Aller au contenu
 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Finances nationales

Fascicule 4 - Témoignages du 21 avril 2010


OTTAWA, le mercredi 21 avril 2010

Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd'hui, à 18 h 45, en vue d'examiner le Budget des dépenses déposé au Parlement pour l'exercice se terminant le 31 mars 2010 (sujet : Rapport du printemps 2010 de la vérificatrice générale du Canada).

Le sénateur Joseph A. Day (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Je déclare ouverte la séance du Comité sénatorial permanent des finances nationales. Je tiens à remercier tous ceux qui sont présents.

[Français]

Bienvenue à tous. Je vous remercie de votre présence parmi nous. Hier, la vérificatrice générale du Canada a déposé son rapport du printemps 2010.

[Traduction]

Le rapport contient six chapitres qui traitent de sujets divers : le vieillissement des systèmes de technologie de l'information, la modernisation de la gestion des ressources humaines, la réhabilitation des édifices du Parlement, le développement durable dans les Territoires du Nord-Ouest, la recherche scientifique au sein d'Agriculture et Agroalimentaire Canada, et les examens spéciaux des sociétés d'État.

C'est avec grand plaisir que nous accueillons de nouveau Mme Sheila Fraser, vérificatrice générale du Canada depuis le 31 mai 2001. Je crois comprendre que votre mandat est de 10 ans. Nous sommes heureux de vous avoir parmi nous et de voir que vous poursuivez votre excellent travail.

[Français]

Elle est accompagnée par Sylvain Ricard, Nancy Cheng et Ronald Campbell, tous les trois sont vérificateur général adjoint.

[Traduction]

Sheila Fraser, vérificatrice générale du Canada, Bureau du vérificateur général du Canada : Merci beaucoup, monsieur le président. Nous sommes heureux de vous présenter notre rapport du printemps 2010, qui a été déposé à la Chambre des communes hier. J'ai présenté un autre rapport qui fait le survol de l'initiative des dossiers de santé électroniques au Canada. Comme vous l'avez mentionné, je suis accompagnée des vérificateurs généraux adjoints Ronald Campbell, Nancy Cheng et Sylvain Ricard.

Plusieurs chapitres de mon rapport, de même que celui sur les dossiers de santé électroniques, font mention d'investissements de l'ordre de milliards de dollars que fait le gouvernement. Pour que ces investissements aient les résultats espérés, je conseille fortement au gouvernement de les planifier et de les budgétiser à long terme.

Le gouvernement fédéral compte sur les systèmes de technologie de l'information pour fournir des programmes et des services aux Canadiens. Or, bon nombre de ces systèmes vieillissent, et plusieurs risquent de tomber en panne. Pour l'instant, les systèmes fonctionnent, mais une panne pourrait avoir de graves conséquences. Dans le pire des cas, le gouvernement pourrait ne plus pouvoir fournir certains programmes et services aux Canadiens.

Nous avons établi que la Direction du dirigeant principal de l'information du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada sait que les risques associés au vieillissement des systèmes de technologie de l'information constituent une menace de taille pour l'ensemble du gouvernement. Malgré cela, elle n'a pas reconnu officiellement le problème en tant que domaine important pour le gouvernement. Elle n'a pas non plus dégagé ou mis en œuvre des orientations stratégiques pangouvernementales pour le régler.

Le renouvellement et la modernisation des systèmes de technologie de l'information peuvent prendre des années et ils exigent des investissements considérables qui doivent être planifiés et budgétés à long terme. Le Secrétariat du Conseil du Trésor devrait préparer un rapport sur l'état des systèmes de technologie de l'information à l'échelle du gouvernement et élaborer un plan pour remédier à la situation.

[Français]

Mon rapport aborde la mise en œuvre par le gouvernement des changements clés requis aux termes de la Loi sur la modernisation de la fonction publique de 2003. Cette loi est un projet complexe qui vise à transformer la manière dont le gouvernement fédéral recrute, gère et appuie ses employés. Des progrès ont été accomplis, mais il s'agit d'un processus en transition dont les effets ne sont pas encore apparents.

Nous avons constaté que les changements clés exigés par la loi ont été mis en place, mais qu'on dispose de peu d'informations sur les résultats qu'ils ont eus. Cette information est requise pour déterminer si les résultats obtenus sont à la hauteur des attentes.

Une gestion judicieuse des ressources humaines est cruciale à l'efficacité de la fonction publique et à la qualité des services fournis aux Canadiens. Le gouvernement doit veiller à assurer le succès de cette initiative.

[Traduction]

Nous nous sommes penchés aussi sur la réhabilitation des édifices de la Colline du Parlement. Travaux publics et Services gouvernementaux Canada a relevé des risques importants de défaillance des systèmes des édifices. De telles défaillances pourraient perturber les activités du Parlement. Ces édifices font partie du patrimoine du pays et sont essentiels aux activités du Parlement. Le cadre de gouvernance limite les progrès dans les travaux de réhabilitation et, pendant ce temps, les édifices continuent de se détériorer.

La responsabilité des édifices du Parlement est partagée entre de nombreuses organisations. Les processus de prise de décisions et de reddition de comptes sont fragmentés, et il n'y a pas de consensus sur les priorités. Ces faiblesses retardent les décisions et les projets et contribuent à accroître les coûts et les risques liés aux projets.

Il faut régler le problème persistant de gouvernance qui a été soulevé par nous, et par d'autres, depuis des années. Nous croyons que les responsabilités et la reddition de comptes à l'égard des édifices du Parlement devraient être confiées au Sénat et à la Chambre des communes.

[Français]

Je vais maintenant passer aux Territoires du Nord-Ouest où le développement durable et équilibré dépend de la mise en place de plusieurs mesures clés.

Les ententes conclues avec les groupes autochtones définissent les structures de gouvernance et le droit des propriétés sur les terres et les ressources, et elles sont importantes pour le développement économique et pour protéger l'environnement. Elles apportent une mesure de certitude et de prévisibilité aux entreprises, à l'industrie, aux communautés et aux gouvernements.

Nos vérificateurs ont constaté que le ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada a fait de réels efforts pour préciser ces structures et ces droits dans les négociations qui ont abouti au règlement de certaines revendications territoriales.

Cependant, dans les autres régions où les négociations se poursuivent, le ministère n'a pas mis en place un système de réglementation adéquat pour protéger l'environnement. De plus, Affaires indiennes et du Nord Canada et Environnement Canada ne se sont pas acquittés de leur responsabilité de surveiller les impacts environnementaux cumulatifs du développement.

Le gouvernement fédéral a des obligations précises en matière de gouvernance efficace, de protection de l'environnement et de développement des capacités, et ce, afin d'assurer le développement durable des Territoires du Nord-Ouest. S'il manque à ses obligations, des occasions de développement économique pourraient être manquées, l'environnement pourrait subir des dommages et des problèmes sociaux pourraient se multiplier dans les communautés des Territoires du Nord-Ouest.

[Traduction]

Nous avons aussi vérifié si Agriculture et Agroalimentaire Canada gère ses activités de recherche de façon à atteindre ses buts de promouvoir l'excellence en recherche et de renforcer la collaboration avec d'autres organismes de recherche. Le ministère a collaboré avec succès à maintes reprises avec d'autres organismes dans le cadre de projets de recherche individuels. Cependant, les collaborations plus complexes que nous avons examinées n'ont pas été bien gérées, et la bonne volonté de partenaires clés a été ébranlée.

Par ailleurs, le ministère n'a pas défini les ressources humaines, les équipements et les installations dont il a besoin pour appuyer ses nouvelles orientations stratégiques. Une forte proportion du matériel agricole et de laboratoire a dépassé sa durée de vie utile.

La recherche menée par le ministère est importante pour maintenir la capacité du Canada à produire des aliments et à soutenir la concurrence internationale. Nous avons constaté de graves problèmes dans des secteurs de recherche cruciaux, notamment la gestion du financement, des immobilisations et des ressources humaines.

[Français]

Mon rapport reprend les points saillants des rapports des examens spéciaux, visant 11 sociétés d'État, qui ont été menées en 2009. Il faut noter que les points saillants ne reflètent pas ce qui a pu se produire depuis que ces rapports ont été transmis aux conseils d'administration des sociétés d'État en question.

Dans un examen spécial, une lacune importante est une faiblesse majeure qui peut empêcher la société d'État d'obtenir l'assurance raisonnable que ses actifs sont protégés et contrôlés, que ses ressources sont gérées avec efficience et économie, et que ses activités sont menées de manière efficace.

Dans trois des sociétés d'État, nous avons constaté une ou plusieurs lacunes importantes que nous avons signalées aux ministères compétents. Ces trois sociétés étaient la Société canadienne des postes, la Société du musée des sciences et de la technologie du Canada, et Marine atlantique. Dans deux des trois cas, soit Postes Canada et Marine atlantique, les lacunes relevées touchaient les dépenses en immobilisation et le financement de ces dernières.

[Traduction]

Mon bureau et les bureaux de vérification de six provinces ont mené des vérifications distinctes mais simultanées sur l'élaboration et la mise en service des dossiers de santé électroniques au Canada. Les dossiers de santé électroniques devraient réduire les coûts et améliorer la qualité des soins. Cette initiative pancanadienne comporte cependant des investissements et des défis de taille.

Mes collègues et moi-même invitons les parties prenantes à présenter des rapports détaillés sur les progrès réalisés et les bienfaits obtenus. Nous invitons également les comités de chaque assemblée législative à continuer à suivre cette initiative complexe.

Monsieur le président, ceci termine ma déclaration d'ouverture. Nous serions heureux de répondre à vos questions.

Le président : Merci beaucoup, madame Fraser. Nous vous félicitons du travail que vous effectuez en tant que haut fonctionnaire du Parlement. Les renseignements que vous nous fournissez nous aident à remplir notre mandat en matière de surveillance.

Comme il y a plusieurs sénateurs, au sein du comité, qui sont nouveaux, il serait bon que vous nous donniez un bref aperçu du bureau. À combien s'élève votre budget annuel? Combien d'employés comptez-vous?

Mme Fraser : Le Canada a un vérificateur général indépendant depuis 1878. Fait intéressant, à l'époque de la Confédération, le vérificateur général était également le sous-ministre des Finances. J'ai entendu certains sous- ministres des Finances maudire le jour où le poste a été scindé en deux.

Notre rôle a, bien sûr, évolué au fil des ans. Toutefois, notre tâche première consiste à vérifier les états financiers et les comptes publics du gouvernement. Le bureau vérifie également la majorité des sociétés d'État, les trois territoires et quelque 35 organisations territoriales. Pendant de nombreuses années, il a vérifié des organismes des Nations Unies. À l'heure actuelle, nous agissons comme vérificateurs de l'Organisation internationale du travail.

Le bureau emploie 635 personnes et dispose d'un budget annuel de quelque 90 millions de dollars. La plupart de nos employés se trouvent à Ottawa. Toutefois, nous en avons aussi à Halifax, Montréal, Edmonton et Vancouver.

Le président : Est-ce que les vérifications comptables sont toutes identiques? Ou est-ce que certaines comportent, en plus, des vérifications de la gestion et de l'optimisation des ressources?

