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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule No. 11 - Témoignages du 7 mars 2012


OTTAWA, le mercredi 7 mars 2012

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui, à 16 h 14, pour étudier la cohésion et l'inclusion sociales au Canada.

Le sénateur Kelvin Kenneth Ogilvie (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : La séance est ouverte.

[Français]

Je vous souhaite la bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.

[Traduction]

Je m'appelle Kelvin Ogilvie. Je suis un sénateur de la Nouvelle-Écosse. Je demanderais maintenant à mes collègues de bien vouloir se présenter, en commençant par le vice-président du comité, à ma gauche.

Le sénateur Eggleton : Je m'appelle Art Eggleton, sénateur de Toronto.

Le sénateur Merchant : Pana Merchant, sénateur de la Saskatchewan.

Le sénateur Dyck : Lillian Dyck, aussi de la Saskatchewan.

[Français]

Le sénateur Verner : Je suis le sénateur Josée Verner, du Québec.

Le sénateur Demers : Je suis le sénateur Jacques Demers, du Québec.

[Traduction]

Le sénateur Seth : Je m'appelle Asha Seth, et je suis de Toronto, en Ontario.

Le sénateur Seidman : Judith Seidman de Montréal.

Le président : Merci, chers collègues. Je rappelle à tous que nous étudions la cohésion et l'inclusion sociales au Canada. Aujourd'hui, nous accueillons des représentants de groupes particulièrement à risque d'exclusion; nous avons cinq témoins représentant quatre organisations. Je les présenterai avant de leur demander de nous présenter leur exposé. Sans plus tarder, les témoins ayant accepté qu'on commence à ma gauche, je cède la parole à Peter Cook, président de Seniors for Seniors.

Peter Cook, président, Seniors for Seniors : Merci beaucoup. Le groupe des personnes à risque d'exclusion comprend un très grand segment de la population, celui des séniors. Les difficultés financières d'un nombre important et croissant de personnes âgées passent pratiquement inaperçues aux yeux des médias, de la société et du gouvernement. Pourtant, des milliers d'aînés arrivent à la fin de leur vie dans la pauvreté, ce qui est triste.

J'ai peut-être été invité à témoigner aujourd'hui parce que j'ai organisé un concours dans le cadre duquel j'ai offert 1 000 $ par mois, non imposables, pendant un an à deux personnes âgées pour qu'elles sortent des rangs des pauvres. Les lettres que les participants m'ont envoyées étaient troublantes car certains d'entre eux devaient choisir entre prendre leurs médicaments ou manger. Certains ont indiqué ne manger que du beurre d'arachide. J'ai parlé à un homme de 85 ans qui vivait à Oshawa et qui n'avait pas les moyens de payer les frais de transport jusqu'à l'hôpital Princess Margaret à Toronto pour ses traitements contre le cancer. Il y avait aussi un monsieur souffrant de la maladie de Parkinson qui n'avait que 4 cents dans son compte en banque, ce qui ne l'aidait pas dans sa planification financière à long terme.

Le premier message que je veux vous transmettre, c'est que les aînés constituent un groupe particulier qui a bien besoin d'aide. J'y reviendrai dans un moment.

Je veux aussi vous parler des soins de santé. Parce que le système est axé sur les soins hospitaliers plutôt que sur les soins dans la collectivité, il arrive trop souvent que la santé des aînés se détériore inutilement. Je travaille dans les soins à domicile, et je vois beaucoup de personnes âgées qui veulent rester à la maison, qui ne veulent pas être institutionnalisées. Toutefois, en raison de la façon dont le système a été conçu et fonctionne, ils se retrouvent à l'urgence. Ils se retrouvent à l'hôpital ou on ne leur offre aucun service de réadaptation. Il se peut qu'ils y contractent une super bactérie ou qu'ils fassent une chute. On les envoie alors au centre de soins de longue durée où ils ne veulent vraiment pas aller. C'est bien connu, les soins à domicile sont beaucoup moins chers et plus efficaces que l'institutionnalisation. Tout le monde veut être chez soi, mais on a tendance à expédier les aînés d'un établissement à l'autre ou, souvent, on les laisse dans un coin et on les oublie.

Le troisième point que je veux aborder est celui de l'âgisme. Essayez de vous trouver un emploi si vous avez plus de 50 ans. Les seules publicités mettant en scène des personnes d'âge mûr servent à vendre des appartements en copropriété à des aînés beaux — des sénateurs, probablement — actifs, heureux et prospères. Nous aurions bien du mal à trouver des messages publicitaires glorifiant le processus de vieillissement ou le bonheur de faire de l'arthrite ou de porter des serviettes pour incontinent.

On a tendance à mettre à l'écart les aînés et à les oublier. Même les nonagénaires ne veulent pas être associés à ceux de leur âge. Un jour, ma mère m'a accompagné à une entrevue à la télévision de Radio-Canada. Pendant l'entrevue, on lui a demandé si elle avait besoin d'aide. Elle avait 90 ans à l'époque. Elle a répondu : « Oui, quand je serai vieille, j'aurai besoin d'aide. »

Vous êtes tous au courant des données démographiques et du chômage, de ce genre de choses. Or, les 50 ans et plus qui se cherchent un emploi cherchent en vain. En 1989, j'ai ouvert une entreprise, Seniors for Business, pour aider les 50 ans et plus à se trouver un emploi de cols blancs. Nous avons été littéralement pris d'assaut par des gens cherchant du travail. À l'époque, la conjoncture économique était bonne et nous avons trouvé beaucoup de postes. Toutefois, de nos jours, il est pratiquement impossible de se trouver un emploi quand on a 50 ans. Les aînés doivent travailler plus longtemps pour toucher leurs prestations du RPC et de la SV, et les autres, et les employeurs font de la discrimination — de façon subreptice, pas de façon flagrante, bien sûr. Bien des gens nous ont appelés pour nous dire : « J'ai eu quatre entrevues et je sais très bien que je n'ai pas eu le poste parce que je suis âgé. » L'âgisme est endémique.

Il y a des solutions pour les aînés, ce que nous deviendrons tous : j'hésite un peu à le proposer parce que ça entraînera des dépenses, mais il faudrait augmenter les prestations de la SV. Si vous recevez 1 400 $ par mois et que votre loyer est de 900 $, il est certain que vous ne pourrez pas vous payer une Mercedes.

Deuxièmement, il faut désinstitutionnaliser les soins de santé. Les sommes versées aux hôpitaux et aux établissements devraient servir aux soins à domicile. Tout le monde veut rester chez soi et recevoir des soins à domicile, et cela n'entraînerait pas d'augmentation des coûts. Il suffirait de réaffecter les fonds. Nous travaillons dans le domaine des soins à domicile et nous savons que les personnes âgées veulent rester à la maison.

En dernier lieu, je recommande qu'on mette sur pied une organisation puissante, bien financée ayant des liens un peu partout pour défendre et faire avancer les intérêts des aînés. À ma connaissance, il n'y a pas d'organisation caritative pour les personnes âgées nécessiteuses. Je travaille moi-même à établir un organisme de charité auquel nous pourrions revenir plus tard. Il n'y a pas véritablement de groupe de pression puissant, bien financé et bien organisé qui défende les aînés. Regardez autour de vous : nous sommes tous des aînés en formation et nous serons probablement heureux que quelqu'un veille à nos intérêts.

Le président : Je cède maintenant la parole à Avvy Go, directrice de la Clinique juridique chinoise et sud-est- asiatique de Toronto métropolitain.

Avvy Go, directrice, Clinique juridique chinoise et sud-est-asiatique de Toronto métropolitain : Pour ceux qui ne nous connaissent pas, nous sommes une organisation communautaire à but non lucratif qui fournit des services juridiques gratuits aux membres à faible revenu des communautés chinoises et du Sud-Est asiatique de Toronto. Notre organisation existe depuis 25 ans. Nous sommes aussi membres fondateurs de la campagne Colour of Poverty dont l'objectif est de sensibiliser la population à la racialisation et à la pauvreté au Canada.

J'aimerais d'abord remercier le comité d'avoir choisi d'étudier l'inclusion sociale. L'inclusion sociale, ou plus exactement l'exclusion sociale, est un grave problème au sein des communautés racialisées et immigrantes de nos jours. Nous avons toujours été parmi les plus marginalisés, et c'est encore le cas aujourd'hui. Il n'y a pas si longtemps, il y avait encore au Canada des lois ouvertement racistes et discriminatoires qui régissaient tous les aspects de la vie de nombreux groupes racialisés.

Bien sûr, nous n'avons plus de lois qui ciblent explicitement quiconque, en fonction de sa race. Malheureusement, l'injustice historique a laissé des traces. La discrimination sanctionnée par les lois est maintenant remplacée par des formes de discrimination plus subtiles mais aussi efficaces qui se manifestent notamment par la racialisation croissante de la pauvreté assortie d'une diminution de la participation des membres de groupes racialisés à la vie sociale, économique et politique du Canada, et cela, malgré la croissance de leur nombre absolu et de leur pourcentage au sein de la population du pays.

D'après le recensement de 2006, environ 16 p. 100 de la population canadienne est composée de minorités visibles. En Ontario, c'est près de 25 p. 100, y compris 2 p. 100 de membres des Premières nations. D'ici 2017, près d'un quart de la population de l'Ontario sera racialisée alors même que les membres de groupes racialisés sont plus exposés que les populations non racialisées à la discrimination sur le marché du travail.

J'ai cité le rapport du Wellesley Institute qui confirme que le codage couleur écarte les minorités visibles des bons emplois du marché du travail canadien. Les auteurs de ce rapport révélaient que les travailleurs canadiens membres de minorités visibles gagnaient 81,4 cents pour chaque dollar payé à leurs homologues blancs. En se fondant sur les données du recensement de 2006, les chercheurs ont constaté, par exemple, que les revenus des nouveaux arrivants de sexe masculin qui sont membres de minorités visibles représentaient seulement 68,7 p. 100 de ceux des hommes de race blanche et ce qui est troublant, c'est que le rapport confirme que ce codage couleur s'applique aussi aux Canadiens de deuxième génération qui ont la même éducation et le même âge.

Le rapport de Centraide du Grand Toronto intitulé Poverty by Postal Code (La pauvreté par code postal) parle aussi de la racialisation de la pauvreté. Le rapport a constaté que, entre 1981 et 2000, tandis que le taux de pauvreté pour les personnes non racialisées a chuté de 28 p. 100, il s'est vu catapulté à 361 p. 100 chez les familles racialisées. On ne peut pas affirmer que la pauvreté racialisée soit un problème exclusif à Toronto étant donné que des études similaires ont constaté le même genre de disparité dans d'autres villes de l'Ontario. Le phénomène ne se rattache pas qu'aux immigrants, puisque 33 p. 100 des membres de groupes racialisés sont nés au Canada et ont vécu ce genre d'exclusion.

En somme, l'inégalité de l'emploi et l'iniquité des revenus qui en résulte constituent l'un des plus graves obstacles à la pleine intégration sociale des membres des communautés racialisées, qu'ils soient immigrants ou nés au Canada.

Bien entendu, les désavantages économiques sont assortis d'autres formes d'exclusion pour les membres des groupes racialisés comme une criminalisation accrue, un état de santé plus précaire, un taux plus élevé de sans-abrisme, de plus grands obstacles à l'accès à l'instruction, et cetera. Bien que tous les ordres de gouvernement soient conscients de ces problèmes, leurs politiques ont parfois paradoxalement pour effet de renforcer, voire d'exacerber ces désavantages vécus par les membres de groupes racialisés.

Pensons par exemple à la période d'attente de trois mois pour que les nouveaux arrivants obtiennent le régime d'assurance-maladie de l'Ontario. On peut aussi trouver des exemples au niveau fédéral, malheureusement. Un exemple de politiques qui ont pu exacerber l'exclusion des immigrants et des groupes racialisés : le droit en matière d'immigration. J'ai donné deux exemples dans mon rapport. Premièrement, l'affaiblissement continu de l'engagement du Canada envers la réunification des familles, et deuxièmement, le fait qu'on recoure de plus en plus à des travailleurs étrangers temporaires comme source de main-d'œuvre au Canada, sans pour autant bien protéger ces travailleurs.

Nous estimons que le gouvernement fédéral peut et doit jouer un rôle important dans la promotion de l'inclusion sociale en adoptant des politiques qui élimineront la pauvreté, réduiront la stigmatisation des membres de groupes racialisés tout en intégrant des mesures concrètes visant à promouvoir l'égalité raciale. Pour commencer, le gouvernement fédéral pourrait mettre en œuvre toutes les recommandations du rapport du Comité HUMA intitulé Plan fédéral de réduction de la pauvreté. Nous pensons que le gouvernement doit aussi adopter des politiques fiscales raisonnables et progressistes pour augmenter la capacité du gouvernement d'offrir des programmes qui sont essentiels pour les groupes marginalisés, y compris les groupes racialisés. Des programmes de logement abordable, des programmes nationaux de garderies et des programmes plus précis visant une réelle égalité comme le Programme de contestation judiciaire doivent être rétablis ou améliorés.

