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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones

Fascicule 20 - Témoignages du 18 novembre 2009


OTTAWA, le mercredi 18 novembre 2009

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui, à 18 h 35 pour étudier les responsabilités constitutionnelles, conventionnelles, politiques et juridiques du gouvernement fédéral à l'égard des Premières nations, des Inuits et des Métis et d'autres questions générales relatives aux peuples autochtones du Canada (sujet : la gestion des terres des Premières nations et la protection de l'environnement dans les réserves).

Le sénateur Gerry St. Germain (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Chers collègues, nous avons le quorum et je déclare la séance ouverte.

J'aimerais souhaiter la bienvenue à tous les honorables sénateurs, aux membres du public et à tous les téléspectateurs qui regardent les délibérations du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones sur la CPAC ou sur le web.

Je suis le sénateur St. Germain, je viens de la Colombie-Britannique, et j'ai l'honneur de présider ce comité. Le comité a pour mandat d'examiner les lois et les questions touchant les peuples autochtones du Canada, en général. Cela donne au comité le pouvoir très large d'examiner toutes sortes de questions qui touchent les sujets qui intéressent les Premières nations, les Métis et les Inuits. Le comité a déjà tenu des séances d'information du Bureau du vérificateur général lorsque celui-ci a publié des chapitres nouveaux de rapports touchant des questions concernant le mandat du comité.

Dans son rapport de novembre 2009, la vérificatrice générale du Canada a présenté les conclusions de sa vérification sur la gestion des terres et la protection de l'environnement dans les réserves. La vérification a principalement porté sur la question de savoir si Affaires indiennes et du Nord Canada et Environnement Canada se sont acquittés de leurs responsabilités en matière de gestion des terres dans les réserves, plus précisément pour ce qui est du transfert du contrôle de la gestion des terres et d'assurer la protection environnementale des terres de réserve.

La séance d'aujourd'hui sera consacrée à une rencontre d'information avec des représentants du Bureau du vérificateur général qui résumera les principales observations et recommandations découlant de la vérification.

[Français]

Le président : Avant d'entendre nos témoins, permettez-moi de vous présenter les membres du comité présents ce soir.

[Traduction]

À ma gauche, se trouvent le sénateur Raine, de la Colombie-Britannique, le sénateur Brazeau, du Québec, le sénateur Lovelace Nicholas, du Nouveau-Brunswick, le sénateur Patterson, du Nunavut et le sénateur Hubley, de l'Île- du-Prince-Édouard. À droite, il y a le sénateur Campbell, de la Colombie-Britannique, le sénateur Peterson, de la Saskatchewan, et enfin et surtout, le sénateur Stewart Olsen, du Nouveau-Brunswick.

Sénateurs, permettez-moi de vous présenter une fois de plus les témoins qui sont devenus pour les membres du comité des visages familiers. Nous sommes heureux qu'ils soient ici. Nous avons le plaisir d'accueillir Mme Sheila Fraser, la vérificatrice générale du Canada. Elle est accompagnée par Ronnie Campbell, vérificateur général adjoint et par M. Frank Barrett, directeur principal.

Je crois savoir que Mme Fraser a dû annuler d'autres engagements pour pouvoir être avec nous ce soir. Voilà qui est très aimable, madame Fraser.

Au nom du comité, j'aimerais remercier tous les témoins d'avoir accepté de comparaître dans un délai relativement court.

Madame Fraser, je vous invite à commencer votre exposé, si c'est bien ce que vous voulez faire.

Sheila Fraser, vérificatrice générale, Bureau du vérificateur général du Canada : Merci, monsieur le président. Je suis heureuse d'être ici ce soir pour vous parler du chapitre 6 de notre rapport de novembre 2009 intitulé La gestion des terres et la protection de l'environnement dans les réserves.

Comme vous l'avez mentionné, Ronnie Campbell, vérificateur général adjoint, et Frank Barrett, directeur général, qui ont tous les deux dirigé cette vérification, m'accompagnent.

Les terres de réserve sont au cœur même de l'histoire des peuples autochtones, de leur identité culturelle et de leur quotidien. Comme le comité le sait, un grand nombre de Premières nations figurent parmi les groupes les plus défavorisés économiquement de notre pays. Leur développement économique durable dépend de leur capacité à pouvoir accéder à leurs terres et à leurs ressources naturelles, à les maîtriser et à vivre dans un milieu propre et sain.

[Français]

Dans le cadre de cette vérification, nous avons examiné ce qu'ont fait Affaires indiennes et du Nord Canada et Environnement Canada pour s'acquitter des responsabilités fédérales liées à la gestion des terres et à la protection de l'environnement dans les réserves. Nous nous sommes notamment intéressés aux mesures réglementaires et autres servant à gérer l'environnement et à ce que font les Affaires indiennes et du Nord Canada pour appuyer les Premières nations qui désirent assumer un plus grand contrôle sur leur réserve. Les lois et les réglementations provinciales et municipales sur la gestion des terres ne s'appliquent généralement pas aux réserves. Notre vérification nous a permis de constater qu'il existe peu de règlements fédéraux qui régissent la protection de l'environnement dans les réserves. C'est donc dire que l'environnement des Premières nations, qui habitent les réserves, n'est pas aussi bien protégé que celui des autres Canadiens.

Le gouvernement fédéral est certes habilité à réglementer les réserves, mais il a rarement exercé ce pouvoir afin d'atténuer les menaces pesant sur l'environnement qui sont généralement réglementées par les pouvoirs publics provinciaux à l'extérieur des réserves.

