que vous représentez, madame Broten?

Mme Broten : L'organisme que je représente s'appelle Reach for the Unbleached. Il s'agit d'un organisme de bienfaisance national enregistré qui fait la promotion d'une industrie des pâtes et papiers viable et d'un marché pour le papier propre.

Mme Tilman : Comme vous le savez, la LCPE de 1999 est la pièce maîtresse de la législation canadienne relative à la protection de la santé humaine et de l'environnement. Au cours des six premières années d'application de la LCPE de 1999, nous avons eu l'occasion d'observer l'exécution des dispositions de la loi, de cerner les enjeux et d'évaluer, dans certains cas, son efficacité.

Il est frappant de constater que le préambule de la LCPE s'assortit de plusieurs bonnes dispositions dont les éléments n'ont été ni mis en œuvre ni appliqués. C'est un enjeu important pour nous.

Il y a d'autres aspects à l'égard desquels la loi doit être renforcée et clarifiée, afin qu'elle puisse faire ce qu'elle est censée faire, c'est-à-dire protéger la santé humaine et l'environnement.

Cela dit, et à la lumière de discussions avec de nombreux environnementalistes qui sont membres du Réseau canadien de l'environnement et d'autres intervenants, un certain nombre d'enjeux fondamentaux sont ressortis. Ils sont présentés dans le mémoire, mais j'attire votre attention sur les six principaux enjeux : l'application du principe de la prudence; la prévention de la pollution; la participation du public, y compris le droit d'accès à l'information; les substances toxiques, soit l'évaluation et le contrôle de substances toxiques; la responsabilisation et la mise en application; et les accords internationaux.

Au cours de notre exposé, nous vous présenterons certaines situations où, à notre avis, la loi s'est révélée inefficace ou n'a pas été bien utilisée en vue de réagir à ces substances toxiques. Laissez-moi effectuer un survol de ces thèmes fondamentaux et mettre en lumière les principaux problèmes que nous avons cernés.

Le premier concerne l'application du principe de la prudence. Nous n'avons pas l'impression que ce principe est mis en application dans le cadre du long processus établi par la LCPE. Nous constatons que ce problème tient au fait que l'application du principe est soumis à des contraintes liées à l'efficience. On s'est souvent appuyé sur l'efficience pour justifier l'inaction, et cela va à l'encontre du principe de la prudence. Le public s'attend à être protégé à cet égard; c'est de l'immobilisme. Par conséquent, ces arguments ne tiennent pas la route.

Le deuxième grand enjeu concerne la prévention de la pollution, élément fondamental de la LCPE de 1999. Dans le préambule et tout au long de la loi, le gros du changement concernait le passage à un mode préventif. C'est considéré comme l'approche prioritaire du Canada. Toutefois, notre expérience de la façon dont elle a été appliquée nous a permis de cerner plusieurs points faibles.

On utilise principalement la planification de la prévention de la pollution, tant pour les urgences que pour d'autres situations. Toutefois, les dates d'entrée en vigueur de ces plans sont tellement éloignées qu'on ignore même si les plans auront une incidence. Je vais vous fournir un exemple de planification de la prévention de la pollution auquel j'ai pris part personnellement, soit celle relative aux fonderies de métaux communs.

Vous savez peut-être que les fonderies de métaux communs sont la principale source unique d'émissions d'anhydride sulfureux et de métaux toxiques au sens de la LCPE au Canada, c'est-à-dire l'arsenic, le cadmium, le plomb, le mercure et le nickel. Le Canada est le seul pays industrialisé où l'on trouve deux fonderies, au Manitoba, où l'on n'applique aucune méthode de capture du soufre. C'est une position peu enviable pour le Canada.

On a mis la dernière main à un instrument de planification P2 pour les fonderies de métaux communs en avril de cette année.

Le président : Excusez-moi, mais pourriez-vous nous expliquer ce que vous entendez par P2?

Mme Tilman : Cela veut dire prévention de la pollution. Désolée pour l'acronyme.

On a fixé des cibles à l'égard des émissions d'anhydride sulfureux et de ce qu'on appelle les matières particulaires, qui contiennent une foule de substances déplaisantes. On pouvait considérer ces cibles comme des facteurs à envisager, mais elles n'avaient pas force exécutoire. Nombre de ces limites ou cibles de réduction n'auront aucune incidence avant peut-être 2015, si elles sont même respectées, alors la pollution peut se poursuivre.

Les métaux sont énormément préoccupants. Par exemple, on a trouvé de l'arsenic dans des terrains de jeu près de Flin Flon. Nous sommes au courant des problèmes qu'il y a là-bas, mais aucune limite n'est fixée à l'égard de ces métaux. Comme je l'ai déjà dit, c'est une source importante de métaux polluants dans notre environnement. Il y a à Flin Flon un établissement qui est la première source d'émissions de mercure dans l'air en importance en Amérique du Nord, et il y a à cet égard une limite dont on ne peut assurer le respect.

C'est un exemple patent de situation où la planification de la prévention de la pollution ne semble pas vraiment donner grand-chose. Il suffit de jeter un coup d'œil à ces documents sur la prévention de la pollution pour constater qu'il s'agit essentiellement de documents de contrôle. Je pourrai vous fournir plus de détails si vous avez des questions supplémentaires à cet égard.

La prochaine grande question est la participation du public. Encore une fois, la LCPE de 1999 prévoit des efforts beaucoup plus marqués au chapitre de la participation du public. On a établi le Registre de la protection de l'environnement, qui permet aux gens d'obtenir de l'information sur ce qui se passe, et qui encourage les Canadiens à participer.

Cela a mené à une amélioration de l'accès à l'information, mais nous avons repéré des lacunes. La LCPE s'assortit d'une disposition relative à la création d'un inventaire national des rejets polluants; cette disposition revêt une importance cruciale pour les environnementalistes et le public, et c'est l'une des plus importantes dispositions à l'égard du droit d'accès à l'information. Nous avons remarqué un ralentissement des améliorations ces derniers temps. Nous avons remis en question la volonté des principaux intéressés de divulguer l'information appropriée aux gens et de recueillir des données raisonnables. On a relevé des exemples, en particulier, au chapitre des données sur les contaminants atmosphériques, ce qui a mené à une remise en question de la validité de l'information déclarée par l'industrie.

C'est un enjeu crucial dans le contexte de nos accords internationaux. J'ai pris part aux discussions canado- américaines relatives à l'Annexe sur l'ozone, à titre de déléguée et représentante des organismes d'intérêt public, et je sais qu'il y a des engagements que nous ne pourrons pas respecter si nous ne disposons pas de données appropriées. C'est une préoccupation que nous avons actuellement à l'égard de l'inventaire.

Je demande instamment au comité de se pencher sur les obstacles à la participation du public et sur les moyens d'améliorer et de renforcer les dispositions de la LCPE relatives à la transparence et aux droits d'accès à l'information. Au chapitre des enjeux liés à la confiance, nous nous intéressons tout particulièrement à l'Inventaire national des rejets polluants, c'est-à-dire, l'INRP.

Les substances toxiques sont un autre enjeu important. C'est à cette étape qu'ont lieu l'évaluation et le contrôle. Le processus actuel est très long. La LCPE ne prévoit pas un examen approprié de la sécurité des substances. Ses dispositions relatives à l'évaluation ne mentionnent pas le principe de prudence ni n'exigent l'utilisation de solutions de rechange plus sécuritaires. La loi ne tient pas compte de la synergie d'expositions multiples aux produits chimiques, ce qui constitue un problème particulier. Ainsi, les menaces pour la santé environnementale n'ont pu être éliminées et ont même augmenté, situation particulièrement alarmante pour les segments de la population qui sont particulièrement vulnérables. Nous estimons qu'un examen de la LCPE devrait envisager des moyens de resserrer ces échéances, et nous pouvons vous suggérer des choses à ce chapitre.

Nous sommes également d'avis que la LCPE devrait octroyer explicitement le pouvoir de réglementer les substances toxiques dans les produits de consommation, ce qu'elle ne fait pas à l'heure actuelle, et, d'exiger le recours à des solutions de rechange plus sûres.

Il faut également se pencher sur le renvoi à l'industrie du fardeau de la preuve lorsqu'il s'agit de démontrer l'innocuité d'une substance pour qu'elle demeure sur le marché et soit autorisée à y entrer. Une partie de cela se fait déjà en vertu des dispositions relatives aux substances nouvelles, mais dans l'ensemble, c'est encore une source de grande préoccupation.

Je mentionne la quasi-élimination dans le mémoire, mais, faute de temps, je passe à autre chose. Vous pourrez lire le mémoire, et nous pourrons parler de l'interdiction ou de la non-interdiction de substances.

La mise en œuvre est un enjeu important.

Viennent ensuite la responsabilisation et la mise en application, et ce sont des enjeux essentiels. Une loi n'est bonne que si on l'applique. Nous estimons que les pouvoirs conférés au chapitre de la responsabilisation et de la mise en application sont rarement exercés. Nous croyons savoir que le Sierra Legal Fund, qui s'est penché sur les aspects liés à l'exécution de la loi et y a trouvé des lacunes, le mentionne dans son mémoire. Vous devez vous pencher sur cette question dans le cadre de votre examen. C'est crucial. C'est peut-être l'un des éléments les plus importants dans toute la LCPE. Certaines parties de la loi sont bonnes, certes, mais, cela ne veut pas dire grand-chose si on ne les applique pas. Nous nous demandons si les ressources et la volonté de mettre en application la LCPE sont vraiment là.

Un aspect qui est particulièrement problématique, et peut-être lié à l'exécution, concerne les dispositions relatives aux accords d'équivalence pour l'harmonisation des normes environnementales. Des normes pancanadiennes ont été utilisées sous l'autorité du Conseil canadien des ministres de l'Environnement, mais il ne s'agit pas vraiment de normes, puisqu'elles sont inexécutables. Il s'agit plutôt de lignes directrices, et elles ne sont pas nécessairement fondées sur la santé ou adoptées ou contrôlées de façon uniforme.

Laissez-moi vous parler d'un exemple d'une importance cruciale : le mercure. J'ai participé à cinq des six processus d'élaboration de normes pancanadiennes. Vous savez probablement tous que le mercure est l'une des toxines les plus envahissantes, car il est bioaccumulatif et persistant. En vertu de la LCPE, le mercure est une substance toxique, mais, puisqu'il s'agit d'une substance naturelle, on doit en gérer le cycle de vie. La norme pancanadienne a été choisie comme l'instrument propice à la réduction des émissions de mercure — dans le cas du mercure, on ne s'est préoccupé que des émissions atmosphériques. J'ai contribué à un certain nombre de normes, en particulier celles s'appliquant aux centrales thermiques alimentées au charbon, sujet d'actualité s'il en est un. Je travaille sur cette question depuis plus de sept ans, et j'ai produit deux rapports importants pour Environnement Canada; je peux vous les procurer, si cela vous intéresse.

Après sept ans de pourparlers, très controversés d'ailleurs, on s'est enfin entendu, tout récemment, sur une norme préliminaire. J'ignore si ce projet de norme sera signé en juin ou pas, mais il est extrêmement faible. J'ai mis en relief certains points à ce moment-là, et je peux vous fournir un rapport que j'ai soumis à Environnement Canada et à la province de l'Ontario sur cette question. Ces normes sont inexécutables. Elles ne visent pas les nouveaux établissements, et nous savons qu'il y a de la croissance dans ce secteur. Elles ne tiennent pas compte de la gestion du cycle de vie. Nous avons pris tout ce temps pour produire un document qui, je le crains, n'est pas très bon. Pendant tout le temps que nous avons consacré à cela, le mercure a continué de s'accumuler, et nous connaissons les problèmes liés à cela. Il aurait fallu, sous le régime de la LCPE prendre un règlement qui fixe des cibles de réduction des émissions et qui a force exécutoire, et c'est ce que nous demandons depuis des années. Un tel règlement se fait attendre depuis longtemps.

J'aimerais signaler une idée fausse qui circule actuellement en Ontario; cette idée, qui concerne la crise énergétique de la province, est née lorsque l'Ontario a annoncé qu'il abandonnerait le charbon d'ici 2009. La province s'est fixé une limite de zéro pour les émissions de mercure. C'est irréalisable. Si vous avez des questions à cet égard, je serai heureuse de vous fournir plus d'informations. J'en ai beaucoup.

Je cède maintenant la parole à Mme Broten, qui vous présentera un autre exemple.

Mme Broten : J'ai participé à l'élaboration de la norme pancanadienne relative à la quasi-élimination des dioxines et des furanes atmosphériques des usines de pâtes et papiers installées sur le littoral. C'est une autre démarche qui a duré sept ans, et qui a supposé la tenue de nombreuses réunions. Les dioxines et les furanes sont créés lorsque les usines de bardeaux installées sur le littoral brûlent des « copeaux salins » à savoir des copeaux de bois saturés de sels marins provenant de rondins entreposés ou transportés dans l'océan.

Lorsqu'on brûle du bois à forte teneur en sel, on crée des dioxines et des furanes. Au cours du long processus de discussion, on a d'abord tenté de déterminer si les dioxines étaient entreposées de façon sécuritaire dans les sites d'enfouissement des usines de pâtes. Ils sont construits pour résister à des événements atmosphériques centenaires, et sont placés dans des cuves en plastique ayant un cycle de vie utile de 30 ans, alors j'ignore pendant combien de temps nous pourrons contenir ces dioxines de façon sécuritaire.