Pour mesurer et par conséquent atteindre l'inclusion sociale, dont le comité est saisi, nous vous encourageons à adopter une approche holistique pour élaborer un cadre de travail conceptuel approprié servant à comprendre l'exclusion sociale. Un tel cadre de travail devrait être fondé sur une vision d'équité à travers laquelle les iniquités sont reconnues dans leurs multiples facettes et leurs interactions dans la société canadienne, telles qu'elles sont vécues par divers groupes marginalisés, y compris les communautés racialisées.

Le cadre doit comprendre des indicateurs et des mesures de résultats fondés sur des données non regroupées afin d'évaluer non seulement le processus d'inclusion sociale, mais aussi les résultats de toute politique élaborée dans ce but.

Au bout du compte, en s'engageant dans un dialogue critique sur la cohésion et l'inclusion sociales, le comité peut aider à faciliter des discussions nécessaires sur la promotion de l'objectif de l'égalité et de la justice universelle et, ce faisant, promouvoir le sentiment d'appartenance et la dignité de tous les Canadiens. Je vous remercie pour votre travail.

Le président : Merci beaucoup. Nous passons maintenant à Mme Natasha Blanchet-Cohen, professeure adjointe, Sciences humaines appliquées à l'Institut international pour les droits et le développement de l'enfant.

Natasha Blanchet-Cohen, professeure adjointe, Institut international pour les droits et le développement de l'enfant : Merci beaucoup pour l'invitation. Je vais parler de la jeunesse, passons rapidement sur le portrait de la jeunesse actuelle pour m'attarder davantage à la façon dont on peut traiter de l'exclusion des jeunes.

Le centre a pour but de mettre en valeur la voix, l'énergie et la sagesse de la jeunesse en reconnaissant que les jeunes peuvent jouer un rôle crucial dans le renforcement du tissu social canadien, mais qu'ils ont aussi besoin d'occasions pour actualiser leur potentiel. Comment faire?

Je vais parler plus particulièrement d'une initiative appelée YouthScape, lancée et financée par la Fondation McConnell, sur une période de quatre ans. Cela faisait partie de sa stratégie d'inclusion axée sur les jeunes qui se sentent coupés de la réalité de l'école et d'autres organisations conventionnelles dirigées par les adultes.

Il s'agit d'une initiative nationale ancrée dans cinq collectivités du pays, avec la participation de Centraide à Thunder Bay, de Child and Youth Friendly à Calgary, du Centre HeartWood for Community Youth Development à Halifax, de Boscoville 2000 à Rivière-des-Prairies au Québec, de Youthcore à Victoria et d'une organisation de rassemblement national, l'Institut international pour les droits et le développement de l'enfant où je travaillais à l'époque. Je travaille maintenant à l'Université Concordia.

Il importe de parler du contexte pour une initiative de cette importance qui peut contribuer à votre réflexion. On sait bien que la participation des jeunes est avantageuse pour eux et pour l'ensemble de la société canadienne, qu'il faut reconnaître le droit des jeunes de participer à la société, comme le fait la Convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant dont le Canada est signataire. Nous travaillons dans le secteur de l'aide aux jeunes dont les démarches ont été largement déficitaires et ont souvent échoué à bien soutenir le bien-être de jeunes à risque. Quand on s'occupe des jeunes, particulièrement des jeunes marginalisés, il faut s'écarter du modèle de silos systémiques auquel sont associés les services et programmes destinés à la jeunesse. Beaucoup de secteurs touchent la vie des jeunes, mais collaborent rarement ensemble et avec les jeunes, en synergie.

Le rêve de YouthScape, c'est d'imaginer un monde où les jeunes, notamment les jeunes marginalisés, règlent les problèmes plutôt d'être des problèmes; nous voulons créer une société où la mobilisation des jeunes serait un automatisme.

Il y a trois points saillants à cette initiative. Nous voulons soutenir diverses démarches pour mobiliser les jeunes. Il ne suffit pas d'en faire des membres de conseil d'administration; il faut leur donner l'occasion de vraiment mettre en œuvre leurs idées. La mobilisation des jeunes marginalisés fait appel à l'innovation. Une bonne part de notre initiative consiste à donner de l'argent aux jeunes pour qu'ils puissent actualiser leurs idées et projets.

Nous avons de nombreux exemples de l'effet que nous pouvons avoir, comme dans le cas de Devon Meekis, de la Première nation Deer Lake, qui vit à Thunder Bay : c'est un humoriste qui a reçu une subvention lui permettant de concevoir une histoire humoristique sur les difficultés de la transition entre la réserve et la ville. L'œuvre a été distribuée dans chaque foyer et dans diverses entreprises du territoire de la nation Nishnawbe Aski pour aider les jeunes à mieux vivre la transition entre la vie sur la réserve et la vie urbaine. Parlons aussi du projet d'alphabétisation juridique de Victoria, où les jeunes travaillent avec la police pour créer des lignes directrices pratiques à l'intention des jeunes sans- abri, afin qu'ils comprennent leurs droits et leurs responsabilités quand ils se font arrêter. Les dépliants qui se glissent facilement dans une poche produits par ce projet ont été distribués à grande échelle. C'est tout petit, mais utile. C'est le résultat d'un partenariat unique entre la police et la jeunesse, qui comme on le sait, est souvent une relation difficile.

Il s'agissait aussi de créer un espace pour les jeunes parce que les jeunes n'ont pas de lieux pour lesquels ils ont un sentiment d'appartenance. Nous ne parlons pas simplement de lieux physiques, mais de leur participation à la conception. Il fallait aussi changer la perception qu'a le public en faisant entendre davantage la voix des jeunes dans la collectivité.

Voici un autre exemple. À Calgary, des jeunes, y compris des jeunes en détention ont travaillé avec le réseau de transport en commun pour concevoir de nouveaux laissez-passer d'autobus adaptés aux jeunes. Ce concours artistique à l'échelle de la ville a suscité beaucoup d'intérêt chez les jeunes et a montré à la municipalité que les jeunes, qui sont très nombreux à fréquenter les transports publics devraient être consultés sur les questions relatives au transport public, comme les itinéraires, les horaires, la sécurité et les graffitis.

Un deuxième point important : l'aptitude des organisations à s'occuper des jeunes. Il faut savoir que la majorité des organisations destinées à la jeunesse et dirigées par des adultes ne sont pas bien outillées pour entrer en relation avec les jeunes, ou moins qu'elles le croient. Parmi les points faibles, le manque d'ouverture au risque, le rôle du personnel en tant qu'allié des jeunes et la possibilité d'une reddition de comptes mutuelle entre les jeunes et les adultes. La plupart des organisations ont envers les jeunes une attitude paternaliste. Il faut revoir les politiques et les pratiques.

Il faut voir comment cette démarche peut être intégrée au travail que font les collectivités et les institutions auprès des jeunes.

YouthScape a prouvé son immense potentiel. Ainsi, à Rivière-des-Prairies, près de Montréal, diverses institutions conventionnelles sont liées à YouthScape, notamment des écoles, une bibliothèque et un centre culturel local. Elles ont fait l'expérience de diverses formes de processus décisionnels faisant appel aux jeunes, des processus plus inclusifs qui tiennent compte de la diversité culturelle de la jeunesse. Dans ce secteur, les tensions intergénérationnelles et interraciales ont été réduites grâce à la confiance suscitée dans le cadre de projets menés par des jeunes avec succès.

À Thunder Bay, une coalition de jeunes a participé à 16 projets YouthScape qui ont reçu l'appui d'alliés adultes grâce au Conseil d'action jeunesse de Thunder Bay.

Diverses publications ont résulté de ce projet. Nous vous en avons fourni quelques-unes et il y a aussi des guides, des DVD et des articles savants.

Plus important encore, YouthScape nous a rappelé que l'inclusion, ce n'est pas seulement permettre aux jeunes de participer aux activités de leur communauté locale, dans son modèle actuel, c'est aussi créer un sentiment d'appartenance et leur apprendre ce qu'est leur contribution, ce que c'est que d'être vraiment un citoyen, avec des droits et des obligations. Dans ce processus, il faut changer la relation entre les institutions et les citoyens, pour que la nature de la participation fasse appel aux aspirations de la jeunesse tout en recourant à ses talents. Comme l'a dit un jeune : « Nous ne voulons pas simplement un siège à la table du conseil, ça c'est ennuyant. Nous voulons travailler avec vous et d'autres, en réseau, pour explorer de nouvelles relations et prendre part à la vie de notre communauté ».

YouthScape a trouvé que ce résultat était bénéfique pour les jeunes et pour la société. Comment en arriver là? De petites subventions à la jeunesse ont créé un effet transformateur; comment multiplier cet effet au sein de nos institutions? YouthScape a montré qu'il faut des conditions habilitantes, qu'il faut être prêt à remettre en question les vieilles pratiques, à prendre des risques et à collaborer davantage. C'est ce que nous devons faire, pas seulement pour la génération de demain, mais pour celle d'aujourd'hui. Merci.

Le président : Merci beaucoup. Nous allons maintenant passer à Tony Dolan, président, et à Vangelis Nikias, du Conseil des Canadiens avec déficiences. Monsieur Dolan, je crois comprendre que vous allez faire l'exposé.

Tony Dolan, président, Conseil des Canadiens avec déficiences : D'abord, le conseil est ravi d'obtenir l'occasion de discuter de certains de nos enjeux. À titre d'organisme représentant diverses déficiences, notre réseau est ouvert aux gens atteints de toutes sortes de déficiences, et nous travaillons sur des questions qui concernent les personnes avec déficiences.

Comme tout le monde est touché par une déficience, soit personnellement ou indirectement lorsqu'un parent souffre d'une déficience, le conseil estime que les déficiences constituent une question non partisane, et nous partageons nos recommandations avec tous les partis.

Quelle est la situation des personnes avec déficiences? En 2005, près d'un demi-million de personnes, soit 20,5 p. 100 des adultes en âge de travailler de 15 à 64 ans avec une déficience avaient un faible revenu. Les personnes en âge de travailler avec déficiences sont environ deux fois plus susceptibles que leurs homologues sans déficiences de vivre d'un faible revenu. Après 65 ans, le taux de faible revenu chez les personnes avec déficiences baisse de façon considérable et demeure bas, tout comme le taux pour les personnes âgées sans déficiences, durant les années de la retraite. C'est peut- être parce que les prestations gouvernementales aident à augmenter les revenus et à réduire les coûts pour les personnes avec et sans déficiences.

La triste réalité, c'est qu'il y a des gens avec déficiences qui ont hâte d'atteindre l'âge de 65 ans pour obtenir un meilleur revenu — pas un revenu extraordinaire, mais un meilleur revenu. Les discussions en cours actuellement concernant l'augmentation de l'âge d'admissibilité à la sécurité de la vieillesse sèment la peur chez ces gens parce qu'ils auraient à attendre encore quelques années pour obtenir un meilleur revenu.

Qui sont les personnes avec déficiences? Il s'agit de mères, de pères, de travailleurs, de chercheurs d'emplois, d'enfants et de personnes âgées. Nous sommes aussi des Canadiens avec déficiences. Les décideurs fédéraux doivent tenir compte des obstacles qui nous empêchent de faire des études pour trouver une carrière, acheter une maison, élever des enfants, épargner pour notre avenir et voyager sans problèmes. Le conseil exhorte le gouvernement à se servir de ses pouvoirs en matière de mesures législatives et de programmes pour faire en sorte que les personnes avec déficiences soient entièrement prises en compte dans les programmes et les services du Canada et aient l'occasion de contribuer à la prospérité sociale et économique du pays.

Nous savons aussi très bien que la compétence fédérale a ses limites et que la responsabilité de nombre de nos enjeux relève de la compétence des provinces et des territoires. Nous exhortons le gouvernement du Canada à travailler en collaboration avec tous les ordres de gouvernement à des stratégies de marché du travail et à de vastes initiatives de politiques sociales pour répondre aux besoins des personnes avec déficiences.

Je sais qu'il s'agit de moments difficiles et que nous tentons de réduire le déficit, mais le conseil demande au gouvernement fédéral de ne pas oublier ceux qui sont déjà considérablement désavantagés.

Au fur et à mesure que des solutions sont élaborées pour rectifier la situation économique, nous avons la responsabilité de demander au gouvernement la garantie que ces solutions n'auront pas un impact négatif sur les Canadiens vulnérables.

Nous rappelons au gouvernement du Canada que de nombreuses personnes de la communauté des personnes avec déficiences ont un revenu de moins de 10 000 $ par année. Les Canadiens avec déficiences ont de la difficulté à répondre à leurs besoins même lorsque les choses vont bien. Lorsque les choses vont mal, malheureusement, on ressent souvent les effets des compressions de service et des pertes d'emplois.

Même en période de crise économique, le Canada doit continuer de prendre des dispositions satisfaisantes pour les Canadiens vulnérables, y compris les Canadiens avec déficiences.

