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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule 9 - Témoignages du 4 novembre 2009


OTTAWA, le mercredi 4 novembre 2009

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, qui a été saisi du projet de loi C-6, Loi concernant la sécurité des produits de consommation, s'est réuni aujourd'hui à 16 h 2 pour examiner le projet de loi.

Le sénateur Art Eggleton (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie. Nous allons poursuivre notre examen du projet de loi C-6, Loi concernant la sécurité des produits de consommation. Nous accueillons ce soir Carol Osmond, vice-présidente aux Politiques, de l'Association canadienne des importateurs et exportateurs. Avocate depuis 19 ans, elle s'est spécialisée dans le droit relatif aux douanes et au commerce international.

Après sa déclaration et la période des questions, j'aimerais que nous discutions entre nous de la façon dont j'envisage de conclure notre examen du projet de loi C-6.

Vous avez la parole.

Carol Osmond, vice-présidente, Politiques, Association canadienne des importateurs et exportateurs : Je tiens à remercier le président, le sénateur Eggleton, et les autres membres du comité de m'avoir invitée à comparaître devant eux aujourd'hui pour parler du projet de loi C-6, la nouvelle loi proposée en matière de sécurité des produits de consommation.

I.E Canada (l'Association canadienne des importateurs et exportateurs) est le principal porte-parole de la collectivité commerciale depuis 1932. Au service des petites, moyennes et grandes entreprises du Canada, elle regroupe des fabricants, des importateurs, des exportateurs, des grossistes, des distributeurs et des détaillants dans une vaste gamme de secteurs, dont l'alimentation et les produits de consommation.

Notre association est aussi membre de la Canadian Consumer Product Safety Coalition, une coalition de 12 associations commerciales nationales représentant des entreprises dans les secteurs de la fabrication, de l'importation et de la vente de produits de consommation. M. Warrington Ellacot, vice-président de l'Association canadienne des fabricants de gros appareils ménagers, au sein d'Electro-Federation Canada, a d'ailleurs témoigné la semaine dernière devant le comité, au nom de la Coalition.

Comme l'indiquait le mémoire présenté par I.E Canada au Comité permanent de la santé de la Chambre des communes, dont le comité a reçu copie, la majorité des produits de consommation vendus au Canada de nos jours sont importés. Selon les statistiques fournies par Industrie Canada, les importations représentent 55 p. 100 de tous les produits de consommation vendus sur le marché canadien, à l'exception de produits tels que la nourriture, les boissons et le tabac. Pour certaines catégories de produits, le taux d'importation est beaucoup plus élevé. C'est le cas notamment des vêtements, à 72 p. 100, des chaussures, à 87 p. 100, des appareils ménagers, à 83 p. 100, des bijoux et de l'argenterie, à 72 p. 100, et des poupées, des jouets et des jeux, à 96 p. 100.

La loi proposée aura une incidence directe sur nos membres, des fabricants, importateurs, grossistes et détaillants de produits de consommation. Nous avons suivi de près son évolution et participé activement aux consultations avec Santé Canada.

Je tiens à souligner au départ qu'I.E. Canada et ses membres sont d'accord avec l'objectif premier du projet de loi C- 6, qui est de protéger la santé et la sécurité des consommateurs canadiens contre les dangers que peuvent poser les produits de consommation. Notre association encourage ses membres à adopter de saines pratiques d'importation. Elle a notamment participé, avec l'Agence canadienne d'inspection des aliments et d'autres associations professionnelles nationales, à des initiatives visant à promouvoir de bonnes pratiques d'importation dans le secteur de l'alimentation.

Nous consultons aussi activement l'Agence des services frontaliers du Canada, l'ASFC, et sommes généralement favorables à ses initiatives, telles que l'Information préalable sur les expéditions commerciales, l'IPEC, et l'Interface à guichet unique avec les autres ministères, qui exigent la communication de renseignements électroniques à l'ASFC ainsi qu'à d'autres ministères, comme Santé Canada, avant de procéder à l'importation de marchandises, afin qu'on puisse évaluer les risques et déceler les menaces avant leur entrée au Canada.

I.E. Canada est aussi un des membres fondateurs du Réseau anti-contrefaçon canadien, le RACC, une coalition d'entreprises et d'associations qui ont décidé de s'unir pour combattre l'imitation frauduleuse des produits et le piratage du droit d'auteur au Canada. Le RACC s'est prononcé en faveur d'une loi s'attaquant aux infractions à la propriété intellectuelle. Cette loi accorderait notamment aux agents des douanes et aux policiers des pouvoirs accrus en ce qui concerne les produits contrefaits et piratés, qui constituent souvent un risque pour la santé et la sécurité des consommateurs.

Notre association est généralement d'accord avec le projet de loi C-6, avec toutefois certaines réserves. J'aimerais vous exprimer quelques-unes de nos principales préoccupations et serai heureuse de vous fournir plus de précisions pendant la période consacrée aux questions.

Commençons par l'article 14, qui concerne l'obligation de signaler un incident. Les délais indiqués ne sont pas réalistes, étant donné la façon dont les entreprises font enquête et évaluent les incidents. Selon la définition donnée dans la loi proposée, serait considérée comme un incident toute plainte déposée par un consommateur au sujet d'un produit suscitant des inquiétudes pour la santé et la sécurité des citoyens. Si toutes les plaintes de ce genre étaient communiquées au ministre, Santé Canada serait complètement débordé.

On pourrait corriger le problème soit en modifiant la définition d' « incident », soit en modifiant les paragraphes 14(2) et (3) pour qu'il soit clair que la période accordée pour signaler un incident commence à partir du moment où l'enquête et l'évaluation des risques sont terminées et qu'il a été déterminé qu'il y a bel et bien un risque pour la santé et la sécurité. Dans le cas des entreprises qui ne sont pas en mesure d'effectuer une enquête ou une évaluation des risques à la suite d'une plainte d'un consommateur, on devrait établir, par voie de règlement, des critères les obligeant à signaler les incidents dans les délais fixés.

Il y a ensuite l'article 30, qui accorde aux inspecteurs le pouvoir d'ordonner un rappel. Selon nous, seul le ministre devrait être autorisé à ordonner un rappel, ce qui serait conforme à l'article 12 du projet de loi, qui l'autorise à ordonner des essais, des études et la compilation de renseignements, de même qu'à l'article 19 de la Loi sur l'Agence canadienne d'inspection des aliments, qui autorise le ministre de l'Agriculture à ordonner des rappels. Une entreprise devrait aussi avoir la possibilité de rappeler volontairement un produit, d'être informée de la situation et de réagir avant qu'un ordre de rappel soit donné.

Les articles 16 et 17 traitent de la communication de renseignements commerciaux confidentiels. L'article 17.1 a été ajouté avant que le projet de loi ne soit adopté par la Chambre des communes, pour préciser que le ministre peut communiquer au public des renseignements relatifs au danger pour la santé et la sécurité humaine que présente tout produit de consommation. Nous sommes conscients du fait que Santé Canada doit transmettre rapidement toute information pertinente aux autres gouvernements ou aux consommateurs, ou les deux, en cas de danger imminent pour la santé et la sécurité des consommateurs.

Cependant, on devrait aviser l'entreprise concernée et lui fournir la possibilité d'examiner l'information en question pour qu'elle puisse s'assurer qu'elle est exacte et complète, afin de ne pas troubler ou induire en erreur les consommateurs, et qu'elle est communiquée de manière à limiter les impacts négatifs possibles sur les intérêts commerciaux généraux de l'entreprise. En outre, seuls devraient être communiqués les renseignements nécessaires à la protection de la santé et de la sécurité des consommateurs.

La loi proposée renferme plusieurs articles accordant au ministre ou aux inspecteurs de vastes pouvoirs de donner des ordres, mais n'offre que très peu de garanties procédurales. L'article 12 autorise le ministre à ordonner à toute personne qui fabrique ou importe des produits de consommation d'effectuer des essais ou des études sur ces produits et de compiler les renseignements que le ministre estime nécessaires pour vérifier le respect de la loi et des règlements ou pour en prévenir le non-respect.

Les articles 20 et 31 accordent aux inspecteurs le pouvoir d'ordonner à une entreprise qu'elle cesse de fabriquer, d'importer ou de vendre un produit donné. Vu l'étendue considérable de ces pouvoirs et le risque de perturbation des activités de l'entreprise, des garanties procédurales s'imposent. On devrait informer à l'avance les entreprises visées et leur fournir la possibilité de réagir avant de leur ordonner quoi que ce soit.

J'aimerais parler enfin des mesures imposées relativement à l'importation. Aux termes du paragraphe 13(4), la personne qui importe un produit de consommation à des fins commerciales pourrait être tenue de fournir des documents avant ou au moment de l'importation. Comme on n'indique pas la nature des documents en question, celle- ci devant être précisée par règlement, la vaste portée de ces dispositions suscite certaines inquiétudes. On se demande aussi si les biens importés seront traités différemment des biens fabriqués au Canada, et si les exigences imposées relativement aux biens importés, par rapport aux biens produits au Canada, ne risquent pas de constituer une dérogation aux obligations du Canada en vertu des accords commerciaux internationaux.

Selon la nature du produit et la raison pour laquelle les documents sont requis, Santé Canada pourrait ne pas avoir besoin des documents avant l'importation. Par contre, si le ministère veut avoir les documents avant ou au moment de l'importation, il ne faudrait pas que cette exigence retarde ou perturbe le processus d'importation, et les documents devraient pouvoir être transmis par voie électronique, conformément à l'initiative d'interface à guichet unique avec les autres ministères, dont il était question précédemment.

À l'ère de la mondialisation, plusieurs pays au sein d'une même région géographique ou d'une région différente peuvent se partager la conception, la production, la commercialisation et la distribution d'un produit, ainsi que le service après-vente. Il est peut-être plus compliqué, dans ce contexte économique, de vérifier et de réglementer la sécurité d'un produit de consommation, mais il faut se rappeler que c'est ce type de marché qui permet aux consommateurs de profiter d'un plus large éventail de produits de qualité, à des prix plus abordables. En outre, les entreprises de bonne réputation, comme celles que représentent notre association ainsi que la Canadian Consumer Product Safety Coalition, ont tout intérêt à s'assurer que les produits qu'elles fabriquent, vendent ou importent sont sécuritaires pour les consommateurs, afin de préserver leur réputation, leur rentabilité et leur viabilité à long terme.

La mise en application de mesures sans égard aux réalités du marché pourrait avoir pour conséquence involontaire de dissuader les fournisseurs étrangers de vendre leurs produits au Canada, réduisant ainsi la gamme de produits de consommation offerts aux consommateurs canadiens, car la fabrication de ces mêmes produits au Canada ne serait sans doute pas possible.