Nous avons finalement réussi à faire enchâsser la prévention de la pollution dans la norme pancanadienne. Il a fallu plusieurs années de négociation pour y arriver. Nous avons fini avec une pile de rapports de faisabilité selon lesquels, essentiellement, il était trop coûteux de faire quoi que ce soit pour sortir les rondins de l'eau, ou que cela était techniquement impossible. On ne cessait de dire que les usines de pâtes du reste du pays n'ont pas à composer avec ce problème. Cela ne concerne que les usines situées sur le littoral, où le transport des rondins s'effectue par la mer. Toutefois, au bout du compte, rien n'a vraiment été fait au chapitre de la prévention de la pollution.

Et en plus, bien qu'on ait établi une norme pancanadienne pour les nouvelles chaudières électriques à vapeur haute pression destinées aux usines de pâtes situées sur le littoral, aucune norme n'a été formulée concernant d'autres utilisations des copeaux salins, comme, par exemple, le fait de brûler des copeaux pour générer de l'électricité — c'est ce qu'ils appellent du biocarburant — ou pour chauffer des serres. Ces utilisations sont en croissance, en raison de la crise énergétique et du coût des combustibles fossiles. La norme pancanadienne fait fi d'un grand nombre de sources de pollution et ne contribue pas, à vrai dire, à la prévention de la pollution.

Mme Tilman : Si votre comité cherche quelque chose à faire...

Le président : Ce n'est pas vraiment de cette façon que je formulerais les choses.

Mme Tilman : Vous pourriez vous pencher sur les processus fédéraux-provinciaux d'harmonisation. En particulier, il serait peut-être indiqué d'examiner la norme pancanadienne, et de déterminer si elle est conforme aux principes énoncés de la LCPE. Je parle ici des principes supérieurs de la loi, et je crois qu'il faut déterminer si les normes protègent effectivement l'environnement et la santé de façon égale, dans toutes les régions du Canada. Malheureusement, lorsqu'on doit recourir au plus petit dénominateur commun pour s'entendre, cela ne donne pas grand-chose.

Je vais vous dire quelque chose qui n'est pas dans le mémoire, mais qui est important : on a convenu que les normes pancanadiennes relatives aux matières particulaires dans l'ozone ne permettent pas d'assurer une protection complète de la santé humaine et de l'environnement.

Ces substances ont été déclarées toxiques au sens de la LCPE. Je crois que c'est un problème énorme.

Le président : Qui devrait convenir de cela?

Mme Tilman : Cela devrait être indiqué dans la norme même. Si vous consultez le document, la norme pancanadienne, vous constaterez que c'est écrit en toutes lettres; on a reconnu ce fait.

Ce n'est pas une opinion personnelle, c'est quelque chose qu'ils savaient. Lorsqu'ils ont élaboré les normes, les négociations ont mené à l'établissement de niveaux — et ils ne sont pas obligatoires — qui ne procureront pas une protection entière.

Le dernier enjeu concerne les accords internationaux conclus par le Canada. Évidemment, nous avons signé et ratifié un certain nombre de protocoles relatifs à l'air, à l'eau, aux déchets et à une diversité d'enjeux. Toutefois, la LCPE ne prévoit aucun mécanisme permettant d'évaluer le rendement du Canada au chapitre de ces accords internationaux et de déterminer quels genres de données nous devons recueillir pour assurer le suivi des progrès que nous réalisons. Il faut faire un effort pour se référer à ces instruments internationaux et déterminer comment utiliser la LCPE dans ce contexte.

J'ai cité un exemple — je vous fais grâce des détails, faute de temps — du protocole de Gothenburg. J'étais outrée. Le Canada a tendance à adhérer à ces accords et à se présenter comme un chef de file. J'ai appris, tout récemment, que nous avions signé cet accord, mais que nous ne l'avions pas ratifié. C'est un protocole relatif à l'atmosphère, et en raison des niveaux croissants d'émissions de composés organiques volatiles et de la médiocrité des données — chose que j'ai déjà mentionnée —, Environnement Canada n'obtient pas l'information dont il a besoin pour évaluer convenablement les changements.

Vous entendrez bientôt le témoignage de Ken Ogilvie. Nous appuyons les idées mises de l'avant par Pollution Probe, et nous demandons au comité de procéder à un examen complet de la LCPE avant de formuler ses recommandations finales.

L'omission de mettre en œuvre la LCPE et de corriger ses faiblesses font en sorte que la loi ne donne pas les résultats escomptés — sa principale fonction est de protéger la santé humaine et l'environnement —, et il faut que ça change. Nous avons maintenant l'occasion, comme Canadiens, de nous attaquer sérieusement à ce problème.

Nous avons un certain nombre d'organismes membres — nous n'en représentons que deux aujourd'hui — qui aimeraient avoir l'occasion de vous faire part de leurs expériences à l'égard de divers aspects touchant la LCPE. Ils sont nombreux. Nous recommandons fortement que le comité consulte ces organismes et prenne connaissance de leurs expériences sur le terrain. Nous remercions le Sénat de l'occasion qui nous est offerte de présenter notre point de vue. Nous serons heureuses de fournir notre aide et notre coopération ainsi que tout renseignement et document supplémentaires dont vous auriez besoin dans le cadre de votre examen.

Le président : Merci. Vous avez toutes deux mentionné des documents que vous vous êtes montrées disposées à fournir au comité. Je vous invite maintenant à nous les fournir. Je vous serais reconnaissant de bien vouloir acheminer ces documents à la greffière du comité.

Monsieur Ogilvie, vous avez la parole.

Ken Ogilvie, directeur exécutif, Pollution Probe : Je suis également heureux d'être ici, et je vous remercie de me donner l'occasion de m'adresser au Sénat. J'aborderai certaines conclusions générales et certains points déjà soulevés par mes collègues, et je vais vous fournir quelques exemples dans certains domaines. Et je vais m'efforcer de ne pas parler trop longtemps.

Pour ceux d'entre vous qui ne connaissent pas Pollution Probe, nous existons depuis 1969. Il s'agissait, à l'origine, d'un organisme étudiant, sur le campus de l'Université de Toronto, qui s'intéressait aux enjeux environnementaux à une époque où d'autres enjeux, comme la guerre du Vietnam, retenaient l'attention. Le courrier du lecteur du journal universitaire comptait davantage de lettres concernant des enjeux liés à la pollution qu'à la guerre du Vietnam; c'était plutôt particulier.

Pollution Probe a su mettre en valeur une énergie et des préoccupations latentes à l'égard de l'environnement à une époque où il n'existait ni ministère fédéral ou provincial de l'Environnement au Canada ni vice-président du développement durable dans l'industrie.

Nous avons suivi l'évolution de la politique environnementale au cours des 40 dernières années. Nos travaux sont financés grâce aux généreux dons du public. Au cours des 30 à 40 dernières années, la vocation de notre organisme a évolué, et nous nous affairons aujourd'hui à mobiliser les gens et à favoriser l'établissement de partenariats entre les gouvernements, l'industrie, les ONG et les groupes de défense et de promotion de la santé afin qu'on arrive ensemble à des solutions.

J'ai travaillé dans la fonction publique pendant 20 ans avant de joindre les rangs de Pollution Probe. J'ai travaillé dans le secteur de l'élaboration des politiques au sein des gouvernements du Manitoba et de l'Ontario et du gouvernement fédéral. J'ai une assez bonne idée de ce qui se passe à l'intérieur de l'appareil gouvernemental, et j'ai un peu de sympathie pour les gens qui font ce travail. Je ne sais pas si je devrais en avoir. À vrai dire, d'une certaine façon, je suis moins porté à critiquer certains des mes anciens collègues du gouvernement, car je sais comment on se sent lorsqu'on ne dispose pas des ressources et, peut-être, du soutien administratif et politique nécessaire pour intervenir à l'égard d'enjeux clés.

Cependant, ma principale conclusion, je dois vous le dire, c'est que le Canada accuse un retard considérable par rapport à d'autres pays, malgré l'adoption d'une loi qui aurait pu nous permettre d'être un chef de file, ou du moins d'être dans le peloton de tête. La LCPE contient de bonnes choses, et elle contient des éléments douteux qui ne reflètent pas les lois et pratiques des autres pays. Je ne peux vous parler de ces différences en détail aujourd'hui.

J'attends actuellement que soit préparé un rapport bien étayé par un groupe américain qui s'appelle Environmental Defense, dirigé par M. Richard Denison, expert de la politique américaine relative aux substances toxiques et du projet REACH en Europe, mais qui connaît moins la LCPE. M. Denison multiplie les séjours au Canada et examine soigneusement les points communs et, en particulier, les différences et les pratiques exemplaires dans les lois et politiques liées à ces trois instruments. Je recevrai une version préliminaire du rapport en septembre, et je veillerai à vous le présenter. J'ose espérer que le processus d'examen durera assez longtemps pour que nous ayons l'occasion de vous le présenter. J'espère pouvoir vous amener M. Denison afin que vous puissiez l'interroger par vous-même. Il ne compte pas comparer tous les aspects de la loi. Il a l'intention de s'attacher à certains éléments clés. Il va s'attacher à déterminer quelles données nous possédons aux fins de la prise de décisions au Canada, car nous sommes aux prises avec des problèmes considérables à ce chapitre : même si nous le voulions, nous ne disposons pas des bons renseignements pour prendre des décisions éclairées. Je vous décris brièvement la situation. Je préférerais que ce soit lui qui aborde la question en profondeur, car il est un chercheur principal solide. Il examine les chiffres et formule des conclusions. Il dirige des initiatives, comme les travaux relatifs aux produits chimiques très utilisés, lancés à la lumière d'un rapport qu'il a rédigé pour Environmental Defense.

Je tiens à vous faire part de l'existence de cette démarche, mais je ne peux, pour l'instant, formuler des conclusions.

On a l'occasion non seulement d'examiner et de commenter l'écart de rendement, mais aussi de mettre à niveau la LCPE avec les pratiques exemplaires appliquées ailleurs, ou, du moins, de s'intéresser aux dispositions de la LCPE qui exigeraient la collecte de renseignements pertinents et la prise de mesures fondées sur ces renseignements. J'encourage le Sénat à examiner soigneusement cette question.

Vous vous demandez peut-être ce que je veux dire lorsque je parle d'aspects préoccupants et de rendement. Je vous ai apporté des copies de tous les documents de référence, en particulier ceux préparés par Pollution Probe, et je m'attacherai surtout à nos réalisations. Je ne suis ni avocat ni expert de la LCPE, et il y a de nombreux autres domaines d'expertise liés à ces enjeux. Je vais donc m'attacher aux questions sur lesquelles nous avons travaillé, et je laisse la documentation à votre personnel.

Depuis le début des années 1990, Pollution Probe s'intéresse à la question du smog. Nous vous avons apporté les documents que voici, des documents d'information que nous avons mis un an ou deux à élaborer. Il ne s'agit pas de documents de revendication. On y explique certaines notions scientifiques, et on dit aux gens quelles mesures connexes sont prises; on leur dit ce qu'ils peuvent faire pour se protéger. Nous sommes très préoccupés par la question du smog. Si vous consultez le rapport de l'OCDE, que nous mentionnons dans notre mémoire, il y a certaines raisons qui expliquent pourquoi le Canada affiche une consommation d'énergie et des taux d'émission élevés, mais occupe la queue du peloton en ce qui concerne le rendement à l'égard des principaux polluants, comme les COV, les oxydes d'azote, l'anhydride sulfureux, et ainsi de suite.

C'est un enjeu très grave; la documentation médicale relative à l'impact du smog sur la santé humaine est plutôt dense.

Nous avons insisté sur le fait que le Canada tire de l'arrière par rapport à ses partenaires. On vous a parlé un peu des fonderies et du rattrapage que nous devons effectuer à ce chapitre. Nous sommes effectivement dotés de politiques relatives à cet aspect. Espérons que la prochaine décennie sera marquée par des améliorations considérables. Ce sont là des exemples d'écarts en matière de rendement.

Nous sommes également préoccupés par le changement climatique et ses répercussions sur la santé humaine. Même avec une réduction du niveau de certains polluants présents dans le smog, précurseurs de ce qu'on appelle le smog photochimique, un accroissement de la chaleur et de la lumière du soleil stimule la production d'ozone, par exemple. J'ai présenté, à titre d'exemple, un rapport que nous avions produit relativement à la région de Toronto-Niagara, et les chiffres mentionnés dans mon mémoire sont plutôt effrayants. Si aucune autre mesure n'est prise, nous prévoyons que le nombre de jours à plus de 30 degrés celsius pourrait doubler d'ici les années 2030 et franchir le cap des 50 jours d'ici les années 2080. Nous savons que les périodes de chaleur occasionnent des décès prématurés, en particulier chez les aînés, et que le nombre de tels décès pourrait augmenter de façon importante d'ici les années 2020. La concentration de base de l'ozone troposphérique devrait doubler avec le changement climatique. Ainsi, la fréquence des masses d'air oppressives pourrait passer de 5 p. 100 des jours d'été à 23 à 39 p. 100. Cette prévision est fondée sur les meilleures données scientifiques disponibles.

Pollution Probe participe également aux études sur l'impact du changement climatique et sur l'adaptation. Mon chercheur principal assure la direction conjointe de ces travaux et sera coauteur d'un nouveau rapport sur l'impact du changement climatique et sur l'adaptation en Ontario, qui paraîtra au début de 2007. C'est sur cet aspect qu'il travaille.