Un Canada inclusif et accessible signifie que les Canadiens avec déficiences — les enfants, les jeunes, les adultes en âge de travailler et les personnes âgées — ont le soutien nécessaire pour avoir pleinement accès à tout ce que le Canada a à offrir pour en profiter. Les principes de vie indépendante, le contrôle des consommateurs et l'autonomie font partie de la réalité. Les Canadiens avec déficiences peuvent compter sur des logements sécuritaires, adéquats et accessibles dans leurs collectivités et tourner le dos aux institutions résidentielles et aux limites qu'elles représentent. Les Canadiens avec déficiences et leurs familles ont un revenu, de l'aide et des dispositifs, du personnel de soutien, des médicaments et des accommodements environnementaux pour rendre leur participation sociale culturelle et politique accessible et inclusive. Les femmes avec déficiences, les personnes autochtones avec déficiences, les personnes de minorité visible avec déficiences et ceux d'autres communautés marginalisées ont un accès et des avantages égaux dans la société canadienne. Les Canadiens avec des déficiences invisibles, des maladies chroniques, des déficiences épisodiques ou des sensibilités environnementales qui habitent dans des régions éloignées ou rurales ont un accès égal aux avantages que présente la société canadienne. Les personnes avec déficiences devraient pouvoir contribuer à la société canadienne et en profiter tout comme les autres citoyens. Il s'agit de notre pays. C'est simplement une question de qualité de la citoyenneté et c'est ce que nous demandons.

Pour qu'un Canada inclusif et accessible devienne réalité, le gouvernement du Canada doit faire preuve de leadership en améliorant son rôle dans quatre domaines clés : soutien amélioré pour assurer une vie autonome, et participation pleine et active des citoyens; rôle accru du gouvernement fédéral pour atténuer la pauvreté chez les personnes avec déficiences et leurs familles, ce qui libérerait des fonds, au niveau provincial et territorial, pour faire de nouveaux investissements dans le soutien aux personnes avec déficiences; mesures d'inclusion au marché du travail; un modèle national de développement social pour faire la promotion des communautés accessibles et inclusives; soutien aux jeunes pour améliorer l'accès à la participation au marché du travail.

J'ai entendu un des autres témoins plus tôt parler d'emploi; je pense que c'était Mme Blanchet-Cohen. Un emploi implique beaucoup plus qu'un revenu stable. C'est aussi une question d'inclusion, d'avoir un but et d'être membre de la société. Sans inclusion, tout le sentiment d'être est compromis.

Je crois que nous pouvons atteindre une meilleure participation au marché du travail par plusieurs moyens. Établir des cibles précises pour les Canadiens avec déficiences dans les accords sur la mise en valeur de la main-d'œuvre, lesquels sont négociés avec les provinces. L'atteinte de cibles précises pour les Canadiens avec déficiences devrait constituer un critère pour le transfert aux fins de l'assurance-emploi et du Trésor aux provinces et aux territoires.

Transformer les ententes relatives au marché du travail entre le gouvernement fédéral et les provinces pour tenir compte des obstacles auxquelles se heurtent les personnes avec déficiences prendra un certain temps. Nous en sommes conscients. Entre-temps, le Cadre multilatéral pour les ententes sur le marché du travail visant les personnes handicapées et le Fonds d'intégration devraient être étendus pour offrir une meilleure capacité de surmonter les obstacles au niveau des provinces et des territoires. Ces fonds ne devraient pas être intégrés aux ententes sur le développement du marché du travail ou aux nouveaux transferts pour le marché du travail aux provinces et aux territoires jusqu'à ce qu'il soit démontré que les ententes sur le développement du marché du travail sont en mesure de tenir compte des enjeux propres aux personnes avec déficiences de façon considérable et que les leçons, incitatifs et stratégies soient incorporés à ces programmes génériques élaborés au moyen du Cadre multilatéral et du Fonds d'intégration.

La pauvreté chez les Canadiens avec déficiences constitue une honte nationale. Les Canadiens avec déficiences et leurs familles sont deux fois plus susceptibles de vivre dans la pauvreté que les autres Canadiens, et l'incidence de la pauvreté chez les personnes autochtones avec déficiences est encore plus élevée.

Les systèmes de soutien du revenu en place manquent à leurs obligations envers les Canadiens avec déficiences, et le gouvernement du Canada doit s'engager à régler la question de la pauvreté et à réformer les programmes de revenu du Canada pour les Canadiens avec déficiences.

Ils pourraient commencer par rendre le crédit d'impôt pour personnes handicapées remboursable. Un crédit d'impôt remboursable aiderait les gens qui dépendent d'un revenu fixe. Les personnes employées peuvent profiter du crédit d'impôt pour personnes handicapées. Toutefois, pour les personnes qui ont un revenu fixe, un crédit d'impôt pour personnes handicapées remboursable serait un avantage, pourvu qu'il ne soit pas récupéré par les provinces ou les territoires.

D'autres mesures à prendre : rendre la prestation d'invalidité non imposable; étendre les prestations de maladie de l'assurance-emploi à 52 semaines; veiller à ce que les nouvelles prestations fédérales, comme le régime enregistré d'épargne-invalidité, ne soient pas récupérées par les provinces et les territoires pour ceux qui dépendent de l'aide sociale. Pour ce qui est des réformes à long terme, le gouvernement fédéral pourrait jouer un rôle accru dans le soutien des revenus des Canadiens avec déficiences, ce qui libérerait des ressources que les provinces et les territoires pourraient réinvestir.

De nouveaux investissements de soutien des personnes avec déficiences — de nouveaux investissements bien exécutés — pourraient changer la vie des personnes avec déficiences et des investissements bien ciblés dans le soutien des personnes avec déficiences pourraient aider les Canadiens avec déficiences à participer à l'éducation et aux soins de la petite enfance, à s'instruire et à trouver un emploi, à vivre de façon plus autonome et à s'occuper de leurs familles.

Le gouvernement du Canada doit prendre des mesures nationales, sociales, économiques et politiques pour les personnes avec déficiences afin de leur permettre de se prendre en charge et s'épanouir pleinement. Nous devons travailler avec les provinces et les territoires pour trouver des façons d'améliorer la gamme de soutiens mis à la disposition des personnes avec déficiences et en faciliter l'accès.

Le gouvernement fédéral doit travailler avec les provinces et les territoires pour offrir du soutien dans la construction de logements sécuritaires, abordables et accessibles; reconnaître que les institutions résidentielles n'ont pas leur place dans la vie des personnes avec déficiences; appuyer les provinces et les territoires pour terminer le processus de fermeture de ces institutions.

Finalement, j'aimerais parler un peu de la promotion de l'accès, de l'inclusion et de la citoyenneté. Pour atteindre des résultats positifs dans les étapes menant à l'emploi, au revenu et aux soutiens des personnes avec déficiences, des investissements sont également nécessaires dans des domaines connexes et complémentaires. À cette fin, le gouvernement du Canada doit s'engager à élaborer un processus transparent auquel participent des organismes représentant des personnes avec déficiences pour la mise en œuvre et la surveillance des responsabilités du Canada en vertu de la Convention relative aux droits des personnes handicapées.

Le Canada est un pays qui peut faire mieux. On peut faire mieux pour notre population; on peut faire mieux pour nos personnes avec déficiences. Nous voulons simplement une citoyenneté à part entière. Nous vous remercions de nous avoir donné cette occasion.

Le président : Merci beaucoup. Je vais maintenant céder la parole à mes collègues pour la période de questions. Nous allons commencer par le sénateur Eggleton, qui sera suivi du sénateur Martin et du sénateur Callbeck.

Le sénateur Eggleton : Je vous remercie de vos excellents exposés. Vous avez tous parlé de l'inclusion sociale sous un angle différent. J'avais d'abord pensé vous poser chacun des questions individuelles, mais pour accélérer les choses un peu, je vais poser une question d'ordre général qui s'applique à chacun d'entre vous, et qui se pose en deux parties.

D'abord, à la fin du mois, un budget fédéral sera présenté par le ministre des Finances. Nommez-moi une ou deux choses — je sais que votre liste de souhaits est probablement plus longue — que vous aimeriez voir dans le budget et qui selon vous pourraient avoir des répercussions positives dans les communautés dont vous parliez aujourd'hui et qui contribueraient à mettre fin à l'exclusion et à inclure davantage de gens dans notre société? Nommez-moi une ou deux choses que vous aimeriez voir dans le budget fédéral?

Deuxièmement, le comité a terminé un rapport il y a quelques années en matière de pauvreté, de logement et de sans- abrisme intitulé Pauvreté, logement, itinérance : les trois fronts de la lutte contre l'exclusion. Nous avons entre autres examiné ce que nous avions appelé des pratiques prometteuses. Mme Blanchet-Cohen a parlé de pratiques prometteuses aujourd'hui : YouthScape. Parmi les pratiques dont nous avions pris connaissance, il y avait Pathways to Education à Regent Park à Toronto, qui a contribué à réduire le taux de décrochage et à le faire passer de 56 à 10 p. 100 chez les jeunes du secondaire et à augmenter considérablement le taux de jeunes qui entament des études postsecondaires. Ce programme a obtenu beaucoup de succès. Nous avons recommandé au ministre des Finances de financer cette pratique prometteuse pour tenter de la reproduire dans d'autres régions du pays, ce qu'il a fait. Il y a deux ans, Pathways to Education a reçu du financement.

Y a-t-il des pratiques prometteuses comme YouthScape ou Pathways to Education qui selon vous pourraient faire une différence dans les communautés qui vous préoccupent?

Le président : Nous allons donner à chacun la chance de répondre. Veuillez être concis. Je vais commencer par M. Cook.

M. Cook : Je vous conseillerais de transférer davantage d'argent; réduire les montants attribués à l'institutionnalisation et aux soins à domicile, monsieur — bref et concis.

Le sénateur Eggleton : Je vous remercie.

Le président : Je vous remercie. J'aime ce conseil.

Mme Go : Dans le document que j'ai présenté, je cite une étude qui porte sur les effets des réductions d'impôt accordées aux sociétés. Compte tenu de cette étude, ces compressions qui sont entrées en vigueur durant les deux derniers mandats du gouvernement ou qui doivent entrer en vigueur à l'avenir atteindront 14,2 milliards de dollars d'ici l'année financière 2012- 2013. Si on annule ces compressions, le gouvernement aura 14,2 milliards de dollars de plus pour financer toutes les mesures dont les autres témoins ont parlé, qu'il s'agisse de soins à domicile pour les personnes âgées, l'augmentation de la Sécurité de la vieillesse...

M. Cook : Je seconde.

Mme Go : Qu'il s'agisse du soutien aux personnes avec déficiences — je seconde, également. Je ne m'étais pas rendu compte qu'à 50 ans, on est considéré comme une personne âgée, alors je serai bientôt une personne âgée. Il y a toute une gamme de programmes qui pourraient être financés ainsi, alors il faudrait y songer sérieusement.

Le président : Jusqu'à maintenant nous avons des transferts aux soins à domicile...

M. Cook : Sans frais pour les hôpitaux.

Cordy : C'est moins cher.

M. Cook : Oui, c'est moins cher, en fait.

Le président : Une annulation de 14,2 milliards de dollars de réductions d'impôt pour ces programmes.

Mme Blanchet-Cohen : Je favoriserais l'entrepreneuriat social, des contributions aux jeunes pour le développement communautaire. Je crois qu'il y a là un potentiel énorme. Il faut aussi soutenir les organismes, parce que la question n'est pas simplement de verser l'argent aux jeunes. Il doit y avoir un soutien, des garde-fous, mais ce n'est certainement pas en haut de ma liste de priorités.

Le président : Monsieur Nikias, voulez-vous répondre à cette question?

Vangelis Nikias, chef de projet, Conseil des Canadiens avec déficiences : Nous mettons l'accent sur la proposition de mesures qui pourrait profiter aux gens les plus désavantagés. Mon collègue a déjà indiqué qu'il fallait s'occuper des femmes et des Autochtones avec déficiences à faible revenu. Les Autochtones avec déficiences sont très désavantagés, alors je crois que pour répondre aux besoins de ce groupe désavantagé rapidement, il faudrait rendre le crédit d'impôt pour personnes handicapées remboursable, ce qui n'implique pas de discussions en matière de compétence, et c'est probablement la première chose que le gouvernement fédéral pourrait prévoir dans son budget. Il serait aussi très intéressant de prendre des mesures pour renforcer la participation des personnes avec déficiences au marché du travail.

Nous ne voulons pas que des changements soient apportés au critère d'admissibilité à la Sécurité de la vieillesse sans d'abord penser avec soin aux autres répercussions possibles. Autrement, on risque de désavantager encore plus les gens qui sont déjà pauvres. Nous pouvons fournir d'autres arguments à cet égard. Il y a trois choses que nous proposons pour l'instant.

Le sénateur Eggleton : Pas de pratiques prometteuses, autre que YouthScape? Personne ne peut penser à d'autres exemples? D'accord.

Le président : Merci beaucoup. Nous avons eu des réponses très claires à vos questions, sénateur.

Nous allons passer au sénateur Martin.

Le sénateur Martin : J'aimerais faire les mêmes commentaires que mes collègues sur vos exposés, qui étaient tous intéressants et qui donnaient chacun une perspective différente des segments vulnérables de notre société.

