Aller au contenu
SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule 7 - Témoignages du 8 octobre 2009


OTTAWA, le jeudi 8 octobre 2009

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui à 10 h 46 pour étudier la question de l'accessibilité à l'éducation postsecondaire au Canada

Le sénateur Art Eggleton (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.

[Traduction]

Le président : Nous entamons la deuxième réunion sur l'éducation postsecondaire au Canada. Le sujet à l'ordre du jour d'aujourd'hui est le suivant : portrait des étudiants qui poursuivent des études postsecondaires et de ceux qui abandonnent leurs études : les facteurs propices aux études postsecondaires.

Je souhaite la bienvenue au sénateur Dawson, qui remplace le sénateur Munson. Les autres sénateurs sont des membres en titre du comité.

Les témoins ont tous préparé un exposé. Nous les avons reçus tout récemment, de sorte qu'ils n'ont été ni traduits ni déposés. Toutefois, nous pouvons, si vous êtes d'accord, les utiliser à titre de guide. La règle veut que les exposés soient présentés dans les deux langues officielles. Il sera impossible de les faire traduire d'ici la fin de la réunion.

Le sénateur Segal : J'estime qu'ils ne devraient pas être déposés s'ils ne sont pas traduits.

Le président : Êtes-vous tous du même avis? Nous allons nous en tenir à cela.

Nous accueillons aujourd'hui trois représentants de Statistique Canada : Marc Frenette, économiste chargé de recherches auprès de la Division de l'analyse sociale de Statistique Canada. M. Frenette a publié divers articles dans des publications revues par des comités de lecture au Canada, aux États-Unis et en Europe. Il s'intéresse de près à la question de l'accès aux études postsecondaires, et notamment aux nombreux obstacles qui pourraient nuire à celui-ci, un sujet qui cadre bien avec notre étude.

Richard E. Mueller a écrit des articles et prononcé de nombreux discours sur l'état de l'éducation postsecondaire au Canada. Il enseigne également à l'Université de Lethbridge.

Ross Finnie est professeur agrégé à l'École supérieure d'affaires publiques et internationales, à l'Université d'Ottawa, depuis 2007. Ses travaux de recherche portent sur divers sujets, dont le milieu de travail, l'éducation postsecondaire et l'économie du secteur public, sujets qu'il aborde dans leur dimension appliquée ou stratégique.

Les témoins ont également participé, ensemble, à la rédaction d'un ouvrage. Les membres du comité auront donc beaucoup de lecture à faire la semaine prochaine, alors que nous ferons relâche.

Marc Frenette, analyste, Division de l'analyse sociale, Statistique Canada : Merci, monsieur le président, et merci au comité de nous avoir invités à exposer nos vues sur l'accès à l'éducation postsecondaire au Canada. Je vais m'attaquer aux dimensions financières de la problématique, tandis que mon collègue, M. Mueller, va en aborder d'autres. M. Finnie va vous entretenir, pour terminer, de questions diverses.

Quels sont les facteurs financiers qui influencent l'accès à l'enseignement postsecondaire? Nous savons que le taux de fréquentation universitaire augmente avec le revenu des parents. Si nous prenons un échantillon de récents diplômés du secondaire et que nous répartissons ceux-ci en quatre groupes de revenu, soit un quartile supérieur, un quartile inférieur et deux quartiles médians, nous constatons que 50 p. 100 des jeunes dont les parents se situent dans le quartile supérieur sont susceptibles de fréquenter l'université.

Pour ce qui est des jeunes appartenant au dernier quartile, seulement 31 p. 100 environ vont s'inscrire à l'université dans les deux ans qui suivent l'obtention de leur diplôme d'études secondaires. Il serait tentant de conclure que les jeunes à faible revenu sont moins susceptibles de fréquenter l'université parce qu'ils ne peuvent obtenir l'aide financière dont ils ont besoin pour payer leurs études. Or, une analyse approfondie de la question révèle que l'écart entre le taux de fréquentation universitaire des jeunes du quartile supérieur de revenu et celui des jeunes du quartile inférieur de revenu n'est pas principalement attribuable aux contraintes financières.

Nous avons demandé aux étudiants si leur situation financière les empêchait de fréquenter l'université. Certains étudiants ont répondu dans l'affirmative — un petit pourcentage, soit environ 10 p. 100 de l'échantillon. Toutefois, une recherche plus poussée montre que l'écart entre les taux de fréquentation universitaire des étudiants à revenu élevé par rapport aux moins nantis n'est que de 12 p. 100. Il s'explique par le fait que les étudiants du dernier quartile doivent composer avec un plus grand nombre de contraintes financières. Cette constatation découle des réponses fournies par les étudiants.

En revanche, 76 p. 100 de l'écart est lié au fait que les jeunes du quartile inférieur affichent un rendement scolaire plus faible et ont des parents moins scolarisés, et ce, pour des raisons bien évidentes, que les étudiants du quartile supérieur. Ces deux facteurs influencent grandement la participation aux études universitaires, un sujet sur lequel vont s'étendre mes collègues. Autre point : les attentes des parents à l'égard de ces étudiants sont moins élevées. Donc, les contraintes financières ne sont qu'un facteur parmi d'autres.

Est-ce que l'argent influence l'accès aux études universitaires? Notre étude démontre que l'argent n'empêche pas la plupart des jeunes de fréquenter l'université, ou encore d'obtenir des fonds pour le faire, encore une fois selon les étudiants. Toutefois, trois mises en garde s'imposent.

Premièrement, même si la question de la situation financière n'empêche pas la plupart des jeunes de fréquenter l'université, certains groupes peuvent devoir composer avec des contraintes. Ce thème n'a pas été abordé dans l'étude qui a été réalisée, mais nous pourrions l'explorer dans un avenir prochain.

Deuxièmement, ces constatations sont liées au niveau d'aide financière accordé aux étudiants par les parents, les gouvernements et les sources non gouvernementales. Or, si nous réduisons l'aide aux étudiants — et ce constat s'appuie sur des recherches menées aux États-Unis et en Europe —, nous risquons de créer de nouveaux problèmes en matière de crédit. Susan Dynarski, aux États-Unis, a établi un lien entre l'aide aux étudiants et le taux de fréquentation universitaire : celui-ci change en fonction du niveau d'aide accordée. Des études similaires menées en Europe sont arrivées aux mêmes conclusions, bien que les effets soient moins prononcés là-bas qu'aux États-Unis.

Troisièmement, le rendement scolaire peut dépendre du facteur argent. Il n'existe pas de preuves concrètes en ce sens au Canada, malheureusement, mais nous savons, d'après le Conseil canadien sur l'apprentissage, que le revenu familial agit de manière déterminante sur l'embauche d'un tuteur. Les ressources supplémentaires dont disposent les parents à revenu élevé peuvent en fait contribuer à améliorer le rendement scolaire des enfants, dès leurs premières années d'apprentissage.

Où se situe le Canada par rapport aux États-Unis au chapitre de l'influence qu'exerce le revenu familial sur l'accès aux études postsecondaires? Si nous répartissons encore une fois les étudiants en quatre groupes de revenu, nous constatons que l'écart relatif à la fréquentation universitaire dans l'échelle de répartition du revenu est plus faible au Canada qu'aux États-Unis. Les raisons de cet écart ne sont pas claires. Toutefois, d'après une étude américaine, bien que l'aide soit largement disponible aux États-Unis, en termes de montant total, les programmes sont complexes. Il se peut que de nombreux étudiants ne soient pas au courant de l'aide à laquelle ils ont droit, comme le laissent entendre les auteurs de l'étude.

Quel impact les contraintes financières ont-elles sur l'accès aux études universitaires? D'abord, comme je l'ai mentionné plus tôt, nous ne savons pas qui doit composer avec de telles contraintes. C'est un sujet sur lequel nous pourrions nous pencher. Ensuite, nous ne savons pas pourquoi le rendement scolaire est plus faible chez les jeunes à faible revenu. Il s'agit là d'un point important, le rendement scolaire étant lié de très près à la fréquentation universitaire. Enfin, au Canada, les frais de scolarité ont augmenté au cours des dernières décennies. Toutefois, cette hausse, en raison de la structure du régime d'aide aux étudiants, qui est fondé sur les besoins, a entraîné une augmentation de l'aide aux étudiants et, partant, de l'endettement étudiant.

Autre aspect qui est méconnu : les répercussions de cet endettement sans cesse croissant. Nous avons certaines réponses en provenance des États-Unis. En effet, la question de l'incidence de la hausse de l'endettement sur la situation des étudiants à la suite de l'obtention de leur diplôme universitaire a fait l'objet d'études qui montrent ce qui suit : un endettement élevé se traduit par une baisse du taux de mariage et de propriété et influe sur la recherche d'un emploi.

Je n'ai pas parlé des facteurs financiers qui influent sur l'accès aux études collégiales, ce sujet n'ayant fait l'objet d'aucune étude approfondie au Canada. En effet, lorsque l'on commence à se pencher sur la question, on constate que le lien entre le revenu et la fréquentation collégiale n'est pas aussi fort que celui qui existe entre le revenu et la fréquentation universitaire. Encore une fois, c'est quelque chose que nous pourrions explorer.

Richard E. Mueller, adjoint invité, Division de l'analyse sociale, Statistique Canada : Merci de nous avoir invités à comparaître devant vous. J'espère pouvoir apporter une contribution constructive à vos délibérations.

Mon collègue, M. Frenette, vient de vous parler de certains aspects financiers. Ma tâche consistera à discuter de facteurs non monétaires ayant une incidence sur l'accès à l'éducation postsecondaire au Canada.

Premièrement, il y a les antécédents familiaux. Nous avons déjà entendu dire que le niveau de scolarité des parents paraissait le plus important. En fait, tel qu'inscrit sur mes diapositives, le niveau d'études des parents l'emporte sur le revenu. Cela ne veut pas dire que les facteurs financiers ou les revenus des parents ne comptent pas, mais simplement — comme nous avions l'habitude de le dire à la blague lorsque nous rédigions certains articles — que si l'on voulait aller à l'université et qu'on pouvait choisir entre un parent instruit ou un parent à revenu élevé, on ferait mieux de choisir le parent instruit. On ne dispose pas d'une telle option, mais c'est ainsi que les universitaires s'amusent. Cela fonctionne pour nous.

Un autre facteur est celui des aspirations des parents. M. Frenette en a parlé il y a un moment. Dans notre recherche, nous constatons que si leurs parents aspirent à ce qu'ils aillent à l'université ou au collège, les enfants sont plus susceptibles de fréquenter ces établissements, surtout l'université, qui est au centre de la plus grande partie de notre recherche. Mais ces résultats sont loin d'être définitifs. Nous pouvons penser que les parents ont une bonne idée de la personnalité de leurs enfants à un très jeune âge et, lorsque ceux-ci auront atteint l'âge de 15 ans, soit l'âge des sujets de notre étude, les parents pourraient assez bien savoir si leurs enfants seront ou non des candidats à l'université. Les aspirations parentales seront déterminées par la nature de l'enfant, alors il faut garder cela à l'esprit également. Nous pensons que ces aspirations pèsent dans la balance.

Les familles biparentales ont également leur importance. Si l'on vient d'une famille biparentale, on est plus susceptible de faire des études postsecondaires, surtout à l'université. Peu importe que les parents soient tous les deux des parents biologiques. Du moins, j'ai lu un article en ce sens. Il peut s'agir de parents adoptifs. Dans le cadre d'un programme de recherche, il faut notamment essayer de démêler certains effets pour voir si l'on a différents types de familles et, le cas échéant, les influences qu'ils pourraient avoir au chapitre des études postsecondaires.

