Aller au contenu

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Droits de la personne

Fascicule 7 - Témoignages


OTTAWA, le lundi 25 mai 2009

Le Comité sénatorial permanent des droits de la personne se réunit aujourd'hui à 18 h 30 pour étudier les éléments suivants du projet de loi C-10, Loi d'exécution du budget de 2009, les éléments concernant la rémunération équitable (partie 11).

Le sénateur A. Raynell Andreychuk (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Je vous souhaite la bienvenue au Comité sénatorial permanent des droits de la personne. Nous sommes ici pour étudier les éléments suivants du projet de loi C-10, Loi d'exécution du budget de 2009, les éléments concernant la rémunération équitable, Partie 11. Comme les membres du comité s'en souviennent sans doute, le projet de loi C-10, Loi d'exécution du budget de 2009, a été adopté, et on nous a confié la responsabilité d'étudier la question de la rémunération équitable contenue à la Partie 11.

Nous avons le plaisir de recevoir Mme Hélène Laurendeau, du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada. Vous semblez vous porter mieux que la dernière fois, je vous remercie de comparaître aujourd'hui. Mme Laurendeau est accompagnée de M. Dan Danagher, directeur exécutif, Intégrité des programmes, Relations de travail et opérations de rémunération.

Hélène Laurendeau, secrétaire adjointe, Relations de travail et opérations de rémunération, Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada : D'abord et avant tout, madame la présidente, je vous remercie de votre compréhension. Je sais que le comité a essayé de me recevoir avant, mais j'ai effectivement dû rester chez moi, ce qui est rare.

[Français]

J'aimerais vous remercier de me donner l'occasion de comparaître devant vous aujourd'hui pour vous parler de la Loi sur l'équité dans la rémunération du secteur public. Je ferai un survol du contexte ayant mené à l'adoption de la loi et passerai en revue certains des éléments fondamentaux.

[Traduction]

Au cours des 10 dernières années, les femmes ont fait de grands progrès dans la fonction publique fédérale. Les femmes et les hommes occupant des emplois identiques reçoivent le même salaire. De plus, les femmes occupent de plus en plus de postes de direction et de travailleur du savoir. Au cours de la dernière décennie, la représentation des femmes dans ces groupes a augmenté de plus de 15 p. 100. Les femmes occupent maintenant 41 p. 100 des postes de direction et pratiquement 56 p. 100 des postes de travailleur du savoir dans la fonction publique fédérale.

[Français]

Les écarts salariaux entre les femmes et les hommes disparaissent. Il n'existe plus, à toutes fins pratiques, d'écart salarial entre le salaire moyen des jeunes femmes et des jeunes hommes qui viennent d'être recrutés dans le secteur public fédéral.

Ces percées, en grande partie attribuables aux tendances démographiques, à l'évolution du travail et aux programmes d'équité en emploi, devraient être soutenues par un effort continu et holistique pour maintenir le principe d'un salaire égal pour un travail de valeur égale.

[Traduction]

L'ancien régime d'équité salariale de la fonction publique fédérale était interventionniste, laborieux, coûteux et litigieux. Des actions n'étaient prises qu'à la suite de plaintes. Ces plaintes étaient généralement déposées sans qu'aucune discussion à la table de négociation n'ait eu lieu. Cette situation a engendré un cycle vicieux. Les syndicats déposaient des plaintes à la Commission canadienne des droits de la personne. Quelques années après avoir réglé ces plaintes, et même après avoir négocié de nouvelles conventions collectives, ces mêmes syndicats pouvaient déposer de nouvelles plaintes au nom des mêmes groupes. Ce scénario s'est en fait manifesté à maintes reprises.

Ce processus accaparait les ressources des employeurs et des syndicats qui géraient les plaintes plutôt que de régler les problèmes sous-jacents. En 2001, la Commission canadienne des droits de la personne notait que les dossiers d'équité salariale représentaient moins de 8 p. 100 de toutes les plaintes enquêtées, pourtant ces dossiers accaparaient environ la moitié du total de ses dépenses en services juridiques.

Le processus de plaintes est par ailleurs très laborieux et long — une plainte, digne de mention, a duré plus de 20 ans avant qu'on puisse la régler. La plus importante plainte dans la fonction publique fédérale a requis 15 ans avant d'être réglée. Il faut compter en moyenne au moins six ans pour régler la plupart des cas.

Au fil des ans, le gouvernement fédéral a beaucoup appris des enjeux traités dans le cadre du règlement des plaintes, et la Loi sur l'équité dans la rémunération du secteur public s'appuie sur l'expérience ainsi acquise. Nous sommes bien conscients, par exemple, des distorsions provoquées par des évaluations d'équité salariale qui comparent un groupe de 90 000 employés exécutant des milliers de fonctions différentes et gagnant divers salaires à un autre groupe d'une dizaine de milliers d'employés seulement exécutant un nombre de tâches plus distinctes.

[Français]

Nous nous sommes fortement inspirés des régimes proactifs provinciaux, des travaux du Groupe de travail sur l'équité salariale de 2004, mieux connu sous le nom de Groupe de travail Bilson, et des réflexions des organismes internationaux et d'universitaires qui se sont penchés sur la question.

L'Ontario, le Manitoba et le Québec possèdent des régimes qui exigent la proactivité que nous prônons. Cependant, aucun de ces régimes ne prévoit d'obligations claires pour les employeurs et les agents négociateurs de discuter des enjeux d'équité salariale au moment même d'établir ou de revoir les salaires.

[Traduction]

Le groupe de travail Bilson a recommandé l'adoption d'une loi distincte et proactive sur l'équité salariale et d'un bon nombre de caractéristiques que l'on retrouve dans la Loi sur l'équité dans la rémunération du secteur public. Bien que le groupe de travail n'ait pas recommandé l'intégration du processus d'établissement des salaires à celui de l'évaluation de la parité salariale, on doit noter que les ministres responsables à ce moment-là avaient indiqué par écrit au Parlement que le rapport du Groupe de travail ne présentait pas un plan adéquat pour cela. Ils ont de plus indiqué que toute autre mesure législative devait aborder, entre autres, la question de la relation entre l'équité salariale et la négociation collective ainsi que celle des obligations des employeurs et des syndicats.

La loi prévoit des obligations permettant de s'assurer que le principe d'un salaire égal pour un travail de valeur égale soit maintenu dans le secteur public fédéral. Ce n'est pas une solution à court terme; il s'agit d'un régime proactif, opportun et équitable.

La Loi sur l'équité dans la rémunération du secteur public consacre le principe d'un « salaire égal pour l'exécution d'un travail de valeur égale ». La loi utilise le libellé « équité dans la rémunération » pour indiquer qu'elle ne vise pas que l'équité dans les salaires mais bien dans tous les éléments de la rémunération, y compris les conditions de travail et les avantages sociaux.

[Français]

En fin de compte, grâce à la Loi sur l'équité dans la rémunération du secteur public, les femmes n'auront pas à attendre des décennies pour obtenir les bénéfices prévus à la loi, au terme de longues procédures conflictuelles devant les tribunaux. L'équité dans la rémunération sera atteinte de manière proactive et révisée de façon régulière, et non pas une fois par quinze ans.

[Traduction]

J'aimerais attirer votre attention sur les principales composantes de la loi. La loi permettra d'atteindre l'équité dans la rémunération en s'assurant qu'elle est prise en compte au moment où les salaires sont établis. Pour ce faire, les employeurs et les agents négociateurs devront prendre les mesures nécessaires pour évaluer adéquatement les enjeux et y répondre à la table de négociation — la tribune d'établissement des salaires dans un contexte syndiqué.

La loi respecte l'engagement international, pris par le Canada d'appliquer le principe de parité salariale pour l'exécution de fonctions équivalentes dans nos méthodes pour déterminer la rémunération. Ces obligations sont décrites dans la Convention de l'Organisation mondiale du Travail sur l'égalité de la rémunération, 1951.

Il faut souligner qu'au cours de l'histoire, des mesures concrètes sur de nombreux droits des employés ont été conçues à la table de négociation, notamment sur les salaires justes, les heures de travail, les conditions de travail, les congés parentaux ainsi que la santé et la sécurité au travail.

En fusionnant le processus de détermination de l'équité salariale à celui de l'établissement des salaires, la loi mise non pas sur la nécessité d'atteindre ou pas l'équité salariale — car ce sera sûrement le cas — mais sur la façon de l'atteindre et de la maintenir.

Les deux parties doivent prendre cette obligation au sérieux et s'y conformer conjointement et avec transparence. De même, l'employeur ainsi que l'agent de négociation peuvent se voir imposer des amendes s'ils ne respectent pas la loi.

[Français]

De plus, la loi accentue la transparence et la responsabilisation des parties en exigeant que les employeurs et les agents négociateurs fassent rapport aux employés en expliquant clairement les mesures qui ont été prises pour assurer l'équité dans la rémunération.

La loi exige également que les employeurs informent les employés de leurs droits aux termes de la loi — une disposition que le régime actuel ne prévoit pas.

[Traduction]

Le nouveau régime assure également le maintien du droit des femmes à formuler des plaintes à la Commission des relations de travail dans la fonction publique. La commission est un organisme indépendant qui administre actuellement la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. La commission joue ce rôle clef depuis 1967 à titre de tiers parti neutre dans le règlement des différends et elle mène des recherches sur les salaires pour appuyer les parties dans le cadre du processus de négociation.

En conclusion, la Loi sur l'équité dans la rémunération du secteur public entrera en vigueur dès que le règlement sera établi par le gouverneur en conseil. Ce règlement permettra de mieux définir et de préciser les termes, les obligations et les processus en vertu de la loi. Nous prévoyons qu'il faudra environ 18 mois pour mener à bien l'élaboration du règlement et les consultations y afférant.

Dès son entrée en vigueur, la loi prévoit un délai de deux ans pour se préparer à respecter les nouvelles obligations dans les exercices d'établissement des salaires.

[Français]

Il m'apparaît important de rappeler l'engagement du gouvernement Canada d'offrir aux femmes du secteur public du Canada un salaire égal pour un travail de valeur égale. La Loi sur l'équité dans la rémunération du secteur public permettra non seulement de protéger ce droit fondamental, mais offre une solution moderne visant à atteindre et à maintenir l'équité dans la rémunération pour les années à venir.

[Traduction]

Mon collègue et moi sommes prêts à répondre à vos questions.

La présidente : Merci. Je rappelle aux sénateurs que nous vous avons distribué le témoignage prononcé devant le Comité sénatorial permanent des finances nationales. Nous l'avons en réserve.

Quand les gens de la Commission canadienne des droits de la personne ont comparu devant nous, nous n'avons pas reçu suffisamment d'information. Ils disaient que toutes les nouvelles plaintes seraient traitées ailleurs qu'à la Commission des droits de la personne, selon les modalités de cette nouvelle loi ou de ce nouveau mécanisme.

Vous avez précisé qu'il faudrait environ 18 mois avant que tout n'entre en vigueur. Je suis un peu confuse : si j'ai une plainte à déposer aujourd'hui, dois-je m'adresser à la Commission des droits de la personne? Ses représentants affirment qu'ils vous transmettent les plaintes. Restera-t-elle en suspens pendant 18 mois? Qu'arrivera-t-il d'ici là?

Mme Laurendeau : L'organisme actuellement responsable d'entendre les plaintes en matière d'équité de la rémunération qui n'ont pas été renvoyées au Tribunal des droits de la personne est la Commission des relations de travail dans la fonction publique, mais sa responsabilité consiste à faire respecter la loi existante parce que la nouvelle loi n'est pas encore en vigueur. Les nouvelles plaintes qui entrent en date d'aujourd'hui sont portées à la Commission des droits de la personne pour éviter la confusion, mais elles sont renvoyées automatiquement à la Commission des relations de travail dans la fonction publique. Cette commission continue d'interpréter la loi telle qu'elle s'applique aujourd'hui, à la lumière de certaines mesures de transition sur le type d'ordonnance qu'elle peut prononcer. C'est la différence. Est-ce que cela vous éclaire?

La présidente : Est-ce que ces mesures de transition découlent de la loi?

Mme Laurendeau : Oui, elles sont décrites à la toute fin de la loi.

La présidente : Nous ne dépassons donc pas la portée de la loi, alors?

Mme Laurendeau : Nous n'en dépassons pas la portée.

La présidente : Nous pouvons donc prendre l'ancien système et les dispositions de transition et les appliquer à n'importe qui entreprend des démarches aujourd'hui.

Mme Laurendeau : Précisément; pour plus de clarté, ces mesures font le pont entre le système actuel et le nouvel organisme responsable de donner des ordonnances pour l'équité de la rémunération, c'est-à-dire la Commission des relations de travail dans la fonction publique.

La présidente : Je serais tentée de rappeler que les choses vont encore traîner 18 mois avant que le nouveau système ne soit mis en place, alors que tout est déjà trop long, mais je présume que vous nous dites simplement qu'il faudra du temps pour négocier certaines parties du règlement. Pourquoi faudra-t-il 18 mois avant que le règlement ne soit prêt?

Mme Laurendeau : Bien sûr, nous allons tâcher d'aller plus vite, mais c'est le temps que nous jugeons raisonnable pour mener des consultations en profondeur sur le règlement auprès des différents intervenants.

Le sénateur Jaffer : J'avais compris des dires des gens de la Commission des droits de la personne que ce serait toujours eux qui traiteraient les plaintes parce que comme vous l'avez dit, ils ne voulaient pas créer de confusion. En fait, elles seraient renvoyées à la CRTFP, et il y aurait une période de six mois pour essayer de régler la plainte. En cas d'impasse, le processus suivrait son cours et tout resterait en suspens pendant trois ans, jusqu'au nouveau processus de négociation collective.

Je croyais qu'ils avaient dit qu'il faudrait trois ans avant les prochaines négociations collectives. De plus, le décret n'avait pas encore été proclamé, le règlement n'était toujours pas en vigueur, le plan non plus, et il faudrait trois ans avant que tout soit en place.

Mme Laurendeau : Il faut faire la distinction entre le processus normal et la gestion des plaintes pendant la période de transition. Quand la loi sera en vigueur, il faudra régler les questions d'équité salariale pendant les négociations collectives sur l'établissement des salaires. C'est pour cet aspect que nous devrons attendre l'adoption du règlement et l'entrée en vigueur de la loi. Il faudra ensuite laisser deux ans aux parties pour se préparer avant le prochain cycle de négociations collectives. La loi sera alors totalement en vigueur et le régime sera dorénavant proactif.

Entre-temps, il faut nous assurer de ne pas laisser les gens en plan et continuer d'administrer le régime actuel. Comme c'est un régime axé sur les plaintes, il doit y avoir un organisme chargé d'entendre les plaintes et il faut essayer de les résoudre pendant la période de préparation. L'une des sources de confusion, c'est le travail qu'il reste à faire pour gérer les plaintes. L'autre source, c'est la transition vers un régime proactif dans lequel on établirait les salaires et on négocierait collectivement.