Pour ce qui est de l'étude précédente dont a parlé le sénateur Eggleton, je me souviens d'une autre étude qui s'est vraiment démarquée, surtout en ce qui concerne les gens qui touchent des pensions d'invalidité ou qui ont des problèmes de santé mentale. À Vancouver, il y avait un endroit appelé Lookout. La gestion de l'argent est un point clé qui avait été soulevé. Avec des fonds limités, il est difficile de bien gérer sans s'endetter davantage ou se retrouver en difficulté financière, tout en créant un esprit communautaire. Il y a de bonnes pratiques prometteuses.

Je fais partie de la génération sandwich; j'ai une fille adolescente et une mère vieillissante. J'ai été ravie et surprise que, dans ma communauté à Vancouver, l'équipe de soins communautaires qui travaille avec les personnes âgées a remis une brochure des nombreux programmes et services auxquels nous sommes admissibles. Je me demande quel est le problème : un manque de programmes, de services ou de ressources ou plutôt le fait que les familles et les personnes âgées elles-mêmes doivent se renseigner et se mettre au courant de ces programmes pour pouvoir y accéder.

M. Cook : C'est un dédale. À mon avis, les programmes gouvernementaux sont tous cloisonnés si bien qu'il n'y a pas moyen de savoir ce que l'un offre par rapport à l'autre. C'est très difficile. Nous avons organisé des séances d'information dans mon entreprise pour tâcher de cerner les divers enjeux, mais nous sommes embrouillés. Si un programme ne vous convient pas, on nous dit d'attendre la semaine suivante, car on offrira notre programme, mais personne ne semble savoir qui y est admissible et c'est très difficile.

Nombre d'organismes gouvernementaux tâchent de mettre de l'ordre dans tout cela, mais les programmes changent. Le financement existe dans un cas, mais il disparaît dans un autre et en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire un programme fonctionne et un autre non, donc je comprends bien ce que vous dites. Nous recevons beaucoup d'appels téléphoniques et les gens nous disent : « Que puis-je faire? Ma mère a 80 ans et j'ai besoin d'aide. À qui dois-je m'adresser? » Je ne sais pas quelle est la solution. Tentez de tout intégrer semble être une grosse difficulté.

Le sénateur Martin : Vous venez de prononcer le mot clé que je voulais soulever, à savoir, la notion d'un système intégré, chose que le comité a étudiée à l'occasion de l'examen de l'Accord de 2004 sur la santé. Il semble que l'équipe soit relativement intégrée, les gestionnaires de cas étant des travailleurs sociaux, des infirmiers communautaires épaulés par d'autres professionnels qui peuvent donner des réponses à un guichet unique évitant ainsi le dédale.

Pensez-vous qu'une des solutions ou une des recommandations serait de songer à des systèmes intégrés où ce genre de services peut être coordonné et où ceux qui en ont besoin peuvent obtenir des renseignements?

M. Cook : On semble s'orienter dans cette direction. Des équipes de professionnels de la santé s'en occupent, mais il semble que ce soit lent. On ignore l'existence de programmes jusqu'à ce qu'on les rencontre par hasard. Il y a de la bonne volonté. Je sais qu'il existe en Ontario des équipes pour les gens qui veulent vieillir à domicile et qui ont besoin de soins de santé et les choses semblent démarrer, mais le processus est lent. Pour le consommateur, les choses ne sont pas claires surtout quand il s'agit des enfants adultes. C'est très difficile.

Le sénateur Martin : Il y a une expression qui dit qu'il faut tout un village pour élever un enfant, mais je pense qu'il faut tout un village pour prendre soin d'une personne âgée.

M. Cook : Peut-être qu'il faut deux villages dans ce cas-là.

Le sénateur Martin : Il y a une évolution culturelle, car les membres de plusieurs communautés ethniques apportent ces valeurs au Canada et ils sont plutôt autosuffisants, car ce sont les membres de la famille qui s'occupent des personnes âgées. Pensez-vous qu'en tant que Canadiens nous pourrions nous inspirer de cette pratique et préconiser que les familles songent à d'autres modèles? Nous voyons les choses ainsi dans ma propre communauté ethnique. Je suis Coréenne.

M. Cook : Les personnes âgées sont traitées différemment selon les groupes ethniques. Dans certains cas on les entoure de soins et dans d'autres cas ils sont relégués dans des centres de soins de longue durée. Je ne sais pas comment on peut changer les choses. C'est ce que nous constatons de façon générale et je ne sais pas ce qu'il faut faire. C'est culturel. Peut-être que la deuxième ou la troisième génération va évoluer.

Le sénateur Martin : La publicité durant la campagne contre la maltraitance des personnes âgées lancée par le gouvernement fédéral était très poignante. J'ai été interpellée chaque fois que je la voyais. Finalement, pour la suite, tout est une question d'œuvre éducative. Il existe un site Internet. Pouvez-vous nous parler de cette campagne?

M. Cook : C'est une bonne campagne, car si vous êtes une personne âgée isolée, vous n'êtes pas au courant des enjeux. Mon entreprise a été une victime. On a prétendu être employé de mon entreprise pour s'introduire chez les personnes âgées. Ainsi, ayant obtenu des numéros de téléphone et des cartes d'identité, ces malfaiteurs ont dépouillé des personnes âgées. Comment voulez-vous qu'une personne de 92 ans vivant dans un appartement d'une pièce sache que de telles pratiques existent? Je ne sais pas comment nous devons nous y prendre surtout dans le cas des personnes âgées qui vivent de façon isolée et n'ont pas de proche parent.

Je pense que c'est un programme fabuleux et qu'il faut qu'il continue.

Le sénateur Callbeck : Merci à tous de vos exposés. C'est formidable d'avoir un Prince-Édouardien parmi les témoins.

Monsieur Dolan, je suis tout à fait d'accord avec vous au sujet des crédits d'impôt remboursables. J'en ai parlé à plusieurs reprises au Sénat, car je trouve qu'il est tout à fait illogique que les Canadiens à faible revenu ne puissent profiter de ces crédits d'impôt.

Je voudrais vous poser des questions au sujet de quelques programmes du gouvernement fédéral à l'heure actuelle. Vous avez mentionné le Fonds d'intégration pour les personnes handicapées. Vous avez dit que ce fonds devrait être élargi. Pouvez-vous nous expliquer en quoi il consiste, s'il vous plaît?

M. Dolan : C'est un fonds qui est utilisé surtout à l'échelle provinciale. Il provient de RHDCC mais il est utilisé pour l'emploi des personnes handicapées dans les provinces. Il n'y a pas de désignation pour ce qui est de faire part des résultats. Les résultats sont très faibles pour ce qui est de la façon dont ils font rapport au gouvernement fédéral. Les voies hiérarchiques sont très faibles sur le plan de la reddition de comptes.

Le sénateur Callbeck : Je sais que vous ne voulez pas que cela fasse partie de l'entente sur le marché du travail. Est-ce que cela en fait partie à l'heure actuelle?

M. Dolan : Pas à l'heure actuelle.

Le sénateur Callbeck : Cela n'en fait pas partie?

M. Dolan : Non.

Le sénateur Callbeck : Il n'y a pas beaucoup de rétroaction à ce sujet.

M. Dolan : Il n'y a pas beaucoup de rétroaction. Naturellement, une partie des fonds vont à l'administration plutôt que d'être utilisée pour aider une personne handicapée à trouver un emploi. Une bonne partie des fonds servent à couvrir les frais administratifs des gouvernements provinciaux.

Le sénateur Callbeck : Le fait est qu'il n'y a pas beaucoup d'argent qui va aux personnes handicapées.

M. Dolan : Cet argent ne parvient pas aux personnes handicapées, et nous n'avons pas accès au fonds pour trouver du vrai travail, de vrais emplois. Pour moi, c'est l'une des grandes tragédies.

Le sénateur Callbeck : Avez-vous des suggestions pour le régime enregistré d'épargne-invalidité? Est-ce qu'il fonctionne bien?

M. Dolan : Monsieur Nikias, pouvez-vous nous en parler?

M. Nikias : Je crois que c'est un grand pas dans la bonne direction, car ce programme permet d'améliorer la sécurité financière de bon nombre de membres de notre communauté. Le coordonnateur national, M. Beachell, a participé à des entretiens avec des fonctionnaires en vue de faciliter l'ouverture de comptes aux gens qui ont des difficultés particulières, et nous avons travaillé avec l'Association canadienne pour l'intégration communautaire à cet égard.

Nous croyons comprendre que des fonctionnaires du ministère des Finances ont travaillé sur ce dossier et peut-être qu'on pourrait faire certains efforts à cet égard dans le cadre du budget de cette année.

Le sénateur Callbeck : Je remarque que selon Statistique Canada le nombre de personnes handicapées a augmenté. On dit que 4,4 p. 100 des Canadiens ont indiqué qu'ils avaient un handicap en 2006. C'est une augmentation de 20 p. 100 par rapport à 2001. Je sais que la population est vieillissante, mais y a-t-il d'autres raisons pour justifier cette augmentation?

M. Dolan : Je pense que c'est surtout le vieillissement de la population et le fait que les gens le signalent. C'est l'une des raisons pour lesquelles nous pensons que ce pourcentage a augmenté.

Nous avons fait beaucoup de progrès. Je voudrais faire un autre commentaire à la suite de ce que vous disiez au sujet du Fonds d'intégration et de l'emploi. Nous avons fait beaucoup de progrès dans le domaine de l'emploi. Nous avons fait beaucoup de progrès sur le plan de l'accès. Il suffit de regarder autour de nous, il y a beaucoup plus de rampes d'accès pour fauteuil roulant et de Braille. Cela revient à ce que je disais précédemment. L'accès physique et l'accès à des outils de communication ont moins d'importance à l'heure actuelle. Le problème pour les personnes handicapées, c'est la pauvreté. Cette pauvreté est accablante. Elle est déshumanisante. Elle constitue un problème beaucoup plus vaste. L'accès à l'emploi et un revenu stable et substantiel sont des questions beaucoup plus importantes.

Le sénateur Callbeck : Madame Blanchet-Cohen, vous avez parlé de YouthScape qui est financé par la Fondation de la famille McConnell et d'autres bienfaiteurs. Les subventions sont versées à des jeunes. Comment ces groupes sont-ils appuyés ou surveillés? Comment fonctionnent les choses?

Mme Blanchet-Cohen : Vous soulevez un point très important, car cela ne se limite pas à verser de l'argent à des jeunes. Il y a donc des modalités en place et nous avons procédé par essai sur le tas. Nous n'avions pas beaucoup d'expérience en ce qui a trait au versement de fonds à des jeunes. Pour ouvrir un compte en banque, d'habitude on demande l'autorisation parentale si bien que verser des fonds à des jeunes peut-être problématique.

Nous avons suivi tout un processus pour aider les jeunes à faire leurs demandes et à exprimer leur projet — ce qu'ils souhaitaient changer dans leurs collectivités — et ensuite nous leur avons versé l'argent par tranches et nous avons exigé une reddition de comptes. Certaines organisations craignaient que les jeunes prennent l'argent et le dépensent pour acheter de la drogue ou autre chose. Toutefois, sur les mille subventions, versées à des jeunes, on a constaté avec étonnement qu'un seul a disparu en emportant l'argent. Cela est révélateur et confirme que nous devons faire confiance aux jeunes, mais que nous devons aussi être en mesure de les appuyer pour qu'ils puissent cerner leur projet et le réaliser et ensuite profiter des retombées. Les jeunes ont l'habitude du système scolaire où ils ont peu d'occasions de jeter un regard critique sur ce qui est possible. Il s'agissait en fait de se dire : « Le saviez-vous? Cette bande dessinée est une excellente idée, mais comment pourrait-on la diffuser à tous les foyers dans diverses réserves? »

Nous avons plusieurs exemples où les adultes ont joué un rôle vraiment important pour tirer parti des talents des jeunes. Cela aussi présente un défi. Il faut former les adultes dans ce sens. Il y en a peu qui soient capables de jouer ce rôle. Une partie de notre travail pendant quatre années a été de former les adultes pour qu'ils puissent jouer ce rôle, mais il faudrait qu'ils soient plus nombreux. Je pense que les subventions accordées aux jeunes représentent un potentiel énorme.

Le sénateur Champagne : Monsieur Cook, l'anecdote que vous avez racontée à propos de votre mère vieillissante me rappelle ma belle-mère. Elle avait bien plus de 90 ans et elle tenait à rester dans son propre appartement. Elle pouvait se débrouiller, mais cela nous rendait extrêmement nerveux. Nous lui avons dit : « Viens donc voir c'est un endroit merveilleux. » Elle a répondu : « Je ne veux pas y aller, car il n'y a là que des vieux. »

Vous dites que votre société cherche des emplois pour les gens de plus de 50 ans.

M. Cook : Oui.

Le sénateur Champagne : Dites-moi si je peux me porter candidate. Dans 16 mois, on se débarrasse de moi ici. Il ne me reste que 16 mois si bien que je voudrais me recycler et je veux un emploi. Dites-moi où je peux vous joindre.