Une autre catégorie est celle de la préparation scolaire. Les étudiants sont tous différents, nous le savons. Si l'on a déjà enseigné à l'université ou à un autre niveau, on sait que la population étudiante est fortement hétérogène. Personne n'est pareil. Nous avons découvert qu'un des facteurs qui augmentent les chances de fréquenter l'université est celui que nous appelons l'« engagement scolaire » dans nos données. Il s'agit des choses que votre mère vous a demandé de faire; par exemple aller aux cours à l'école secondaire, faire vos devoirs et travailler fort. L'hétérogénéité est très grande parmi les étudiants, de sorte qu'on ne peut dire « mon petit Frédéric, si tu travailles plus fort, tu iras à l'université », car cela n'intéresse peut-être pas Frédéric. Nous verrons probablement que les enfants les plus intéressés ou les plus enclins aux études sont ceux qui, dès le départ, feront leurs devoirs et travailleront avec le plus d'acharnement. Encore une fois, nous sommes un peu hésitants en ce qui concerne ce lien; du moins le suis-je.

Les compétences en lecture jouent énormément. À l'évidence, obtenir de bonnes notes au secondaire — encore une fois, en suivant les conseils que vos parents vous ont probablement donnés, comme cela a été le cas pour moi — est un déterminant d'une importance capitale. Nous constatons que les effets de nombreuses variables scolaires telles que le niveau d'études des parents, dont je viens de parler, seront réduits une fois que nous aurons tenu compte de variables en lien avec la préparation scolaire. Autrement dit, peut-être le niveau d'études des parents contribue-t-il à accroître certaines de ces autres caractéristiques — le travail acharné, les aptitudes, et cetera. — qui pourraient influer grandement sur le fait qu'un jeune poursuivra ou non des études postsecondaires.

L'autre facteur est celui des caractéristiques personnelles. Il s'agit là d'une voie de recherche relativement nouvelle. J'aurais dû commencer mes remarques par cet aspect. Vous avez le livre que vous a montré le sénateur Eggleton. Nous trois, de même qu'un autre collègue, travaillons au second volume relié à cet ouvrage qui sera disponible, espérons-le, en décembre. C'est la date que nous visons. Si le comité le souhaite, il est certain que nous lui ferons parvenir des copies avec plaisir.

Ce que je présente ici, c'est une synthèse de tous les résultats non financiers contenus dans le livre dont vous disposez, ainsi que dans le livre à paraître, du moins sous sa forme actuelle.

Nous savons que l'état de santé général est important pour les jeunes. Non seulement leur état de santé auto-évalué compte-t-il en ce qui les concerne, mais il a également une incidence sur le fait qu'ils poursuivront ou non des études postsecondaires.

Du côté des garçons, l'hyperactivité est certainement un facteur important. Les garçons hyperactifs sont moins susceptibles de faire un jour des études postsecondaires. En outre, un comportement agressif ne mène pas à des études postsecondaires, sauf pour les filles. Il s'agit d'une recherche préliminaire, mais il est intéressant de constater que ces comportements d'hyperactivité ou d'agressivité ont une incidence.

L'autre aspect que je trouve intéressant d'un point de vue personnel, puisque mes enfants vont à l'école, c'est que l'estime de soi n'est pas terriblement importante. Chez les jeunes, l'estime de soi n'est pas le plus important. Il existe un autre facteur appelé l'autoefficacité, qui mesure le degré de confiance envers sa propre capacité à bien performer à l'école. C'est un déterminant qui a davantage de poids quant à la poursuite d'études postsecondaires que le simple fait d'avoir une estime personnelle, laquelle, dans une plus large mesure, représente l'attitude favorable qu'on a envers soi. J'ai trouvé cela intéressant, compte tenu de mes expériences au sein du système d'éducation. Ce pourrait également être utile au comité.

Certains facteurs géographiques entrent en ligne de compte. Nous pouvons examiner les différences provinciales, de même que les différences entre les régions urbaines et rurales. En ce qui concerne les provinces, le Canada atlantique tend à enregistrer des taux de fréquentation universitaire très élevés. Je n'aime pas dire cela, mais l'Alberta et la Colombie-Britannique ont des taux de participation relativement faibles. Certaines raisons expliquent cette situation, et je pourrai les aborder dans un moment.

Il y a une certaine division entre les régions urbaines et rurales au Canada. Le fossé ville-campagne ne semble pas ressortir très nettement, et certainement pas du tout au chapitre des études collégiales, mais on le constate dans le cas des études universitaires. Cela ne signifie pas que si l'on vit en campagne, on ne fréquentera pas l'université, ni que si l'on vit en milieu urbain, on est destiné à des études universitaires. Je le répète, d'autres facteurs peuvent également jouer, comme dans un grand nombre des données dont il est question. En particulier, la distance jusqu'à une université ou un collège peut peser considérablement dans la balance. Bien des régions rurales entourent des zones urbaines et sont, de ce fait, à proximité d'une université, alors que même si l'on se trouve dans une zone urbaine, les déplacements jusqu'à l'établissement d'enseignement le plus proche pourraient être significatifs.

Un autre facteur, celui des différences entre les sexes, ressort fortement des données. Habituellement, nous constatons que les femmes présentent un taux plus élevé de fréquentation universitaire. Encore là, cela a beaucoup à voir avec certains facteurs dont nous avons discuté tout à l'heure, comme les meilleures notes scolaires et les compétences en lecture. Souvent, les jeunes femmes ont de meilleures habitudes de travail que les jeunes hommes, chose que, en tant que père de trois jeunes garçons, je ne trouve pas surprenante.

Bien souvent, et c'est curieux, les aspirations parentales peuvent être plus élevées envers les filles qu'envers les garçons. Encore une fois, c'est peut-être dû à la nature de la relation qu'entretient le jeune avec ses parents. Ainsi, les parents pourraient être plus confiants que ce seront leurs filles, plutôt que leurs garçons, qui pousseront jusqu'à l'université; et par conséquent, leurs aspirations à l'égard de leurs enfants pourraient être différentes.

Par ailleurs, nous nous rendons compte qu'il y a un meilleur rendement relativement à la poursuite d'études universitaires chez les jeunes femmes. Bien sûr, on n'investira dans une éducation universitaire que si l'on s'attend à un taux de rendement raisonnable, parmi d'autres facteurs; alors dans la mesure où le taux de rendement pour ces études est plus élevé chez les jeunes femmes que chez les jeunes hommes, c'est pour elles un incitatif à la fréquentation universitaire.

L'autre découverte que nous avons faite durant notre recherche concerne le rôle de l'immigration. Le professeur Finnie a examiné les cas d'immigrants de première et de seconde générations, ainsi que leur propension à fréquenter des établissements postsecondaires au Canada. Nous avons constaté que les première et deuxième générations d'immigrants avaient des taux de participation plus élevés, surtout pour ce qui est de l'université, comparativement à ceux de la troisième génération ou des suivantes, qui regroupent des enfants nés au Canada de parents également nés au Canada. Tant la première que la seconde génération présente des taux de participation postsecondaire très élevés, surtout à l'université, et c'est particulièrement le cas, de manière assez étonnante, pour les Chinois de première et de seconde générations, de même que pour les immigrants provenant d'autres pays d'origine. Nous tentons toujours de déterminer pourquoi il en est ainsi exactement. Nous commençons à nous pencher sur des explications intangibles relativement à certains de ces phénomènes. L'une des explications les plus abstraites quant aux raisons pour lesquelles les immigrants fréquentent en si grand nombre les établissements postsecondaires est en lien avec la culture. Nous sommes encore en train de faire enquête sur certaines de ces raisons.

Parmi les autres facteurs qui peuvent entrer en jeu figurent les conditions macroéconomiques. Récemment, nous avons publié un article sur l'essor du secteur pétrolier en Alberta, essor qui est maintenant devenu débâcle. Les auteurs concluaient qu'au chapitre de la fréquentation postsecondaire, les effets de l'essor du secteur pétrolier, qu'on appelle « effets de choc de la ressource », ne se font pas seulement sentir à court terme. Dans un endroit comme l'Alberta, tout le monde sait que les jeunes peuvent aller dans le Nord et travailler dans l'industrie de l'extraction du pétrole et du gaz plutôt que d'aller à l'université. Mais, plus important encore, on en ressent aussi les effets à long terme.

J'aimerais préciser que la demande en matière d'études postsecondaires — du moins en ce qui concerne les collèges et les universités, et pas les établissements d'enseignement professionnel — tend à être anticyclique. Nous le constatons maintenant, si vous avez suivi la question dans les médias, car la presque totalité des universités ou des collèges parlent d'un accroissement des demandes et des inscriptions possibles pour la session d'automne 2009. Cette situation est attribuable à l'état de l'économie. Le coût de renonciation qu'implique un retour à l'université est moins élevé lorsque le marché de l'emploi se porte mal. Si vous êtes jeune et non qualifié, c'est particulièrement vrai pour vous.

Je tiens à formuler certaines mises en garde. J'ai parlé de l'accès aux études postsecondaires et à l'université en particulier. Commencer des études est une chose; les terminer en est une autre. Dans les documents, nous appelons cela la « persévérance ». C'est extrêmement important. La recherche indique que ces mêmes facteurs responsables de la persévérance sont aussi à prendre en compte lorsqu'il s'agit d'accès.

Il y a d'autres éléments dont nous savons peu de choses. Je viens de vous dire ce que nous savions. Nous ne savons pas vraiment grand-chose à propos des facteurs relatifs à l'offre. Nous parlons ici de la demande; autrement dit, des jeunes qui demandent des études postsecondaires. Or, on doit fournir à ces gens une place dans un établissement postsecondaire. C'est une question liée à l'offre. Actuellement, notre compréhension sur ce plan n'est pas très grande. La manière dont les établissements prennent leurs décisions à cet égard est un sujet important de recherches futures.

Nous ne savons pratiquement rien sur les programmes d'apprentissage. Nous menons actuellement un projet concernant les stagiaires. Cela ne s'était jamais fait jusqu'à maintenant, même si dans les médias, et certainement parmi les groupes du secteur privé, on se dit très inquiet de la pénurie d'étudiants en apprentissage qui pourrait poser problème.

En ce qui concerne les transitions vers le marché du travail après des études postsecondaires, qu'arrive-t-il à ces jeunes lorsqu'ils obtiennent leurs diplômes? Entrent-ils sur le marché du travail, ou encore dans des écoles d'enseignement professionnel ou d'études supérieures?

Nous avons fondé notre débat sur l'hypothèse que davantage d'études postsecondaires, surtout à l'université, étaient souvent un résultat souhaitable, ce qui constitue un modèle uniformisé. Nous pourrions vouloir remettre en question cette hypothèse. Je ne crois pas que ce soit nécessairement bon dans le contexte où nous pourrions avoir besoin d'un plus grand nombre de stagiaires, et ainsi de suite. Nous voulons adopter un point de vue holistique et dire que les études postsecondaires sont importantes, mais il y a différents types d'études postsecondaires. Ne nous concentrons pas uniquement sur les universités et les collèges, mais tenons compte également de la situation dans son ensemble, en évaluant quel est le meilleur usage de nos ressources, ainsi que le meilleur moyen possible de former nos jeunes pour demain.

[Français]

Ross Finnie, professeur, École supérieure d'affaires publiques et internationales, Université d'Ottawa : Je vais faire ma présentation en anglais, mais il me fera plaisir de répondre aux questions en français autant qu'en anglais.

[Traduction]

Les exposés étaient excellents. Une bonne partie de ces travaux est basée sur le livre que vous avez ici, qui est un recueil d'auteurs et un projet permanent que nous espérons continuer à mener à bien.