Mme Fraser : Non. Nous consacrons un peu plus de 50 p. 100 de notre temps aux vérifications d'attestation. Les sociétés d'État doivent faire l'objet d'examens spéciaux, un exercice qui consiste à revoir l'ensemble de leurs pratiques. En fait, nous devons indiquer si les systèmes et pratiques en place sont adéquats.

Les examens spéciaux, dans le passé, étaient réalisés tous les cinq ans. Aujourd'hui, ils ont lieu au moins une fois tous les dix ans. Nous publions les résultats de nos rapports depuis que les sociétés d'État sont tenues de les diffuser sur leurs sites web.

Le reste du temps, nous menons des vérifications de gestion et nous procédons à des évaluations de risque pour déterminer quels domaines d'activité vont faire l'objet d'un examen. Enfin, le bureau effectue chaque année environ 25 vérifications de gestion.

Le sénateur Marshall : Madame Fraser, je voudrais parler de la vérification dont a fait l'objet Marine Atlantique. Comme vous le savez, la société offre un axe de transport vital vers Terre-Neuve-et-Labrador. Dans vos constatations, vous mentionnez l'article 131 de la Loi sur la gestion des finances publiques. Vous dites que « Marine Atlantique risque de ne pas être en mesure d'assurer les services dont elle a la charge. » Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet?

J'ai lu le rapport, qui est détaillé, et les commentaires de Marine Atlantique. Pouvons-nous avoir des précisions? Vous dressez un constat sévère, au ton négatif. Je vous demanderais d'approfondir ce point.

Mme Fraser : Comme le sénateur de Terre-Neuve est en mesure de le constater, il ne s'agit pas d'une opinion type. En fait, c'est la deuxième fois, dans l'histoire du bureau, que nous émettons une opinion défavorable : Marine Atlantique ne dispose pas des systèmes et des pratiques nécessaires pour gérer ses activités de manière efficace.

Nous avons décelé deux lacunes importantes. La première concerne le vieillissement de la flotte et des installations à terre. La deuxième vise les moyens et les méthodes opérationnels de la société. Par exemple, à l'été 2008, Marine Atlantique n'a réussi à respecter les horaires établis que dans 10 p. 100 des cas. La situation était, en partie, attribuable au matériel défectueux, mais aussi à la grande complexité du cadre de gestion de la société.

Le rapport a été publié à l'été 2009. Peu de temps avant, la société avait procédé à des changements majeurs au niveau de la gestion et remplacé plusieurs membres du conseil d'administration. Le bureau a déposé le rapport auprès du conseil, qui l'a pris très au sérieux. Nous travaillons très fort en vue d'améliorer la structure de gestion.

Autre point : la société comptait sur une équipe de gestion beaucoup trop petite qui n'avait pas la capacité voulue pour s'attaquer aux nombreux enjeux. Le dernier budget prévoit des fonds additionnels pour l'amélioration des installations et de la flotte. Des progrès sont en cours. Il sera intéressant de voir si les horaires sont respectés cet été.

Le sénateur Marshall : Vous avez effectué une vérification en 2004. Vous avez indiqué, dans un rapport ultérieur, que bon nombre des recommandations formulées en 2004 n'avaient pas été mises en œuvre. Compte tenu des défis de taille auxquels Marine Atlantique doit faire face et vu qu'elle n'a pas donné suite aux recommandations de 2004, je me demande dans quelle mesure on peut s'attendre à ce qu'elle observe celles du rapport de 2009.

Marine Atlantique est responsable de la mise en œuvre des recommandations. Quand allez-vous effectuer une vérification de suivi? Il y a eu, en 2009, un suivi du rapport de 2004. Nous comptons sur vous pour nous dire s'il y a des améliorations. Les habitants de Terre-Neuve-et-Labrador s'en rendent compte lorsqu'ils utilisent le service, mais quand le bureau sera-t-il, lui, en mesure de nous le dire?

Mme Fraser : Comme je l'ai mentionné, dans le passé, l'examen spécial avait lieu tous les cinq ans. C'est pour cela que nous en avons effectué un en 2004, et ensuite en 2009. L'examen spécial est maintenant entrepris tous les dix ans. Toutefois, lorsque j'ai rencontré les membres du conseil d'administration, je leur ai dit qu'il ne faudrait pas attendre dix ans, qu'un tel examen peut avoir lieu plus tôt, à la demande du conseil, du ministre ou du vérificateur général.

Nous allons évaluer le plan d'action de la société. Nous nous attendons à ce qu'elle fixe des échéances précises pour ce qui est du respect des engagements. Ensuite, nous procéderons à une vérification dans trois, quatre ou peut-être cinq ans pour voir s'il y a eu des améliorations. Bien entendu, nous allons faire le point de la situation dans nos rapports annuels.

Le sénateur Marshall : Est-ce que le rapport de suivi est rendu public?

Mme Fraser : Non.

Le sénateur Marshall : Est-ce qu'il fait l'objet d'un examen à l'interne?

Mme Fraser : Oui.

Le sénateur Marshall : Il est question, dans le chapitre 6, des sociétés d'État. Vous dites que 11 d'entre elles ont fait l'objet d'un rapport. Vous les énumérez. Est-ce que l'Agence de promotion économique du Canada Atlantique est une société d'État?

Mme Fraser : Non, c'est une agence.

Le sénateur Marshall : Sur quels critères se fonde-t-on pour déterminer que les états financiers d'une société vont faire l'objet d'une vérification, mais qu'ils ne seront pas inclus dans les comptes publics du Canada?

Mme Fraser : Certaines sociétés produisent leurs propres états financiers et demandent qu'ils soient soumis à une vérification. Le Bureau du surintendant des institutions financières, par exemple, doit produire des états financiers vérifiés. En 2004, on a annoncé que les états financiers de tous les ministères feraient l'objet d'une vérification d'ici 2009. Or, à la fin de 2009, seuls les états financiers du ministère de la Justice avaient été vérifiés. Cette décision n'a jamais été officialisée. On se demande si le gouvernement tient vraiment à poursuivre cette initiative.

Le bureau a décidé récemment que, compte tenu du gel des dépenses qui a été décrété et vu que les augmentations salariales doivent être absorbées à même notre budget, les états financiers des ministères ne seront pas vérifiés parce qu'il ne s'agit pas d'une priorité pour le gouvernement. Nous allons réévaluer notre position s'il y a du nouveau à ce chapitre.

L'APECA produit sans doute des états financiers, mais nous n'en effectuons pas la vérification.

Le sénateur Marshall : Les états financiers ne doivent pas obligatoirement être préparés et vérifiés par votre bureau?

Mme Fraser : Non.

[Français]

Le sénateur Ringuette : Madame Fraser, c'est toujours un plaisir de vous avoir parmi nous. Je m'inquiète toujours de la suffisance des ressources humaines. La dernière fois que nous nous étions rencontrés au comité, il y avait des inquiétudes de votre part sur le fait d'avoir des ressources humaines suffisantes pour remplir votre mandat et vous étiez en période de recrutement. Où en est-on au niveau de vos effectifs pour effectuer les tâches?

Mme Fraser : Cela va bien. Nous avons fini de compléter notre effectif. C'est toujours un défi d'attirer des comptables en particulier car il y a une pénurie sur le marché, dans l'ensemble. Nous avons eu beaucoup de succès dernièrement et j'espère que cela va continuer, mais ce n'est pas facile de faire concurrence au secteur privé, en particulier, pour ce qui est des comptables.

Le sénateur Ringuette : Est-ce que vos bureaux vont être appelés à subir des compressions budgétaires aussi?

Mme Fraser : Oui, nous devons, comme tous les ministères, absorber l'augmentation salariale de 1,5 p. 100. Pour nous, cela représente près d'un million de dollars. Nous sommes en train de passer au peigne fin toutes les activités.

Le sénateur Ringuette : Cela m'amène à vous demander si vous allez avoir ou si vous avez eu l'occasion de faire la vérification du programme de bonus pour les cadres de la fonction publique.

Mme Fraser : Non, nous ne l'avons pas faite.

Le sénateur Ringuette : Est-ce dans votre agenda prochainement?

Mme Fraser : Non.

Le sénateur Ringuette : Je passe donc à la prochaine question.

[Traduction]

Au cours du dernier exercice financier, la Banque de développement du Canada a conclu un grand nombre de transactions dans le domaine du financement de la location de véhicules. La Société centrale d'hypothèques et de logement a fait la même chose dans le domaine des prêts hypothécaire. Il est question ici de milliards de dollars. Allez- vous procéder à une vérification de l'optimisation des ressources dans le cas de ces deux transactions?

Mme Fraser : Nous allons, bien entendu, examiner ces transactions lorsque nous allons soumettre la BDC et la SCHL à une vérification. En fait, le financement des hypothèques a fait partie de la vérification, en tout cas, de mars 2010. Nous avons analysé la façon dont ces transactions ont été enregistrées dans les états financiers, si des mesures financières adéquates ont été prises, au besoin, ainsi de suite.

Comme je l'ai déjà indiqué, nous procédons à des examens spéciaux des sociétés d'État. La SCHL et la BDC figuraient parmi les 11 sociétés d'État qui ont fait l'objet d'un rapport. Ces examens auraient été effectués avant que les transactions majeures ne soient conclues. Toutefois, nous avons jeté un coup d'œil aux autres transactions des sociétés et nous avons constaté que la SCHL, par exemple, investit déjà beaucoup dans le financement hypothécaire. En ce qui concerne la BDC, nous avons examiné non pas la nouvelle facilité de crédit, mais celle qui existait déjà. Ces transactions ne seront pas soumises à une vérification de gestion avant le prochain examen spécial.

Le sénateur Ringuette : Autrement dit, ces deux grands programmes ne feront pas l'objet d'une vérification de l'optimisation des ressources avant quatre ou cinq ans?

Mme Fraser : Peut-être plus, parce nous avons produit des rapports positifs dans le cas de ces deux sociétés d'État. Elles sont toutes les deux bien gérées. L'évaluation des risques ne se fera probablement pas avant huit ou neuf ans.

Le sénateur Ringuette : Il est question ici de 80 milliards de dollars.

Mme Fraser : Je répète : les transactions sont passées en revue quand nous vérifions les états financiers. Nous le faisons plus tôt si des problèmes se manifestent ou si elles soulèvent des préoccupations.

Le sénateur Ringuette : La dernière fois que vous êtes venue témoigner devant notre comité, nous avons discuté du programme d'infrastructures et de votre capacité de le soumettre à des vérifications, compte tenu de la marge de manœuvre dont vous disposez. Vous nous avez indiqué que vous vous en remettiez à vos homologues des provinces pour la partie provinciale. Le programme relève du gouvernement fédéral, des provinces et des municipalités ou des organismes sans but lucratif.

Cependant, lorsque je jette un coup d'œil à la documentation que vous avez produite pour nous et que nous apprécions évidemment, j'y trouve un résumé sur les dossiers de santé électroniques et les investissements qui leur ont été consacrés. Le rapport est issu d'une vérification conjointe fédérale-provinciale. Ne pourrait-on pas procéder à une vérification semblable pour les infrastructures?