[Traduction]

Nous avons aussi constaté qu'AINC a peu fait pour faire appliquer les règlements qui sont en vigueur et surveiller la conformité à ces règlements. Ainsi, même si les règlements pris aux termes de la Loi sur les Indiens prévoient que la personne qui souhaite exploiter un dépotoir d'ordures dans une réserve doit obligatoirement obtenir un permis auprès d'AINC, nous avons constaté que le ministère a octroyé peu de permis et qu'il n'est pas en mesure de faire des inspections, de surveiller l'application du règlement ou de le faire respecter.

Monsieur le président, nous avons, dans le cadre de notre vérification, examiné l'engagement pris par AINC de transférer le contrôle de la gestion des terres aux Premières nations qui le désirent et qui sont prêtes à l'assumer. Ce transfert s'inscrit dans la stratégie générale du ministère qui vise à faciliter la prise en charge par les Premières nations de leurs collectivités.

Depuis le début des années 1980, le ministère propose des solutions aux Premières nations qui estiment que le régime de gestion des terres de la Loi sur les Indiens ne répond pas à leurs besoins. AINC a élaboré des solutions législatives et des programmes pour aider les Premières nations qui souhaitent assumer de plus grandes responsabilités à l'égard de la gestion des terres dans les réserves. Toutefois, la majorité des terres des Premières nations est encore gérée par le ministère en vertu de la Loi sur les Indiens.

[Français]

L'accès aux solutions de rechange mises en place par le ministère en matière de gestion des terres n'est pas suffisant pour répondre à la demande des Premières nations.

Quatre-vingt-quinze Premières nations participent à deux programmes qui fonctionnent toujours après des décennies. Or, aucune autre Première nation ne peut adhérer à ces programmes depuis 2004. Le ministère a plutôt élaboré deux autres solutions pour permettre aux Premières nations d'assumer de plus grandes responsabilités en matière de gestion des terres dans leurs réserves.

Créé en 2005, le Programme de gestion des terres et de l'environnement dans les réserves demeure un programme pilote dont l'accès est limité. De même, il y a une liste d'attente pour les Premières nations qui souhaitent se prévaloir de l'autre solution de rechange, le régime prévu par la Loi sur la gestion des terres des Premières nations.

Nous avons aussi constaté que le ministère n'offre pas suffisamment de programmes de formation aux Premières nations par rapport à l'ampleur des responsabilités de gestion des terres qu'ils leur confient lorsqu'elles doivent gérer leur terre en vertu de l'un ou l'autre des régimes fonciers.

[Traduction]

Au cours de notre vérification, les fonctionnaires d'AINC et d'Environnement Canada ont cité le manque de financement comme principale raison pour expliquer pourquoi certains engagements n'avaient pas été respectés.

Nous avons formulé cinq recommandations dans le cadre de notre vérification. Nous avons notamment recommandé qu'AINC et Environnement Canada collaborent afin de trouver, en partenariat avec les Premières nations, les moyens de mieux protéger l'environnement dans les réserves et pour évaluer leurs besoins de financement en vue de remplir leurs responsabilités de gestion des terres. Nous avons également recommandé à AINC d'offrir un accès plus large à ses initiatives et à ses programmes de formation en matière de gestion des terres, selon les besoins.

Le comité souhaitera peut-être discuter avec AINC et Environnement Canada du budget dont ils disposent pour mettre en œuvre les programmes qui sont mentionnés dans notre vérification. Il voudra peut-être aussi demander aux ministères de lui transmettre un plan d'action visant à donner suite aux recommandations formulées dans notre chapitre et faire un suivi des progrès réalisés dans le règlement des problèmes signalés dans notre rapport de vérification.

Voilà qui conclut, monsieur le président, ma déclaration d'ouverture. C'est avec plaisir que mes collègues et moi répondrons aux questions des membres du comité.

Le président : Merci, madame Fraser.

Le sénateur Peterson : Une précision, la Loi sur la gestion des terres des Premières nations oblige-t-elle celles-ci à renoncer à l'application de la Loi sur les Indiens dans la mesure où elles doivent être autonomes et tout faire elles- mêmes?

Mme Fraser : Je vais demander à M. Barrett de répondre à cette question.

Frank Barrett, directeur principal, Bureau du vérificateur général du Canada : Oui. Aux termes de la Loi sur la gestion des terres des Premières nations, celles-ci sont soustraites aux quelque 25 ou 26 dispositions de la Loi sur les Indiens, de sorte qu'elles fonctionnent selon un régime tout à fait distinct. Ce régime permettra aux Premières nations d'atteindre une forme d'autonomie gouvernementale sectorielle lorsqu'elles seront tout à fait opérationnelles. Les Premières nations exerceront un contrôle beaucoup plus poussé sur toutes les questions touchant les terres.

Le sénateur Peterson : Serait-il juste de dire que ce régime s'appliquerait principalement aux terres susceptibles d'être exploitées commercialement plutôt que dans des réserves isolées?

Mme Fraser : C'est ce que l'on pourrait penser, effectivement, même si une réserve isolée peut souhaiter contrôler l'utilisation des terres et des questions comme l'évacuation des eaux usées, les dépotoirs, les choses de ce genre, qui relèvent, à l'heure actuelle, du ministère.

Le sénateur Peterson : Le Programme de gestion des terres et de l'environnement dans les réserves, à la différence de la Loi sur la gestion des terres des Premières nations, est donc encore régi par la loi, est-ce bien exact?