Je vous recommande de feuilleter cet ouvrage, et surtout son introduction. J'en suis l'un des auteurs, et je pense qu'on y trouve un bon survol des questions, des problématiques, de notre position face aux données, des questions de politique restantes et de la direction que doit prendre la recherche dans l'avenir.

Cet ouvrage tire en grande partie profit de ce merveilleux ensemble de données qu'on appelle les Enquêtes auprès des jeunes en transition. Il n'existe pas de données comme celles-là ailleurs dans le monde. Statistique Canada et Ressources humaines et Développement des compétences Canada ont investi dans ces données il y a quelques années, et nous retirons maintenant les bienfaits de cet investissement, c'est-à-dire la mise sur pied de cet excellent recueil de données. Nous sommes chanceux de disposer de ces informations, car elles mettent en lumière de nombreux éléments qui ont une importance pour ce comité et pour notre société.

Il est merveilleux de faire de la recherche sur les études postsecondaires, car cela comporte deux facteurs de motivation. Premièrement, les études postsecondaires sont une expérience qui change la vie de bien des personnes. La plupart d'entre nous le savons. C'est important pour les individus, mais c'est aussi fondamental pour la prospérité future du pays. Si nous ne faisons pas les choses correctement du côté de l'enseignement postsecondaire, l'économie n'avancera pas. Nous serons incapables de soutenir la concurrence sur la scène internationale et nous prendrons du retard.

Deux questions sont essentielles en ce qui concerne l'accès. Premièrement, si nous voulons accroître l'accès aux études postsecondaires ou la participation aux études postsecondaires globalement, nous devons comprendre les facteurs déterminant qui poursuit des études supérieurs, et qui y a accès. De façon plus importante, si nous souhaitons uniformiser les règles du jeu, pour en faire une question d'équité, comment nous assurer qu'il n'y ait pas de groupes désavantagés? Dans le cas de ces groupes qui sont actuellement défavorisés, que pourrions-nous faire pour que tous les Canadiens ayant l'aptitude et le désir de poursuivre des études postsecondaires aient la possibilité de le faire? Rien n'est plus important parmi les priorités de l'économie.

En ce qui a trait à l'égalité des chances, en tant que Canadiens, nous ne voulons pas que la possibilité de poursuivre des études postsecondaires soit déterminée par le degré de richesse de votre famille. L'argent ne devrait pas être une barrière. Nous comprenons maintenant, d'après les articles parus dans ce livre, dans le prochain volume et dans d'autres ouvrages, que ce n'est pas seulement une question d'argent. Les antécédents sont également liés à d'autres facteurs qui ont à voir avec la motivation et la préparation scolaire.

La terminologie n'est pas appropriée. Nous parlons d'« obstacles aux études postsecondaires », mais cette expression laisse entendre qu'un groupe de personnes aimeraient faire des études postsecondaires et sont aptes à le faire, mais en sont empêchées par quelque chose. L'argent est l'élément vers lequel nous aimons nous tourner. Ces 10 ou 20 dernières années, une bonne part de la politique a surtout été axée sur la volonté d'éliminer une telle entrave, si elle existe. C'est une bonne chose, mais cela a eu l'effet de concentrer notre attention sur des facteurs financiers, en particulier le régime d'aide financière aux étudiants et les frais de scolarité. Ces éléments ont une importance fondamentale, et nous devons veiller à ce qu'aucun obstacle financier ne fasse opposition. Toutefois, nous apprenons maintenant que la notion d'« obstacles » doit être remplacée par celle des déterminants des études postsecondaires. En effet, il n'est pas seulement question de gens qui souhaitent poursuivre des études postsecondaires, sont aptes à le faire, ont la motivation nécessaire et répondent aux exigences à cette fin, mais ne le peuvent pas. La motivation, la volonté et la préparation comptent tout autant. Nous ne pouvons simplement axer nos politiques de manière à nous assurer que le régime d'aide financière aux étudiants, les droits de scolarité et tout le reste soient là pour faire en sorte qu'un jeune qui souhaite aller à l'université en ait les moyens. Nous comprenons de plus en plus que nous devons intervenir assez tôt dans la vie des jeunes, car les facteurs déterminants pour ceux qui poursuivront des études postsecondaires sont fondamentalement liés aux antécédents d'une personne, et cette préparation et cette orientation doivent commencer à un stade précoce.

J'en reviens encore au livre. À la conclusion de l'introduction, en page 27, on trouve une phrase qui résume cet état de fait. Elle pourrait se traduire comme suit :

D'abord et avant tout, l'accès résulte clairement d'un ensemble de facteurs détaillés, complexes et interreliés qui commencent à intervenir assez tôt dans la vie d'un jeune et qui sont fortement tributaires des antécédents familiaux et des premières expériences scolaires.

Ce qui ne signifie pas que, parce que ces facteurs se présentent au sein de la famille et tôt dans la vie, nous ne pouvons rien y faire. Nous pouvons agir, ou du moins, nous croyons pouvoir le faire. Toutefois, il nous faut mieux comprendre ce que nous sommes en mesure de faire d'un point de vue de politique.

Je n'entrerai pas dans les détails mais, à titre d'exemple, le niveau d'études des parents l'emporte sur le revenu. Ce n'est qu'un exemple parmi tant d'autres.

En ce qui a trait à notre recherche sur les études postsecondaires, je n'en croyais pas mes oreilles lorsqu'on m'a appelé, dimanche matin, pour me dire : « vous êtes en première page de l'Ottawa Citizen, cette semaine ». Nous avons même volé la vedette au premier ministre jouant du piano au CNA. Cela n'a pas l'ampleur d'un gros titre d'un quotidien européen annonçant la fin de la guerre, mais c'est remarquable. On s'intéresse aux études postsecondaires, mais l'intérêt dont il est particulièrement question ici, c'est le fait que par exemple, les enfants d'immigrants, un groupe désavantagé sur bien des plans, notamment financier, fréquentent en très grand nombre les établissements postsecondaires. Pourquoi en est-il ainsi? Cela démontre qu'ils sont motivés et qu'ils reçoivent un soutien à cette fin.

Lorsque nous examinons les autres groupes désavantagés de notre société, par exemple les personnes issues de familles dont les parents sont peu instruits, l'étude montre que ces personnes ont le potentiel de poursuivre leurs études postsecondaires du moment que nous faisons quelque chose pour veiller à ce qu'elles deviennent motivées à un jeune âge. Elles doivent être préparées à aller à l'université ou au collège et à réussir. C'est à cela que doivent s'attacher les politiques.

Nous avons fait du bon travail avec le régime d'aide financière aux étudiants de niveau postsecondaire. J'écris à ce sujet depuis maintenant une décennie. J'ai rédigé un article pour le sénateur Segal lorsqu'il était à l'Institut de recherche en politiques publiques (IRPP). Nous pourrions faire mieux, mais nous pouvons toujours faire mieux. Le régime d'aide financière aux étudiants est conçu de façon à ce que ceux qui veulent étudier puissent le faire. La question, encore une fois, est de savoir comment en arriver à ces facteurs motivants.

Cela complique le problème. Il ne s'agit pas que d'un instrument de politique ou d'une simple politique gouvernementale visant, par exemple, à augmenter un peu les bourses. Cela pourrait faire partie de la solution. Assurément, nous devons garantir aux étudiants l'accès au régime d'aide financière. Cela fait partie de ce que nous devons faire et du message que nous devons communiquer aux jeunes : s'ils veulent poursuivre des études postsecondaires, ils pourront le faire sans que leurs études constituent un fardeau excessif. Cela fait partie du plan. Toutefois, il ne s'agit pas d'un instrument de politique aussi simple que le régime d'aide financière aux étudiants. Il ne s'agit pas non plus de simplement modifier les droits de scolarité. Il s'agit plutôt d'encourager des jeunes qui, normalement, ne seraient pas intéressés à aller à l'université, à envisager d'y aller. Comment faire pour que ces jeunes garçons en 9e année qui se promènent avec leurs pantalons amples et qui ne font pas grand-chose pensent à rentrer à la maison faire leurs devoirs pour pouvoir aller à l'université? Sur le plan conceptuel, c'est là que réside l'enjeu stratégique, mais c'est un enjeu beaucoup plus complexe que celui des droits de scolarité ou de l'aide financière aux étudiants. C'est un problème qui se pose aux gens lorsqu'ils sont jeunes, à différents âges. Il chevauche les administrations lorsqu'il est question de gouvernements. Le gouvernement fédéral a un rôle à jouer dans l'éducation postsecondaire. C'est probablement quelque chose que vous voudrez faire dans le système allant de la maternelle à la 12e année, qui relève du provincial. Il est probable que des services municipaux locaux entrent en jeu. Il ne s'agit pas que de bien comprendre l'éducation postsecondaire ou de faire quelque chose dans les systèmes primaires et secondaires. Il est aussi question de ce que nous faisons avec les enfants qui proviennent de familles désavantagées et isolées du point de vue social. Cela fait partie du problème.

Pouvons-nous faire quelque chose? Le problème semble très difficile et complexe, mais je crois fermement que nous pouvons agir. En tant que société, si nous voulons faire une différence, nous le pouvons, en particulier auprès des jeunes. La question et le défi résident dans notre recherche pour trouver la façon d'intervenir, de changer les choses.

Je suis chercheur. Nous devons faire davantage de recherche, en fait, car nous ne connaissons pas bien la situation. Nous avons bricolé avec le régime d'aide, mais maintenant, nous commençons à comprendre les processus qui déterminent l'accès. Nous devons en apprendre davantage au sujet de ces processus. Nous devons déterminer ce que nous pouvons faire pour donner aux personnes désavantagées des possibilités accrues de poursuivre des études postsecondaires. Nous pouvons faire quelque chose.

Par exemple, nous pouvons étudier les types d'interventions au secondaire. On effectue actuellement des expériences intéressantes partout au pays, comme celle de prendre des élèves marginaux de 9e année et de les mettre dans des classes spéciales, de leur donner les outils nécessaires pour apprendre et de les motiver à aller à l'université. Nous commençons à apprendre; nous devons apprendre davantage.

Si vous voulez que l'on fasse davantage de recherche, j'ai un excellent groupe de 25 ou 30 collègues, et nous sommes toujours très empressés de faire ce que nous pouvons pour mener de bons travaux de recherche qui se rapportent à la politique de notre pays.

Le président : Je veux formuler un commentaire sur ce que vous avez dit, monsieur Finnie, car je veux aborder l'obstacle non financier à l'éducation postsecondaire. Les statistiques indiquent qu'il dépend, en grande partie, du niveau d'instruction des parents, de leur attitude à l'égard de l'éducation postsecondaire et de la façon dont ils guident leurs enfants dans cette direction.

Vous entendez les parents qui n'ont pas fait d'études postsecondaires dire que, bien qu'ils ne soient pas allés au collège ou à l'université, ils veulent que leurs enfants le fassent. Cependant, il y a de nombreux parents qui n'ont pas cette attitude, et je crois que c'est ce que nous commençons à voir dans les statistiques.

D'après ce qu'on dit, si l'argent est un facteur pour les personnes à faible revenu, il est plus probable que cela les empêche de terminer leurs études. Ils travaillent de longues heures pour subsister — ils ne bénéficient pas des régimes de soutien dont disposent les personnes à revenu plus élevé — et cela pourrait être un facteur pour déterminer s'ils mènent ou non leurs études à bien. À moins que je ne fasse erreur?

Comme nous sommes à l'échelon fédéral, que peut faire le gouvernement fédéral pour contrer ces obstacles non financiers? Quand les gens disent gouvernement fédéral, ils pensent automatiquement à plus d'argent. Que pouvons- nous faire à l'égard de ces questions, de l'attitude des parents ou du fait que les parents n'ont pas poursuivi d'études postsecondaires? La question de l'éducation est essentiellement provinciale.