Le sénateur Jaffer : Je ne vois pas de confusion là. Là où il y a confusion, c'est que vous nous dites que les choses vont avancer plus vite. Nous avons entendu la dernière fois qu'il faudra trois ans pour mettre en place le nouveau régime.

Comment peut-on aller plus vite? On nous répète constamment que le processus sera plus rapide et que les plaintes seront entendues plus vite. Quand le décret entrera-t-il en vigueur?

Mme Laurendeau : Nous évaluons que ça va prendre 18 mois à partir de maintenant.

Le sénateur Jaffer : Je croyais que certaines mesures étaient déjà en place. Par exemple, le processus relativement à la Commission des droits de la personne s'applique déjà. Le décret est déjà en place, et dans l'intervalle, les nouvelles affaires sont déjà présentées à l'autre commission, selon le nouveau régime.

Mme Laurendeau : C'est juste.

Le sénateur Jaffer : Ni le règlement ni le plan n'ont encore été adoptés. La Commission canadienne des droits de la personne a dit au comité que le processus de négociation ne serait pas entrepris avant trois ans encore, donc il faudra encore trois ans avant que le nouveau régime ne soit mis en œuvre.

Mme Laurendeau : Deux ans après l'entrée en vigueur, le nouveau modèle proactif sera en place. L'équité dans la rémunération sera réévaluée à chaque négociation collective avec les syndicats ou par l'employeur quand il revoit le salaire des employés non syndiqués.

Il pourrait falloir plus de temps pour effectuer la transition d'un système fondé sur les plaintes à un régime proactif, mais quand ce nouveau régime sera en place, l'équité dans la rémunération sera réévaluée chaque fois que les salaires seront révisés.

Le sénateur Jaffer : Nous devrons peut-être y revenir un autre jour, mais si je vous comprends bien, il faudra 18 mois avant que le décret n'entre en vigueur, puis deux ans avant que le régime ne se soit en place. Est-ce que je comprends bien?

Mme Laurendeau : Pour la proactivité, c'est cela.

Le sénateur Jaffer : Au total, cela fait presque trois ans et demi.

Mme Laurendeau : Effectivement.

Le sénateur Jaffer : J'ai une question de terminologie. Pourquoi ne gardez-vous pas les mots « parité salariale »? Pourquoi introduire un nouveau concept appelé « l'équité dans la rémunération »? J'aimerais avoir des éclaircissements.

Je croyais que par « parité salariale », on entendait que chaque emploi était évalué en fonction des compétences, de l'effort, des responsabilités et des conditions inhérentes à l'emploi. C'est la même chose pour « l'équité dans la rémunération », mais vous ajoutez des critères concernant les forces du marché, la rétention et le recrutement. C'est totalement différent de la parité salariale. C'est un autre modèle; il s'agit de rémunération équitable.

Pourquoi vous éloigner autant de la parité salariale pour ajouter l'idée des forces du marché? Pourquoi ne garderiez- vous pas le terme « parité salariale »?

Mme Laurendeau : Les mots « équité dans la rémunération » sont dans le titre de la loi, et il y a deux raisons à cela. La première, c'est que nous ne voulons pas nous limiter au salaire, pour que la rémunération comprenne tout.

La deuxième, c'est que nous voulons retourner à la base du concept et le rapprocher de la convention 101 de l'OMT, dont le Canada fait partie, qui fait mention de l'équité dans la rémunération. L'idée était de retourner à la base, d'englober tous les éléments de la rémunération dans le concept d'un salaire égal pour un travail de valeur égale, qui fait déjà partie de nos obligations internationales.

Pour répondre à la seconde partie de votre question, la notion des compétences, de l'effort, des responsabilités et des conditions inhérentes à l'emploi qui déterminent la relativité interne demeurera inscrite dans la loi. Le recrutement, la rétention et les forces du marché sont déjà pris en compte dans l'Ordonnance sur la parité salariale, mais ils font l'objet d'une exception qui est extrêmement difficile à interpréter. Il a été établi qu'il convenait de tenir compte de ces deux aspects pour déterminer la valeur du travail pour inclure ce concept qui existait déjà dans l'Ordonnance sur la parité salariale, mais dans une exception seulement.

Le sénateur Jaffer : J'ai cherché, mais je ne trouve pas la définition juridique de « l'équité dans la rémunération ». J'ai un nœud dans l'estomac quand vous dites que le processus devrait être plus rapide. Nous savons que l'affaire est devant les tribunaux, et vous prétendez que le processus va être plus rapide alors qu'il ne se passera rien avant encore trois ans et demi. Vous lancez ensuite un nouveau terme, « l'équité dans la rémunération », qu'il faudra définir. Nous substituons à l'angle discriminatoire un tout nouveau processus. En quoi sera-t-il plus rapide? Je ne comprends pas.

Mme Laurendeau : L'approche proactive va certes procurer des résultats plus rapides, comparativement à la moyenne actuelle de six ans pour la gestion des plaintes. Il a fallu mettre jusqu'à 15 ans pour régler certaines plaintes. Dans le secteur public, le processus de négociation se déroule habituellement tous les deux ou trois ans. On pourrait attendre jusqu'à quatre ans, mais la nécessité de revoir les salaires se manifeste tous les trois ou quatre ans. Grâce à la méthode proactive, on est assuré de résultats permanents et de décisions plus rapides.

Le sénateur Jaffer : Au bénéfice de toutes les femmes, j'ose espérer que cette approche proactive sera couronnée de succès. Je dois cependant vous avouer que je retiens mon souffle lorsque vous affirmez que les employeurs seront proactifs. Rien ne les empêchait d'adopter une telle attitude dans le passé. Qu'est-ce qui pourrait maintenant les inciter à changer leur comportement?

Vous avez indiqué dans votre déclaration préliminaire que les employés recevraient une rémunération égale pour un travail d'égale valeur. On retrouve cet énoncé dans le préambule, mais nulle part ailleurs dans la loi. On y parle d'« équité dans la rémunération ». L'expression « un salaire égal pour l'exécution d'un travail de valeur égale » se trouve dans le préambule. L'interprétation des différentes parties de la loi se fait donc dans le contexte d'une recherche d'équité dans la rémunération, ce qui est différent d'un salaire égal pour un travail d'égale valeur.

Mme Laurendeau : L'expression « un salaire égal pour l'exécution d'un travail de valeur égale » est tirée directement de la convention 101 à laquelle j'ai fait référence. Si on l'inscrit dans le préambule de la loi tout en mettant en place un mécanisme complet en vue de donner suite à cette obligation, c'est qu'on tient à appliquer le concept d'un traitement égal pour un travail d'égale valeur.

Le sénateur Jaffer : Même si on ne le mentionne pas ailleurs dans la loi?

Mme Laurendeau : Si je puis me permettre, je vous dirais que l'on retrouve ce concept partout dans la loi. L'objectif visé est d'assurer un salaire égal pour un travail de même valeur.

Le sénateur Jaffer : Ne convenez-vous pas avec moi que ces termes sont utilisés uniquement dans le préambule, et nulle part ailleurs dans la loi?

Mme Laurendeau : Du strict point de vue du libellé, vous avez raison, mais le préambule revêt une grande importance, car on y définit les obligations auxquelles les parties doivent donner suite.

Le sénateur Jaffer : Sauf que si l'on interprète un article donné de la loi, ce sont les termes « équité dans la rémunération » qui y figureront. Est-ce bien cela?

Mme Laurendeau : L'article devra être interprété à la lumière du préambule.

Le sénateur Jaffer : L'article 36 de la Loi sur l'équité dans la rémunération du secteur public prévoit ce qui suit :

L'employeur et l'agent négociateur s'abstiennent de tout comportement pouvant encourager ou aider les employés à déposer une plainte en vertu de la présente loi ou à la continuer.

De fait, si une telle aide est offerte, une lourde amende sera imposée. Si je ne m'abuse, un syndicat qui aiderait un employé pourrait même s'exposer à des sanctions pénales.

Pourquoi voudriez-vous empêcher un syndicat d'aider un travailleur à porter plainte?

Mme Laurendeau : Je ne crois pas que des sanctions pénales pourraient s'appliquer. Vous avez toutefois raison de dire qu'une amende pourrait être imposée.

Le sénateur Jaffer : Une forte amende.

Mme Laurendeau : Oui, les contrevenants à cet article s'exposent à une amende d'un montant considérable. Ces amendes, qui peuvent être imposées tant aux employeurs qu'aux agents négociateurs, peuvent être justifiées suivant les mêmes principes applicables à celles prévues par la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique pour les contrevenants qui ne respectent pas certaines obligations touchant la négociation collective. Il s'agissait de mettre en place les mesures de responsabilisation voulues pour établir un climat de négociation collective fondé sur la bonne foi de chacun grâce à la représentation syndicale des employés et au processus démocratique permettant à chacune des parties d'établir sa position. Ainsi, aucune des parties ne serait autorisée à revenir en arrière pour renoncer à des engagements déjà pris.

Cela s'applique aux deux parties présentes à la table. Chacune d'elles a ainsi l'obligation bien nette de procéder aux préparatifs et aux évaluations nécessaires pour soulever les questions touchant une rémunération équitable, pour les régler de façon transparente et pour faire état à leurs membres de la manière dont ces dossiers ont été traités. Une fois ce processus mené à terme, on ne peut certes pas autoriser l'une des parties à revenir sur les engagements pris à la table de négociation.

Cela fait partie des problèmes relevés avec le régime actuel. L'une des parties peut s'asseoir à la table de négociation, s'entendre sur les salaires et faire volte-face pour déposer une plainte en matière d'équité salariale. Pourquoi ne pas aborder cette question lors des négociations si un problème se pose?

Le sénateur Jaffer : Vous privez l'employé de l'aide du syndicat, la partie aux négociations qui est censée travailler pour son compte. Je conçois que vous puissiez préconiser la bonne foi, mais à qui donc un employé peut-il s'adresser pour obtenir de l'aide?

Vous n'avez mis en place aucun mécanisme de soutien pour l'employé qui estime être victime de discrimination. Vous lui enlevez sa seule ressource d'aide. Une amende sera imposée au syndicat s'il aide l'employé. Où est-ce que celui- ci pourra obtenir de l'aide?

Mme Laurendeau : L'employé a toujours le droit de porter plainte. Il peut bénéficier d'une réévaluation proactive menée en continu par son représentant légitime dans ce processus. Si des problèmes persistent, la possibilité de porter plainte demeure.

À l'heure actuelle, il y a seulement un système de traitement des plaintes. Ainsi, cette question très importante est exclue du processus démocratique quand vient le temps de définir la position à adopter à la table de négociation. Comme l'indiquent certains des travaux menés, on en vient presque à marginaliser les questions fondamentales touchant les travailleuses en les expurgeant complètement du processus de négociation, sous prétexte qu'un régime de plaintes est en place.

Il s'agit maintenant de ramener ces questions au cœur du processus d'établissement de la rémunération pour les deux parties. Par exemple, les parties sont conjointement responsables de tous les autres aspects liés aux conditions de travail en vertu de l'article 10 de la Loi sur les droits de la personne. C'est un mécanisme semblable que nous avons instauré pour la fixation des salaires.

L'expérience a démontré que cela permet d'insuffler une certaine rigueur au système en plaçant ces questions au centre des préoccupations des deux parties à la table de négociation. Il s'agit donc d'offrir cette même possibilité en procédant à l'établissement des salaires dans une optique d'équité dans la rémunération, ou suivant le principe du salaire égal pour un travail d'égale valeur, plutôt que de faire en sorte que ces questions ne puissent être traitées que par voie de contestation.

Le sénateur Jaffer : Il n'y a actuellement aucune réglementation ni aucun plan en vigueur. Comme vous l'avez déjà indiqué, on devra attendre jusqu'à trois ans et demi avant que ces mesures ne soient en place.

Mme Laurendeau : On a bel et bien établi un plan ainsi que des mesures transitoires prévoyant l'élaboration de la réglementation appropriée. Le nouveau système entrera ensuite en vigueur dans un délai de deux ans pour permettre de faire le nécessaire à la table de négociation.

Le sénateur Jaffer : Quoi qu'il en soit, n'est-il pas vrai que les mesures réglementaires ne sont pas encore en application?

Mme Laurendeau : C'est exact.

Le sénateur Munson : Dans votre allocution, vous avez parlé des « travailleurs du savoir ». Vous avez utilisé l'expression à deux reprises, dont une fois en parlant des « postes de direction et de travailleur du savoir ». Je présume qu'il s'agit d'une nouvelle terminologie en usage dans la fonction publique.

Il est proposé ici un changement fondamental en matière de droits de la personne. Comment les travailleurs du savoir accueillent-ils ces nouvelles dispositions législatives? S'en réjouissent-ils; s'y opposent-ils; sont-ils préoccupés? Quelle est l'attitude à ce sujet dans la fonction publique actuellement?

Mme Laurendeau : Je dois vous avouer que la question soulève passablement d'inquiétude. C'est tout à fait compréhensible. Un changement de cette importance a tout lieu d'inquiéter les gens; les interventions sur des tribunes comme celle-ci nous permettent toutefois de mieux expliquer les fondements de cette loi.

Quant au terme « travailleur du savoir », il est utilisé pour désigner certains groupes professionnels. Suivant la définition établie par Statistique Canada, ces travailleurs forment un important sous-ensemble de la population de la fonction publique. Le terme s'applique notamment aux mathématiciens, aux chimistes, aux ingénieurs et aux biochimistes. C'est l'exemple qui a été utilisé pour démontrer que la représentation des femmes dans toutes les sphères de la fonction publique est l'un des éléments importants ayant contribué à réduire l'écart salarial global entre les hommes et les femmes au sein de la fonction publique fédérale.

Le sénateur Munson : Avec cette nouvelle loi, n'est-on pas en train de dire aux autres syndicats du secteur public au Canada qu'ils n'auront plus leur mot à dire, ou très peu, dans la défense des droits de la personne des fonctionnaires?

Mme Laurendeau : Je pense justement que c'est le contraire. Si un message est transmis aux agents négociateurs du secteur public fédéral auxquels cette loi s'applique, c'est qu'il y a un endroit où l'on peut discuter en profondeur des questions liées à une rémunération égale pour un travail d'égale valeur. Et cet endroit c'est la table de négociation. Les parties doivent s'asseoir ensemble et veiller à ne pas créer des problèmes d'équité dans la rémunération, ni à laisser non résolus des problèmes semblables, chaque fois que les salaires sont réexaminés.