Mme Fraser : Je pense que c'est exact. M. Barrett pourrait peut-être vous fournir d'autres détails.

M. Barrett : Bien sûr. Le Programme de gestion des terres et de l'environnement dans les réserves (PGTER) a été conçu comme une alternative à deux autres programmes qui prévoyaient une délégation de pouvoir limitée, tout en permettant à la Première nation de continuer à être régie par la Loi sur les Indiens. La seule différence est qu'au lieu qu'AINC exerce certaines fonctions, c'est maintenant la Première nation qui assume une partie des responsabilités dont s'occupait auparavant AINC, tout en répondant encore à toutes les conditions de la Loi sur les Indiens.

Le sénateur Lovelace Nicholas : Vous avez parlé de la Loi sur la gestion des terres. Comment une Première nation peut-elle avoir accès à ce programme et demander qu'il soit renforcé?

Mme Fraser : Je vais demander à M. Barrett de répondre à cette question, monsieur le président.

M. Barrett : Oui, je serais très heureux d'y répondre.

Le PGTER a été conçu à l'origine pour remplacer les deux programmes qui l'ont précédé. Il s'agissait au départ d'un programme pilote qui n'a jamais été étendu à d'autres bénéficiaires, et c'est ce qui explique qu'il n'ait pas été offert à d'autres Premières nations. À l'heure actuelle, seules les Premières nations qui participaient déjà à un des deux programmes de délégation de pouvoir peuvent participer au PGTER.

Ensuite, la Première nation qui se trouve dans cette situation ne peut participer au PGTER que si AINC invite ses représentants à suivre une formation pour le PGTER. C'est ce qui fait qu'une Première nation continue à participer au Programme régional d'administration des terres, PRAT, ou à un des programmes initiaux ou participe au PGTER.

Le sénateur Lovelace Nicholas : Ce sont là les obstacles. La Première nation n'a-t-elle pas accès à la gestion des terres? Y a-t-il un manque de fonds?

Mme Fraser : Un des principaux obstacles vient du fait que les Premières nations ne peuvent obtenir la formation pour pouvoir assumer ces responsabilités. Le ministère nous a déclaré qu'il n'est pas en mesure de fournir davantage de programmes de formation, en raison d'un manque de fonds, de sorte qu'il y a une liste d'attente de Premières nations qui aimeraient assumer davantage de responsabilités, mais bien évidemment, elles doivent au préalable recevoir la formation nécessaire.

Le sénateur Lovelace Nicholas : Est-ce que cela se produit ailleurs dans le pays, comme à Winnipeg? Est-ce que cela prend autant de temps pour mettre sur pied un programme dans leurs villes ou est-ce simplement pour les Premières nations?

Mme Fraser : Nous ne sommes pas vraiment en mesure de faire des commentaires sur cet aspect, parce que nous ne vérifions pas les gouvernements provinciaux ni la façon dont ils interagissent avec les municipalités, mais il ressort toutefois clairement de la vérification que nous signalons que les règlements et la protection environnementale dont bénéficient les Premières nations sont beaucoup plus limités que ceux des autres Canadiens. Cela fait des années que le ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada et Environnement Canada admettent que cet écart existe. Encore une fois, ils ont très peu fait pour essayer de le combler, en citant encore une fois le financement comme étant une des raisons de leur inaction.

Le sénateur Lovelace Nicholas : Oui. Pensez-vous qu'à l'avenir il serait possible de renforcer le financement accordé à ces collectivités pour qu'elles puissent avoir accès à cette gestion des terres?

Mme Fraser : Ce serait une excellente question à poser au ministère.

Le président : C'est une bonne réponse. J'ai une brève question. Est-ce que la situation actuelle peut créer des dangers pour la santé? Nous avons entendu des représentants d'un groupe du Nord du Manitoba qui nous ont parlé d'un site contaminé qui se trouvait dans leur collectivité. C'était tout simplement horrible. Je ne me souviens plus du nom de cette collectivité — il y a peut-être des gens assis à la table qui s'en souviennent — mais c'était un cauchemar pour eux. Est-ce que votre vérification a porté sur des situations de ce genre?

Mme Fraser : Nous n'avons pas examiné de situations particulières, mais il ressort clairement de la vérification que cela pose un danger important.

Il y a un tableau à la page 17 du rapport qui montre les règlements applicables à n'importe quelle collectivité ontarienne et ceux qui sont applicables aux réserves. Il n'y a, par exemple, aucun règlement concernant les déchets dangereux. Même s'il existe un règlement au sujet des dépotoirs, AINC est chargée de délivrer les permis. Je pense qu'il en a délivré 14. Nous savons tous qu'il n'y a pas que 14 dépotoirs dans ce pays. Il n'y a pas d'inspection; il n'y a pas de surveillance, de sorte que les risques sont très réels.

Nous mentionnons également dans le rapport les sites contaminés. Le gouvernement a adopté comme politique d'essayer de restaurer les sites contaminés sur une période de 10 ans, d'ici 2020. Le ministère a utilisé près de 10 millions de dollars d'un fonds pour nettoyer ou gérer les risques que représentent 58 sites, mais nous notons dans le rapport que le ministère identifie chaque année davantage de sites qu'il n'est en mesure d'en restaurer. C'est là un problème très grave.

Le président : Je m'en souviens maintenant. Je crois que c'était Hydro-Manitoba qui avait contaminé ce site avec des BPC.