Monsieur Frenette, qu'est-ce qu'un « collège » au sens de ces statistiques? Tenons-nous compte ici des collèges et des écoles lorsque nous compilons les statistiques sur les universités? Il existe des écoles et des collèges spécialisés comme les instituts pédagogiques ou les collèges d'agriculture ou les hôpitaux universitaires, et ainsi de suite, mais il y a aussi les collèges communautaires. Nous avons le Collège algonquin ici à Ottawa, ou le collège George Brown et le collège Seneca à Toronto. A-t-on pris ces collèges en compte dans les statistiques? Avons-nous une idée juste de l'éducation postsecondaire? Nous parlons beaucoup de l'université, mais il existe aussi ces autres types de collèges.

M. Finnie : J'ai pensé à ces obstacles non financiers. Premièrement, vous dites qu'ils décrochent en raison du manque d'argent. Je pourrais attirer votre attention sur la page 192 du livre. Il s'agit d'un article que j'ai écrit en collaboration. Nous avons établi que de ceux qui quittent l'université avant d'avoir terminé leurs études, seulement 15 p. 100 affirment que c'est en raison d'un manque d'argent. L'étude révèle que les taux de décrochage sont bien inférieurs à ce que nous pensions parce que ces données dont j'ai parlé — l'Enquête auprès des jeunes en transition (EJET) — nous permettent d'étudier ces tendances d'une façon qu'il nous était impossible de faire plus tôt.

Le président : Comment ces 15 p. 100 se répartissent-ils par catégorie de revenu? La proportion est-elle plus élevée pour les étudiants à faible revenu?

M. Finnie : Je n'ai pas ces renseignements avec moi. Je pourrais vous donner cette réponse cet après-midi.

Que pourrait faire le gouvernement? C'est intéressant. Nous avons commencé une série de déjeuners-conférences stimulants à l'Université d'Ottawa, à l'École supérieure d'affaires publiques et internationales. Nous les appelons « policy lunches ». Nous réunissons des hauts fonctionnaires, des bureaucrates et des universitaires, et discutons officieusement de plusieurs sujets. Cette semaine, le thème était les enjeux stratégiques complexes. La discussion portait précisément sur ce que le gouvernement fédéral pourrait faire dans le contexte de ces enjeux complexes, qui chevauchent les administrations et se présentent au cours d'une vie. Je crois qu'il y a un certain nombre de choses que le gouvernement pourrait faire.

Premièrement, la fonction d'information. Elle est importante. Si, en tant que société, nous cernons clairement les questions et les problèmes et déterminons les solutions possibles pour améliorer la situation, alors la nation entière est mieux informée, et nous avons le potentiel d'appliquer des politiques, de prendre des mesures quelle que soit l'administration, d'aller de l'avant en misant sur cette vraie compréhension de la situation.

Deuxièmement, on a utilisé l'autre jour l'expression démodée de « discours d'intimidation ». Le premier ministre aurait pu prendre une position ferme l'autre soir lorsqu'il a terminé son concert. Ces positions importent aux jeunes et peut-être que pareille position pourrait avoir une incidence sur un garçon de 15 ans qui pourrait autrement ne pas songer à faire des études postsecondaires. Le gouvernement fédéral pourrait prendre une position ferme et affirmer que ce type d'éducation est important.

Enfin, le gouvernement fédéral peut émettre des chèques. L'éducation postsecondaire est un point complexe et délicat sur le plan des champs de compétence. Or, je considère la politique canadienne et les relations intergouvernementales ainsi : lorsque le gouvernement fédéral se présente avec son chéquier, il est habituellement le bienvenu à la table des négociations.

Le président : Oui, bien entendu.

M. Finnie : C'est une partie de la solution.

Le président : Comment le gouvernement fédéral peut-il contrer ces obstacles non financiers?

M. Mueller : Nous aimerions que tous les jeunes Canadiens qualifiés puissent entrer à l'université ou au collège. Vous en conviendrez, il s'agit d'un objectif universel. Ce qui est malheureux, c'est que, pour une raison que j'ignore, un jeune talentueux est parfois incapable d'être instruit dans un établissement postsecondaire.

Beaucoup de Canadiens ne prévoient pas fréquenter l'université, sans compter les collèges. Ils viennent d'un milieu où l'on n'envisage pas cette option. Nous devons élever leurs attentes.

Il n'y a pas si longtemps, au Canada, tout le monde croyait avoir un accès équitable aux soins médicaux. Actuellement, beaucoup de Canadiens croient peut-être que ce n'est pas le cas de l'accès à l'université. Des renseignements laissent croire que certaines personnes sont mal informées des coûts et des avantages associés à l'éducation universitaire. Elles ont tendance à surestimer les coûts et à sous-estimer les avantages. Il y a une énorme contrainte financière. Il faut expliquer à ces gens ce qu'est une université, combien coûtent les études universitaires et quels avantages ils tireront de cette expérience, sans compter les retombées de cette éducation sur la société.

Il existe beaucoup d'études américaines qui révèlent que ces renseignements sont importants. Dans ce cas, l'instruction des parents peut aider. Si l'un des parents est allé à l'université, il connaît les bourses et les prêts disponibles et il sait comment les demander, notamment. Les parents ne provenant pas de ce milieu n'en auront aucune idée. Ainsi, il est facile de se tromper dans les calculs des avantages et des coûts liés à cette éducation.

Des études récentes révèlent que les ménages à faibles revenus peuvent surmonter plus facilement cet obstacle, réel ou perçu, si on les aide tout simplement à remplir une demande de prêts, ou encore si on en simplifie la procédure, parce qu'on si perd vraiment — et c'est le résultat de certaines études américaines.

Nous allons encore un peu plus en détail dans certaines de nos recherches. Intuitivement et empiriquement, il me semble que ce qui importe, en fin de compte, c'est de diffuser l'information, de changer les attentes des gens et de leur dire qu'ils peuvent étudier dans un établissement postsecondaire s'ils sont qualifiés.

M. Finnie : En ce qui a trait à la recherche, ce n'est que tout récemment que nous avons vraiment compris la nature de ces obstacles et de ces procédés. Nous avons ciblé nos études là-dessus depuis peu afin de trouver des solutions devant les facteurs déterminants que nous avons maintenant cernés. Voilà pourquoi nous n'en savons pas autant que nous le pourrions ou devrions. Il y a des études en cours, et elles doivent faire partie de nos projets futurs.

Le président : Il vous faut encore étudier la question davantage?

M. Finnie : Oui.

Le président : Monsieur Frenette, pouvez-vous faire quelques observations à propos des statistiques sur l'éducation postsecondaire relativement aux universités et aux collèges?

M. Frenette : La question était la suivante : tient-on compte de certaines études collégiales dans le calcul des crédits universitaires, étant donné que ces études pourraient mener à un diplôme universitaire? La réponse est non. Il est seulement question des programmes universitaires, car ces programmes mènent à l'obtention d'un diplôme. Si un étudiant commençait un programme au Collège algonquin, par exemple, il pourrait obtenir des crédits à une autre université sans qu'ils ne comptent. Essentiellement, c'est propre à l'université.

Cela dit, vous avez mentionné les instituts pédagogiques et les hôpitaux universitaires. Si ces établissements sont affiliés ou qu'ils mènent à l'obtention d'un diplôme, ils sont inclus. Les instituts pédagogiques mènent habituellement à un B.Ed., et ce serait donc inclus.

Le président : Vous n'examinez pas les collèges communautaires?

M. Frenette : Non, l'étude est axée sur les universités. On pourrait mener une autre étude sur l'éducation postsecondaire en général, ou uniquement sur les collèges. Il n'y a pas de problèmes.

Le président : Merci beaucoup.

M. Finnie : Dans la plupart des travaux effectués par M. Mueller et moi-même, nous avons étudié les collèges, ainsi que les universités.

Le président : Beaucoup de vos statistiques incluent les collèges.

M. Finnie : Oui, vous trouverez ces renseignements dans des documents plus détaillés.

Le sénateur Keon : Merci beaucoup. Je suis ravi de vos témoignages.

Je vais commencer par l'éducation primaire. Si je pousse l'analogie à la santé, monsieur Finnie, je vais reprendre l'exemple du garçon de 9e année portant des pantalons amples. Je conviens qu'il y a toujours une influence, mais je crois qu'il est beaucoup trop tard. Je crois qu'il vous faut commencer en 1re année et peut-être même en maternelle.

Il est intéressant qu'au Canada, les garçons de 10 ans ou même de 8 ans sont encadrés par des équipes sportives professionnelles s'ils sont particulièrement bons. On les fait participer, ils sont choyés, et ainsi de suite. Certains d'entre eux sont assez chanceux pour obtenir des bourses. La plupart des bourses sont aux États-Unis, mais ils sont obnubilés par tout cela. Selon moi, cela influe considérablement sur le fait que les garçons ne se rendent pas à l'université — un phénomène effrayant. Il ne s'agit que d'un élément. Comme vous le dites, monsieur Finnie, c'est très vaste.

J'aimerais que vous nous disiez comment l'éducation primaire pourrait être réformée pour que l'on apprenne aux enfants, dès le début, qu'il est extrêmement avantageux d'être bien instruit.

Récemment, à l'occasion d'une rencontre familiale, je parlais de ma propre famille : je suis issu d'une grande famille dont je suis le cadet, et tous mes frères et sœurs sont diplômés de l'université. Pour moi, c'était simple comme bonjour; la suite logique était l'université.

Je crois que les enfants doivent apprendre cette notion à l'école primaire. C'est peut-être un énorme défaut de notre système de l'éducation, qu'il ne prépare pas les enfants à l'éducation postsecondaire. Qu'en pensez-vous?

M. Finnie : À mon avis, chaque période est importante. On peut commencer à intervenir en 9e année parce que c'est raisonnable, mais il n'y a aucune raison de penser que c'est le moment idéal. Je vais ramener le tout au coût des avantages; je suis un économiste. À quel moment devons-nous intervenir pour que ce soit le plus efficace? Il faut comprendre la nature de ces processus. Ce sont des processus complexes et permanents. Nous ne le savons donc pas, mais c'est bien possible.

En Colombie-Britannique, il y a un programme expérimental où l'on donne certains cours à des jeunes de 9e année qui réussissent tout juste. Cela peut-il avoir un effet? Il s'agit là d'une expérience parmi tant d'autres, et je ne sais pas combien nous pourrions ou devrions en mener pour déterminer ce qui porte des fruits et pour savoir à quel moment il est plus efficace d'intervenir, ainsi que le genre d'intervention qui donne les meilleurs résultats. Nous ne le savons tout simplement pas actuellement, mais vous avez peut-être bien raison.

M. Mueller : Lorsque ce comité s'est réuni hier, quelqu'un a parlé de rassembler les statistiques de toutes les provinces ou de quelque chose de la sorte. Nous avons besoin de meilleures données. Nous ne comprenons pas vraiment ce qui se passe dans les écoles primaires et secondaires, et particulièrement pas du point de vue de la recherche qui nous permettrait d'examiner ces éléments et de tenter de généraliser les groupes et ce qui se passe. La collecte de meilleures données serait la première étape à franchir.

La fin de semaine dernière, nous avons eu un atelier. Quelqu'un parlait des données de la Colombie-Britannique; elles sont recueillies tout au long des études des jeunes, du primaire jusqu'au postsecondaire. Voilà le genre de données qu'il nous faut. L'une des raisons pour lesquelles nous ne pouvons pas nous attaquer à certaines de ces questions dans notre étude sur le postsecondaire, c'est simplement que nous n'avons pas les données nécessaires. De plus, beaucoup de travail est réalisé par d'éminents économistes et par d'autres personnes, dont des spécialistes du développement de l'enfant, qui se penchent sur ce qui se passe.