S'il y a un message qui est transmis, c'est bien celui-là. On ne peut pas exclure cette question des négociations pour ensuite élever des contestations à cet égard. Il faut s'asseoir avec l'employeur et mettre tout en œuvre pour régler la question, et cela s'applique à tous les employeurs de la grande famille de la fonction publique.

Le sénateur Munson : J'aimerais obtenir quelques réponses au sujet de l'article 36 de la Loi sur l'équité dans la rémunération du secteur public. On nous dit clairement que les employeurs et les agents négociateurs doivent s'abstenir d'encourager ou d'aider les employés à déposer une plainte en vertu de la loi ou à la continuer. Ainsi, un fonctionnaire n'aura droit à aucune aide de la Commission des relations de travail dans la fonction publique s'il souhaite porter plainte en vertu de la Loi sur l'équité dans la rémunération du secteur public, alors qu'il pourrait obtenir l'assistance de la Commission canadienne des droits de la personne pour porter plainte en application de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

Dans quelle mesure l'article 36 pourra-t-il permettre des progrès en matière d'équité dans la rémunération ou d'équité salariale? Est-ce que le nouveau mécanisme de plaintes sera suffisamment accessible pour les travailleurs, notamment au chapitre des coûts? Autrement dit, par quels moyens la Loi sur l'équité dans la rémunération du secteur public nous assurera-t-elle que les femmes bénéficient d'un accès suffisant au processus judiciaire pour ce qui est des questions d'équité dans la rémunération ou d'équité salariale dans le secteur public?

Mme Laurendeau : L'article 36 vise à faire en sorte que les parties se présentent à la table de négociation en étant prêtes à discuter d'équité dans la rémunération et donnent suite aux engagements pris à cet égard. Si l'on veut s'assurer de progresser concrètement vers l'objectif d'un salaire égal pour un travail d'égale valeur, la voie des amendes n'est pas celle à privilégier. Il faut plutôt mettre l'accent sur la recherche et les préparatifs permettant d'arriver à la table de négociation pour pouvoir examiner les questions d'équité dans la rémunération. J'insiste sur cet aspect parce qu'on a tendance à le négliger. À la suite des discussions tenues, un rapport clair devrait être joint à la convention collective soumise au scrutin de ratification des membres des différentes unités de négociation qui verront ainsi, en toute transparence, comment ces questions ont été recensées, évaluées et réglées.

Cette transparence facilitera l'établissement d'un dossier si jamais quelqu'un continue de croire après coup que, malgré tous les efforts déployés, il subsiste une question à régler au chapitre de l'équité dans la rémunération. Suivant le régime actuel qui oblige à déposer une plainte sans vraiment savoir s'il y a un problème d'équité, le processus d'établissement de la preuve exige beaucoup de temps, qu'il s'agisse de la Commission des droits de la personne ou du Tribunal des droits de la personne. Grâce à cette transparence dans la responsabilité conjointe des représentants de l'employeur et des instances syndicales, il deviendra plus aisé de démontrer que les questions en cause ont été évaluées et réglées.

[Français]

Le sénateur Pépin : Je vous remercie de votre présence, madame Laurendeau. On savait qu'il fallait changer le régime fondé sur les plaintes. L'option proposée par le gouvernement a été rejetée par les groupes de femmes, les organismes des droits de la personne et ceux qui luttent pour l'équité salariale. Tous ces groupes réclamaient un changement depuis longtemps.

Qu'est-ce qui explique le rejet de l'option choisie pour réformer la parité salariale dans la fonction publique? Y a-t-il eu un déficit de consultation?

Mme Laurendeau : Je n'irais pas jusqu'à dire qu'il y a eu un déficit de consultation. On a quand même misé beaucoup sur les éléments de recherche qui avaient été fournis dans le cadre du groupe de travail Bilson en 2004. On a aussi misé beaucoup sur certaines des recherches faites entre autres par le Canada Labour Congress. On a misé aussi beaucoup sur l'expérience. Il est certain qu'il y a un élément de non-popularité, mais quand on impose une nouvelle imputabilité, cela arrive parfois. Je le dis avec beaucoup de respect, et d'humilité. Je ne pense pas que parmi nos partenaires syndicaux il y ait un débat à savoir si un régime proactif est nécessaire. Un consensus avait déjà émané du groupe de travail Bilson. Là où il y a une préoccupation, c'est dans la définition d'une imputabilité. Loin de moi l'idée de minimiser les préoccupations qui pourraient être associées à cela. Après avoir discuté en privé avec des académiciens, certains universitaires et des gens du mouvement syndical, je ne pense pas que ce soit une voix aussi unanime qui rejette complètement l'ensemble des fondements de ce régime législatif. Sauf que redéfinir une imputabilité peut créer un confort.

Le sénateur Pépin : Une série de règlements doit être préparée pour permettre l'application de la Loi sur l'équité dans la rémunération. Comment comptez-vous mettre en œuvre ce processus et quels groupes comptez-vous impliquer?

Mme Laurendeau : Il est certain qu'il y a des groupes qu'on n'a pas eu la chance de consulter dans le cadre de l'élaboration d'une portion de la législation rattachée à un budget que nous avons l'intention d'écouter dans le cadre du règlement. Un processus consultatif impliquera des partenaires syndicaux tant dans la fonction publique qu'ailleurs et inclura certains des académiciens auxquels j'ai référé, des gens de la Commission des droits de la personne certainement et d'autres. Ce sont ce genre de gens qui seront consultés dans le cadre du processus réglementaire. Il serait inadéquat de faire autrement. Une des raisons pour lesquelles on se donne d'un an à 18 mois pour procéder à cette consultation c'est parce que le besoin de consulter est là.

Le sénateur Pépin : Et de rejoindre tout le monde.

Mme Laurendeau : Et de rejoindre tout le monde.

Le sénateur Pépin : Qu'est-ce qui a motivé votre choix pour que les plaintes soient déposées à la Commission des relations de travail de la fonction publique au lieu de la Commission des droits de la personne? Pourquoi ne pas avoir opté pour un tribunal d'équité salariale comme en Ontario et au Québec ainsi que le Groupe Bilson l'avait recommandé?

Mme Laurendeau : Il faut comprendre que la commission des relations de travail a déjà un pouvoir d'interpréter des questions des droits de la personne associées soit à la procédure de griefs ou à la négociation collective. En faisant le mariage ou la fusion entre la négociation collective et les évaluations de rémunération équitable, il y avait différentes options. Il était clair qu'il fallait une partie indépendante pour assister les parties. Et comme le processus de négociation collective est déjà soutenu par la commission des relations de travail dans la fonction publique, la logique de ce choix nous a amenés à privilégier cette option et à miser sur la commission des relations de travail qui existe déjà. Il est clair qu'on devra étendre sa capacité en terme de ressource et de soutien, mais de miser sur une commission indépendante déjà établie plutôt que d'en créer une autre était une option qui s'avérait être un choix pragmatique.

Le sénateur Pépin : Pourquoi avoir modifié la définition à prédominance féminine pour que maintenant cela s'applique plus aux groupes composés de 50 p. 100 de femmes? Cela fera partie de l'effectif de 70 p. 100 des femmes. Quelle est l'idée dernière ce plan et pourquoi avoir redéfini le critère utilisé pour évaluer le travail d'égale valeur?

Mme Laurendeau : Je vous remercie de poser la question. Cela peut donner l'impression qu'il y a une intention de donner accès à ce régime législatif à moins de femmes. Un régime proactif assure que tous les groupes occupationnels qu'ils soient à prédominance féminine ou masculine, toutes les unités de négociations devront faire un exercice de rémunération équitable et de voir si à l'intérieur d'un groupe, il n'y a pas des pochettes plus petites dont il faut se préoccuper — parce que ce sont souvent celles qui, même dans le cadre d'un processus de plainte, tombent sous le radar. Il faut se poser la question dans tous les cas à savoir s'il n'y a pas des pochettes de groupes à prédominance féminine, à l'intérieur d'un grand groupe, qui sont mal évalués parce qu'ils sont un regroupement de femmes. Les petits groupes semblent avoir une prédominance plus élevée pour assurer une moins grande sensibilité à la variation du nombre de personnes. L'idée en arrière de chercher des groupes insulaires à l'intérieur d'un grand groupe nécessitait qu'on se pose la question sur la représentation féminine. Mais toutes les unités de négociation vont devoir faire leur exercice, qu'elles soient à prédominance masculine ou non. C'est quelque chose d'important qui tend à être oublié dans ce système. L'obligation s'applique à tous les groupes.

[Traduction]

Le sénateur Nancy Ruth : J'aimerais mieux comprendre la convention 101 de l'Organisation internationale du travail.

Vous avez indiqué au sénateur Jaffer que la notion d'un salaire égal pour un travail d'égale valeur se retrouvait dans cette convention. Vous avez aussi précisé que l'expression « équité dans la rémunération », qui fait référence à la rémunération dans une perspective plus globale, était également incluse dans la loi.

Comment pourra-t-on soupeser ces deux éléments pour déterminer le sens véritable que l'on doit donner à l'équité dans la rémunération? Je dois aussi préciser, à la lumière de mon expérience de plus de 20 ans des contestations judiciaires touchant les droits des femmes, que la Cour suprême du Canada fait une énorme différence entre les éléments se retrouvant uniquement dans le préambule et ceux qui sont stipulés ailleurs dans la loi. C'est ce qui me préoccupe tout particulièrement. Je ne crois pas vraiment que le préambule puisse avoir la valeur juridique qu'on voudrait lui accorder. Par conséquent, si ces deux notions sont prévues dans la convention de l'Organisation internationale du travail, comment pourra-t-on les évaluer? Qu'en pensez-vous?

Mme Laurendeau : Il ne fait aucun doute que j'ai le plus grand respect pour le travail que vous avez accompli dans différents dossiers touchant les femmes. Je n'oserais jamais me risquer dans une interprétation de la loi qui serait laissée à la discrétion de la Commission des relations de travail dans la fonction publique ou des tribunaux, ou des deux à la fois.

Je dois vous dire que j'ai parlé à deux reprises de la convention 101, mais qu'il s'agit en fait de la convention 100. Mon esprit a dû être contaminé par une autre convention 101 au Québec. Je vous prie de m'en excuser. Il s'agit de la Convention de 1951 sur l'égalité de rémunération. Comme je l'ai déjà indiqué, nous sommes revenus à la base pour rédiger cette loi. Nous nous sommes inspirés des documents originaux, parmi lesquels on retrouve cette Convention sur l'égalité de rémunération.

Dans le passé, l'administration publique fédérale a fait valoir que nos régimes de pension et nos avantages sociaux étaient les mêmes et que ces éléments ne devaient donc pas servir à des fins de comparaison. Nous avons toujours réglé nos plaintes en fonction des salaires. Si l'on introduit toutefois la notion de recrutement et de maintien de l'effectif, il arrive parfois que ces autres éléments du régime de rémunération prennent une importance différente. Nous savons tous que les questions liées aux régimes de pension peuvent influer grandement sur l'évaluation de la rémunération globale, en fonction des autres employés avec laquelle la comparaison est établie. Nous voulions nous assurer d'inclure dans l'équation toutes les composantes du régime global de rémunération. Le message était bien clair. C'est ce qui justifie principalement la terminologie que nous avons choisi d'utiliser.

Je vous signale que la convention prévoit également que chaque membre — c'est-à-dire chaque État...

[...] devra, par des moyens adaptés aux méthodes en vigueur pour la fixation des taux de rémunération [...]

On utilise le terme « rémunération » dont la définition est plus large que celle de « salaires ».

[...] encourager et, dans la mesure où ceci est compatible avec lesdites méthodes, assurer l'application à tous les travailleurs du principe de l'égalité de rémunération entre la main-d'œuvre masculine et la main-d'œuvre féminine pour un travail de valeur égale.

Nous avons voulu nous inspirer des paramètres établis à la base de cette obligation, qui consacre la notion de salaire égal pour un travail de valeur égale et va plus loin en veillant à ce que le mythe d'une simple comparaison des salaires soit dissipé au profit d'un examen général de la rémunération.

Il s'agit d'une considération très importante, car en faisant intervenir les aspects du recrutement et du maintien de l'effectif, il nous fallait préciser très clairement que nous souhaitions adopter une approche globale prenant en considération tous les éléments de la rémunération.

Le sénateur Nancy Ruth : Je suppose qu'il faudra attendre pour voir ce qui arrivera.

Est-ce que ces conditions de rémunération sont négociées avec le Conseil du Trésor?

Mme Laurendeau : Oui, c'est le cas pour l'administration publique centrale. Toutes ces conditions ne sont pas soumises au processus formel de négociation collective, mais elles contribuent tout de même à déterminer la rémunération globale. Lorsque nous nous comparons au marché extérieur, nous incluons toutes les composantes de la rémunération.

Le sénateur Nancy Ruth : Je considère que le Conseil du Trésor a eu droit à toute une réprimande de la part de la vérificatrice générale dans son rapport sur l'analyse comparative entre les sexes. Pourquoi devrais-je penser que vous allez être en mesure de protéger les droits des femmes dans ces négociations, à la lumière des commentaires formulés par la vérificatrice générale la semaine dernière?

Je trouve honteuse la façon dont le ministre a répondu aux questions et aux observations formulées; c'était tout simplement lamentable. Le Conseil du Trésor doit faire mieux à cet égard, mais j'aimerais vraiment que vous nous disiez comment vous comptez composer avec ce problème dans la limite de vos responsabilités.

Mme Laurendeau : J'ai la ferme conviction que nous devons nous acquitter des obligations que nous impose la loi; nous n'avons pas vraiment d'autre choix. Nous devrons donc nous doter d'une capacité de recherche accrue de manière à pouvoir nous asseoir à la table, année après année, en étant en mesure de discuter des questions touchant les femmes, et notamment du concept d'un salaire égal pour un travail de valeur égale.

Ceci étant dit, l'article 10 a permis de s'assurer que les deux parties font les choses dans les règles quand vient le temps de discuter des autres conditions de travail touchant les femmes à la table de négociation. Il nous était ainsi parfois possible d'acquiescer ou non aux requêtes qui auraient pu éventuellement créer de la discrimination à l'égard des femmes. Avec les mesures législatives proposées, nous essayons simplement de faire en sorte que la même rigueur s'applique dans le processus d'établissement des salaires.

Le sénateur Nancy Ruth : Vous a-t-on promis des fonds supplémentaires pour augmenter votre capacité de recherche?

Mme Laurendeau : La promesse de financement est une prérogative du Parlement.

Le sénateur Nancy Ruth : Quand vous parlez d'augmenter votre capacité de recherche, croyez-vous vraiment obtenir les ressources nécessaires?

Mme Laurendeau : Nous avons reçu les ressources pour l'élaboration du Règlement et nous devrons assurément énoncer nos besoins d'employeur, parce que cette obligation ne doit pas seulement être respectée par l'administration publique centrale, mais également par tous les employeurs de la famille fédérale. Nous préparerons notre demande à cet égard, et j'ai confiance que le Parlement y répondra favorablement.