Les lois et règlements adoptés au Canada doivent tenir compte de la situation en Amérique du Nord et à l'échelle du monde entier. Il importe d'harmoniser autant que possible nos exigences avec celles des autres pays, notamment en ce qui concerne la déclaration des incidents, les rappels et les autres mesures correctives. Il faut aussi faire attention aux intérêts protectionnistes qui se cachent derrière les exigences concernant la sécurité des produits qui sont imposées par notre pays et par nos partenaires commerciaux, car ils pourraient nuire non seulement aux fabricants et aux importateurs canadiens qui vendent au Canada, mais aussi aux fabricants et aux exportateurs canadiens qui veulent percer sur les marchés étrangers.

Je suis prête à répondre à vos questions.

Le président : Merci de votre déclaration. Le texte ne nous sera distribué que lorsqu'il aura été traduit dans les deux langues officielles, et il comprendra les recommandations dont a parlé Mme Osmond.

J'aimerais vous signaler qu'en plus de nos membres habituels, nous avons le plaisir d'accueillir le sénateur Day, qui participe assidûment à toutes nos délibérations sur ce projet de loi. Il en est en effet le porte-parole officiel, et le sénateur Martin en est le parrain officiel. Ils sont tous les deux ici. Le sénateur Banks est avec nous également, surtout en qualité de remplaçant du sénateur Munson. Bienvenue à tous.

À la fin de votre déclaration, vous avez parlé, en termes généraux, de la nécessité de nous aligner sur les pratiques internationales. Quand les représentants de Santé Canada ont comparu devant nous, ils nous ont dit que les dispositions du projet de loi étaient tout à fait conformes à ce qui se passait tout au moins aux États-Unis et dans les pays de l'Union européenne, deux de nos principaux partenaires commerciaux. J'aimerais donc savoir si, à votre avis, ces dispositions y sont conformes ou pas.

Mme Osmond : Pour ce qui est des dispositions concernant le signalement obligatoire et le pouvoir d'ordonner des rappels, je pense qu'elles sont conformes. Ce qui ne l'est pas, par contre, c'est ce qui déclenche le signalement d'un incident. Des témoins vous ont dit la semaine dernière qu'aux États-Unis, les entreprises doivent signaler un incident dans les 24 heures. Mais la situation chez eux est différente car ce délai de 24 heures ne commence qu'une fois que l'entreprise a eu la possibilité de faire une enquête, de déterminer la cause de l'incident et de constater qu'un produit présente un grave défaut ou cause un grave problème. Ce sont donc les conditions qui exigent le signalement d'un incident qui nous préoccupent avant tout.

En fait, je ne sais pas exactement qui peut ordonner un rappel aux États-Unis. C'est une autre préoccupation que nous avons.

De plus, la Coalition a recommandé d'inclure dans le projet de loi une disposition générale plus prospective, indiquant qu'on tiendra compte, dans l'administration de la loi et la mise en application des futurs règlements, des exigences en vigueur dans les autres pays et, dans la mesure du possible, qu'on alignera nos exigences sur celles des juridictions étrangères et des provinces du Canada.

Le président : Je crois vous avoir entendu dire que la majorité des produits qui seront assujettis au projet de loi C-6 sont des produits importés. Je me demande comment on pourra appliquer ces dispositions aux produits importés. Leur imposera-t-on les mêmes normes de sécurité qu'aux produits fabriqués au Canada? Les uns seront-ils avantagés par rapport aux autres?

Mme Osmond : Lorsque des normes obligatoires s'appliquent à des produits, elles s'appliquent aussi, bien évidemment, aux produits importés. Certaines normes sont facultatives, elles ne sont pas toutes obligatoires. Tous les produits, qu'ils soient importés ou fabriqués au Canada, seraient assujettis de la même façon aux interdictions et exigences prévues par la loi proposée. Il n'y a pas de distinction entre les produits importés et les autres.

Ce qui nous préoccupe par contre, et j'en ai parlé tout à l'heure, c'est que le projet de loi oblige les importateurs à fournir certains documents avant d'importer des produits. Les fonctionnaires de Santé Canada nous ont assuré qu'ils n'avaient pas l'intention de nous imposer des procédures administratives excessives. Cependant, pour l'instant, nous ne savons pas quels documents seront exigés puisqu'il n'est question que de « documents réglementaires ». Nous devrons donc attendre l'entrée en vigueur des règlements ou des lignes directrices de Santé Canada pour savoir précisément ce dont il s'agit.

Le président : Justement, nous avons déjà eu beaucoup de discussions sur les intentions de Santé Canada. D'aucuns s'inquiètent de la façon dont cela sera administré. D'autres nous disent que ça ne s'est jamais fait jusqu'à présent, mais que personne n'a de mauvaises intentions. Par exemple, les représentants de Santé Canada nous ont dit qu'ils n'imposeraient pas de formalités coûteuses aux entreprises. C'est leur intention. D'un autre côté, vous avez cité l'article 14, sur le signalement obligatoire, comme exemple de formalités qui risquent de devenir un véritable fardeau.

Dans le cadre de notre examen du projet de loi, pouvons-nous nous contenter des intentions de Santé Canada ou bien devons-nous nous en tenir au texte de la loi? Vous êtes avocate, qu'en pensez-vous?

Mme Osmond : J'ai travaillé au Mexique pendant cinq ans. Il n'était pas rare de voir un industriel canadien venir rencontrer un nouveau partenaire mexicain. C'est un peu comme un mariage. Dans certains cas, on ne veut pas accorder trop d'importance au contrat parce qu'on veut faire confiance à l'autre et qu'on ne veut pas le vexer par le libellé de certaines modalités que pourrait contenir le contrat.

À mon avis, un contrat est une police d'assurance. Lorsqu'on fait des affaires avec quelqu'un, on pense que tout va bien marcher, et c'est d'ailleurs la raison pour laquelle on conclut un accord. Mais si vous signez un contrat, c'est parce que vous pensez que les choses peuvent mal tourner et que, dans ce cas, il faut avoir précisé à l'avance comment on réglera les problèmes.

Dans une certaine mesure, le même principe s'applique à une loi. Nous sommes convaincus que les fonctionnaires de Santé Canada qui ont rédigé le projet de loi et qui ont consulté l'industrie sont pleins de bonnes intentions. Nous avons le plus grand respect pour eux. Mais ce ne sont pas nécessairement les mêmes fonctionnaires qui vont veiller à l'application de la loi. Par exemple, c'est un inspecteur qui va avoir le pouvoir d'ordonner un rappel. C'est beaucoup de pouvoirs pour un inspecteur qui, pourtant, n'occupe pas un poste très élevé dans l'organisation.

Par ailleurs, la Loi sur les produits dangereux est en vigueur depuis une quarantaine d'années. La nouvelle loi restera peut-être, elle aussi, en vigueur pendant des décennies. Il faut donc être prudent. Il est nécessaire d'avoir des politiques, des documents administratifs et des règlements, mais il faut s'assurer que le projet de loi proposé n'est pas trop vague et qu'il ne donne pas trop de pouvoirs discrétionnaires aux fonctionnaires.

Le sénateur Keon : Je ne pense pas que vous nous ayez dit des choses que nous n'avions pas déjà entendues.

Mme Osmond : J'en suis consciente, j'ai lu les témoignages qui ont été déposés devant votre comité.

Le sénateur Keon : Mais vous les avez rendues plus intéressantes. J'aimerais revenir sur le signalement obligatoire. Vous avez proposé de modifier les paragraphes 14(2) et 14(3), mais de quelle façon exactement?

Mme Osmond : Lorsque Warrington Ellacot a comparu la semaine dernière, il a proposé un amendement au paragraphe 14(2). Ce que nous voudrions, c'est que l'entreprise ne soit obligée de signaler un incident qu'une fois qu'elle a pu déterminer qu'il s'agit d'un incident grave et que le produit présente un défaut ou un danger susceptible de menacer la santé ou la sécurité des consommateurs. M. Geralde vous en a donné un parfait exemple avec le grille-pain. Ce n'est pas le genre d'incident que vous voudriez signaler à Santé Canada, mais il faut du temps pour faire ce genre d'enquête. Or, nous craignons qu'avec le libellé actuel du projet de loi, l'entreprise ne soit obligée de signaler l'incident du grille-pain.

Le sénateur Keon : Selon vous, l'ordre devrait venir du ministre, contrairement à ce que prévoit le projet de loi.

Mme Osmond : Nous estimons que le pouvoir d'ordonner un rappel devrait appartenir au ministre. Je ne suis pas une spécialiste en la matière, mais quand je parle à des gens qui ont l'expérience des rappels de produits, notamment des produits alimentaires, ils me disent que le rappel d'un produit est généralement une mesure de dernier recours. Ce n'est pas une décision qu'on prend à la légère. C'est très sérieux. En général, la décision d'ordonner un rappel ou non n'est pas prise par une seule personne, mais par un groupe de personnes qui sont informées de la situation, qui ont examiné les faits et les preuves et qui ont déterminé que c'était la meilleure chose à faire. C'est la procédure prévue pour les produits alimentaires, et je ne comprends donc pas pourquoi nous adoptons un point de vue radicalement différent lorsqu'il s'agit de la sécurité des produits de consommation.

Le sénateur Keon : Je voulais parler de nos accords commerciaux internationaux, mais je le ferai plus tard car je sais que mes collègues veulent vous poser des questions.

Pensez-vous que nous pourrions répondre à vos préoccupations par voie de règlement, sans modifier le projet de loi?

Mme Osmond : De quelle préoccupation parlez-vous?

Le sénateur Keon : Du délai prescrit pour le signalement obligatoire. Bien sûr, si nous voulons que le ministre soit le seul à pouvoir ordonner un rappel, nous devrons modifier le projet de loi; mais pour ce qui est des autres problèmes que vous avez mentionnés, ne pourrions-nous pas le faire par voie de règlement?

Mme Osmond : Cela nous ramène à ce que nous disions tout à l'heure. Il y a des détails qu'il vaut mieux régler par voie de règlement, et même, dans certains cas, au moyen de lignes directrices. Par contre, lorsqu'il s'agit de questions fondamentales, il vaut mieux que ce soit énoncé clairement dans le projet de loi lui-même. Comme vous l'avez fait remarquer, si la loi donne ce pouvoir à un inspecteur, je ne pense pas qu'un règlement pourra en décider autrement. Les modalités relatives au signalement obligatoire sont aussi une question fondamentale, qu'il vaut mieux définir dans la loi plutôt que par voie de règlement.

Le sénateur Keon : Merci beaucoup. Je vous poserai mes autres questions tout à l'heure.

Le sénateur Banks : Mme Osmond, vous êtes avocate et je ne le suis pas, alors je vais me permettre de vous demander un avis.

Mme Osmond : Un avis personnel ou un avis juridique?

Le sénateur Banks : J'aimerais avoir votre avis au sujet de l'organisation que vous représentez. Vous avez dit que vous représentez des entreprises, des grandes et des petites. Vous avez dit aussi, comme d'autres d'ailleurs, que certaines des nouvelles formalités prévues par la loi ne poseront pas de problèmes particuliers aux grandes entreprises qui ont les moyens de s'en acquitter, mais que, pour les plus petites, ces formalités risquent de représenter un fardeau excessif.