Comme vous le savez probablement, certaines recherches scientifiques plus récentes sur le changement climatique laissent croire que certaines répercussions sont plus graves que ce que les chercheurs avaient prévu à l'origine. Il est possible que la situation s'aggrave. Il y a certainement un lien entre les jours de chaleur, les masses d'air oppressives et l'accroissement des concentrations d'ozone et l'accroissement des répercussions sur la santé non seulement des aînés, mais aussi des enfants et d'autres personnes plus à risque.

Je mentionne dans mon mémoire les enjeux liés au plomb. Nous n'avons toujours pas de stratégie exhaustive concernant la réduction de l'utilisation du plomb au Canada. Il y a un projet de stratégie, daté de 2002, sur le site web de Santé Canada, mais on tarde à y mettre la dernière main. Il nous faut une telle stratégie. Nous connaissons très bien l'impact du plan, en particulier sur les enfants, et je crois savoir que d'autres témoins mettront de l'avant certains enjeux liés au plomb.

Nous avons élaboré un document d'information relatif au mercure. Vous pouvez le lire et tout savoir sur la question. C'est un document accessible, mais cela ne veut pas pour autant dire que l'on cache le côté scientifique. Ce document vous amènera à constater que les sources de mercure sont nombreuses. Le Canada, c'est-à-dire les provinces et le gouvernement fédéral, vous diront que nous avons fait du bon travail à l'égard du mercure, et que nous avons réduit les émissions de quelque 80 p. 100 au cours des dix dernières années. Or, nous nous sommes contentés de suivre les traces d'autres pays dans ces secteurs. Nous n'avons pas mené du tout, et nous avons même pris du retard à l'égard de certains enjeux clés.

Pollution Probe a mené l'an dernier une étude sur le recyclage du mercure contenu dans les lampes fluorescentes compactes et les autres lampes contenant du mercure. Cette étude était fondée sur des sondages effectués auprès de municipalités, d'entreprises de recyclage, de producteurs et d'autres intervenants. Ce qu'il importe de retenir, c'est que l'UE s'est fixé comme objectif de recycler 80 p. 100 du mercure contenu dans ces lampes d'ici 2006, c'est-à-dire cette année. Plusieurs pays ont déjà réalisé cet objectif, et d'autres sont en voie de le réaliser. Les États-Unis ont établi une cible de 50 p. 100 d'ici 2006 ou 2007. Ils en sont actuellement à environ 25 p. 100, et ils s'améliorent rapidement grâce à une approche volontaire soutenue par des ressources généreuses, et ils vont revoir cette cible en vue d'atteindre les 80 p. 100 d'ici 2009.

Au Canada, au mieux de nos estimations, nous recyclons actuellement 7 p. 100 du mercure, et nous n'avons ni plan ni cible. Certains intervenants s'intéressent beaucoup à la question de l'incinération des déchets municipaux, mais si les gens jettent des lampes contenant du mercure dans les déchets municipaux, nous rejetons du mercure dans l'atmosphère. Avec la promotion croissante des ampoules à haute efficacité énergétique — démarche très avantageuse du point de vue énergétique, et Pollution Probe est tout à fait en faveur de cela — nous pourrions du même coup rejeter beaucoup plus de mercure dans l'atmosphère. Ne serait-ce que pour aller de l'avant à l'égard de certaines autres technologies, si c'est ce que les gouvernements décident de faire, malgré la forte opposition des environnementalistes, nous devons composer avec une lacune qui n'est pas aussi marquée en Europe, car le mercure est une substance dangereuse, et nous devons nous activer et prendre des mesures pour contrôler cette substance.

Le recyclage et la réutilisation du mercure, c'est une chose, mais sa production à de nouvelles fins n'a pas de sens. Si nous n'en avons pas besoin, nous ne devrions pas le produire du tout. C'est un élément. On ne peut le transformer que dans un réacteur nucléaire, et le résultat serait probablement pire encore. Nous devons nous attaquer aux sources de mercure et interdire les utilisations non essentielles, comme les thermomètres au mercure, pour lesquels il existe manifestement des solutions de rechange peu coûteuses. De nombreux États américains interdisent l'utilisation de thermomètres au mercure, et selon une analyse juridique menée pour notre compte par Mme Dianne Saxe, les échelons fédéral, provincial et municipal du Canada sont juridiquement habilités à formuler de telles interdictions. Nous sommes habilités à le faire, seulement nous ne sommes ni intéressés ni disposés à le faire. Il y a des solutions de rechange rentables. Personne ne va perdre au change. Bien sûr, Pollution Probe craint que nos voisins du Sud ne profitent de ce vide juridique pour inonder le marché de thermomètres à rabais, ce qui risque d'aggraver le problème.

C'est à l'égard de ce type d'enjeux que je considère notre rendement comme lacunaire. Le mercure ne procure aucun avantage dans l'organisme humain, et il crée des problèmes, depuis le cancer jusqu'aux perturbations du système endocrinien, en passant par les problèmes neurotoxicologiques. C'est un problème mondial. Le Canada doit se doter d'une stratégie nationale et travailler à l'échelle internationale. La LCPE est un outil qui pourrait contribuer à une telle démarche.

Nous tenons à féliciter l'actuelle ministre de l'Environnement, Mme Rona Ambrose, d'avoir annoncé l'adoption prochaine d'un plan de prévention de la pollution relatif aux commutateurs au mercure dans les automobiles. Il y a quelques années encore, les fabricants d'automobile nord-américains, en particulier, plaçaient un gramme de mercure dans un dispositif d'éclairage pratique du coffre. Le roulement de la capsule contenant le mercure permettait d'allumer et d'éteindre la lumière. Cela met en relief l'une des lacunes que je reproche à notre loi. La Loi sur les produits dangereux ne s'applique pas, car le mercure ne s'échappe pas d'un contenant métallique, mais où ce contenant se retrouve-t-il? Il se retrouve dans un four électrique à arc, où il pourrait être réglementé par la LCPE, à un coût probablement 100 fois plus élevé que si on le retirait et on omettait tout simplement de l'utiliser dans le commutateur. Il y a des solutions de rechange peu coûteuses. Certains fabricants ont cessé d'utiliser le mercure plus tôt. Tous les fabricants l'ont maintenant fait de façon volontaire, mais il y a sur nos routes des millions d'automobiles contenant des tonnes de mercure susceptibles de finir dans l'atmosphère, tout simplement parce que les fours électriques à arc vont faire fondre l'acier et rejetteront le mercure.

Je ne comprends pas, en ma qualité d'ancien fonctionnaire et, maintenant, de dirigeant d'un organisme ayant pour mission de protéger le public de ces substances, pourquoi nous ne pouvons pas prendre ce genre de mesure. Tous les autres pays le font. C'est le genre de lacune en matière de rendement qu'on devrait contester. Je vous encourage à demander des précisions lorsqu'on laissera entendre que le Canada fait du bon travail.

Ma principale conclusion, c'est que nous devons composer avec des lacunes importantes au chapitre des données. Par exemple, le travail de catégorisation qu'on effectue actuellement en vertu de la LCPE est fondé sur des données qui remontent à il y a 20 ans, des données recueillies entre 1984 et 1986, sur les volumes de production de produits chimiques. Ce n'est pas le cas aux États-Unis. Richard Denison semblait ébranlé lorsqu'il m'a dit : « Comment pouvez- vous travailler avec des données qui remontent à 20 ans? Le travail qu'il a effectué montre qu'il y a des variations marquées de l'utilisation et de la distribution de certains produits chimiques en quelques années seulement. Nous devons mettre à jour l'information et établir une structure favorisant la collecte régulière d'information. Le rapport sur les pratiques exemplaires va montrer ce qui se passe dans d'autres pays : bien souvent, il ne s'agit pas d'améliorations incroyables, mais il n'en demeure pas moins qu'ils affichent une amélioration par rapport à notre situation actuelle.

Nos données sont, en grande partie, vieilles et désuètes. Nous ne disposons pas de données de biosurveillance complètes, de sorte que, quand on diffuse des rapports comme « Nation toxique », fondés sur un échantillon très limité, on ne sait pas vraiment ce que cela signifie, et personne ne peut garantir au public qu'on dispose de suffisamment d'information pour montrer que nous sommes, dans l'ensemble, en bonne santé, ou que, de fait, nous ne le sommes pas, et que nous devons intervenir plus rapidement à l'égard de certaines substances.

Nous avons besoin de ce genre de données aussi. Il est évident que nous tirons de l'arrière par rapport à d'autres pays en ce qui concerne certaines substances, comme le mercure et les EDPB, entre autres.

Je vous invite donc à examiner en profondeur certains de ces enjeux, et à tirer vos propres conclusions. Nous vous présentons notre point de vue sur cette question, mais je crois qu'il y a manifestement des aspects à l'égard desquels nous tirons de l'arrière. J'espère qu'il ne s'agira pas d'un examen sommaire de la LCPE, car c'est l'occasion d'intervenir de façon décisive à l'égard de ces enjeux et d'apporter des améliorations importantes.

Merci de m'avoir donné l'occasion de vous parler. Je serai heureux de répondre à vos questions.

Le président : Merci, monsieur Ogilvie. Vous nous avez également mentionné plusieurs publications, et je vous serais reconnaissant de bien vouloir nous les fournir. Nous avons vu nombre de ces publications, mais il pourrait nous être utile de les avoir à notre disposition.

M. Ogilvie : C'est bien volontiers que je vous procurerai des exemplaires pour chaque membre du comité.

Le président : Je vous en serais reconnaissant. Nous avons entendu le témoignage de M. Khatter, de PollutionWatch. Je sais que comparaison n'est pas raison, mais il a dit que, dans le bassin des Grands Lacs, si on examine chaque établissement, les établissements canadiens font piètre figure au chapitre des émissions atmosphériques — on parle de 93 p. 100, en moyenne — par rapport à leurs homologues américains. Est-ce que ce rapport vient de vous?

M. Ogilvie : Je crois savoir qu'il s'agit du rapport de PollutionWatch. Il a été produit par Environmental Defence, alors ce n'est pas un rapport de Pollution Probe.

Le président : Merci beaucoup. Nous assurerons un suivi à l'égard de cette question aussi.

Le sénateur Spivak : C'était tout un exposé : extrêmement complet, et déprimant à souhait.

Si on adoptait une loi sur l'assainissement de l'air au lieu de recourir à la LCPE, qu'en penseriez-vous? Il y a-t-il un risque que la LCPE soit reléguée aux oubliettes? Pour gagner du temps, je vais poser toutes mes questions.

La deuxième concerne les avantages des règles obligatoires par rapport aux programmes volontaires. Je regarde ce qui se passe dans ma province, et on ne fait rien. Il y a sûrement une disposition de la LCPE permettant d'établir des règles obligatoires et de forcer les intervenants à prendre les mesures qui s'imposent.

Je me souviens du débat entourant les usines de pâtes et le poisson, pendant les années 1980. Le gouvernement de l'époque avait dit aux usines de pâtes qu'elles n'avaient pas le choix, et elles ont fait ce qu'elles avaient à faire. Cela a coûté des milliards de dollars, mais, d'une façon ou d'une autre, elles ont survécu et sont encore rentables.

Ce sont mes deux questions.

Le président : À qui les adressez-vous?

Mme Tilman : Je peux répondre à quelques questions, et mes collègues voudront peut-être prendre le relais par la suite.

J'aimerais tout d'abord aborder la question des règles obligatoires et des programmes volontaires. Je crois que notre pays accuse un retard considérable au chapitre de la création de mesures réglementaires, et que la LCPE nous habilite à prendre de telles mesures.

La partie « volontaire » vient lorsqu'on atteint un certain niveau. Comme vous l'avez signalé, lorsqu'on établit un règlement, il y a une cible de rendement qui doit être respectée, dans la mesure où on assure l'exécution de ce règlement — et c'est là un aspect préoccupant — et que ce règlement est valable.

J'avancerais que la LCPE nous permet de faire cela, mais que nous ne l'avons pas fait. Il suffit de penser aux accords d'équivalence, qui étaient sans effet juridique.

Mme Broten : J'aimerais également aborder ce sujet. Cela me fait penser à l'exemple du perchloréthylène pour le nettoyage à sec, qui a fait l'objet d'une ligne directrice facultative, d'une sorte de code de pratique, pendant au moins dix ans. Environnement Canada s'était dit qu'on allait miser sur des mesures volontaires pour convaincre tous les intervenants de bonne foi de faire des changements et de contrôler leur utilisation de produits chimiques. Après une décennie de cela, le ministère a fini par prendre un règlement pour forcer les autres à faire de même.

Pourquoi ne pas avoir établi le règlement dès le départ? Cela aurait permis d'éviter toutes ces tergiversations quant à l'investissement, car certains le feront, d'autres, pas. Un règlement permet d'équilibrer les règles du jeu. Comme vous le savez, cela fonctionne à merveille dans le secteur des pâtes et papiers.

M. Ogilvie : Si vous me permettez d'ajouter quelque chose, c'est un domaine que j'ai étudié pendant bon nombre d'années. De fait, le site web de Pollution Probe est doté d'un centre de ressources sur les initiatives volontaires. Nous avons appris que les initiatives volontaires peuvent être efficaces moyennant l'établissement de certaines modalités; en l'absence de telles modalités, ces programmes peuvent se révéler très inefficaces.