Le sénateur McCoy : Je suis heureuse de vous revoir. J'étais au Comité des finances lorsque vous y avez témoigné.

Je pense que, en votre qualité d'employeur, vous n'avez pas tenu compte de l'équité salariale dans vos négociations jusqu'ici.

Combien de nos employés fédéraux ne reçoivent pas une rémunération équitable?

Mme Laurendeau : Je ne pense pas qu'ils soient nombreux. D'après les chiffres, la différence entre les rémunérations est, dans l'ensemble, très petite par rapport à celle que l'on observe dans le reste de la population. Je peux dire que, dans la tranche des employés de moins de 35 ans, il existe une différence entre les salaires. Dans l'ensemble, elle est de 3 p. 100, contre 26 ou 27 p. 100 dans la population générale. Autrement dit, le salaire des femmes travaillant dans la fonction publique fédérale, chez les moins de 35 ans, est à 97 p. 100 du salaire des hommes. Dans la population en général, il est de 73 ou de 76 p. 100.

Le sénateur McCoy : Vous appuyez-vous uniquement sur des chiffres généraux? Comment savez-vous si des groupes d'employés fédéraux subissent des injustices salariales?

Mme Laurendeau : À vrai dire, grâce à notre résolution des plaintes au fil des ans et grâce au fait que les femmes sont de mieux en mieux payées, nous pouvons certifier que, dans la fonction publique, il n'y a pas de discrimination salariale. J'estime que nous devons y voir sans relâche et effectuer de temps à autre des analyses. Il ne se passe pas une journée sans qu'un nouveau problème surgisse sitôt un autre résolu. C'est pourquoi nous avons besoin d'un système proactif, pour examiner régulièrement ces problèmes en commun.

Le sénateur McCoy : Nous dites-vous que vous ne ferez pas d'étude pour déterminer si de tels groupes existent?

Mme Laurendeau : Il faudra le faire de façon permanente.

Le sénateur McCoy : Quand entreprendrez-vous votre étude, maintenant que c'est vous, plutôt que les employés, qui devez en prendre l'initiative?

Mme Laurendeau : Le plus tôt possible.

Le sénateur McCoy : Mais quand exactement?

Mme Laurendeau : Nous en aurons certainement l'obligation dès que la loi entrera en vigueur.

Le sénateur McCoy : Est-ce que ce sera dans trois ans?

Mme Laurendeau : La loi entrera en vigueur dans 18 mois.

Le sénateur McCoy : Permettez-moi de mettre en évidence vos propres déclarations. Vous avez dit que vous aviez besoin de deux ans pour les préparatifs. Vous prévoyez avoir une obligation juridique. Vous nous avez dit que vous aviez besoin de deux ans pour vous préparer. Qu'est-ce qui vous empêche d'utiliser ce temps pour répondre à des questions aussi fondamentales auxquelles vous ne semblez pas avoir de réponse aujourd'hui?

Mme Laurendeau : Sans vouloir vous contredire, je ne pense pas que nous ne répondons pas aux questions aujourd'hui. De fait, compte tenu du régime en vigueur, nous affirmons pouvoir traiter adéquatement les plaintes déposées. Au fil des ans, nous en avons réglé beaucoup.

En même temps, nous estimons qu'il y a un meilleur moyen de ne pas revoir ces problèmes, soit en adoptant une stratégie proactive. Nous nous préparons à dialoguer avec nos partenaires au sujet de ces problèmes, dès que la loi entrera en vigueur.

Le sénateur McCoy : Je ne voudrais surtout pas vous obliger à me contredire. Comme le temps file, je cède la parole au prochain intervenant.

Le sénateur Mitchell : Je suis convaincu que vous vous faites la porte-parole de votre ministre et de la politique en faisant valoir que cet effort permettra de mieux répondre aux problèmes de rémunération inéquitable. Au vu de vos actions, cependant, je crois percevoir une certaine incohérence, à moins que l'argument ne soit totalement fourbe. Vous prétendez que ce sera plus facile, mais, soudain, on fait passer de 50 à 70 p. 100 le seuil de prédominance d'un sexe pour faire la preuve d'un retard à combler.

Deuxièmement, si l'employé doit faire appel de la décision, son syndicat ne peut pas l'aider. De fait, non seulement ne le peut-il pas, mais, simplement parce qu'il l'aura tenté, on lui collera une amende de 50 000 $.

Troisièmement, il y aura différence de traitement entre l'employé syndiqué et le non-syndiqué, différence que je veux examiner plus à fond.

Quatrièmement, vous remplacez la définition de « salaire égal pour l'exécution d'un travail de valeur égale » par celle de « rémunération équitable », ce qui peut avoir toutes sortes de conséquences, dont aucune n'a été définie par la jurisprudence au fil des ans.

Enfin, vous supprimez ce droit et vous en faites quelque chose de négociable. Que quelqu'un puisse affirmer que le processus en sera amélioré, cela dépasse mon entendement.

Pour empirer les choses, il est évident que le ministère que vous représentez et vous-même ne possédez pas les renseignements relatifs à un niveau précis, celui où ces inégalités existent, et vous appliquez cette politique à un problème que vous ne pouvez même pas définir. De fait, vous parlez d'un écart d'à peine 3 p. 100.

Le gouvernement a plafonné à 1,5 p. 100 les hausses salariales. Pourriez-vous me confirmer que, si un groupe de femmes dans une unité de négociation devait obtenir une augmentation de 10 p. 100 pour bénéficier d'un salaire équitable, les autres membres de l'unité devraient recevoir beaucoup moins que ce plafond de 1,5 p. 100, pour que la hausse moyenne soit de cet ordre? En conséquence, vous dresserez des groupes du même syndicat les uns contre les autres; est-ce que je me trompe?

Mme Laurendeau : J'attire votre attention sur l'article 398 de la Loi d'exécution du budget :

Les articles 30 et 33 de la Loi sur l'équité dans la rémunération du secteur public et les articles 396 et 397 s'appliquent malgré la Loi sur le contrôle des dépenses.

La Loi sur l'équité dans la rémunération du secteur public aurait préséance sur la Loi sur le contrôle des dépenses. Si une injustice est relevée, il faudra la redresser.

La Loi sur l'équité dans la rémunération du secteur public prévoit que les lois qui seront adoptées à l'avenir pour limiter les salaires devront être conformes à ses dispositions. Cette loi contient donc un élément de droits fondamentaux à l'égard de cette question particulière.

Les augmentations salariales sont actuellement plafonnées à 1,5 p. 100, mais il faudra résoudre les éventuels problèmes de rémunération équitable ou d'équité salariale pendant la période où la Loi sur le contrôle des dépenses sera en vigueur.

Le sénateur Mitchell : Y aura-t-il des fonds supplémentaires qui permettront d'accorder à ce groupe de femmes une hausse de 10 p. 100 et, sans pénaliser les autres employés, en ramenant la moyenne à 1,5 p. 100? Êtes-vous absolument certaine de cela?

Mme Laurendeau : À supposer qu'il y ait injustice, bien sûr.

Le sénateur Mitchell : Il ne revient pas aux parties au processus de négociation de déterminer s'il y a disparité salariale. Qui déterminera s'il y a injustice?

Mme Laurendeau : Nous devons être très clairs sur la suite des événements. Dès que la loi entrera en vigueur et qu'il y aura des négociations sous son régime, c'est à la table des négociations que ces questions devront être posées.

Lorsque la Loi sur l'équité de la rémunération dans le secteur public commencera à s'appliquer aux négociations, la période de contrôle actuellement prévue par la Loi sur le contrôle des dépenses aura déjà pris fin. Si un plaignant pouvait prouver que, pendant la période où la Loi sur le contrôle des dépenses est en vigueur, des injustices doivent être redressées, ce constat aurait préséance.

Le sénateur Mitchell : À la faveur de la négociation, on déterminera s'il y a une disparité salariale à redresser, comme prévu dans la loi. Et le gouvernement accepterait cela? Le Conseil du Trésor accepterait cela tout bonnement et délierait les cordons de la bourse? Je ne pense pas que vous puissiez garantir que c'est ainsi que cela fonctionnera.

Mme Laurendeau : Bien sûr qu'il y aura négociation. Les parties devront déterminer de concert que, le cas échéant, le problème de rémunération équitable a été évalué et qu'il doit être corrigé.

Le sénateur Mitchell : Qu'en est-il des employés non syndiqués? De toutes ces femmes qui n'appartiennent pas à des unités de négociation et qui, pourtant, travaillent pour le gouvernement fédéral ou pour des employeurs du secteur public fédéral? Qui se chargera de tous les détails que les syndicats sont chargés de négocier en leur nom?

Mme Laurendeau : D'après la Loi sur l'équité dans la rémunération du secteur public, la détermination de la rémunération doit être conforme à la loi.

Dans les cas où ces pratiques sont assujetties à la négociation collective par agents négociateurs interposés, la responsabilité est partagée entre l'employeur et l'agent négociateur.

Dans le cas des employés non syndiqués, comme ceux du Groupe de la direction, dans l'administration publique centrale, l'employeur devra se conformer à la loi, en procédant à une évaluation des questions touchant la rémunération équitable et en communiquant les résultats aux employés au moyen d'un rapport.

Le sénateur Mitchell : C'est l'employeur fautif, celui-là même qui est responsable de l'injustice depuis on ne sait combien de temps, qui sera chargé de reconnaître le problème et d'apporter des correctifs. S'il ne le fait pas, quel recours aura un adjoint travaillant dans un bureau sans unité de négociation, incapable d'en saisir la Commission canadienne des droits de la personne et n'ayant accès à aucune ressource?

Mme Laurendeau : Cette personne pourra toujours porter plainte, comme cela est prévu dans la loi, devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique (CRTFP), et l'employeur devra répondre à la plainte et satisfaire aux exigences de la loi de la manière déterminée par la commission.

Le sénateur Mitchell : Qu'arrive-t-il si l'employeur, par exemple votre ministère ou une société d'État, ne répond pas à la plainte? Que fera ce groupe d'employés?

Mme Laurendeau : La CRTFP peut ordonner à l'employeur de se conformer à la loi; elle a la capacité d'émettre des ordonnances à cette fin. Ces ordonnances auraient le même effet que toutes ces autres ordonnances qui, émanant d'un tribunal administratif, seraient imputées au fonds consolidé. L'amende frappe l'employeur fautif, y compris moi- même, quand j'agis au nom du gouvernement du Canada.

Le sénateur Mitchell : L'argent sortirait-il de votre poche?

Mme Laurendeau : Non, il sortirait de la poche de l'employeur, mais je pense que je serais ensuite remerciée de mes services. Je ne plaisante pas.

Le sénateur Mitchell : Je sais bien que non, mais vous ne me donnez pas non plus une réponse satisfaisante en ce qui concerne les employés non syndiqués. Je pense qu'il s'agit d'un mépris fondamental de leurs droits et de leur capacité de protéger leurs intérêts, sachant le peu de moyens dont ils disposent par rapport à un employeur si puissant.

Mme Laurendeau : À cela, je répondrais, sénateur, sauf votre respect, que le rapport que nous sommes tenus de rendre public concernant les différents problèmes de rémunération équitable, que nous avons reconnus et corrigés, place ces personnes dans une meilleure position qu'elles ne le sont actuellement. Elles ne sont pas syndiquées et, en cas d'iniquité salariale, elles doivent déposer une plainte sans disposer des moyens nécessaires pour monter une preuve suffisante. Grâce au système proactif prévu, elles pourront au moins compter sur la publication régulière du rapport, lequel pourra être évalué par la CRTFP, pour déterminer si nous avons bien fait notre travail.

Sauf votre respect, je répète que cela améliore le sort de ces personnes. N'oubliez pas que la CRTFP accompagnera les parties syndiquées, en mettant à leur disposition toutes ses capacités d'analyse et ses compétences, ce qui ne manquera pas de susciter certaines attentes.

Le sénateur Mitchell : Sauf votre respect, le gouvernement peut, contrairement à ce qu'il fait actuellement, faire preuve de leadership dans ce domaine important.

La présidente : Évitons ce sujet, si vous le voulez bien.

Dans un premier temps, vous avez dit que l'Ontario, le Manitoba et le Québec possèdent des régimes qui nécessitent une approche proactive. Vous nous avez fait observer que ces régimes n'obligent pas les employeurs et les syndicats à examiner les éléments d'équité salariale chaque fois que l'on fixe les salaires, comme dans notre loi fédérale. C'est bien cela?

Mme Laurendeau : En effet.

La présidente : Il ne nous reste plus beaucoup de temps. S'il existe d'autres différences importantes entre les régimes de l'Ontario, du Manitoba et du Québec et celui que nous adoptons dans le système fédéral, peut-être pourriez-vous nous les communiquer par écrit.

Mme Laurendeau : Volontiers.

La présidente : Nous rassemblons les questions d'autres témoins et nous pourrons les soumettre à votre attention pour connaître vos réponses.

Le sénateur Jaffer : Je les confierai au greffier, pour qu'il vous les communique. Le représentant de la Commission canadienne des droits de la personne nous a conseillé de vous poser ces questions. Je vous incite, pour vous assurer de leur juste formulation, à lire la transcription, au cas où je ferais erreur.

Quelque chose me préoccupe. Je vous ai demandé si un plan était en place, et vous m'avez répondu par l'affirmative. Dans mes notes, je vois que des règlements permettront de définir le fond et la forme des plans préparés sous le régime de la loi. Les plans sont plutôt de nature technique, et les prescriptions visant ces questions techniques sont mieux exprimées dans un règlement, plutôt que dans la loi.

Vous m'avez dit que les règlements n'étaient pas en place, de sorte que les plans ne peuvent pas l'être non plus, n'est- ce pas?

Mme Laurendeau : J'ai peut-être mal compris votre question. J'ai cru que vous me demandiez si le gouvernement avait un plan pour se préparer à remplir ses obligations.

Le sénateur Jaffer : J'espère que ce plan-là existe. Je parlais plutôt du plan prévu par la nouvelle loi. Il n'est pas en place, n'est-ce pas?

Mme Laurendeau : Non, pas encore. Pour l'élaborer, il faut que la loi soit en vigueur.

La présidente : Madame Laurendeau et monsieur Danagher, je vous remercie d'être venus témoigner ce soir et d'avoir creusé avec nous les dispositions de la partie 11 de la loi portant sur la rémunération équitable. Je suis impatiente de lire vos réponses écrites.

Chers collègues, nous avons pris du retard. Je souhaite la bienvenue au prochain groupe de témoins.