L'article 47 du projet de loi prévoit que les sanctions seront déterminées plus tard, par voie de règlement. Mes collègues vous diront que je suis un disque rayé, que je répète toujours la même chose. Je reconnais avec vous que certains détails devraient être précisés dans la loi plutôt que par voie de règlement, mais nous y reviendrons tout à l'heure.

Commençons par le début. À l'article 48, le ministre peut désigner des agents verbalisateurs. À l'article 49, l'agent verbalisateur dresse un procès-verbal. À l'article 50, le contrevenant est déclaré responsable. À l'article 52, le contrevenant peut demander au ministre de transiger. Nous reviendrons là-dessus dans un instant. À l'article 53, le contrevenant est déclaré responsable d'une violation. À l'article 51, il avait déjà été déclaré responsable d'une violation, du fait de l'émission d'un procès-verbal. À l'article 52, le contrevenant a donc déjà été déclaré responsable. À l'article 53, le ministre qui a déjà émis un avis détermine si le contrevenant auquel il a déjà notifié un avis a commis une violation. Les articles 54 et 55 portent sur l'exécution des sanctions imposées aux contrevenants reconnus coupables. L'article 56 prévoit que le contrevenant ne peut invoquer en défense le fait qu'il a pris les précautions voulues pour empêcher la violation ou qu'il croyait raisonnablement et en toute honnêteté à l'existence de faits qui, avérés, l'exonéreraient.

L'article 57 dispose que, en cas de contestation, il appartient au ministre d'établir, selon la prépondérance des probabilités, la responsabilité du contrevenant.

Dois-je en conclure, et j'aimerais bien que vous me le confirmiez, que si une entreprise se retrouve dans cette situation, ce sont tous ses administrateurs, ses employés, ses agents et ses mandataires qui sont passibles de ces amendes? Si l'employé d'une entreprise est reconnu coupable d'une violation, c'est l'entreprise qui sera passible de ces sanctions?

Mme Osmond : C'est ce que je pense. Il y a beaucoup de dispositions.

Le sénateur Banks : Il ne s'agit pas d'une question pénale, mais la notion d'apparence de droit existe quand même en ce qui concerne l'intention. Or, j'ai l'impression qu'on nous demande d'en faire fi, puisque les moyens de défense qui sont autorisés en droit pénal et qui font traîner les procès en longueur ne sont pas applicables dans le cadre de ce projet de loi. Ai-je raté, entre l'article 49 et l'article qui impose des sanctions, une disposition qui permettrait à la personne nommée dans le procès-verbal de se défendre contre les accusations portées contre elle? S'il y en a une, je ne l'ai pas trouvée.

Mme Osmond : Dans notre mémoire au Comité permanent de la santé de la Chambre des communes, dont vous avez eu copie, nous exprimions des réserves à cet égard. Lorsque nous en avons fait part à des fonctionnaires de Santé Canada, ils nous ont dit qu'une entreprise ne se verra imposer ce type de sanction pécuniaire administrative que si elle refuse de faire ce que nous lui avons ordonné de faire.

Le sénateur Banks : Ce n'est pas ce que dit le projet de loi.

Mme Osmond : Il faudrait que je vérifie, mais je pense que si. Il est question, à un endroit, de la violation de certaines dispositions du projet de loi. Quoi qu'il en soit, une fois qu'il est écrit noir sur blanc que l'entreprise n'a pas fait ce qu'on lui avait ordonné de faire, je ne vois pas comment le contrevenant peut invoquer en défense le fait qu'il a pris les précautions voulues pour empêcher la violation.

Il est impossible de prévoir toutes les circonstances qui pourront se produire. Dans le cas du rappel d'un produit, l'entreprise aura beau faire, il y aura peut-être des produits qui seront restés en vente, à son insu. C'est donc, pour nous, une source de préoccupation car nous estimons que le contrevenant devrait pouvoir invoquer en défense le fait qu'il a pris les précautions voulues.

Le sénateur Banks : Merci. En guise de préambule à ma question, je vais dire qu'aucun membre du comité ne conteste l'objet de ce projet de loi, qui est de protéger les consommateurs.

Mme Osmond : Nous sommes tous d'accord là-dessus.

Le sénateur Banks : Toutefois, est-ce que nous nous y prenons de la bonne façon? Est-il justifié que le Parlement autorise le gouvernement et ceux qui lui succéderont à faire ce genre de choses? Les moyens employés sont-ils justifiés? Il arrive que le Parlement autorise le ministre à prendre des règlements, mais en le prévenant toutefois qu'il continuera d'exercer son contrôle. Le Comité mixte permanent d'examen de la réglementation, qui réunit les deux Chambres du Parlement, est chargé de s'assurer que tous les règlements et toutes les modifications apportées à ces derniers, qui sont publiés dans la Gazette du Canada, sont conformes à la loi et autorisés par elle; autrement dit, qu'ils n'aillent pas dans tous les sens.

Le paragraphe 36.1 prévoit qu'un règlement qui a été présenté sous la forme d'un règlement, qui a fait l'objet d'un examen et qui a été modifié par la suite n'a pas besoin de faire l'objet d'un autre examen. Est-ce acceptable?

Mme Osmond : Le paragraphe 36.1 ne s'applique qu'à certains règlements, et la procédure envisagée est différente de celle dont vous parlez. Il ne s'applique en effet qu'aux règlements pris en vertu des alinéas 36(1) a), b) ou c), qui portent sur les exemptions et sur les modifications à l'annexe de la loi où sont énumérés les produits interdits qui ne sont pas assujettis à cette loi parce qu'ils sont réglementés par d'autres lois.

On considère ici qu'il aurait en effet été impossible de prévoir ce genre d'exemption par voie de règlement sans commencer par soumettre ces règlements au Parlement.

Le sénateur Banks : Je n'ai pas cité le bon article, je vous prie de m'en excuser. Je voulais parler du paragraphe 36.1(6), à la page 21, qui dit que :

Il n'est pas nécessaire de déposer de nouveau le projet de règlement même s'il a subi des modifications.

Cela m'inquiète un peu. Est-ce que je vois des problèmes là où il n'y en a pas?

Mme Osmond : Cela ne s'applique qu'aux règlements qui doivent être soumis au Parlement.

Le sénateur Banks : Qu'aux règlements pris en vertu des alinéas 36(1) a), b) ou c), d'accord. Mais si le règlement est d'abord soumis au Parlement et qu'ensuite il est modifié, ne devrait-il pas être soumis à nouveau au Parlement? Êtes- vous à l'aise avec cette disposition? Je suppose que c'est le ministre qui l'aura modifié.

Mme Osmond : En effet. On part du principe, je suppose, que le Parlement a eu l'occasion de donner son avis sur ces règlements, et que cet avis a été pris en considération.

Le sénateur Banks : Si on disait : « même s'il a subi des modifications conformes aux recommandations du Parlement », ça serait déjà ça. Mais ce n'est pas le cas. Est-ce que je me trompe? Je pinaille peut-être, mais nous sommes en train d'adopter un projet de loi. J'aimerais bien savoir ce que votre association en pense.

Mme Osmond : Ce n'est pas un détail qui a attiré notre attention. Nous avons des préoccupations beaucoup plus importantes. Ce n'est que dans des circonstances exceptionnelles que des règlements sont soumis au Parlement. C'est ce qui est prévu dans ce cas, ce qui permet au Parlement de donner son avis. On tient compte de cet avis et on prend une décision.

Le sénateur Callbeck : J'aimerais vous poser une question au sujet de la procédure de signalement. C'est le premier problème que vous avez mentionné, dans votre déclaration, et je veux m'assurer que j'ai bien compris. Si un détaillant reçoit une plainte d'un client au sujet du défaut d'un jouet, il doit en informer l'importateur qui doit à son tour en informer le ministre de la Santé.

Mme Osmond : Je crois que le détaillant doit en informer à la fois l'importateur et le ministre de la Santé. Après 10 jours, c'est l'importateur, ou le fabricant si le produit est fabriqué au Canada, qui doit en informer le ministre.

Le sénateur Callbeck : Le délai de deux jours pour le faire vous pose-t-il un problème?

Mme Osmond : Cela pose des difficultés plus ou moins grandes selon la taille de l'entreprise. Nous aimerions bien que ce genre d'information circule très rapidement, mais en réalité, je sais qu'il faut du temps pour qu'elle parvienne à la personne responsable au sein de l'entreprise. Il faut ensuite déterminer si la plainte est justifiée. Quelqu'un a donné l'exemple d'une paire de chaussures qui avaient été rapportées « parce qu'elles me font atrocement mal ». Le problème est donc de s'assurer que la plainte parvient à la personne responsable au sein de l'organisation, et ensuite que celle-ci a la possibilité d'évaluer le bien-fondé de l'information et de déterminer si le produit présente un défaut ou un danger qui nécessite son signalement aux autorités compétentes.

Si l'entreprise n'a pas la possibilité de le faire, vous risquez d'être inondés de signalements. Et quand on reçoit trop d'informations, c'est aussi dangereux que lorsqu'on n'en a pas assez. Comment allez-vous faire pour déterminer, au milieu de cette avalanche d'informations, lesquelles sont des plaintes justifiées?

Il y a ensuite le délai de 10 jours qui est donné au fabricant ou à l'importateur. Cela peut poser des difficultés car, encore une fois, ce genre d'enquête prend du temps. Si le produit a été fabriqué dans un autre pays et que l'entreprise traite avec un intermédiaire, et pas directement avec le fabricant, il peut y avoir des problèmes de langue. Le projet de loi prévoit même que vous devez signaler les incidents qui se produisent dans des juridictions étrangères. Dans ces cas-là, il peut être difficile d'obtenir ce genre de renseignements.

Il faut trouver un juste équilibre; si vous ne donnez pas à l'entreprise la possibilité de déterminer si l'incident représente un risque grave avant de l'obliger à le signaler, vous risquez d'être inondés de rapports de signalement dont le bien-fondé n'aura pas été vérifié.

Le sénateur Callbeck : Mais ces 10 jours pourraient être critiques si le jouet présente un danger réel pour les enfants. Voulez-vous dire qu'il ne faut pas de délai du tout? Voulez-vous dire qu'une entreprise ne devrait pas être obligée de signaler un incident tant qu'elle n'a pas pu vérifier si le produit est dangereux ou non, comme dans l'exemple du grille- pain que vous avez donné? J'essaie de comprendre ce que vous voulez exactement.

Mme Osmond : Il est difficile de fixer un délai précis. Tout dépend de la nature du produit, comment et où s'est produit l'incident, et combien de temps va prendre l'enquête. Cela peut dépendre aussi de la nature du risque et de la nature du produit. Vous avez raison, s'il s'agit d'un produit destiné aux enfants, il faudrait que l'enquête se fasse très rapidement.

À notre avis, c'est à l'entreprise qu'il appartient de faire ces enquêtes, avec prudence et célérité. Mais il est difficile d'exiger qu'elle se fasse dans un délai de 10 jours.

Le sénateur Callbeck : Le ministre reçoit le rapport de signalement, mais le projet de loi ne dit pas s'il doit l'examiner et faire connaître sa réponse à l'importateur ou au détaillant dans un certain délai. Pensez-vous qu'il faudrait fixer un délai, ou que la disposition actuelle est suffisante?