Le sénateur Campbell : Merci d'être venu si rapidement. Dans votre rapport, vous dites que les responsabilités fédérales en matière de gestion des terres et de protection de l'environnement dans les réserves sont réparties entre AINC et Environnement Canada. Par exemple, Environnement Canada et AINC ont signé un protocole d'entente quinquennal en vue d'élaborer des accords de gestion de l'environnement avec les Premières nations aux termes de la Loi sur la gestion des terres des Premières nations. Jusqu'ici, aucun accord n'a encore été signé, et il semble qu'Environnement Canada se soit retiré du processus, en raison d'un manque de fonds.

Pouvez-vous me dire quand le protocole d'entente a été signé?

Mme Fraser : Pourrions-nous vous fournir ces réponses plus tard?

Le sénateur Campbell : Oui, parfaitement. J'ai du mal à comprendre cette situation.

Environnement Canada s'est retiré du processus en invoquant un manque de ressources. Il est vrai que cela concerne deux ministères, mais lorsqu'un ministère signe une entente, l'autre ne peut dire de son côté : « Désolé, nous n'avons plus de fonds, nous nous retirons du processus. » Il semble que, lorsqu'un ministère conclut un protocole d'entente, il fait des prévisions pour savoir ce que cela coûtera et s'il dispose de ressources suffisantes, avant de le signer. Suis-je naïf? Je crois qu'on ne m'a jamais accusé d'avoir ce défaut.

Mme Fraser : On aimerait que ce genre d'analyse soit effectuée avant que n'importe quel organe gouvernemental signe une entente, adopte une loi ou assume une responsabilité. Malheureusement, ce n'est pas le cas, et c'est, bien souvent, le sujet de nos rapports — le fait qu'un ministère prend des engagements, conclut des ententes, ratifie des protocoles d'entente, sans qu'il y ait de suivi.

Le sénateur Campbell : Ce n'est pas une remarque partisane. Cela n'a pas commencé hier. Cette situation existe depuis des années et elle existait sous les différents gouvernements successifs.

Pensez-vous que les fonctionnaires d'AINC pensent que ce ministère va disparaître et qu'il suffit donc de remettre les choses à plus tard et d'attendre le moment où ce ministère n'aura plus aucune responsabilité?

Mme Fraser : Je n'ai jamais entendu des représentants du ministère dire ce genre de chose. Il faut reconnaître que ce ministère éprouve de sérieuses difficultés à offrir ses programmes. Nous avons noté dans des rapports précédents que la population des Premières nations augmente de 10 ou 11 p. 100, je crois.

Le sénateur Campbell : Oui.

Mme Fraser : Le budget du ministère est plafonné à 1,5 ou 2 p. 100. À chaque fois que nous faisons une vérification, qu'il s'agisse du logement, des services d'aide à l'enfance ou d'autres, nous constatons que le financement est toujours le principal problème dans tous ces domaines.

Le sénateur Campbell : Néanmoins, corrigez-moi si je me trompe : le ministère continue à signer de telles ententes.

Mme Fraser : Oui.

Le sénateur Campbell : Il continue à conclure des accords. Il continue à faire des promesses alors qu'il sait fort bien au moment où il le fait qu'il ne pourra absolument pas les respecter. Pouvez-vous expliquer cette attitude? Pourquoi? Ne serait-il pas plus logique de procéder différemment? Nous avons un programme et nous allons le mettre sur pied cette année. Nous allons prendre soin de ces cinq Premières nations parce que nous avons les fonds pour le faire. L'année suivante, nous poursuivrons notre action autrement.

On nous dit constamment que le ministère fait des promesses qui ne sont jamais respectées.

Mme Fraser : Je m'avance peut-être beaucoup, mais un des problèmes vient peut-être du fait que la plupart de ces programmes ne reposent pas sur une base législative. Ils sont tous fondés sur des politiques et c'est un aspect que le comité souhaitera peut-être examiner plus à fond, à savoir que la plupart de ces programmes ne reposent sur aucune base législative.

L'autre aspect est la définition de la réussite. Dans le cas des négociations relatives à des terres ou un traité, les gens pensent que les négociations ont réussi lorsqu'un accord sur une revendication territoriale est signé. En fait, les choses ne font que commencer à ce moment.

Le sénateur Campbell : C'est à ce moment-là que le travail commence.

Mme Fraser : Nous avons souvent constaté qu'il n'y avait pas de plan de mise en œuvre, qu'on n'avait pas calculé les coûts ni réparti les tâches. Il faut faire davantage sur le plan de la mise en œuvre et, comme vous le dites, il faut évaluer les coûts correspondant aux engagements pris.

Le sénateur Campbell : Je vous remercie.

Le sénateur Peterson : Je pense que cela fait tout simplement ressortir la gravité des problèmes auxquels font face les Premières nations lorsque Environnement Canada arrive, signe un accord et affirme vouloir aider les Premières nations. Environnement Canada s'aperçoit immédiatement qu'il n'a pas les ressources qui lui permettraient de régler les problèmes auxquels il fait face. Je ne pense pas qu'il devrait pouvoir continuer à signer d'autres accords tant que nous n'aurons pas mis sur pied une sorte de structure qui pourrait s'occuper de ces personnes. La moitié d'entre elles sont informées du fait qu'elles doivent faire bouillir l'eau pour pouvoir s'en servir. C'est une situation atroce. C'est peut-être un problème plus grave que de signer des ententes, ce qui satisfait tout le monde, mais qui ne débouche sur rien.