Mme Fraser : Oui. M. Campbell dirige une équipe qui est un train d'effectuer une vérification du plan d'action économique. Nous allons déposer le rapport issu de cette vérification en octobre prochain. Pour l'instant, nous nous concentrons sur les mécanismes de contrôle mis en place. La conception ou les objectifs du programme sont-ils clairs? Y a-t-il des mesures du rendement?

Dans la deuxième phase, nous examinerons les programmes d'infrastructures comme tels, car on n'a pas encore fini d'envoyer l'argent. Il est encore un peu tôt pour faire une vérification de ce programme. Des discussions ont commencé avec cinq ou six vérificateurs généraux pour effectuer ce que nous appelons des « vérifications simultanées » et pour produire à la fin un rapport qui en fera le bilan. Il est question présentement d'obtenir la collaboration des vérificateurs de quelques municipalités, comme Toronto, qui ont de très gros programmes. Nous allons soumettre le programme des infrastructures à des vérifications simultanées et collaboratives.

Le sénateur Ringuette : Seulement six provinces ont participé à la vérification sur les dossiers de santé électroniques. Je vois que le Nouveau-Brunswick, ma province, n'en fait pas partie. Pouvez-vous m'expliquer pourquoi?

Mme Fraser : La décision revient à chaque vérificateur général. Elle peut se justifier par des raisons de disponibilité des ressources et de planification du travail. De nombreux bureaux de vérificateur général sont assez petits et n'ont pas la même marge de manœuvre que d'autres. Ils doivent se fixer des priorités. Il aurait été très exceptionnel que les vérificateurs généraux de toutes les provinces travaillent de concert sur ce dossier. La vérification du programme d'infrastructures devrait, selon moi, réunir cinq ou six provinces, elle aussi.

Le sénateur Ringuette : Nous aurons le même problème en ce qui concerne les infrastructures.

Mme Fraser : Nous tâcherons certainement d'obtenir la participation des bureaux les plus gros, mais la décision leur revient.

Le sénateur Ringuette : J'aimerais souligner une déclaration de l'Association canadienne de la construction rapportée par la Presse canadienne. Elle se dit inquiète parce que le gouvernement fédéral a prévu de cesser le 31 mars 2010 d'injecter de l'argent dans les travaux d'infrastructures pour stimuler l'économie. De nombreux projets ne seront pas terminés à ce moment, alors on s'inquiète. Allez-vous examiner cette question dans le cadre de votre vérification?

Mme Fraser : Nous ne le ferons probablement pas dans la vérification dont le rapport sera déposé en octobre, mais dans la vérification subséquente.

Le sénateur Ringuette : Ma dernière question est très importante : quand a eu lieu la dernière vérification du ministère des Travaux publics?

Mme Fraser : Nous faisons presque continuellement des vérifications concernant le ministère des Travaux publics. C'est ce que vous diraient les gens de ce ministère. Nous avons fait une vérification de l'attribution des marchés.

Ronald Campbell, vérificateur général adjoint, Bureau du vérificateur général du Canada : C'était une vérification des marchés de services.

Mme Fraser : Ce ministère est souvent touché par nos autres vérifications. C'est le cas, par exemple, lorsque nous faisons une vérification des achats militaires. Il joue un rôle majeur dans la réhabilitation des édifices du Parlement. Il est visé par les vérifications concernant la santé et la sécurité. Nous en avons fait probablement cinq ou six, peut-être même davantage, au cours des dernières années.

Le sénateur Gerstein : Je me suis dit qu'avant de vous poser ma question, j'allais vous prévenir que je le ferai comme d'habitude dans un esprit dénué de toute partisanerie.

Le chapitre 3 de votre rapport indique que l'état des édifices du Parlement est caractérisé par des problèmes très sérieux. Comme vous l'avez souligné à juste titre, ces édifices sont importants pour plusieurs raisons. Non seulement ils sont au cœur du fonctionnement du gouvernement, mais ils constituent un élément emblématique de notre patrimoine et une grande attraction touristique pour Ottawa.

Je remarque que, dans votre recommandation, vous dites que les rénovations qui doivent être faites dans les édifices du Parlement ont été retardées par la lourdeur de la structure de gestion. Selon vous, c'est le Sénat et la Chambre des communes qui devraient être responsables de ces édifices.

Je suis tout à fait d'accord avec vous quand vous parlez des problèmes de la structure de gestion actuelle. Cependant, ma brève expérience de sénateur me dit que les Parlementaires risquent d'être réticents à accepter cette responsabilité parce qu'ils ont peur d'être mal vus s'ils font effectuer de coûteux travaux de rénovation dans les édifices dont ils sont les occupants. J'ajoute que c'est peut-être ce qui explique la détérioration importante de la résidence du premier ministre et de la résidence du chef de l'opposition. Je crois que nous sommes nombreux autour de cette table à connaître les problèmes qui affectent ces immeubles, quoique certains ne soient peut-être pas allés constater sur place depuis plus longtemps que d'autres.

Lorsque vous avez préparé vos recommandations, avez-vous envisagé une solution de rechange en matière de structure de gestion pour résoudre la situation que vous avez tout à fait raison de porter à notre attention?

Mme Fraser : Lorsque nous proposons de transférer la responsabilité au Parlement, nous indiquons implicitement qu'on devra se doter d'un mécanisme pour gérer cette responsabilité. Nous soulignons l'existence de divers modèles dans le rapport. Les États-Unis ont un architecte en chef. En Grande-Bretagne et en Australie, la responsabilité a été transférée au Parlement. Divers modèles peuvent être étudiés, et un certain nombre ont été envisagés au fil des ans. Les deux greffiers ont proposé des modèles il y a quelques années. Il faudra créer une unité chargée de cette fonction.

Actuellement, c'est le ministère des Travaux publics qui a la responsabilité des édifices. Le Parlement est considéré comme l'occupant des lieux. Il exprime ses besoins et ses priorités et les négocie avec le ministère des Travaux publics, qui doit par la suite négocier pour obtenir le financement.

Je peux vous dire, après avoir interrogé les gens et discuté avec eux, que tout le monde est complètement frustré à cause de ce système et très fâché envers ses divers acteurs. C'est un système qui ne fonctionne pas. Les désaccords concernant les priorités et même les critères pour déterminer la taille des bureaux ont causé des retards importants et ont envenimé les relations autour de ce sujet.

Nous croyons que les choses seraient beaucoup plus claires si la responsabilité était attribuée au Parlement. La politique gouvernementale sur les installations précise même que c'est le ministère concerné, et non le ministère des Travaux publics, qui devrait être responsable des immeubles à destination particulière. Or, les édifices du Parlement entrent certainement dans cette catégorie d'immeubles.

C'est le Parlement qui devrait, selon nous, avoir la responsabilité de demander de l'argent et d'établir ses priorités. C'est lui qui devrait rendre des comptes à ce sujet. Les négociations pour l'obtention des sommes nécessaires devraient se faire directement entre les deux parties. Le ministère des Travaux publics ne devrait pas se retrouver coincé entre elles.

S'agit-il d'une solution magique? Je n'en sais rien, mais j'ose espérer qu'elle réduira les retards et les tensions actuels.

Le sénateur Gerstein : Pensez-vous que vous auriez pu aller plus loin dans vos recommandations, en ce qui a trait au type de modèle à envisager?

Mme Fraser : Nous sommes d'avis que nous allons déjà très loin. Depuis 20 ans, nous disions que la question de la responsabilité de la gestion devait être examinée. Nous avons l'impression d'avoir fait un très grand pas en recommandant le transfert de la responsabilité au Parlement. Nous en avons discuté avec tous les acteurs concernés, et tout le monde nous a semblé voir cette recommandation d'un bon œil.

Le sénateur Eggleton : Les ministères répondent constamment qu'ils acceptent chacune de vos recommandations. Qui peut se permettre de ne pas être d'accord avec la vérificatrice générale? Qui oserait prendre le contrepied des recommandations de la vérificatrice générale? Je ne pense pas que les ministères soient nombreux à vouloir se retrouver dans une telle position, alors il est normal qu'ils se disent d'accord, ce qui ne nous empêche pas de nous interroger. Viennent-ils soudainement de se convertir? Que s'est-il passé ces derniers temps?

Par exemple, vous indiquez que le Conseil du Trésor reconnaît depuis plus de 10 ans que des systèmes informatiques sont trop vieux. Il envisage maintenant de rédiger un rapport pour établir un portrait juste de la situation. Il y a tout lieu de se demander pourquoi il a fallu tout ce temps. Est-ce le résultat d'une gestion défaillante? Serait-ce plutôt parce qu'on n'avait pas les ressources nécessaires pour faire le travail?

Pourriez-vous nous en dire davantage à ce sujet?

Je m'inquiète aussi de la situation des programmes de recherche au ministère de l'Agriculture. L'une des priorités du gouvernement est la concurrence étrangère. Il veut qu'on soit mieux armé pour faire face à la concurrence et qu'on augmente la productivité. Mais il semble agir n'importe comment. Il n'a pas pris le temps d'évaluer les ressources à sa disposition, il n'a pas prévu la mise à jour de l'équipement, et ainsi de suite. Est-ce le résultat d'un manque de ressources ou d'une gestion défaillante?

Deuxièmement, j'aimerais vous entendre au sujet des méthodes pour assurer le suivi, c'est-à-dire pour veiller à ce que les gens agissent vraiment, cette fois-ci, plutôt que d'attendre encore une fois 10 ans.

Mme Fraser : Parmi les problèmes que nous avons cernés, il y en a beaucoup qui découlent de la définition des priorités. Le financement entre certainement en ligne de compte dans l'application d'un grand nombre de nos recommandations. Au fil des ans, nous avons décelé, dans les systèmes, des faiblesses qui sont attribuables au manque de personnel. Certains dossiers souffrent de l'absence de personnel permanent.

Selon moi, si le problème des systèmes informatiques persiste, c'est qu'on ne le considère pas comme prioritaire. Le poste de dirigeant principal de l'information existe depuis longtemps, et il est raisonnable de penser que le titulaire de ce poste devrait avoir une bonne idée de l'état des systèmes informatiques dans l'ensemble de l'administration fédérale.

La plupart des ministères détiennent de l'information. Certaines améliorations seraient essentielles. Nous avons examiné cinq ministères, et seulement trois d'entre eux avaient des plans et connaissaient le coût de remplacement des systèmes informatiques, qui ont une importance majeure. Il me semble qu'on ne respecte pas les règles de gestion les plus élémentaires. La Direction du dirigeant principal de l'information devrait normalement avoir cette information en main.

En ce qui concerne les réactions à nos recommandations, il arrive de temps en temps qu'un ministère ne soit pas d'accord avec nous. Dès que nous avons rédigé nos constatations, nous nous efforçons de collaborer avec le ministère pour formuler une recommandation qu'il lui serait possible et réaliste d'appliquer, mais il arrive parfois que nous soyons incapables de nous entendre. Franchement, je préfère indiquer qu'un ministère n'est pas d'accord plutôt que de le voir faire semblant qu'il souscrit à une recommandation, sans y donner suite.

Depuis longtemps, nous encourageons le Comité des comptes publics de l'autre endroit à demander des plans d'action détaillés montrant comment les ministères vont donner suite aux recommandations qui leur sont faites et comprenant des échéanciers précis ainsi que les ressources qui sont prévues. Les ministères devraient déposer ces plans d'action à la Chambre. Nous nous en servons pour déterminer quand nous allons faire une vérification de suivi.