Mme Osmond : Nous nous attendons bien sûr à ce que le ministre ou le ministère examine ces rapports dans les plus brefs délais et qu'il fasse connaître sa réponse à l'importateur ou au fabricant. Cela nous ramène au problème que nous avons mentionné, à savoir que le ministère risque d'être inondé de rapports. Il est évident que si les entreprises sont obligées de signaler tous les incidents dans un délai extrêmement court, on peut se demander si le ministère sera en mesure de répondre rapidement malgré l'avalanche d'informations qu'il risque de recevoir. Si les représentants de Santé Canada comparaissent à nouveau devant votre comité, vous voudrez peut-être leur poser la question.

Le président : Puis-je me permettre de rappeler, sénateur Callbeck, qu'en cas de danger appréciable, l'article 37 permet justement au ministre de prendre un arrêté d'urgence.

Pour ce qui est des formalités administratives et du risque que le ministère soit inondé de rapports, vous avez parlé de ce problème à plusieurs reprises, y compris dans votre réponse au sénateur Callbeck. Pensez-vous que la sévérité des sanctions en soit un facteur? Autrement dit, pensez-vous que les entreprises vont se sentir obligées de signaler les incidents du genre « ces chaussures me font atrocement mal » par crainte de devoir payer une amende?

Mme Osmond : Si les conditions dans lesquelles elles doivent signaler un incident ne sont pas claires — et selon le libellé actuel, tout incident relatif à un produit doit être signalé —, les entreprises ne voudront pas prendre de risques et signaleront tout. Elles appliqueront la loi à la lettre, quelle que soit la sévérité des sanctions, à mon avis. D'un autre côté, il y a des entreprises qui ne sauront pas exactement ce que la loi exige d'elles, et qui n'en tiendront pas compte du tout. Et vous avez toutes les autres entre ces deux extrêmes.

Le sénateur Eaton : C'est très intéressant. Quel est votre avis sur l'étiquetage? Je constate que, dans votre documentation, vous parlez de l'étiquetage des produits toxiques. Estimez-vous que le projet de loi répond à votre préoccupation?

Mme Osmond : C'est un sujet qui a été abordé devant le comité de la Chambre des communes, et il a même été question de modifier le projet de loi pour inclure l'étiquetage obligatoire des produits toxiques. Nous avons fait remarquer dans notre mémoire à ce comité qu'à notre avis, la législation actuelle répond adéquatement à ce problème, notamment la Loi canadienne sur la protection de l'environnement et le Plan de gestion des produits chimiques. Si le gouvernement décide que c'est une chose à faire, il en a déjà le pouvoir. Nous ne pensons pas qu'il soit nécessaire de l'inclure dans ce projet de loi.

Le projet de loi prévoit déjà la constitution « d'un comité chargé de lui [le gouvernement] donner des conseils publics sur toute question relative à l'application de la présente loi, notamment l'étiquetage des produits de consommation ».

Le sénateur Eaton : Oui, et vous donnez justement l'exemple de la Californie où il y a trop d'étiquetage. A-t-on fait des études pour déterminer si les avertissements sur les paquets de cigarettes ont encore un effet, ou si les gens ont fini par s'y habituer?

Mme Osmond : Il est vrai que s'il y a trop de renseignements sur une étiquette, les gens ne la lisent plus. Ils n'y font plus attention. Je crois que des études ont été faites là-dessus. Ce n'est pas moi qui ai rédigé le mémoire auquel vous faites allusion, c'est une autre personne qui a beaucoup d'expérience dans ce domaine.

Mais en effet, je crois que des études ont été faites là-dessus, qui remettent en question l'efficacité de ce genre d'étiquetage.

Le sénateur Cordy : Je vous remercie de comparaître devant notre comité et de nous faire part de vos opinions, juridiques et professionnelles.

Je suis d'accord avec vous et avec le sénateur Banks; en fait, notre objectif à tous, ici, est de nous assurer que les Canadiens ont accès à des produits qui ne présentent aucun danger.

Ce qui m'inquiète c'est que, lorsque le projet de loi sera adopté, il aura force de loi. Et le ministère a beau nous demander de lui faire confiance car bien que ces dispositions de la loi ne seront pas invoquées fréquemment, il n'empêche qu'elles auront force de loi et que les gens pourront les invoquer aussi souvent qu'ils le veulent.

Vous avez tout à fait raison, je pense, de proposer que ce soit le ministre, plutôt qu'un inspecteur, qui ait le pouvoir d'ordonner un rappel.

J'aimerais maintenant revenir sur toute la question du signalement des incidents. Nous avons entendu le point de vue de M. Ellacot. La semaine dernière, nous avons entendu celui de M. Geralde, de l'Association canadienne de normalisation, qui nous a expliqué que, lorsqu'ils reçoivent des appels, ils les filtrent pour déterminer s'ils portent sur un incident qui demande une intervention immédiate ou bien si ce sont des appels frivoles. Le projet de loi ne prévoit pas de classer les rapports de signalement par ordre de priorité. M. Geralde nous a donné l'exemple du consommateur qui s'était plaint parce qu'il s'était servi du grille-pain pour cuire des côtelettes de porc. Bien entendu, la graisse accumulée a pris feu, mais le consommateur a dit que c'était le grille-pain qui était dangereux. On nous a donné un autre exemple avec le café. On sait pourtant que quand on renverse du café sur soi, c'est chaud, a priori. Il faut faire preuve d'un minimum de bon sens.

Vous avez dit qu'il faudrait préciser la définition d'un « incident ». Cela suffira-t-il pour que l'entreprise ne soit obligée de signaler au gouvernement que les incidents vraiment légitimes?

Mme Osmond : Oui, soit on modifie la définition d'un « incident », soit on modifie les dispositions afin que le délai prescrit pour signaler l'incident démarre à partir du moment où l'entreprise a déterminé que le produit présente un défaut ou un danger appréciable. C'est ce qu'exige la loi américaine. Aux États-Unis, les entreprises ne sont pas obligées de signaler tous les incidents; elles doivent le faire uniquement si le produit présente un grave danger.

Le sénateur Cordy : Si je comprends bien, la loi américaine n'exige que le signalement des incidents très graves.

Mme Osmond : Oui, c'est cela.

Le sénateur Cordy : Doivent-elles le faire dans un certain délai, ou bien la loi leur laisse-t-elle le choix?

Mme Osmond : Je ne pense pas qu'elles disposent d'un certain délai pour vérifier si le produit présente un grave danger. Par contre, une fois qu'elles constatent que le produit pose un grave danger, elles ont 24 heures pour le signaler.

Le sénateur Cordy : Je serais d'accord pour avoir quelque chose de semblable, car je crains que tous ces rapports ne soient lourds à gérer. Nous devons nous concentrer sur les vrais problèmes. En fait, nous voulons que les produits offerts à la consommation soient sûrs, et que seuls les incidents légitimes soient communiqués au ministre de la Santé.

J'ai aussi des réserves en ce qui concerne les articles 15, 16 et 17, dont vous avez parlé dans votre déclaration liminaire, qui portent sur la communication de renseignements par le ministre. Nous sommes tous d'accord pour dire que, si un produit présente un grave danger pour la santé ou la sécurité des Canadiens, il faut que ceux qui ont le pouvoir d'intervenir immédiatement soient informés de la situation le plus rapidement possible.

Ce qui m'inquiète, toutefois, c'est que cela se fasse sans le consentement de la personne visée. Et s'il n'y a pas consentement, cela signifie bien sûr qu'il n'y a pas eu consultation; la personne a pourtant besoin de savoir ce qui se passe. Cela va à l'encontre d'un principe fondamental, dans la société canadienne, selon lequel vous êtes innocent tant que votre culpabilité n'a pas été démontrée. Que proposeriez-vous pour corriger la situation? Vous y avez fait allusion au début de votre déclaration liminaire.

Mme Osmond : Nous partageons vos craintes. Il s'agit de renseignements confidentiels, et nous ne tenons pas du tout, comme vous pouvez vous en douter, à ce qu'ils soient communiqués à des gens qui pourraient s'en servir à mauvais escient. Il faut aussi s'assurer que les renseignements qui sont communiqués sont exacts et qu'ils ne nuiront pas indûment à la réputation de l'entreprise. Enfin, il faut éviter de susciter la confusion voire une panique injustifiée parmi les consommateurs.

Le paragraphe 17.1 a été ajouté au projet de loi lors de son adoption par la Chambre des communes, mais il ne contient aucune obligation. Il s'agit simplement de la communication de renseignements au public. Rien n'oblige le ministre à consulter l'entreprise au préalable ou à permettre à cette dernière de vérifier l'exactitude des renseignements qui seront communiqués. La Coalition a proposé plusieurs amendements à ce sujet. Autrement dit, sauf en cas de refus de l'entreprise de coopérer, d'un danger imminent qui empêcherait toute consultation ou de toute autre circonstance exceptionnelle, nous estimons que l'entreprise devrait être avisée au préalable et qu'elle devrait avoir la possibilité de vérifier le contenu des renseignements qui seront communiqués.

Le sénateur Cordy : Ma dernière question portait sur la Loi sur l'accès à l'information. Les renseignements qui seront communiqués au ministre de la Santé et aux administrations, conformément aux dispositions de ce projet de loi, seront-ils automatiquement exemptés de la Loi sur l'accès à l'information, ou bien faut-il le préciser dans ce projet de loi ou par voie d'amendement à la Loi sur l'accès à l'information?

Mme Osmond : Nous aimerions que le projet de loi fasse expressément référence à la Loi sur l'accès à l'information, comme c'est le cas dans les autres lois. Ainsi, la Loi sur les produits dangereux fait référence à la Loi sur l'accès à l'information, tout comme la Loi sur les produits antiparasitaires. L'avantage, c'est que la Loi sur l'accès à l'information comprend une définition des renseignements commerciaux confidentiels. Nous craignons également que les renseignements qui seront communiqués à Santé Canada dans les rapports de signalement correspondent plus ou moins à la définition des renseignements commerciaux confidentiels. Quoi qu'il en soit, ce ne sont pas toujours des renseignements que l'entreprise serait disposée à communiquer sans avoir pu vérifier leur contenu. Autrement dit, nous aimerions que tous les renseignements fournis par l'entreprise soient considérés comme des renseignements commerciaux confidentiels, au sens de la Loi sur l'accès à l'information, de façon à accorder une présomption favorable à l'entreprise. Il incomberait alors à ceux qui demandent d'avoir accès à ces renseignements de démontrer qu'il ne s'agit pas de renseignements commerciaux confidentiels. Nous sommes convaincus qu'il serait souhaitable d'indiquer dans le projet de loi une référence expresse à la Loi sur l'accès à l'information.