Le président : Cela est grave. Je me souviens qu'il y a 30 ans, je travaillais dans la construction — avant de faire de la politique, je faisais de l'argent et j'étais un homme d'affaires prospère — et il y avait une décharge bien connue. On pouvait y jeter n'importe quoi, littéralement n'importe quoi, et elle se trouvait sur la réserve d'une Première nation. Je n'ai jamais cherché à savoir ce qu'il en était advenu, mais cela m'est venu à l'esprit. Il ne devait y avoir aucune surveillance, parce qu'on pouvait s'y rendre n'importe quand, s'arrêter près d'une maison, payer une petite somme et déposer tout ce qu'on voulait, des batteries, n'importe quoi. Je peux m'imaginer que ce dépotoir doit être un danger.

Le sénateur Hubley : Bienvenue. Je suis contente que vous soyez revenus.

Je vais revenir sur la question des sites à risque élevé et à risque moyen. Je crois que certains de ces sites ont été contaminés avant 1998, et que le gouvernement fédéral avait déjà affecté des fonds au nettoyage de sites contaminés situés sur des réserves.

Le rapport de vérification recommandait qu'AINC mette en œuvre un plan consistant à restaurer d'ici 2020 les sites à risque élevé et moyen contaminés avant 1998. Cela me paraît admirable, mais d'ici cette date, combien de sites supplémentaires vont être découverts? Est-ce là quelque chose qui vous aurait dérangé? Vous êtes-vous dit qu'il y avait beaucoup de rattrapage à faire et que nous ne progressions pas?

Mme Fraser : Absolument. Le sénateur a tout à fait raison. Nous avons basé cette recommandation sur une politique gouvernementale. Le gouvernement a créé ce fonds de 3,5 milliards de dollars, qui devait être partagé entre les ministères, pour restaurer les sites contaminés qui existaient avant 1998, mais nous faisons remarquer dans le rapport que le gouvernement avait identifié près de 1 600 sites contaminés; 550 de ces sites avaient été classés comme étant des sites à risque élevé ou moyen et entre avril 2008 et avril 2009, il en a identifié plus de 270 autres et en a nettoyé 58. La situation ne fait que s'aggraver. Le gouvernement identifie les sites contaminés plus rapidement qu'il n'est en mesure de les restaurer.

Le président : Lorsque vous avez examiné cette situation, avez-vous été en mesure de démontrer clairement que la situation s'aggravait au lieu de s'améliorer ou de demeurer inchangée?

Mme Fraser : C'est exact. La situation s'aggrave. Il y a davantage de sites contaminés. Au cours de l'exercice qui s'est terminé en avril 2009, le gouvernement a identifié d'autres sites contaminés et le coût prévu de la restauration de ces sites a augmenté d'environ 50 millions de dollars.

Le sénateur Brazeau : Merci, madame Fraser, messieurs Barrett et Campbell, d'être ici ce soir. J'aimerais prendre un peu de recul et vous poser des questions peut-être plus générales, compte tenu du temps dont vous disposez et du fait que vous êtes ici avec nous ce soir.

Madame Fraser, vous avez mentionné qu'AINC n'avait pas fait grand-chose pour surveiller et assurer le respect des règlements existants. Compte tenu de votre expérience, avez-vous identifié des lacunes comparables auprès d'autres ministères que celui des Affaires indiennes et du Nord?

Mme Fraser : Je dirais que c'est un thème que nous retrouvons dans la plupart de nos vérifications. Je peux vous donner comme exemple une vérification récente des services à l'enfance et à la famille qui nous a permis de constater que la formule de financement utilisée remontait à plus de 20 ans et n'avait pas été modifiée pour prendre en compte les nouveaux genres de services que fournissaient les organismes provinciaux. Un exemple concret est que le gouvernement fédéral finançait les enfants pris en charge, mais pas les services de prévention, de sorte qu'il n'est peut-être pas surprenant que le nombre des enfants pris en charge était huit fois supérieur à la moyenne canadienne. Lorsque le ministère a renégocié l'entente avec les Premières nations de l'Alberta en se basant sur le modèle albertain, le financement a augmenté de 75 p. 100.

La chose est fréquente. Nous avons examiné le logement, l'éducation, l'eau et la mise en œuvre des accords territoriaux et nous avons régulièrement constaté qu'il y avait, dans tous ces domaines, de graves écarts.

Le sénateur Brazeau : Je me sens privilégié de connaître quelqu'un qui a vu les formules de financement, parce que c'est une chose que j'ai attendue toute ma vie et je ne les ai jamais vues.

Compte tenu de vos déclarations, comment pensez-vous qu'AINC utilise son budget de fonctionnement? Tout aussi important, compte tenu des vérifications que vous avez effectuées dans le passé, pensez-vous que les citoyens des Premières nations ont accès aux investissements auxquels on procède actuellement?

Mme Fraser : Je ne pense pas que nous ayons jamais rencontré de problème au niveau de la gestion concrète de ces fonds. Le problème vient du fait que les programmes ne permettent pas d'obtenir les résultats prévus ou d'atteindre les objectifs fixés et qu'il demeure des écarts graves, que ce soit sur le plan de l'éducation, du logement destiné aux membres des Premières nations ou de la qualité de l'eau. Je ne pense pas que le ministère gère mal les fonds dont il dispose, mais il rencontre des difficultés énormes lorsqu'il s'agit d'obtenir les résultats attendus ou d'aider les gens à jouir de la qualité de vie dont tous les autres Canadiens bénéficient. Pourquoi l'environnement des Premières nations serait-il moins bien protégé que celui des autres Canadiens?