Nous avons un rapport spécialement consacré aux suivis. Nous déterminons si le progrès réalisé est satisfaisant. Dans près de 75 p. 100 des vérifications de suivi, nous constatons que le progrès est satisfaisant. Alors, on peut dire que le gouvernement donne bel et bien suite à nos recommandations, et que des améliorations sont apportées.

Le sénateur Eggleton : Ils déposent leurs plans d'action dans l'autre endroit.

Mme Fraser : Oui.

Le sénateur Eggleton : Pouvons-nous obtenir ces documents, nous aussi?

Mme Fraser : Je suis certain que vous le pourriez.

Le sénateur Eggleton : Les ministères remettent-ils ces rapports?

Mme Fraser : Ils les remettent au comité.

Le sénateur Eggleton : J'ai une question à vous poser sur un programme en particulier que vous avez soumis à une vérification, la SCHL, une société d'État. C'est peut-être arrivé trop récemment, mais toujours est-il qu'en 2009, le gouvernement a demandé à la SCHL d'acheter 50 milliards de dollars de prêts hypothécaires détenus par les grandes banques canadiennes, au cours de la crise financière, afin de leur donner la marge de manœuvre nécessaire pour qu'elles puissent consentir de nouveaux prêts. Avez-vous soumis cette mesure à une vérification? Dans l'affirmative, qu'avez- vous constaté?

Mme Fraser : Nous avons fait un examen spécial de la SCHL en 2009. Je crois cependant que le rachat des prêts hypothécaires s'est produit après cet examen. Mais il fait partie de nos vérifications des états financiers. Nous allons tâcher de répondre notamment aux questions suivantes : comment les transactions nécessaires ont-elles été effectuées? Comment ont-elles été inscrites dans les livres? S'il y a lieu de prévoir une provision pour les pertes sur prêts, la provision est-elle adéquate? Toutes ces questions seront posées dans la vérification des états financiers.

Le sénateur Neufeld : J'ai une autre question au sujet de la SCHL. J'ai entendu parler plusieurs fois du rachat, par la SCHL, de prêts hypothécaires d'une valeur de 50 milliards de dollars, comme le sénateur Eggleton l'a indiqué. Est-ce que je vous comprends bien lorsque je vous entends dire que votre vérification de la SCHL a donné de bons résultats, que vous êtes satisfaite de sa gestion et qu'il s'écoulera probablement de huit à dix ans avant que vous la soumettiez à la prochaine vérification? Si tel est le cas, j'en conclus que vous ne voyez pas de problème à la SCHL, et je pense que nous devrions nous en réjouir. Je suis satisfait moi aussi si vous nous dites sans hésitation qu'il n'y aura pas lieu de faire un examen spécial parce que la SCHL est bien gérée. Je vais tenir pour acquis qu'elle sera encore bien gérée à l'avenir.

Ai-je bien compris?

Mme Fraser : Oui. Je peux vous donner tous les éléments sur lesquels a porté l'examen spécial : les pratiques de gestion; la gestion du risque; la planification stratégique et la mesure du rendement; le programme d'assurance prêt hypothécaire, qui ne comprenait pas les mesures prévues dans le plan d'action économique; la titrisation; la gestion de la trésorerie et des investissements; la gestion des ressources humaines; les systèmes informatiques; les relations et les liens d'affaires; les programmes de logement. Nous avons fait un examen exhaustif. Nous avons fait notre travail conjointement avec un autre vérificateur, Ernst & Young. Nous avons produit un rapport très favorable, dans lequel nous soulignons beaucoup de bonnes pratiques. Nous avons constaté qu'il y avait matière à apporter quelques améliorations, mais le rapport est dans l'ensemble favorable. Il s'agit d'une société bien gérée.

Le sénateur Neufeld : Merci. Votre réponse mérite d'être bien notée. Cinquante milliards de dollars constituent une somme énorme, qui attire immédiatement les regards scrutateurs de la classe politique. Parmi les 11 sociétés d'État, y en a-t-il qui font leurs frais?

Mme Fraser : Certaines sont censées y arriver, par exemple les sociétés suivantes : Postes Canada; la BDC, qui rapporte des dividendes à l'État; la Corporation d'investissements au développement du Canada, qui détient une participation dans le projet Hibernia; Marine Atlantique, qui est censée s'autofinancer à 65 ou 75 p. 100, mais qui n'est pas capable d'atteindre cet objectif. Le Musée des beaux-arts du Canada et d'autres musées ne sont pas censés faire leurs frais. Je pense que la Corporation commerciale canadienne est financée par des crédits de même que le Conseil canadien des normes.

Le sénateur Neufeld : Dans le document que vous nous avez remis, vous indiquez que trois sociétés d'État ont des faiblesses importantes. Ma collègue vous a posé quelques questions sur Marine Atlantique. Vous écrivez avoir constaté des faiblesses dans les dépenses en immobilisations et dans la recherche du financement nécessaire. Postes Canada fait partie des trois sociétés en question. Vous dites que Postes Canada éprouve de la difficulté dans ses dépenses en immobilisations, mais vous constatez aussi qu'elle fait ses frais, ce qui me paraît contradictoire. Alors, est-ce que je saisis mal? Je n'ai peut-être pas posé ma question comme il faut.

Mme Fraser : Postes Canada a entrepris un grand projet de modernisation. Ses installations sont en grande partie désuètes. Nombre de ses centres de tri ont plus de 40 ans et doivent être rénovés. Le coût du projet est estimé à un peu plus de 3 milliards de dollars. Compte tenu de la récession économique, les recettes de Postes Canada ont diminué et ne sont pas suffisantes pour financer le projet. Au moment où nous terminions notre examen spécial de cette société d'État, elle venait de proposer au gouvernement des mesures pour accroître ses recettes, soit une augmentation du tarif d'affranchissement et une hausse de la limite des emprunts qu'elle a le droit d'effectuer. Le gouvernement a autorisé Postes Canada à appliquer ces deux mesures, et cette autorisation est arrivée après la fin de notre examen spécial.

Nous n'avons pas vu le plan pour vérifier si les hausses accordées seront suffisantes. Nous ne savons pas non plus quel est l'échéancier du projet, dont la vitesse de réalisation est déterminante pour qu'il puisse être aussi avantageux que prévu. Des négociations importantes avec les syndicats se profilent à l'horizon et vont être cruciales pour déterminer dans quels délais le projet sera réalisé. Nous n'avons pas vu les mises à jour du plan. Lorsque nous avons terminé notre vérification, Postes Canada n'avait pas encore reçu l'autorisation nécessaire. Elle considère que ce projet a une importance cruciale pour ses activités à venir.

Le sénateur Neufeld : Je voudrais vous parler d'une autre question, soit des Territoires-du-Nord-Ouest. Vous dites que, dans les régions où ont encore lieu des négociations sur les revendications territoriales, le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien n'a pas établi un système de réglementation adéquat pour protéger l'environnement.

À ma connaissance, il y a des revendications territoriales depuis presque aussi longtemps que je suis en politique, et il y en aura pendant probablement encore longtemps. Dois-je comprendre qu'en attendant, Environnement Canada a adopté une réglementation et des lois sur l'environnement pour les Territoires du Nord-Ouest? Je suis surpris. On a laissé aller les choses, et on commence maintenant à vouloir édicter une réglementation à cet égard? Pourriez-vous nous en parler? Prenez votre temps. Le président vous laissera probablement parler, mais il ne me le permettra certainement pas. J'aimerais notamment connaître les effets cumulatifs, puisque je suis au courant de la situation dans les Territoires du Nord-Ouest et de certaines des mesures qui y sont en vigueur.

Mme Fraser : Dans les Territoires du Nord-Ouest, environ 70 p. 100 des revendications territoriales ont été réglées. Lors d'une entente, on a établi des dispositions concernant des conseils de cogestion. Puisque 30 p. 100 des revendications territoriales n'ont toujours pas été réglées et que, par conséquent, il n'existe pas encore de conseil de cogestion, les Premières nations ne sont consultées et ne participent au processus que lorsqu'il est déjà bien entamé. Dans le rapport, il est question de certains projets de développement qui ont accusé un retard assez important ou qui ont même été annulés en raison de contestations judiciaires de la part des Premières nations. C'est un des éléments.

Le ministère des Affaires Indiennes et du Nord canadien et Environnement Canada sont responsables de la surveillance des effets cumulatifs sur l'environnement, mais ils n'ont pas assumé cette responsabilité.

M. Campbell : Comme la vérificatrice générale l'a mentionné, un régime de réglementation existe dans les régions où une revendication territoriale a été réglée. Ce régime fait en sorte que les Premières nations participent au processus dès le départ. Dans les régions où les revendications territoriales n'ont pas été réglées, les gens peuvent tout de même essayer de faire approuver des projets de développement ou d'obtenir des permis. Dans le chapitre, nous donnons quelques exemples où des gens se sont rendus assez loin dans le processus, jusqu'à ce que les Premières nations contestent le projet devant les tribunaux, ou bien qu'elles fassent appel, et qu'elles obtiennent le retrait du permis ou le rejet du projet de développement.

En ce qui concerne la surveillance des effets cumulatifs, on parlait plus tôt de financement. Dans le chapitre, vous pourrez constater qu'Environnement Canada disposait bel et bien de modèles pour l'aider à surveiller les effets cumulatifs. Il a mis un terme à certains projets dans ce domaine, soi-disant par manque de financement. Pour répondre à la question sur les recommandations, je peux vous dire qu'Environnement Canada les a acceptées et essaie sans doute d'obtenir d'autres fonds.

Le président : Monsieur Campbell, merci beaucoup pour ces éclaircissements.

Madame Fraser, vous avez parlé de vérification conjointe lorsque vous avez répondu à une des questions du sénateur Neufeld. Pourriez-vous en expliquer le fonctionnement?

Mme Fraser : Pour certaines sociétés d'État, nous menons les vérifications conjointement avec des cabinets du secteur privé. Nous le faisons pour environ une douzaine d'entre elles, dont la Société canadienne des postes. Nous travaillons en collaboration avec le cabinet pour effectuer la vérification, et les deux entités signent l'opinion du vérificateur sur les états financiers.

Le président : Est-ce que le cabinet et votre équipe effectuent tous les deux le même genre de travail ou est-ce que le travail est divisé, à savoir que l'un vérifie les états financiers et l'autre, l'optimisation des ressources?

Mme Fraser : La vérification des états financiers et les examens spéciaux sont les seules tâches que nous effectuons conjointement. Par exemple, lorsque nous vérifions les états financiers, nous rencontrons le cabinet privé pour effectuer la planification ensemble. Nous décidons des services dont s'occupera le cabinet privé et de ceux dont nous serons responsables. Après quelques années, nous inversons les rôles. Toutes les décisions doivent être prises conjointement. Nous rédigeons ensemble la correspondance et l'opinion du vérificateur. Nous formons une seule équipe qui se charge de la vérification.

Le président : Il y a quelques années, le Parlement vous a donné le droit de mener des vérifications au sein des fondations. Vous en souvenez-vous?

Mme Fraser : Il s'agit de vérifications de gestion.