[Français]

Le sénateur Pépin : Lors du débat du projet de loi C-6 à la Chambre des communes, il a été question des étiquettes contrefaites sur les produits importés. On a amendé l'article 9 et, à la page 6 du projet de loi, on indique :

[Traduction]

Il est interdit à toute personne d'étiqueter ou d'emballer tout produit de consommation :

(a) d'une manière — fausse, trompeuse, mensongère ou autre — susceptible de créer une fausse impression quant au fait qu'il ne présente pas de danger pour la santé ou la sécurité humaine;

(b) d'une manière fausse, trompeuse ou mensongère quant à son homologation en matière de sécurité ou quant au fait qu'il respecte toute norme en cette matière ou les règlements.

[Français]

Pouvez-vous nous donner un exemple des produits importés avec des étiquettes contrefaites? Croyez-vous que l'article 9 résout ce problème? Croyez-vous que cela éliminera les difficultés que l'on rencontre avec les étiquettes contrefaites?

[Traduction]

Mme Osmond : Que je sache, cette disposition porte précisément sur les étiquettes d'homologation qui sont contrefaites, comme l'étiquette CSA, de l'Association canadienne de normalisation, ou celle d'Underwriters Laboratories Inc. Il y a eu des cas où des produits comme des lampes, des lumières de Noël ou des barres multiprises ont été importés avec des étiquettes contrefaites. Il y a même eu des cas, notamment au Québec, où des fusibles ont été reconditionnés au Canada, alors qu'ils étaient contrefaits au départ. On y avait apposé de fausses étiquettes d'homologation et même de fausses étiquettes de la marque de l'entreprise.

Le libellé proposé règle le problème très particulier de la contrefaçon d'une étiquette d'homologation. Je ne suis pas sûre par contre qu'il réglerait le problème de la contrefaçon d'une étiquette de marque. En tant que membre du Réseau canadien de lutte anti-contrefaçon, je reconnais que ce projet de loi est un pas dans la bonne direction et que cette disposition nous aidera à lutter contre la contrefaçon.

Mais le Canada pourrait prendre d'autres mesures législatives pour lutter contre le problème de la contrefaçon, qui ne concerne pas seulement des produits importés, mais aussi des produits fabriqués au Canada. À notre avis, cela justifierait l'adoption d'une loi distincte. Par exemple, nous aimerions que les douaniers aient le pouvoir d'interdire l'entrée au Canada de certains produits. Nous aimerions que des amendements soient apportés à la Loi sur les marques de commerce afin d'y prévoir des sanctions pénales. Nous avons déjà préparé des rapports là-dessus, assortis de recommandations, et nous les ferons volontiers parvenir à votre comité.

Encore une fois, c'est un pas dans la bonne direction, mais cela ne règle pas tous nos problèmes.

Le sénateur Dyck : Je vous remercie de votre déclaration, Mme Osmond.

Dans les documents que vous nous avez distribués, vous parlez de la procédure de plaintes, ainsi que de l'évaluation et de la gestion du risque. Utilisez-vous certains modèles pour déterminer les niveaux de risque et en conclure s'ils sont acceptables, par exemple lorsqu'il s'agit d'un jouet? Je suppose qu'avec les enfants, on ne peut pas accepter n'importe quel niveau de risque.

L'industrie doit-elle respecter des critères précis en la matière et, si oui, ces critères sont-ils établis par Santé Canada?

Par exemple, l'article 2 du projet de loi C-6, intitulé « Définitions », donne une définition assez large du mot « danger ». On y lit qu'un « danger pour la santé ou la sécurité humaines » est un « risque déraisonnable » qu'un produit de consommation « présente au cours ou par suite de son utilisation normale ou prévisible » — la cuisson d'une côtelette de porc dans un grille-pain ne serait sans doute pas considérée comme une utilisation normale de l'appareil — et qui est susceptible d'avoir « des effets négatifs sur sa [une personne ] santé — notamment en lui causant des blessure ».

Comment déterminez-vous qu'une blessure est suffisamment grave pour être signalée?

Mme Osmond : Vous avez raison de dire que, dans la définition, on parle d'effets négatifs sur la santé, y compris des blessures. Or, à l'article 14, qui concerne le signalement des incidents, on parle « d'effets négatifs graves ». La définition de « danger pour la sécurité ou la santé humaines » ne cadre donc pas avec le libellé de l'article 14.

Je ne sais pas exactement comment les entreprises s'y prennent pour évaluer le risque, et je ne peux donc pas répondre à cette partie de votre question.

La tolérance au risque varie selon le client auquel s'adresse le produit. Quand il s'agit d'enfants, les entreprises tolèrent généralement moins de risques que lorsque le produit est destiné à des adultes. Nous avons eu le cas du bisphénol A où, justement, des mesures spéciales ont été prises pour les produits destinés aux enfants.

Le sénateur Dyck : Si les niveaux de tolérance au risque varient en fonction du destinataire du produit, devrait-on appliquer aux fabricants de jouets, pour reprendre cet exemple, la même loi que celle qui s'applique aux fabricants de produits très dangereux? Une même loi pourrait-elle couvrir toutes ces situations?

Par exemple, nous discutions il n'y a pas très longtemps d'un projet de loi sur les agents pathogènes humains et les toxines. Certains produits couverts par ce projet de loi sont extrêmement dangereux.

Mme Osmond : Le projet de loi vise à combler une lacune causée par le fait qu'il n'y a qu'une loi sur les produits dangereux. Vous avez raison, nous avons besoin d'une loi qui couvre tous les produits de consommation. Le projet de loi va mettre en place un dispositif important; il sera accompagné de règlements qui pourront porter sur certains types de produits en particulier. Nous avons déjà des règlements sur certains types de produits.

Le sénateur Dyck : Santé Canada devrait-il préparer un guide à l'intention des entreprises, qui contiendrait une définition plus précise de « risque » et « effets négatifs graves »? S'agit-il d'un seul décès dans tout le pays ou, comme avec la grippe, d'un décès pour 100 000 ou 250 000 habitants? Devrions-nous donner une définition plus précise du mot « risque »?

Mme Osmond : Je pense que cela fait partie des consultations que Santé Canada poursuit actuellement avec l'industrie. Ils essaient, par exemple, de définir les types d'incidents qui devront être signalés et ce qui constitue « des effets négatifs graves ». Nous nous entendons tous sur la définition de décès, mais pas forcément sur ce qui constitue des « effets négatifs graves » et, par conséquent, sur ce qui doit être signalé ou non.

Le sénateur Dyck : Pensez-vous qu'on devrait le définir dans les règlements qui accompagneront ce projet de loi?

Mme Osmond : Oui, ainsi que dans les lignes directrices.

Le sénateur Day : Je vous remercie beaucoup de témoigner devant notre comité. Je suis d'accord avec ce que vous avez dit au sujet de ces définitions.

Vous venez de parler de lignes directrices. Les représentants du ministère nous ont dit qu'elles s'appliqueront sans doute pendant un certain temps, car, étant donné que le processus d'élaboration des règlements peut prendre 12 à 18 mois, les règlements risquent d'avoir alors perdu beaucoup de leur actualité.

L'application de lignes directrices m'inquiète un peu, car cela donne beaucoup de pouvoirs discrétionnaires au ministère. Nous avons contacté d'autres ministères pour savoir si les dispositions concernant la divulgation de renseignements personnels les préoccupaient, et ils nous ont répondu que tout cela devrait se régler par des discussions a posteriori. Je ne suis pas très à l'aise avec ça, et vous non plus, si j'en juge par vos observations à ce sujet.

Avez-vous pris connaissance de la définition d'« administration » et de la définition de « vente » ? Vous vous souviendrez peut-être que j'ai déjà soulevé ces questions, mais j'aimerais savoir si ces définitions vous préoccupent? Y avez-vous porté une attention particulière?

À de nombreux articles, on dit qu' « il est interdit à toute personne... de vendre... ». Par contre, quand vous vous reportez à la définition de « vente », c'est à la fois la vente d'un objet et bien d'autres choses aussi. Si vous fournissez un produit à une personne pour une contrepartie ou non, vous faites de la vente. Beaucoup de personnes vont tomber sous le coup de la loi. Vous ne pourrez plus donner à votre voisin un outil dont vous n'avez plus besoin, comme votre vieille tondeuse à gazon.

Vous êtes-vous intéressée à ces définitions?

Mme Osmond : Je me souviens en effet que vous avez déjà soulevé cette question.

Le sénateur Day : Je voudrais simplement que quelqu'un me rassure en me disant que je suis à côté de la plaque. Comme tous mes autres collègues, j'approuve tout à fait l'objet de ce projet de loi. Par contre, ce qui m'inquiète, c'est son libellé qui va parfois un peu trop loin.

Mme Osmond : C'est vrai qu'en tant que simple particulier, j'hésiterais peut-être avant de donner quelque chose à mon voisin. Mais pour les entreprises que nous représentons, je pense qu'il est évident qu'elles sont toutes engagées dans la vente et la distribution de produits, par conséquent, cela ne devrait pas poser de problème.

Le sénateur Day : Je comprends.

Mme Osmond : Pour ce qui est des lignes directrices — et j'ai déjà eu l'occasion de le dire —, j'estime qu'elles ont un rôle à jouer, au même titre que la politique et les règlements. Dans certaines circonstances, par contre, j'estime que le projet de loi devrait être plus précis, notamment en ce qui concerne les conditions de signalement des incidents.

Le sénateur Day : Oui, l'article 14. Avez-vous lu la définition d' « administration »? N'est-elle pas un peu trop vague, surtout qu'il s'agit de communiquer des renseignements personnels et commerciaux qui sont confidentiels?

Mme Osmond : Oui, cela nous préoccupe. C'est la raison pour laquelle nous demandons que l'entreprise visée soit consultée et avisée au préalable que des renseignements la concernant seront communiqués. Si lesdits renseignements sont communiqués à une autre administration, que ce soit une administration canadienne ou étrangère, nous estimons qu'il faudrait deux garanties : une entente écrite de confidentialité, et l'assurance que la législation de l'autre juridiction n'autorise pas la divulgation de ces renseignements commerciaux confidentiels.

Le sénateur Day : À mon avis, c'est la moindre des choses. Si des renseignements confidentiels relatifs à l'un de vos membres étaient utilisés par une entité gouvernementale étrangère à des fins commerciales, pensez-vous que cette entreprise pourrait invoquer l'entente de confidentialité même si elle n'y était pas partie? Le gouvernement canadien pourrait-il être tenu responsable si les renseignements confidentiels qu'il a communiqués à une autre juridiction sont divulgués par cette dernière? Y avez-vous réfléchi? Que se passe-t-il lorsqu'une entente de confidentialité est signée mais que vous n'y êtes pas partie? Vous ne pouvez rien faire, vous n'avez aucun recours.

Mme Osmond : Je crois qu'on ne signera d'entente de confidentialité avec une administration étrangère que dans de rares circonstances. Je crois savoir que Santé Canada est en pourparlers avec les États-Unis, car nous travaillons étroitement avec les autorités américaines. J'espère que la communication de renseignements personnels à une juridiction étrangère sera très circonscrite. Comme je l'ai dit, nous devrions avoir l'assurance que la législation de la juridiction étrangère n'autorise pas la divulgation de ces renseignements commerciaux confidentiels.