Voilà le genre de questions auxquelles je m'intéresse et je suis sûre qu'en général, le ministère serait prêt à agir. Je pense que cela s'explique en grande partie par le financement.

Le sénateur Brazeau : Pensez-vous que le ministère a beaucoup attendu avant de réagir aux recommandations que vous avez formulées au cours des années?

Mme Fraser : Oui.

Le sénateur Brazeau : Ma dernière question porte sur l'administration par des tiers. D'après ce que je sais, il y a deux éléments qui déclenchent le mécanisme d'administration par des tiers. Le premier est le fait d'avoir un déficit supérieur à la norme de huit pour cent, l'autre étant des cas d'instabilité politique susceptibles de compromettre le fonctionnement des collectivités des Premières nations.

Pour le compte rendu, j'estime que les bureaux régionaux d'AINC n'appliquent pas leur propre politique relative au chiffre de huit pour cent, parce que s'ils le faisaient, ils ne sembleraient pas avoir agi comme de bons gestionnaires.

Compte tenu de votre expérience, pensez-vous que le ministère applique ses propres politiques en matière d'administration par des tiers? Je vous pose la question parce qu'hier, les fonctionnaires d'AINC ont témoigné devant le comité et nous ont dit qu'il n'y avait que quatre collectivités au Canada qui se trouvaient dans une situation financière difficile.

Mme Fraser : Nous avons étudié l'administration par des tiers en 2006. Nous avons constaté que le ministère attendait bien souvent trop longtemps avant d'aider les Premières nations, qu'il ne fournissait pas une aide suffisamment proactive avant d'imposer un administrateur indépendant.

Je me souviens que nous avons également constaté qu'il n'y avait pas de mécanisme permettant de mettre fin à ce type d'administration. Comment le ministère met-il fin à cette situation et aide la Première nation à reprendre le contrôle de ses affaires financières?

Le président : Cela fait 15 ans environ que je suis membre du comité et plus ça change, plus c'est la même chose.

Je n'essaie pas de placer qui que ce soit dans une situation difficile, mais le moment ne serait-il pas venu de dire que même si le ministère est composé de personnes ayant les meilleures intentions au monde, il lui est pratiquement impossible de mettre en œuvre les objectifs de la Loi sur les Indiens que ce soit dans le domaine de l'éducation, du logement, de l'aide sociale, et le reste? Pour ce qui est de l'éducation en particulier, le ministère ne dispose d'aucune infrastructure pour compléter le système. Les provinces ont une infrastructure qui leur permet de traiter les troubles d'apprentissage, par exemple.

Ne pensez-vous pas que le moment est venu de vraiment changer les choses? Certains affirment que le fait de continuer à faire la même chose en obtenant les mêmes résultats insatisfaisants est un signe d'aliénation, mais c'est pourtant ce que nous faisons. Ce n'est pas une remarque partisane. Tous les gouvernements successifs l'ont fait. Si nous ne changeons pas les choses, nous continuerons à obtenir les mêmes résultats.

En vous appuyant sur vos études, pouvez-vous recommander une mesure qui modifierait la situation actuelle?

Mme Fraser : Sénateurs, vous devez savoir que vous abordez la question des politiques, un sujet que nous sommes très réticents à commenter. Tous nos rapports de vérification ont signalé l'existence d'écarts importants sur le plan de l'éducation, du logement ou de la qualité de l'eau entre les membres des Premières nations et les autres Canadiens. Je dirais qu'il faudrait que quelque chose change. Cela sera difficile et ne se fera pas du jour au lendemain, mais nous n'avons pas vu les progrès auxquels nous nous attendions. On pourrait s'attendre à ce que certaines choses changent après huit ou neuf ans. Je ne connais pas la solution, mais j'espère que les fonctionnaires du ministère seront en mesure d'apporter quelques éléments de solution.

Vous avez fait une excellente remarque. Par exemple, il n'y a pas de programme d'études et pourtant, la plupart de ces responsabilités vont être transférées à des Premières nations qui n'ont qu'un très petit nombre de membres et pour lesquelles cela va soulever des difficultés; elles auront donc besoin de beaucoup d'aide pour être en mesure de fournir ces services. Nous avons constaté que le financement des agences offrant des services à la jeunesse et à la famille des Premières nations était inférieur à celui qui était fourni aux agences provinciales. Cela ne semble pas logique. Pourquoi ces personnes n'auraient-elles pas le droit de recevoir les mêmes services que fournissaient les agences provinciales?

Il y a toutes ces disparités et je ne suis même pas certaine que le ministère les connaît ou sache comment les combler.

Le président : Je vous ai posé cette question parce que tous les Canadiens, moi y compris, éprouvent un grand respect pour votre bureau et vos collaborateurs. Cela touche peut-être la question des politiques, mais si l'on ne prend pas de risque, on n'obtient rien et ces personnes méritent d'être récompensées à un moment donné. Je comprends votre réponse.

Le sénateur Raine : La situation actuelle est choquante et tout à fait inacceptable pour la plupart des Canadiens. Nous laissons une situation comparable au tiers monde s'aggraver dans notre pays. Nous avons besoin d'obtenir des chiffres. Quelqu'un doit faire des calculs et nous dire combien il faut pour repartir du bon pied.

Votre ministère pourrait-il nous aider à obtenir ces chiffres?

Mme Fraser : Je pense qu'en théorie, il le pourrait. Ce n'est pas le genre de chose que nous faisons habituellement, parce que cela se rapproche de la gestion et que nous essayons d'éviter d'aller de ce côté.