Je crois comprendre qu'un débat fait rage en ce moment au sujet du meilleur moment d'intervenir. La plupart s'entendent pour dire qu'il est préférable d'agir plus tôt, mais jusqu'à quel point? Certains diront que les âges de zéro à deux ans ou de deux à six ans sont peut-être importants; d'autres encore disent qu'il faut le faire in vitro. Nous ne savons pas. Nous ne savons certainement pas comment en calculer les conséquences, compte tenu des données que nous avons actuellement.

Le sénateur Keon : Vous ne pouvez pas lancer l'étude sans intervenir.

M. Mueller : C'est exact, et ce genre de recherches comporte de nombreuses difficultés.

M. Frenette : Je vais parler de certaines recherches qui ont été faites. Je ne prétends pas être expert, car je ne mène pas ce genre de recherches, mais je vais vous parler de ce qui a été fait aux États-Unis.

Sur le plan des facteurs qui contribuent aux premières années à l'école, on a établi un lien négatif entre l'effectif des classes et le rendement scolaire. Pendant quelques années, la documentation contenait beaucoup de débats parce que les études se contredisaient; puis, on a commencé à expérimenter et à placer les élèves dans des classes ayant des effectifs différents de façon aléatoire, selon une expérience STAR du Tennessee. STAR signifie « Student-Teacher Achievement Ratio » ou rapport de rendement élèves-enseignant. Je peux vous procurer une copie de l'étude, qui montre bien les conséquences causales négatives de l'étude.

Sénateur Keon, vous avez parlé des différences entre les garçons et les filles, du fait qu'il est moins probable que les garçons fréquentent l'université, et cetera. Selon certaines études américaines, le sexe de l'enseignant est très important. Au cours des premières années, il est plus probable que l'enseignement soit donné par des femmes; dans les années qui suivent, à l'école secondaire par exemple, le nombre d'enseignants rejoint plus ou moins celui d'enseignantes. Selon l'étude menée par Thomas Dee aux États-Unis, le sexe de l'enseignant contribue aux progrès des garçons et des filles. Le fait qu'un enfant a un enseignant du même sexe que lui a des conséquences positives.

Le sénateur Keon : Merci. C'est intéressant.

[Français]

Le sénateur Dawson : J'aimerais tout d'abord remercier le sénateur Segal. Je trouve malheureux que ce soit les Québécois qui doivent se plaindre du fait que les documents ne sont pas soumis dans les deux langues officielles et qu'ils finissent par passer pour les méchants.

[Traduction]

C'est toujours difficile à faire lorsqu'on est Québécois. C'est difficile de dire qu'on ne veut pas le document. En fait, le livre, comme vous l'avez peut-être remarqué, est en anglais, mais vous pouvez tout de même y faire des renvois; c'est une question dont on pourrait débattre. L'avantage du fait que le livre soit en anglais, c'est que les chapitres d'introduction contiennent six lignes en français. Je les ai parcourus, et j'ai maintenant un court résumé du livre.

J'attire votre attention sur le tableau qui figure à la page 245 et qui montre les frais de scolarité au Québec en particulier, par rapport au reste du pays. La moyenne des frais de scolarité pour une année d'études postsecondaires au Québec est de 2 000 $; celle de la Colombie-Britannique est de 6 000 $. Si le coût entre en ligne de compte, avez-vous des statistiques sur la différence entre le Québec et le reste du pays? Connaissez-vous la différence entre l'éducation de la minorité en Ontario ou au Québec et ses conséquences sur le niveau postsecondaire? Je suis sidéré par les statistiques sur les femmes : 38 p. 100 des femmes poursuivent leurs études, comparativement à seulement 25 p. 100 des hommes. Je n'ai pas eu le temps de remarquer la progression ou la régression. De plus, seulement 50 p. 100 des personnes qui entreprennent des études postsecondaires obtiennent leur diplôme. Est-ce que davantage de femmes que d'hommes terminent leurs études?

Mon fils a 19 ans; je comprends donc ce que vous voulez dire lorsque vous parlez des pantalons trop amples. Il fréquente le Cégep, dans le cadre d'un programme de quatre sessions qui dure normalement deux ans. Toutefois, 60 p. 100 des garçons le terminent en cinq sessions, tandis que probablement 90 ou 95 p. 100 des filles le font en quatre sessions, tel que prévu. Or, le processus d'intégration à l'université n'est pas le même pour un étudiant qui finit son Cégep en décembre et qui commence l'université en janvier que pour quelqu'un qui commence en septembre. C'est un éternel problème.

Je veux parler de la différence entre le Québec et les autres provinces. Est-ce que le fait que les frais de scolarité sont beaucoup moins élevés au Québec a des conséquences positives, ou est-ce simplement de l'argent qui n'est pas perçu et utilisé? Évidemment, c'est la même chose au Québec. Les gens riches payent moins cher pour fréquenter l'université au Québec, ce qui signifie que les gens pauvres n'ont tout de même pas l'argent nécessaire pour y aller. Je me demande si quelqu'un s'est penché sur la différence du point de vue mathématique.

M. Finnie : C'est évident que les frais de scolarité sont beaucoup moins élevés au Québec; en fait, le Cégep est gratuit. À environ 2 000 $ par année, ce sont de très loin les moins élevés au Canada. Dans d'autres provinces, ils peuvent varier entre 4 000 $ et 7 000 $ par année. Or, les taux de participation à l'université en particulier sont les moins élevés au Québec. Pourquoi? Parce que les frais de scolarité ne sont pas le facteur principal qui détermine qui fréquente l'université. En fait, si on se penche sur les raisons pour lesquelles les Québécois ne vont pas à l'université, on découvre que c'est parce qu'ils ne sont pas intéressés. Qu'est-ce que cela signifie? Cela reflète la motivation, la préparation et plus encore.

Nous profitons de certains changements dans les frais de scolarité dans le cadre de quelques-uns des projets auxquels je travaille en ce moment. Il y a eu une augmentation considérable en Colombie-Britannique entre 2001-2002 et deux ou trois ans plus tard environ. Nous nous servons de l'expérience qui se produit naturellement sur le plan des données pour tenter de déterminer les conséquences des frais de scolarité. Y a-t-il eu une baisse importante dans les taux de participation en Colombie-Britannique ou parmi certains groupes? J'ai présenté cela en partie au cours de notre atelier le week-end dernier. Puisque nous en sommes toujours plutôt aux étapes préliminaires, je préférerais ne pas en dire plus à ce sujet. Et pour ce qui est d'environ 50 p. 100 qui finissent, vous ne vous êtes pas rendu assez loin dans le document.

Le sénateur Dawson : Je m'en suis tenu au chapitre en français.

M. Finnie : Je vois. Dans le chapitre que Theresa Qiu et moi avons rédigé, c'est le taux noté pour un programme donné, dans un établissement donné. Toutefois, si l'on considère l'ensemble des établissements, les gens qui quittent et puis qui reviennent ou qui se déplacent, le taux d'obtention de diplôme universitaire après cinq ans augmente : il passe de 50 p. 100 à 70 p. 100, ce qui est semblable au collège et, de plus, 20 p. 100 des gens sont encore en train de poursuivre leurs études postsecondaires. Le taux de décrochage total n'est donc pas de 50 p. 100, ni même de 30 p. 100; il est plus près de 10 p. 100 après cinq ans. Ce point est très important.

Enfin, dans un autre article, un collègue et moi examinons les conséquences de l'année de congé, des gens qui prennent une pause pendant leurs études. Cela semble avoir un effet plutôt positif. La plupart du temps, les gens qui prennent une année de congé sont ceux qui ne réussissaient pas très bien au secondaire. Ils prennent congé, et lorsqu'ils reviennent, ils réussissent aussi bien que les autres. Cela semble presque avantageux, mais ces trajets précis — le moment où ils entrent —, je ne crois pas qu'on se soit penché là-dessus. On pourrait le faire. C'est un sujet de recherche intéressant.

M. Frenette : Premièrement, je tiens à m'excuser du fait que nous n'avons pas de diapositives en français. Nous avons reçu l'avis tard et nous y travaillons depuis ce matin; nous vous les fournirons dès que possible.

Deuxièmement, au sujet de l'écart entre les sexes en ce qui concerne la fréquentation des universités, vous avez demandé si cela avait changé à un certain moment. En fait, la réponse est oui : il y a eu un renversement total. En 1971, 68 p. 100 des étudiants d'universités étaient des hommes; en 2001, 58 p. 100 étaient des femmes. Il y a eu un renversement total au cours des 20 ou 30 dernières années.

Le sénateur Dawson : Peut-être que la même chose se produira au Sénat ou au Parlement.

Le sénateur Eaton : Merci de vos exposés fascinants. Peut-être faudrait-il commercialiser l'éducation postsecondaire dans un sens plus large. Certaines personnes ne sont pas faites pour les études, mais nous semblons avoir accordé à l'université un statut très élevé comparativement à celui qui est accordé aux autres établissements postsecondaires.

Des études n'ont-elles pas démontré que, lorsque les garçons et les filles sont instruits ensemble, les filles en bénéficient contrairement aux garçons, en particulier lorsqu'ils atteignent les années plus avancées? Les garçons apprennent différemment. Si nous menions davantage d'études sur ce facteur et si nous le modifiions, nous serions peut-être en mesure de motiver et d'encadrer les garçons afin de nous assurer qu'ils poursuivent des études postsecondaires.

Les universités et les écoles secondaires tiennent-elles compte des difficultés d'apprentissage des étudiants? Je pense que le facteur linguistique touche nos groupes d'immigrants. L'an dernier, je lisais dans le New York Times des études selon lesquelles le système scolaire new-yorkais était en train de constater que bon nombre de leurs étudiants latino- américains abandonnaient l'école en 8e et 9e année parce que leur maîtrise de l'anglais n'était pas suffisante, alors ils renonçaient simplement.

Si l'on étudie un peu la situation ici même, on constate que la probabilité que les immigrants apprennent l'anglais ou le français est de moins en moins grande. Seulement 25 p. 100 d'entre eux choisissent de le faire. Contrairement à ce qui se passait autrefois, la nouvelle vague d'immigrants n'arrive pas au Canada en provenance de pays principalement européens où ils ont probablement appris le français ou une langue latine. Ils viennent d'Asie ou du Moyen-Orient et ne prennent pas aussi souvent la peine de maîtriser l'anglais ou le français qu'ils le faisaient auparavant. Ce facteur peut avoir une incidence sur le nombre d'étudiants qui abandonnent leurs études universitaires ou qui ne poursuivent pas des études postsecondaires. Avez-vous des observations à formuler à ce sujet?

M. Mueller : Vous dites que 25 p. 100 d'entre eux n'apprennent ni l'anglais, ni le français? On parle des immigrants, n'est-ce pas?

Le sénateur Eaton : Seulement 25 p. 100 d'entre eux en profitent pour apprendre l'anglais ou le français lorsqu'ils arrivent au Canada.

M. Mueller : Cela ne tient peut-être pas compte de ceux qui possèdent déjà des connaissances linguistiques avant d'arriver. Notre politique en matière d'immigration est structurée de manière à sélectionner les gens en fonction de ces critères.

Le sénateur Eaton : Oui, mais nous n'encourageons pas les gens à parler couramment nos deux langues officielles autant que nous le pourrions.