L'action volontaire part du principe selon lequel cela incite les dirigeants à montrer qu'une démarche donnée est réalisable et à mobiliser tout le monde. Le problème avec cette méthode, c'est qu'on ne récompense jamais les dirigeants. Nous nous contentons de les laisser diriger, et, bien souvent, personne n'arrive à mobiliser les gens de toute façon. Je crois que c'est un problème fondamental auquel nous devons nous attaquer. La reconnaissance a du bon, mais il faut prévoir des incitatifs suffisants pour les dirigeants.

De nombreux dirigeants de l'industrie prendront la tête de toute façon, pour des raisons d'affaires ou parce que cela leur tient à cœur. Néanmoins, je crois que nous devons articuler les initiatives volontaires autour d'une architecture soigneusement conçue.

Il y a des politiques fédérales dans ce domaine. Il y a une politique-cadre relative aux ententes sur la performance environnementale. Il y a des programmes en Ontario et en Alberta. L'Ontario a son Programme des chefs de file environnementaux, et l'Alberta, EnviroVista. La participation à ces programmes est bien inférieure à ce qu'elle devrait être. On obtient des résultats lorsque le taux de participation est bon, mais il est inférieur à ce qu'il devrait être, en partie parce que l'industrie ne voit pas d'avantages à conclure de telles ententes.

Encore une fois, bien souvent, si on resserre les critères liés à la conclusion de ces ententes, l'industrie ne participe pas, faisant valoir qu'elles sont trop lourdes. Alors on se retrouve au point de départ, et on se dit que, finalement, on aurait peut-être dû tout simplement adopter un règlement. Je crois qu'il y a moyen de faire du bon travail par cette voie, mais nos antécédents en matière d'action volontaire sont peu reluisants.

Notre site web contient une foule de ressources pour quiconque veut en savoir davantage sur la question; elles montrent quelles initiatives ont fonctionné ou échoué, et contiennent des études rétrospectives qui montrent pourquoi certaines ententes n'ont pas donné les résultats escomptés.

Le sénateur Spivak : Que pensez-vous de l'adoption d'une loi sur l'assainissement de l'air?

Mme Tilman : Cette question fait l'objet de chaudes discussions. Je vous répète que les opinions que j'émets n'engagent que moi. La LCPE est un amalgame d'un certain nombre de lois, et les enjeux liés à l'assainissement de l'air sont visés par elle. La LCPE confère certains pouvoirs à cet égard.

Si on extrait ces éléments de la LCPE et on met de l'avant une nouvelle loi, nous ne pouvons savoir si elle s'assortira de mesures volontaires ou autres. Les lois n'apparaissent pas spontanément : il faut prendre le temps de les élaborer. Nous avons un instrument qui est déjà en place, et nous tentons de l'améliorer. Cela m'inquiéterait si nous éliminions ces éléments sans savoir où cela va nous mener.

Pour l'instant, je me contenterai d'appliquer le principe de la prudence et de dire que je ne dispose pas d'information suffisante pour me prononcer. Si cela ne suppose que la conclusion d'ententes volontaires ou l'application de réductions volontaires, ce ne sera pas suffisant. Cela ne permettra pas de protéger la santé humaine et l'environnement. Je crois que c'est à ce chapitre que nous perdons.

Mme Broten : Une nouvelle loi, si efficace et bien rédigée soit-elle, ne pourrait être promulguée que plusieurs années plus tard, lorsque la bureaucratie aurait réussi à démanteler ce qu'elle a mis des années à bâtir sous le régime de la LCPE. Les bureaucraties mettent beaucoup de temps à établir tous leurs comités et à tout coordonner. On attendrait probablement trois ou quatre ans avant qu'une telle loi soit même proposée.

Le président : Vu la possibilité que certains éléments de la loi deviennent caducs à la suite de la promulgation d'une nouvelle loi, est-ce que nous perdons notre temps à examiner la LCPE?

Mme Broten : Certainement pas. La LCPE englobe de nombreux enjeux, pas seulement l'assainissement de l'air. Il y a tous les autres enjeux liés aux substances toxiques et à la gestion environnementale.

Le président : En ce qui concerne l'assainissement de l'air, ne devrions-nous pas tout simplement dire que nous ferons fi de ces éléments de la LCPE parce qu'ils seront peut-être visés par un autre instrument?

Mme Broten : Vous pourriez peut-être formuler une recommandation.

Mme Tilman : On ne peut séparer ces enjeux. Si on commence à examiner les sources, on constate qu'il ne s'agit pas uniquement de l'air. Il y a de nombreuses autres sources, comme celles que nous avons déjà mentionnées, les fonderies. On s'intéresse de façon exagérée aux enjeux touchant la pollution atmosphérique, et certains autres aspects ont été laissés pour compte. Par exemple, on effectuait davantage de travaux liés à l'eau.

Il est crucial, du point de vue gouvernemental, d'établir une loi englobante qui envisage l'ensemble des milieux et qui vise à établir l'équilibre en matière de santé et d'environnement.

M. Ogilvie : Puis-je répondre à cela, brièvement?

Le sénateur Spivak : Croyez-vous que l'établissement d'une loi sur l'assainissement de l'air soit vraiment sans pertinence, parce que les autorités ou les gouvernements devraient s'attacher à l'application de ce que nous avons déjà? Si nous adoptions une autre loi, c'est un autre instrument législatif qui peut être efficace ou ne pas l'être. Ces deux processus parallèles — l'examen de la LCPE et une nouvelle loi — semblent contradictoires.

L'autre question que je me pose concerne le mot « toxique ». Des associations de consommateurs qui ont témoigné devant nous ont fait valoir que nous devrions éliminer le mot « toxique » de la LCPE. J'ai lu quelque chose au sujet de l'opinion des tribunaux sur cette question, dans l'affaire mettant en cause Hydro-Québec. J'aimerais savoir également ce que vous pensez de cela.

M. Ogilvie : Je vais commenter brièvement.

Quand la question du retrait du mot « toxique » de la LCPE a été soulevée, elle semblait venir de nulle part, et nous a beaucoup surpris. Pollution Probe s'est alliée à un certain nombre d'autres groupes environnementaux pour contester cette idée, en partie parce qu'il n'y a eu aucune discussion en bonne et due forme. Pollution Probe n'a pris part à aucune discussion sur ce sujet et, tout à coup, on annonçait pratiquement que le mot « toxique » serait éliminé. Notre première réaction a été de contester cela.

La deuxième réaction de Pollution Probe a été de consulter un avocat afin d'être mieux informé des conséquences juridiques d'une telle mesure. Ce document porte la mention « confidentiel », mais c'est parce que Pollution Probe était le client. Malgré tout, je vous en laisse une copie. L'avocat craint que l'élimination du mot « toxique » de la LCPE ne déstabilise la pierre d'assise réglementaire ou les fondements de la loi en minant les bases juridiques permettant de faire valoir qu'il s'agit d'une loi fédérale valide, constituée en vertu des pouvoirs en matière de droit criminel conférés par la Loi constitutionnelle.

J'ai pris soin de préciser, au début de mon exposé, que je ne suis pas avocat. On craint que l'utilisation du mot « toxique » à des fins de réglementation par le gouvernement fédéral ne mène à une classification trop limitée des choses qui sont vraiment importantes. Les représentants du gouvernement, pour leur part — et j'ai effectivement demandé leur avis juridique, mais je n'ai pu l'obtenir par les voies officielles, car cette information est confidentielle —, font valoir que cela n'a pas vraiment d'importance, dans la mesure où on décrit les caractéristiques des substances dont il est question. On pourrait parler de substances de l'annexe X, et ce serait acceptable. L'avocat qui a formulé cette opinion ne croyait pas que ce débat avait une incidence. Personne n'a vraiment tranché de façon décisive à l'égard de cette question.

Retirer le mot « toxique » sans tenir un débat convenable sur les répercussions possibles d'un tel geste — et je parle d'un débat public — serait une erreur. Au bout du compte, cela pourrait correspondre à tirer une épine du pied des producteurs de produits chimiques et d'autres intervenants. Je ne crois pas avoir vu bien des preuves de cela, à part quelques exemples isolés, mais nous risquons de créer un problème plus important et de compliquer la réglementation de substances toxiques par le gouvernement fédéral.

Mme Tilman : J'aimerais ajouter des commentaires.

J'ai fait partie du comité consultatif qui a examiné la LCPE, et c'est à l'occasion d'une rencontre de ce comité que la question a été soulevée. Les choses se déroulaient rapidement au sein de ce comité, et quelqu'un a soudainement déclaré qu'on devrait enlever le mot « toxique » et le remplacer par « substances préoccupantes ». Cela soulève quelques problèmes. Premièrement, notre organisme, avec d'autres organismes et ceux qui ont siégé à ce comité, a signé la même lettre que Pollution Probe pour manifester son opposition à cette idée. Il y a un problème de perception. Si une substance est toxique, elle est toxique. Le problème, c'est que pour certaines substances déclarées toxiques au sens de la LCPE — il suffit de songer, par exemple, au sel de voirie —, c'est une question de quantité. De nombreuses choses sont toxiques lorsqu'on les utilise en grande quantité. Pour une substance comme le mercure, on ne peut établir un seuil de quantité à partir duquel on est en sécurité. La question qui s'impose à l'esprit est la suivante : quelles substances envisage-t-on dans le cadre de la LCPE? Est-ce qu'on envisage le bon ensemble de substances en ce qui concerne l'évaluation de la toxicité? Je crois que ce serait une erreur d'éliminer le mot « toxique ». Nous devons veiller à ce que le travail effectué au chapitre de l'évolution des substances soit clair. Autrement dit, pour être déclarée toxique, une substance doit satisfaire à des critères clairs et prudents permettant de déterminer que ces substances sont toxiques.

J'ai écouté les arguments des groupes qui contestent l'utilisation du mot, mais on devrait appeler un chat un chat. L'expression « substances préoccupantes » n'a tout simplement pas le même poids. Le grand public serait plutôt préoccupé par cela aussi.

Le président : C'est un trait typiquement canadien, cette utilisation d'euphémismes. N'est-ce pas?

Mme Tilman : Nous sommes polis.

Le président : Je rappelle aux membres que nous devons quitter le local au plus tard à 10 heures, car nous devons laisser la place à un autre comité.

Le sénateur Spivak : Croyez-vous que l'opinion des avocats est plus importante que l'opinion du juge qui a déclaré explicitement que le mot « toxique » est essentiel à la mise en œuvre de la LCPE?

Le président : Le sénateur Spivak fait référence à l'arrêt de la Cour suprême relativement à Power Corporation, à cinq voix contre quatre.

Le sénateur Spivak : Oui.

Mme Tilman : Je ne suis pas avocate, alors je ne sais pas sur quelle opinion je parierais. Toutefois, d'après ce que j'ai vu, je crois que nous pourrions créer un grave problème en atténuant ce qui se passe vraiment et en changeant la terminologie. Le fait d'être « toxique » a une incidence, mais tout est une « substance préoccupante ».

Le sénateur Angus : Bonjour à tous, et merci beaucoup d'être ici.

Votre témoignage nous a été extrêmement utile, car c'est à cela que servent ces audiences préliminaires. Vous nous donnez des repères, et vous nous dites comment nous devons nous attaquer au défi énorme qui nous a été confié.

Le défi ne semble peut-être pas aussi énorme lorsqu'on utilise une tournure comme : « Veuillez effectuer un examen complet de la LCPE. » Certains éléments de vos témoignages évoquent une question soulevée par le président concernant la promulgation éventuelle d'une loi sur l'assainissement de l'air, et la possibilité que nous perdions notre temps.

Ce que j'entends — et j'aimerais que vous confirmiez ou infirmiez cette impression —, c'est que, tout d'abord, la LCPE est bonne parce qu'elle s'assortit d'une disposition relative à l'examen. On nous dit que la loi n'atteint pas ses objectifs initiaux. C'est déjà quelque chose : nous savons que cette loi massive, avec toute la bureaucratie et les dépenses qu'elle suppose, ne fonctionne pas.

Ensuite, je crois que le principal message est transmis non seulement par vous, mais aussi par d'autres témoins qui ont mis en relief l'existence de lacunes au chapitre du rendement et de notre retard croissant à ce chapitre, c'est que la LCPE, en tant qu'instrument législatif — c'est-à-dire les dispositions de la loi elles-mêmes — est bonne.

C'est juste qu'elle ne fonctionne pas. J'aimerais que vous me confirmiez cette impression. Nous ne sommes pas ici pour dire que nous allons modifier la partie 3, éliminer la définition de « toxique », et faire fi du rendement et de certains bons principes enchâssés dans la loi. Pourquoi ne fonctionne-t-elle pas? Quel est le problème?

S'il y a un problème, je veux qu'on trouve la solution. Si nous passons six mois à effectuer un examen approfondi de dispositions juridiques dont la forme est déjà acceptable, cela ne va rien donner. Quel est le vrai problème, et comment pouvons-nous le résoudre?

Mme Tilman : Vous avez raison. Je ne crois pas que ce serait utile de détruire la loi.

Le sénateur Angus : Ça, ce serait une perte de temps.

Mme Tilman : Il faut établir des échéances et, dans certains cas, assurer l'exécution de la loi. Pourquoi la loi n'est-elle pas appliquée? Pourquoi les délais ne sont-ils pas plus serrés? Qu'est-ce qu'on attend pour agir? J'aimerais qu'on agisse. J'aimerais voir des résultats. Voilà pourquoi on parle d'une loi sur l'assainissement de l'air. Nous n'obtenons pas de résultats. Pourquoi donc? Si ces mesures sont bonnes, alors pourquoi ne fonctionnent-elles pas? Quel est le budget prévu aux fins de l'application de la loi?