Je pense que la commission royale a effectué certains calculs et il y a eu également des études qui ont porté sur divers domaines. Le ministère devrait également être en mesure de vous fournir ce genre de chiffres.

Le sénateur Raine : Il y a beaucoup de gens qui pensent que nous avons suffisamment étudié la situation et que nous devons nous engager à consacrer davantage de fonds à ces questions et à chercher des solutions positives. Voici l'occasion de le faire. Le comité défend les droits de toutes les Premières nations. Il est peut-être bon que vous, la vérificatrice générale, fassiez clairement ressortir ces écarts. Cela nous aide beaucoup. Je vous remercie donc d'être venue.

Le sénateur Peterson : Vous avez déclaré qu'AINC et Environnement Canada avaient accepté toutes les recommandations du chapitre 6. J'ai regardé les recommandations et leurs réponses, et j'ai constaté qu'un bon nombre d'entre elles exigeaient principalement qu'on affecte des fonds suffisants et qu'il fallait prévoir des fonds supplémentaires pour les années qui viennent. Il y a un certain nombre de clauses de ce genre.

Serait-il déraisonnable de demander au ministère — c'est-à-dire, maintenant que nous avons ces recommandations et sa réponse — d'adopter une stratégie davantage axée sur l'avenir, basée sur un échéancier réaliste et sur des chiffres quels qu'ils soient, de façon à pouvoir suivre les progrès? Si nous ne le faisons pas, nous allons, comme vous l'avez dit, certainement régresser. Nous identifions plus rapidement les nouveaux sites que nous les restaurons. C'est la seule façon qui nous permette d'espérer nous en sortir.

Mme Fraser : Absolument, c'est la raison pour laquelle j'ai mentionné dans ma déclaration préliminaire, un plan d'action qui préciserait la nature du travail à accomplir, les organismes qui devront l'effectuer, les délais à respecter et les ressources nécessaires. J'ajouterais, pour eux en particulier, les sources de financement. S'agira-t-il d'un financement nouveau ou le ministère sera-t-il tenté de prendre des fonds à un autre programme, ce qu'il fait parfois?

Nous sommes tout à fait en faveur d'élaborer un programme d'action précis en réponse à leur adoption des recommandations et nous invitons le comité à demander ce plan d'action et à faire ensuite un suivi régulier. Dans six mois ou dans un an, le comité pourrait demander au ministère où il en est. Les fonctionnaires pourront comparaître devant le comité pour expliquer ce qu'ils ont fait et s'ils ont respecté leur échéancier. Nous nous servons de leurs plans d'action lorsque nous faisons un suivi. En nous fondant sur les engagements qu'a pris le ministère, nous revenons faire une étude et nous demandons aux fonctionnaires : « Avez-vous fait ce que vous aviez dit que vous alliez faire? »

Le sénateur Peterson : Nous leur dirons que c'est ce que vous demandez.

Mme Fraser : Ils savent que nous le demandons.

Le sénateur Patterson : J'aimerais poser une question au sujet du Programme de gestion des terres et de l'environnement dans les réserves et de l'élaboration d'une stratégie de formation. J'essaie de trouver des éléments positifs dans le sombre tableau que vous nous avez brossé, madame Fraser. Je constate que le ministère n'a pas fait grand-chose pour mettre en œuvre ce programme depuis sa création en 2005 et qu'il est demeuré un projet pilote. Je crois toutefois savoir qu'en réponse à vos conclusions, le ministère a fait savoir qu'il avait trouvé une source de financement permanent pour le Programme de gestion des terres et de l'environnement dans les réserves grâce au plan d'action économique pour les Autochtones.

Connaissez-vous le montant du financement supplémentaire qui sera affecté annuellement à cette formation? En vous fondant sur vos conclusions précédentes, pensez-vous que ce financement répondra aux besoins des Premières nations?

Mme Fraser : Je vais demander à M. Barrett de répondre à votre question sur le financement.

M. Barrett : Premièrement, je tiens à souligner que le ministère a déclaré dans sa réponse : « Le ministère a reçu une source durable de financement. » Cette affirmation est postérieure à notre vérification et nous n'avons donc pas pu vérifier ce chiffre. D'après les programmes précédents, je crois que le ministère a réussi à réaffecter une somme d'environ cinq millions de dollars par an à la formation, mais il a calculé que le besoin s'élevait à huit ou neuf millions de dollars par an. Le ministère a réussi à faire un peu plus de la moitié de ce qu'il prévoyait faire initialement dans le domaine de la formation. Il n'a pas obtenu de fonds nouveaux jusqu'ici, de sorte qu'il n'a pu fournir qu'une formation limitée. En résumé, le ministère a dit : « Nous avons obtenu un financement nouveau dans le cadre du plan d'action » mais nous n'avons pas encore vu ces chiffres.

Le sénateur Patterson : Voilà qui répond à ma question. Merci.

Le sénateur Brazeau : Pour revenir à des remarques antérieures, je suis obligé d'être d'accord avec le sénateur St. Germain lorsqu'il dit que, plus ça change, plus c'est la même chose. J'espère quand même que dans 20 ou 30 ans, mes enfants n'auront pas à livrer les batailles que d'autres ont livrées et que nous sommes en train de livrer.