Milt Isaacs, président de l'association et président du Conseil d'administration, Association canadienne des agents financiers : Je vous remercie de l'occasion que vous m'accordez de vous présenter un exposé. Je représente l'Association canadienne des agents financiers, agent négociateur certifié et association professionnelle représentant le groupe Gestion financière de la fonction publique fédérale. Nos 3 800 membres sont comptables et agents financiers dans les ministères et organismes de partout au pays.

Le Canada est fier d'avoir combattu pour les droits de la personne partout dans le monde. De braves Canadiens et Canadiennes ont fait le sacrifice de leur vie pour la défense de ces droits et libertés. À l'étranger, on a fait appel à de fiers Canadiens tels que Lester B. Pearson, Louise Arbour, Jean de Chastelain et votre confrère l'honorable sénateur Roméo Dallaire pour partager, aux quatre coins du monde, la perception canadienne des droits et libertés. Or, mes collègues et moi-même sommes ici aujourd'hui pour réagir à un projet de loi qui s'attaque aux droits de centaines de milliers de Canadiens fiers de travailler dans la fonction publique fédérale. L'ironie de la situation ne nous échappe pas.

Les modifications récemment apportées au chapitre de l'équité salariale sont une attaque contre les droits et libertés auxquels les Canadiens tiennent tant. Dans l'ancien régime, les cas d'équité salariale étaient entendus par un groupe indépendant de spécialistes des droits de la personne et de l'équité salariale. Désormais, cette question est considérée comme une simple condition d'emploi, assujettie aux discussions autour d'une table de négociation, ramenée au même niveau que l'indemnité de rappel, le congé pour fonctions judiciaires, l'indemnité pour temps de déplacement, l'indemnité pour disponibilité.

Le gouvernement dit aux Canadiens que leurs droits fondamentaux ne sont plus qu'une monnaie d'échange. En tentant de réparer un système qui ne cache pas ses défauts, il a jeté le bébé avec l'eau du bain et il s'est engagé sur une piste qui aboutit à rendre négociables les droits de la personne.

Un fait est passé inaperçu pendant toutes les discussions qui se sont tenues sur le projet de loi : le gouvernement a modifié unilatéralement le seuil d'admissibilité des plaintes concernant l'équité salariale. Dans de nombreux pays et dans de nombreux précédents internationaux, on a fixé le taux de prédominance féminine quelque part entre 55 et 70 p. 100 de l'effectif, en fonction de la taille du groupe et de la nature du travail, le taux maximal étant réservé à des situations très particulières. Or, le gouvernement n'a retenu que ce dernier taux, qui est exceptionnel, et l'a appliqué à toutes les situations, ce qui prive de leurs droits les membres d'un certain nombre de groupes.

Nous les fonctionnaires sommes fiers de servir nos concitoyens. Nous ne voulons pas être utilisés à des fins politiques. Rien de bon ne peut sortir de cela.

Nous ne nions pas que les temps soient durs, mais ce n'est pas une raison grignoter les droits fondamentaux de la personne. Si la défense de ces droits dépendait de critères économiques, nous n'aurions pas souvent fait appel à nos soldats et à nos soldates au cours de notre histoire.

Prendre prétexte d'un ralentissement économique pour limiter les droits de la personne n'est pas seulement immoral; c'est le contre-pied de notre réputation et de nos convictions nationales. Grâce à ses travaux, le comité a la chance d'améliorer les choses.

L'une des pires carences de ce projet de loi est que la terminologie essentielle et les processus névralgiques ont été laissés sans définition, en attendant l'élaboration de règlements par le gouverneur en conseil. Actuellement, personne ne semble savoir comment traiter les plaintes en souffrance et les nouvelles plaintes. D'après la Commission des relations de travail dans la fonction publique, qui reçoit les plaintes en matière d'équité salariale pendant la période de transition, il faudra des mois avant qu'un règlement ne soit prêt.

C'est pourquoi nous demandons au comité d'enjoindre au gouvernement de créer un mécanisme qui permettra de véritables consultations auprès de toutes les parties touchées par les modifications aux fins de l'élaboration de ce règlement. On pourrait de la sorte atténuer certains problèmes imputables au nouveau processus. Il suffit de constater la réussite du Conseil national mixte sur le travail effectué à l'échelle des ministères, par l'entremise des comités de consultation syndicale-patronale pour voir que la coopération et la collaboration avec les agents négociateurs peuvent être fructueuses. Cependant, une consultation sérieuse ne réhabilitera pas rétroactivement cette loi.

Malgré l'inclusion de la loi dans une loi budgétaire visant à stimuler l'économie et l'insistance du Cadre de responsabilisation de gestion du gouvernement sur l'importance d'une analyse de rentabilité et d'un mécanisme convenable d'intendance pour toute initiative majeure concernant la fonction publique, on ne trouve nulle trace de la justification, par une telle analyse, de l'assujettissement de l'équité salariale à la négociation collective.

À ce titre, nous demandons également au comité de s'engager à un examen triennal de la loi. Cette demande est conforme à ce que prévoit le Cadre de responsabilisation de gestion, qui exige de rassembler des renseignements pertinents sur les résultats afin d'évaluer convenablement les incidences sur les initiatives touchant la fonction publique.

En terminant, j'aimerais demander au comité qu'il enjoigne au gouvernement de mettre sur pied un mécanisme de consultation véritable avec les agents négociateurs quand il élabore une loi qui a des conséquences notables sur la fonction publique. Nous voulons être partie prenante à ces consultations. Nous serions ravis de pouvoir aider à résoudre les problèmes pour faire en sorte que la fonction publique reste une institution forte et une destination de choix pour les travailleurs canadiens. Donnez-nous cette chance.

Patty Ducharme, vice-présidente nationale, Alliance de la fonction publique du Canada : Au nom des 166 000 membres de l'Alliance, je remercie le Comité sénatorial permanent des droits de la personne de la possibilité qu'il nous donne de témoigner devant lui.

C'est avec indignation que nous avons vu en mars dernier le gouvernement conservateur dépouiller de façon non démocratique les fonctionnaires de leur droit fondamental à l'équité salariale. La loi en ce sens a été adoptée dans le cadre du projet de loi C-10, Loi d'exécution du budget, mais soyons clairs, l'équité salariale est une question de droits de la personne, et cette question n'aurait jamais dû être du ressort d'un projet de loi budgétaire.

Cette loi comprend des dispositions qui bouleverseront le droit de l'équité salariale dans le secteur public fédéral. Elle touchera très durement les membres de l'Alliance, dont 62 p. 100 sont des femmes.

En bref, cette loi aura quatre conséquences. La Loi sur l'équité dans la rémunération du secteur public limitera la notion d'équité salariale et son application dans le secteur public par une redéfinition de la notion de « groupes d'emploi à prédominance féminine », lesquels devront être composés d'au moins 70 p. 100 de femmes. En incluant les forces du marché dans les critères de détermination de la valeur égale des emplois, la loi transforme l'équité salariale en une question de rémunération équitable qui doit être discutée à la table de négociation. Cela fait problème, parce que l'employeur n'est pas obligé d'examiner de façon proactive ses pratiques en matière de rémunération et de communiquer au syndicat les renseignements pertinents; de plus, il n'y a pas obligation de réaliser de concert une évaluation en matière de rémunération équitable.

La loi oblige les femmes à porter plainte individuellement, sans l'appui de leur syndicat. Selon ses dispositions, si on ne parvient pas à l'équité salariale par un processus de négociation, l'employé est autorisé à porter plainte auprès de la Commission des relations de travail dans la fonction publique, mais sans l'appui de son syndicat. De fait, la loi prévoit une amende de 50 000 $ pour tout syndicat qui encourage ses membres à déposer une plainte en matière d'équité salariale ou qui l'aide à le faire.

La loi interdit de saisir la Commission canadienne des droits de la personne des infractions au droit à l'équité salariale des travailleurs du secteur public. Nous soutenons que cette loi viole plusieurs droits constitutionnels fondamentaux des travailleuses du secteur public.

Premièrement, elle contrevient à l'article 15 de la Charte qui assure aux femmes un traitement équitable. La loi crée un mécanisme qui, de fait, diminuera la capacité des travailleuses du secteur public à demander et à obtenir l'équité salariale.

Par exemple, l'introduction du critère des forces du marché pour déterminer si le travail est de valeur égale empêche les femmes de réclamer l'équité salariale, parce que les forces du marché ont toujours, sans exception, sous-évalué le travail des femmes.

Certains travailleurs seront entièrement exclus du nouveau mécanisme de rémunération équitable, puisque les membres d'un groupe d'emploi comptant entre 55 et 69 p. 100 de femmes ne sont plus considérés comme appartenant à un groupe à prédominance féminine. Les femmes de ces groupes seront privées du droit de participer à tout processus visant à corriger un problème de discrimination salariale.

En exigeant des syndicats et des employeurs qu'ils négocient l'équité salariale, la loi nie le principe établi selon lequel les droits de la personne ne peuvent pas être une monnaie d'échange avec d'autres conditions d'emploi ni abolis en vertu d'un accord mutuel. Elle supprime dans les faits le droit à l'équité salariale.

Deuxièmement, interdire aux syndicats d'aider ou d'encourager leurs membres à porter plainte en matière d'équité salariale viole le droit à la liberté d'association garanti par l'article 2 de la Charte. Cela empêche aussi les syndicats de représenter leurs membres sur des questions cruciales reliées à leurs conditions de travail telles que la discrimination salariale.

Enfin, la loi empêche les syndicats d'exprimer leurs opinions et de conseiller leurs membres, ce qui brime leur droit constitutionnel à la liberté d'expression.

Alors, au lieu de favoriser le progrès et d'assurer l'exercice progressif du droit de toutes les femmes à l'équité salariale, comme l'exigent, au chapitre des droits de la personne, le droit canadien et le droit international, le gouvernement fédéral a adopté une loi régressive qui s'attaque gravement aux droits des femmes.

L'Alliance a entrepris de contester cette loi discriminatoire et injuste devant les tribunaux. Nous avons également informé la Commission de la condition de la femme des Nations Unies de notre intention de porter plainte contre le gouvernement fédéral. L'avis de communication imminente que nous avons envoyé à la Commission, le 5 mars, est joint à notre mémoire.

En terminant, je souhaite ajouter que l'Alliance de la fonction publique enjoint au comité de condamner vivement la Loi sur l'équité dans la rémunération du secteur public et d'en recommander l'abrogation et le remplacement par une loi fédérale réellement proactive sur l'équité salariale, comme le recommande le Groupe de travail sur l'équité salariale dans son rapport intitulé L'équité salariale : une nouvelle approche à un droit fondamental. Cela constituerait un premier pas vers l'adoption d'une loi proactive pour l'équité salariale qui aura un effet réel sur la vie des femmes qui travaillent.

Daphne Taras, professeure de relations de travail, Haskayne School of Business, Université de Calgary, à titre personnel : Merci de m'avoir invitée à comparaître devant le comité. J'ai remis un mémoire écrit, mais permettez-moi de commencer par dire que je suis en fait neutre. Je ne représente nul autre que moi-même et peut-être une poignée d'étudiants qui sont forcés de m'entendre parler de temps à autre dans une école de commerce. J'ai une formation multidisciplinaire dans le domaine des relations de travail et de l'emploi. Je n'ai aucun intérêt personnel relativement à l'équité salariale. Mon point de vue est celui d'une universitaire du courant dominant en matière de relations de travail, et je veux mettre en évidence certains éléments problématiques propres au régime de négociation collective. Plusieurs interdictions prévues par la loi vont droit au cœur de la négociation collective et des relations industrielles, et elles sont vraiment assez particulières.

Je suis ici pour m'opposer à l'adoption de ces articles de la loi car ils constituent des intrusions non nécessaires dans la négociation collective. Pendant que j'écoutais les témoins du Conseil du Trésor, il m'a semblé que le Conseil du Trésor tient beaucoup à inscrire l'équité salariale dans la négociation collective pour établir ce qu'ils appellent le régime proactif; cependant, cette loi ne permet pas la gamme complète des relations industrielles, ce qui comprend les griefs en cours de convention collective, le peaufinage grâce à de vastes audiences en arbitrage et à des décisions mûrement réfléchies et l'exercice des droits collectifs par le processus normal de règlement des différends.

Une convention collective est un document vivant, et elle fait l'objet de beaucoup d'interprétations en cours de convention collective. Ce n'est pas un document figé que personne ne peut commenter ou auquel on ne peut apporter aucune modification, sauf si une personne dépose une plainte. Cela va absolument à l'encontre du processus de négociation collective dans n'importe quel ressort au pays.

L'article 36 est particulièrement inquiétant. Vous en avez beaucoup entendu parler. Cet article empêche les employeurs et les agents négociateurs d'encourager ou d'aider les employés à déposer une plainte ou à la continuer; une infraction à cette interdiction est passible d'une amende maximale de 50 000 $.

De plus, je suis préoccupée par certaines mesures législatives qui forment un amas de dispositions à la fin du projet de loi. Le projet de loi C-10 propose des modifications corrélatives à la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique; une des modifications interdit les griefs individuels, une autre interdit aux syndicats de présenter des griefs collectifs et, enfin, une autre interdit à l'employeur comme aux syndicats de présenter des griefs de principe. Voilà les personnes qui sont les plus susceptibles de comprendre comment peaufiner l'équité salariale pendant qu'une convention est en vigueur, malgré la présence d'irritants dans le système.

L'article 36 et les modifications conséquentielles privent les travailleurs de la possibilité de faire valoir leurs droits en leur refusant l'accès à une expertise disponible et peu coûteuse. Ils rejettent également le droit des syndicats d'être les agents de négociation exclusifs pour le compte des employés et leur interdisent de prendre des mesures de règlement des conflits qui sont reconnues dans le domaine des relations industrielles au Canada.

Voici pourquoi les travailleurs ont besoin d'aide en matière d'équité salariale : le monde du travail est de plus en plus régi par des lois et règlements qui supposent un savoir spécialisé. L'équité salariale est l'un des domaines techniques les plus complexes qui soient dans le monde du travail moderne. Pour concrétiser le sens de l'expression « dosage des qualifications, de l'effort et des responsabilités », un groupe de spécialistes comme moi pourrait étudier la question pendant de nombreuses années, et nous ne parviendrions toujours pas à une entente particulière. Les spécialistes eux- mêmes ont du mal à s'y retrouver entre les lignes de régression, les aberrations, les blocages de poste, le maintien de l'effectif et la mise en œuvre proprement dite. Ce n'est pas aussi facile que les gens le disent.

Qui plus est, la loi proposée ajoute une disposition vague, l'alinéa 4(2)b), qui introduit la notion des besoins de l'employeur en matière de recrutement et de maintien de l'effectif, compte tenu de la demande. Laissez-moi vous dire une chose : je m'occupe de l'équité salariale; je l'enseigne; je suis à l'école de commerce tout le temps. Je n'ai pas la moindre idée de ce que cela signifie; alors, si j'ai du mal à m'y retrouver, comment un simple plaignant, qui n'a pas une formation de 18 ans dans le domaine des relations de travail, peut-il savoir comment s'y prendre pour adresser une plainte à la commission?