M. Mueller : D'accord. C'est très bien. Mais, si nous examinons les avantages et les coûts de l'immigration sur une plus longue période, nous constatons que l'un de ces avantages, c'est que, dès la deuxième génération, bon nombre des caractéristiques qui différenciaient les immigrants des personnes nées au Canada commencent à disparaître. Nous pourrions examiner cet angle. Des gens peuvent venir ici et ne pas vouloir apprendre l'anglais ou le français, mais il est probable que leurs enfants le voudront. Il existe certaines exceptions à cette règle. Si nous comparons le Canada à certaines parties de l'Europe où existent des enclaves d'immigrants, je soupçonne qu'une personne est beaucoup moins motivée à apprendre la langue locale lorsqu'elle est entourée de membres de son propre groupe linguistique. Au Canada, je n'ai pas entendu parler de problèmes de ce genre jusqu'à maintenant, mais je pourrais me tromper.

M. Frenette : Avec votre permission, je ne suis pas un expert en la matière, mais vous avez mentionné qu'il était possible que les enfants de la deuxième génération d'immigrants apprennent l'anglais ou le français. Il existe une étude menée par un professeur de l'Université Carleton, Christopher Worswick, qui analyse le rendement scolaire d'étudiants dans diverses matières, dont la lecture, je crois, et en particulier celui des enfants d'immigrants. Il serait peut-être utile d'examiner cette étude.

Le sénateur Eaton : Je fais également allusion aux immigrants qui ont des enfants et dont la langue maternelle n'est ni le français, ni l'anglais.

M. Finnie : Ils se débrouillent bien. L'étude tenait seulement compte des enfants qui avaient 15 ans ou moins lorsqu'ils sont arrivés ici et mettait l'accent sur l'EPS. Pour tous les groupes d'immigrants, les taux de participation à l'éducation postsecondaire, en particulier de niveau universitaire, étaient plus élevés que ceux des Canadiens nés au pays. Certains étaient même étonnamment plus élevés. Par exemple, 90 p. 100 des Chinois fréquentent l'université, et 8 p. 100 de plus suivent des cours collégiaux. À condition d'arriver assez tôt, les enfants d'immigrants semblent bien s'en tirer. En dehors de cela, il y a l'éducation des adultes, c'est-à-dire une autre question que notre étude n'aborde pas.

Le sénateur Eaton : Avez-vous mené vos études à Toronto et à Vancouver?

M. Finnie : Nos données sont recueillies à l'échelle nationale, et nous utilisons un échantillon représentatif. Oui, ces enfants se débrouillent très bien.

Le sénateur Eaton : Avez-vous effectué des études dans lesquelles les garçons étaient séparés des filles à un plus jeune âge afin qu'on leur enseigne d'autres styles d'apprentissage avant qu'ils commencent leurs études postsecondaires?

M. Frenette : Cela exigerait une réforme massive du système scolaire et créerait des écoles séparées.

Le sénateur Eaton : Nous devrons peut-être nous y résoudre si le nombre de garçons qui vont à l'université continue d'être inférieur à celui des filles. Il faudra peut-être que nous y réfléchissions.

M. Finnie : Il existe quelques recherches à ce sujet, mais aucune que nous ayons menée nous-mêmes. Il serait intéressant d'en apprendre davantage sur quoi que ce soit ayant trait au système allant de la maternelle à la 12e année. Ces résultats seraient intéressants.

Le sénateur Ogilvie : Je vous félicite de nous avoir donné un exposé bien équilibré. Presque toutes vos principales observations cadrent bien avec l'expérience que j'ai emmagasinée pendant toute ma vie dans le domaine de l'éducation postsecondaire. Je suis absolument ravi de voir que nous commençons à recueillir les données qui nous aideront à dépasser la question de l'argent, qui est facile à régler sur le plan politique et dont le mouvement étudiant ou les politiciens se sont servis comme d'un moyen facile de résoudre bon nombre de ces problèmes, et la question de la rectitude, qui a grandement influé sur les enjeux qui se sont succédé au cours de ma vie, en particulier sur le système allant de la maternelle à la 12e année. Je crois que cela a eu une incidence considérable sur le changement qu'on a observé dans la volonté des jeunes hommes d'échapper avec succès au système en général.

Je suis absolument enchanté par le ton et la nature des enjeux qui ont été signalés et que vous avez abordés aujourd'hui. Cela nous motivera à fouiller les secteurs sous-jacents. Soit dit en passant, selon mon expérience à titre de gestionnaire d'une université, lorsque nous étions en mesure de repérer des étudiants au cours de leur dernière année ou de leur avant-dernière année, par l'entremise d'un principal ou d'un enseignant d'école secondaire qui reconnaissait qu'un étudiant promettait énormément, mais n'avait aucune motivation pour les raisons que vous avez mentionnées, nous parvenions ensemble à motiver cette personne à poursuivre ses études à l'université. Presque toutes ces personnes ont parfaitement réussi, mais c'est une façon coûteuse et sélective de faire avancer les choses. Toutefois, il y a manifestement des leçons à tirer de ces expériences.

En ce qui concerne les coûts, on nous répète constamment que les frais de scolarité de la Nouvelle-Écosse sont les plus élevés au pays. Et pourtant, si je me souviens bien, vous avez indiqué que nos taux de fréquentation étaient les plus élevés du pays et ce, depuis un certain temps. J'ai mené, il y a environ 10 ans, une étude qui envisageait la possibilité d'augmenter substantiellement les frais de scolarité pour les programmes internationaux. J'ai découvert que le nombre de demandes d'inscription aux programmes internationaux — les étudiants qui présentaient des demandes visant des programmes offerts à l'étranger, en particulier dans le domaine du commerce appliqué, de l'informatique, et cetera — était directement proportionnel au montant des frais de scolarité. C'est-à-dire que, plus la qualité du programme est jugée élevée, plus le nombre de demandes est élevé. Les endroits où les frais de scolarité étaient presque inexistants ne recevaient que peu ou pas de demandes.

J'ai également remarqué que vous présentiez des recherches principalement fondées sur l'enjeu universitaire. Cependant, vous avez effleuré la question des programmes d'apprentissage et des secteurs professionnels. C'est une importante facette de la direction dans laquelle nous nous engageons. Au cours de ma vie et jusqu'à récemment, mon expérience m'a appris que les Canadiens sous-estimaient les certificats et les programmes professionnels et d'apprentissage par rapport aux programmes universitaires. En d'autres termes, le message que notre société véhiculait quant aux personnes qui étaient vraiment importantes dans la société mettait énormément l'accent sur les diplômés de certains programmes universitaires. Cependant, même après avoir obtenu leur diplôme, les diplômés devaient souvent retourner à l'école et terminer un programme menant à un certificat afin de réussir dans la vie. Bon nombre de jeunes sont plus doués et plus tenaces lorsque leurs études sont plus pragmatiques. Si nous pouvions régler cette question tout en motivant les jeunes à l'égard de l'EPS, nous serions peut-être en mesure d'améliorer la structure adéquatement.

Il y a un deuxième avantage. Mon expérience m'a appris que, lorsque la main-d'œuvre ayant reçu une formation technique ou professionnelle est difficile à trouver, cela nuit au lancement d'entreprises dans certaines régions de notre pays. Par conséquent, nous avons moins d'entreprises que nous pourrions en avoir pour employer un plus grand nombre de ces gens aujourd'hui. C'est une partie importante du développement socio-économique.

J'ai seulement formulé des observations. J'étais extrêmement heureux de la teneur de votre exposé et ravi que vous ayez repéré et souligné des éléments qui pourraient avoir des effets bénéfiques sur notre avenir.

M. Finnie : Nous devons en apprendre davantage sur l'exemple dans lequel vous aidiez des étudiants à poursuivre leurs études. Qu'est-ce qui s'est passé exactement? Nous ne parlons pas, j'imagine, de les encadrer à partir de l'âge de cinq ou sept ans. Peut-être, serait-ce l'âge idéal, mais étant donné que nous ne l'avons pas fait, que pourrions-nous faire maintenant? Nous devons en apprendre beaucoup plus là-dessus.

Les écarts à l'échelle provinciale sont très intéressants. M. Mueller et moi sommes en train d'achever certaines nouvelles études à ce sujet. En Nouvelle-Écosse, les jeunes sont plus portés à faire des études postsecondaires, mais le taux d'abandon est plus élevé. Toutes sortes de fluctuations fort intéressantes se produisent d'une province à l'autre. Nous n'avons pas de système d'éducation postsecondaire à l'échelle nationale. Au lieu de cela, il y a 10 systèmes provinciaux et territoriaux à explorer.

Je vais répondre à vos observations concernant les collèges, ce qui reprend l'autre argument. Je reconnais que toute personne qui enseigne dans une université sait que le collège convient mieux à certains étudiants. Malgré cela, ils succombent aux pressions parentales et sociétales qui les poussent à aller à l'université; et c'est vraiment dommage. Le débat sur l'EPS devrait porter sur les gens que cela intéresse et sur le choix d'un programme qui leur convient et qui bénéficie à notre pays.

M. Mueller : Sénateur, vous avez mentionné que certaines personnes qui ont reçu une formation universitaire retournent à l'école pour suivre une formation professionnelle. C'est certainement vrai. Nous effectuons actuellement certaines recherches préliminaires sur les apprentissages. Nous sommes étonnés par le nombre de personnes qui ont fait des études collégiales et encore plus stupéfaits par le nombre de personnes qui ont fait des études universitaires et qui retournent à l'école pour suivre un apprentissage. Mon collègue laissait entendre qu'une mauvaise concordance pouvait survenir au début de certains programmes. Notre système est suffisamment flexible pour permettre aux gens de se rendre compte que leur choix ne leur convient pas et d'apporter les changements nécessaires.

Le sénateur Callbeck : M. Frenette, vous avez dit que 31 p. 100 des personnes dont le niveau de revenu est le plus faible fréquentent l'université. Quel est le plafond du revenu le plus faible?

M. Frenette : Par « plus faible », je voulais dire le quartile au revenu le plus faible, les 25 p. 100 les moins élevés. Je pourrais vous trouver les chiffres exacts. Je ne me souviens pas par coeur de la valeur maximale.

Si vous voulez le considérer comme le seuil de faible revenu, c'est probablement environ le double. Et pourtant, cela fait partie des 25 p. 100 inférieurs de la répartition du revenu au Canada. Je peux vous obtenir ces chiffres.

Le sénateur Callbeck : Vous avez mentionné que 10 p. 100 des étudiants considéraient que leur situation financière était problématique.

M. Frenette : Oui, 10 p. 100 de tous les étudiants.

Le sénateur Callbeck : Ensuite, vous avez mentionné 76 p. 100, puis plusieurs éléments — des résultats scolaires plus faibles, des parents moins scolarisés, moins d'incitation de la part des parents. Avez-vous la ventilation de ces 76 p. 100?

M. Frenette : Le niveau d'études des parents et le rendement scolaire sont les deux facteurs les plus importants. Je peux la repérer dans le livre, si vous le voulez.

Le sénateur Callbeck : Non, je peux le regarder.

M. Frenette : Ce sont les deux principales raisons qui expliquent l'écart dans la fréquentation universitaire. Les attentes parentales importent, mais pas autant que les deux premiers facteurs.

Le sénateur Callbeck : Vous avez parlé des conséquences du taux d'endettement sur des choses comme l'achat d'une maison. Vous avez mentionné le mariage. Vouliez-vous dire que les gens se marient moins ou qu'ils se marient plus tard?

M. Frenette : Ces résultats étaient valides au moment de l'étude. C'est une étude américaine. Quelques années après que les étudiants ont obtenu leur diplôme universitaire ou collégial, les analystes ont prélevé un échantillon d'étudiants et leur ont demandé s'ils s'étaient mariés. C'est à ce moment-là. Il est rare qu'on mène une étude longitudinale qui suit les gens à partir de l'âge de 20 ans.