Le sénateur Day : Je suis d'accord avec vous. Vous dites « je crois », « j'espère », mais avec le libellé actuel du projet de loi, il y a quand même un risque que ça arrive puisqu'il donne au gouvernement le droit de communiquer ces renseignements.

Mme Osmond : Au lieu que ce soit le gouvernement du Canada qui le fasse, l'entreprise concernée devrait avoir la possibilité d'être la première à en informer l'administration étrangère ou provinciale.

Le président : Je signale à tous les membres du comité que les articles 15, 16 et 17, « Communication de renseignements par le ministre », s'appliquent à ces circonstances.

Le sénateur Day : Le libellé varie un peu selon le destinataire de ces renseignements.

Que pensez-vous de l'article qui permet à un inspecteur du gouvernement de pénétrer dans une propriété privée sans toutefois être tenu responsable des dégâts qu'il aura pu occasionner?

Mme Osmond : Pouvez-vous me rappeler le numéro de l'article?

Le sénateur Day : Je l'ai oublié, mais cela concerne la propriété privée et la maison d'habitation, à l'article 21.

Mme Osmond : À l'article 21, il est question de la maison d'habitation.

Le sénateur Day : Oui, et on dit que l'inspecteur doit avoir un mandat.

Le paragraphe 20(4) dit qu'un inspecteur peut « pénétrer dans une propriété privée et y circuler, et ce, sans encourir de poursuites à cet égard ». Cela ne vous préoccupe pas?

Mme Osmond : L'article ne dit pas qu'il ne sera pas tenu responsable s'il cause des dégâts.

Le sénateur Day : Il dit « sans encourir de poursuites à cet égard ».

Mme Osmond : Il ne sera pas passible de poursuites pour avoir pénétré dans la propriété privée.

Le sénateur Day : Vous seriez prête à défendre cela devant un tribunal? Bravo.

Je sais que tout le monde en est au deuxième tour de questions, mais puis-je vous demander comment on peut concilier l'article 7 et le paragraphe 34(6)? Le paragraphe 34(6) porte que :

À moins que le réviseur n'en décide autrement, la révision n'a pas pour effet de suspendre la mise en œuvre de l'ordre.

Premièrement, je n'ai trouvé nulle part un article qui donne au réviseur le pouvoir de faire quoi que ce soit; je n'ai pas pu trouver non plus ce que ce réviseur est censé faire ou décider.

Je tiens à m'assurer de la régularité de la procédure, dont on a beaucoup parlé, et je voudrais donc que les gens puissent savoir pourquoi l'inspecteur est là, et pourquoi c'est lui qui établit les règles et qui prend la décision. Dans cet article, c'est la même personne qui fait tout ça. C'est elle qui énonce la règle, qui dit ce que vous devez faire et ce à quoi vous vous exposez si vous ne faites pas ce qu'elle vous ordonne de faire. C'est plutôt inhabituel.

Mme Osmond : Nous avons abordé cette question dans notre mémoire, en recommandant que le processus de révision soit plus encadré, que les gens puissent se défendre oralement, plutôt que les limiter à un mémoire écrit, et que la révision soit faite par plusieurs personnes. Nous aimerions également que le demandeur puisse faire appel auprès d'un tribunal s'il n'est pas satisfait de la décision. Nous craignons en effet qu'un ordre reste en vigueur pendant que le réviseur procède à la révision, car c'est ce dernier qui décide si l'ordre reste en vigueur ou non.

Cela nous ramène au problème que nous avions mentionné au sujet de l'ordre de rappel et, encore une fois, « à ce qui s'est fait dans le passé ». Les fonctionnaires de Santé Canada nous ont dit qu'ils avaient l'intention de négocier un rappel volontaire avec l'entreprise, mais ce n'est pas ce que dit le projet de loi. Le projet de loi n'oblige pas non plus l'inspecteur à aviser au préalable une entreprise lorsqu'il a l'intention d'ordonner le rappel d'un produit, à permettre à celle-ci de rappeler le produit volontairement ou à discuter avec elle pour déterminer si le rappel du produit est la meilleure solution, vu les circonstances. Il serait préférable qu'une telle discussion se déroule avant l'ordre de rappel, car une fois qu'il est émis, le processus d'appel n'est pas d'une grande utilité. En effet, dès que l'ordre de rappel a été émis, les détaillants commencent à retirer votre produit de leurs étagères et, d'ici que votre appel soit entendu, ce sera trop tard. Vous aurez raté l'occasion de vendre votre produit, et les détaillants ne le replaceront pas sur leurs étagères. Bref, ce mécanisme d'appel n'est pas très utile.

Le sénateur Day : J'aimerais avoir votre avis puisque vous êtes avocate. Supposons que je sois l'un de vos membres, que je sois un importateur. L'article 7 dispose que :

Il est interdit au fabricant ou à l'importateur de fabriquer, d'importer ou de vendre tout produit de consommation [...]

...

b) [s'il] est visé par un rappel soit fait en conformité avec un ordre [...]

— c'est ce dont nous avons parlé —

[...] ou un tel ordre révisé au titre de l'article 34 [...]

Je ne comprends pas ce que veut dire « ou un tel ordre révisé au titre de l'article 34 ». Cela veut-il dire que la révision est terminée ou qu'elle est en cours? Si elle est terminée, quel en est l'effet? Que veut dire « révisé »?

L'article 34(6) porte que :

À moins que le réviseur n'en décide autrement, la révision n'a pas pour effet de suspendre la mise en œuvre de l'ordre.

Je ne trouve rien dans le texte qui autorise le réviseur à procéder autrement. Pouvez-vous m'aider?

Mme Osmond : Vous devriez peut-être poser votre question aux rédacteurs du projet de loi.

Je reconnais avec vous que l'expression « ordre révisé » n'est pas très claire.

Le sénateur Day : On devrait dire « en cours de révision », et pas « révisé ».

Mme Osmond : Oui, il faudrait dire « en cours de révision », mais cela ne dit toujours pas si l'ordre est suspendu ou non. Il a été révisé, mais il a peut-être aussi été révoqué.

Le sénateur Day : Peut-être. L'article 6 porte que :

Il est interdit à toute personne de fabriquer, d'importer ou de vendre tout produit de consommation qui n'est pas conforme aux exigences prévues par règlement ou d'en faire la publicité.

Supposons que votre client veuille importer un produit qui ne soit assujetti à aucun règlement. Cela signifie-t-il qu'il ne peut pas importer le produit?

Mme Osmond : À mon avis, si le produit n'est assujetti à aucun règlement, vous pouvez importer ce produit.

Le sénateur Day : Oui, mais on dit ici qu'il est interdit à toute personne d'importer un produit qui n'est pas conforme aux exigences prévues par règlement.

Le président : Je suis désolé, mais nous devons avancer dans nos travaux. Merci.

Le sénateur Martin : Y aura-t-il un deuxième tour?

Le président : Oui.

Le sénateur Martin : Je pensais que ce serait la fin des questions. Je voulais entendre ce que mes collègues avaient à dire avant d'intervenir, en qualité de parrain du projet de loi. Permettez-moi de prendre un peu de recul par rapport au libellé du projet de loi et de revenir sur certaines observations que vous avez faites.

À la dernière réunion du comité, nous nous sommes demandé si Santé Canada avait actuellement le pouvoir d'ordonner le rappel d'un produit. J'aimerais indiquer à mes collègues qu'actuellement, Santé Canada ne dispose aucunement de ce pouvoir. Au Canada, les rappels de produits sont strictement volontaires.

Mme Osmond : Oui.

Le sénateur Martin : J'estime donc que ce projet de loi important va donner à notre gouvernement un outil fort utile. Nous nous entendons tous pour dire que l'objet de ce projet de loi est de protéger la santé et la sécurité des Canadiens. Et le pouvoir d'ordonner le rappel d'un produit est un outil important pour y parvenir.

Vous avez dit tout à l'heure que nous devrions aligner notre législation sur celle des autres pays. Nous savons qu'aux États-Unis et dans d'autres juridictions, le gouvernement a le pouvoir d'ordonner un rappel. Il faut bien comprendre que nous opérons dans une économie mondiale.

Mme Osmond : Nous ne nous opposons pas au rappel obligatoire d'un produit. Au contraire. Tout comme nous approuvons le signalement obligatoire des incidents.

Le problème ne concerne pas le bien-fondé de ces dispositions, mais plutôt leur libellé. Dans le cas du rappel obligatoire, qui doit avoir le pouvoir d'ordonner ce rappel? À notre avis, ce pouvoir ne devrait pas être confié à un inspecteur mais plutôt au ministre, comme c'est le cas dans la Loi sur l'Agence canadienne d'inspection des aliments.

Le sénateur Martin : Je vous remercie de votre réponse.

Pour ce qui est de la procédure de rappel, vous avez dit qu'il faudrait déterminer à partir de quel niveau de danger il est nécessaire de signaler un incident, parce que selon le libellé actuel, il faut signaler tous les incidents.

Or, l'article 14 définit ce qu'est un « incident ». Nous avons parlé de cas frivoles comme l'exemple de celui qui prétend que ses chaussures lui font atrocement mal. Le projet de loi utilise le mot « incident » à plusieurs reprises pour bien en préciser la signification en ce qui concerne les produits de consommation. Il dit précisément qu'on doit signaler l'incident lorsqu'on a des motifs raisonnables de croire que le produit en question risque de causer la mort ou d'avoir des effets négatifs graves sur la santé. On parle donc d'un risque très grave.

Le sénateur Day a parlé du produit qu'on donne en cadeau. Je pense qu'un produit qu'on donne en cadeau et qui a un effet négatif ne tombera pas sous le coup de ce projet de loi, car celui qui a donné le cadeau n'avait pas l'intention au départ d'offrir un produit susceptible d'avoir des effets négatifs puisqu'en l'achetant, il supposait que le produit en vente chez le détaillant ne présentait aucun danger. Je pense donc que l'exemple du cadeau qui tomberait sous le coup de ce projet de loi n'est pas pertinent. La définition d' « incident » qui y est proposée concerne des incidents très graves.

Pour ce qui est du rappel d'un produit, c'est la meilleure solution. Vous avez dit que vous participiez activement au processus de consultation. Quelle a été votre contribution jusqu'à présent? Quel rôle pensez-vous jouer avec les fonctionnaires de Santé Canada une fois que ce projet de loi aura été adopté?

Mme Osmond : Nous avons rencontré des représentants de Santé Canada à au moins deux occasions au sujet de ce projet de loi. Un représentant de notre association a comparu devant le comité de la Chambre des communes qui était saisi de ce projet de loi. Nous avons, comme je l'ai dit, collaboré avec d'autres associations dans le cadre de la Coalition. Des représentants de la Coalition ont également rencontré des fonctionnaires de Santé Canada, comme l'ont fait également certains de nos membres à titre particulier.

Nous allons prochainement rencontrer des fonctionnaires de Santé Canada pour discuter des lignes directrices qu'ils ont commencé à rédiger. Nous tenons à participer activement à l'élaboration de ces documents et, plus tard, à l'élaboration des règlements.