Vous avez beaucoup parlé des soins à domicile. Quand les professionnels de la santé parlent de soins ambulatoires, ils comptent sur le fait que les malades rentreront chez eux et qu'il y aura quelqu'un pour s'occuper d'eux et qu'ils reviendront pour subir leur traitement avant de retourner chez eux. Je connais très bien la situation. Il ne faut pas oublier que c'est le conjoint ou la conjointe qui aura peut-être à s'occuper du malade qui on l'espère se rétablira. Si la personne a des enfants, ses enfants ont sans doute leur propre famille, leur propre vie à vivre.

Au Québec, on a beaucoup parlé récemment d'offrir aux personnes concernées des aides-soignants pour que les aidants naturels puissent avoir un jour ou deux ou un week-end de répit. Je pense que cela relève de la responsabilité provinciale et non pas du gouvernement fédéral.

M. Cook : Oui.

Le sénateur Champagne : J'ai lu récemment — je vais passer au français, si vous permettez, ce sera plus facile pour moi.

[Français]

Les naturopathes nous disent que la retraite, souvent prématurée, cause des bouleversements physiques et émotifs tellement intenses que c'est là qu'on se retrouve avec des maladies qui, autrement, n'auraient pas été présentes. On se retrouve avec des gens malades.

[Traduction]

Au sujet des gens qui ne peuvent pas aller travailler, c'est comme si on les avait jetés. On dit : « Vous êtes trop vieux, faisons de la place pour les jeunes qui nous coûteront moins cher. » Ils tombent malades, au point de vue émotif et physique, et se retrouvent atteints de toutes sortes de maladies qu'ils n'auraient pas s'ils n'avaient pas pris une retraite prématurée.

Les soins à domicile sont très importants parce que les gens préfèrent être malades chez eux qu'à l'hôpital, mais il faut quelqu'un pour prendre soin d'eux. C'est le grand problème, pour les soins à domicile. La personne est chez elle, il faut la conduire à l'hôpital, elle y reçoit sa chimiothérapie, ou sa radiothérapie, puis il faut la ramener à la maison. Quelqu'un doit être là pour tenir le bol, en cas de haut-le-cœur, par exemple. Combien de temps quelqu'un peut faire cela chaque jour de la semaine?

Il y a des hôpitaux. Je sais que c'est moins coûteux quand les malades sont chez eux, mais il doit y avoir un moyen de trouver davantage d'aide.

M. Cook : Même si vous ne m'avez pas demandé...

Le sénateur Champagne : J'allais le faire.

M. Cook : À notre bureau de Toronto, nous recevons 100 à 150 personnes par semaine qui ont plus de 50 ans et qui cherchent du travail. Que je sache, nous sommes le seul employeur qui adore les personnes âgées de 50, 60 ou 70 ans. Vingt-cinq pour cent de nos travailleurs ont plus de 70 ans. La plus âgée, actuellement, a 86 ans et elle est avec nous depuis 20 ans.

Le sénateur Champagne : Je vais battre ce record.

M. Cook : Bien. Il vous reste encore du temps.

C'est la première chose que je voulais dire. J'avais autre chose...

Nous recevons beaucoup d'appels au sujet des soins à domicile. C'est une industrie en croissance. En 1985, j'ai vu ce marché arriver à maturité. Je me suis dit que d'une part, il y avait des personnes âgées assez jeunes, mais qui en raison de leur âge ne pouvaient se trouver d'emploi. Pourquoi ne pas les jumeler avec des personnes âgées qui avaient plus de 80 ans? C'était notre point de départ. Nous avons maintenant huit bureaux et nous faisons des millions de dollars. Je ne comprends pas pourquoi le gouvernement n'investit pas davantage dans les soins à domicile. Je vais à toutes ces réunions où on parle de choses et d'autres. Je parle de rencontres provinciales, pas fédérales. Ce qu'il y a à faire, c'est l'évidence même, mais pas pour eux. Vous avez raison au sujet des soins à domicile : les gens ne veulent pas se tourner vers les personnes âgées. Des gens de 90 ans disent : « Des vieux? Oubliez ça. »

Le sénateur Champagne : Le gouvernement fédéral remet des sommes colossales aux provinces et aux territoires. Nous venons d'étudier un nouvel accord qui commencera en 2014. La réglementation des soins à domicile est de compétence provinciale. On pourrait arriver à des résultats en l'inscrivant dans l'entente entre le fédéral et les provinces et territoires, quand l'argent est transféré : on dirait à quoi l'argent est destiné. Autrement, on n'arrivera à rien. Au lieu d'avoir des gens dans leur lit d'hôpital, on aura d'autres gens complètement épuisés parce qu'ils ont fourni trop d'aide sans arrêt pendant des semaines.

Je vais faire une demande, et vous me donnerez des nouvelles.

M. Cook : Bien. Pour que votre candidature soit étudiée, vous devez avoir plus de 50 ans et être gentille. Nous savons que vous avez déjà rempli un des critères.

Le sénateur Demers : Ma question s'adresse à M. Cook et elle sera courte parce que je sais que vous me donnerez une réponse sincère. Merci beaucoup pour votre excellent exposé. On y voit tous les problèmes de notre société, qu'il s'agisse des déficiences ou des problèmes liés à la jeunesse.

Récemment, j'ai prononcé une allocution au Mont-Tremblant, au Québec, vous étiez peut-être, monsieur Cook, devant l'Association des résidences pour personnes âgées. Je ne sais pas si vous y étiez. Il y avait là beaucoup de propriétaires de résidences pour personnes âgées et d'exploitants. Je tiens à dire qu'il y avait là beaucoup de bons propriétaires, qui tiennent à bien prendre soin des personnes âgées. Ils font de l'argent, ils sont en affaires, mais ils tiennent aux personnes âgées. Manifestement, il y en a d'autres, qui les exploitent. Avez-vous vu les choses évoluer? L'avez-vous constaté, vous-même? Plus important encore, monsieur Cook, y a-t-il eu une amélioration dans ce domaine?

M. Cook : Oui. Certaines provinces ont resserré leurs réglementations. Je pense que les choses s'améliorent. Apparemment, seulement huit personnes de 65 ans ou plus sur 100 vivent dans un CHSLD. Quatre-vingt-douze pour cent des personnes âgées restent chez elles.

Le sénateur Cordy : Vos exposés étaient excellents. Nous venons de compléter un rapport sur la pauvreté et nous comprenons bien tout ce que vous dites, puisque les groupes que vous représentez semblent être en tête de liste de ceux qui risquent de vivre dans la pauvreté.

J'aimerais d'abord parler des personnes handicapées. La pauvreté a des raisons qui sont aussi variées que les personnes qui vivent dans la pauvreté, mais les déficiences sont au haut de la liste, sinon au premier rang. Je sais ce que vous pensez du maintien de la Sécurité de la vieillesse à 65 ans, vous l'avez dit à quelques reprises et je suis d'accord avec vous là-dessus.

J'aimerais que nous parlions d'une autre question que vous avez soulevée, soit les prestations de maladie de l'assurance-emploi qui devraient être offertes pour un an.

Il y a quelques années, Mark Eyking, le député de Cap-Breton, avait présenté un projet de loi d'initiative parlementaire à la Chambre des communes, mais il est mort au Feuilleton. Il avait présenté ce projet de loi parce qu'une de ses employés avait le cancer et ne serait certainement pas prête à revenir au travail après la période de 15 semaines, je crois. Elle ne pouvait pas revenir à ce moment-là, et sa famille avait des difficultés financières, comme c'est le cas souvent pour les personnes atteintes de cancer, les accidentés, et cetera.

Avez-vous présenté cette idée à quiconque au ministère, à la ministre, à des fonctionnaires fédéraux? Avez-vous proposé que les règlements de l'assurance-emploi en matière de congé de maladie soient modifiés?

M. Dolan : Nous l'avons présentée à la ministre de RHDCC, responsable de l'assurance-emploi. Cela a un effet, bien entendu, sur ceux qui ont une invalidité épisodique. Je pense à des crises de sclérose en plaques, qui peuvent durer plus de 15 semaines. Ces personnes ne sont pas prêtes à revenir au travail, mais elles veulent revenir au travail, elles en ont besoin, tout d'abord pour avoir un revenu stable, mais elles ne peuvent revenir au travail et n'ont peut-être pas chez leur employeur un programme d'assurance-invalidité à long terme.

Le sénateur Cordy : On pense souvent que tout le monde a accès à des prestations d'invalidité à long terme au travail, mais en réalité, c'est assez rare.

J'aimerais aussi revenir à vos propos sur l'inclusion de la main-d'œuvre et sa participation : un emploi, c'est plus qu'un revenu. C'est important aussi pour son bien-être, sa dignité, notamment. D'autres en ont parlé dans leurs exposés.

Alors comment envisagez-vous cela? Tout le monde semble détester les quotas, alors comment pensez-vous que la loi, les règlements ou quoi que ce soit permette de garantir que les personnes ayant une déficience puissent avoir leur chance, parce que ce n'est pas ce qui se produit et elles n'obtiennent pas d'emplois bien rémunérés?

M. Dolan : J'ai récemment pris ma retraite. J'ai travaillé pour le gouvernement fédéral pendant de nombreuses années. Je n'essaie pas de trouver des excuses, mais j'ai travaillé dans le domaine de la sensibilisation en matière d'emploi et de recrutement, et je sais que cela fonctionnait très bien lorsque nous communiquions avec la collectivité, et que nous tendions la main aux personnes ayant une déficience et aux organisations les représentant, lorsque nous les sensibilisions et les encouragions, lorsque nous les embauchions dans le cadre de programmes pour étudiants et que nous attirions de jeunes gens qui faisaient des études postsecondaires. Nous allions les chercher.

C'est terrible à dire, mais nous avions la chance de les mettre à l'épreuve et ils avaient la chance de nous mettre à l'essai en tant que milieu de travail. Quand on vit à l'Île-du-Prince-Édouard, on sait que le gouvernement fédéral est un employeur de choix. Les gens veulent travailler à la fonction publique fédérale. Mais je n'aime pas non plus le mot « quota ». Je ne l'aime pas parce que vous pourriez être la personne représentative de ce groupe particulier.

Le sénateur Cordy : Vous avez raison, et ça c'est un point négatif pour tous.

M. Dolan : Oui, ça a une connotation négative. Une personne ayant des déficiences, comme toute autre personne, veut obtenir un bon emploi. Elle veut contribuer à la société. Et comme je l'ai dit plus tôt, et vous l'avez également mentionné, ce n'est pas uniquement une question de rémunération. C'est le désir de faire quelque chose d'important de sa vie, le désir de contribuer et de faire partie de quelque chose.

Bien souvent on demande aux gens : « Quel travail faites-vous? » Quelquefois, nous nous définissons par ce « Quel travail faites-vous? » et c'est une véritable tragédie de ne pas être en mesure de faire en sorte que davantage de personnes travaillent. Le fait d'avoir un emploi stable — encore une fois, je ne veux pas en faire une affaire personnelle — a rendu ma vie beaucoup plus facile. Ma déficience, la raison pour laquelle je suis dans un fauteuil roulant, j'ai vécu ça de façon différente après avoir immigré au Canada et occupé un travail tout à fait différent. Je suis de nouveau devenu fonctionnaire fédéral.

Le fait de ne pas marcher me préoccupait très peu une fois que j'ai obtenu cet emploi. C'était ma plus grande peur. Je me souviens être dans un lit d'hôpital et me disant : « Oh, mon Dieu, que vais-je faire du reste de ma vie? » et ce n'est pas parce que je n'allais plus pouvoir marcher. Je me préoccupais plutôt parce que je me disais : « Que vais-je faire? Comment vais-je faire pour m'acheter une maison, fonder un foyer et avoir une famille? » Ces choses étaient plus importantes pour moi. Comme vous pouvez le voir, la valeur d'un emploi est quelque chose qui me tient à cœur.

Le sénateur Cordy : Absolument, et le fait que vous soyez en fauteuil roulant ne vous rend pas moins brillant, cela ne fait aucun doute.

Il y a quelques années, des publicités que j'estimais excellentes portaient sur l'embauche de personnes ayant des déficiences.

M. Dolan : Nous avons sensibilisé les gens. Nous en faisions davantage il y a quelques années comparativement à aujourd'hui.

Le sénateur Cordy : Mon époux, qui est à la retraite, vous dira que maintenant les gens lui demandent : « Que faisiez- vous comme travail? », alors, ce genre de chose ne s'arrête jamais.

J'aimerais maintenant que l'on parle de l'immigration, et encore une fois, les nouveaux immigrants étaient en tête de liste lorsque vous avez parlé de pauvreté. Vous avez mentionné un certain nombre de choses qui devraient avoir lieu, des politiques fiscales, vous avez également soulevé le besoin en matière de logement, d'apprentissage précoce et de garderies. Vous avez dit que le Programme de contestation judiciaire devrait être rétabli.