M. Finnie : J'ai déjà rédigé un article là-dessus. Je ne l'ai jamais publié, mais j'y étudiais une série de données longitudinales et suivais mes sujets sur une longue période. J'établissais la corrélation entre leur niveau d'endettement, d'une part, et leur situation matrimoniale, leurs épargnes et le fait qu'ils avaient des enfants ou pas de l'autre. Les REER entraient dans la catégorie « épargnes ».

Au Canada, j'ai seulement pu observer un bref effet à court terme sur les REER des étudiants du collégial les plus endettés. Sinon, je n'ai pu constater aucun effet sur la situation matrimoniale et les épargnes des universitaires ni sur le fait qu'ils aient ou non des enfants.

Il faudrait bien que je publie tout ça. Je pourrais vous en envoyer une copie.

Le président : Nous vous en saurions gré, en effet.

M. Finnie : C'est une bonne étude, mais vous savez ce que c'est, on vient vite débordé; en fait, j'en ai toute une pile. Cette étude-ci a été lue et relue, et c'est pourquoi je m'y fie. C'est pour cela que j'en parle et que je parle moins des autres. Je fais attention.

Le sénateur Callbeck : J'aimerais bien avoir une copie.

M. Finnie : Je vous en enverrai une avec plaisir.

Le sénateur Callbeck : Vous avez également dit qu'il y avait des effets sur la recherche d'emploi. Qu'entendez-vous par là?

M. Frenette : Ce n'est pas ce que moi j'entends par là, mais bien les auteurs de l'étude américaine. Ils se sont intéressés à ce qu'ils ont eux-mêmes appelé les « emplois d'intérêt public » : infirmière, avocat de l'aide juridique, fonctionnaire, et cetera.

Selon les auteurs, plus les dettes d'une personne sont élevées, plus elle aura tendance à vouloir les rembourser rapidement. Que fera-t-elle? Elle choisira un emploi à Wall Street au lieu de devenir infirmière ou d'occuper un autre emploi moins rémunérateur.

Le sénateur Callbeck : Monsieur Mueller, à propos des statistiques sur le Canada atlantique et le taux élevé de gens qui y font des études postsecondaires; est-ce que ces données tiennent compte de l'endroit d'où viennent les étudiants ou de l'endroit où ils étudient. Par exemple, est-ce qu'un étudiant albertain qui étudierait en Acadie ferait partie de ces chiffres?

M. Finnie : Non.

M. Mueller : Je ne croirais pas. Nous avons notamment tenu compte du fait que la Nouvelle-Écosse peut compter sur un bon réseau universitaire et que le taux d'inscription à l'université y est particulièrement élevé, ce qui lui permet d'attirer des étudiants des autres provinces. Nous nous sommes cependant penchés sur la question, et si ma mémoire ne me fait pas défaut, je crois me rappeler que nous n'avions recensé qu'un petit nombre d'étudiants provenant d'une autre université ou d'une autre province. Chose certaine ce n'était pas suffisant pour biaiser les résultats de notre recherche.

M. Finnie : Et je peux même vous dire qu'il s'agissait pour la plupart d'étudiants ontariens qui allaient étudier en Nouvelle-Écosse. J'ai un article là-dessus. Et celui-là a été publié dans une revue et tout.

Quoi qu'il en soit, selon nos statistiques, la réponse à votre question serait « non ». Nous nous intéressons aux personnes qui ont grandi en Nouvelle-Écosse; ces personnes-là vont-elles ou non à l'université, peu importe où? En fait, je vous répondrai très exactement que nos chiffres ne sont aucunement gonflés par les étudiants des autres provinces qui fréquentent une université en Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Callbeck : Le président parlait des étudiants qui abandonnent leurs études. Vous disiez que 15 p. 100 d'entre eux le font pour des raisons financières. Avez-vous poussé votre analyse plus loin? Ces étudiants étaient-ils issus de familles à faible revenu? Le savez-vous?

M. Finnie : Je ne me rappelle pas. Le problème, c'est qu'ils sont tellement peu nombreux que l'analyse est quasiment impossible. Parmi tous ceux qui commencent des études universitaires, 15 p. 100 abandonnent en cours de route; du nombre, 15 p. 100 affirment que c'est à cause de leur revenu qui n'est pas assez élevé. On parle ici du quinzième d'un quinzième, ce qui nous donne une petite fraction de l'échantillon.

[Français]

Le sénateur Pépin : Ma question est complémentaire à celle du sénateur Eaton qui demandait quel était le meilleur temps pour intervenir. Pourquoi on ne reviendrait pas au temps où les filles et les garçons étaient séparés? Dans mon temps, les garçons avaient des professeurs et c'était des institutrices ou des religieuses qui enseignaient aux filles durant toute leur vie.

Au primaire, l'identification est importante. Mais au secondaire, lorsque tu es un garçon dans une classe mixte, tu commences à regarder les filles. Il y a une fille que tu trouves de ton goût, mais la fille en question performe mieux que toi à l'école. Tu es à côté d'elle et tu te sens moins bon.

Je pense que cette possibilité vaut la peine d'être explorée. On voit de plus en plus de filles dans les universités. Actuellement, la faculté de médecine est composée à 75 p. 100 de femmes. Je ne dis pas cela parce que je suis contre. Au contraire, je me suis tellement battue pour l'égalité des femmes. Mais il vaudrait la peine de savoir pourquoi les garçons interrompent leurs études dès le secondaire.

Les gars aiment bien se retrouver en classe avec les filles. Ils pourraient se rencontrer pendant les périodes libres, mais dans les classes, pendant les périodes d'étude, les garçons et les filles devraient étudier chacun de leur côté. Qu'est- ce que vous en pensez? En ferez-vous un sujet d'étude?

M. Finnie : Dans un prochain livre avec un collègue de l'Université Queen's, je vais traiter des facteurs liés au décrochage chez les garçons. Nous travaillons actuellement sur le sujet. Vous dites que les garçons se sentent mal à l'aise parce que les filles performent mieux qu'eux. Moi je pense que c'est l'inverse.

J'ai l'impression que pour les gars ce n'est pas « cool » de performer à l'école. Il y a peu de statistiques là-dessus, mais il serait fascinant d'explorer la question à fond.

Le sénateur Pépin : Ce n'est peut-être pas « cool » en ce moment, mais si les gars étudiaient uniquement avec des gars, la situation pourrait peut-être changer.

M. Finnie : Je pense qu'il faut chercher à savoir quels facteurs déterminants favorisent le décrochage chez les garçons. Il faut se demander ce qu'on peut faire pour éviter le décrochage. On pourrait tenter des expériences en changeant le ratio garçons-filles dans une classe donnée. On pourrait aussi intervenir auprès des jeunes garçons et les interroger à savoir pourquoi ce n'est pas « cool » de performer à l'école. Je crois que c'est l'avenir pour la recherche et pour les politiques.

Le sénateur Pépin : Aussi, pour ce qui est des professeurs au primaire, ce serait bon d'avoir des professeurs masculins, peut-être, pour les garçons, pour leur identification.

M. Finnie : Je pense que c'est bien possible.

M. Frenette : On mentionnait tantôt qu'il y a des recherches sur ce point, concernant les professeurs masculins.

Le sénateur Pépin : C'est inquiétant, d'ailleurs, de voir dans les universités, même en génie, que ce sont les filles qui dominent. C'est le cas dans mon université, en tout cas.

M. Finnie : En médecine, comme vous le dites, c'est deux tiers, à l'Université d'Ottawa. Et on voit plein d'immigrants, parce qu'ils ont la motivation. C'est cela, la question. Les filles ont la motivation, elles ont l'avenir en tête. C'est cela, la motivation.

[Traduction]

Le sénateur Cordy : Vous nous avez fourni une quantité impressionnante de renseignements ce matin. Ayant moi- même enseigné au primaire, j'ai été particulièrement intéressée d'apprendre à quel moment on commence à faire la promotion des études postsecondaires. Je crois personnellement que ça commence à la maternelle, où j'ai enseigné de nombreuses années.

Il y a une autre chose à laquelle je m'intéresse beaucoup et dont vous n'avez pas parlé, et c'est la participation à la vie étudiante, qui crée un sentiment d'appartenance à l'école. Est-ce que le sentiment d'appartenance que ressentent les enfants, que ce soit parce qu'ils font partie du conseil étudiant, d'une équipe sportive, et cetera, va les inciter à aller à l'université?

Malheureusement, de nos jours, nombreux sont les élèves du secondaire à occuper un emploi à temps partiel, ce qui nuit au sentiment d'appartenance. Certains ne travailleront qu'une dizaine d'heures par semaine, ce qui est encore gérable, mais certains autres travailleront jusqu'à 20 ou 30 heures par semaine. Je sais que vous en parlez dans vos documents et que vous dites que les emplois à temps partiel empêchent souvent les élèves de terminer leurs études. Le sénateur Dawson a parlé du temps que prennent les garçons pour terminer leur cégep par rapport aux filles. Les emplois à temps partiel sont-ils là aussi un facteur?

Vous nous avez dit que les raisons qui poussent une personne à faire des études postsecondaires sont très complexes. Vous nous avez même donné un exemple. Malheureusement, ce n'est pas un problème qu'on peut régler en prenant une Aspirine, ni en poussant un bouton ou en donnant plus d'argent. Ce serait trop beau si les choses étaient aussi faciles, mais elles ne le sont pas.

Les gens réunis autour de cette table comprennent tous les statistiques qui nous disent que les gens qui font des études universitaires ou postsecondaires sont plus susceptibles de gagner un salaire plus élevé que les autres. Quelqu'un nous a dit hier que, pendant la récession, il s'est créé 40 000 nouveaux emplois pour les diplômés universitaires, alors qu'il s'en est perdu 37 000 au total pendant la crise.

Comment faire pour passer le message aux élèves du secondaire de façon qu'ils le comprennent? Quand on a 15 ans, on s'intéresse seulement à ce qu'on va faire le lendemain soir ou le week-end; on ne pense pas vraiment au salaire qu'on va faire dans 10 ans. Comment faire pour parler aux jeunes de cet âge-là sans que notre message ne soit entendu que par des gens de notre âge?

Et je dois vous dire que ce que vous avez dit à propos de l'année de congé va rassurer un grand nombre de parents.

M. Mueller : Je crois que nous nous sommes aussi penchés sur ce phénomène, même si nous l'avons plutôt appelé « engagement étudiant » au lieu de « participation à la vie étudiante ». C'est tout ce qui fait qu'une personne se sent bien à l'école, en fait. Rien ne semble nous indiquer que ça joue d'une quelconque façon. Du moins pas dans les données que nous avons étudiées.

M. Finnie : Aussi surprenant cela soit-il.

M. Mueller : C'est en effet plutôt surprenant. Je pourrais vous en parler un peu plus longuement. C'est justement dans l'article.

Ces jours-ci, tout le monde semble s'entendre pour dire qu'un peu de travail rémunéré ne fait de mal à personne. En fait, tant que ça ne dépasse pas 10 heures par semaine, ce n'est pas une mauvaise chose et ça ne nuira pas aux études. On dit par contre ici qu'il vaut encore mieux ne pas travailler du tout. On dit également que ce n'est pas seulement le travail rémunéré qui a une incidence sur la poursuite d'éventuelles études secondaires, mais aussi le bénévolat et le sport. Le travail rémunéré a des répercussions négatives, tandis que le bénévolat et le sport ont des répercussions positives. Ce qui ne veut pas dire que j'inciterais pour autant les non-sportifs à faire du sport à tout prix. Ce qu'on peut comprendre de tout ça, c'est que c'est chez les élèves les plus motivés que la différence est la plus grande, c'est-à-dire ceux qui sont le plus susceptibles de travailler, de faire du bénévolat et d'avoir des bons résultats scolaires. J'imagine que c'est la même chose dans ce cas-là. Il n'en demeure pas moins que, dans un monde idéal, les élèves du secondaire ne travailleraient pas. M. Finnie répondra à la troisième question.