Environnement Canada a demandé qu'on produise un rapport sur l'efficacité de la LCPE — en fait, je crois qu'il s'agissait d'Environnement et de Santé —, il vous serait peut-être utile de le consulter. Il s'agit du rapport d'un expert- conseil sur la LCPE, et je peux vous aider à le trouver, si vous voulez.

Le président : Nous avons ce rapport en main.

Mme Tilman : Il ne s'agit pas d'un rapport complet, et, à de nombreux égards, je ne crois pas qu'il soit assez sévère. Mais où est la volonté? Nous avons constaté qu'il y a un manque de volonté et qu'il existe, dans certains cas, un cauchemar bureaucratique. Ce sera difficile. Pour ce qui est du sens que nous donnons au terme « complet », prenons la prévention de la pollution. C'est un élément crucial de la LCPE. Où l'a-t-on appliquée? Est-ce qu'elle fonctionne? Je ne crois pas qu'elle fonctionne bien du tout.

Qu'entendons par « prévention »? Comment pourrions-nous renforcer cette notion? J'aimerais utiliser les mots « renforcer », « améliorer » et « appliquer » pour justifier l'adoption de mesures fondées sur des facteurs pertinents. Établir des normes inexécutables d'ici 2015, ce n'est pas de la prévention de la pollution. J'aimerais qu'on se penche sur cette question et qu'on détermine ce qui pourrait être fait.

J'ai également mentionné les accords d'équivalence. La LCPE prévoit qu'on peut les utiliser. Cela ne veut pas dire qu'on doit les utiliser. Ainsi, la LCPE ne va pas au bout de ses pouvoirs, et c'est là que le bât blesse. Le recours à des accords harmonisés, fondés sur le plus petit dénominateur commun ne nous a menés nulle part.

M. Ogilvie a parlé du mercure. Combien d'années avons-nous mis avant d'agir? Nous sommes très loin derrière les États-Unis pour ce qui est de l'établissement d'un grand nombre de ces mesures réglementaires. C'est un aspect sur lequel vous pourriez vous pencher.

Au lieu de disséquer la loi, si vous vous penchez sur ces aspects, vous trouverez peut-être un moyen d'orienter vos travaux tout en conservant une approche globale.

Mme Broten : Cela tient en partie à cette habitude canadienne de toujours chercher à établir le consensus, et il est toujours difficile d'apporter des changements. Si on parle de « réglementer », de « contrôler » ou de « cesser volontairement d'utiliser » une substance toxique, cela veut dire que les gens doivent changer. Les entreprises doivent changer; tout change. C'est difficile pour les gens, et votre bureaucratie fédérale a pour mandat d'établir un consensus sur tout. Il suffit de penser aux communiqués de presse. C'est plutôt pathétique, et très canadien, comme attitude.

Malheureusement, la composition chimique de notre monde est compliquée. Il faut que le gouvernement fédéral fasse son travail.

M. Ogilvie : Il y a plusieurs problèmes. L'un d'eux, c'est que nous n'avons pas recueilli les données nécessaires, ou plutôt devrais-je dire, de données à jour.

Le sénateur Angus : Qu'entendez-vous par « nous »?

M. Ogilvie : Je parle du gouvernement fédéral et des provinces.

Le sénateur Angus : Est-ce que les fonctionnaires censés assurer l'application de la LCPE, par exemple, ont failli à leur tâche?

M. Ogilvie : Nous n'avons pas d'information à jour. On mène actuellement des enquêtes dans le cadre du processus de catégorisation.

Le président : Pourquoi en est-il ainsi? Qui est censé obtenir cette information, et ne l'a pas fait?

Le sénateur Kenny : Nous voulons des noms.

Mme Tilman : Si vous voulez des détails, il y a l'inventaire national des rejets polluants prévu dans la LCPE. Il est très important pour le public de savoir ce qui se passe, et c'est l'une de nos formes de données.

Un certain nombre de dispositions sont restrictives, y compris celle relative à la confidentialité de l'information. Les établissements ne sont pas tenus de mesurer les données qu'ils fournissent. Ils peuvent utiliser tout ce qui leur tombe sous la main.

Nous avons récemment rencontré des représentants d'Environnement Canada à cet égard. Le ministère produit des estimations chiffrées, mais l'information qu'il reçoit est présentée de façon plutôt différente, parfois sur une échelle de grandeur. L'industrie ne fournit pas au ministère l'information dont il a besoin. Il s'agit d'information détaillée, liée aux procédés. L'Environmental Protection Agency américaine réussit à obtenir cette information. Ses représentants disent qu'ils n'ont aucune difficulté à l'obtenir. Nous ne pouvons l'obtenir parce qu'elle n'est pas prévue dans l'inventaire national des rejets polluants. Je ne suis pas avocate. J'ignore si c'est pour cette raison ou si c'est parce que la bureaucratie ne cherche pas à l'obtenir ou ne soutient pas la production de tels renseignements.

Rien ne justifie qu'on ne dispose pas de données comparables, et les Américains affirment n'avoir aucune réserve en ce qui concerne la confidentialité. Ce genre de base de données est ouvert au grand public.

Ce sont des choses que notre inventaire nous permet de faire. Nous pouvons chercher à trouver des moyens d'améliorer le mécanisme de collecte d'information afin que les données soient à jour. M. Ogilvie a signalé que les données sont périmées. Nous avons mentionné que la confidentialité fait obstacle à l'obtention d'information. Que peut-on faire pour accélérer ce processus et veiller à ce que le gouvernement puisse assurer un certain degré de vérification? Le gouvernement devrait être en mesure d'effectuer des inspections et de vérifier les données. On ne fait pas cela.

C'est notre position. Certains des pouvoirs nécessaires sont peut-être là. Pourquoi ne les exerçons-nous pas? L'inventaire, que j'appuie fermement, est l'un des meilleurs programmes prévus dans la LCPE. Nous craignons de perdre une partie de la véracité que procure ce programme, car ils avancent maintenant que les chiffres qu'ils ont ne se tiennent pas, et qu'ils ne peuvent établir les modèles exigés en matière de qualité de l'air.

C'est un enjeu spécifique lié aux données qui mérite votre attention.

M. Ogilvie : Nous avons également besoin de ressources pour la biosurveillance. Cela nous permet de déterminer ce qui entre dans l'organisme humain. Il est difficile de remonter à la source.

Le sénateur Angus : Monsieur Ogilvie, je crois que le document fourni par Mmes Tilman et Broten est excellent. Vous avez entendu leurs opinions franches. Je suppose que vous êtes d'accord avec tout ce qu'elles ont dit. N'est-ce pas?

M. Ogilvie : Je n'ai pas rédigé leur document, mais oui.

Le sénateur Angus : Il n'y a pas de désaccord sur ces questions.

M. Ogilvie : J'ai peut-être un point de vue différent à l'égard de certains aspects, mais la réponse est oui : je suis fondamentalement d'accord avec elles.

Le sénateur Angus : Le document soulève de nombreux points valides. Du côté politique, vous avancez que le Canada n'a pas la volonté politique de bien faire les choses. Pourtant, nous avons eu toute une succession de ministres de l'Environnement qui nous ont servi ces formules creuses : « C'est notre priorité, et patati et patata. »

Qu'est-ce qui ne va pas? De bonnes gens d'Environnement Canada viennent ici pour suivre certaines de nos audiences. Nous prenons soin de ne pas porter d'accusations si nous ne savons pas ce que nous faisons. Si en disant qu'il n'y a tout simplement pas suffisamment de ressources nous voulons vraiment dire que les gouvernements se rabattent encore et toujours sur des vœux pieux à l'égard de ce problème d'envergure mondiale qui met en jeu l'ensemble de l'humanité, parce que ce n'est pas payant sur le plan électoral, nous devrions le dire.

Je commence à me rallier à ce point de vue. La commissaire à l'environnement nous répète constamment que les outils nécessaires sont en place. Rien n'empêche le Canada d'être à la fine pointe de la lutte contre le changement climatique, de la prévention de la pollution et du contrôle de ces substances toxiques, en particulier à l'égard des aspects biologiques, où des humains souffrent.

Je me préparais à venir à la rencontre, ce matin, et je me suis pris à espérer que quelqu'un parle du mercure. Vous avez mentionné un livre, et j'ai très hâte de mettre le grappin dessus. Un membre de notre comité réside à Rankin Inlet, dans l'Arctique. On nous dit que le mercure qui provient de quelque part ici freine carrément la croissance d'une partie de notre civilisation et occasionne peut-être des dommages permanents. L'intégrité du lait maternel est atteinte. Les animaux qui font partie de la chaîne alimentaire socioéconomique contiennent une foule de substances toxiques et minent la santé des personnes qui les mangent. Maintenant, ils doivent envoyer des échantillons dans le Sud, et quand les résultats des analyses finissent par arriver, ils sont tous en train de crever de faim. Je crois que notre comité rendrait un grand service en disant tout simplement : « D'accord, nous nous attaquerons au mercure. »

Mme Tilman : Ce serait fantastique. Environnement Canada m'a embauchée afin que je rédige des rapports dans l'optique du public, et je veillerai à ce que le comité les obtienne. Je me suis penchée sur les répercussions du mercure sur la santé. Mon expérience à ce chapitre est tout à fait convenable. J'ai pris part à une foule de conférences dans le cadre de l'Évaluation mondiale du mercure par les Nations Unies. Mais j'aimerais revenir au cœur de la question, au nœud du problème.

Le sénateur Angus : Le pourquoi?

Mme Tilman : Oui. Je crois que, dans une large mesure, les bureaucrates sont animés de bonnes intentions, alors je ne les critique pas.

Le sénateur Angus : De bonnes personnes pleines de talent ont été embauchées.

Mme Tilman : C'est exact. Je suis désolée de devoir le dire, mais je crois qu'il doit y avoir de la frustration à ce chapitre. La capacité est limitée. Les ressources sont insuffisantes. Ont-ils les ressources dont ils ont besoin pour faire leur travail? Y a-t-il une volonté de changer les choses? Il faut se pencher sur cette question.

Le mercure est un bon exemple, mais il y en a d'autres. En ce qui concerne les fonderies, lorsqu'un établissement du nord du Manitoba émet 1 400 ou 1 500 kilogrammes par année — ce qui en fait la première source d'émissions atmosphériques en importance en Amérique du Nord —, c'est honteux et scandaleux. C'est une technologie désuète. Pourquoi faisons-nous cela?

Je peux vous dire de quoi il retourne. Je le sais, car j'ai travaillé sur ce dossier. Le Manitoba dit : « Ce sont des emplois. Nous ne voulons pas y toucher. Nous ne voulons pas fermer cet établissement. C'est une question d'emplois. Nous avons des limites relatives aux émissions atmosphériques, et cet établissement les respecte. » Eh bien, ces limites ne sont pas bonnes. Évidemment, elles sont inférieures aux normes de l'Organisation mondiale de la santé relative à l'anhydride sulfureux. Il est impensable qu'une telle chose se produise au Canada au XXIe siècle.

Mme Broten a fait allusion aux tractations entre les provinces et le gouvernement fédéral — non, oui, non, oui — qui sait ce qui se passe en coulisse. J'ai approché tous les ministères liés de près ou de loin à la question des fonderies. Il est difficile pour une personne comme moi-même de se faire entendre. Ce n'est pas difficile pour les entreprises, vous pouvez me croire. Elles font la pluie et le beau temps lorsqu'il est question d'emplois.

Il y a des divisions au sein du gouvernement du Canada. Il y a des brèches à certains endroits dans la maison, et il faut les colmater. C'est le commissaire qui a mentionné cela. Il y a des divergences d'opinions entre Ressources naturelles Canada, Environnement Canada et Santé Canada. Je vous le dis, en toute franchise : j'ai vu de tels affrontements avoir lieu à l'occasion de réunions.

Le sénateur Angus : C'est l'heure de la confession.

Mme Tilman : Oui, ça l'est. C'est l'heure de l'absolution.

Le sénateur Angus : Nous sommes là pour vous aider. Nous représentons le Sénat.

Mme Tilman : De fait, cela mine la démarche actuelle. Personne n'adopte une vue d'ensemble.

Les enjeux en matière d'environnement et de santé devraient orienter les autres activités, et ce n'est pas ce qui se produit. C'est plutôt l'inverse. Ce sont les impératifs des autres ministères du gouvernement qui pèsent sur Environnement Canada. Regardez les budgets pour Environnement Canada. Ont-ils augmenté? Le ministère est-il en mesure d'embaucher davantage de personnes pour assurer l'exécution de la loi? Dispose-t-il des ressources humaines dont il a besoin? Je ne crois pas. Vous devriez vous pencher sur cette question.

Le sénateur Angus : Chose étonnante, le comité est invité à assumer d'autres tâches, alors nous ne sommes pas vraiment à court de choses à faire, mais vous en avez suggéré une. Parmi les principaux facteurs qui inhibent le progrès, vous mentionnez les conflits fédéraux-provinciaux et les compétences concurrentes. C'est une situation cauchemardesque qui touche presque tous les domaines sur lesquels nous nous penchons au Canada.