Le président : Vous ne vérifiez que la gestion des fondations. Un cabinet privé a-t-il déjà le mandat de vérifier leurs états financiers?

Mme Fraser : Oui.

Le président : Dans le cas d'une évaluation des risques, est-ce que vous mèneriez une vérification conjointe ou vous vous contenteriez de vérifier la gestion?

Mme Fraser : Nous vérifierions seulement la gestion. En principe, nous n'entreprenons la vérification des fondations que dans le cadre de vérifications plus générales au sein du gouvernement. Par exemple, notre vérification des programmes d'éducation comprenait la Fondation canadienne des bourses d'études du millénaire. De même, nous avons inclus la Fondation du Canada pour l'appui technologique au développement durable dans notre examen des programmes de développement durable. Il est peu probable que nous procédions à la vérification de la gestion d'une fondation isolément. Nous le ferons plutôt au cours d'une vérification plus générale.

Le sénateur Callbeck : J'aimerais revenir à la vérification des sociétés d'État. Vous avez dit qu'en pratique, on effectue leur vérification tous les 10 ans, à moins que quelque chose d'important soit porté à votre attention. Est-ce exact?

Mme Fraser : Il se peut qu'une vérification soit menée avant 10 ans si le conseil d'administration de la société d'État, le ministre ou le vérificateur général en fait la demande.

Le sénateur Callbeck : Quant à la SCHL, l'examen a porté sur la période qui s'étend d'octobre 2007 à juin 2008. À ce moment-là, la SCHL acceptait d'assurer des prêts hypothécaires sans aucun versement initial; l'emprunteur n'avait qu'à payer les intérêts. Le gouvernement et la Banque du Canada ont critiqué cette pratique. Toutefois, le rapport de vérification n'en fait aucunement mention.

Mme Fraser : Les décisions concernant les types de produits sont vraiment des questions stratégiques. Si la SCHL a obtenu l'autorisation d'offrir ce genre de produit, nous n'avons pas à nous prononcer là-dessus. Je sais que cette pratique n'a eu lieu que durant une assez courte période.

Le sénateur Callbeck : J'ignore pendant combien de temps, mais je sais qu'elle a adopté cette pratique. Je me souviens des critiques de la Banque et du gouvernement.

J'aimerais vous poser une question sur l'état des édifices du Parlement, puisque vous avez formulé pas mal de commentaires à leur sujet. Dans votre rapport, vous dites que Travaux publics et Services gouvernementaux a accepté votre recommandation. Toutefois, il a promis de travailler en collaboration avec d'autres intervenants pour améliorer la gouvernance. À mon avis, cela ne correspond pas tout à fait à votre recommandation, qui précisait que ce soient la Chambre des communes et le Sénat qui s'en occupent.

Mme Fraser : Ce qui complique la situation, c'est que notre recommandation s'adressait au ministre, mais c'est le ministère qui y a répondu. Il est clair qu'il pèse ses mots. Il devra y avoir des négociations avec le Sénat et la Chambre des communes pour décider de la façon de procéder. Toutefois, je peux vous assurer que la recommandation n'a soulevé aucune objection.

Le sénateur Callbeck : J'ai une autre question qui concerne la Loi sur la modernisation de la fonction publique. Vous expliquez dans votre rapport que l'information sur les résultats est essentielle pour surveiller la progression et étayer l'examen législatif qui aura lieu bientôt. Vous avez découvert que de nombreux organismes ne disposent pas des mesures du rendement nécessaires pour rendre compte des progrès. Le Conseil du Trésor avait pourtant promis d'améliorer ses rapports au Parlement, sans toutefois donner des précisions. Comment va-t-il s'y prendre s'il n'existe aucune mesure du rendement?

Mme Fraser : C'est une très bonne question, sénateur Callbeck. J'espère que le Conseil du Trésor donnera des détails à ce sujet. Le problème, c'est que les objectifs étaient élevés et plutôt généraux, et, si aucun système n'était en place dès le départ pour mesurer le rendement, il sera difficile d'obtenir l'information précise. Il se peut que le Conseil se serve d'indicateurs à partir desquels il pourra tirer l'information.

M. Campbell : C'est une bonne question, et c'était déjà une bonne question il y a quelques années alors que nous avions émis des recommandations semblables et que nous avions obtenu des engagements de la part du Conseil du Trésor. Ce qui arrive à point nommé et qui est particulièrement important, c'est qu'un examen législatif est prévu d'ici un an. Nous croyons qu'il est fondamental que les parlementaires examinent cette loi de façon éclairée. Ils auront besoin d'avoir rapidement accès à cette information. Ce serait une occasion ratée si l'examen législatif avait lieu sans qu'ils détiennent l'information précise leur permettant de savoir dans quelle mesure la loi permet d'atteindre les objectifs initiaux. Je crois que le Conseil du Trésor devrait activement essayer d'obtenir cette information, car le temps file.

Le sénateur Callbeck : On semble évaluer les systèmes de technologie de l'information selon la probabilité qu'ils tombent en panne, et non comparativement aux meilleurs systèmes qui existent dans le monde. Les bonnes notes et la gestion des risques n'ont rien à voir avec un système de technologie de l'information qui est vraiment rentable, n'est-ce pas?

Mme Fraser : Je suis en grande partie d'accord avec vous, madame le sénateur. Le « vieillissement » ne se limite pas au nombre d'années où l'équipement a été en place. Il comprend aussi la flexibilité du système, c'est-à-dire s'il peut facilement être mis à jour, particulièrement lorsqu'il y a des modifications législatives. C'est en partie ce que cela veut dire. Toutefois, on n'analyse certainement pas si le service est dispensé le plus efficacement possible ou s'il y a d'autres façons d'en assurer la prestation. Bien sûr, nous espérons qu'au fur et à mesure que le gouvernement remplacera ou renouvellera les systèmes, il réalisera ce genre d'analyse et qu'il ne se contentera pas de remplacer les vieux ordinateurs centraux par des plus récents, car il existe peut-être de meilleures façons de faire.

Le sénateur Callbeck : À votre avis, certains systèmes sont-ils un plus vulnérables que d'autres?

Mme Fraser : Je vais vous donner deux exemples de systèmes qui, d'après les ministères, sont clairement sur le point de tomber en panne : il s'agit du système de rémunération et du système de pension. Les ministères sont d'ailleurs en train de les remplacer de ces deux systèmes. Je crois que tout le monde a entendu parler de nouveaux employés dans la fonction publique qui n'ont reçu aucune paye avant six ou huit mois. Les ministères sont en train de régler ce problème.

Je ne pense pas qu'on peut vraiment commenter le risque de défaillance des autres systèmes. Toutefois, vous pouvez bien sûr lire dans le rapport qu'il y a des systèmes dont le langage de programmation n'est plus enseigné. Il n'y a donc qu'un nombre limité de personnes qui peuvent modifier leur programmation. Aussi, certains centres de traitement de l'information importants sont situés dans des établissements dotés de systèmes de chauffage, de ventilation et de climatisation, dont le fabricant n'assure plus les réparations. Si ces systèmes tombaient en panne, les centres ne pourraient plus fonctionner. La liste pourrait s'étirer encore longtemps. Un grand nombre de ces systèmes sont très vieux — ils datent des années 1980, et même des années 1970 — et ils devront être remplacés.

La principale inquiétude que nous essayons d'exprimer est que personne ne semble avoir une idée de l'ampleur du problème au sein du gouvernement ni des sommes qui devront être déboursées. Trois ministères connaissaient les coûts liés au remplacement de leurs systèmes, mais ils affichaient un manque de financement de 2 milliards de dollars. Il s'agit d'investissements majeurs dans l'ensemble du gouvernement. Quel est le plan pour les cinq à dix prochaines années?

Le sénateur Banks : Je remercie Mme Fraser et ses collègues d'être ici avec nous. Je suis un intrus dans ce comité, pas un membre régulier. La dernière fois que j'ai siégé au comité, c'était sous la présidence du sénateur Murray. À cette époque, j'en avais appris beaucoup sur le sujet grâce à lui, mais j'ai oublié depuis ce temps. Il se peut donc que je vous aie déjà posé les questions que je m'apprête à vous poser.

Dans vos observations liminaires, vous avez dit être la vérificatrice de presque toutes les sociétés d'État. Pourriez- vous s'il vous plaît me rappeler pour quelles sociétés d'État vous n'effectuez pas de vérification?

Mme Fraser : Nous ne menons pas de vérification de la Banque du Canada ni de l'Office d'investissement du régime de pensions du Canada.

Le sénateur Banks : Il existe plusieurs types de vérification, dont les examens spéciaux, assez différents et plus poussés. Si ma mémoire est bonne, certaines sociétés d'État et des fonctions du gouvernement sont dispensées d'examens spéciaux selon l'article 10 de la Loi sur la gestion des finances publiques. C'est une exemption. Est-ce toujours en vigueur?

Mme Fraser : Il y avait bel et bien une exemption, mais ce n'est plus le cas depuis 2005. Je ne suis pas certaine que la Banque du Canada et l'Office d'investissement du régime de pensions du Canada doivent se soumettre à un examen spécial, mais, à ma connaissance, toutes les autres sociétés d'État doivent le faire.

Le sénateur Banks : Sont-elles tenues de s'y soumettre, ou ont-elles plutôt le choix d'en faire la demande? Je pense au Conseil des arts du Canada, qui avait l'habitude de solliciter ce genre d'examen.

Mme Fraser : C'est maintenant une obligation. Auparavant, certaines sociétés en faisaient volontairement la demande, comme le Centre national des Arts, mais elles sont aujourd'hui obligées de se soumettre aux examens spéciaux.

Le sénateur Banks : J'ai bien lu la Loi sur le vérificateur général, puisque nous sommes en train de la modifier. Vous et moi savons que je n'ai jamais bien cerné les sujets sur lesquels vous pouvez formuler des observations ou non. Il y a quelques minutes, vous avez dit que, lorsque les sociétés d'État obtiennent l'autorisation nécessaire pour faire une chose, vous ne vous prononcez pas là-dessus.

Serait-il approprié, si vous jugez qu'il convient de le faire, que vous formuliez des commentaires sur le bien-fondé ou le caractère prudent de ce qui a été autorisé?

Mme Fraser : Nous faisons attention de ne pas formuler de commentaires sur les décisions qui nous semblent être des décisions stratégiques. À l'occasion, certaines pratiques peuvent toutefois nous sembler contestables.

Le sénateur Banks : Ma question porte sur la sagesse des décisions, et non pas sur leur bien-fondé.

Mme Fraser : Même si nous disons que nous ne remettons pas directement les politiques en question, nous trouverons une autre façon d'indiquer que nous pensons que quelque chose est vraiment discutable. Nous vérifierons bien sûr si on a fait preuve de diligence raisonnable, si les consultations nécessaires ont été menées et si tous les intervenants ont été informés des mesures.

Au besoin, nous en parlerons aux autorités concernées. Nous leur dirons : « Êtes-vous certains que c'était la bonne chose à faire? », ou bien « Une chose nous inquiète. Nous comprenons que les démarches appropriées ont été effectuées, mais, finalement, est-ce vraiment ce qu'il fallait faire? »

Le sénateur Banks : C'est en quelque sorte l'essence de ma question. Par exemple, vous avez parlé du pouvoir d'emprunt qui, j'imagine, doit être obtenu chaque année.