L'équité salariale est une question unique et pas seulement en raison de son prix, de plusieurs milliards de dollars. Elle suppose une évaluation de groupes; elle signifie qu'il faut comprendre les classifications d'emploi et les tendances historiques de rémunération qui sont souvent confidentielles. Il sera très difficile pour une personne de préparer une plainte, même si elle a accès à de l'information qui touche des groupes si nombreux et des données si bien protégées, même quand l'information est disponible.

Il est naturel que les travailleurs veuillent se tourner vers les syndicats et les spécialistes en ressources humaines auprès de leur employeur, mais cette loi ne fait que les empêcher de s'adresser aux personnes qui pourraient les aider à éclaircir le régime statutaire qui fait tout pour entraver leur accès à la justice. Les avocats spécialisés en droit du travail parlent de psychose du litige pour décrire le sentiment que ressentent les gens quand ils déposent des plaintes. Ils sont complètement obnubilés par des questions comme l'accès à la justice, le déni de justice, et cetera, si bien que le dépôt d'une plainte est une grande source de stress.

L'un des avantages des syndicats et des représentants, c'est qu'ils permettent aux travailleurs de faire leur travail pendant que le syndicat se bat pour eux, ce qui évite à ces derniers de détourner les énergies consacrées à leur employeur.

Cette loi est très difficile parce qu'elle ne permet pas aux travailleurs d'obtenir le service auquel ils ont droit par l'entremise de leurs cotisations syndicales, à savoir le droit de se faire représenter par le syndicat sur des questions d'une grande importance pour eux dans le cadre de leur travail.

Je pense qu'il serait difficile de démontrer, en vertu de l'article 1 de la Charte, la justification de ce genre de loi dans le cadre d'une société libre et démocratique. Il incombera au gouvernement de démontrer un élément proportionnel qui exige la dénégation du droit d'accès à un conseiller syndical ou même à l'employeur. Je ne pense pas que le gouvernement soit en mesure de prouver cela pour deux raisons.

Il y a deux lois fédérales comparables : la Loi sur les droits de la personne et la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. Ces deux lois font preuve de déférence envers les syndicats et le droit de consultation. La Loi sur l'équité dans la rémunération du secteur public, pour sa part, rompt dramatiquement avec les deux autres lois qui ont leur pertinence dans le contexte du système de relations de travail. Ironiquement, la Loi d'exécution du budget contient des dispositions qui demandent l'apport des syndicats et la consultation des syndicats, alors que les travailleurs se voient refuser cette consultation aux termes de la Loi sur l'équité dans la rémunération du secteur public.

Une deuxième mesure législative pertinente, la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, contient deux articles sur la représentation. L'article 212 stipule ce qui suit :

212.Le fonctionnaire ne faisant pas partie d'une unité de négociation [...] peut être représenté par l'organisation de son choix à l'occasion de la présentation d'un grief individuel ou du renvoi d'un tel grief à l'arbitrage.

La loi sur la fonction publique permet donc une expertise sur des questions complexes, celle-là même qui est interdite par la loi dont nous sommes saisis.

J'invite instamment le Sénat à lire attentivement les dispositions de lois comparables du ressort fédéral et provincial pour se rendre compte que l'article 36 et d'autres dispositions-interdictions semblables iront à l'encontre de la Charte ou provoqueront certainement des litiges en vertu de la Charte.

Pour conclure, je veux faire une comparaison d'après mes connaissances de l'histoire. Vers le milieu des années 1900, les employeurs forçaient souvent les travailleurs à signer ce qu'on appelait des « contrats de jaune » — c'est-à-dire des contrats qui interdisaient aux travailleurs d'adhérer à des syndicats comme condition d'emploi continu. Jamais je n'aurais cru qu'en 2009, je me retrouverais à me battre contre des dispositions d'un projet de loi qui privent les travailleurs de leur droit d'association, un droit prévu par la Charte, comme condition pour déposer une plainte. Cette loi contient certaines dispositions que j'appellerais des « dispositions de jaune ». À mon avis, ces dispositions n'ont pas leur place dans la loi canadienne.

[Français]

Geoffrey Grenville-Wood, avocat général, Institut professionnel de la fonction publique du Canada : Madame la présidente, je vous remercie. L'Institut professionnel de la fonction publique du Canada représente environ 57 000 professionnels dans le secteur public un peu partout au pays dont la vaste majorité œuvre au sein de la fonction publique fédérale. Ces membres travaillent dans les ministères, agences, sociétés d'État, musées, archives, laboratoires, instituts de recherche et stations de recherche sur le terrain. Ces derniers sont directement touchés, je dirais même visés par la Loi sur l'équité salariale dans la rémunération du secteur public. À notre avis, cette loi constitue une attaque injustifiée et non nécessaire contre les droits des syndicats qui représentent les employés de la fonction publique fédérale, droits contenus dans la Charte des droits de la personne. Ce mémoire présente l'analyse et les critiques de l'institut de cette législation.

[Traduction]

En février 2009, notre institut a témoigné devant le Comité permanent des finances. L'institut a exposé sa position à ce moment-là, à savoir que le projet de loi en matière d'équité salariale, soit la partie 11 du projet de loi C-10, comportait trop de lacunes et ne devrait pas être adopté du simple fait qu'elle était incluse dans une loi plus large et sans aucun rapport. À l'époque, l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada, l'IPFPC, a recommandé au gouvernement de rédiger un projet de loi distinct en matière d'équité salariale afin que l'on puisse débattre la question de façon réfléchie et posée, comme il se doit.

En adoptant la Loi d'exécution du budget sans modifier la partie 11, ce gouvernement a montré qu'il ne s'intéresse aucunement à améliorer le régime d'équité salariale du secteur public fédéral.

En avril 2009, l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada a déposé un avis pour contester la constitutionnalité de cette mesure législative, ainsi que de celle du projet de loi connexe — dont le nom m'échappe. Ça m'a laissé un goût si amer dans la bouche que j'ai effacé toute trace dans ma mémoire.

L'équité salariale garantit que les femmes et les hommes reçoivent un salaire égal pour l'exécution d'un travail de valeur égale. L'équité salariale est un droit de la personne, et la solution est de corriger et de prévenir la discrimination salariale perpétuelle et systématique que connaissent les femmes à cause de leur ségrégation professionnelle sur le marché du travail et des préjudices et stéréotypes véhiculés par les pratiques du marché du travail. Ces facteurs ont fait en sorte que le travail réalisé par les femmes a été sous-évalué et sous-payé par rapport à celui des hommes. La mention de la « demande sur le marché » dans la loi inscrit à peine cet aspect historique dans l'analyse. Je crois que c'est l'une des parties les plus déplorables du projet de loi. De plus, comme mes collègues l'ont dit, entre autres la professeure Taras, cette loi va à l'encontre des droits prévus par la Charte. Elle touche au cœur même de l'article 15. Comme ma collègue l'a dit, nous avons de sérieux doutes. Voilà pourquoi nous avons déposé un avis pour contester la constitutionnalité de cette loi qui ne survivra pas à l'analyse aux termes de l'article 1 non plus.

Par ailleurs, nous croyons que cette loi contrevient à nos obligations en vertu des conventions de l'Organisation internationale du travail, qui protègent l'équité salariale et le concept d'un salaire égal pour l'exécution d'un travail de valeur égale, qui est désormais retiré de la loi. Même si ce concept est maintenant redéfini, il n'en demeure pas moins qu'il est enchâssé dans les conventions de l'Organisation internationale du travail, dont nous sommes signataires.

En plus de saper le droit fondamental à l'équité salariale, la loi en question change radicalement les modalités de mise en œuvre et d'application de l'équité salariale, comme bon nombre de mes collègues l'ont expliqué aujourd'hui.

Désormais, l'équité salariale des employés syndiqués doit être réglée par les employeurs et les syndicats dans le cadre du processus de négociation collective, à condition qu'une plainte soit déposée. L'équité salariale doit être traitée dorénavant comme une autre question à négocier plutôt qu'un droit indépendant à un salaire égal pour l'exécution d'un travail de valeur égale. Quiconque vous dit que c'est semblable aux lois de l'Ontario, du Manitoba, du Québec ou à une autre loi provinciale a tout à fait tort. Ce n'est pas vrai. Dans ces provinces, même si les syndicats participent à la négociation collective de l'équité salariale, il s'agit d'un processus séparé. On n'a pas besoin de soupeser les intérêts des employés pour obtenir des salaires et des augmentations salariales par rapport au droit à l'équité salariale des travailleurs dans une catégorie d'emploi à prédominance féminine. C'est ce qu'on est en train de nous demander de faire, comme syndicats, à la table des négociations collectives : soupeser les droits par rapport aux intérêts. C'est inacceptable et c'est un déni de droits.

Outre ces changements de taille, la loi prévoit des processus foncièrement bancals qui limiteront la protection en matière d'équité salariale dont bénéficieront probablement les fonctionnaires, ce qui permettra à la discrimination salariale fondée sur le sexe de se perpétuer au sein de la fonction publique fédérale. Parmi ces processus bancals, mentionnons que la loi ne prévoit aucune obligation proactive de la part des employeurs à revoir leurs pratiques salariales et à relever toute discrimination salariale. De plus, la loi ne prévoit aucune exigence pour ce qui est de la comparaison du travail à prédominance féminine à celui à prédominance masculine.

Les plaignants qui se présentent devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique semblent être obligés de se débrouiller tout seuls. Comme ma collègue l'a indiqué, la question est si complexe que c'est vraiment impossible pour une personne de déposer ce genre de plainte sans l'aide de spécialistes et de leur syndicat. De plus, la loi n'impose aucune obligation aux employeurs de fournir aux syndicats ou aux employés tous les renseignements nécessaires pour faire respecter le droit à l'équité salariale, notamment les renseignements concernant le salaire et les compétences, l'effort et les responsabilités ainsi que les conditions de travail des postes dominés par les hommes et de ceux occupés majoritairement par les femmes. La loi ne prévoit aucune évaluation conjointe de la rémunération par les parties concernées, comme le fait la Loi canadienne sur les droits de la personne.

Enfin, elle ne prévoit aucun mécanisme de règlement des différends en matière de droits de la personne à l'intention des syndicats et des employeurs afin de leur permettre de résoudre des différends concernant l'équité salariale. Si les parties concernées ne peuvent s'entendre sur un régime de rémunération équitable, le syndicat a comme seul recours la grève ou l'arbitrage des différends afin de faire respecter l'obligation de l'employeur en matière d'équité salariale.

La loi limite radicalement les recours qui sont actuellement mis à la disposition des fonctionnaires de plusieurs façons, en plus de permettre et de perpétuer la discrimination salariale fondée sur le sexe. Tout rajustement accordé en vertu de la loi est sujet aux plafonds visant les salaires prévus par la Loi sur la compression des dépenses publiques. C'est la loi dont le nom m'avait échappé tout à l'heure.

En outre, elle interdit ou retarde les rajustements au titre de l'équité salariale. Les écarts salariaux fondés sur le sexe, au sens de la loi sur les employés syndiqués, ne seront pas réglés entre les conventions collectives. La date la plus rapprochée à laquelle les rajustements convenus ou imposés pourront entrer en vigueur est la date à laquelle une nouvelle convention collective entrera en vigueur. En plus, bon nombre des rajustements au titre de l'équité salariale n'entreront pas en vigueur à cette date puisque la loi permet aux employeurs de retarder la mise en œuvre de l'équité salariale pour un délai raisonnable, sans définir ce qu'on entend par « délai raisonnable ». Je vous renvoie aux articles 24 et 33 de la loi.

La Commission des relations de travail dans la fonction publique est tenue d'appliquer une norme rigoureuse — très rigoureuse — au moment de déterminer si les employés ont obtenu une rémunération équitable. La commission ne jugera en faveur d'un employé que si elle détermine que l'employeur ou le syndicat a commis une erreur qui est manifestement déraisonnable. Or, cette norme n'est pas connue dans le droit canadien. Il y a de nombreuses normes d'examen des décisions prises par les tribunaux et par d'autres instances, mais le principe d'une erreur « manifestement déraisonnable » n'en fait pas partie. Quant à savoir pourquoi une telle norme a été créée, je vous laisse le soin de décider.

En effet, la loi impose cette norme extrêmement rigoureuse dans une situation où l'on parle vraiment d'infraction à un droit fondamental; il y a une interférence même à ce niveau, avec l'exercice des droits. La loi limite les recours disponibles par arbitrage des différends en intégrant, par renvoi, une restriction du contenu des conventions collectives dans la Loi sur les relations de travail de la fonction publique.

Enfin, et pour conclure, je répète ce que j'ai dit tout à l'heure : si quelqu'un essaie de vous dire que c'est semblable aux lois en Ontario, au Manitoba, au Québec et dans d'autres provinces, c'est tout à fait faux, et on devrait analyse ces lois avant de faire ce genre de déclarations.

Le sénateur Jaffer : Dans quelle mesure vous a-t-on consultés avant de mettre en place cette loi? Avez-vous contribué d'une façon ou d'une autre? Les syndicats sont censés être un partenaire à 50 p. 100, je dirais; avez-vous participé à ce genre de consultation?

M. Grenville-Wood : Pour ce qui est de l'institut professionnel, il n'y a eu absolument aucune consultation. Je dirais que cette loi nous a pris par surprise. On ne s'y attendait pas vraiment.

Mme Ducharme : L'Alliance de la Fonction publique du Canada n'a pas été consultée ni prévenue.

M. Isaacs : C'est la même chose pour l'ACAF.

Le sénateur Jaffer : Comment pouvez-vous représenter tous ces intérêts à la table de négociation, selon le groupe que vous représentez? Un conflit se présente, mais vos mains sont liées. Je ne sais pas comment vous pourriez négocier dans une telle situation. Vous vous y connaissez mieux que moi dans ce domaine. Vous pouvez me corriger si j'ai tort.

Mme Ducharme : Ayant été membre de trois différentes équipes de négociations nationales et assumant, aujourd'hui, une responsabilité nationale à titre d'un des deux agents nationaux chargés de mener des négociations, je peux vous dire que les négociations progresseraient si nous avions à la table un employeur désireux de négocier.

Cependant, je comprends votre point de vue. Je pense que l'on verra des membres qui ont des intérêts différents relativement aux droits de la personne se dresser les uns contre les autres. Très honnêtement, ce n'est pas une situation acceptable. Ce n'est pas une position acceptable pour le gouvernement du Canada. Mon syndicat ne veut pas y participer.