Vous avez effectué un certain nombre de vérifications dans ce ministère et formulé de bonnes recommandations — dont certaines ont été mises en œuvre. En tant que députés, que pouvons-nous faire pour essayer de modifier les politiques du ministère en nous appuyant sur la recherche que vous avez effectuée et sur vos conclusions? Je sais que vous ne pouvez pas parler des politiques du ministère, mais je suis sûr que vous pouvez recommander à des parlementaires des façons de modifier les politiques de l'intérieur pour que cela profite aux personnes, pour que nous puissions mesurer les progrès réalisés dans le cadre des différents programmes, pour que nous puissions constater que les gens profitent des investissements effectués. Nous ne savons pas si les gens pensent que ces investissements sont suffisants ou non.

Mme Fraser : Premièrement, je pense que les diverses études que le Sénat effectue sont globales et aident à préciser les problèmes et à les faire connaître. Vous faites de l'excellent travail dans ce domaine. Cela est fort utile.

Si je connaissais la solution, elle figurerait dans les recommandations contenues dans notre rapport. La seule chose que je puisse dire est que les Canadiens se sensibilisent progressivement à la situation grâce à des choses comme celles-ci et peut-être grâce aux pressions politiques — c'est-à-dire demander au ministère de répondre aux recommandations, de dire ce qu'il va faire pour respecter ses engagements, d'élaborer des plans d'action, d'en suivre la mise en œuvre et de lui demander de rendre des comptes à ce sujet. À part cela, je ne sais pas très bien si l'on peut faire davantage.

Le sénateur Brazeau : Je vais profiter encore une fois du fait que vous êtes ici. Je sais que cela ne relève pas de votre mandat, mais la responsabilité va dans les deux sens. Dans certains cas, les collectivités des Premières nations ne rendent pas toujours compte de l'emploi de leurs fonds et nous devons admettre que le ministère ne le fait pas non plus. Le gouvernement actuel a toutefois introduit dans les accords de contribution une clause de vérification qui permet au gouvernement d'intervenir et de procéder à une vérification dans les collectivités des Premières nations, à l'intérieur d'une période de cinq ans, après la signature de ces accords de contribution.

À votre avis, ce mécanisme va-t-il renforcer la responsabilité financière tel que prévu dans ces accords de contribution ainsi que la responsabilité des dirigeants de ces Premières nations envers leurs membres?

Mme Fraser : Je ne suis pas certaine qu'une vérification soit toujours la meilleure façon d'amener un organisme à rendre des comptes. Nous avons préparé un rapport en 2002 ou 2003 sur les obligations déclaratives et sur les rapports que la plupart des Premières nations doivent produire pour cinq ministères. Nous avons découvert qu'elles devaient préparer plus de 200 rapports par an et établir cinq séries d'états financiers. Le Secrétariat du Conseil du Trésor a effectué sa propre étude et a découvert que, pour le seul ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada, les Premières nations du Canada produisaient 60 000 rapports par an. Cela veut dire, en moyenne, un rapport tous les trois jours.

Le ministère n'aime pas beaucoup que je parle de cette question, parce qu'il affirme avoir corrigé la situation. Nous avons fait un suivi pour voir si c'était vraiment le cas, mais il demeure que la préparation de tous ces rapports coûte très cher et que nous avons vivement invité les ministères à coordonner leur action, à demander une série d'états financiers et non pas cinq, et pour limiter le nombre des rapports demandés. Il y a 630 Premières nations. Il doit bien y avoir le moyen d'obtenir tous ces renseignements, de façon à ce que les ministères les utilisent plus efficacement et pour que ces ressources répondent aux besoins des membres des Premières nations.

La vérification est une étape nécessaire, mais les Premières nations font toutes l'objet d'une vérification pour obtenir leur financement annuel. Si elles ne produisent pas des états financiers vérifiés, elles n'obtiennent pas de financement. Il se fait donc déjà un bon nombre de rapports de vérification. La question de la responsabilité des dirigeants envers les membres des Premières nations va bien au-delà de la question de la vérification.

Le sénateur Brazeau : Je vous prie de m'excuser d'avoir dit que ce serait ma dernière question, parce que j'ai besoin de vous en poser une petite dernière. À votre avis, pensez-vous que le ministère lit effectivement ces 60 000 rapports?

Mme Fraser : Non. Nous avons examiné cet aspect et il ne le fait pas.

Le sénateur Brazeau : Merci.

Le président : Madame Fraser, je pense que nous cherchons quelqu'un qui allie expérience, connaissances et vision d'avenir. J'éprouve pour vous, tout comme, j'en suis sûr, les membres du comité, beaucoup de respect. Nous fonctionnons selon un mode non partisan. Si ce n'était pas le cas, je ne pourrais présider le comité, parce que nous risquerions de perdre de vue l'objectif qui est de servir les électeurs, comme ils nous ont demandé de le faire.

Les gouvernements progressent par petites étapes. Je pense aux ministres qui ont essayé de progresser. Je pense aux ministres Nault, Stewart et Prentice. Il y en a toute une série, quand je pense aux 26 ans que j'ai passés ici, tant à la Chambre des communes qu'au Sénat.

Je sais que nous nous sommes un peu écartés du sujet ce soir, mais je ne vais pas m'excuser, parce que nous avons vraiment beaucoup de respect pour vous et vos collaborateurs, comme Ronnie Campbell et Frank Barrett. Vous nous apportez beaucoup de connaissances et d'expérience.

Au nom du comité, je vous remercie d'être venus ce soir, d'être qui vous êtes, et de faire le travail que vous faites. Merci, et que Dieu vous bénisse.

Mme Fraser : Merci, sénateur.

Le président : Je vais suspendre la séance pour cinq minutes et nous siégerons ensuite à huis clos.

(La séance se poursuit à huis clos.)


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