Mme Fraser : La plupart des pouvoirs d'emprunt sont accordés de façon permanente. Il faut ensuite augmenter la limite. Dans certains cas, on peut l'augmenter pour la durée d'un projet important, mais aucune approbation annuelle n'est requise.

Le sénateur Banks : Quand le pouvoir d'emprunt est permanent, il y a tout de même une limite, comme un plafond ou quelque chose de ce genre, n'est-ce pas?

Mme Fraser : Oui.

Le sénateur Banks : La raison pour laquelle je vous pose cette question — et j'ignore si vous désirez ou pouvez formuler des commentaires à ce sujet — est que même si les gouvernements de certains pays ont un pouvoir d'emprunt permanent, ils ont la plupart du temps une limite quelconque, un plafond. Au Canada, jusqu'à il y a deux ans, c'était le Parlement qui octroyait au gouvernement les pouvoirs d'emprunt importants et chaque cas était pratiquement toujours évalué séparément.

Par la suite, le Parlement a cessé de le faire, si j'ose dire, presque par mégarde; nous n'avons pas porté attention. Si je comprends bien, le gouvernement est maintenant libre d'emprunter la somme qu'il veut, au moment qui lui convient et à n'importe quel taux, peu importe de qui et pour quelle raison.

Je me demande si vous considérez qu'il s'agit strictement d'une question qui relève d'une politique ou bien qui touche la prudence.

Mme Fraser : C'est une question qui relève d'une politique, en particulier si elle a fait l'objet d'un vote au Parlement.

Le président : Vous avez bien raison; nous n'avions pas remarqué.

Le sénateur Dickson : J'ai été impressionné par le nombre de détails que contiennent tous les chapitres de votre rapport, mais j'aimerais surtout parler du chapitre sur les dossiers de santé électroniques. J'ai été très étonné par la section « Relever des défis importants » qui commence à la page 12.

Avant la réunion, j'ai justement consulté le web et, par hasard, je suis tombé sur un rapport de l'organisation américaine Smart Card Alliance. Ce rapport a été publié en février 2007. On pourrait presque dire qu'une personne de votre bureau a eu la brillante idée d'aller sur Internet, parce que les résultats et les difficultés présentés dans ce rapport américain sont les mêmes que ceux énoncés dans votre rapport.

Imaginons un instant que nous avons affaire à quelqu'un d'aussi intelligent. Je dois vous féliciter parce qu'il y a là- dedans une estimation du coût total que les autorités provinciales et fédérales devront assumer pour mettre le système en place, et selon elles, cela tourne autour de 10 milliards de dollars.

Mme Fraser : Effectivement.

Le sénateur Dickson : Dans ce document, on parle d'une fourchette comprise entre 100 et 300 milliards de dollars, ce qui représente énormément d'argent. Pensez-vous vraiment que cela puisse se faire dans notre pays?

Au Canada, il y a des provinces et des lois. Aux États-Unis, ils essaient d'avoir un système national, mais ils doivent composer avec les États et font des comparaisons avec les provinces. Croyez-vous réellement qu'on peut y arriver avec 10 milliards de dollars?

Mme Fraser : Je ne peux vous donner quelque assurance que ce soit au sujet de ce chiffre.

Le sénateur Dickson : J'ai remarqué que dans votre rapport, vous utilisez les bons mots comme « pourrait », « peut- être » et « attendu ». Nous n'allons pas vous poursuivre.

Mme Fraser : C'est l'estimation avancée par certaines personnes. Toutefois, comme nous l'indiquons dans le rapport, et comme les vérificateurs généraux l'ont fait remarquer, il est difficile d'avoir ne serait-ce qu'une estimation de ce qui a effectivement été dépensé jusqu'à présent. Personne, dans le pays, ne le sait.

Comme vous le dites, la comptabilité, c'est presque un art, et tout dépend de ce que vous incluez ou pas.

Le sénateur Dickson : Je suis d'accord avec vous.

Mme Fraser : Je ne peux vous donner absolument aucune assurance quant à ce chiffre.

Le sénateur Dickson : À la page 4, la dernière phrase dit que les dossiers de santé électroniques devraient avoir pour effet de réduire les coûts et d'améliorer la qualité des soins.

Nous sommes tous conscients du fait que les coûts des soins de santé montent en flèche et qu'il faut améliorer la qualité. D'après votre examen des documents, vos conversations avec les vérificateurs généraux des provinces, vous sentez-vous à l'aise de dire que la création de dossiers de santé électroniques permettra effectivement de réduire les coûts et d'améliorer la qualité des soins?

Mme Fraser : Cela aura pour effet d'éliminer beaucoup de problèmes causés par les dossiers papier, comme les réactions indésirables à certains médicaments, car on ne peut pas savoir si une personne a consulté deux ou trois médecins et a reçu différents traitements, et si une prescription se trouve dans une autre pharmacie. Cela permet aussi d'éviter de faire des analyses en double. Chaque fois que vous irez chez le médecin, celui-ci demandera toujours les mêmes batteries de tests. Si tout se trouve dans un seul et même dossier, il est à espérer que certains problèmes disparaîtront.

Mettre cela en place comporte d'énormes difficultés qu'il ne faut pas sous-estimer. J'ajouterais, parce que l'Inforoute Santé du Canada est un organisme de financement créé par le gouvernement fédéral pour contribuer au financement de ce type de projets dans les provinces, que les provinces ont adhéré au plan général, à la technologie à utiliser, et qu'elles ont accepté de faire en sorte que ces systèmes soient les plus compatibles possible à l'échelle nationale. Le conseil d'administration d'Inforoute Santé est composé de représentants des autorités de la santé provinciales.

Il existe un mécanisme, mais il est important que les provinces et le Parlement fédéral continuent de suivre la situation de près, car c'est un projet coûteux sur lequel pèsent des risques sérieux.

Le sénateur Dickson : Je viens de la Nouvelle-Écosse; j'ai donc une carte d'assurance-maladie de cette province. Savez-vous dans quelle mesure celle-ci pourrait être utilisée comme une carte intelligente? C'est comme une carte client.

Mme Fraser : Non, je l'ignore. Je suis sûre que cela soulèverait des questions de protection des renseignements personnels et de sécurité.

Le sénateur Dickson : Je ne me suis pas penché sur la question de manière approfondie, mais il semblerait qu'aux États-Unis, l'information recueillie est celle du patient, et ce dernier peut utiliser cette information. Au Canada, si je me fie à votre rapport, ces renseignements ne sont pas tant destinés au patient qu'au prestataire de soins.

Sans entrer dans le jargon juridique, croyez-vous que ce soit dans l'intérêt supérieur du système que le patient ait accès à ces renseignements au Canada, en supposant que cela fonctionne?

Mme Fraser : Oui, nous savons que c'est un problème. Nous appelons cela les solutions de santé grand public. Les nouveaux systèmes d'information en matière de santé permettent aux patients d'accéder directement à leur dossier médical. Quelle que soit la solution avancée, elle doit être compatible avec les systèmes d'information en place. C'est l'un des défis à relever, car le public voudra avoir accès à ses dossiers; il faut donc en tenir compte dans l'élaboration du projet.

Le sénateur Dickson : J'aimerais bien savoir, en tant qu'utilisateur, comme je n'y ai recours qu'occasionnellement et que nous travaillons avec les provinces davantage sur une base ad hoc, pourquoi les provinces n'ont pas agi plus rapidement pour adopter des cartes intelligentes.

Mme Fraser : Je ne peux vous répondre maintenant.

Le sénateur Dickson : Aux États-Unis, environ 30 ¢ par dollar servent à couvrir les coûts administratifs, et j'imagine que les chiffres doivent être semblables au Canada.

Mme Fraser : C'est une excellente question.

Le sénateur Murray : Vous savez peut-être, contrairement à d'autres, à propos de la Cité parlementaire, que dans le milieu des années 1980, un comité de la Chambre des communes présidé par l'honorable James McGrath s'était penché sur le rôle des députés d'arrière-ban, ainsi que sur les règles et les ordres permanents s'y rapportant. Ce matin, quelqu'un m'a rappelé que ce comité avait abordé la question de la gouvernance et avait recommandé, entre autres, la création d'un bureau d'intendant ou quelque chose du genre. Je n'ai pas eu l'occasion de voir de quoi il retournait, mais peut-être que vous et d'autres seriez intéressés à y voir de plus près, si ce n'est pas déjà fait.

Mme Fraser : Nous y avons fait référence. Je sais que mon équipe a consulté ce rapport et qu'on y traite de questions de gouvernance.

Le sénateur Murray : J'approche de la sortie, tout comme vous.

Mme Fraser : C'est vrai. Qui partira le premier?

Le sénateur Murray : Comme personne d'autre que moi ne voudra se lancer, je vais vous entreprendre sur une question qui refait surface de temps en temps dans les médias, et cela concerne votre désir, que certains qualifieraient de vivace, de mettre la main sur les comptes de dépenses des honorables sénateurs et députés de la Chambre des communes. Je sais que vous envisagez quelque chose de plus vaste, mais j'aimerais replacer les choses dans leur contexte et je vous invite à en faire autant.

Je ne peux pas beaucoup parler de la Chambre des communes; je n'ai jamais été député et je ne suis pas son administration de très près. Je sais néanmoins que le Sénat a reçu des vérificateurs externes, qui sont venus examiner son mode de fonctionnement dans le but de proposer des améliorations, le cas échéant.

Je sais pertinemment, en tant que membre du Sénat depuis toutes ces années, qu'il existe des politiques très détaillées et particulières sur les budgets de nos bureaux, par exemple, et sur ce qui nous est permis et défendu de faire. Je suis sûr qu'il nous serait impossible d'acheter l'équipement de notre choix et d'envoyer la facture au Sénat, comme cela a pu se faire ailleurs, ou d'acheter des choses pour nos bureaux dont nous n'aurions pas nécessairement besoin. Il existe des règlements et des politiques là-dessus; nous sommes limités quant au nombre de téléphones, de télécopieurs, d'ordinateurs et autres que nous pouvons posséder. Si nous avons besoin de matériel, nous en faisons la demande au Sénat qui, ensuite, j'imagine, lance des appels d'offres ou tout autre processus, pour faire l'acquisition du matériel en question. Je crois que de cette façon, nous sommes couverts, et c'est ce que penserait aussi n'importe quel vérificateur, même s'il y a place pour de l'amélioration, car il y en a toujours.

Ce que je dis n'engage que moi, mais il me semble que les sénateurs sont préoccupés par la grande couverture médiatique dont vous bénéficiez. Il y a eu d'autres exemples, ailleurs au pays, où si vous aviez eu à faire des enquêtes et découvert que quelque chose clochait — et je suis certain que vous auriez trouvé quelque chose à corriger ou à améliorer —, il y aurait eu immédiatement un scandale dans les médias. Nous ne sommes pas dans la position du sous- ministre des Transports ou des Travaux publics qui, sans vouloir offenser personne, travaillent dans l'ombre, ni même d'un ministre de la Couronne qui a son propre réseau autour pour l'aider dans ce genre de situations. Nous ne sommes que des personnes et devons faire face à la musique lorsque nous retournons dans nos collectivités.