Nous voulons mener des négociations sur les moyens d'existence de nos membres, mais nous avons aussi l'obligation de veiller à ce que leurs droits soient protégés dans le milieu du travail et dans la société.

Le sénateur Jaffer : J'ai une question pour Mme Taras. Madame, tout ce que j'ai lu sur le Manitoba, l'Ontario et le Québec est très différent de ce qu'on trouve dans cette loi. Je ne suis pas universitaire. Pouvez-vous nous dire si ces lois sont différentes de celles que nous avons devant nous?

Je n'arrive toujours pas à comprendre comment vous interprétez la « demande sur le marché » dans la définition de la rémunération équitable. Je ne comprends pas comment le recrutement et le maintien de l'effectif se retrouvent dans l'équité salariale. Je ne sais pas ce que ça signifie. Comment mettez-vous tout cela dans l'équité salariale? Vous avez déjà mentionné le recrutement et le maintien de l'effectif, j'ai donc, bien sûr, entendu ce que vous avez dit à ce sujet, mais que signifie « demande sur le marché ». Comment en faites-vous l'analyse?

Mme Taras : Je peux avancer des hypothèses à ce sujet, en cas de forte pénurie ou de besoin immédiat dans un groupe, les salaires pourraient augmenter et ils ne seraient pas inclus. Cependant, je n'ai aucune idée de la façon dont ce sera mis en pratique. Je n'ai jamais considéré cette disposition par rapport à l'équité salariale. Je pensais que c'était ce que l'équité salariale allait régler, pas réintroduire. Je suis donc perplexe.

Le sénateur Jaffer : Compte tenu de la récession et du nombre peu élevé d'emplois, cela signifie peut-être que les salaires diminuent parce que tellement de gens peuvent occuper cet emploi. C'est ce que ça pourrait signifier aussi, n'est-ce pas?

Mme Taras : Ça pourrait et en grande partie, la question dépend du pouvoir de négociation des syndicats et des gestionnaires et de qui détient le pouvoir de négociation. Même si je comprends mon collègue à la table des négociations, les syndicats équilibrent toujours les intérêts. Ils essaient de trouver le juste milieu entre les intérêts des personnes âgées proches de la retraite et les intérêts de ceux qui entrent sur le marché du travail. Ils font l'objet de pressions pour créer un système salarial à deux paliers.

L'équité salariale n'a rien de particulièrement unique pour créer un régime législatif fondamentalement différent de n'importe quel autre code du travail au pays. C'est ce qui m'a vraiment fait sortir de ma réserve. Vous faites des concessions sur les intérêts des membres, vous négociez, mais je n'ai jamais vu des gens être privés du droit de déposer des griefs. Je n'ai jamais vu des gens être forcés de participer à un régime de droits individuels au milieu d'une négociation collective. C'est unique et je ne vois rien de tel dans n'importe laquelle des autres lois sur l'équité salariale de notre pays.

Le sénateur Jaffer : Pouvez-vous nous donner votre opinion sur les trois autres lois?

Mme Taras : On m'a recommandé d'être brève. J'obéis.

Le sénateur Jaffer : La façon dont les lois du Manitoba, de l'Ontario et du Québec se comparent à cette loi est une question différente.

Le président : Alors, considérons que c'est une question distincte. J'essaie de trouver le juste équilibre entre sénateurs concurrents.

Mme Taras : La réponse est longue.

Le sénateur Nancy Ruth : Faites-nous-la parvenir.

Le président : Voulez-vous dire qu'il y a des différences trop longues à expliquer? Y a-t-il des similarités qui demandent trop de temps à expliquer?

Mme Taras : Les critiquer toutes de but en blanc m'incommoderait. Elles sont très différentes.

Le président : Je ne vois aucun inconvénient à ce que vous y réfléchissiez, si vous le souhaitez, et que vous nous envoyiez la réponse plus tard.

Le sénateur Nancy Ruth : J'ai une question pour M. Isaacs.

Si je me souviens bien, vous avez dit qu'il n'y a pas d'analyse de rentabilisation pour cette mesure législative. Comment déterminez-vous si l'analyse de rentabilisation pour cette mesure législative est bonne ou mauvaise?

M. Isaacs : C'est une bonne question. En tant que comptable, j'ai de l'expérience dans les secteurs privé et public. Le temps et l'argent sont les deux facteurs dont il faut tenir compte. Je n'ai pas vu d'analyse faite par la Commission des droits de la personne indiquant ce qui ne fonctionnait pas dans l'ancien système. Il ne semble pas qu'il y ait eu d'examen des processus. Ils ont parlé d'environ 20 ans pour certains cas, ce qui pourrait être unique, et de six ans pour d'autres cas. Il faut examiner les cas individuels pour voir pourquoi ils ont pris 15 ou 20 ans. Il faut étudier l'ancienne procédure et s'interroger sur ce qui distingue la façon actuelle de procéder. Il faut déterminer les mesures de protection au niveau des étapes des nouveaux processus et des délais.

Il faut, du point de vue de l'analyse de rentabilisation, établir une référence en calculant ce qu'il en a coûté; en sachant quels étaient les délais; et s'ils peuvent être classés par catégorie en fonction des divers dossiers d'équité salariale. Ces renseignements seront fournis et examinés pour un nouveau système — combien il coûtera, quels seront les délais, et cetera.

J'entends souvent dire qu'il prendra moins de temps et je vous donne un exemple. Si je me fie à ma mémoire, un dossier peut durer trois ans ou trois ans et demi; les négociations deux années de plus et il faut compter une autre année pour conclure une entente. Cela fait six ans. Donc, il faudra attendre au moins six ans pour régler une plainte d'équité salariale. D'un point de vue commercial, considérez le montant d'argent dépensé pour en arriver à dire qu'un nouveau système est nécessaire. Je ne suis pas convaincu que l'ancien système était défectueux. En tant qu'ancien directeur financier, je dirais qu'il faut prouver que l'ancien système ne fonctionne pas.

L'ancien système était, dès le départ, sous-financé de manière chronique, il n'avait aucune chance de réussir. Cependant, je ne connais pas les processus et les lacunes de l'ancien système. Il fait partie de la négociation collective qui comporte aussi des lacunes. La Commission des relations de travail dans la fonction publique reconnaît ne pas disposer des ressources nécessaires pour s'en charger. N'ayant aucune expérience dans ce domaine, la commission deviendra la tierce partie.

D'un point de vue commercial, si ce dossier atterrissait sur mon bureau, il y aurait beaucoup de grands défis à relever à l'avenir.

Le sénateur Brazeau : Je vous remercie des commentaires politiques qui vont nous animer; ce qui est bon pour nous tous. La réalité est que nous sommes saisis d'une mesure législative que les deux chambres ont adoptée démocratiquement.

Je vais me concentrer sur certaines des observations faites. On retrouve le nouveau système proactif dans les systèmes provinciaux du Manitoba, du Nouveau-Brunswick, du Québec et de l'Ontario qui obligent les employeurs et les syndicats à œuvrer dès le départ à l'établissement de l'équité salariale plutôt que de s'en occuper ultérieurement.

Si les systèmes provinciaux fonctionnent, pourquoi le système fédéral ne fonctionnerait-il pas?

Mme Ducharme : Dans les systèmes provinciaux que vous avez cités, les employeurs et les syndicats ont l'obligation d'élaborer en commun un plan d'équité salariale. Ce sont des équipes de négociations nationales qui négocient l'équité salariale en tant que question distincte loin de la principale table de négociation. Des tribunaux spécialisés en équité salariale assistent au processus.

La Loi d'exécution du budget comporte un mécanisme d'application important à l'intention du particulier. Par définition, les plaintes d'équité salariale sont des plaintes collectives. Il serait mal avisé de suggérer que des particuliers ont les moyens ou le courage de déposer une plainte aussi complexe contre le gouvernement. Les fonctionnaires n'ont pas accès aux renseignements sur les taux de salaires ou les descriptions d'emplois. Le processus de plaintes est complètement absurde.

Le sénateur Brazeau : Compte tenu du processus de plaintes actuel, je suppose que vous faites des statistiques sur le temps qu'il faut, les coûts et les frais d'avocat. Je crois que c'est M. Isaacs qui a dit qu'il n'a pas vu suffisamment de preuves établissant le dysfonctionnement du système actuel. Pourriez-vous nous parler de la façon dont fonctionne le système actuel?

M. Isaacs : J'ai dit qu'à mon avis, le système actuel est sous-financé de manière chronique. Il est peu probable qu'un programme, quel qu'il soit, réussisse s'il est sous-financé de manière chronique. D'un point de vue commercial, il faut d'abord étudier la source de financement, le mandat et déterminer si le système peut être réalisé à partir de ces fonds.

Ils n'ont tout simplement pas les ressources nécessaires pour traiter les dossiers. Alors qu'il est essentiel d'avoir de telles ressources. L'ancien système n'a pas résisté à l'épreuve du temps en termes de nouvelles ressources, mais cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas de chance que cela s'améliore. Il faudrait examiner les différentes étapes du processus de plaintes et peut-être ajouter quelques paramètres pour déterminer combien de temps prend la plainte pour passer d'une étape à une autre dans le système.

Je répète que je ne sais pas si ces mesures sont mises en œuvre, mais d'après ce que je vois, je ne le pense pas.

Le sénateur Brazeau : Nous avons entendu des témoignages sur les coûts associés à certains de ces dossiers et le temps qu'ils ont pris. Aurais-je tort de supposer que vous avez ces statistiques en main?

M. Isaacs : Je n'ai pas ce type d'information pour l'ancien système. Je n'ai pas d'analyse de rentabilisation; il n'y en a même pas pour le nouveau système. On s'attendrait à avoir une analyse de rentabilisation des statistiques sur l'ancien système avant d'apporter les changements qui sont maintenant légiférés. Ainsi, on saurait ce qu'a coûté l'ancien système et ce que coûtera le nouveau système. En fait, nous ne pouvons qu'imaginer que le temps sera réduit une fois les règlements mis en place.

Mme Ducharme : Je répondrai aussi, si vous le permettez. Il est crucial que les sénateurs comprennent que le temps que cela prend et les coûts liés aux plaintes d'équité salariale dans le cadre de l'ancien système des droits de la personne sont en grande partie dus au fait que les employeurs n'ont jamais admis l'existence d'un écart salarial et ils se battront jusqu'au bout. Ils interjettent appel à chaque étape du processus et pour tous les cas.

Inutile de dire que le gouvernement du Canada a beaucoup plus d'argent que le commis moyen ou que le conseiller en rémunération qui est employé du gouvernement fédéral. Franchement, pour ces personnes, la seule façon de donner un sens véritable à leurs droits était d'y accéder et de les appliquer, avec l'aide de leur délégué syndical, par le biais du processus de plaintes des droits de la personne. Même si l'ancien système n'était pas parfait, il permettait aux travailleurs d'avoir accès à une représentation et leur offrait un moyen important de jouir de leurs droits ici au Canada.

Le sénateur Mitchell : Je comprends votre frustration. Je la comprends profondément. Je crois que le gouvernement peut montrer la voie et prendre de bonnes mesures, mais trop souvent il ne le fait pas. Ce n'est pas seulement une occasion manquée, ce qui est pire, c'est qu'il abandonne ce qu'il avait entrepris.

Tout particulièrement, il remplace l'expression « salaire égal pour un travail de valeur égale » par « rémunération équitable ». L'argument présenté est que d'une certaine façon la rémunération équitable sera beaucoup plus exhaustive avec des avantages sociaux, et cetera, seulement je crois comprendre que le principe de salaire égal pour un travail de valeur égale le permet déjà.

Est-ce que ce qu'ils disent sur la rémunération équitable repose sur quelque chose? Est-il possible de l'appliquer d'autres façons?

M. Isaacs : Selon mon expérience dans la négociation collective, il est facile de négocier les salaires parce qu'ils peuvent être comparés à ceux d'autres groupes, dire que ces groupes prennent tant de vacances, qu'ils reçoivent telle allocation et telle indemnité, la comparaison est concrète. Donc, c'est très facile pour l'employeur qui doit avoir une raison de ne pas refuser à un groupe le même montant de paye de vacances versé à un autre groupe, essayons d'expliquer en détail ce dont il s'agit.

Quand il est question de salaire, mon point de vue est unique. Je ne peux pas utiliser l'argument disant que le groupe X a reçu 10 p. 100, parce que l'employeur peut rétorquer : Oui, mais le groupe X a eu 10 p. 100 à cause des conditions du marché. Si vous disiez, en vertu de l'ancien système, qu'il s'agissait d'une question d'équité salariale, l'employeur vous empêcherait de soulever cette question à la table des négociations.

La négociation collective ne signifie pas l'examen de l'ensemble du système. On soulève des points pour lesquels on sait que le syndicat aura gain de cause parce qu'ils ont déjà fait l'objet de négociations. Il existe des précédents; quelqu'un a un précédent. Le salaire est négocié séparément; on ne peut pas utiliser un autre groupe sinon un certain pourcentage des autres salaires de groupes équivalents, mais il n'y a pas de mécanisme pour régler l'aspect salarial, la rémunération pour l'équité salariale.

Par conséquent, le salaire fait l'objet d'une négociation particulière. Les arguments seront fondés sur les conditions du marché, les problèmes de maintien de l'effectif et de recrutement qui peuvent exister dans le groupe. Encore une fois, les employeurs essaieront de ne pas négocier sur ces points, et on commencera à faire des concessions.

En fait, on fera des concessions sur les salaires pour obtenir d'autres choses dans le cadre de la rémunération équitable. Quand avez-vous mis en jeu l'équité salariale? Pouvez-vous dire que vous avez un problème fondamental en matière d'équité salariale, alors retirez-le du processus? Je pense qu'ils refuseront et vous demanderont de le remettre dans le processus et vous en ferez une monnaie d'échange. La loi prévoit que vous en ferez une monnaie d'échange contre tous les aspects de la rémunération, et c'est problématique.

Le sénateur Mitchell : Un témoin qui a comparu devant le Comité du Trésor a souligné les critiques sous-jacentes des syndicats que l'on trouve dans la loi. Il est dit implicitement, sinon explicitement — en fait, je crois qu'elle était explicite —, que les syndicats doivent assumer leurs responsabilités pour régler les problèmes d'équité salariale. Ils y arriveront en retirant le processus de plaintes de la table de négociations, ainsi les syndicats ne seront pas enclins à s'y référer, et l'équité salariale ne sera pas réglée.

Est-ce que le fait que les travailleurs pouvaient avoir recours au processus de plaintes vous a encouragé à ne pas régler des problèmes d'équité salariale?

Mme Ducharme : Nous négocions actuellement sur la base d'un système de classification archaïque de nos membres. Les normes de classification sont vieilles de 40 ans et nous avons essayé de les actualiser en 2008-2009 afin que les gens puissent avoir des descriptions d'emplois qui décrivent précisément leur travail.