Vous avez parlé d'une approche globale, parce que l'on ne peut pas penser à améliorer le sort des gens en tenant compte des choses isolément. Vous avez également mentionné le logement, on ne peut rien prendre de façon isolée. Pourriez-vous nous donner davantage d'explications à cet égard? Vous avez dit qu'il fallait établir des mesures pour les résultats et établir des dialogues sur l'inclusion sociale. Pourriez-vous nous en parler davantage? J'ai trouvé que c'était une excellente façon d'aborder la question.

Mme Go : Le comité se penche sur l'ensemble de la question de l'inclusion sociale, ce qui pour moi veut dire : que faut-il faire pour que les gens aient un sentiment d'appartenance et estiment avoir le même accès aux possibilités que les autres? Et voilà que nous nous réunissons aujourd'hui; nous parlons de déficiences, de race et de la jeunesse comme s'il s'agissait d'entités distinctes, mais en fait, une personne peut incarner un certain nombre de sources de vulnérabilité ou d'identité.

Je suppose que plus je prends de l'âge, plus je deviendrai une personne âgée ayant des déficiences et qui est également racialisée en tant que femme par exemple.

Le sénateur Cordy : Toutefois, pas en tant que jeune.

Mme Go : Non. Une vue globale signifie que l'on pourra régler une partie du problème grâce à une méthode complexe, intégrée et intersectionnelle.

Je lisais un rapport ou une étude parlant de l'inclusion sociale faite par Grace-Edward Galabuzi et d'autres universitaires. Ils examinent cette question non seulement du point de vue de la santé ou de l'emploi, mais également du fait qu'il faut examiner tous ces secteurs différents parce que chaque élément de notre vie est touché d'une façon ou d'une autre.

Les mesures que vous allez adopter devront tenir compte de ces différents éléments de notre vie, comme l'accès à l'emploi, l'accès aux services de santé, aux transports, et à la façon dont on participe au processus politique ou économique, et j'ajouterais, le processus juridique. Il faut également en tenir compte par rapport à d'autres paramètres étant donné qu'au bout du compte nous devrons savoir que les politiques que vous adopterez pourront en fait permettre de faire une différence dans la vie de ceux qui sont identifiés comme étant les plus vulnérables, parce que si l'on ne considère pas les données comme faisant partie d'un ensemble, cela serait impossible à déterminer.

Par exemple, si vous rédigez une politique visant disons à accroître les prestations d'assurance-emploi, je ne sais pas, soit en faisant passer les prestations de 55 à 60 p. 100 du salaire et que vous voudriez savoir comment cela touchera les gens, savoir si cela améliorera leur vie ou pas, si vous ne tenez pas compte de l'ensemble des données, vous ne saurez pas si ce changement touchera davantage les personnes ayant des déficiences ou plutôt les personnes âgées ou les jeunes. Au début, lorsque l'on commence à mettre en œuvre ces politiques, il faut également recueillir des données de façon séparée afin de savoir au bout du compte si cela a fonctionné ou non.

Pendant longtemps, nous comptions beaucoup sur les données de recensement qui nous donnent beaucoup de données distinctes. Toutefois, parce que le gouvernement a aboli le formulaire long obligatoire du recensement, le formulaire court ne permet pas en fait de recueillir l'information sur les déficiences ni la race. Dans cinq ans, nous ne saurons pas si les chiffres concernant les déficiences ont augmenté ou n'ont pas changé parce que cette information ne sera plus recueillie.

Je pense qu'il est très important de disposer de ces données et que l'on continue de les recueillir de façon séparée afin de savoir ce qui se passe.

Le président : Techniquement, je ne pense pas que le questionnaire long ait été aboli; c'est tout simplement que l'on ne fait plus l'objet de poursuites judiciaires si on ne le remplit pas. J'ai cru comprendre qu'il serait envoyé à un plus grand nombre de personnes. Il faudra voir comment cela fonctionnera, c'est un point technique que je voulais soulever.

Nous passons maintenant la parole au sénateur Dyck suivi par le sénateur Seidman et ensuite par le sénateur Seth.

Le sénateur Dyck : Merci pour vos exposés. En vous écoutant, on peut se sentir presque déprimé à l'image de la pauvreté et des barrières auxquelles font face les gens. Jusqu'à maintenant vous nous avez présenté d'excellentes idées et des pratiques prometteuses.

Lorsque vous parliez, je ne pouvais m'empêcher de réfléchir à la Loi canadienne sur les droits de la personne. Pendant une grande partie de ma vie, j'ai mis l'accent sur des questions d'équité à l'université et j'ai examiné les choses comme le Programme de contrats fédéraux pour l'embauche de personnes provenant des quatre groupes désignés par la Loi canadienne sur les droits de la personne. Il n'y a pas eu d'importants changements depuis les 20 ou 25 dernières années.

Comme vous l'avez dit, nous percevons cela habituellement comme un problème, par exemple, les jeunes comme étant un problème. Toutefois, peut-être devrions-nous plutôt considérer cela comme une possibilité. Existe-t-il des programmes dans les provinces, ou peut-être même dans d'autres pays, qui visent à améliorer les possibilités pour les personnes âgées, les minorités visibles, les jeunes ou les personnes avec déficiences pour ce qui est de surmonter les barrières à l'éducation ou à l'embauche? Nous connaissons les chiffres; nous savons qu'il y a des problèmes. Que pourrions-nous faire concrètement si nous avions l'argent? Comme vous l'avez suggéré, madame Go, si nous disposions de quelques milliards de dollars, quelles sortes de programmes pourrions-nous établir? Des partenariats fédéraux avec les fondations provinciales ou territoriales? Que pourrions-nous faire?

M. Nikias : Sur la question des déficiences et de la participation au marché du travail, j'aimerais faire quelques suggestions précises et par la suite une observation plus générale.

Mon collègue a parlé du gouvernement fédéral. Une initiative utile et bien précise serait que le gouvernement fédéral se déclare un employeur modèle pour les personnes ayant des déficiences. C'est très précis, et cela nécessiterait des initiatives particulières. Je vous incite fortement à y songer.

Pour ce qui est des questions plus générales portant sur le marché du travail, l'une des initiatives importantes ferait en sorte d'engager des discussions avec les provinces afin que le soutien aux déficiences ne soit plus lié aux prestations d'aide sociale. Il semble à l'heure actuelle que de 45 à 60 p. 100 des prestataires d'aide sociale soient des personnes handicapées. Certaines d'entre elles n'ont pas intérêt à se chercher du travail parce que si elles en obtenaient un, elles perdraient probablement certaines des prestations qu'elles reçoivent comme prestataires d'aide sociale. C'est un élément dissuasif. Le fait de traiter de façon distincte l'aide sociale, le volet revenu, par rapport à d'autres prestations constituerait une excellente initiative.

Nous avons en fait travaillé sur cette question en tant que pays par le passé. Il existe un rapport intitulé À l'unisson : Une approche canadienne concernant les personnes handicapée, il s'agissait d'un accord intergouvernemental signé par les premiers ministres. Malheureusement, nous n'avons pas donné suite à ses conclusions et recommandations. Il serait intéressant que vous trouviez ce rapport afin de le consulter.

Finalement, toutes ces choses peuvent prendre forme si nous prenons des mesures pour la mise en œuvre intégrale de la Convention relative aux droits des personnes handicapées de l'ONU, qui n'a été ratifiée qu'il y a deux ans. Le Canada a joué un rôle de premier plan dans l'élaboration de ce document. Cette convention ainsi que le rapport À l'unisson pourraient constituer une excellente feuille de route pour les mesures concernant les personnes handicapées au Canada.

Mme Blanchet-Cohen : C'est une excellente question. Je pense qu'il existe d'excellentes organisations. On pourrait examiner chaque province et constater qu'elle comprenne d'excellentes organisations pour les jeunes. Par exemple, il existe à Vancouver l'Environmental Youth Alliance; tandis qu'à Montréal il y a L'apathie c'est plate; et il existe d'autres organisations pour les jeunes à Halifax. Il s'agit d'initiatives intéressantes; toutefois, je pense que ces organisations sont plutôt de petite taille.

Lorsqu'on a mis sur pied l'initiative YouthScape, nous avons tenu un appel de propositions. Il n'y avait pas beaucoup de soumissionnaires parmi lesquels on pouvait choisir, et nous avons fini par choisir de travailler avec des organisations traditionnelles. Je pense également que c'est une question de savoir travailler avec les organisations de grande taille. Oui, il faut soutenir les organisations dirigées par les jeunes, mais il faut également transformer les organisations de grande taille qui soutiennent également beaucoup le travail des jeunes. C'est important d'en tenir compte.

Pour ce qui est des pratiques exemplaires — et je n'arrive pas à me souvenir d'un exemple immédiatement — je pense qu'il faut également examiner les possibilités de travailler en partenariat avec le secteur privé, parce qu'il existe des possibilités pour les entreprises du secteur privé d'intéresser les jeunes et de les employer de façon valable. Il s'agit d'investissements à long terme pour ces entreprises. Nous avons entamé ce type de dialogues et nous constatons, en examinant ce genre de modèles ailleurs, qu'il s'agit d'une pratique prometteuse.

Le président : Madame Go, voudriez-vous nous faire part de vos observations sur cela?

Mme Go : La façon dont je le perçois, c'est que, parfois, il n'est peut-être pas nécessaire de regarder ailleurs. Il y a des choses que nous avons fait par le passé ou qui ont été faites à l'échelle fédérale ou provinciale et qui sont déjà en place, mais qui auraient peut-être besoin d'être ajustées ou améliorées afin qu'elles puissent véritablement profiter au plus grand nombre de personnes possible.

En matière d'emploi par exemple, chaque année on lit dans le Globe and Mail que le journal va dresser la liste des meilleurs employeurs en matière de diversité ou bien qu'ils vont présenter les 500 meilleurs employeurs par exemple. Si on lit cette liste, on constate que bon nombre de ces employeurs, plus de 90 p. 100 d'entre eux en fait, qui sont recensés comme ayant la main-d'œuvre la plus diversifiée avec une bonne représentation de femmes, de personnes handicapées, de personnes provenant de minorités raciales, de groupes autochtones, et cetera sont essentiellement réglementée par le gouvernement fédéral. Et c'est parce qu'ils sont assujettis au respect de l'obligation contractuelle en vertu de la Loi sur l'équité en matière d'emploi; il ne s'agit pas d'établir des quotas en tant que tels, mais plutôt d'établir des objectifs et des calendriers, ainsi que d'encourager les employeurs à faire en sorte que leur effectif soit représentatif de la population à l'endroit où se situe l'entreprise.

Nous disposons de ces mécanismes. Toutefois, quelques fois, par exemple en ce qui a trait à la Loi sur l'équité en matière d'emploi, peu de vérifications ont lieu de sorte que nous ne savons pas quelle est son efficacité. Peut-être pourrait-il y avoir davantage de vérifications afin que les employeurs sachent qu'ils doivent respecter la loi et l'obligation contractuelle.

M. Dolan en a également parlé, c'est-à-dire qu'en dépit du fait qu'il y ait des ententes avec les provinces, les gouvernements provinciaux n'ont pas nécessairement établi de loi sur l'équité en matière d'emploi. En fait, dans la grande majorité des cas, les milieux de travail sont réglementés par les provinces plutôt que par les lois fédérales. La portée de la loi fédérale sur l'équité en matière d'emploi ne s'étend pas jusque dans les provinces où l'on a besoin d'équité en matière d'emploi.

Dans les cas où des investissements ou des accords conjoints ont lieu avec les provinces, je proposerais qu'on y ajoute l'exigence pour les provinces d'appliquer les principes d'équité en matière d'emploi pour ce qui est des emplois créés à la suite de ces investissements. Je pense que ce serait une bonne façon d'améliorer l'accès à l'emploi pour les minorités raciales et les groupes marginalisés, notamment les personnes handicapées et les femmes.

Le sénateur Seidman : Merci beaucoup pour vos exposés. Même si vous étiez réticents au départ à répondre aux questions du sénateur Eggleton sur les pratiques exemplaires, je pense qu'à bien des égards vous avez présenté de nombreuses bonnes idées.

J'aimerais mettre l'accent sur un aspect en particulier, c'est-à-dire la participation. Je pense que, M. Cook, très certainement dans votre organisation — que, soit dit en passant, vous avez appelé une « organisation de soins à domicile non médicaux », ce qui est important, je crois, parce que les soins à domicile comprennent beaucoup plus que les services médicaux.

Madame Blanchet-Cohen, il y a le programme que vous nous avez présenté, le programme YouthScape. En vous écoutant parler, j'estime que vous avez tous les deux réussi dans ces programmes, et que vous avez pu faire participer les personnes qui sont réellement isolées et exclues.

Pourriez-vous nous décrire, d'une façon concrète et non théorique, certains des aspects de votre programme et comment vous avez pu faire participer ces personnes?

Mme Blanchet-Cohen : Je pense qu'il est vrai de dire que la participation permet de soutenir les pratiques prometteuses.

Je pense que la participation constitue un changement et une façon différente de travailler avec les jeunes parce que l'on considère souvent les jeunes comme étant un problème qu'il faut régler, surtout pour ce qui est des jeunes marginalisés, comme étant des victimes. Toutefois, lorsqu'on considère que les jeunes ont des opinions — ils ont vécu des expériences; ils connaissent la vie dans la rue; les adultes ne peuvent pas parler en leur nom — on adopte alors une approche davantage axée sur la participation. C'est un changement de paradigme, parce que nous n'avons pas l'habitude de travailler avec des jeunes de cette façon.