Voilà le contexte dans lequel nous nous situons. Je ne peux parler qu'en mon nom, mais je le fais pour qu'à votre tour, vous nous expliquiez quelle est la nature de votre — ambition est peut-être un bien grand mot — intention à l'égard des deux chambres de ce Parlement.

Mme Fraser : Je me réjouis de l'opportunité qui m'est donnée d'aborder ce sujet, car il y a eu beaucoup de spéculation et peut-être de la désinformation là-dessus.

Nous avons proposé une vérification de l'administration de la Chambre et du Sénat, c'est-à-dire de procéder à un examen des systèmes et des pratiques existants. Il ne s'agit pas de faire une vérification des dépenses des députés ou des sénateurs en tant que telle. Nous avons proposé de nous pencher, notamment, sur la gestion des ressources humaines, sur les TI et, bien sûr, sur la gestion financière, ce qui inclut l'examen des politiques et procédures en place encadrant les dépenses des députés et des sénateurs; mais nous n'entrerions pas dans le détail. Il existe un certain nombre de problèmes dans l'administration de la Chambre et du Sénat.

Pour ce qui est de savoir quand nous nous pencherions sur la gestion financière, je dirais que notre vérification ne serait pas crédible si nous disions que nous entendons examiner la gestion financière en excluant complètement ces dépenses. Toutefois, je le répète, nous regarderions les systèmes et pratiques en vigueur. Nous n'avons absolument aucune inquiétude à leur égard. Les greffiers des deux chambres m'ont informée des politiques et procédures en place, et celles-ci ne nous préoccupent nullement. Il y aurait des vérifications de transactions prises au hasard, mais je crois que dans toutes les vérifications que nous faisons, si nous trouvons une ou deux petites anomalies, nous n'en faisons pas tout un plat. Par contre, s'il y a une absence totale de procédure, c'est une autre paire de manches. Il s'agit d'essayer de déterminer la gravité de toute dérogation aux règles.

La dernière vérification remonte à environ 20 ans. J'ai proposé d'en faire une autre, car j'ai trouvé que c'était justifié après toutes ces années. Comme vous le savez, nous sommes en pourparlers depuis plus d'un an, et nous attendons une décision.

Le président : Avez-vous des questions complémentaires là-dessus, sénateur Murray?

Le sénateur Murray : Non, mais il se peut que d'autres en aient.

Le président : Je suis content que vous ayez abordé le sujet. Je crois que certains honorables sénateurs s'interrogent peut-être sur le fait que vous êtes un agent du Parlement qui veut contrôler son patron. Vous êtes indépendante. Nous en avons déjà discuté avec vous à d'autres occasions. Le Parlement affecte des fonds à votre Bureau. Vous avez dit un peu plus tôt que votre budget était fixe, ce qui vous pose certains problèmes de gestion, comme cela nous arrive à tous. Même s'il s'agit d'une initiative gouvernementale, la décision relative aux crédits parlementaires est rendue par les gens assis autour de cette table, c'est-à-dire par les membres du Comité des finances. Trouvez-vous correct de faire une vérification auprès de ceux qui détermineront à combien d'argent vous aurez droit l'année prochaine?

Mme Fraser : Vu de cette manière, personne ne pourrait jamais vérifier la Chambre des communes ni le Sénat; vous devriez toujours engager un vérificateur externe. Si c'est quelqu'un du secteur privé, vous devrez le payer. Si nous poussons cette argumentation à l'extrême, il n'y aurait jamais de vérification de la Chambre des communes ni du Sénat.

Le président : C'est votre réponse?

Mme Fraser : Il me semble que nous parlons de fonds publics. C'est avec l'argent des contribuables que l'on gère l'administration publique. J'ai tendance à penser que le vérificateur du Parlement est mieux placé que quiconque pour faire ce travail de vérification. Mais d'abord, il faut qu'on l'y invite, cela va de soi. Quoi qu'il en soit, nous respecterons toute décision émanant des deux chambres du Parlement.

Le président : Est-ce que les rapports informels des deux greffiers et toute l'information qu'ils vous ont transmise vous ont rassurée, ou est-ce qu'ils vous inquiètent?

Mme Fraser : C'était extrêmement limité. Nous avons eu des discussions informelles et obtenu quelques renseignements, mais il semblait clair pour eux que tant qu'on ne nous aura pas demandé de faire une vérification, ils ne nous donneront pas plus d'informations, ce que je trouve normal. Pourquoi le feraient-ils, si nous ne devions pas entreprendre de vérification? À quoi cela servirait-il?

Nous attendons tous une décision favorable ou défavorable; et c'est après l'avoir obtenue que nous ferons une planification approfondie des travaux. Mais il nous faut avoir une bonne idée du mode de fonctionnement et de gestion pour planifier la vérification et déterminer sur quels aspects nous devrons le plus nous attarder. C'était très préliminaire.

Le président : Avez-vous eu l'occasion de rencontrer le vérificateur indépendant externe?

Mme Fraser : Oui, pour le volet financier.

Le président : Voudriez-vous faire une vérification de gestion optimisée, en quelque sorte?

Mme Fraser : Oui.

Le sénateur Runciman : En tant que tout jeune sénateur, je vais me garder d'intervenir sur le dernier sujet, mais j'ai quelques questions à vous poser rapidement.

Pour ce qui est de la réhabilitation des édifices parlementaires, je partage le point de vue du sénateur Gerstein. Peut- être que l'on voit cela, et j'inclus les résidences du chef de l'opposition et du premier ministre, comme une patate chaude. Étant donné le respect qu'on a pour vous et votre bureau dans le pays tout entier, vous avez fait passer la pilule plus facilement, je crois, avec vos recommandations. La plupart des Canadiens, en tout cas ceux qui attachent une certaine importance à la Cité parlementaire et à ses édifices, vous en remercient. Et je m'y intéresse aussi.

En tant qu'ancien membre de la Commission de régie interne de l'Ontario, je peux vous dire que le processus était beaucoup moins complexe. La commission, dirigée par le président, était responsable de l'ensemble des édifices. Le budget doit être approuvé par le gouvernement en poste. Je me demande si le fait que nous ayons le Sénat et la Chambre des communes complique la façon dont nous traitons ce genre de dossier.

Mme Fraser : Sûrement, parce qu'il y a plus qu'un décideur, mais je crois que cela tient essentiellement au fait que c'est Travaux Publics qui est responsable. Il y a presque un processus de négociation double à l'égard des priorités et des projets, comme je l'ai mentionné précédemment, même au sujet de la taille des bureaux; et ensuite, il faut se remettre à négocier avec le gouvernement. On ne sait jamais clairement qui prend les décisions et qui doit en répondre.

Le sénateur Runciman : Dans votre rapport, vous parlez des TI, et d'après mon expérience, c'est un secteur qui court d'importants risques. Nous devrons prévoir les budgets nécessaires pour faire les ajustements requis. J'ai travaillé au Projet d'intégration du système judiciaire en Ontario, qui a finalement été abandonné en raison d'énormes dépassements de coûts. C'est toujours ce qui est arrivé quand il a été question de moderniser les TI ou d'intégrer de nouveaux programmes. J'espère que vous guiderez les divers ministères et agences dans cet exercice, car notre expérience à ce chapitre dans le pays n'est pas très reluisante.

Cela m'amène à revenir sur votre intervention au sujet de la cybersanté. Cela m'intéresse, surtout pour l'Ontario, étant donné ce qui est arrivé avec le cafouillage qui a coûté un milliard de dollars. Ce n'est probablement pas juste d'en parler de la sorte, étant donné les progrès accomplis, mais c'est ainsi qu'on le perçoit. Il y a une indication, dans votre rapport, au sujet du transfert de 132 millions de dollars d'une agence fédérale. J'aimerais en savoir un peu plus sur ces transferts. Sont-ils assujettis à des critères de rendement? Compte tenu de ce qui s'est passé en Ontario, car je ne peux pas parler pour les autres provinces... Vous dites même qu'ils n'ont pas de plan stratégique détaillé. Je voudrais que vous m'expliquiez les circonstances dans lesquelles transitent ces grandes quantités d'argent, vu le gaspillage colossal de fonds publics en Ontario.

Mme Fraser : Je vais revenir en arrière et me reporter à l'étude que nous avons faite concernant l'Inforoute Santé, qui a été mise en place en novembre dernier. Nous avons indiqué que l'Inforoute Santé finance des projets précis; donc, il n'y aurait pas eu de transfert d'importants montants d'argent à Cybersanté, par exemple. Si je me souviens bien, bon nombre des projets en Ontario visaient en fait des hôpitaux particuliers. Certains sont passés par Cybersanté, mais très peu. En fait, l'Inforoute Santé avait un bon processus de présélection. Ses responsables ont établi les bornes, ce qui permet d'établir le processus et de surveiller les projets de façon rigoureuse. Ils en finançaient un certain pourcentage, mais jusqu'à une certaine limite, de sorte que les dépassements de coûts devenaient alors la responsabilité du ministère, de l'hôpital où de quiconque proposait ces projets. Ils étaient très rigoureux et, en fait, nous avons eu ce qu'on pourrait considérer comme un rapport très favorable sur la façon dont ils ont géré ces fonds. Ce qui était en cause, c'était la production de rapports; il s'agissait de savoir s'ils pouvaient atteindre les objectifs établis.

Le sénateur Runciman : Je suis nouveau ici, et je suis certain qu'on vous a déjà posé cette question : quels sont les critères d'évaluation du rendement de votre bureau? Quel est le processus?

Mme Fraser : Nous préparons des rapports de rendement et des rapports sur les plans et les priorités, au même titre que les ministères et les organismes gouvernementaux. Nous utilisons un certain nombre de critères pour évaluer notre rendement, y compris les critères assez habituels, comme le respect des délais et du budget. Nous faisons des sondages auprès de tous les organismes que nous contrôlons pour déterminer si le personnel a fait preuve de professionnalisme, si le personnel a bien communiqué avec eux, et s'ils pensent que la vérification leur a été profitable. Pour nous, le plus important, c'est la qualité de notre travail, bien entendu, et cela est évalué au moyen d'examens du bureau par les pairs. Vers 2000, un cabinet comptable national a procédé à un examen du bureau par les pairs de nos pratiques de vérification financière, puis, en 2004, ce sont nos pratiques de vérification de gestion qui ont été soumises à l'examen, ce qui a été fait par des pairs de bureaux internationaux de vérification législative. Nous en sommes presque à la fin d'un examen par les pairs de l'ensemble du bureau, cette fois, de toutes nos pratiques. C'est le Bureau de l'auditeur national de l'Australie qui le dirige. De nombreux autres pays participent à l'examen, et nous prévoyons recevoir le rapport au cours du mois de juin. Le rapport sera rendu public, bien entendu. Nous pourrons sans doute en fournir une copie commentée au comité.

Le sénateur Ringuette : Je voudrais passer à la question des technologies de l'information. Vous avez dit qu'il y a des problèmes en ce qui concerne la paie et les pensions de la fonction publique. Ces données accusent-elles des retards?