Supposons que nous publions un rapport qui s'intitulerait : La LCPE, loi convenable qui n'est ni utilisée ni appliquée efficacement : étude de cas sur le mercure. Supposons que nous mettions l'accent sur le mercure pendant trois mois, que nous nous attachions à déterminer ce qui n'a pas fonctionné et ce qui n'a pas été fait pour résoudre les problèmes. À la fin de notre dernier paragraphe, nous pourrions dire : « En passant, cela s'applique à une centaine d'autres domaines, et le rendement du Canada est si médiocre qu'il est passé de la troisième place parmi les 28 pays de l'OCDE à la 27e. C'est une honte, et nous devons rétablir la situation. » C'est ce que j'aimerais faire. Si vous croyez que c'est une bonne idée, j'en parlerai au président.

Le président : Merci.

M. Ogilvie : Puis-je ajouter quelque chose, puisque vous semblez si intéressé par le mercure? Le 9 janvier dernier, j'ai envoyé à tous les ministres de l'Environnement et de la Santé une lettre faisant appel à l'adoption d'une stratégie relative au mercure. Je leur ai envoyé le rapport sur les lampes fluorescentes et l'analyse juridique sur les thermomètres. Le 10 avril, j'ai reçu une réponse du Conseil des ministres de l'Environnement, qui me félicitait du bon travail que nous avions fait. Un de mes collègues, qui travaille maintenant pour la fondation Ivey et dirigeait auparavant le programme de lutte contre le mercure, a participé à l'une des tables rondes sur le principe de la prudence organisées par le comité de la Chambre, où il a parlé du mercure pour montrer à quel point nous tirons de l'arrière. Je serais très heureux de déposer les trois documents vu l'intérêt que vous portez à ce chapitre, histoire de vous montrer comment les questions en jeu sont reliées entre elles.

J'aurais un autre commentaire à faire. Mon opinion diffère peut-être de celle de certaines personnes. Je crois toutefois que nous devons veiller à engager un véritable dialogue sur ces questions, et j'entends par-là que nous devons dialoguer avec l'industrie, c'est-à-dire l'industrie des produits chimiques, et d'autres intervenants, au lieu de les pointer du doigt constamment. Nous devons tous nous asseoir autour d'une table et commencer à nous entendre sur certaines solutions, mais nous avons besoin pour cela de leadership politique. Je crois que nous pouvons commencer à travailler ensemble. Je ne voudrais pas que ce processus finisse par nous diviser encore plus, car nous avons d'importantes questions à régler non seulement sur le plan environnemental, mais aussi sur le plan socioéconomique entre autres. Nous avons besoin de leadership. Nous devons faire du rattrapage, ce qui pourrait exiger l'application de certaines mesures politiques fermes.

Nous devons également établir un processus d'échange d'informations et de dialogue, car bon nombre de solutions que nous pourrons trouver du côté de l'industrie seront élaborées au sein des entreprises même. Je dis cela parce que, dans les années 1960 et 1970, lorsque les ONG bâtissaient le mouvement écologiste moderne, nous avions besoin de règlements. Nous avions besoin d'infrastructures réglementaires. Nous avions besoin de ministères de l'Environnement. Nous nous attachions aux points de rejet. Nous nous attachions aux effluents et, en quelque sorte, aux déchets rejetés dans l'atmosphère. Dans les années 80, nous avons commencé à parler de prévention de la pollution, ce qui nous a amenés à prendre des mesures antipollution à l'intérieur même de l'usine — grâce à la réutilisation et au recyclage des déchets et à de nouveaux produits —, au lieu de le faire au point de rejet et d'installer là un mécanisme de traitement coûteux permettant de déverser les déchets à cet endroit. Dans les années 1990 et 2000, nous avons commencé à concevoir des usines et des produits en amont. Voilà donc pourquoi cela est important.

Aujourd'hui, nous n'avons pas beaucoup discuté des raisons pour lesquelles nous éprouvons tant de difficulté à réglementer les produits. La LCPE ne le fait pas. La Loi sur les produits dangereux ne sert absolument à rien. Si nous voulons prendre des mesures modernes et garantir véritablement la réduction des produits toxiques visés par ces lois, de façon avantageuse pour l'environnement, nous devons en fait nous attacher aux produits. Nous devons discuter de cette question, même si elle n'est pas traitée dans la LCPE. Nous devons soit en tenir compte dans la LCPE, soit trouver un moyen de mieux résoudre les problèmes liés à des produits comme le mercure dans les commutateurs. La LCPE n'aborde le problème qu'au point de rejet. On doit alors composer avec un produit très loin en aval, qui exige un traitement très coûteux, beaucoup moins rentable que certaines des solutions en amont.

Donc, je dis simplement que les ministères de l'Environnement éprouvent des difficultés à réglementer tout ce qui touche la conception des produits et des installations industrielles, entre autres.

On peut réglementer la pollution produite au point de rejet, mais qui se chargera de concevoir des produits permettant de la réglementer plutôt à la source?

C'est d'ailleurs la voie que l'Europe a décidé de suivre : des normes de production écologiques et des politiques de production intégrées. Voilà donc la nouvelle orientation des politiques en la matière, et la LCPE doit s'adapter en conséquence.

Avant d'aller plus loin en ce sens, ce qu'il se doit de faire, le Canada doit tout d'abord rattraper ses retards par rapport au reste du monde. Pour ce faire, il devra également mener des consultations auprès de l'industrie. Je ne veux pas qu'on perde cela de vue dans le cadre de l'examen de la LCPE.

Le président : Je ne voudrais pas qu'on s'attarde trop ici, mais je vois que vous faites allusion à REACH, dont vous avez déjà parlé. En fait, on n'a pas encore légiféré au sujet du modèle européen, et personne ne l'a encore adopté. Nous devons bien comprendre qu'il s'agit d'un processus en cours, qui n'est pas encore prêt à être appliqué.

Mme Tilman : À mon avis, tout dépend de l'approche avec laquelle le sénateur envisage quelque chose comme le mercure, car j'ai pu constater, au moment où j'ai effectué beaucoup de recherches au sujet de ce métal, qu'il représente un problème fondamental ayant une influence sur tous les autres éléments de l'équation. Il faut également tenir compte des principes de la prudence et de prévention, bref de toutes ces choses qu'il importe de faire. J'ai pu constater qu'on a tout avantage à envisager les choses de cette façon.

Je serais heureuse de vous présenter une vue d'ensemble de la question. J'ai écrit beaucoup de choses non seulement sur les usines de charbon, mais aussi sur la protection de la santé et de l'environnement. Il existe beaucoup de documents à ce sujet. Toutefois, il faut aussi voir les choses dans leur ensemble.

Là où le bât blesse particulièrement, c'est que nous vendons encore du mercure partout dans le monde. C'est un produit de base. Il est encore sur le marché. Pourquoi continuons-nous de vendre et de recycler le mercure, et de l'utiliser dans d'autres produits? Le Canada fait face à de graves problèmes liés aux anciens sites d'enfouissement. Nous sommes tous au courant du problème du mercure dans l'Arctique. Saviez-vous que, dans le nord de la Colombie- Britannique, une région de lacs est contaminée par une mine de mercure, la seule mine du genre que nous ayons eue au Canada? Notre environnement est encore contaminé par le mercure dans le nord-ouest de l'Ontario. Il s'agit d'une question qu'il faut régler avec beaucoup de doigté. On doit le faire de façon réfléchie, en tenant compte de la situation dans son ensemble. Il faut se pencher sur les questions associées au mercure.

Mme Broten : Je crois également que c'est toute notre société qui doit envisager les choses différemment. Nous ne prenons pas ces questions très au sérieux, parce que nous avons un si grand et si beau pays. Nous avons tendance à penser que c'est juste une petite quantité de déchets, jusqu'à ce que nous nous rendions compte qu'ils affectent notre santé.

C'est toute notre société qui doit changer de point de vue : tout le monde doit prendre la question au sérieux, de la petite collectivité au Cabinet. Je ne crois pas que ce soit le cas. Entre autres choses, il faudra prévoir, comme le préconisent mes amis du mouvement ouvrier, des mesures de transition équitable, de sorte que les travailleurs et les entreprises ayant fabriqué un produit remplacé par un autre ne soient pas eux-mêmes écartés, mais qu'ils soient plutôt intégrés au nouveau système de production propre.

Le sénateur Segal : Ce qui me frappe, c'est que nos invités n'ont pas osé parler de déficit réglementaire, secret de polichinelle s'il en est un. Dans notre pays, nous avons toute une série de lois qui ne sont pas appliquées. Nous avons toute une série de lois et de règlements indiquant aux ministères ce qu'ils doivent faire, mais dont ces derniers font fi depuis longtemps. Nous évitons tout simplement le sujet, car nous aimons mieux ne pas penser à ce que cela signifie. Je ne vois pas comment nous pourrions entreprendre un processus aussi long qu'un examen détaillé des dispositions législatives relatives à la protection de l'environnement, alors que nous savons très bien qu'elles ne sont pas appliquées à l'heure actuelle, sans que l'espérance de vie moyenne des hommes n'ait atteint 178 ans. Comme leur espérance de vie ne risque pas d'aller bien au-delà de 81 ans, nous devons nous demander s'ils utilisent bien leur temps, en l'occurrence si nous utilisons bien notre temps dans le cas qui nous occupe, c'est-à-dire si les changements proposés donneront des résultats concrets et positifs.

Mme Tilman a fait valoir que, malgré les meilleures intentions des fonctionnaires d'Environnement Canada, le gouvernement doit composer avec des intérêts concurrents. Par exemple, le chômage tue les gens et détruit les familles. Il est aussi nuisible pour la santé des gens que des polluants. Le fait que l'idée d'un débat au sein du gouvernement à ce sujet ne vous plaise pas me semble aller tout à fait à l'encontre de tout ce qui forme l'équilibre général d'une société. Je crois que nous avons le devoir, au gouvernement, de chercher le juste équilibre. Prenons l'exemple du principe de la prudence, lequel est, à mon avis, un principe formidable. Je suis en faveur de son application large et pertinente, mais vous n'êtes pas sans savoir que, si ce principe était appliqué à la lettre, beaucoup de choses dont nous dépendons maintenant — par exemple, l'aspirine, l'avion, la chirurgie à cœur ouvert, le jogging ou le blé dur — n'auraient jamais été permises. Les risques auraient été jugés beaucoup trop grands si l'on tient compte de tous les aspects du principe de la prudence.

Je vous demande de réfléchir à ce qui touche le juste équilibre et la meilleure façon de l'atteindre. Par exemple, pensons aux lois en fonction de leurs aspects plus ou moins obligatoires, d'un côté, et facultatifs, de l'autre. Le REER est facultatif. Rien ne nous oblige à en avoir un. Ce genre de processus facultatifs sont appliqués avec beaucoup moins de résistance et beaucoup plus d'enthousiasme. Lorsqu'on établit des mesures obligatoires, lesquelles peuvent se révéler en fait nécessaires — par exemple des règlements, des règles, des sanctions et des pénalités —, cela suppose avant tout que les personnes visées par les dispositions en question aient le droit d'interjeter appel. Cela nous ramène au problème des échéances dont nous avons discuté ce matin. Je me demande si, dans l'intérêt du public, le comité ne devrait pas plutôt, tout en s'attachant particulièrement au problème du mercure, discuter de l'approche fondamentale qui consiste à garantir et à favoriser des changements concrets découlant d'une compréhension précise et accrue des problèmes environnementaux.

Certes, nous pouvons rédiger des règlements, et les fonctionnaires peuvent faire de leur mieux, mais si vous essayez de me dire que les données révèlent dans l'ensemble que l'approche légiférée ou réglementée peut atteindre en tout et pour tout de meilleurs résultats que d'autres approches ayant été suggérées, je voudrais bien savoir où vous avez pris ces données.

Prenons le cas d'Inco. Je travaillais pour le gouvernement ontarien lorsque Inco a dû finalement apporter des changements à Sudbury. C'était non pas en raison d'ordres de conformité ni d'accords, mais parce que Wall Street lui avait posé une question fondamentale : « Quelle est votre responsabilité environnementale, et que faites-vous pour la respecter? Tant que nous n'aurons pas de réponse, nous allons appliquer un escompte à vos actions. » Inco a changé du jour au lendemain après qu'on lui a posé cette question.

J'estime que nous pourrions discuter ici d'autres sortes d'incitatifs et d'instruments qui nous permettraient d'atteindre les objectifs vers lesquels nous tendons tous, au lieu de mettre tous nos œufs dans le même panier, soit celui des règlements et des lois, car on ne saurait nier que, malgré les meilleurs efforts des personnes ayant rédigé les dispositions législatives et de celles essayant de les appliquer, les obstacles sont souvent trop durs à surmonter, ce qui nous empêche d'obtenir les résultats escomptés.

C'est en fait une question que je me pose.

Mme Tilman : J'ai rencontré les travailleurs de toutes les fonderies et les aciéries au Canada. Je comprends très bien le problème des ouvriers. Je viens moi-même d'une famille ouvrière, de sorte que je saisis tout à fait le problème.

J'ai parlé à un grand nombre de représentants des travailleurs qui ont été témoins des répercussions de tout cela sur la santé des membres de leur collectivité. Nous comprenons que nous revendiquons ici des choses importantes, qui touchent les choix de vie.

Je dois vous poser une question plus fondamentale : de quel droit permettons-nous que des emplois comme ceux-là mettent en jeu la santé des collectivités et celle des enfants? Que faisons-nous actuellement? Sommes-nous vraiment arrivés au point où nous devons favoriser l'emploi, quel qu'il soit, sans tenir compte de la santé de nos enfants, et encore moins de la nôtre?