Les jeunes savent vraiment ce qu'est la participation. Je pense que c'est quelque chose de très puissant, c'est-à-dire qu'on ne vous laissera jamais tomber si vous utilisez une approche mobilisatrice et participative.

Je me souviens de l'exemple d'une jeune femme à Saskatoon. Les travailleurs des services à la jeunesse étaient un peu découragés de ces gens qui arrivaient en retard. Il s'agissait de jeunes de la rue qui étaient dans un programme d'emploi pour les jeunes. J'ai assisté à une rencontre du personnel et une jeune Autochtone, qui avait ses propres expériences de vie, ne semblait pas écouter la discussion et tout d'un coup, elle s'est levée et a dit : « Pourquoi ne vous concentrez-vous pas sur le positif? Pourquoi ne regardez-vous pas toutes les compétences qu'ont ces jeunes? Ces jeunes ont vécu dans la rue. Ils ont des compétences en mathématiques. Ils savent manœuvrer et négocier. Pourquoi ne misez-vous pas sur cela? » Voilà comment on peut les mobiliser, les faire arriver à temps et participer. Je pense que la participation est une façon de les allumer et que c'est préférable de faire cela que de les enfermer. Enfermer les jeunes, c'est une façon de les éteindre. Je pense que la participation est l'approche que l'on devrait tous utiliser, que ce soit en première ligne ou au niveau des politiques.

M. Cook : En ce qui concerne la participation concrète, nous employons environ 1 000 jeunes personnes âgées, dont certains ont travaillé chez Bell Canada pendant 42 ans, qui sont retraitées et cherchent quelque chose à faire. Ce sont des ingénieurs et des comptables agréés — je suis comptable agréé. Ils viennent de différents horizons. Ils sont à la maison. Ils s'ennuient à mourir. Ils cherchent quelque chose à faire. Ils aiment rencontrer de nouvelles personnes. Malheureusement, certains d'entre eux ont besoin d'argent pour payer le loyer et ils ont 72 ans, alors leur situation n'est pas bonne. Nous leur donnons un emploi et les gardons occupés. Certains gagnent 30 000 $ ou 40 000 $ par année chez nous. La moyenne est probablement d'environ 10 000 $ par année. Lorsqu'on a 75, 74, 68, 62, ou 58 ans — la première coordonnatrice que j'ai embauchée il y a 27 ans, j'ai dû contourner la loi pour le faire. C'était illégal. Je lui ai demandé quel âge elle avait. Elle m'a répondu qu'elle avait 58 ans. Je lui ai dit : « Parfait, venez et je vais vous faire passer une entrevue. » Elle est venue et je l'ai embauchée. Trois mois plus tard, elle m'a demandé si je me souvenais que je lui avais dit que c'était parfait qu'elle ait 58 ans. Elle a dit qu'elle a été complètement surprise par cela parce qu'on lui avait refusé des postes à cause de son âge. Nous faisons quelque chose de concret, et j'aimerais qu'on élargisse nos activités pour employer encore plus de gens. C'est une situation gagnante-gagnante-gagnante. Les jeunes personnes âgées ont quelque chose à faire, les personnes très âgées ont quelqu'un pour s'occuper d'elles, et entre les deux, il y a notre entreprise.

Le sénateur Seidman : Si je peux poursuivre avec vous, monsieur Cook. J'aimerais savoir comment ces personnes dans la cinquantaine s'intéressent à votre entreprise.

M. Cook : Elles nous appellent.

Le sénateur Seidman : Elles vous appellent?

M. Cook : Oui. Nous existons depuis longtemps. Comme je l'ai dit plus tôt, nous recevons 100 appels par semaine au bureau de Toronto de gens de plus de 50 ans qui cherchent du travail. Nous ne pouvons pas tous les utiliser, ce qui est dommage.

Le sénateur Seidman : Vous avez des gens dans la collectivité. Est-ce que vous les jumelez? Comment est-ce que cela fonctionne?

M. Cook : Oui, nous créons un dossier sur la personne soignée et nous la jumelons avec le dispensateur de soins. Certains offrent des services de chauffeur, d'autres nettoieront la maison et certains vivent avec la personne soignée. Nous faisons ce jumelage. Nous avons eu une femme d'Irlande qui était 20 ans plus jeune que la personne soignée et qui vivait à 10 milles de chez elle, mais elles provenaient toutes les deux de la même région de l'Irlande. Elles se sont très bien entendues. Au bout du compte, la fille de la personne soignée m'a dit qu'elle ne savait pas si c'était la dispensatrice de soins qui s'occupait de sa mère ou si c'était sa mère qui s'occupait d'elle.

Le sénateur Seidman : Vous êtes une entreprise privée.

M. Cook : Oui.

Le sénateur Seidman : Vous vous financez à partir de l'argent que les gens vous paient.

M. Cook : C'est exact, et tous les travailleurs sont nos employés.

Le sénateur Seidman : Pour ces activités?

M. Cook : C'est exact.

Le sénateur Seidman : Et vous êtes autosuffisants de cette façon.

M. Cook : Oui.

Le sénateur Seidman : C'est un bon exemple d'une entreprise privée qui répond à un besoin public.

M. Cook : C'est exact.

Le sénateur Seidman : Merci.

Le sénateur Seth : C'est intéressant d'entendre les personnes âgées, les minorités visibles, les jeunes, et cetera.

J'ai été médecin et j'ai constaté cela quotidiennement pour les personnes âgées, les personnes avec déficiences, les jeunes, et cetera. Cela fait partie du quotidien. C'était très bien présenté.

En ce qui concerne les déficiences, c'est quelque chose qui m'est très cher, et je fais beaucoup de collectes de fonds, que ce soit pour les déficiences mentales, physiques ou visuelles.

Statistique Canada indique qu'il y a eu un changement d'attitude envers les personnes ayant une déficience dans la société canadienne. Cela a fait qu'il y a plus de gens qui déclarent leurs déficiences. Est-ce que cela correspond à vos observations? Est-ce que le changement d'attitude a rendu plus facile la participation dans la société canadienne des personnes ayant des déficiences?

Puisque les faits indiquent que les personnes avec des déficiences sont surreprésentées chez les victimes de crime, dans quelle mesure est-ce que la sécurité personnelle empêche les personnes handicapées de plus participer dans les collectivités où elles vivent? Avez-vous des suggestions qui pourraient rendre les villes canadiennes plus sécuritaires pour les Canadiens ayant des déficiences?

M. Nikias : En ce qui concerne votre première question, c'est important pour nous tous — vous en tant que représentant du gouvernement et du Parlement canadien, et nous en tant que personnes ayant des déficiences et membres du Conseil des Canadiens avec déficiences — de reconnaître que nous avons fait beaucoup de progrès au Canada. Nous avons fait beaucoup de progrès en travaillant ensemble, surtout au cours des 30 dernières années.

L'une des choses qui s'est produite pendant cette période, c'est qu'en consacrant la protection et l'égalité des personnes avec déficience dans la Constitution canadienne — et nous en célébrerons le 30e anniversaire cette année, le 17 avril — nous avons changé les attitudes. Nous avons fait des progrès. Il y a eu un changement de paradigme, et c'est davantage une question des droits de la personne qu'avant, alors il y a eu des changements.

Nous avons rassemblé les réalisations au Canada. Récemment, nous avons publié une anthologie de ce qu'ont dit les personnes avec déficiences pour décrire les étapes que nous avons franchies. Vous trouverez cette anthologie à www.ccdonline.ca. Vous pourrez lire ce que disent les personnes avec déficiences au sujet des progrès que nous avons faits.

M. Dolan : Je veux répéter que nous avons fait beaucoup de progrès. Les gens déclareront plus facilement leurs déficiences. Nous avons fait des progrès du côté de l'emploi également. Nous avons certainement fait des progrès en ce qui concerne l'accessibilité.

Vous avez demandé si les gens déclarent leurs déficiences. Il reste toujours une certaine hésitation chez les gens avec des déficiences cachées, comme l'épilepsie et les déficiences en santé mentale. Il reste certaines idées fausses concernant l'épilepsie. Il y a d'énormes idées erronées concernant la santé mentale. Les gens ayant ce type de déficience hésitent toujours à le déclarer parce que ce ne sont pas des déficiences aussi visibles que celle de M. Nikias ou la mienne. Je ne peux pas la cacher, alors bien sûr, je la déclare.

En ce qui concerne la violence envers les personnes avec déficiences, cela semble être un problème plutôt pour les personnes qui ont des déficiences assez graves, et qui se sentent vulnérables dans la société. Elles se sentent vulnérables parce qu'elles ne peuvent pas se sauver si elles font l'objet de violence. Pour les femmes particulièrement, il y a eu des cas déclarés où elles se sentaient vulnérables. Là où je vis, à l'Île-du-Prince-Édouard, ce n'est pas un problème, mais dans certaines grandes villes, les personnes avec déficiences se sentent vulnérables et font l'objet d'attaques.

Le sénateur Seth : Quelle protection ou quels changements pourraient être apportés pour améliorer la situation? Voilà ma question.

M. Dolan : Je n'ai pas de réponse sauf pour dire que les gens doivent être conscients de leur situation et ne pas se placer dans des situations dangereuses.

Le sénateur Seth : Je sais que nous avons beaucoup progressé. À ce que je sache, on disait auparavant que les personnes avec déficiences étaient des infirmes. Ce mot a disparu et on parle maintenant de déficience. Lorsque je participe à des activités de financement, je vois des personnes avec déficiences qui sont plus capables, et je m'en réjouis. Pourquoi est-ce qu'on ne peut pas faire dans tous les domaines ce qu'on a pu faire avec les déficiences? Il y a eu tout un changement au cours des 15 dernières années.

M. Dolan : De plus, nous nous sommes éloignés du modèle médical des déficiences, alors que l'on était perçu comme des objets de pitié et de charité. La déficience est maintenant une question des droits de la personne et d'accès. Avec l'article 15 de la Charte des droits et libertés, depuis 1982, et l'inclusion, nous sentons que nous avons le droit à l'égalité et à la citoyenneté, plutôt qu'au modèle Oliver Twist de la charité. Nous étions avant des objets de mendicité et n'obtenions que des miettes.

Le sénateur Seth : Ces choses n'existent plus. Les gens donnent aux organismes de charité pour améliorer la vie des autres, pas par mendicité. Il est clair que je vois des changements.

M. Nikias : Il y a un signe très précis d'espoir et de progrès. La Cour suprême du Canada a rendu il y a environ un mois sa décision dans l'affaire R. c D.A.I. dans laquelle elle indiquait que les témoignages des personnes avec déficiences — et il s'agissait d'une affaire ayant trait à la capacité d'expliquer la vérité — devaient être évalués. Il s'agit d'une décision compliquée, mais on y dit en gros que le témoignage des personnes avec déficiences doit être évalué, et non pas rejeté, d'après la Cour suprême du Canada. Je pense que c'est un pas en avant, un signe positif. D'une certaine façon, cela contribuera à une société plus sécuritaire à long terme pour les personnes avec déficiences.

Le sénateur Seth : Merci.

Le sénateur Merchant : Je veux remercier chacun d'entre vous de vos exposés instructifs. Je m'en voudrais de ne pas saluer spécialement M. Nikias, mon compatriote. Je sais que vous travaillez très fort, et je suis heureuse de voir que vous êtes rempli d'espoir. J'ai certaines questions, et peut-être devrais-je les poser à Mme Go.

J'ai été membre fondateur de la Fondation canadienne des relations raciales en 1996. Son rapport annuel 2010-2011 indique qu'il nous est « permis de croire que nous réalisons d'importants progrès vers l'atteinte d'une harmonie sociale et d'un sentiment d'appartenance plus solides. » En même temps, le rapport indique que deux Canadiens sur trois croient que les minorités visibles et les Blancs sont traités de façon égale dans les milieux de travail, qu'un Canadien sur trois disait avoir été témoin d'incidents racistes dans l'année précédente, et qu'il y avait autant de Canadiens qui croyaient que le racisme était à la hausse au Canada qu'il y en avait qui croyaient l'inverse.

Êtes-vous d'accord avec leur évaluation des progrès sérieux et solides vers l'élimination du racisme? À ce sujet, que pensez-vous de ce que dit le rapport sur la profondeur des connaissances des Canadiens au sujet de la discrimination, du racisme et des comportements raciaux?

Mme Go : Il y a tellement de façons de répondre à cette question, que je ne sais par où commencer.

Je commencerais en disant que je pense que beaucoup de Canadiens ne sont pas très bien informés sur le présent et le passé. Cela fait environ 20 ans que je travaille sur le dossier des réparations pour la taxe d'entrée et la Loi sur l'immigration chinoise. Lorsque le premier ministre a présenté des excuses le 22 juin 2006, il y a eu une étude à peu près en même temps de l'Institut du Dominion pour savoir si les Canadiens connaissaient bien leur histoire. Environ 80 p. 100 des Canadiens de 15 à 25 ans ont échoué l'examen d'histoire. Seulement 30 p. 100 d'entre eux avaient entendu parler de la taxe d'entrée, à la suite du travail fait par les groupes communautaires à ce sujet.