Mme Fraser : Nous n'avons pas examiné cette question en détail. Nous ne nous sommes penchés que sur la façon dont les ministères avaient évalué le risque et sur ce que le ministère des Travaux publics a dit en ce qui concerne la paie et le régime de pension. Je crois que le ministère a indiqué que les systèmes étaient rendus au point de défaillance. C'est pourquoi le ministère s'emploie à les remplacer et à les moderniser.

Le sénateur Ringuette : Pouvez-vous nous parler du système de technologie de l'information de l'Agence du revenu du Canada?

Le sénateur Banks : C'est celui-là que nous voulons démanteler.

Le sénateur Ringuette : Je peux bien m'imaginer la taille de la banque de données.

Mme Fraser : Nous avons réalisé une vérification spécifique des systèmes de technologie de l'information de l'Agence du revenu du Canada. Ce ministère a demandé la vérification que nous venons de présenter. Au cours de cette vérification, le ministère a procédé à l'évaluation de ses systèmes et a indiqué que le tiers des systèmes qu'il juge rendus au niveau critique nécessiteraient des réparations importantes d'ici quelques années. Le ministère n'est pas en mesure de financer ces travaux.

Quand nous avons constaté cela, j'ai pensé que nous devrions peut-être poser une question plus générale, à savoir si quelqu'un, au gouvernement, est au courant de ce qui se passe. Selon le rapport — et je ne peux donner trop de détails — dans le cas d'un des centres de données de l'Agence du revenu du Canada, les installations sont dans un piètre état, ce qui risque grandement de nuire à l'approvisionnement en électricité de ce centre de données.

Il y a des problèmes importants à l'ARC. Même si nous pensons que l'ARC ne s'occupe que de percevoir des impôts, elle verse aussi des prestations dont les Canadiens ont besoin. Il est essentiel que ces systèmes continuent de fonctionner.

Le sénateur Ringuette : S'il y a une base de données importante à protéger, pour le bien des citoyens, c'est bien celle- là.

Mme Fraser : Tout à fait.

Le sénateur Ringuette : En ce qui concerne la Colline du Parlement et la question de Travaux publics, je suis certainement d'accord avec vos conclusions. Parce que je suis fumeur, je sors marcher sur la rue Sparks pour fumer, et j'ai l'occasion de parler à la plupart des marchands qui ont affaire à Travaux publics, qu'ils appellent le roi et la reine de la rue Sparks.

Au cours de votre vérification du Parlement, la rue Sparks était-elle incluse dans le complexe parlementaire?

Mme Fraser : Non. Il n'y avait que la Colline.

Le sénateur Ringuette : Je crois que nous devrons attendre encore une année ou deux avant que le roi et la reine soient soumis à une vérification.

Mme Fraser : Probablement.

Le sénateur Banks : Quand vous avez parlé de l'organisme auquel devrait incomber la responsabilité des édifices du Parlement — et je suppose que vous avez examiné toutes les facettes de la question, sans limites —, il y a beaucoup d'édifices dans cette circonscription qui sont entretenus et gérés par la Commission de la capitale nationale.

A-t-on déjà pensé, par souci de simplicité et d'efficacité — ce sont tous des édifices publics utilisés à des fins publiques —, qu'il conviendrait de faire de la Commission de la capitale nationale le titulaire des édifices du Parlement?

Mme Fraser : Nous n'avons pas envisagé cela. Je serais préoccupée par le fait que nous ne ferions que remplacer le ministère des Travaux publics par la Commission de la capitale nationale, et que le Parlement aurait toujours à commencer à négocier avec elle. Il ne s'agit pas d'essayer d'éviter une étape de négociations. Le Parlement, par un mécanisme qui demeure à établir, va déterminer en quoi consistent ses priorités en matière de projets et décidera de leur planification. Manifestement, cela sera fait en collaboration avec le ministère des Travaux publics, qui serait, croit-on, responsable de la réalisation des travaux. Par la suite, pour le financement, le Parlement négocierait avec le gouvernement au lieu d'avoir cet intermédiaire.

Le sénateur Banks : Est-ce le gouvernement qui doit négocier avec le Parlement pour obtenir du financement?

Mme Fraser : Pardonnez-moi; toutes mes excuses. Je me suis fourvoyée.

Le sénateur Callbeck : En ce qui concerne les dossiers de santé électroniques, toutes les provinces recueillent-elles les mêmes renseignements?

Mme Fraser : Nous supposons que oui. À ce moment-ci, je doute que ce soit le cas parce que bon nombre de provinces n'ont pas complété ces dossiers de santé électroniques, mais oui, elles devraient avoir la même structure et recueillir les mêmes renseignements de base.

Le sénateur Callbeck : Qui dirige cette opération? J'ai entendu dire que les provinces ne recueillent pas toutes le même genre de renseignements.

Mme Fraser : Cela pourrait être le cas en ce moment. Le but de l'Inforoute est d'aider à uniformiser les dossiers de santé électroniques, ce qui a été fait en collaboration avec les différentes provinces et les différents organismes qui s'y trouvent. Il peut y avoir des différences d'une province à l'autre, mais la structure de base devrait être la même. Il ne fait pas de doute qu'en ce moment, les provinces n'en sont pas toutes à la même étape. L'Île-du-Prince-Édouard, par exemple, dispose de dossiers de santé électroniques, mais ceux-ci ne sont pas entièrement compatibles avec celui établi par l'Inforoute, et il faut notamment déterminer de quelle façon elles vont devenir compatibles.

Le sénateur Callbeck : Votre rapport indique que l'objectif déclaré, c'était qu'en 2010, 50 p. 100 des Canadiens auraient un DSE, mais ce n'est pas le cas. A-t-on fixé un nouveau pourcentage ou un nouvel objectif?

Mme Fraser : Le ministère a indiqué qu'au lieu de 2010, ce serait 2011. On s'attend à ce que cela se réalise au cours des 12 prochains mois, environ.

Le sénateur Marshall : Madame Fraser, en ce qui concerne les dossiers de santé électroniques, des préoccupations liées au respect de la vie privée ont-elles été soulevées? Est-ce une chose qui a été étudiée au cours de votre vérification?

Mme Fraser : Oui, et la confidentialité est évidemment une préoccupation importante. Nous nous sommes assurés que l'Inforoute et les provinces se conformaient aux lois sur la confidentialité, qu'elles soient fédérales ou provinciales, qu'on avait tenu des consultations avec — je ne suis pas certaine si c'est un conseil — un groupe de spécialistes en confidentialité dans chacune des provinces, et que les normes des provinces étaient respectées. L'Inforoute a examiné la question avant de financer les divers projets.

Le sénateur Marshall : Puis-je conclure que les provinces disposent toutes de mesures ou de systèmes pour protéger la vie privée et les dossiers des personnes?

Mme Fraser : Les provinces ont des lois sur la confidentialité, mais il n'y a pas d'uniformité. Le degré de surveillance peut donc varier, si vous voulez, ou la confidentialité des renseignements peut varier. Les dossiers doivent satisfaire aux exigences prévues dans les mesures législatives de chaque province.

Le sénateur Murray : Concernant ce dernier point, le Parlement a adopté, il y a peut-être 9 ou 10 ans, la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques, la LPRPDE, dans laquelle il y avait un article assez important consacré au domaine de la santé dans son ensemble.

Si je me souviens bien, lorsque nous avons adopté ce projet de loi, nous l'avons fait en vertu du droit dont dispose le Parlement de légiférer en matière de commerce. Nous avons adopté la position suivante : pour les provinces qui avaient déjà adopté des lois en ce sens ou pour celles qui pourraient en adopter dans un délai déterminé, c'était non seulement cohérent, mais c'était aussi entièrement conforme à ce que nous voulions faire. Dans ce cas, tout irait pour le mieux. Autrement, elles seraient automatiquement assujetties à notre loi. Je ne me suis pas penché sur cela depuis, mais c'est un point intéressant.

Madame la vérificatrice générale, le fait que vous ayez mentionné l'Agence du revenu du Canada me rappelle aussi qu'il y a un certain nombre d'années, le gouvernement de l'époque a présenté et adopté — malgré la vive opposition de certains d'entre nous — la création de Parcs Canada et de l'Agence du revenu du Canada à titre d'organismes quasi autonomes, non liés à la structure normale des ministères gouvernementaux. Une des raisons invoquées pour justifier cette façon de faire était que ces organismes pourraient mieux gérer leurs affaires, particulièrement en ce qui concerne des questions comme le recrutement et la gestion des ressources humaines, entre autres choses.

Votre ancienne collègue au Bureau de la vérificatrice générale, Maria Barrados, qui dirige maintenant la Commission de la fonction publique, était ici l'autre jour. Elle dit qu'en ce qui concerne l'Agence du revenu du Canada, les résultats obtenus en matière de recrutement des ressources humaines, de gestion ou de quoi que ce soit n'étaient pas ceux qu'on prévoyait, qu'on escomptait ou qu'on espérait.

Vous êtes-vous penchée sur ces deux organismes depuis leur création à titre d'organismes non gouvernementaux quasi autonomes qu'on appelle en anglais « QUANGOS » ou peu importe ce qu'ils sont, dans le contexte de ce qu'ils devaient réaliser?

Mme Fraser : Nous avons examiné l'Agence du revenu du Canada il y a deux ans, je crois, pour voir si les réformes avaient donné les résultats escomptés. Nous avons découvert que sur de nombreux points, les résultats étaient positifs, mais il y avait des problèmes en matière de dotation en personnel, de formation et de profil des compétences. Ils ne s'y sont pas pris de la bonne façon pour commencer. Cela a créé de la confusion parmi le personnel, et l'ARC n'a pas progressé autant qu'on aurait été en droit de s'attendre.

Les responsables ont essayé de déterminer le profil des compétences pour chaque poste. Ensuite, quand ils faisaient des concours, ils offraient de la formation aux gens. Cependant, c'est devenu une tâche monumentale et la façon de faire qu'ils ont choisie n'était pas la bonne.

Le sénateur Murray : Nous parlons bien de l'ARC. Qu'en est-il de Parcs Canada?

Mme Fraser : Nous n'avons pas examiné Parcs Canada.

Le sénateur Murray : Allez-vous le faire?

Mme Fraser : Nous étudions la question.

Le président : Bon nombre des points dont nous avons discuté ce soir — au sujet de l'Inforoute et en ce qui concerne Postes Canada — nous sont très utiles parce que nous nous penchons sur ces deux sujets. La semaine prochaine, nous accueillerons le président de la Société canadienne des postes.

Cela démontre que le travail que vous faites se poursuit et nous aide dans notre travail tout au long de l'année. C'est ainsi que cela devrait fonctionner.

Mme Fraser : Tout à fait.

Le président : Nous remercions chacun d'entre vous, madame Cheng, monsieur Campbell, monsieur Ricard et madame Fraser. Merci beaucoup de votre présence ici. Cela faisait plus d'un an que nous avions eu l'occasion de nous rencontrer en raison des choses qui se passaient sur la Colline du Parlement, mais nous essayons toujours de nous réunir une fois par année. Cette soirée ne nous a pas déçus.

Mme Fraser : Merci, mesdames et messieurs les sénateurs. C'est toujours un plaisir de comparaître devant le comité, et nous sommes toujours à votre disposition si vous avez besoin de notre aide.

Le président : Merci, honorables sénateurs. La séance est levée.

(La séance est levée.)


Haut de page