Le sénateur Martin : D'autres témoins se sont réjouis du climat de collaboration qui caractérise tout ce processus. Pensez-vous que ce niveau de collaboration va se maintenir pour l'élaboration des règlements?

Mme Osmond : Oui, c'est ce que nous espérons. Les fonctionnaires de Santé Canada se sont dits prêts à nous rencontrer. Même s'ils n'ont pas tenu compte de toutes nos recommandations pour modifier ce projet de loi, la discussion entre notre association, la Coalition et Santé Canada a été tout à fait constructive.

Le sénateur Martin : Vous dites avoir des réserves quant à la communication de renseignements. Les articles 15, 16 et 17 précisent les conditions dans lesquelles la communication des renseignements peut être « nécessaire » — et c'est le mot qui est employé — « pour établir l'existence d'un danger pour la santé ou la sécurité humaines qui est grave ou remédier à ce danger ». Ce n'est qu'à partir de ce moment-là que la communication de renseignements pourra se faire. Autrement dit, elle ne pourra se faire que dans le cadre de fonctions relatives à la protection de la santé. Toutes ces dispositions ne servent qu'à préciser les mesures correctrices nécessaires.

Vous avez parlé du processus de révision. S'il s'agit d'un produit qui risque de causer la mort ou d'avoir des effets négatifs graves, pensez-vous vraiment que le processus de révision va s'éterniser?

Nous parlons ici de quelques heures, voire d'une journée. Lorsqu'il s'agit de la sécurité des Canadiens, Santé Canada doit avoir le pouvoir nécessaire pour intervenir dans des situations urgentes.

Mme Osmond : Parlez-vous de la révision des renseignements qui seront communiqués?

Le sénateur Martin : Nous parlons de la communication de renseignements par le ministre. Que cette révision soit faite par d'autres juridictions ou par des partenaires, il faut qu'elle se fasse très rapidement afin que, dans des situations d'urgence, le ministre puisse exercer son pouvoir afin de protéger les Canadiens.

Mme Osmond : Bien sûr, si la menace est imminente, il ne faut pas attendre. Mais ce n'est pas toujours le cas. La législation américaine et les règlements ontariens de l'Electrical Safety Authority, par exemple, prévoient qu'avant la divulgation des renseignements, l'entreprise doit être avisée et avoir son mot à dire quant à la nature des renseignements qui seront divulgués. Si l'entreprise refuse de coopérer, c'est son problème. Mais c'est ce qui se fait dans d'autres juridictions. À l'heure actuelle, au Canada, l'entreprise est consultée, mais c'est vrai que c'est un processus de rappel volontaire.

L'objectif ici, et c'est important de le rappeler, est non seulement de protéger l'entreprise mais aussi de s'assurer que les renseignements qui seront communiqués sont exacts, et que les consommateurs ne seront pas induits en erreur. Il n'y a pas que les cas d'urgence où la menace est tellement imminente qu'il faut communiquer ces renseignements le plus rapidement possible, sans attendre. La plupart du temps, ce ne sera pas le cas.

Le sénateur Martin : Je disais tout à l'heure que, selon les articles 15, 16 et 17, la communication de ces renseignements ne pourra se faire que si elle est nécessaire ou essentielle. Ce sont des cas extrêmes, mais à ce moment- là, le ministre a besoin d'exercer ce pouvoir. Comme vous l'avez dit, nous avons actuellement une procédure de rappel volontaire et, dans la mesure du possible, nous permettrons aux entreprises de procéder à des rappels volontaires. Nous consulterons également l'entreprise, si bien que les conditions mentionnées ici ne s'appliqueront qu'à des cas extrêmes.

Mme Osmond : Nous préférerions nettement que cela soit clairement indiqué dans le projet de loi.

Dans le cas d'un rappel obligatoire, le projet de loi donne pouvoir à l'inspecteur d'ordonner le rappel. Rien n'oblige l'inspecteur à consulter l'entreprise au préalable. Rien ne l'oblige à suivre la procédure actuellement en vigueur, plutôt que celle proposée par le projet de loi.

La procédure actuellement en vigueur a été établie parce qu'il n'y a pas de rappel obligatoire. Comme le rappel est volontaire, si vous ne consultez pas l'entreprise, le rappel ne se fera pas. De même, en ce qui concerne la communication de renseignements, il ne faut pas oublier que le paragraphe 17.1, qui a été ajouté, donne expressément au ministre le pouvoir de communiquer les renseignements, mais rien ne l'oblige à consulter au préalable l'entreprise visée.

Nous estimons qu'il est dans l'intérêt non seulement de l'entreprise, mais aussi du consommateur, que l'exactitude et la véracité des renseignements puissent être vérifiées au préalable.

Le sénateur Day : On vient de parler de l'article 16. Je l'ai lu six fois et nulle part il n'est question de danger pour la santé, lorsqu'on envisage de communiquer des renseignements confidentiels. Le libellé que j'ai sous les yeux est peut-être différent du vôtre, mais il dispose que :

Le ministre peut communiquer à toute personne ou administration exerçant des fonctions relatives à la protection de la santé ou de la sécurité humaines ou de l'environnement [...]

On parle donc des fonctions relatives à la protection de la santé ou la sécurité qu'exerce la personne ou l'administration à laquelle on va communiquer les renseignements. Rien n'oblige le ministre à être convaincu qu'il y a un danger imminent au Canada.

Le président : J'ai l'impression qu'on se lance dans un débat plutôt que d'échanger des questions et des réponses.

Le sénateur Day : Je crois que le témoin a été induit en erreur et c'est la raison pour laquelle j'ai posé une question supplémentaire.

Le président : Madame Osmond, avez-vous quelque chose à ajouter au sujet de l'article 16?

Mme Osmond : Je voudrais parler du cas où l'administration ou la personne à laquelle les renseignements sont communiqués accepte de respecter le caractère confidentiel desdits renseignements. Nous en avons déjà discuté. Lorsque ces renseignements sont communiqués à une autre administration, nous préférerions que l'entreprise puisse être la première à lui communiquer ces renseignements.

Nous comprenons qu'il soit nécessaire, dans certains cas, de communiquer des renseignements à d'autres administrations, mais nous pensons qu'il n'y aurait aucun mal à aviser l'entreprise au préalable et à lui demander son avis sur les renseignements qui seront communiqués.

Le sénateur Keon : Je vais essayer d'être bref. Vous avez dit que l'application de ces dispositions aux produits importés pourrait contrevenir aux accords commerciaux signés par le Canada.

Les membres du comité ont reçu énormément de courriels, peut-être 2 000 ou 3 000. Nous avons aussi reçu beaucoup d'appels téléphoniques dans nos bureaux. C'est un argument qu'on nous ressort tout le temps. J'aimerais donc que vous nous expliquiez en quoi le projet de loi C-6 contrevient aux accords commerciaux signés par le Canada et, dans l'affirmative, si c'est le projet de loi C-6 ou l'accord commercial qui prime?

Mme Osmond : Je n'ai pas dit que le projet de loi contrevient aux accords commerciaux signés par le Canada. Toutefois, cela en préoccupe certains car une disposition du projet de loi prévoit que, s'il s'agit d'un produit importé, l'importateur pourrait être tenu de fournir des documents réglementaires avant l'importation du produit. Pour l'instant, nous ne savons pas quels documents devront être fournis, puisque cela déterminé par voie de règlement. Néanmoins, nous vous mettons en garde car il ne faudrait pas imposer aux produits importés des conditions que nous n'imposons pas aux produits fabriqués au Canada.

Nous avons signé des accords commerciaux internationaux, dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce, qui contiennent des clauses sur le traitement national. En substance, ces clauses nous interdisent d'imposer aux produits importés des conditions que nous n'imposons pas aux produits fabriqués localement.

Ce n'est donc qu'une mise en garde, puisque nous ne savons pas encore quelles conditions seront imposées en vertu de cette disposition qui, d'ailleurs, ne s'applique pas seulement aux produits importés. Autrement dit, nous pourrions être tenus de fournir ces documents pour des produits fabriqués au Canada. La loi ne dit pas quels documents il faudra fournir pour démontrer la conformité du produit avec la loi. Il s'agit donc d'une disposition de portée très générale, qui laisse beaucoup de choses à déterminer par voie de règlement.

Le sénateur Banks : Vous avez parlé il y a un instant de certaines recommandations que vous avez déjà faites. Comme je ne suis pas un membre régulier de ce comité, j'aimerais prendre connaissance de ces recommandations. Les avons-nous?

Le président : Oui, et elles vous seront distribuées une fois qu'elles auront été traduites. Je l'ai dit au début de la réunion.

Le sénateur Banks : Cela comprend aussi les recommandations faites par la Coalition?

Mme Osmond : Oui. Le mémoire que nous avons adressé au comité de la Chambre des communes aborde certaines de ces questions. Il a été traduit par ce comité. La semaine dernière, d'autres recommandations ont été proposées, qui portent précisément sur le libellé.

Le sénateur Banks : L'incorporation par renvoi de documents dans des règlements est une question qui me préoccupe un peu. Je sais que c'est une pratique courante, qu'elle est nécessaire, et je comprends pourquoi. Toutefois, il faudrait aussi s'assurer que les gens qui vont être touchés par ce projet de loi puissent avoir connaissance du contenu de ces règlements.

Il n'y a pas très longtemps, nous avons réussi à obtenir d'un ministre qu'il supprime la disposition relative à l'incorporation dynamique des règlements; il s'agit des règlements qui sont incorporés par renvoi selon la formule « avec leurs modifications successives ».

Lorsque des règlements, par exemple les caractéristiques d'un lit d'enfant ou d'un moteur d'avion, sont incorporés par renvoi dans les règlements d'application d'une loi, et qu'on indique « avec leurs modifications successives », il s'ensuit que ces modifications sont elles aussi incorporées par renvoi dans la loi. Cela signifie deux choses.

Premièrement, cela signifie qu'une autorité autre que le gouvernement du Canada et le ministre prend des règlements s'appliquant aux Canadiens. Deuxièmement, cela signifie que des Canadiens peuvent ignorer certains aspects de ces règlements et qu'ils peuvent ainsi les violer à leur insu.

À la page 20, le projet de loi contient une disposition dont le libellé est tout à fait nouveau pour moi. J'aimerais tout simplement attirer l'attention des membres du comité et vous demander votre avis. Il me semble que c'est une formulation un peu bizarre, car on dit, au paragraphe 36(6) :

L'incorporation par renvoi peut viser le document avec ses modifications successives.

L'expression « avec ses modifications successives » se rapporte au mot renvoi. Cela signifie-t-il que les règlements sud-coréens sur l'importation de cerises chinoises, par exemple, seront incorporés par renvoi dans les règlements canadiens?

Mme Osmond : De quel article parlez-vous?

Le sénateur Banks : Du paragraphe 36(6), à la page 20.

Si vous n'avez pas eu le temps de réfléchir aux conséquences de ce paragraphe, nous y reviendrons plus tard, je voulais simplement attirer l'attention des membres du comité là-dessus.