Dans certaines régions de Sarnia, les effets indésirables sur la santé d'endroits comme la Chemical Valley sont gigantesques. On note de tels effets à Flin Flon. L'usine d'Inco à Thompson est un autre exemple; vous n'êtes pas sans savoir que l'installation est située à la frontière de la Saskatchewan, qu'elle n'est soumise à presque aucun contrôle et qu'elle n'a aucunement l'intention de changer. Je ne connais pas très bien Wall Street, mais je sais au moins que cette dernière n'a aucun effet dans ce cas.

Je ne crois pas que ce soit juste d'hypothéquer les moyens de subsistance des gens et de mettre entre autres leur santé en jeu. Ce n'est pas très bon que des gens meurent jeunes du cancer, sans même pouvoir subvenir aux besoins de leur famille. J'en ai fait l'expérience personnellement, et je peux vous dire que ça ne va pas du tout. Nous devons trouver d'autres moyens. Loin de moi l'idée de liguer le secteur de l'emploi contre celui de l'environnement. Au contraire, ils doivent travailler de concert.

Mme Broten a mentionné que le mouvement ouvrier s'emploie à garantir une transition équitable. Nous nous unissons aux travailleurs de l'acier pour revendiquer une transition équitable pour ces collectivités. Il faut que ça se fasse. Nous ne pouvons pas laisser en place des installations désuètes et fermer les yeux sur les risques qu'elles représentent. Nous pouvons nous en passer.

Vous savez bien ce qu'il en est des marchés des métaux. C'est une véritable mine d'or. Je ne peux pas obliger les entreprises à faire cela, mais je crois que ce n'est pas en liguant tout le monde les uns contre les autres que nous arriverons à des résultats. Je suis d'accord pour dire que nous avons, en quelque sorte, des arriérés réglementaires. C'est pourquoi nous devons nous demander ce que nous pouvons faire en tant que comité pour être efficaces, au lieu de produire uniquement des documents. Il y a déjà beaucoup trop de paperasse. Que pouvons-nous faire pour être vraiment efficaces?

Je crois qu'il est important de savoir ce que pensent les gens, de connaître leur histoire, ce que nous avons d'ailleurs toujours préconisé. Lorsqu'on essaie d'appliquer une loi et que cela ne marche pas dans certaines régions, quelle en est la raison?

Nous vous avons donné quelques exemples pour vous inciter à réfléchir, c'est tout ce que nous pouvons faire pour l'instant. Certes, nous pouvons vous demander de réfléchir à la question et vous proposer toutes sortes de moyens pour cela. Néanmoins, nous sommes très conscients du fait que, lorsque vous discutez de ces substances, vous devez tenir compte de tous les aspects sociaux, environnementaux et économiques qui s'y rattachent.

Oui, les gens sont conscients. Nous ne voulons pas nous liguer les uns contre les autres en cherchant un terrain d'entente, lequel devrait reposer sur les déterminants de la santé. Notre priorité ne devrait-elle pas être de protéger la vie de nos enfants? Quelles sont nos priorités? Ma priorité n'est certainement pas celle d'accroître les profits d'une entreprise. Ma priorité, c'est de protéger la santé des gens et de protéger l'environnement.

Mme Broten : Je serai brève. Deux choses : premièrement, je tiens à souligner que les vieilles installations polluantes sont généralement subventionnées et non concurrentielles. Deuxièmement, sans lois, il n'y a aucune responsabilité.

M. Ogilvie : Je me suis penché longuement sur tout ce qui touche le juste équilibre à Pollution Probe, notamment en raison de mon expérience au gouvernement, et du nombre de documents que j'ai rédigés à l'intention du Cabinet et des consultations ministérielles que j'ai menées. Au bout du compte, quelqu'un doit prendre une décision.

Je crois que nous devons être pleinement conscients des conséquences de nos actes, mais nous avons trop souvent laissé de côté tout ce qui touche l'environnement, aspect pourtant si important. Nous ne devons pas perdre de vue la santé de nos enfants et la protection de notre environnement pour bien comprendre ce qui est en jeu et ce que nous risquons de perdre si nous ne faisons pas ce qu'il faut. Les exemples de dommages réels sont déjà trop nombreux.

Le principe de la prudence ne nous empêche pas nécessairement de produire de bonnes choses. Tout dépend de la façon dont nous l'appliquons. En 2001, j'ai rédigé le rapport intitulé « Applying the Precautionary Principle to Standard Setting for Toxic Substances in Canada ». Je vous laisserai également un exemplaire de ce rapport.

Dans le cadre de l'approche que nous avons adoptée à Pollution Probe, nous menons des consultations auprès des industries, des gouvernements et d'autres intervenants, ce qui nous permet d'entendre ce que tout le monde a à dire avant de nous faire notre propre idée et de la véhiculer. Nous sommes pour un environnement propre, alors nos propos vont en ce sens, mais nous attendons d'avoir entendu les opinions de tous avant de défendre notre propre point de vue. C'est une question de processus. Je crois que le gouvernement devrait adopter une approche plus forte et plus résolue dans le domaine de l'environnement, sinon nous risquons d'être complètement submergés par les problèmes que nous n'aurons pas résolus.

Le principe de la prudence, s'il est bien appliqué, ne doit pas obligatoirement aboutir à une impasse. Pollution Probe participe avec l'industrie aux activités d'un groupe appelé le Groupe des orientations nouvelles. Nous l'avons mis sur pied pour entamer un dialogue autour d'une table de discussion comme celle d'aujourd'hui, notamment avec des industriels et des écologistes, au sujet de questions sur lesquelles nous ne sommes fondamentalement pas d'accord. Nous avons justement discuté du principe de la prudence et nous avons même publié un rapport à ce chapitre.

Nous n'avons pas besoin d'en venir à un consensus, nous rendons tout simplement compte des conclusions auxquelles nous sommes arrivés. Toutefois, s'il y a consensus, nous signons alors un document confirmant notre entente. Nous avons débattu des différents aspects liés au principe de la prudence. Nous avons tenu des discussions sur la biotechnologie. Nous n'avons pas réussi à trop bien nous entendre à cet égard, mais nous avons discuté de la question avec des experts dans les deux camps. Nous avons également débattu de plusieurs autres questions.

Nous avons besoin d'établir des structures qui nous permettent d'entretenir différentes sortes de débats, où l'information faciliterait la prise de décisions politiques et administratives, où elle serait digérée et où on pourrait faire preuve d'une grande volonté politique et dire : « Voilà, nous avons pris la bonne décision, alors, allons de l'avant. » Le problème, c'est que nous tirons de l'arrière. C'est là où le bât blesse.

Je suis en partie d'accord avec vous. Ne discutons pas sans fin des détails à examiner. Il existe de toute évidence des problèmes dont il faudrait discuter, mais nous pouvons aussi régler certaines choses rapidement en modifiant la LCPE ou ses mécanismes d'application. Plus vite nous le ferons, et plus vite nous obtiendrons des résultats. Je crois que c'est vraiment important. Je tiens à souligner l'importance de cette démarche.

Le sénateur Tardif : Dans le cadre de nos discussions, je trouve que vous avez présenté clairement bon nombre des problèmes, et que vous avez mis le doigt sur le cœur du problème dans beaucoup de cas. J'aimerais revenir sur l'une des questions que vous avez soulevées, et qui est probablement liée au problème de l'application de la loi, soit celle touchant les données. Vous avez parlé du problème relatif aux données, c'est-à-dire le fait que ces dernières ne sont ni exactes ni fiables, qu'elles comportent des lacunes et que certaines peuvent dater ou se révéler de piètre qualité. Pourquoi avons-nous tant de difficulté à obtenir des données exactes, fiables et de qualité? Comment pouvons-nous résoudre ce problème?

En outre, je me demande si nous n'utilisons pas cela comme une excuse pour ne pas appliquer ni mettre en œuvre certaines choses. Si nous ne pouvons pas obtenir ces données, ou que nous n'en avons qu'une partie, alors pourquoi n'appliquons-nous pas tout simplement le principe de la prudence? N'est-il pas contradictoire que la loi prévoie un principe de la prudence, en vertu duquel nous sommes tenus d'agir prudemment, mais que nous invoquions le fait que nous ne disposons pas de toutes les données, ou uniquement de données de piètre qualité, pour justifier notre inaction? Si vous pouviez m'éclairer à ce chapitre, j'en serais reconnaissante.

Mme Tilman : Je crois que votre dernier commentaire est important. Nous ne pouvons nous attendre — puisque cela s'inscrit dans le cadre du principe de la prudence — à obtenir toutes les données que nous voulons avant de prendre des décisions. Sur le plan scientifique, c'est une impossibilité; nous n'y arriverons jamais.

Voici comment je vois les choses : je dois utiliser les inventaires, qui représentent ma source d'information en tant que membre du public. À titre d'outils d'information public, ces inventaires visent à nous donner une idée de ce qu'il en est d'un certain nombre de polluants. Par conséquent, si les données sont raisonnablement exactes, nous pouvons examiner les tendances. Même si les données sont limitées, nous pouvons voir si des tendances se dégagent. Ce serait formidable si nous pouvions nous passer d'inventaires, mais il faut bien en tenir compte. Il importe de garantir la fiabilité des données.

Vous avez raison, nous n'avons pas besoin de toutes les données découlant du processus d'évaluation des substances toxiques pour prendre les mesures qui s'imposent. Ce que je dis, c'est qu'il vaut toujours mieux pécher par excès de prudence. Toutefois, lorsque nous avons les données requises, nous devrions au moins nous assurer que nous pouvons nous fier aux données produites par le Canada. Nous pourrions modifier cet inventaire de données en vue de leur évaluation et de leur contrôle, de façon à disposer d'un plus grand nombre de ressources lorsque vient le temps d'inspecter les installations ne répondant pas du tout aux normes d'assurance de la qualité. Il faudrait établir des mécanismes que nous pourrions appliquer lorsque les responsables des installations et les bureaucrates estiment que l'information n'a tout simplement pas de sens. Il existe déjà certains mécanismes, mais ils ne sont pas très solides. Il y aurait lieu de les améliorer — en ce qui concerne les freins et les contrepoids — si nous voulons nous assurer que les données recueillies sont représentatives. On ne saurait nier qu'il ne peut y avoir d'ensembles de données complètes, alors c'est inutile de chercher à y arriver. Toutefois, nous pouvons au moins vérifier les tendances, de sorte que, dans cinq ans, par exemple, nous soyons en mesure de savoir que les émissions de tel ou tel polluant ont diminué sensiblement.

Le gouvernement utilise ces inventaires pour vérifier l'efficacité de certaines de ses mesures. Comment pourrions- nous savoir, par exemple, que nous avons réduit nos émissions de mercure si nous ne pouvons effectuer de suivi? L'inventaire est l'un des moyens qui nous permettent de rendre compte de la situation. Vous avez tout à fait raison, nous ne devrions pas trop nous préoccuper de cela, mais il faudrait tout de même apporter certaines améliorations à l'exercice de collecte des données. Je ne voudrais pas jeter le bébé avec l'eau du bain, car c'est un outil utile qui a tout simplement besoin qu'on le consolide.

Le président : J'aimerais m'arrêter sur un point précis de la question qu'a posée le sénateur Tardif. Vous nous avez dit ce matin que l'information utilisée actuellement pour l'évaluation et d'autres choses dans l'inventaire datent déjà de 20 ans.

Mme Tilman : C'est M. Ogilivie qui a fourni cette précision.

Le président : Pourquoi nous sommes-nous arrêtés là?

Mme Broten : Je participe à ce processus. Lorsque nous avons mis en œuvre la LCPE de 1999, nous avons prévu une exigence selon laquelle les nouveaux produits chimiques doivent être évalués en vertu du principe de la prudence avant qu'ils n'entrent au Canada. Toutefois, on utilisait déjà une Liste intérieure des substances depuis 1986, je crois. Dans le cadre de l'évaluation prévue par la LCPE de 1999, Santé Canada et Environnement Canada ont effectué leur évaluation des risques en fonction des volumes de produits chimiques utilisés en 1986. Nous sommes maintenant en 2006.

Le président : Était-ce pour la Liste intérieure des substances?

Mme Broten : Oui.

Le sénateur Adams : Monsieur le président, je serai bref dans mes questions. Le mercure voyage dans l'eau et dans l'atmosphère. En vertu de la LCPE, on élabore actuellement un système qui permettra de surveiller l'air en ce qui a trait à la nourriture traditionnelle consommée par les Autochtones. Lorsque des poissons, des mammifères ou des oiseaux se nourrissent d'autres poissons ou mammifères ayant accumulé des toxines, par exemple du mercure, ils deviennent alors toxiques. Bon nombre de gens étudient ce problème dans le Nord, mais nous ne recevons pas beaucoup de rapports. Les cas de diverses formes de cancers sont nombreux dans les petites collectivités situées dans des régions contaminées. Dans le temps, ça ne se voyait pas. La nourriture venait du Sud, et nous mangions sainement. Aujourd'hui, les choses ont changé. Ces cancers sont-ils causés principalement par les toxines? Si vous ne pouvez pas répondre à cette question, peut-être que Santé Canada serait en mesure de le faire.