Nous ne sommes pas arrivés au vif du sujet de la classification car le Conseil du Trésor ne veut pas de la classification à la table de négociation. Nous continuerons nos efforts pour négocier dans le cadre de ce système de classification archaïque. Nous avons présenté beaucoup d'exposés à la Chambre des communes et au Sénat sur la question du système de classification et nous œuvrons actuellement à l'élaboration d'un protocole d'entente avec l'employeur pour régler une bonne fois pour toutes la question de la classification.

[Français]

Le sénateur Pépin : Je trouve désolant, après avoir travaillé pendant plus de 20 ans sur le dossier de l'égalité des femmes, de constater que le projet de loi C-10 n'est pas acceptable. Et si j'ai bien compris, les droits des femmes vont régresser, parce qu'on dit que la prédominance des femmes a passé de 50 à 70 p. 100 avant que l'on soit capable d'agir.

J'ai dit à Mme Laurendeau plus tôt qu'il y avait des règlements qu'elle devrait préparer, qu'il y avait un processus à suivre. Et je lui ai demandé si elle serait prête à consulter et à travailler avec différents groupes de personnes. Et elle nous a répondu dans l'affirmative.

Pensez-vous que le fait que vous serez consultés de façon importante pourrait changer quelque chose? Croyez-vous pouvoir apporter des changements positifs à la situation des femmes?

Le fait de savoir que vous serez consultés, que vous pourrez participer, cela n'ouvre-t-il pas une porte ou restez-vous encore sur vos positions en vous disant que c'est inutile, que vous ne gagnerez pas et que ce sera encore désolant pour nous?

M. Grenville-Wood : Malheureusement, je pense que des consultations autour des règlements ne serviraient absolument à rien. À cause du fait que le principe et la loi sont là devant nous. Les règlements ont seulement le pouvoir d'élargir sur le principe, de mettre en place des règles du jeu, mais le principe est là et le principe n'est pas acceptable, cela va à l'encontre de la charte. C'est cela le problème.

Le sénateur Pépin : Je comprends. Alors, je me demande ce que vous ferez.

M. Grenville-Wood : Ce que l'on fera c'est poursuivre le gouvernement en cours. Car on dit que vous êtes complètement à l'encontre de la charte. Vous ne pouvez pas faire cela. On va voir ce que la cour dira.

[Traduction]

Mme Ducharme : Il se peut que l'on nous demande de participer à un processus de consultation, mais cela ne modifiera pas la loi. Nous avons sur les bras la loi telle qu'elle est écrite et qui a reçu la sanction royale. Malgré la consultation, nous avons la loi, ainsi que l'a souligné l'autre sénateur.

Le sénateur Stratton : Vous avez déclaré que le système souffrait d'un problème de sous-financement chronique. Quelqu'un a fait cette observation.

M. Isaacs : J'ai fait cette observation.

Le sénateur Stratton : Lorsque vous utilisez le mot « chronique », parlez-vous de 2, 5, 10 ou 20 ans?

M. Isaacs : Je suis président de l'Association canadienne des agents financiers depuis quatre ans maintenant et je travaille avec l'association depuis presque 10 ans. Donc, je peux vous dire que c'est le cas depuis au moins 10 ans.

Le sénateur Stratton : Je ne suis pas expert en la matière, mais l'idée de base n'est-elle pas d'essayer de réduire le temps requis pour résoudre ces problèmes?

Un des membres du groupe d'experts a affirmé que l'ancien système fonctionnait. Si c'était le cas, j'imagine que vous posséderiez des statistiques pour nous démontrer à quel point le système fonctionnait compte tenu du peu de temps qu'il fallait pour résoudre les problèmes. Quelqu'un a mentionné que vous n'aviez pas ces renseignements. Vous avez sûrement effectué le genre de recherche qui permet de démontrer que le système fonctionne, d'en énumérer les raisons sur le plan statistique et de calculer le temps requis pour résoudre un problème. Comment se fait-il que vous n'ayez pas ces renseignements à votre disposition?

M. Isaacs : J'ai dit que je n'étais pas convaincu que l'ancien système était défectueux et cette affirmation reposait sur une analyse de cas. Le processus actuel nous indigne parce qu'aucune analyse de cas n'a été effectuée avant l'adoption de la proposition législative, ce qui ne respecte pas le cadre de responsabilisation du gouvernement de l'époque. Cet argument est important compte tenu des discussions qui occupent le comité. Un des principes de base du cadre de responsabilisation consistait à déterminer si la proposition aurait d'importantes répercussions sur la fonction publique. Ils étaient censés procéder à une analyse de cas avant d'aller de l'avant. Dans ce cas-ci, les changements ont été apportés et il n'y a eu aucune analyse de cas.

Le sénateur Stratton : Vous nous dites que le gouvernement n'a pas procédé à une analyse de cas, mais vous ne l'avez pas fait non plus. Vous avez dit que le système n'était pas défectueux, mais qu'il avait besoin de certaines réparations. Comment le savez-vous? Où sont les statistiques qui vous permettent de corroborer ce besoin?

M. Isaacs : Dans le cas de l'ancien système, par exemple, nous avons essayé de présenter clairement la structure d'une analyse de cas. D'habitude, pour effectuer une analyse de cas, vous examinez l'ancien système afin de déterminer ce qui ne fonctionne pas et si le système a besoin de rajustements ou d'une révision complète.

Je suis allé plus loin en disant que je n'étais pas convaincu que l'ancien système était défectueux et que je n'ai pris connaissance d'aucun renseignement qui le démontrait. Je ne dis pas que l'ancien système était ou n'était pas défectueux; je dis qu'en l'absence d'une analyse de cas, je ne suis pas convaincu que le système était défectueux. La seule mesure dont je dispose vraiment provient des gens qui ont suivi le processus et qui le connaissent mieux que moi — je ne suis pas un expert en la matière —, et ce qu'ils me disent, c'est que le processus souffre d'un sous-financement chronique. Ils manquent de personnel et il faut du personnel pour traiter les dossiers.

Le sénateur Stratton : Je comprends. Je ne m'étendrai pas sur ce point, mais j'aimerais voir l'analyse de cas qui corrobore votre affirmation.

Mme Taras : Puis-je vous fournir quelques statistiques? Ce n'est pas tellement sur le plan des droits de la personne, de l'ancien régime d'équité salariale, mais la durée moyenne des griefs, depuis leur dépôt jusqu'à leur résolution par un arbitre indépendant, est de huit à neuf mois. Le gouvernement fédéral mène de nombreuses expériences en matière de résolution accélérée des conflits liés aux relations de travail. L'industrie des chemins de fer possède un bureau; à Postes Canada, les dossiers sont traités promptement. Si les parties le souhaitent, il est possible de mettre en place des systèmes rapides. L'arriéré dont souffre la section des droits de la personne est unique au sein du groupe des relations de travail. Les autres systèmes fonctionnent efficacement. Dans ces cas-là, des analyses de cas très convaincantes ont été effectuées.

Le sénateur McCoy : Je ne pense pas que nous ayons accordé suffisamment de temps à ce groupe d'experts et je vous présente toutes nos excuses si vous avez l'impression de subir des pressions. C'est certainement l'impression que j'ai. Oui, j'ai bien d'autres questions brûlantes à vous poser mais, compte tenu de l'importance du sujet dont nous discutons, nous ne disposons pas de suffisamment de temps pour étudier, sous tous ces aspects, ce qui, comme Mme Tara l'a mentionné, est un sujet très complexe que nombre d'entre nous ne comprennent pas suffisamment.

Une des déclarations que nous avons arrachées à Mme Laurendeau, la personne chargée de toutes ces questions, c'est qu'elle ne croit pas qu'il y ait des groupes touchés par un manque d'équité salariale. Cela corroborerait votre énoncé, madame Ducharme, selon lequel les employeurs n'admettent jamais l'existence d'un problème d'équité salariale.

Les preuves qu'elle nous a apportées, et je pense que vous étiez présente, madame Taras, lorsqu'elle l'a fait, étaient que le salaire des femmes de moins de 35 ans employées par le gouvernement fédéral équivaut à 97 p. 100 du salaire des hommes du même âge employés également par le gouvernement fédéral, comparativement à la population canadienne où ce pourcentage s'élève à 76 ou 78 p. 100. Elle pense que, par conséquent, elle n'a aucun problème.

J'ai deux questions à ce sujet. Premièrement, je crois comprendre que l'écart salarial n'a rien à voir avec l'équité salariale et que cette statistique est complètement trompeuse. Deuxièmement, pourriez-vous en expliquer la raison? Je demanderais à Mme Taras de nous l'expliquer, si elle veut bien. Tout autre membre du groupe d'experts qui aimerait formuler des remarques peut le faire.

Mme Taras : Comparer le salaire des hommes et des femmes sur le marché du travail général est problématique parce que la main-d'œuvre féminine comprend un nombre disproportionné de travailleuses à temps partiel. Les femmes intègrent le marché du travail et le quittent. Pour s'en convaincre, il suffit d'observer les enseignantes et les infirmières, et la facilité avec laquelle elles passent du marché du travail au congé de maternité, et vice versa. Les femmes font partie de groupes professionnels qui ne sont pas typiques de la fonction publique fédérale.

L'écart salarial n'est pas la même chose que l'équité salariale. L'équité salariale mesure des éléments semblables. Pour l'évaluer, vous examineriez des fonctions, des compétences, des talents, des responsabilités et des conditions de travail identiques ou semblables, et vous les inscririez sur des courbes de régression. Ensuite, vous traceriez une droite au milieu. Si la ligne épouse parfaitement les courbes de régression ou s'en approche, vous n'avez pas de problèmes d'équité salariale. Si la ligne est éloignée des courbes et que les femmes se trouvent sous la ligne tandis que les hommes sont au-dessus, vous avez alors d'importants écarts.

Par conséquent, comparer les hommes et les femmes sur le marché du travail est très trompeur et ce n'est pas ce que l'équité salariale est censée faire.

Mme Ducharme : Il existe un écart mesurable dont on fait état une fois par année, et pour les femmes âgées de 35 à 65 ans, cet écart qui sépare ce que les hommes et les femmes gagnent est d'environ 30 p. 100.

Le sénateur McCoy : Son affirmation était trompeuse à deux points de vue. Pour récapituler, elle a d'abord limité ses observations aux personnes de moins de 35 ans et elle a ensuite cité des chiffres qui n'étaient nullement des indicateurs d'équité salariale.

Je suis prête à accepter l'avis des experts qui nous disent que la mesure législative est inconstitutionnelle parce qu'elle limite le droit d'association. C'est peut-être une législation antisyndicale.

Je suis curieuse de savoir quand l'AFPC a déposé sa plainte fondée sur la Charte, et combien de temps il faudrait probablement pour la résoudre.

Mme Ducharme : Nous l'avons déposée devant la Cour supérieure de l'Ontario à la fin d'avril.

Le sénateur McCoy : Cela prendra probablement des années. Ai-je raison de croire qu'ils rejetteront tout le texte, ou pensez-vous qu'ils conserveront les articles qui leur conviennent et supprimeront les autres?

Mme Ducharme : Nous espérons certainement qu'ils supprimeront les dispositions inconstitutionnelles.

Le sénateur McCoy : Vous avez affirmé qu'elle est inconstitutionnelle parce qu'elle enfreint la Charte sur le plan de l'égalité des sexes et du droit d'association et d'expression?

Mme Ducharme : Oui, mais l'un des mes conseillers juridiques vient de m'informer que si l'on supprimait les dispositions inconstitutionnelles de la mesure législative, il ne resterait pas grand-chose.

Le président : Le Sénat respecte les tribunaux et leur droit de rendre la décision finale. Je ne veux pas que le public ou qui que ce soit d'autre dans la salle croie que nous sommes en train de court-circuiter le rôle très réfléchi et les droits de la cour. Nous avons noté que la cour était saisie d'une affaire et nous avons entrepris d'entendre des témoignages parce que nous avons reçu l'ordre d'étudier la question, et non pas de préjuger d'une manière ou d'une autre de la décision de la cour. J'espère que c'est clair.

J'ai une question. Il semble que la mesure législative tienne compte du rapport Bilson de 2004. Je n'arrête pas d'entendre parler de ce rapport. Certains d'entre vous ont-ils fait des déclarations devant le comité Bilson ou réagi à son rapport?

Mme Ducharme : Nous avons présenté au comité Bilson sur l'équité salariale des observations écrites et verbales.

M. Isaacs : Nous ne l'avons pas fait.

Le président : Monsieur Grenville-Wood?

M. Grenville-Wood : Je ne sais pas. C'était avant mon arrivée à l'institut, alors je ne sais pas ce qui c'est passé à cette époque-là. Si nous avons été invités, je suis certain que nous avons fait des déclarations.

Le président : Il est 9 heures. Je tiens à ce que tout le monde sache que nous avons reçu de longs mémoires de plusieurs d'entre vous, ce dont nous vous sommes très reconnaissants. Ils sont détaillés et abordent bon nombre des questions que nous voulons étudier à ce sujet. Vous avez fait des exposés auparavant, mais vos mémoires sont à jour et je vous en sais gré. S'ils soulèvent des questions, nous ferons de nouveau appel à vous.

Si, après mûre réflexion, vous aimeriez ajouter autre chose, nous serions heureux d'en prendre également connaissance. Malheureusement, le temps dont nous disposions ce soir est écoulé. Si un sénateur a d'autres questions à poser, nous avons l'habitude de les mettre par écrit et de demander aux témoins d'y répondre.

J'aimerais vous remercier tous d'être venus ce soir et d'avoir pris le temps de préparer des exposés. J'espère que nous vous avons donné la même chance d'exprimer vos principales préoccupations. Vos rapports feront le reste.

Mme Ducharme : J'espérais avoir l'occasion de préciser une chose à l'intention du sénateur Stratton. La question du sénateur semble indiquer qu'il craint que la mesure législative soit une tentative de la part du gouvernement de réparer le système. J'aimerais simplement souligner le fait que cette mesure est stipulée dans la Loi d'exécution du budget et habituellement, les projets de loi budgétaires s'occupent d'argent; ils ne s'occupent pas de réparer le système. J'estimais qu'il était important de le souligner.

Le sénateur Nancy Ruth : Ce n'est pas le cas.

Le sénateur Jaffer : Il y a plusieurs questions que je n'ai pas été en mesure de poser parce que nous étions à court de temps. Est-ce que je peux les donner au greffier?

Le président : Oui. Cela serait très utile.

Je remercie encore une fois tous les témoins.

Chers collègues, nous devons poursuivre notre réunion à huis clos pour aborder d'autres questions.

(Le comité poursuit ses travaux à huis clos.)


Haut de page