Cela nous indique en partie où nous en sommes aujourd'hui parce que je pense que beaucoup de Canadiens n'en savent pas beaucoup à propos du passé. Pour cette raison, ils ne savent pas où nous en sommes aujourd'hui.

Je ne veux pas dire que nous sommes une société raciste ou que nous nourrissons un racisme conscient, qui vise qui que ce soit en particulier. Comme je l'ai dit au départ, je pense que le racisme aujourd'hui adopte des formes plus subtiles parce qu'il n'est plus toléré. Grâce à la Loi sur les droits de la personne et à la Charte, on ne tolère plus des remarques explicitement racistes; le gouvernement ne peut plus adopter de lois qui sont clairement racistes. Grâce à des programmes comme le Programme de contestation judiciaire, les gens ont pu contester devant les tribunaux des politiques ou des lois du gouvernement qui avaient des conséquences négatives sur certains de ces groupes, comme les personnes avec déficiences.

On a obtenu ces choses parce que des gens se sont battus pour elles. Ce n'est pas quelque chose qu'on nous a donné. Les gens se sont battus par le passé, en utilisant les outils disponibles, y compris la Charte et la Loi sur les droits de la personne afin d'obtenir des changements.

Je pense qu'on a obtenu ces changements grâce à ces programmes. Cependant, nous n'avons plus le Programme de contestation judiciaire. Je ne sais pas si cela ralentira les progrès. J'essaie de garder espoir parce qu'il y a tous ces groupes autour de la table, et des sénateurs comme vous, qui s'intéressent de façon évidente à ces problèmes. Je suis certaine qu'on continuera à faire des progrès, mais parfois j'ai l'impression que pour chaque pas en avant, on fait un pas en arrière. Les statistiques nous démontrent qu'il y a des différences et des disparités. Il y a toujours des crimes haineux, et plus de 50 p. 100 de ces crimes haineux ciblent toujours les gens de couleur. Nous ne pouvons pas non plus nier ces statistiques.

Je pense que je dirais qu'il y a du progrès, mais nous devons nous assurer qu'il continue. Nous devons être vigilants; nous ne pouvons pas simplement nous croiser les bras en pensant que les choses se feront tout seules. Nous sommes ici aujourd'hui parce qu'il y a eu des choses faites par le passé par des gens qui se sont battus pour elles.

Le sénateur Merchant : Chacun d'entre vous, à votre façon, a dit que nous faisions partie du gouvernement. Vous avez tous dit que vous vouliez une plus grande participation politique.

La participation électorale diminue constamment. Comment pouvons-nous aider les gens avec déficiences, les jeunes qui ne semblent pas être mobilisés, et les personnes âgées qui trouvent parfois difficile d'aller voter? Afin d'obtenir des changements, tout le monde doit participer au processus politique. On nous rappelle chaque jour que le gouvernement est là où il est aujourd'hui parce que des gens ont voté pour lui, et je suis d'accord avec cela. Cependant, comment pouvons-nous faire participer tous ceux qui n'ont pas participé? Que pouvons-nous faire, en tant que membres du gouvernement, pour arriver au genre de Canada que vous désirez?

M. Dolan : Élections Canada travaille avec nous actuellement. Au cours des années, il y a eu des problèmes concernant l'accès au vote. On est en train de trouver des solutions. Nous travaillons activement avec Élections Canada pour apporter certains changements. J'aimerais parler de changements. Mme Go a expliqué pourquoi il y a eu des changements positifs.

Malheureusement, comme nous le savons, les changements dans la société ne se font pas facilement; ce sont toujours les gens touchés, les gens les plus marginalisés, qui doivent prendre la parole en leur nom et se faire représenter par leurs organisations.

Sénateur Callbeck, au début des années 1970 à l'Île-du-Prince-Édouard, à une époque où ce n'était pas encore populaire et que vous étiez le ministre des services sociaux, vous avez aidé à la mise sur pied du Conseil des Canadiens avec déficiences de l'Île-du-Prince-Édouard. Nous vous en avons toujours été reconnaissants. Vous vouliez vous assurer que ces citoyens aient voix au chapitre.

Soit dit en passant, le changement ne s'effectue pas seul dans la société. Depuis que je suis arrivé au Canada, j'ai entendu parler du droit de vote accordé aux femmes, mais ce n'était pas grâce à l'auguste institution située de l'autre côté de la rue sur la Colline parlementaire. Aucun homme n'a pris la parole au Parlement pour déclarer : « Bon sens, c'est inacceptable. Les femmes devraient avoir le droit de voter, car elles sont des personnes tout comme nous. » Non, pas du tout. En fait, ce sont les femmes qui ont déclaré : « Bon sens, nous voulons voter. Nous avons le droit de voter. Nous sommes des citoyennes à part entière de ce pays également. »

Habituellement, ce sont les laissés pour compte qui disent : « Non, nous voulons avoir voix au chapitre, nous voulons faire partie de ce pays. Nous voulons une égalité entre les citoyens. »

Le président : Si vous avez d'autres observations à formuler sur cette question, je vous inviterais à répondre par écrit. Le sénateur Eggleton et moi poserons les dernières questions. Je tiens à ce que toutes les questions soient posées pour que nous puissions effectivement obtenir des réponses. S'il vous vient d'autres observations à formuler en discutant avec vos groupes respectifs au sujet de la participation, n'hésitez pas à les transmettre à la greffière qui assurera un suivi.

J'aimerais aborder trois éléments qui ont été soulevés aujourd'hui. D'abord, monsieur Cook, il me semble que lorsque vous avez décrit le fonctionnement de votre organisation, vous avez énoncé une pratique exemplaire. En effet, vous effectuez un lien entre deux ou trois questions d'importance sociale rattachées aux aînées. Je sais que nous détenons des renseignements sur la façon dont vous brassez vos affaires, et je comprends que le milieu des affaires est concurrentiel et qu'il y a des secrets industriels à protéger notamment, mais peut-être pourriez-vous nous transmettre un sommaire ou un lien vers une page Web affichant un résumé de votre modèle d'affaires. Ainsi, nous pourrions mieux comprendre comment vous interagissez avec ceux qui désirent travailler et sont en mesure de le faire lorsqu'ils atteignent une certaine étape et ceux qui ont besoin d'aide. J'aimerais que vous répondiez par écrit à cette question.

Deuxièmement, au sujet du logement des aînés, nous avons tous dans notre vie quotidienne entendu parler de ce terme. D'un côté, il est question « d'entreposage » et d'un autre, de divertissement au sein de centres offrant des occasions de socialiser et d'autres activités qui dénotent une attitude quasi-infantilisante de la part de nombreux gestionnaires.

Pourtant, je suis certain qu'il existe des exemples clairs de pratiques exemplaires ou de modèles de milieu de vie effectivement attrayants, par opposition à l'impression selon laquelle personne ne désire vivre dans ces endroits, quel que soit l'âge, en raison de certains stéréotypes. Il y a, en fait, certains centres attrayants pour les personnes âgées parce qu'on y offre un style de vie actif et une socialisation. Nous passons beaucoup de temps à nous assurer que le système scolaire comprend toutes les caractéristiques propres à la jeunesse; nous devrions nous attarder tout autant au logement des aînés pour nous assurer que c'est attrayant. J'aimerais que vous abordiez ce point dans votre réponse ultérieure.

Je m'adresse maintenant aux quatre groupes représentés. J'aimerais revenir sur la conversation entamée par le sénateur Martin au sujet de sa propre expérience. Elle semble avoir été surprise par la quantité de renseignements offerts. Cela nous amène à la question du guichet unique, soit un concept dont nous entendons beaucoup parler et qui se traduit en fait par la capacité, pour les entreprises, d'avoir accès à des renseignements sur tous les programmes ou règlements gouvernementaux ayant trait à leurs domaines d'activité à partir d'un seul site.

Je suis certain qu'il doit y avoir des exemples, et nous avons d'ailleurs entendu parler d'une possibilité à Vancouver. J'aimerais que vous nous donniez des exemples de guichet unique que vous auriez constaté dans chacun de vos domaines d'activité, soit des situations où en appelant à un seul endroit, vous pouvez être rapidement aiguillé pour un vaste éventail de questions que vous pourriez avoir. Je ne parle pas d'un centre d'appels typique où cela prend une heure et demie avant d'atteindre la quinzième division d'une section donnée et où on ne répond pas encore à la question que vous aviez au départ. Je fais référence à des réponses utiles comme celles que le sénateur Martin a eues durant son expérience. Pourriez-vous y réfléchir et nous transmettre ces exemples de pratiques exemplaires pour chacun des cas? Ce serait énormément utile à nos travaux.

Je cède maintenant la parole au sénateur Eggleton pour qu'il puisse au moins poser sa question officiellement et obtenir probablement une partie de réponse.

Le sénateur Eggleton : Ou une réponse écrite. Vous serez de toute façon appelé à écrire pour répondre à cette question. Je veux d'abord poser une question générale à tous les témoins avant de m'adresser précisément à Mme Go.

Aujourd'hui, un sondage réalisé par EKOS a permis de constater que la principale préoccupation des Canadiens est dorénavant l'inégalité des revenus. J'aimerais savoir ce que vous en pensez et si vous estimez que l'inégalité des revenus a une incidence sur la cohésion sociale, en particulier dans les grandes villes où cette réalité est sans doute plus marquante compte tenu de l'étroite proximité dans laquelle bien des gens vivent. C'était ma question d'ordre général.

Madame Go, j'ai une question plus précise pour vous. Vous avez parlé dans votre mémoire du document Poverty by Postal Code rédigé par Centraide du Grand Toronto, où l'on recense 13 quartiers à faible revenu qui sont particulièrement marqués par la pauvreté et tout un ensemble d'autres problèmes dont vous avez parlé également. Centraide a d'ailleurs publié un rapport l'année dernière portant sur la pauvreté dans les tours à logement, car les gens s'entassent de plus en plus dans des immeubles de grande hauteur.

Qui plus est, le professeur Hulchanski de l'Université de Toronto a publié l'ouvrage The Three Cities Within Toronto. Il constate que la ville est aménagée pour les Canadiens assez aisés, mais que cela a pour effet de repousser les citoyens à faible revenu vers des quartiers comme Scarborough, Etobicoke et North York. Il indique également que la classe moyenne se rétrécit largement. Dans les années 1970, la classe moyenne représentait 66 p. 100 de la population, alors qu'aujourd'hui elle n'équivaut qu'à 29 p. 100. Il y a donc une polarisation.

À l'époque où j'étais maire, nous avions des discussions au sujet de la formation d'enclaves, mais aujourd'hui, je crains que ces enclaves ne risquent de devenir des ghettos et que nous nous exposions à de l'agitation sociale. Nous n'aimons pas nous rappeler ce qui se passe dans certaines parties de l'Europe en imaginant que ces événements se produiront ici, mais des phénomènes troublants ont cours dans nos grandes villes actuellement.

Je crois que nous allons manquer de temps, alors je vous inviterais à me répondre par écrit sur la question de l'inégalité des revenus ainsi que de la situation dans les grandes viles.

Le président : Madame Go, peut-être que vous pourriez commencer à répondre oralement et vous présenterez le reste de votre intervention par écrit. Je demanderais à tous les témoins d'assurer un suivi à l'égard de la première question du sénateur Eggleton. La greffière communiquera avec vous pour que vous vous rappeliez tous les aspects de sa question.

Mme Go : Je souligne que nous ne voulons pas d'agitation sociale. Nous ne voulons pas en arriver là. Voilà pourquoi nous devons entamer immédiatement une conversation sur l'inégalité du revenu et les autres formes d'iniquités recensées dans les discours entendus aujourd'hui. Pour y parvenir, nous devons commencer à nous pencher sur la question de l'exclusion sociale dans le cadre de tous les thèmes abordés. Faute de conversation à cet égard, nous en arriverons à un point où il y aura de l'agitation sociale.

Le président : Un gros merci à tous. Encore une fois, je tiens à remercier mes collègues de leur efficacité en posant leurs questions dans un domaine où chaque enjeu pourrait en fait engendrer un long dialogue à tout moment. Nous avons réussi à aborder toute une gamme de questions, et en plus des questions précises que je vous ai posées et auxquelles je vous ai demandé de répondre par la suite, s'il y avait d'autres questions soulevées pendant cette discussion auxquelles vous avez réfléchi et sur lesquelles vous pourriez nous fournir d'autres commentaires, exemples et pratiques exemplaires, rien ne vaut un bon exemple pour nous aider à formuler nos recommandations à l'avenir.

Au nom de tous les membres du comité, je tiens à vous remercier d'être venus aujourd'hui et de nous avoir si bien communiqué vos expériences, votre savoir et vos bons conseils sur cette question si importante. Encore une fois, nous vous remercions.

Cela met donc fin à notre séance.

(La séance est levée.)


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