Mme Tilman : Les pays membres de la Conférence circumpolaire inuite ont effectué beaucoup de travaux à ce chapitre. Ils ont rédigé une série de documents concernant les effets de la pollution sur la santé et le régime alimentaire à suivre en vertu des parties I et II. C'est plutôt frustrant, car on semble oublier certaines régions dans la grande mêlée lancée dans le Sud. La toxicité des aliments du Nord représente un problème sur le plan aussi bien de la justice sociale que de l'environnement. Nous devons surveiller davantage ces secteurs, puisque c'est toute la chaîne alimentaire qui est touchée.

Le mercure, soit dit en passant, est souvent comparé à un « voyageur sans passeport ». De nombreux polluants peuvent se répandre très loin parce qu'ils se volatilisent dans l'atmosphère. Je ne connais pas la solution au problème, mais nous devons reconnaître qu'il existe et travailler d'arrache-pied en vue de le résoudre. Ce problème est relié au changement climatique. Nous devons entre autres envisager une plus grande biosurveillance. Nous devons déterminer ce qu'il faut faire pour améliorer les choses, ce qui risque de prendre du temps. Il faut peu de temps pour que la pollution touche le Nord, mais beaucoup de temps pour résoudre le problème.

M. Ogilvie : Dans la lettre que nous avons envoyée aux ministres d'Environnement Canada et de Santé Canada, dont le comité recevra une copie, nous faisons valoir que nous devons adopter une stratégie nationale relative au mercure et soutenir une stratégie mondiale en la matière. Le Canada participe aux discussions internationales, mais, de concert avec les États-Unis, il a toujours préconisé une approche volontaire dans ce domaine. En Europe, certains pays sont fermement convaincus que nous devrions conclure un accord international solide, puisqu'une grande partie de la pollution vient des usines de charbon, non seulement des États-Unis, mais aussi de la Chine et d'ailleurs. C'est un problème mondial. Nous pourrions faire preuve de leadership dans ce domaine sans que notre économie en souffre vraiment et sans trop de heurts en général, dont nous pourrions prôner une approche mondiale. Nous devons trouver une solution à long terme. Comme le poisson a toujours été considéré comme un aliment nutritif et sain, nous en mangeons. Tout compte fait, nous devons éviter le poisson contaminé au mercure, mais, au bout du compte, il faudra trouver une solution sur le plan non seulement canadien, mais aussi mondial. C'est ce que nous préconisons.

Le sénateur Adams : Puisqu'on parle du mercure, permettez-moi de souligner que nous nous retrouvons avec beaucoup de déchets toxiques dans la collectivité en raison de tout ce qui est jeté dans les décharges. Nous ne recevons aucune aide à ce chapitre, malgré la présence de certains écologistes dans la collectivité. J'ai parlé avec des techniciens, qui m'ont dit qu'on y jette également des produits contenant du mercure, même si certaines collectivités commencent à changer leurs habitudes. Les produits toxiques devraient être retirés des ordures ménagères et déversés dans un dépotoir de produits toxiques. Les municipalités ne semblent pas comprendre. Les collectivités devraient le savoir. Vos rapports devraient être distribués dans les collectivités pour que les gens comprennent bien ce qu'est un produit toxique.

Le président : Monsieur Ogilvie, envoyez-vous vos rapports aux collectivités du Nord, dans la mesure du possible?

M. Ogilvie : Oui. Nous distribuons assez largement des publications comme le document d'information sur le mercure dans l'environnement. Nous avons envoyé ce document à toutes les Premières nations au moment de sa publication. Lorsque nous publions pour la première fois un document d'information, nous le diffusons largement, puis nous le distribuons dans les bibliothèques. Il est affiché sur notre site web, où les gens peuvent le consulter gratuitement ou le télécharger moyennant certains frais. Nous le distribuons gratuitement aux ONG et à d'autres organisations qui en ont réellement besoin et pourraient l'utiliser à bon escient. Bref, c'est un document facilement accessible. Il est très bien fait, nous l'avons commandé et y avons beaucoup contribué. L'industrie l'a largement passé en revue. Nous avons reçu d'excellents commentaires de Noranda et d'Ontario Power Generation, entre autres. Nous essayons d'y aller avec soin, et j'assume l'entière responsabilité de toute erreur de communication des faits ou de toute documentation biaisée. Nous ne proposons pas de solutions ni ne défendons de cause, car nous cherchons non pas à soulever des controverses, mais à transmettre l'information aux gens. Nous avons rédigé un encadré sur le dilemme auquel on fait face lorsqu'il s'agit de déterminer si le poisson est encore un aliment sain. Nous disons aux gens qu'il y a de bonnes raisons de manger du poisson. Nous devons faire attention à ce que nous mangeons, mais nous devons aussi aller à la source de ces substances et contrôler leur niveau dans l'environnement.

Nous distribuons ces documents assez largement, et ils sont mis à jour tous les trois à cinq ans environ. Nous avons abordé de nombreuses questions comme celle-là, car il s'agit essentiellement d'un problème d'éducation fondamentale et d'un manque de compréhension de ce que sont des substances comme le mercure. Les gens ne sont pas au courant de ces choses, alors il faut les éclairer. Nous devrions poursuivre nos efforts en ce sens.

Le président : J'ai cru comprendre, aujourd'hui, que le sénateur Angus souhaiterait probablement que nous allions de l'avant avec notre étude en utilisant le mercure comme vedette d'affiche pour montrer, comme vous l'avez si bien dit, madame Tilman, que nous devons envisager la question dans son ensemble, exemple à l'appui. Pourrait-on appeler ça un exemple patent? Est-ce un bon exemple? Est-ce le meilleur exemple? Est-ce l'élément le plus susceptible de nous amener à examiner la situation, en fonction de cet exemple? Seriez-vous d'accord avec ce que je crois être la proposition du sénateur Angus?

Mme Tilman : Si elle est bien formulée, elle pourrait englober une grande diversité d'utilisations. Le mercure l'emporte sur bien d'autres substances, car il y a émission de mercure lorsqu'on utilise tout appareil à combustion, lorsqu'on utilise du charbon ou du bois, ou toute matière organique, car c'est de là qu'il provient. Il est bien enfoui, mais il est relâché. On l'utilise également en médecine, en dentisterie, dans les vaccins — et la liste n'en finit plus. Il est omniprésent, au chapitre tant de son utilisation que de sa toxicité, et le plus important facteur chimique, c'est qu'il s'agit d'un élément qu'on ne peut ni fabriquer ni détruire. Ses applications sont multiples : métaphoriques, historiques, mythiques et dangereuses. J'ai souvent dit qu'il permet de déterminer comment nous nous tirons d'affaire. Ça dépend comment on l'envisage. Si on l'envisage dans un contexte très étroit, il ne donnera peut-être pas l'information adéquate. Si on tente de déterminer comment la LCPE envisage le mercure, d'où il vient, c'est de la gestion du cycle de vie. Est-ce le contexte approprié pour un tel exercice?

On ne saurait dire que, conformément à la LCPE, on veut procéder à la quasi-élimination des émissions de mercure, car il s'agit d'un élément naturel. Est-ce approprié? Est-ce une désignation appropriée? C'est vers ce genre de question que vous pourriez mener la discussion. Utilisez-le comme exemple, si vous voulez, mais adoptez une vue d'ensemble. Situez-le dans le contexte de la LCPE. Que fait le gouvernement? M. Ogilvie a parlé du plan de prévention de la pollution relatif aux commutateurs au mercure établi en vertu de la LCPE. En quoi consiste ce plan? Va-t-il finir par donner des résultats concrets? Que faisons-nous au chapitre de la sensibilisation du public? Combien de personnes savent qu'il y a un gramme de mercure dans les autos moins récentes?

Il y a également la question de l'information publique. Vous avez parlé d'éducation communautaire et d'éducation fondamentale. De nombreuses personnes n'ont pas accès aux sites Web. Comment peut-on diffuser cette information? Utiliser le mercure comme outil pour informer le public et soulever ces préoccupations. Par exemple, comment pouvons-nous nous occuper de cela? Comment la LCPE s'occupe-t-elle de cela? La catégorisation de la LCPE est-elle convenable? S'agit-il de plans? Est-ce que les normes pancanadiennes sont bonnes? Il y a aussi la question des accords d'équivalence prévue dans la LCPE. On peut y arriver, si on applique l'exemple du mercure de façon globale.

M. Ogilvie : J'encouragerais un tel regard sur le mercure. Il y a d'autres substances susceptibles de causer des dommages encore plus marqués à l'organisme humain, mais le mercure est un exemple des plus instructifs. Il y a le plomb, mais il y a de nombreux autres exemples aussi.

Le Partenariat canadien pour la santé des enfants et l'environnement, dont Pollution Probe est membre — il s'agit principalement de groupes s'intéressant à la santé, aux soins des enfants et à l'environnement — ont élaboré ce document d'information. Nous avons utilisé l'expertise requise au chapitre de la préparation de documents d'information pour faire la même chose au sein de Pollution Probe. Nous pensons tenir, partout au pays, une série d'ateliers sur la santé des enfants et l'environnement, et nous allons mettre l'accent sur des substances toxiques. Les producteurs canadiens de produits chimiques se sont engagés à prendre part au dialogue. Nous nous réjouissons du fait qu'ils ont proposé eux-mêmes de participer. Nous allons mobiliser des groupes qui s'intéressent à la santé et à l'environnement ainsi qu'à d'autres questions, et nous allons tenter de nous entendre sur l'information qu'il faut obtenir à l'égard de substances comme le plomb, le mercure, les substances ignifuges, le SPFO, les phthalates, et d'autres substances. Nous tenterons de cerner les lacunes et les problèmes liés aux politiques. Le coup d'envoi de cette initiative n'aura pas lieu avant septembre ou octobre, et la démarche prendra six mois. L'initiative ne pourra pas être mise à contribution dans le cadre de votre examen de la LCPE, mais c'est un dialogue qui doit avoir lieu au pays. Et tout le monde doit y participer, pour les raisons mentionnées par le sénateur Segal. Nous devons établir un plan afin d'aller de l'avant et d'obtenir des résultats, au lieu de tenir des discussions sans fin.

Le président : L'élimination du plomb dans l'essence a été imposée, et cela s'est fait. On nous avait annoncé la fin du monde si cette démarche allait de l'avant, mais cela ne s'est pas produit. C'était à peu près la même chose lorsqu'il a été question d'éliminer le soufre du gaz naturel. Les gens ont dit : « Si vous faites cela, nous partirons, et il n'y aura pas d'exploration. » Cela ne s'est pas produit. L'initiative a porté fruit, et occasionné une réduction énorme des dommages causés par l'acide sulfurique dans nos lacs. Quelle est la différence entre les deux? Pourquoi ces démarches ont-elles fonctionné, et d'autres, pas?

Mme Tilman : Le mercure est une substance très volatile qui échappe aux méthodes de contrôle classiques. Il est très difficile à éliminer. Il va se transformer, encore et encore, et finira par se déplacer. Il faut commencer par ne pas l'utiliser dans les produits. C'est une solution facile. On n'a pas besoin de mercure. On l'utilisait comme biocide dans les vaccins pendant les années 1930 parce que c'était un moyen peu coûteux d'éliminer des micro-organismes. Il n'a plus sa place, parce que nous n'en avons plus besoin. Il y a d'autres façons de faire cela.

Ce sont les appareils à combustion qui posent problème, car le charbon contient du mercure. Au Canada, la teneur en mercure du charbon varie selon ses origines. Dans certains filons de charbon de la Saskatchewan ou du Nouveau- Brunswick, par exemple, la teneur en mercure est élevée. Pourquoi brûlons-nous ce charbon? C'est la même chose avec le soufre contenu dans le charbon du Cap-Breton. Pourquoi utilisons-nous ce charbon-là, s'il nous faut vraiment en utiliser? C'est une question fondamentale. Pourquoi utilisons-nous le pire combustible? C'est une réalité à laquelle nous devrons faire face lorsque nous nous pencherons sur notre rendement énergétique. Nous n'avons pas besoin d'adopter les pires solutions. L'extraction du mercure est très difficile. Il existe actuellement des dispositifs de capture du mercure, comme l'adoption de combinaisons de mécanismes de contrôle. Cependant, chaque fois qu'on adopte un mécanisme de contrôle, quelqu'un trouve une échappatoire. Par exemple, le mercure est associé à une trop grande quantité de carbone; on ne peut l'utiliser pour la fabrication de cloisons sèches, et c'est à cette fin qu'on l'utilise aux États-Unis; une grande part des cendres contient une teneur en carbone trop élevée, et ainsi de suite. C'est ça, la solution, en ce qui concerne le mercure. Ce n'est pas facile, mais ce n'est pas un ingrédient essentiel dans un grand nombre de produits. Il y a des moyens de réduire au minimum l'utilisation et la décharge de mercure. Or, la capture du mercure est difficile, car, finalement, qu'est-ce qu'on en ferait? Comptez-vous le placer dans un site d'enfouissement? Va-t-il se frayer un chemin jusqu'à la nappe phréatique? C'est ça, la grande question. Il peut se volatiliser dans un endroit chaud. Il se transforme facilement.

Le président : De temps à autre, lorsque nous ferons des progrès et déterminerons notre orientation, je m'attends à ce que nous vous invitions de nouveau à nous rencontrer, lorsque nous aurons des questions plus précises.

Merci beaucoup du témoignage très utile que vous nous avez livré aujourd'hui, et merci d'avoir pris le temps d'être ici, si tôt le matin.

La séance est levée.


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