M. Finnie : Je vous répèterai d'abord que nos travaux de recherche sur l'enseignement postsecondaire se poursuivent. En fait, je vous dirais que les quelques recherches qui ont été réalisées au Canada ne sont pas très bonnes, mais que nous analysons et les données que nous avons utilisées ici et toutes sortes d'autres données pour obtenir une réponse satisfaisante. C'est extrêmement important. Il y a toute une série de facteurs, dont l'engagement, les progrès à l'intérieur du système, le travail et le temps consacré aux études. C'est extrêmement important. J'oserais dire que nous commençons à mieux comprendre la situation, mais qu'il est trop tôt pour vous donner une réponse définitive, contrairement à l'école secondaire.

J'aimerais revenir sur les propos de M. Mueller. Nous ne voulons pas nécessairement inciter les gens à devenir des athlètes. Le lien de causalité n'est pas aussi évident. Sauf que ça nous ramène au problème des garçons. Je ne peux pas m'empêcher de poser l'hypothèse selon laquelle le sport pourrait faire toute la différence. Ce qui nous amène également à la manière dont nous pouvons faire rapidement prendre conscience aux jeunes qu'ils ont tout avantage à poursuivre leurs études.

À mon sens, la solution passe par une intervention bien ciblée qui tiendrait compte de tous ces facteurs — ou par une série d'interventions, en fait.

De nos jours, les enfants sont sortis de l'école à 14 h 30 ou 15 heures. Et les parents ne sont pas toujours présents. Je ne suis pas traditionnaliste, mais peut-être y a-t-il quelque chose à faire à ce chapitre-là. Nous pourrions par exemple les inscrire à des activités, ce qui serait déjà bénéfique en soi. Nous pourrions peut-être par la même occasion les inciter à penser à ce qu'ils veulent faire de leur vie, pas seulement à ce qu'ils veulent étudier à l'université. Comme vous le dites vous-même, il serait peut-être bon qu'on les amène à penser plus loin que le lendemain ou le week-end.

Une fois de plus, je crois que c'est une question qui gagnerait à être approfondie. C'est la promesse de l'avenir, j'imagine.

Le sénateur Martin : J'aurais tellement de choses à dire, autant par rapport aux commentaires de mes collègues qu'aux vôtres.

J'ai moi-même une solution à vous proposer et une question à vous poser au sujet de la Colombie-Britannique, étant moi-même Britanno-Colombienne. Comme j'ai moi aussi enseigné 14 ans à l'école secondaire et 7 ans à l'école intermédiaire, c'est-à-dire à des jeunes de 11 à 13 ans, j'oserais dire que la préparation aux études postsecondaires commence dès la grossesse. Je rencontre une dame cette semaine, une Britanno-Colombienne comme moi, qui veut me parler du projet qu'elle cherche à lancer et qu'elle a appelé « Books for Babies », qu'on pourrait traduire littéralement par « des livres pour les bébés ». Je sais que la littératie constitue l'un des principaux objectifs de la plupart des écoles; j'ai moi-même fait partie d'une équipe d'intervention en littératie. Tous les enseignants — et tous ceux qui sont ici aujourd'hui — vous le diront : la littératie, le plaisir de la lecture et la quantité de livres lus influent directement sur les résultats scolaires, parce que la lecture fait partie intégrante de tous les programmes d'études. Pourtant, on s'aperçoit de plus en plus que les garçons ne lisent pas. Pourquoi, selon vous?

Dans l'équipe d'intervention dont j'ai fait partie, nous avons étudié un ouvrage intitulé The Joys of Teaching Boys. Les études sur le sujet sont nombreuses, mais vous avez raison de dire qu'il faut pousser les recherches plus loin. J'aimerais vous demander d'étudier la manière dont les garçons apprennent, c'est-à-dire différemment des filles. Durant mes 21 ans d'enseignement, j'ai vu je ne sais combien de garçons qui suivaient un programme adapté ou qui avaient des troubles d'apprentissage. Même l'autisme touche davantage les garçons que les filles. C'est la réalité des classes d'aujourd'hui et les répercussions sur les garçons, sur la manière dont ils réussiront en classe et sur la poursuite d'éventuelles études postsecondaires, sont directes. Les garçons peuvent représenter un défi pour les enseignants, mais un défi positif et stimulant. C'est un aspect auquel il faudrait accorder plus d'importance.

Vous savez, je crois, que les facultés universitaires responsables des sciences de l'éducation détiennent une partie de la solution. Elles pourraient en effet essayer d'attirer plus d'hommes dans leurs programmes, et c'est un cycle, je le sais, car c'est un processus qui commence très tôt. Je suis convaincue que le sénateur Cordy pourrait confirmer que les enseignants masculins sont en minorité dans la quasi-totalité des écoles primaires. La plupart en comptent un ou deux tout au plus.

Ce ne sont pas tous les garçons qui réussissent mieux lorsque c'est un homme qui leur enseigne, mais il est primordial qu'ils aient un mentor, un modèle à qui s'identifier à l'école. Par contre, l'équilibre est mieux préservé lorsque l'école est dirigée par une directrice et non un directeur. Il faudrait qu'il y ait plus d'hommes qui deviennent enseignants au primaire et il faudrait que nous — en tant que nation — saisissions toute l'importance que revêt cette question. Je ne dis pas que ça règlera tous les problèmes, mais c'est certainement quelque chose à encourager, ici comme chez nos leaders.

M. Mueller nous a dit qu'il y a moins de jeunes Britanno-Colombiens qui font des études postsecondaires qu'ailleurs. J'avoue que ça m'étonne, et j'aimerais savoir pourquoi.

M. Finnie : Les données sur la Colombie-Britannique se contredisent. Selon l'Enquête auprès des jeunes en transition, ce serait le cas. Par contre, d'autres données nous portent à croire que la différence ne serait pas aussi marquée qu'on le dit. J'aurais tendance, pour le moment, à me fier davantage à l'enquête, mais simplement à cause de la nature technique des données.

M. Mueller et moi sommes en train de rédiger un article. Une partie des résultats figurera dans le rapport final de notre groupe de recherche, le Projet MESA, pour « Measuring the Effectiveness of Student Aid », qui se traduirait par « de l'efficacité de l'aide financière aux études ». Nous nous pencherons alors plus attentivement sur les différences entre provinces. Nous avons par exemple constaté que les effets que peut avoir le revenu familial varient considérablement d'une province à l'autre. Il ne faut pas oublier que les provinces jouent un grand rôle en matière d'éducation. C'est ce genre de recherche qu'il faut mener si l'on veut expérimenter, déterminer ce qui marche bien au Canada et créer un programme efficace. C'est ça qu'il faut faire. La Fondation des bourses d'études du millénaire tire à sa fin. Le volet « recherche » en a certainement été l'un des plus appréciés. Or, il se terminera le 31 décembre. Le Projet MESA en faisait partie, et il se terminera lui aussi le 31 décembre. Nous essayons de trouver un moyen de poursuivre nos activités, et nous n'avons pas besoin de beaucoup d'argent. Le volet « recherche » et les objectifs connexes doivent être maintenus. Malheureusement, il n'y a encore rien de concret sur la table. Nous avons beaucoup appris au cours des cinq ou six dernières années, mais pour que tous nos efforts n'aient pas été vains, il va falloir des engagements. Il ne nous faut pas grand-chose, mais nous en avons bien besoin.

Voulez-vous me donner un coup de téléphone?

Le président : Oui et nous voulons vous donner de l'argent aussi.

M. Finnie : Nous avons un groupe de 25 à 30 chercheurs prêts à aller de l'avant. L'argent n'est pas un problème tant que nous avons les ressources; nous n'avons besoin que de quelques assistants en recherche.

Le sénateur Martin : Un psychologue scolaire s'est prononcé sur la théorie de l'attachement qu'a mentionnée le sénateur Cordy. L'attachement d'un garçon à un enseignant ou à un modèle masculin plutôt qu'à ses semblables pourrait être un facteur important le menant à des études postsecondaires. Voilà un sujet que j'aimerais que vous approfondissiez dans vos recherches. En terminant, je vous remercie pour tout le travail que vous avez accompli jusqu'à maintenant.

Le président : Tout ce qu'il a besoin c'est plus d'argent.

M. Finnie : Pas beaucoup.

Le sénateur Fairbairn : Je souhaite revenir sur une question qu'a déjà soulevée mon ami d'en face. Vous parlez du niveau d'instruction au pays et du moment où nous devons intervenir dans le développement d'un enfant. Le Canada ne pense toujours pas avoir un grave problème de littératie. Nous nous sommes attaqués à d'autres problèmes ces dernières années, mais la situation reste inchangée.

Nous examinons les occasions et les difficultés d'apprentissage des jeunes. La littératie demeure un important problème de société en Alberta et au Canada. La situation vous paraît-elle s'aggraver? À quel point devons-nous être préoccupés par le développement du potentiel des jeunes en apprentissage?

M. Mueller : Je comprends bien vos inquiétudes, mais je ne connais aucune recherche sur le sujet. Nous nous penchons sur les études postsecondaires. Nous savons que la lecture est un important facteur dans la poursuite des études postsecondaires, mais malgré la validité de votre intervention, je ne peux en dire plus.

M. Frenette : En ce qui concerne l'hypothétique régression en matière de littératie, le problème est d'obtenir des données comparables. Aucune donnée comparable n'existe au Canada au-delà des années 1990. En recherche, tout tient à l'existence des données.

Le sénateur Fairbairn : C'est malheureux.

M. Finnie : Dans le cadre de notre recherche, nous nous attardons aux résultats des élèves du secondaire année après année. Nous prenons également connaissance des résultats au test de lecture du Programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA). Voilà les principales données sur lesquelles nous basons nos travaux de recherche. L'Enquête canadienne auprès des jeunes en transition a été élaborée à partir de ces données. Au fil des années, les responsables de cette enquête ont eu la brillante idée d'accroître la taille de leur échantillon initial, de poser plus de questions et d'effectuer un suivi auprès des participants. Le plus important indicateur de la probabilité de poursuivre des études postsecondaires est le niveau de scolarité des parents, suivi par le résultat au test de lecture du PISA. Ces facteurs sont très importants. S'agit-il d'un hasard ou y a-t-il corrélation? Nous pourrions créer des programmes de lecture pour les écoles secondaires; voilà une proposition constructive. Une belle initiative est celle de la Children's Book Bank du quartier Jane et Finch de Toronto. Cet organisme m'a invité à visiter ses locaux après avoir eu vent de nos recherches par un article de Jeffrey Simpson. Ça ressemble à une librairie. Les enfants peuvent y choisir un livre et l'emporter; le livre est gratuit.

Il serait intéressant de voir les résultats de cette initiative ou ceux d'un programme de lecture. Ce sont les avenues qui s'offrent à nous.

Le président : Ceci conclut notre réunion. Je vous remercie de votre participation. Des informations très pertinentes nous ont été communiquées et il y a là matière à réflexion.

M. Finnie : Retournez à la maison et lisez notre livre.

Le président : Beaucoup de lecture nous attend.

S'il n'y a plus de questions, je lève la séance.

(La séance est levée.)


Haut de page