Ma deuxième question porte sur la communication de renseignements confidentiels, qui comprennent les renseignements personnels. Cela comprend aussi les renseignements de nature exclusive, qu'ils soient commerciaux ou privés. Des représentants du ministère de la Justice nous ont dit qu'ils n'ont pas l'intention de communiquer ce genre de renseignements, seulement les renseignements commerciaux confidentiels.

Avez-vous proposé — peut-être dans les recommandations que je n'ai pas vues — une façon de baliser ce genre de renseignements? Vous avez dit tout à l'heure qu'il ne faudrait communiquer que les renseignements qui sont nécessaires à la protection de la santé et de la sécurité des consommateurs. C'est peut-être ça la solution, mais j'aimerais savoir si votre organisation ou la Coalition a rédigé un amendement précis là-dessus.

Mme Osmond : Nous avons proposé des amendements aux articles 16 et 17.

Le sénateur Banks : Précisent-ils le genre de renseignements qui pourront être communiqués?

Mme Osmond : L'amendement prévoit que la personne ou l'entreprise qui est visée par les renseignements et qui a fourni ces renseignements soit avisée au préalable et qu'elle ait la possibilité de vérifier l'exactitude et la véracité de ces renseignements avant leur communication. Cela permettrait au moins à l'entreprise d'avoir son mot à dire.

Toutefois, votre remarque est tout à fait judicieuse. Comme nous le disons dans notre mémoire, il faudrait également préciser qu'on ne communiquera que les renseignements qui sont nécessaires à la protection de la santé et de la sécurité des consommateurs. Par exemple, le gouvernement pourrait révéler dans quelle région le produit est vendu, sans révéler pour autant la liste des clients de l'entreprise.

Le sénateur Banks : J'aimerais insister auprès des sénateurs pour qu'ils examinent de près toute la question de l'incorporation par renvoi, afin d'éviter que des Canadiens ne contreviennent à ces règlements tout simplement parce qu'ils n'en avaient pas été informés.

Le sénateur Martin : J'aimerais revenir sur la procédure de rappel actuellement en vigueur.

Reconnaissez-vous avec moi que Santé Canada a adopté jusqu'à présent une approche tout à fait raisonnable et que ce ministère donne à l'industrie la possibilité de faire des rappels volontaires?

Mme Osmond : À l'heure actuelle, c'est la seule solution possible. Il faut qu'il y ait une consultation entre l'entreprise et Santé Canada pour que le rappel puisse se faire.

Nous espérons que Santé Canada conservera la même approche lorsque le projet de loi sera adopté, et les fonctionnaires du ministère nous ont rassurés à ce sujet. Toutefois, au risque de me répéter, je dirai qu'on accorde à un inspecteur un pouvoir considérable en lui permettant d'ordonner un rappel et que, à notre avis, il faudrait circonscrire l'exercice de ce pouvoir.

La pratique actuelle est celle des fonctionnaires qui sont actuellement en poste. Mais ce projet de loi pourrait être appliqué pendant de nombreuses années, et de nouveaux fonctionnaires seront en poste, qui interpréteront la loi d'une façon tout à fait différente. Ils n'auront peut-être pas la mémoire institutionnelle des intentions qu'avaient ceux qui étaient en poste au moment de l'adoption du projet de loi.

Le sénateur Martin : Pour le moment, on dit clairement que le ministère commencera par négocier avec l'industrie un rappel volontaire. Vous dites que des pouvoirs considérables sont accordés à des inspecteurs, mais je vous rappelle que les pouvoirs conférés au ministre par l'actuelle Loi sur les produits dangereux sont en fait délégués à des inspecteurs. Ce sont eux les spécialistes, qu'il s'agisse d'ingénieurs, de scientifiques ou de chimistes, et c'est exactement ce que nous proposons dans le projet de loi C-6.

Mme Osmond : À mon avis, ce n'est pas un argument qui justifie qu'on donne ce pouvoir à un inspecteur. Que je sache, lorsque ce genre de problème se pose, le rappel du produit est généralement la solution de dernier recours, comme je l'ai dit tout à l'heure. Autrement dit, il faut envisager d'autres mesures avant de rappeler le produit.

Ce n'est pas une décision qui devrait être prise par une seule personne. Il y a certainement des gens très expérimentés, mais nous savons que Santé Canada devra embaucher beaucoup de personnel supplémentaire afin de répondre aux exigences de ce projet de loi. Par conséquent, il y a des personnes sans expérience qui se retrouveront dans des postes d'inspecteurs.

Le président : Comme je n'ai plus de noms sur ma liste, j'aimerais adresser tous mes remerciements à Carol Osmond. Vous avez été sur la sellette pendant pas mal de temps, mais cela a permis à mes collègues de vous poser beaucoup de questions.

Nous allons faire une pause, après quoi nous discuterons de la façon dont nous voulons conclure notre examen du projet de loi C-6.

Chers collègues, Mme Osmond a été ce soir notre seul témoin sur le projet de loi C-6, mais nous espérions, au départ, pouvoir accueillir également la commissaire à la protection de la vie privée ainsi que M. Shawn Buckley. Ils devaient tous les deux comparaître ce soir.

La commissaire à la protection de la vie privée n'a pas pu venir parce qu'elle avait d'autres engagements, mais elle sera là le 18 novembre, date de notre première réunion après l'ajournement. M. Buckley n'est pas disponible avant le 25 novembre, car il plaide une affaire importante en tribunal. Notre comité de direction estime toutefois qu'il serait utile d'entendre M. Buckley, car il connaît bien tout ce dossier. Le comité de direction vous recommande donc de le convoquer pour le 25 novembre.

Par ailleurs, j'essaie de faire venir un groupe de conseillers juridiques indépendants. Nous avons déjà entendu plusieurs avis juridiques, et notre témoin de ce soir était d'ailleurs une avocate. Mais il serait intéressant d'avoir des avis indépendants sur les implications juridiques de ce projet de loi, car les discussions ont souvent tourné autour de ça. En effet, la plupart des questions ont porté sur le libellé des dispositions juridiques d'un point de vue pénal, constitutionnel et commercial.

Nous sommes en train de passer en revue une liste de professeurs, les universités étant sans doute la meilleure source de conseillers juridiques indépendants. Je voulais donc vous dire que nous étudions la question et que nous espérons pouvoir convoquer un certain nombre de professeurs.

Nous pourrions ensuite accueillir la ministre ou des fonctionnaires de Santé Canada. Je ne sais pas si elle sera disponible, mais en tout cas, le comité de direction recommande qu'elle comparaisse avec des fonctionnaires de son ministère le 26 novembre.

À cette même réunion, si nos discussions avec les fonctionnaires ne durent pas trop longtemps, nous pourrons commencer également l'examen article par article du projet de loi C-6. Cela nécessitera bien sûr d'examiner les dispositions actuelles et les amendements que vous voudrez proposer, et il faudra également décider si nous préparerons un rapport assorti d'observations.

J'espère que nous pourrons commencer cet examen le 26 novembre pour le terminer ce même jour ou un peu plus tard. À mon avis, tout pourrait être terminé d'ici à la fin du mois de novembre.

Avez-vous des commentaires?

Le sénateur Eaton : Monsieur le président, je ne sais pas ce qu'il en est des autres sénateurs, mais personnellement, j'ai été submergé d'appels téléphoniques de partisans de Shawn Buckley qui qualifiaient notre campagne de vaccination contre le H1N1 de vaste conspiration visant à vacciner les enfants pour les empêcher de se reproduire. C'est absolument sordide. Je me demande donc pourquoi nous le convoquons avec ses partisans, car le fait d'offrir une tribune à ce genre de personne jette le discrédit sur un travail que nous prenons tous très au sérieux.

Je suis désolé, mais je pose la question au comité de direction. Je trouve cela presque insultant d'une certaine façon.

Le président : Nous n'invitons pas ceux qui croient que nous vaccinons les gens contre leur gré. Ce n'est pas ce que pense M. Buckley.

Le sénateur Cordy : Désolée de vous interrompre, mais la lumière rouge est allumée, ce qui signifie que notre réunion est télédiffusée, n'est-ce pas?

Le président : Nous sommes toujours en séance publique, mais cette partie de la réunion n'est pas télévisée. Si vous préférez, nous pouvons nous réunir à huis clos.

Que je sache, M. Buckley ne partage pas cette conviction. Il se peut que certains de ses partisans pensent que nous vaccinons les gens contre leur gré. Mais ce n'est pas eux que nous avons invités, et nous n'avons pas l'intention de les inviter. M. Buckley, quant à lui, a beaucoup d'expérience dans ce domaine, et je pense qu'il serait utile que nous entendions ce qu'il a à nous dire. C'est en tout cas ce que le comité de direction a décidé. Les autres personnes dont vous avez parlé n'ont pas été invitées.

Le sénateur Eaton : Si ces personnes l'appuient, c'est parce qu'il les représente. Je suis tout seul à être de cet avis, mais c'est ce que je pense.

Le président : Vous y allez peut-être un peu fort. Ce n'est pas parce qu'une personne aux idées assez extrêmes vous appuie que vous partagez ces idées-là.

Le sénateur Eaton : Si je prétendais que la campagne de vaccination visait à stériliser les enfants...

Le président : Je n'ai jamais entendu M. Buckley affirmer cela.

Le sénateur Eaton : C'est pourtant ce que ses partisans font au téléphone.

Le président : Mais eux ne sont pas invités.

Le sénateur Eaton : Mais ils vont l'accompagner.

Le président : Peut-être. Tout le monde a le droit d'assister à nos réunions; ils nous enverront peut-être aussi des courriels. Peut-être qu'ils nous en enverront moins. Nous avons déjà invité M. Buckley, en fait, nous l'avions invité pour ce soir. Ce n'est donc pas aujourd'hui que nous avons décidé de l'inviter.

Avez-vous d'autres commentaires?

Le sénateur Day : Pourrions-nous inviter un représentant d'une association de consommateurs? Je n'ai personne à recommander, mais nous avons entendu beaucoup d'importateurs et de fabricants, et je reconnais que ce sont eux qui seront les plus touchés par le projet de loi. Toutefois, ça serait bien d'entendre des représentants de ceux que nous visons à protéger avec ce projet de loi.

Le président : Nous avons déjà entendu le témoignage d'un certain nombre d'organisations qui s'occupent de la protection des enfants et du public en général. N'oubliez pas ce que je vous disais au début : nous devons essayer d'entendre un échantillon représentatif des différents groupes touchés par ce projet de loi, et je pense que nous aurons entendu à peu près tous les points de vue.

Le sénateur Day : Pensez-vous que nous ayons suffisamment entendu le point de vue des consommateurs?

Le président : Je pense que nous avons entendu les points de vue de tous les groupes concernés. Si vous pensez que quelqu'un d'autre pourrait apporter un éclairage différent de ceux des autres témoins qui ont comparu ou qui vont comparaître, nous sommes prêts à envisager cette possibilité.

Le sénateur Day : Merci.

Le président : Sur ce, il est 18 heures et je déclare la séance levée.

(La séance est levée.)


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